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Cold Case | Anaïs & Selma

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Anonymous
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Dim 10 Oct - 19:00 (#)



Ciel d’ocre terni à la clarté vacillante. Couleurs froides et senteurs mourantes. Je m’étais attardée à observer les environs en arrivant, voilà une heure de cela. Ça doit avoir du sens ici, pour certains.

Pas pour moi. En contrebas des hauts murs lisses de l’université, recouverts de ce blanc fade de vieil ivoire, les lumières hivernales s’accrochaient encore sur les aspérités du bitume de l’esplanade, lui conférant un aspect cru, râpeux comme une semelle usée. Des masses d’étudiants bruyants flânaient çà et là, dans l’ombre crochue des arbres dénudés, sous les vastes fenêtres qui déversaient les sanglots électriques des néons. Le jour mourait vite en cette saison. Par-dessus la frénésie marquant la fin des cours, les vrombissements des moteurs et les klaxons épars creusaient leur chemin jusqu’à l’intérieur des couloirs presque vides, et ajoutaient une touche lugubre dans les salles désertées.
De rares insectes se fracassaient contre les vitres. Le silence de la bibliothèque clapotait doucement de leurs chocs ténus, comme ils retombaient, sonnés, sur les rebords extérieurs balayés par un vent de plus en plus froid ; cadavres minuscules tombés à la recherche vaine de chaleur et de lumière. Je les ai observés un moment depuis le fauteuil de lecture coincé entre deux rayonnages, comme leurs mouvements erratiques créaient des lueurs fragmentées à la périphérie de ma vision. Ils retenaient davantage mon attention que le livre emprunté, barbant, posé entre mes mains. "Un essai sur l’art Maya de Teotihuacan" par le professeur Zimmer, disait la couverture. Une écriture plutôt froide, mécanique, avait finalement achevé tout mon début d’intérêt pour le sujet.
Des rubans de lumière blanchâtre tombaient au travers des livres situés au-dessus de moi, et l’air immobile, chaud et tamisé de la bibliothèque contribuait à créer une ambiance somnolente. J’ai étouffé un bâillement et j’ai consulté l’heure sur mon téléphone. Seize heures vingt et un. L’attente faisait naitre des mouvements nerveux et incontrôlés dans les muscles de mes jambes, tandis que les tables et les chaises de la bibliothèque râclaient le sol au rythme du passage des rares étudiants qui s’attardaient encore après les cours. Je n’aimais pas les universités. Leurs murs placardés d’affiches multicolores aux visages bienheureux, et ces rangées de casiers identiques s’étirant à l’infini dans leurs dédales aux carreaux lisses, à l’aspect clinique, faisaient remonter des souvenirs amers.

Ceux d’une autre Selma. Je n’avais pas remis les pieds dans un établissement scolaire depuis une éternité. Je n’aimais ni me mêler à la foule se déversant des salles et des amphithéâtres, ni respirer les odeurs aseptisées des nettoyants, qui réveillaient en moi les stigmates d’années laborieuses. Appelons ça une madeleine de Proust en version cancérigène. Comble du comble en fin de journée, on m’avait prise pour une étudiante par deux fois, me forçant à leur coller mon insigne sous le nez pour justifier ma présence. Passe-droit radical. Celui-ci m’avait aussi permis de récupérer les horaires de ma cible, tout comme l’entrée dans la bibliothèque universitaire, laquelle avait au moins le mérite d’exhaler les senteurs défraichies des livres, agréables comme une vieille étoffe ensoleillée.
J’ai tendu le bras pour classer le livre dans la rangée adjacente. Une autre étudiante a trainé les pieds en direction de la sortie, et j’ai fait un décompte rapide des personnes encore présentes. Ma cible était arrivée voilà dix minutes de cela. Je lui avais laissé quelques instants de paix pour s’installer tout au confort, bloc-notes et livres de cours, à une table non loin d’une fenêtre, trompant mon ennui par cette lecture des plus barbantes. Elle était jeune. Trop jeune à mes yeux. Anaïs Wilhm, tout juste dix-neuf ans et déjà un bon dossier, me suis-je récapitulée en me levant lentement. Je me suis étirée en silence, j’ai repoussé la chaise sous la table proche, en réajustant ma veste noire masquant à peine le tee-shirt à slogan ridicule et mes vieux colliers militaires oscillants contre mon buste.

"Do you believe ?" était inscrit en lettres vert fluo sur le devant du vêtement, assorties d’un alien verdâtre aux grands yeux tristes dont la main arborait un V victorieux, et d’une soucoupe volante caricaturale en guise de fond. Un pantalon de jean dévalé complétait l’ensemble détonnant. Deva aurait gueulé. La tenue décontractée me semblait cependant une meilleure approche, plutôt qu’un costume tendu à craquer, officiel à faire peur, pour un entretien informel. Version courte, je m’en fichais. Version longue, je n’avais aucune envie de me rendre la vie difficile en braquant cette Anaïs contre moi par un choix vestimentaire pincé. Version bonus, je détestais les costards.
J’ai traversé l’allée cirée en silence, mes tennis crissant légèrement sur le sol tiède, les mains dans les poches et le nez en l’air, détendue en apparence. Vigilance discrète, en réalité. On n’était jamais totalement une touriste face à une CESS avérée, comme en témoignait l’arme de poing dissimulée dans les replis de ma veste. J’ai bifurqué dans l’allée la plus recluse de la bibliothèque, là où Miss Wilhm s’était repliée pour étudier, et me suis approchée de sa zone de travail, sourire aux lèvres.
J’ai préféré donner dans le décontracté curieux.

« Salut. Pardon de vous interrompre dans le boulot. »

J’ai tiré une chaise sans vraiment attendre son autorisation, et me suis assise en face d’elle, les mains sur la table et le regard aimable planté dans le sien. Je n’avais même pas besoin de me forcer. Son cas m’avait inspiré une réelle sympathie à la lecture et, à cet instant, je ressentais le besoin sincère d’ouvrir une discussion avec celle-ci. J’ai poursuivi en glissant une main dans une poche de ma veste.

« Anaïs Wilhm, c’est ça ? Selma Weiss, FBI, » ai-je poursuivi en déposant discrètement mon badge ouvert sur la table.

Simplification. La mention du FBI conservait cette sonorité familière, rassurante, qui n’impliquait pas la révélation d’une identité surnaturelle. Qui plus est, les badges se ressemblaient si l’on n’y regardait pas de trop près. J’ai récupéré mon insigne au bout d’une trentaine de secondes, et j’ai jeté un coup d’œil intéressé vers son travail en cours, étalé sur la surface de la table.

« Est-ce qu’on peut discuter quelques minutes ? J’aurais besoin de votre aide, rien de grave, et ça ne prendra pas très longtemps. »

Autour de nous, les étudiants s’étaient raréfiés à cette heure-ci, laissant les lieux dans une bulle de calme, tout juste émietté par les grésillements furtifs des néons. J’ai croisé les mains sur la table, sans cesser d’arborer un léger sourire, consciente que les premiers instants allaient être les plus délicats.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
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Pseudo : Jambreaker
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Mar 2 Nov - 9:46 (#)



Une journée de plus qui s’achève dans un calme rassurant et qui recommence à devenir routinier. Penchée sur mes notes, une oreille attentive aux dernières recommandations du prof avant la fin du cours, je note rapidement les choses indispensables à faire, plus les extras que, de toute façon, je ferai aussi dans la foulée, histoire de garder le rythme. Lorsque l’heure de fin sonne finalement, je m’étire, sentant avec bonheur la tension quitter mon cou tandis que la marée estudiantine commence déjà à se frayer un chemin vers la sortie, trop heureuse d’échapper aux salles de cours jusqu’au lendemain, pour ceux qui auront la foi de venir après la soirée de ce soir. Je serai de ceux-là, ce n’est pas comme si j’avais envie d’aller à cette soirée de toute façon.

