Luke chapter 13 verset 32 (PV Heidichou)

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Lun 17 Mai - 17:48 (#)

Luke chapter 13 verset 32 (PV Heidichou) Tumblr_oyi9p58srr1s06into1_500

And he said to them, “Go and tell that fox, ‘Behold,
I cast out demons and perform cures today and tomorrow,
and the third day I finish my course.


Le bourdonnement du comptoir soumis aux passages des verres lui laissait une étrange sensation balisée. Comme si elle s'était trouvée le corps allongé à la proue d'un bateau sur une mer indécise. Les yeux dans le vague elle entendait les ricanements (pour la plupart des compositions fidèles à la société, forcées par l'hypocrisie qu'on ne remarque même plus) et les dialogues incongrus portés par la confiance qu'offre l'alcool. Hena pensa qu'il y avait encore quelques mois, elle aussi, elle ressemblait à ça. A l'ivresse d'une espèce qui ne cherchait, au bon mot, qu'à flatter ses sensations, à coup d'échanges musclés, de baise ou d'une chaleur particulière, née de ce besoin d'être exceptionnel, ou de le prouver à l'autre. Tempe reposée contre le comptoir sur lequel elle laissait glisser son doigt, son index traçait une ligne que la poussière fine, strate d'une crasse cumulée après le passage très rapide d'un chiffon plus très propre, auréolait d'un chemin granuleux que seuls des yeux de renarde, ou d'une autre espèce plus très nette, aurait pu contempler : le passage de la lumière qui frappait, d'un côté, sur la surface de poussière, puis, à quelques millimètres de distance, sur le dénivelé assez propre, offrait un effet de paillettes microscopiques agréablement captivant... Elle devait avouer que l'épreuve de son état s'était soldé par une transformation radicale, qu'elle n'avait pas vraiment vu venir. Elle rechignait moins à se transformer. Ses sautes d'humeur s'étaient vues remplacées par des réactions plus radicales. La honte s'était forgée comme un bloc de ciment qui chute indéfiniment. Elle s'était attendue à un point d'impact, un bam ! retentissant aussi fort qu'une mine sur laquelle on marche des milliers de fois avant que le mécanisme ne s'enclenche -faute au passage de trop. Mais plus le temps passait, plus ses émotions se lénifiaient  : un fil extensible qui se démaillait en cheveu d'ange jusqu'à ce que, peut-être, il s'évapore sous une pluie de molécules aux bras d'atomes rompus. Face à des scènes qui auraient dû l'inciter à la pitié ou à la compassion, elle s'était rendue compte qu'elle n'en avait plus rien à foutre : elle aurait pu voir les victimes geindre à ses pieds qu'elle les aurait observées comme on remarque une tache molle sur un carré de tissu. Le seul qui ravivait chez elle des émotions sincères était Archimède. Mais comme elle avait vite cerné cette lueur de vengeance dans le reflet de ses yeux, elle s'était dit que ça n'était pas ingénieux de l'impliquer dans ses plans : pas si ça signifiait retourner dans cet océan d'angoisse et d'incertitude qui lui avait foutu le cerveau en vrac. Alors elle en était là... une serpillère fidèle dans un bar miteux, venue dans le but, un peu bête, de se mesurer à l'expérience d'un retour aux sources, et soudain se rendre compte que l'alcool ne lui manquait pas.
Plus de tremblements, de gorge sèche, de sueur par temps clément. Elle voyait les liqueurs danser dans les verres comme des demoiselles spectrales, captivée par leurs couleurs : à se demander si ce n'était pas les plus grandes putains que le monde ait portées, à vous prendre l'argent, l'esprit, puis la mémoire pour un bref moment de plaisir, avant de vous laisser au petit matin, seul, malade et en manque.