Je laisse la masse des étudiants pressés sortir d’abord avant de prendre à mon tour le chemin de la sortie pour me diriger vers la bibliothèque, havre de paix et de calme par excellence et seule endroit où on peut travailler en paix sans être constamment abordée par quelqu’un qui veut t’inviter à une soirée ou te faire rejoindre je ne sais quel club ou sororité obscure. Qu’on me traite de rabat-joie si on veut, mais j’ai bien assez à faire au quotidien sans devoir en plus récupérer de gueule de bois toutes les semaines comme certains semblent être capables de le faire. Ce n’est pas comme ça que j’aurai mon diplôme et j’ai de toute façon bien trop de mal à quitter la sécurité des murs de l’université ou de mon appartement pour aller dans la maison d’un inconnu pour me mettre volontairement dans un état pas possible et prendre bien trop de risques pour pas grand-chose, au final.

Je préfère m’installer un moment près de la fenêtre, dans un fauteuil contre une table où je peux m’étaler sans problème et travailler en paix, ou juste discuter avec Rica quand elle est dans les parages. Malgré le temps maussade et le décor loin d’être idyllique, c’est suffisamment tranquille pour me convenir. J’attache mes cheveux pour ne pas les avoir en permanence devant les yeux, faisant un chignon vite fait, et je me plonge dans la suite de cet essai qui commence à être réellement chronophage avec toutes les recherches annexes qu’il demande. Je plains d’avance ceux qui ne l’ont pas encore commencé et qui vont se rendre compte de l’ampleur de la tâche en s’y mettant à la dernière minute.
Voilà une dizaine de minutes que j’ai commencé à travailler, à plancher sur de nouvelles idées ou approches à ajouter, avant qu’une ombre avec une voix ne me fasse relever la tête et hausser un sourcil étonné. Moi qui pensais être tranquille au beau milieu de la bibliothèque, je me suis visiblement trompée. J’observe un instant la femme habillée avec un t-shirt bizarre s’asseoir nonchalamment à ma table en me demandant ce qu’elle me veut pour s’inviter comme ça. Je ne me souviens pas l’avoir vu dans notre promo, mais au vu du nombre d’étudiant j’ai peut-être simplement oublié son visage. Et elle me paraît de toute façon un peu âgée pour être en première année. Et alors que j’allais lui demander ce qu’elle voulait, elle me prend de court et j’écarquille les yeux en voyant le badge posé sur la table.

Pendant un bref instant, me demande si j’ai le temps de partir en courant. Je connais les lieux, pas elle. D’un bref coup d’œil, je regarde les deux issues les plus proches, mais abandonne l’idée avant même d’y réfléchir réellement. Si elle est vraiment une agent du bureau d’investigation, elle a forcément une arme et je n’ai pas envie qu’elle la sorte. Je n’ai pas envie de faire de vagues, pas envie qu’il se passe quoi que ce soit. Alors je pose nerveusement mon stylo sur le côté et hoche la tête, ma jambe s’agitant nerveusement sous la table. De quoi peut-elle bien vouloir discuter ? Halloween ? J’espère sincèrement que non. Si les soupçons étaient un peu étoffés, je doute qu’elle soit venue seule, la fleur au fusil pour discuter. J’aurai plutôt une équipe du SWAT tout entière au cul. Je me triture nerveusement les ongles et déglutis face à son sourire que je ne parviens pas vraiment à expliquer. Fait-elle ça pour avoir l’air sympathique ou l’est-elle vraiment ?

- Je… euh…

J’ai vraiment envie de la rembarrer, de ficher le camp et d’essayer de trouver une solution une fois la panique calmée. Peut-être que Zach aura une idée… Je me retiens de justesse et décide plutôt d’essayer de savoir ce qu’elle veut. Peut-être que ça a davantage à voir avec le trafic d’herbe sur le campus, ou les suspicions de tricherie de certains aux examens. Je vois mal ce que le FBI viendrait faire dans ce genre d’affaires, mais je préfère imaginer que ce n’est pas quelque chose qui m’est lié plutôt que de devoir gérer une enquête du FBI sur mes pérégrinations des dernières années. J’ai eu assez de problèmes et je voudrais juste qu’on me laisse tranquille maintenant.

- Oui, bien sûr, mad… agent … Weiss ? En quoi je peux vous aider ?

Quitte à devoir répondre, autant essayer de savoir précisément ce qu’elle veut. Peut-être que je panique pour rien, après tout. J’espère sincèrement que l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête ne va pas soudainement me tomber dessus avec son arrivée. J’ai enfin une vie un peu stable, j’aimerais vraiment que ça continue.
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Ven 12 Nov - 23:02 (#)



Nerveuse, hein ? On le serait à moins. Je n’ai rien ajouté. Je m’attendais à cette réaction. J’ai scruté et mémorisé son expression durant ce court instant de flottement ; il fallait laisser ces détails nourrir l’intuition, laisser ces traits de crayon brosser un portrait. On flaire la piste, comme disait Ed.

Wilhm était un livre ouvert. J’ai noté cet éclat d’affolement forçant furtivement son regard vers la sortie, en même temps que le raclement de ses ongles et le nœud glissant dans sa gorge. Des rictus ont traversé ses traits encore sertis d’une douceur adolescente, le reste d’une candeur ternie par la fatigue, que révélait le halo électrique des plafonniers au-dessus d’elle. Elle a hésité. Sa voix frêle a balbutié une syllabe à demi dévorée par un accès de panique et, durant ce court moment, je l’ai cru prête à détaller, à abandonner toutes ses affaires et à me planter là, inutilement.
Je n’ai toujours rien dit. Je l’ai laissé venir à moi. J’ai baissé les yeux vers les notes, les stylos et les livres éparpillés, autant pour désamorcer la tension entre nous, que pour déchiffrer les titres les plus visibles. Études de médecine donc, me suis-je notée machinalement. Je me suis abandonnée dans le confort raide de la chaise, les jambes croisées sous la table, attentive. Une étudiante a traversé l’allée, semant une forte odeur de menthe et de vieille poussière sale, quand elle a reposé un livre à la couverture étiolée dans un rayonnage, avant de quitter les lieux dans un bruit étouffé de talons.

Anaïs Wilhm a fini par retrouver sa voix. J’ai remarqué les frémissements hésitants autour de sa bouche, et les infimes contractions dans son cou. Les lueurs des plafonniers se déversaient sur son visage, lui donnant une expression qui m’a semblé résignée, et même carrément anxieuse.

J’ai recouvert tous mes constats d’un même sourire patient, en soufflant un rire. « Selma, ça ira bien. Agent Weiss ça fait trop guindé. On peut se tutoyer d’ailleurs, ça ne te gêne pas ? »

Un raclement de chaise a retenti derrière nous. Des mouvements aux ombres déchirées ont résonné entre les crevasses des livres, avant qu’une porte ne s’ouvre et se ferme, nous isolant dans un calme presque intime. Je ne détestais pas les bibliothèques. Celles-ci refermaient une paix désuète, pleine de souvenirs conservés dans le formol du papier, des idées figées et craquelées, qui ne demandaient qu’un peu de verve pour ressusciter. Ed, ta poésie m’a déteint dessus, ai-je pensé en réfléchissant à la meilleure manière de formuler la conversation. Je me suis décidée à aller droit au but.

« Histoire de m’éclairer sur une autre affaire, j’ai remis le nez dans d’anciens dossiers dernièrement. Celui d’une série d’altercations au marché de Noël de 2018, pour être précise. »

J’ai marqué une pause. Adossée nonchalamment dans le coin du mur et du rayonnage, ma position en apparence innocente me conférait une excellente vision des alentours et des réactions de Miss Wilhm en face de moi. J’ai enchainé sur un ton détaché, qui ne comportait aucune accusation.

« Je n’étais pas sur ce dossier à l’époque, donc aujourd’hui j’essaye de comprendre l’enchainement des évènements, connecter quelques fils, discuter avec les témoins, etc. Avoir une vue d’ensemble si tu préfères. »

Retrouver quelqu’un… Une ombre m’a effleuré l’esprit. L’embryon d’une idée qui m’avait poursuivi des années durant et qui, aujourd’hui, brûlait d’être mis à l’épreuve des faits. J’étais sur le point d’en faire une affaire personnelle. Il ne me manquait que l’opportunité, l’étincelle de départ qui me filait encore entre les doigts. Frustration. Je me suis massée inconsciemment la nuque, puis j’ai enveloppé bien au chaud mes espoirs dans un coin de ma tête, avant de continuer à enrober mes phrases d’une douceur de circonstance, qui n’avait cependant rien d’hypocrite.

« Tu as déjà entendu parler des incidents du marché de Noël ? Tu étais dans les environs ou pas du tout ? » lui ai-je demandé, avant de sortir mon téléphone pour prendre des notes.

Je me suis redressée contre la table. Une dreadlocks a chuté dans mon champ de vision, tressautant comme un pendule durant cet instant délicat, que j’ai chassé d’un geste rapide afin d’observer Anaïs.

« Rassure-toi, ce n’est pas un examen, » ai-je terminé. « Si tu n’en sais rien, tant pis, je m’en vais et je te paye un café pour le dérangement. »

Un sourire. Une ébauche de rire. J’ai laissé le pinceau de mon imagination à la dérive, esquissant ainsi les contours psychologiques de mon interlocutrice, au gré de ses réactions et de son parcours connu. Elle avait laissé derrière elle cette fugue ; un classique d’une CESS nouvellement découverte, et sans doute était-ce là son premier motif de nervosité. Je me suis néanmoins interrogée. Qu’était-elle dans ce cas ? Une arcaniste en herbe ? Une Bête se cachait-elle derrière ces traits innocents ?

J’ai ressenti une étincelle de curiosité illuminer mes idées. Je l’ai relégué en arrière-plan toutefois. Le poids rassurant de mon arme contre ma hanche me rappelait discrètement le danger du surnaturel.

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Anaïs Wilhm
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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Jeu 2 Déc - 22:31 (#)


Pour une fois, le calme de la bibliothèque est tout sauf rassurant. L’heure avance et les autres étudiants qui avaient encore la force de rester commencent à se faire rare et j’ai le sentiment de me retrouver seule face à l’agent qui s’est tranquillement assis devant moi. Elle a dû passer inaperçue en venant ici, personne ne pourrait la prendre pour un officier fédéral au premier coup d’œil, rien à voir avec le cliché du costard tiré à quatre épingles. Je ne sais pas si elle a fait ça pour que personne ne se pose de questions ou parce qu’elle pense que cela la rend plus sympathique, mais je vois simplement une chose. Agent fédéral égal personne armée et ça ne ma plaît pas du tout

Je sais que j’ai fait une erreur en perdant aussi facilement mon calme et en bafouillant comme une idiote en paniquant sans vraie raison autre que sa simple présence. N’importe qui paniquerait si un agent fédéral venait spécifiquement vous voir pour discuter et poser des questions, non ? Ou bien toute cette culpabilité ressentie au moindre signe d’un badge posé sous mon nez ? Je ne veux pas vraiment savoir, je ne veux pas qu’elle me pose des questions, je voudrais juste qu’on me laisse tranquille, qu’on me laisse vivre en paix.

Elle n’a pas l’air méchante, je peux au moins dire cela, mais je me méfie malgré tout. J’ai perdu toute foi en ce merveilleux système qu’est la justice américaine depuis que mes agresseurs s’en sont sortis sans aucune sanction malgré ce qu’ils avaient fait. Je me suis toujours demandé si c’était parce que leurs parents avaient payé ou si la direction avait étouffé l’affaire, mais reste que jamais ils ne seront punis. Qui ça intéresse de toute façon ? Une Eveillée attaquée ? J’ai forcément cherché pour en arriver là, donc ce n’est pas si grave après tout. Je ne suis pas humaine, alors qui ça intéresse ? Tout cela me donne envie de rire au nez de l’agent qui cherche à faire amie-amie alors qu’aucun de ses collègues n’aurait probablement levé le doigt pour m’aider. J’aurai envie de l’envoyer bouler, de lui dire que je n’ai pas le temps, que je n’ai rien à lui dire, mais il suffit de quelques mots pour que je referme aussitôt la bouche que je viens d’ouvrir en la regardant, surprise.

Je hausse un sourcil, étonnée. Je m’attendais à ce qu’elle me parle de la nuit d’Halloween, des tragédies qui ont eu lieu cette nuit-là, mais non, elle évoque le marché de Noël. Je ne l’ai pas vu venir et la laisse expliquer les raisons de sa recherche. Elle travaille sur une affaire en lien ? Il y aurait un lien entre les deux événements ? Ou peut-être que je réfléchis trop et qu’elle ne travaille pas du tout sur la nuit d’Halloween mais sur autre chose lié au Marché. Toujours est-il que je ne suis pas plus soulagée, parce que j’ai aucune réponse satisfaisante à lui donner. Je ne suis même pas certaine qu’elle me croie, honnêtement. Je soupire, me masse la nuque. Comment je suis supposée expliquer ça ? Mentir ? Je suis nulle à ça et inventer une histoire pourrait être une erreur si elle revient et que j’ai un discours différent, j’ai vu assez de films avec Rica pour savoir que c’est une idée stupide et dangereuse. Autant être honnête.

- Je ne suis pas sûre de pouvoir vous aider…

Elle veut qu’on se tutoie, j’oubliais… Cela me semble tellement étrange. Ce n’est pas une amie, c’est un agent fédéral ! Je laisse un instant mon doigt tripoter un stylo posé sur la dissertation que je devrais avoir commencé. Nouveau soupir. Advienne que pourra, au moins j’aurai la conscience tranquille.

- J’y suis allée, cette nuit-là, je vois très bien de quoi vous… tu parles, mais à part détailler le vendeur de babioles qui lisait un Twilight ou l’odeur du vin chaud, je ne peux pas vraiment en dire plus…

C’était à l’époque de ma fugue, pile au moment où les choses étaient en train de s’arranger avant le gouffre vertigineux dans lequel j’ai failli tomber après les événements du marché. Cette nuit a failli foutre ma vie en l’air encore plus que mon agression. Ou l’achever tout court.

- Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé. Il y a eu un afflux de magie et tout ce qu’il me reste de la soirée c’est des sensations et un brouillard. J’ai essayé de me souvenir, j’ai même demandé conseil à une télépathe, mais je n’ai jamais pu retrouver la moindre parcelle de mémoire de ce soir-là. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’est passé un truc pas normal, mais je ne m’y connais pas assez pour dire ce que c’était. Si tu as des questions je peux essayer d’y répondre, mais mes souvenirs remontent à un moment où tout était encore normal.

Exceptée le mal de crâne et le saignement de nez, mais à l’époque ça n’avait rien de surprenant, mes pouvoirs faisaient ce que bon leur semblait et je les contenais comme je pouvais. J’en ai fait du chemin depuis. Quelques années plus tôt je ne savais pas arrêter un saignement de nez, maintenant je peux lire des livres de magies et ne pas avoir le sentiment d’observer des hiéroglyphes.
Je me dis maintenant qu’elle va probablement laisser tomber, si elle ne me croit pas, ou peut-être poser des questions plus précises si elle pense que je dis la vérité – ce qui est le cas. Dans un effort qui se veut apaisant, autant pour elle que pour moi, je dois bien l’avouer, j’enchaîne en me justifiant.

- Je sais que ça semble un peu facile, mais c’est la vérité. Cette nuit-là, il s’est passé quelque chose et je me suis réveillée le lendemain dans un endroit inconnu sans savoir ce que je faisais là où ce qu’il s’était passé.

J’ai réussi à garder mon calme cette fois, même si une de mes mains ne cessent de triturer le stylo toujours posé sur la table. Peut-être que je m’inquiète pour rien, mais j’ai trop vu les choses mal tourner pour me dire que tout va bien se passer cette fois-ci. Tout cherche constamment à déraper ou me remettre mes conneries sous le nez. Mais quitte à plonger la tête la première dans les emmerdes…

- L’autre affaire, c’est lié à quelque chose qu’il s’est passé au marché de Noël, c’est ça ? Il S’est passé quoi ce soir-là ?
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Sam 11 Déc - 22:46 (#)



J'ai cherché à me relaxer. À mobiliser mes intuitions.