A côté, ça se gaussait très très fort. Une blague comme on en faisait plus : à propos d'une blonde, d'une rousse et le reste s'était perdu, parce qu'Hena était plus préoccupée par le jeu hypnotique des lumières du bar. Elle n'avait pas même envie de partir, en vrai... elle se sentait plutôt bien, à la manière d'une réplique d'animal assis, posée dans un renforcement de pièce bondée, habituée au vacarme, qui veille comme une enseigne décorative has been : une relique trouvée depuis une cave, qu'on hésite encore à bazarder.
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Mer 19 Mai - 19:42 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



B
ien sûr que c’était réel. Tu auras beau te reposer la question encore et encore en ignorant systématiquement la réponse, celle-ci ne changera pas. Des questions, tu en as beaucoup d’autres en réalité, mais refuser d’entendre la seule réponse que tu possèdes te permet de lutter contre le torrent terriblement angoissant de ton ignorance. Tant que tu es dans le déni, tu es en sécurité, en quelque sorte. Malheureusement, le déni ça ne te ressemble pas. Tu peux le feindre autant que tu veux, tenter de t’accrocher le plus fort possible à l’espoir simple et paisible que rien sur Terre ne peut t’atteindre, mais tu sais tout au fond de toi que tu ne pourras jamais faire taire les voix qui chantent une vérité brute qui elle, n’a que peu faire de ta sensibilité.

Tu finis par ouvrir les yeux, dérangée pour un filet de lumière insolent s’étant frayé un chemin à travers les stores de ta chambre. Tu clignes une fois, deux fois pour que les tâches qui aveuglent tes yeux endoloris cèdent leur place aux détails vaguement familiers de ta chambre. Tu es en vie. On ne peut pas en dire autant de tout le monde hier soir. Malheureusement ? Non, bien au contraire. Aucune facette de toi, même la plus douce et enfouie, ne regrette la mort de ces gens ; la facette la plus sanguinaire regrette même plutôt que certains aient pu s’en tirer. Alors que tu t’éveilles lentement, même pas encore consciente des stigmates de la soirée sur ton corps mortel, la flamme de la rancune trouve un foyer en ton sein. Oisillon de feu familier, il trouvera sans doute un camarade plus âgé pour ne pas se sentir seul.
A son tour, ton corps se réveille. Il se souvient aussi de cette soirée, et il tient à te faire savoir jusqu’à quel point il s’est dépassé pour permettre ce moment. Oh, pas qu’il soit déjà l’heure de se lever, mais tu veux attraper ton téléphone et ta paire d’écouteurs. Grave erreur, te hurlent joyeusement en chœur chaque muscle de ton dos, de tes bras et de tes jambes. L’évidence s’impose d’elle-même : tu as besoin d’un truc.
Mais ça attendra bien les quelques heures pendant lesquelles tu vas rester allongée, immobile et les yeux clos à écouter ton album préféré de Chet, un peu comme un deuxième doudou en plus de l’oreiller que tu serres déjà dans tes bras.

Le déséquilibre impose un retour vers l’habitude, et de quoi as-tu le plus l’habitude si ce n’est brûler ta gorge à liqueur en faisant mine d’être seule au monde tout en noyant tes pensées envieuses dans ton propre venin. Ce soir, tu devras aussi noyer tes questionnements.
Chaque mouvement est raide et fastidieux, mais tu as connu pire. Il fait encore jour quand tu décides de t’échapper de ton lit, mais il fera nuit une fois que tu seras lavée et que tu auras avalé quelque chose et il deviendra socialement acceptable de se lancer en quête d’ivresse. Même sans douleurs, tu aurais traîné des pieds. Les derniers mots qu’Elinor t’a adressés ont fissuré ton cœur et tu as l’intime conviction que ce soir, seul l’alcool pour colmater ce morceau de glace à la dérive.

Emmitouflée dans ta panoplie de jais habituelle, tu pousses de l’épaule la porte à double battant d’un rade sans prétention pas trop loin de chez toi. Même si à cette période de l’année on ne retrouve pas l’effervescence des étés dansants, tu préfères tout de même te mettre à l’abri d’une overdose de bonne humeur assurément fatale pour les gens de ta race. Derrière quelques mèches claires, le visage partiellement caché par une large écharpe vestige de tes jeunes années en Illinois, tu sondes du regard le bar dans lequel tu viens d’entrer. Les deux extrémités du comptoir sont occupées ; kurwa.
Tant pis, tu n’auras pas la force de trouver un autre endroit où t’échouer. Alors il va falloir choisir un côté de ce fichu comptoir. D’un côté, une assemblée de motards qui parlent trop fort, et de l’autre, ce qui ressemble de loin à une vision de toi en avance de quelques heures. Le choix est déjà tout fait, ne serait-ce que parce que tu préfères que le bois ne colle pas quand tu décides de d’étendre dessus.
Pas même un mot adressé à la première blonde de ce côté du navire en t’asseyant sur le tabouret à côté du sien.

D’un geste là, habitué, tu desserres ton écharpe et attends que la voix d’un barman ne vienne te réveille de ta léthargie pour choisir ton poison. Tu ne t’attendais pas à ce que sa voix vienne de derrière toi. Ni qu’elle soit aussi déplaisante. Quel affreux geste commercial.

« Eh, toi, qu’est-ce que tu fais là ? On a pas été assez clairs la dernière fois ? »

De quoi est-ce qu’il parle ? Est-ce au moins à toi qu’il s’adresse ? Dans le doute, tu l’ignores. Il faut garder en tête que ce soir, c’est soirée déni, alors c’est dans le thème.

« Oh, la blondasse, j’te cause putain. Casse toi d’ici si tu veux pas qu’on te mette dehors pareil que la dernière fois. »

Non, vraiment, si ça se trouve, c’est pas à toi qu’il parle. Continue de l’ignorer, c’est bien. Sa voix t’est familière, mais ça n’est pas une raison suffisante pour te retourner. Peut-être qu’à la longue, il abandonnera. De toutes façons, tu n’as pas envie de voir la gueule mal rasée de ce motard cliché à l’extrême dont l’odeur te suffit déjà amplement.

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Lun 24 Mai - 23:44 (#)


Froid, chaud les bruits, le calme. Tout ça en même temps. C'était la porte qui venait de s'ouvrir, froid du dehors, et puis le retour à l'abondance du bar, cette chaleur entretenue par l'oxygène des vivants, à l'intérieur, bruits de pas, calme dans son esprit, tout ça en même temps. Hena avait mal au crâne, nettement pas l'envie de partir. Une petite perte de repère, passagère. Elle entendit qu'on s'asseyait à côté d'elle, ça lui provoqua un sourire, sorte de rictus amusé tandis qu'elle laissait rouler sa tête sur le côté pour lorgner sur l'inconnue. Une humaine, peut-être. Suicidaire, ça c'était sûr. Qui te dit que je suis pas le côté le plus menaçant de ce comptoir? En vrai, elle avait presque envie d'éclater d'un grand rire à sa pensée. C'est vrai qu'elle ne donnait pas une image très impressionnante d'elle-même. Ne jamais se fier aux apparences, pensa-t-elle. Peut-être que sa voisine était aussi un danger, qu'elle pouvait tordre les échafauds du toit et les faire s'effondrer, tant est que ça fonctionnait de la sorte... c'est qu'Hena n'avait pas une idée très concise des fléaux magiques. Elle aimait à penser qu'elle n'était pas de ce genre. Parce qu'il n'y avait pas dans ses yeux cette lueur de différence qui surfe sur la ligne de l'arrogance. Un brin de petit bout de femme qui n'a pas peur de dire "merde". Adorable. Ca lui rappellerait presque les relents de sa propre vie effacée.
Dans son dos, Hena entendit soudain le baragouinage caractéristique d'une gros animal en colère. Avachie sur le comptoir, elle murmura à la jeune femme, faussement tracassée :"Je sentais bien une odeur de crasse, ça ne pouvait pas venir de toi, hein ?"

- Oh, la blondasse, j’te cause putain. Casse toi d’ici si tu veux pas qu’on te mette dehors pareil que la dernière fois

Brusquement, son dos fut bousculé par la paluche grasse de l'autre, assez fort pour qu'Hena doive se rattraper au rebord du comptoir. Perplexe, elle lui envoya un regard silencieux : elle cherchait à faire le tri dans les rangées de sa mémoire défaillante. Mais ce mec ne lui disait absolument rien. Il portait cette moustache ridicule qui formait comme un fer à cheval et lui donnait l'air d'un morse énervé.