Le plastique rêche de la chaise a couiné sous mon poids, comme je me penchai légèrement en arrière pour trouver en vain une posture confortable. Les lueurs brutes des néons donnaient à la table, aux murs de plâtre blanc, un aspect austère et lisse dans le silence des lieux. Mon index a effleuré l’écran tactile du téléphone, et j’ai croisé confortablement mes jambes, qui butaient contre le meuble trop bas, l’appareil sur ma cuisse, à l’abri des indiscrets. Je me suis laissée lentement sombrer dans cet état particulier ; attentive et inconsciente à fois. On ouvrait ses perceptions. On abandonnait le contrôle à ses intuitions. Couleurs locales, comme disait Ed, lui-même noircissant régulièrement des nombreux calepins de notes désordonnées, tas informes de détails en caractères couchés.
Des pensées volatiles. Des morceaux de vie qui, une fois rassemblés le lendemain, me permettaient parfois de dépeindre un tableau tout entier. J’ai commencé à prendre quelques notes. Les lumières brutales des néons dévoilaient impudiquement les traits de Miss Wilhm, tiraillés par la nervosité et la surprise suite à ma question. J’ai fait semblant de n’avoir rien vu. J’ai eu envie de rire, pourtant. J’ai couvert le tout sous un sourire de circonstance, en hochant la tête de temps à autre, tandis que des éléments particuliers ressortaient ici et là, au fil de son récit criblé d’hésitations et d’angoisses.

Elle a maladroitement enchainé sur une justification bancale. Je me suis tue un moment, en triturant une mèche de cheveux, le nez penché pensivement sur l’écran de mon téléphone.

« D’accord, d’accord. Je te crois, » ai-je fini par déclarer au bout d’un moment.

Mon regard a été involontairement attiré par les figures acrobatiques que ses doigts imprimaient au stylo. Difficile d’être plus démonstrative, ai-je pensé avec une pointe d’ironie. Les sourcils froncés, je me suis légèrement redressée de manière à la regarder dans les yeux.

« Il y a juste deux ou trois détails que j’ai du mal à visualiser. Tu as parlé d’un afflux de magie, c’est ça ? Mais comment ça s’est traduit concrètement ? Est-ce que tu as vu ou ressenti quelque chose en particulier ? Ou bien est-ce que c’est quelqu’un qui te l’a dit plus tard ? »

Je me suis empressée d’ajouter en souriant. « Je n’y connais rien dans tout ça, en vrai. Je n’ai jamais eu le temps de regarder la télé sur ces sujets-là. Je ne sais même pas si ça vaut quelque chose. »

La réponse était non. Reste concentrée, me suis-je serinée avec les intonations d’Ed, tandis qu’une claque imaginaire et amicale me frappait la nuque. De nouveau, des intuitions se sont précipitées à l’intérieur de mon crâne, comme une foule de minuscules pièces de puzzles cherchant à s’agglomérer pour me montrer quelque chose. J’ai mis tout ça de côté. Les détails s’accumulaient d’eux-mêmes, et s’additionnaient à l’attitude nerveuse de Wilhm ; l’esquisse commençaient juste à prendre forme.

J’ai repris rapidement. « Ah, et une dernière toute petite question... »

Ma main a machinalement attrapé une mèche entortillée oscillant sur mon front, comme j’ajoutai quelques notes en vrac sur le téléphone. Un instant de silence s’est étiré entre nous. J’ai fait durer ce moment d’accalmie en affichant une expression de perplexité discrète, celle d’une femme perdue dans une énigme en apparence insoluble. J’ai modelé ma question avec une couche de candeur.

« Tu as parlé d’une télépathe, c’est bien ça ? Elle t’a fait quoi exactement, comment ça marche ces choses-là ? Elle a lu dans tes souvenirs ? C’est elle qui t’a parlé de cet afflux de magie ? »

L’agent de la NRD en moi s’est frottée les mains. Enquêter sur une télépathe inconnue n’était pas le motif de ma visite, mais je ne pouvais que me réjouir d’en apprendre plus ; un dossier intéressant à ajouter dans les archives. J’ai dissimulé cet éclat d’entrain derrière un masque songeur, un mélange de curiosité et d’effacement perplexe, comme si son récit me donnait matière à réflexion.

J’ai marqué une pause pensive, aussitôt suivi d’un sourire curieux. « Tu crois qu’elle accepterait de me parler de cette nuit-là ? »

Je me suis laissée retomber dans le fauteuil. Il a couiné une fois encore, comme les questions d’Anaïs demeuraient en suspens entre nous, irrésolues. Une moue hésitante s’est formée sur mon visage. J’ai commencé à élaborer stratégiquement une justification, faite de minuscules pièces de vérité.

« En quelque sorte, oui. Mais je ne peux pas t’en dire davantage, c’est une affaire en cours, » ai-je commencé en baissant d’un ton. « À l’heure actuelle, je ne suis pas tout à fait certaine qu’il existe un lien entre ces affaires. C’est la raison de ma visite d’ailleurs. »

Un court rire nerveux. J’ai secoué la tête comme une personne lassée d’un travail harassant, un rictus fatigué suivant mon sourire, puis mes doigts ont pianoté sur l’écran. J’ai fait défiler de vieilles photos d’un coup de pouce. Derrière mon attitude détendue, j’ai ressenti un pincement nostalgique vriller mes pensées et, durant un instant, une réticence bien réelle a joué avec mes émotions. J’ai hésité.

Une intuition mauvaise. Comme une sale voix à l’arrière de mon crâne. Je me suis massée la nuque, tandis que cette idée s’accrochait à moi ; un murmure aux enjeux bien tristes. Je me suis décidée.

« Je comprends que tes souvenirs de cette nuit sont assez flous, mais puisque tu te rappelles de quelques visages, est-ce que tu te souviens avoir vu cette personne ? »

J’ai fait pivoter le téléphone vers elle. Au centre de l’écran, s’affichait en couleurs vibrantes, l’image bien propre du soldat De Luca, celui que j’appelai autrefois mon lieutenant, et plus familièrement, Zach. La photographie datait de son entrée dans l’armée. Il était en tenue de cérémonie, uniforme impeccable et gants blancs, son visage rasé et pimpant ; il posait sobrement pour la photo officielle devant le drapeau étoilé. Un vieux cliché. J’avais fait la même chose bien avant de le connaitre.

« La photo date de plusieurs années maintenant, mais peut-être que ce visage te rappellera quelque chose ? » ai-je ajouté.

J’espérai que non. Et j’espérai que oui. D’autres clichés d’Afghanistan moisissaient sur le téléphone, beaucoup nous montrant ensemble Zach, moi et les autres. Je n’étais pas encore prête à dévoiler à cette inconnue ces vieux souvenirs que je ressortais parfois pour raviver la flamme. Pour ne rien lâcher. Pour remuer cette épine dans ma chair qui m’incitait à avancer obstinément.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Jeu 16 Déc - 1:50 (#)


Je me déteste en ce moment. Je n’ai pas besoin de lire les pensés de qui que ce soit pour savoir que je suis un livre ouvert dès qu’on me pose des questions qui me rendent nerveuses, qui renvoient à un passé douloureux ou complexe. Ma jambe qui tremble nerveusement, mes doigts qui orchestrent une chorégraphie complexe en s e prenant pour des champions olympiques de triturage de stylo et mon cœur qui tambourine fort, trop fort, dans ma poitrine. Chaque mot que je prononce, j’ai le sentiment qu’elle l’analyse pour se faire sa propre idée et pour ensuite déterminer quelle étiquette me coller sur le front. Je finis par me forcer à arrêter, à figer mes doigts et ma jambe et à prend el contrôle, à forcer mon cœur à se calmer, arrêter de ventiler comme une dingue alors que tout ça pourrait très bien se passer si j’arrêtais d’offrir aussi facilement ce que je ressens à mon interlocutrice.

Elle dit qu’elle me croit, mais j’ai comme un doute. Peut-être que c’est vrai, mais je ne parierai rien à ce sujet. Je suis trop nerveuse, ça se voit. Ce n’est pas ma faute, je suis toujours nerveuse avec les flics depuis que j’ai quitté la maison. Essayer de ne pas me faire attraper ça m’a créé ce sentiment d’être coupable avant même d’ouvrir la bouche. Et le fait que la police n’ait jamais rien fait pour m’aider quand j’en avais besoin n’aide pas spécialement à les porter dans mon cœur. Je préfère qu’ils se tiennent loin, qu’on me fiche la paix. Alors un agent fédéral ? C’est presque un miracle que je sois encore là. Pas que j’ai vraiment de moyen de filer de toute façon.