— Je sais pas qui tu es... expliqua-t-elle avec langueur.

— Ah ouais ?

Elle se redressa lentement comme un carnivore un peu tapi

— Aucune idée... souffla-t-elle. S'il avait regardé dans ses yeux, impavides, il aurait fermé sa gueule et en serait reparti d'où il était venu. Mais l'alcool faisait gonfler son jugement, il se contenta de prendre une autre lampée de bière en bouteille, fort de sa supériorité.

— En vrai, voilà, je sais plus si c'est toi ou ta copine qui m'a cassé les couilles l'autre fois ! Mais dans le doute, t'as qu'à partir, parce que ta tronche de balai à chiotte me revient pas, pas du tout ! Elle entendit des rires cueillir sa réplique. Deux femmes seules dans un bar provoquaient toute sorte de débordement. Hena garda un temps de latence : elle cherchait à mesurer si ça valait le coup de tirer sur la corde. Un coup d'oeil en direction de sa voisine lui fit subitement repenser à cet aspect d'elle-même, celui où on cherchait constamment à se jeter dans la fange, parce qu'il y avait un mal qu'on essayait toujours de noyer dans la poussière... D'un mouvement las, elle finit par se remettre droite. Docile, la renarde consentit à quitter son tabouret, présentant ses paumes en l'air. Visage sans expression, juste un peu désabusée...

— O  -  K murmura-t-elle, détachant chaque syllabe. Ne pas faire de vague, se contrôler. Des bars il y en avait par dizaine, Hena les avait écumés dès le premier jour où elle avait posé ses pattes dans cette ville de malheur, elle n'avait aucun mal à perdre toute dignité - elle ne croyait pas en avoir jamais eu.

Elle palpa ses poches, posa trois pièces sur le comptoir avant de se diriger vers la sortie dans cet aspect un peu mangée aux mites, son manteau beige se trainant presque autant qu'elle. Mais en passant à côté de la brochette de bikers, une des nanas du groupe eut la bonne, l'excellente, idée de prendre son verre de gin pour le lui jeter à la gueule. L'alcool éclaboussa son visage, dégoulina le long de ses cheveux.

Les motards redoublèrent de rire. La femme prit une mine désolée

"Oups" qu'elle minauda. Indéchiffrable, lentement, Hena essuya le coin de sa joue pendant qu'autour les rires s'imprimaient dans son propre espace. Bien au fond du comptoir, le barman se contentait de frotter énergiquement ses verres à l'aide de son torchon, comme très préoccupé par les taches. Devant la passivité de tous, Hena se sentit, tout à coup, très amusée à son tour. L'hilarité de ces hyènes décérébrées la poussa à rire doucement alors que ses yeux prenaient des lueurs étranges. Son sourire, dents dévoilées, ressembla plus à celui d'un carnivore au faciès dévoré.

Sans prévenir, elle se retourna soudain : sa main attrapa la femme à la gorge. Une action si brusque que les autres eurent du mal à réagir à temps. Ca prit tout le monde de court. Aussitôt, elle se reçut un puissant coup de pied dans le flanc en guise de réplique. La douleur irradia son plexus, elle se surprit à éclater d'un grand rire. Le plus gros des bras la saisit comme une poupée de chiffon, la secouant comme un prunier.

— Tu crois que t'es qui là ! beugla-t-il. Hena ne répondit pas, prise d'un incontrôlable fou rire. Dans le lointain de l'agitation, elle entraperçut le regard de sa voisine solitaire. Avec une lueur de folie dans les yeux, elle lui adressa son sourire sardonique, qui semblait lui dire. tu aimes ce que tu vois ? c'est que tu étais venue chercher ici, dis ? dis-moi, si t'étais pas venue ici pour ça, ça serait pour quoi ?