Je prends quelques instants, force mon cœur à se calmer, inspire, expire, force la pompe à ralentir sans trop en faire, avant de lever à nouveau les yeux vers Selma. Bien, déjà plus calme, et ses questions ne sont plus aussi sujettes à me rendre nerveuse comme avant. Les faits, je me contente des faits. Je n’y connais rien, je suis une simple étudiante en médecine qui évolue en marge du surnaturel, pas en son cœur.

- Oui c’est… Comment expliquer… Je me souviens très bien d’une pression sur la tête, puis une violente migraine, j’ai saigné du nez et après c’est complètement flou. J’ai probablement perdu connaissance à un moment parce que j’ai aucune idée de comment j’ai quitté les lieux. Et franchement je n’en sais pas plus que toi, personne n’a jamais pu m’expliquer ce qui s’est passé cette nuit-là…

Daphné aurait pu, mais je ne lui ai jamais demandé après qu’elle m’ait affirmée que ce qu’il s’était passé cette nuit-là et ce que j’avais ne pouvait se reproduire. J’avais cherché à savoir avant cela, mais ces mots-là m’avaient terrifiée et j’avais arrêté de chercher. Quoiqu’il ait pu se passer, ce n’était pas de ma volonté, je n’avais jamais voulu ça et c’était tout. J’ai fini par accepter de vivre avec un trou noir de plusieurs heures que je ne pouvais même pas expliquer. Peut-être que c’était mal de faire l’autruche, mais dans la longue liste des choses improbables qui me sont arrivés ces dernières années, c’est presque le moins important et le moins improbable.

Même la rencontre avec Mara relevait davantage du surnaturel que cette soirée-là. Je me souviens très bien de son accueil gênant de ses paroles difficiles à comprendre et de ses remarques douloureuses prononcées involontairement alors qu’elle se perdait elle-même dans ce qu’elle entendait, et disait. Alors expliquer à une complète inconnue comment fonctionne le don d’une personne que je n’ai vu qu’une fois et qui a failli me déprimer en moins de vingt secondes, cela relève de la fantaisie pure et simple.

- Comment ça marche ? Aucune idée. Elle a vu des choses qui sont personnelles donc elle a dû « lire » mes souvenirs oui, mais elle m’a dit que ceux que je cherchais étaient brumeux, indiscernables et qu’elle ne pouvait rien faire pour m’aider. J’ai toujours son numéro si tu veux, mais je ne peux rien garantir.

Je ne sais même pas si elle sera d’accord pour lui parler, ni même si elle se souvient vraiment d moi. Probablement que si, elle disait avoir une mémoire à toute épreuve. J’espère seulement qu’elle ne va pas trop en dire et aura la présence d’esprit de ne pas m’enfoncer encore plus dans la mouise, je l’ai déjà jusqu’à la taille et je m’enfonce un peu plus à chaque question de Selma. A croire qu’elle a un don pour ça…

Alors, lorsqu’elle décide finalement de m’en dire un peu plus, je me penche en avant pour fixer avec intérêt la photo qu’elle veut me montrer. Si elle cherche quelqu’un, c’est que je ne suis qu’un moyen et non une fin en soit, je peux essayer de dévier les choses sur cette personne. Personne qui est visiblement un militaire au visage familier…

Merde. Merde, merde, merde, meeeeeerde.

J’ai écarquillé les yeux sans même chercher à masquer ma surprise tant elle m’a prise au dépourvu en me balançant cette bombe à la figure. La poisse, cette vieille amie, toujours là pour foutre ma vie en l’air quand les choses commencent à s’arranger… Même s’il a l’air d’avoir deux décennies de moins sur la photo, ce n’est pas dur de le reconnaître malgré son air pimpant, sa barbe rasée, ses épaules droites et son uniforme. Zach. Pourquoi cherche-t-elle Zach ?

Je dois me calmer, trouver une solution. Avertir Zach, mais pas maintenant. Je dois mentir, je ne peux pas lui dire que j’habite littéralement avec celui qu’elle cherche. Mais elle a forcément vu et compris que je le connaissais au vu de ma réaction. Un truc, une excuse, je dois trouver une histoire… Ou dire la vérité qui m’arrange.

- Je… je sais qui c’est.  Difficile à oublier…

J’ai la bouche sèche tellement je suis nerveuse. Pourquoi a-t-il fallu que ça arrive, encore ? Obligée de reparler de ça à nouveau, ça me met les nerfs à vif et tout l’exercice d’apaisement explose. Je recommence à être nerveuse, parce que je n’aime pas évoquer tout ça, parce que je hais cette période de ma vie où Lilas, Rica et Zach étaient les seules personnes qui m’ont permis de garder la tête hors de l’eau. Je hais tellement l’état d’esprit dans lequel j’étais à cette période, prête à tout abandonner parce que j’en pouvais plus.

- Je… Pendant ma fugue, après mon… agression. J’ai logé dans un hôtel avec le peu d’argent que j’avais. Il y avait cet homme, celui sur la photo, en plus vieux. C’était mon voisin, on a sympathisé, on a discuté. Il m’a dit qu’il était boxer ou un truc du genre, parce qu’il avait le visage dans un sale état. Il m’a aidé à me reprendre et à pas laisser tomber alors que j’étais au fond du trou et… et en échange je l’ai rafistolé comme j’ai pu. C’est… ça a duré quelques semaines et puis il est parti du jour au lendemain…

C’est la vérité, la stricte et pure vérité. Je passe simplement le silence tout le reste. Son retour inattendu et inespéré, le squat dans un appartement d’un gars qu’il connaissait, la chance de trouver un appartement pas cher pour enfin se poser et la vie quotidienne simple qui a suivi malgré toutes les conneries qui nous tombent sur le coin du nez tous les six mois. Tout ça, ça reste caché, loin, très loin, hors d’atteinte. Pas question que les fédéraux aient la moindre information. Je n’ai pas envie qu’il parte à nouveau, pas envie que ça foute en l’air le semblant de vie normale qu’on a enfin réussi à avoir après tout ça. Pendant une brève seconde, je me demande même si je ne devrais pas régler le problème immédiatement, avant de me gifler mentalement. À quoi je pense, exactement ?

- C’est… il est recherché ? Je ne savais pas, il semblait gentil… Qu’est-ce qu’il a fait ? J’aurai dû.. j’étais en danger ?

Je sais très bien que non, mais je dois jouer l’innocente, faire semblant, même un tout petit peu, qu’elle gobe mon histoire et que je prévienne Zach au plus vite. Comme si on avait besoin de ça…
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Dim 2 Jan - 23:27 (#)



La tournure de la discussion commençait à me hérisser. Appelons ça, une aversion inconsciente face à ces mêmes phénomènes surnaturels qui m’avaient laissé de détestables souvenirs.

Mes pensées se sont alors involontairement orientées vers un lointain désert. Nous étions stationnés dans une base temporaire, moi et mon unité, dans une vallée de poussière blanchâtre coincée entre des montagnes arides. Le vent y soufflait fort au printemps. Il emportait les odeurs entêtantes des buissons sauvages mélangées à celles du métal et du plastique chauffés au soleil, tout comme les cris de souffrance de nos gars alignés à l’infirmerie. Personne n’y échappait. Leurs hurlements résonnaient à l’intérieur des falaises, la nuit comme le jour, et quand nous avions enfin un moment de silence, les conversations au mess nous rappelaient cette triste réalité.
L’embarras des non-dits nous avait tant étouffé. Personne n’était vraiment au courant de l’origine de tant de blessés, mais lorsque nos yeux se croisaient, nous lisions l’inquiétude, l’incompréhension et le besoin de réponses chez les uns et les autres. Je me suis revue accompagnant Zach à l’infirmerie, son visage fermé d’une colère sourde tout comme le mien, quand nous avions longé les lits de camp où gisaient des hommes et des femmes torturés. Leurs têtes enveloppées dans des bandages, comme des paquets cadeaux tâchés de sang noir et de graisse fondue, cachant leur peau brûlée à vie.
Le souvenir était encore vif. Nous étions avec Zach, arrêtés devant la couchette d’un homme que nous connaissions, incapables l’un comme l’autre de dire un mot devant ces atroces visions ; ces gars démembrés, tordus comme des fétus de paille, carbonisés par une arme que nous ne comprenions pas. Je ne connaissais pas la vérité à cette époque. Elle nous a explosé au visage bien plus tard, et de ce fait, j’ai toujours conservé une distance dégoûtée et prudente envers ces pratiques magiques. Une aversion inconsciente, comme je l’ai appelé, qui ne m’avait jamais totalement quitté depuis.