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Lun 31 Mai - 17:56 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



D
éjà ? Alors que tu n’as pas prononcé le moindre mot ? Oh, si tu avais été dans un état d’esprit différent, tu te serais félicitée d’avoir réussi à semer le trouble si facilement. Mais pas ce soir. Ce soir tu es une petite princesse échouée sur une planète que tu connais sur le bout des doigts, sur laquelle il n’y a qu’un miroir au milieu des collections de bouteilles vides et pleines.
Le ton monte et les mains s’agitent. La dernière chose dont tu as envie, c’est de faire des vagues. Pour une fois, pourrait-on dire. Tout ce que tu veux, tout ce que tu demandes humblement à ton cerveau en déroute, c’est d’oublier. Au moins pour ce soir, quelques souvenirs. Tu n’as eu ni le temps, ni l’envie de décider quoi faire des brins de mémoire en questions depuis qu’ils se sont gravé dans ta mémoire dans la nuit d’hier. Pour l’instant, ils sont en l’attente de jugement, un peu comme si ton Saint-Pierre intérieur avait décidé de déserter son poste l’espace d’une nuit. Il faut dire, pour sa défense, qu’il n’a pas un métier facile. Jongler avec autant de principes enfantins et de contradictions flagrantes est loin d’être de tout repos.

Coudes sur le comptoir collant, tête enfoncée dans les épaules et soutenues par une paire de mains encore refroidies par le trajet, tu suis péniblement l’action des yeux, du moins autant que possible sans bouger la tête. Déjà s’agitent les vieux démons tenaces qui affirment te connaître mieux que quiconque : ils ont senti l’odeur de la poudre et t’intiment d’aller y mettre le feu. Au prix d’un long soupir se faisant le témoin d’un lutte intérieure autrement plus intense, tu parviens à t’abstenir de tout commentaire et de tout geste. C’est dur de lutter contre les réflexes, pas vrai ? Oh, oui. C’est si dur de nager à contre-courant d’une nature auto-destructrice; au mieux, tu fais du sur place et au pire..
Tu n’as pas envie de te noyer.

Est-ce toi, la copine dont il parle ? Tu ne te souviens pas avoir déjà croisé cette femme avant, mais tu sens à l’inverse que tu devrais te souvenir de celui qui l’agresse par pure envie de frime et de démonstration de pouvoir piquée au virilisme toxique. Le pire, c’est que ça a l’air de marcher. Tu admires, s’il ne s’agit pas là en fait de jalousie, le calme de la blonde encore inconnue qui fait face à cet adversaire dont elle n’a pas voulu et surtout son renoncement. Que ce serait-il passé si ça avait été ton épaule au lieu de la sienne ? Tes paroles et pas les siennes ? Tu te serais retournée et aurais reconnu sans plus de suspens le visage de celui qui t’a, il y a quelques mois, battue si fort qu’il a fini par avoir raison de l’une de tes côtes.
La tension t’oppresse et tout au fond de toi, tu espèces avec une ferveur rare que quelque chose la dénoue enfin ; que les choses dégénèrent enfin pour donner à tes sens enfin la sensation familière objet de ta quête non-assumée. Ta patience te donne raison lorsque finalement, une autre étincelle de folie se décide à embraser la traînée noire qui relie chaque connard assis dans ce bouge. Une fraction de seconde aura suffit. En te retournant, tu es assaillie par l’étrange sensation d’assister à une scène déjà vécue mais d’un tout autre point de vue.
Tu captes un regard, au milieu des encouragements enthousiastes et par dessus tout ivres, un regard sans équivoque. Un regard qui met le feu aux poudres.

En silence, tu te lèves sous le regard impuissant du barman qui se voit déjà éponger du sang ce soir. Tes mains se sont rangées dans tes poches, mais c’est parce qu’elles se préparent. Tu reconnais enfin la silhouette à qui appartient la voix et tes épaules tendues se chargent encore plus d’un ressentiment amer, comprimant ce ressort qui finira inéluctablement par éclater à la figure de quelqu’un. Un pas après l’autre, tu te rapproches du type qui tient fermement des ses mains caleuses celle avec qui, de ce simple regard, tu as scellé un pacte tacite. Les cris résonnent contre les murs crasseux, tu as l’impression que l’on a relâché une horde de babouins déchaînés dans ce bar pourtant quelconque. A chaque pas, l’ambiance devenait plus chaude et tu as l’impression d’approcher de l’épicentre d’un événement d’anthologie.
Si elle sourit, toi, tu n’es qu’une pelote de nerfs à vifs réclamant vengeance et tout un tas d’autres sentiments néfastes pour toi comme pour autrui.