Je me suis absorbée dans mes notes, afin de chasser ces atrocités de ma tête. L’écho de ces anciens cris s’amenuisèrent lentement dans mon crâne et, peu à peu, seule la voix d’Anaïs a empli ma tête.

« D’accord, je vois. C’est toujours intéressant de recueillir d’autres points de vue, merci, » ai-je placé pour l’encourager.

J’ai hoché la tête à la suite. Miss Wilhm semblait décider à maitriser ses réactions, et je n’ai pas pu m’empêcher de sourire face à cela ; il y avait quelque chose de touchant dans cet effort courageux. Même si les détails relativement flous de son expérience ne contenaient à priori rien de décisif pour mes affaires, j’ai continué à noter quelques détails ici et là, par conscience professionnelle.

« Oui, à l’occasion je voudrais bien son numéro s’il te plait. »

À classer dans les archives, ai-je pensé avec ironie. Je n’étais pas certaine d’être à l’aise avec un tel pouvoir, celui une inconnue capable de fouiller dans votre mémoire. L’idée même de la télépathie me paraissait une intrusion malvenue dans notre dernière sanctuaire, où moi-même y cachait des reliques que je ne désirai partager avec personne d’autre.
J’ai laissé de côté cette aversion et, alors que les yeux d’Anaïs s’écarquillaient comme des soucoupes à la vue de la vieille photo de Zach, mon intérêt a bondi vers elle. Elle a fixé silencieusement l’image pendant un long moment, ses traits marqués par un étonnement spontané, aussitôt suivi par une nervosité intense ; une réaction qui ne trompait pas.

Elle le connaissait. Elle avait déjà vu Zach. J’ai senti mon cœur s’accélérer.

Anaïs a alors commencé à balbutier des aveux. Je me suis redressée involontairement sur ma chaise, les coudes sur la table ; je devais avoir l’air d’une assoiffée. Je me suis redonnée une contenance en étouffant mon impatience derrière un masque attentif, mais en réalité, j’étais suspendue à ses lèvres. Elle a timidement commencé à bredouiller. Je me suis retrouvée incapable du moindre mot, tant la crainte déraisonné de voir cette source d’informations se tarir me paralysait complètement.
Au fur et à mesure de son explication, mon sourire est allé croissant, un rictus enthousiaste dont je me savais incapable de contenir la folle joie. Il est toujours en ville, ai-je réussi à formuler dans ma tête. Cette pensée m’aurait presque fait bondir de ma chaise pour serrer Anaïs dans mes bras.

« C’est… » ai-je commencé à articuler, en vain.

J’ai cherché mes mots. Le sourire en travers de mon visage m’a empêché un bref instant d’articuler, et je me suis passée nerveusement la main dans les cheveux. J’ai tâché de mon mieux de mettre en ordre mes priorités, plutôt que de me laisser déborder par un emballement prématuré.

« Non, non, ne t’inquiète pas. Il n’est pas recherché et tu n’étais pas du tout en danger, au contraire, C’est tout lui ce genre de choses... »

C’était à mon tour de triturer l’écran du téléphone. J’ai senti une fébrilité débridée me contaminer toute entière, comme un besoin de passer rapidement à l’action qui bouleversait totalement ma cervelle auparavant bien rangée. Je me suis éclaircie la voix, et j’ai repris d’un ton apaisé.

« Pour être totalement honnête avec toi, je t’ai demandé ça pour une raison beaucoup plus personnelle. Tu n’imagines pas à quel point ce que tu m’as dit est important pour moi. Attends… »

J’ai trié à la volée les photos encombrant mon téléphone. Un dossier entier était consacré à ces vieux clichés datant de l’Afghanistan, tous colorés de ces mêmes teintes d’ocre délavé qui avaient marqué nos quotidiens, des années durant. On l’avait avalé et recraché cette poussière du désert. J’ai arrêté le défilement et agrandit une photo de Zach et moi, tous deux en uniformes que le sable avait teinté d’un voile terne. Il avait son bras passé par-dessus mon épaule pour me forcer amicalement à poser pour la photo, tandis que je cherchai faussement à le repousser en riant à mon tour.

Le souvenir m’a arraché un sourire supplémentaire. J’ai tourné l’appareil vers Anaïs pour lui montrer, parce qu’une telle image valait toute une explication.

« Zach et moi, nous étions dans la même unité dans l’armée. On était très proches, comme… Disons, comme un frère et une sœur. Ça fait des années maintenant qu’on s’est perdus de vue. »

Je me suis tu un court instant. J’ai haussé les épaules inconsciemment, afin de cacher une hésitation subite sur la quantité d’informations que je souhaitais vraiment partager. Pourtant, j’ai ressenti un irrépressible besoin de lui en révéler davantage dans l’espoir inconsidéré, fou sans aucun doute, que cette jeune femme me livrerait encore plus d’informations. Réfléchis, sois logique, me suis-je cependant intimée. Je me suis forcée à faire le tri dans le joyeux chaos qui régnait dans mon crâne après cette nouvelle inespérée, et me suis décidée à faire quelques compromis.

« Écoute, est-ce que tu pourras garder tout ça pour toi ? » lui ai-je demandé gentiment, en rejetant la mèche de cheveux que mes doigts avaient machinalement commencé à triturer.

« Je sais que Zach a eu quelques emmerdes, et il m’a tellement aidé par le passé, j’aimerai vraiment pouvoir lui renvoyer l’ascenseur. Je te dis tout ça à titre strictement personnel bien sûr, ça n’a rien à voir avec mon boulot, et c’est aussi pour te demander une dernière faveur. »

Mes mains ont recommencé à frémir d’excitation. Le besoin d’action s’est refait sentir, comme une flambée d’adrénaline dans mes veines. J’ai cherché à accrocher les yeux d’Anaïs en affichant mon plus beau sourire persuasif et un regard suppliant, celui du chiot blessé comme l’appelait autrefois Ed, et j’ai adopté un ton délibérément doux, mais sincère.

« Si jamais il revient te voir, ou s’il te recontacte, est-ce que tu pourras lui dire que je le cherche ? Ne serait-ce que lui parler au téléphone, ça serait génial. D’ailleurs, je vais te laisser mon numéro au cas où, ou même si tu te rappelles d’autre chose à son sujet. »

Mon cœur ne se calmait pas. Une légère euphorie s’était emparée de moi après cette coïncidence tombée du ciel, à laquelle j’avais encore peine à croire.

« Même un détail insignifiant, n’importe quoi, à n’importe quelle heure, tu veux bien ? »

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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
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Mar 11 Jan - 14:21 (#)


La tournure qu’a pris cette conversation ne me plait pas du tout. Je marchais déjà sur des œufs avec un agent fédéral étudiant el moindre de mes mouvements et la moindre de mes paroles, mais maintenant je dois en plus faire face à l’inattendu. Je ne sais simplement pas comment me sortir de cette situation sans avoir l’air incroyablement suspicieuse en mettant fin brutalement à cette conversation qui se passait pourtant relativement bien, de son point de vue. Parce que du mien, c’était la panique la plus complète et la seule raison pour laquelle je n’avais pas fichu le camp, c’est parce que je savais que si elle voulait de réponses, elle viendrait les chercher. Alors autant en finir aujourd’hui.

L’histoire dévoilée est totalement vraie, je n’ai pas à me sentir coupable à ce sujet, mais le simple fait d’occulter le fait qu’il soit revenu m’angoisse un peu. Si jamais elle remarque que je ne dis pas toute la vérité, elle posera encore des questions, et je n’ai vraiment pas envie qu’elle vienne à comprendre que j’en sais bien plus qu’elle ne l’imagine. Mais en relevant, les y lorsque je termine de raconter la rencontre, c’est moi qui suis surprise de sa réaction. Du franc sourire ravi qui orne ses lèvres et de l’éclat d’espoir qui brule dans ses iris. Je ne m’y attendais absolument pas, imaginant plutôt un visage fermé alors qu’elle notait tout ça sur son téléphone ou sur un calepin qu’elle aurait sorti. Mais rien de tout ça, et je suis totalement prise au dépourvu par ce que suscite chez elle cette histoire quelque peu amputée de la vérité.

Elle en vient même à me rassurer, à me dire que c’était tout lui… Comme si elle le connaissait… Alors lorsqu’elle admet que c’est une affaire personnelle et non liée à son travail, lorsqu’elle triture frénétiquement son téléphone à la recherche de quelque chose, je ne peux m’empêcher de me pencher en avant. Ma poitrine se serre à la vision de la photo qu’elle me montre finalement. On peut la voir, elle, dans son uniforme poussiéreux, cherchant faussement à échapper à un autre soldat qui la tient pour la photo. Et l’expression sur ce visage fait remonter une boule dans ma gorge alors que je m’attarde dessus plus que nécessaire. C’est la première fois. La première photo de lui, avant. Avant celle qui appelle la Bête. Avant Shreveport. Avant tout ce qui a pu lui tomber dessus. Avant qu’il n’ait ce regard hanté et que ses rares sourires ne devienne forcés. Avant moi…

Je hoche la tête, incapable d’ouvrir la bouche pour lui promettre que je ne dirais rien à personne. Lorsque je relève les yeux et perçoit son regard plein d’espoir, je me sens coupable, soudainement, de ne pas lui avoir dit tout ce que je sais. Je ne sais que trop bien ce qu’elle ressent, d’être sans nouvelle en espérant chaque fois qu’en tournant la tête il va se pointer comme si de rien n’était, comme avant. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas lui dire la vérité, pas s’il y a la moindre chance qu’elle puisse avoir inventer cela. Et ça me fait mal de mentir me ça, juste parce que je ne suis pas sûre, juste parce qu’il s’est passé trop de chose pour que je déballe tout sans réfléchir.

- Je…

Je renifle et me rends compte que j’ai les yeux humides, telle la gamine que je proclame ne plus être chaque fois que ce surnom revient de la boche des adultes qui se moquent toujours gentiment. Je m’essuie rageusement les yeux et soupire, me sentant idiote de réagir comme ça. Je sais où il est. Je sais comment il va. Et voir comment il était avant, quand tout allait mieux, ça m’a fait un choc auquel je n’étais pas préparé. Et la pointe de culpabilité qui me dit que j’en suis en partie responsable n’arrange rien.

- Désolée… Je lui dois beaucoup et ça m’a fait bizarre de le voir comme ça… Après tout ce temps.

Je n’ai pas besoin de mentir cette fois. Je n’en ai même pas envie.

- Je peux te donner l’adresse du motel où il était en même temps que moi, peut-être sauront-ils quelque chose ? Il était boxer il m’a dit, peut-être que dans les clubs de la ville ils auront des pistes ou des contacts ?

J’ai besoin de gagner du temps pour savoir quoi faire ensuite. Est-ce que Zach se souvient seul d’elle ? Peut-être qu’il a coché par écrit des souvenirs qu’il avait et qu’elle en fait partie. Il faut que je me renseigne avant de lui en parler. Je ne veux pas qu’il culpabilise davantage pour une chose pour laquelle il n’a aucun contrôle, malgré lui.
J’accepte sans rien dire le numéro de Selma, pas certaine d’un jour m’en servir, mais, si tout ça s’avère vrai, avec la ferme intention de m’excuser et de tout lui raconter lorsque le doute aura été levé.

- Je ne peux rien garantir, mais je vais essayer… promis.

Je ne sais même pas comment je pourrais aborder le sujet avec lui … Un simple « Hey Zach, le FBI est venu me voir et me poser des questions, une amie de l’armée te cherche ! » me semble être la meilleure façon de le mettre dans un état d’inquiétude dont il n’a certainement pas besoin. Pas avec tout ce qu’il s’est passé.

- Et si jamais tu le retrouves… Tu pourras lui dire merci pour tout... et que je suis désolée.

Parce que peu importe le nombre de fois où je le fais, il se contente de me frotter la tête en disant que je n’y suis pour rien, que tout va bien, que je n’ai pas à m’en faire. Et je ne parviens simplement pas à faire disparaître cette culpabilité d’avoir peut-être foutu sa vie un peu plus en l’air, avec mes conneries métaphysiques. Si tout ça n’était pas arrivé, peut-être qu’il irait bien mieux.

- Désolée de ne pas pouvoir être plus utile…
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Dim 23 Jan - 14:31 (#)



Mes lèvres tremblaient. Dans ma bouche s’était installée la saveur douce-amère de l’enthousiasme mal placé et de l’espoir irrationnel. Je me suis sentie idiote.

Je me suis alors détournée vers la fenêtre embrumée. À l’autre bout de la table devant moi, cachée par ma frange de cheveux entortillés, j’ai perçu les émotions d’Anaïs par intermittence, par ses petits hoquets et ses reniflements étouffés. J’ai serré les dents. Mon cœur battait douloureusement fort. Il était encerclé dans un étau d’espérance déraisonné qui me laissait moi-même transie, hagarde et même rêveuse. J’ai été saisie de cette sensation douloureuse et exaltante, celle du retour inespéré d’un membre depuis longtemps amputé ; j’aurais dû me mettre une claque pour me réveiller.
Au lieu de cela, j’ai scruté la nuit. Dehors, sur le rebord de la fenêtre froide, la poussière des insectes éphémères s’était accumulée en une petite masse livide, que le souffle de l’hiver égrenait à la façon d’un sablier. Les minutes avaient filé sans bruit. Nous étions désormais acculées à cette heure toute particulière, entre chiens et loups, où les écharpes nocturnes embaumaient vos pensées dans une délicate mélancolie, déguisant vos réalités en rêves, et vos espoirs en bouffées de fièvre.
Je me suis laissée aller à ce vertige durant un court instant. Contre la vitre désormais embuée, j’ai vu les traits d’une autre Selma raillés d’un rictus maladroit, à mi-chemin entre la joie et l’embarras. J’ai essayé de me reprendre, en vain. Je n’avais plus revu cette femme-là depuis au moins cinq ans, alors que moi et les gars revenaient au pays, de la poussière ocre encore dans les cheveux et l’incertitude au creux des reins. Dès lors, cette Selma n’avait pas eu la vie facile. Le bouleversement du retour à la vie civile, puis finalement le travail intense, étouffant même, qui lui avait fait oublier le reste.
Et il y avait eu cette absence. Cette amputation d’un confident, d’un frère, qui avait laissé le cœur de cette Selma déracinée, rendue fiévreuse par le mal du pays qu’elle n’aimait pas, brûlé et cautérisé à la va-vite. Qu’étais-je alors aujourd’hui ? Selma l’incomplète, Selma incertaine d’avoir réussi à mettre sa vie en ordre, Selma confiante et Selma qui n’osait s’avouer à elle-même ; Selma qui ne savait plus si elle était parvenue à vivre normalement grâce à Zach, avec lui ou bien sans lui. C’était un manque. C’était la cure de désintoxication que je n’avais pas demandée, et que je ne voulais pas continuer.

C’était con. J’aurais dû me gifler, ouais, d’avoir ces réflexions-là. J’ai détaché mon regard de cette satané fenêtre, et je suis revenue à la conversation, tant bien que mal, en rattrapant les meubles.

« Ce n’est rien, je comprends, » lui ai-je dit en me massant les paupières. « Je suis un peu sur le coup de l’émotion moi aussi. »

J’ai baissé les yeux vers l’écran du téléphone, dont l’écran lisse reflétait opportunément le visage contrit d’Anaïs par-dessus la vieille photo de Zach et moi. L’effet a harponné mon attention.

« Ok, ça peut m’aider, merci. C’est une bonne idée de commencer par les clubs, en effet, » ai-je articulé, pensive, incapable de décrocher mon regard du téléphone durant un court instant.

J’ai lissé mes cheveux machinalement. Mes yeux se sont décrochés des vieux souvenirs. Ils ont erré sur les traits tirés d’Anaïs et, durant quelques secondes, une sensation chaude et noueuse a caressé le fil de mes pensées. J’ai eu l’impression de renouer avec lui. C’était cette idée bête d’établir un nouveau lien avec Zach par l’intermédiaire de cette étudiante fugueuse, fatiguée et vulnérable, qui larmoyait devant moi. Mon cœur s’est serré en la regardant ; j’ai eu envie de l’aider à mon tour.

« D’accord, merci. » Un sourire s’est dessiné sur mon visage, tremblant sous l’émotion. « C’est moi qui devrais te rendre service, c’est mon boulot, alors tu n’as pas à t’excuser. »

Je me suis frottée le bras droit, machinalement encore. Un nouveau dilemme m’est alors apparu, qui faisait naitre chez moi une certaine nervosité, pleine d’indécision, et le besoin irrépressible d’agir. De passer à l’action, comme on nous l’avait tant appris ; car les actes comptaient mieux que les mots.

« Ne t’inquiète donc pas, je vais finir par le retrouver. Tu n’es pour rien dans cette histoire, tu n’as pas à t’en faire, » ai-je enchainé, cherchant les mots appropriés au fur et à mesure.

Lui l’a aidé, elle en vaut bien la peine, ai-je songé, tandis que ma bouche s’ouvrait et se refermait encore incertaine des paroles adéquates. J’aurais voulu l’aider. Mais comment le pouvais-je sans dévoiler mon boulot ou révéler tout ce que je savais réellement sur son passé, et sans la braquer contre moi. J’ai pensivement récupéré mon téléphone d’une main, et sans m’en rendre compte, je me suis mordillée les lèvres. Le besoin d’action s’est refait sentir, comme un accès de fièvre.

« Écoute, je sais que tu n’as pas eu une vie facile. C’est mon boulot de savoir ça après tout. Et je sais aussi que certaines personnes auraient dû t’aider, mais ne l’ont pas fait. Alors si jamais tu as besoin d’aide, appelle-moi, d’accord ? J’ai fait ce boulot d’abord pour tendre la main, pas pour passer des menottes. »

Je me suis levée lentement. La chaise a émis un grincement désagréable dans le silence plein d’échos de la bibliothèque vide. J’ai récupéré mon téléphone : les vieux clichés ont à nouveau attiré mon regard vers un passé plein de poussières et d’anciens fantômes. J’en recherchais un, et celui-ci était soudainement réapparu dans ma vie, avec son lot de chaines d’incertitudes et d’espoirs.

J’ai relevé les yeux vers Anaïs, inspiré longuement, et refermé ma veste d’un geste désinvolte. Des mèches désordonnées ont cascadé devant ma vision, et je les ai chassés d’un mouvement sec.

« Ça te va comme ça ? Tu me tiens au courant ? Et tu n’hésites pas, si tu as besoin de quoi que ce soit, » ai-je conclu en souriant, enfin, encore chancelante d’émotions contenues.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Sam 9 Avr - 12:49 (#)




Longtemps après le départ de Selma, j’étais restée assise à ma table à regarder sans les voir les notes, les livres et les cours qui s’étalaient devant moi. J’avais l’esprit complètement ailleurs, repassant encore et encore cette discussion hallucinante dans ma tête. Tant de choses aurait pu tout simplement mal finir et j’étais certaine de n’avoir pas dupé une seule seconde l’agent fédéral qui n’avait cessé de m’observer pendant toute la durée de ce qui s’apparentait autant à une simple conversation qu’à un interrogatoire, les menottes et le café ignoble en moins, mais la pression bien réelle. Je ressassais chaque seconde, chaque réponse et me traitais d’idiote, rejouant la scène avec le recul pour trouver des façons plus subtiles de répondre et d’éviter qu’elle ne s’attarde sur des points qui me rendaient nerveuse. Je finis par soupirer en posant el front sur la fraicheur de la table devant moi. A quoi bon, de toute façon ? Ce qui est fait est fait.

Est-ce que j’ai bien fait de croire à son histoire ? Cela semblait bien réelle, avec les photos et la façon dont elle semblait boire mes paroles dès que j’ai délivré la moindre bride d’information sur une possible localisation de Zach. Tout était vrai et en même temps faux, et je me sentais autant coupable que rassurée. Rassurée par le fait qu’elle ne risquait sûrement pas de remonter sa piste avec des informations qui n’étaient plus d’actualités, si elles ne l’avaient jamais été, et en même temps coupable de mentir ainsi à quelqu’un qui avait l’air de sincèrement vouloir des réponses. Tout ça n’aurait pu être qu’une mascarade. Quelle était la probabilité qu’elle vienne me voir au hasard pour avoir des informations sur Zach ? Faible, très faible. Mais maintenant, elle pouvait simplement se pointer à l’appartement et tomber sur lui à tout moment, parce qu’il était certain qu’elle n’avait pas besoin de mon numéro pour me contacter. Elle savait sûrement tout.

Repoussant une mèche de cheveux récalcitrante, je soupirai à nouveau avant de me lever pour ranger mes affaires et rentrer. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit à présent, je n’avait plus aucun moyen de me concentrer sans en avoir parlé avec le principal concerné. Et ce n’était pas la seule chose qui me dérangeait. Si jamais elle fouinait vraiment, je n’étais pas sûre de vouloir être là quand elle obtiendrait des réponses. J’en savais suffisamment sur Noël et Halloween pour avoir d’énormes problèmes. Une part de moi me disait que ça pouvait toujours être bien de m’en faire une alliée, elle l’avait proposé après tout, mais c’était jouer avec le feu en étant couverte d’essence. Peut-être qu’elle pouvait m’aider oui, qu’elle pouvait rouvrir mon dossier et finalement apporter un peu de cette justice en laquelle j’avais cessé de croire. Le risque était trop grand. Je ne comptais pas la rappeler si je pouvais l’éviter, pas alors que j’étais tout sauf innocente.

J’avais accepté, pourtant. Lorsqu’elle avait proposé de m’aider et de la tenir au courant, j’avais hoché la tête et murmuré mon assentiment avant un au revoir aussi chaleureux que possible, au vu de la situation. Je me pinçai l’arrête du nez. Et je faisais quoi si elle me recontactait, exactement ? Je ne pouvais pas l’ignorer, c’était un agent fédéral, elle saurait me trouver, la rencontre d’aujourd’hui en témoignait. Je détestai me retrouver dos au mur de cette manière. Il fallait que je demande conseil. Zach saurait quoi faire, j’en étais certain. J’espérais juste que cela n’allait pas provoquer une fuite en avant. Je ne voulais plus avoir à me cacher à nouveau. J’avais enfin un moment de vie stable et calme et j’aimais la petite routine tranquille de cet appartement qui était devenu ma maison.

Le vent chargé de pluie m’accueillit à la sortie du bâtiment et je fronçai le nez, observant le ciel grisâtre qui s’assombrissait alors que le jour diminuait. Je resserrai mon manteau contre moi et marchai d’un pas vif vers la ligne de bus censée me ramener chez moi. Il était encore tôt, même pas 17h, mais tant pis, il fallait que je parle à Zach maintenant. J’aurai pu l’appeler, mais je devenais paranoïaque après cette rencontre. Peut-être que les conversations téléphoniques étaient sur écoute, qui pouvait le dire ? Je devenais ridicule, mais tout était possible. Peut-être pas. Je me pris la tête entre mes mains et expirai l’entement, tentant de trouver un semblant de paix intérieur et reproduisant les exercices de respirations que Daphné m’avait inculqué pour que je me calme. Effet relatif, mais le simple effort de relaxation m’aida à passer el temps et ne pas penser à ce qu’il venait de se passer. Et tandis que le bus approchait et que je me redressais pour monter dedans, je souris en pensant à un truc stupide.

J’aurais dû lui demander de m’envoyer la photo de Zach…
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