Enfin, tu arrives à la hauteur de l’action ; enfin, tu vas pouvoir faire cesser ce vacarme dans un acte complètement détaché de la notion de fair-play.
Une de tes mains sort de son antre accompagnée d’un de ses jouets préférés. Violemment, deux crocs métalliques traversent les vêtements de l’homme qui semble si fier de son comportement et d’une simple pression du doigts, tu laisses déferler dans son corps à présent tremblant une décharge vengeresse.
Il lâche prise et, alors qu’un silence béat a balayé en une seconde les veuleries primitives de ses camarades, son corps encore pris de spasmes s’effondre sur le sol poisseux. Est-il encore conscient ? Il a les yeux ouverts. Tu espères simplement qu’il entendra tes mots ainsi que toute la rancune qu’ils assouvissent enfin.

« Et toi, tu crois que t’es qui ? »

Un crachat vient garnir son maillot sale et imbibé de sueur. Tu as fait des vagues, mais ça t’a fait du bien. Tu ne penses plus à la nuit dernière, et c’est une bonne chose. Tu as abattu froidement le chef de la meute de hyènes, alors que va faire le groupe maintenant ? T’es-tu tracée de toi-même une nouvelle cible dans le dos ? On ne peut pas vraiment dire que tu aies hâte de le savoir. Ou peut-être que si, au final.

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Dim 13 Juin - 3:03 (#)

C'est ce qu'on appelle les instincts, non ? Ou bien l'écho d'une ressemblance. Hena ne savait pas trop, un regard en échange d'un regard, un mot qui se perd dans le sourire, elle avait pressenti la réaction de sa voisine, juste... elle ne savait pas trop pourquoi cette inconnue aurait décidé de prendre sa défense. C'est débile, puisqu'Hena avait accepté de se faire démolir la gueule. Rien à voir avec toi. Sûrement vrai.
Ca lui a quand même coupé son fou rire. La surprise crée ce genre d'effets. Elle eut un peu l'air secouée, de celle qui se serait mangée une buche au moment de sentir le bras jambonné mollir puis la relâcher. Par un reflexe tout renard, elle bondit sur le côté quand la petite montagne s'écrasa sur le parquet dans une onde de choc qui créa un mini tremblement de terre sur le parquet. Hena jeta un coup d'oeil étonné à sa voisine : au moment même où celle-ci crachait sur le corps à terre. Quand même, elle aussi, une nana bien destructrice.

— Tu es quoi ? lui demanda-t-elle, épatée, insensible aux caquètements et vociférations des autres du groupe. Une semblable ? Une humaine ? Une suicidaire ? Pas une sorcière, non, non se disait-elle, pas une sorcière qui serait trop fière de ses capacités pour s'aider d'objets, non ? Qu'Hena ignore ses ennemies ne plut pas, apparemment, parce qu'un coup de poing partit sur le côté. Hena l'évita d'un nouveau bond sur le côté, nettement trop vite cette fois. Le gars saoul balbutia un truc, interloqué, qui ressembla à "qu'est-ce que?".  Son idiote de voisine était tombée à genoux, elle chouinait en tapotant les joues du biker à terre dont le coeur restait muet aux oreilles de la renarde. Le barman avait disparu de toute zone visible : peut-être accroupi derrière son comptoir, ou peut-être loin dans le remise à composer le numéro des flics.  Décidemment une chouette nuit.

Par instinct, Hena se rangea devant la fille quand la brochette, encore indécise, se leva d'un bond qui se voulait menaçant, mais qu'Hena trouva super comique.

— J'frappe pas les filles, mais là ca va chier !
— Normalement, j'attaque pas les décérébrés non plus répondit Hena avec beaucoup de sérieux. Devant la rage sur le visage du groupe, elle sentit que leur chance allait tourner. Elle attrapa la main de la blondinette, fonça vers les toilettes du bar. Juste à temps, elle ferma le verrou : un grand choc fit trembler la porte sur ses gonds. Dos appuyé contre le pan de la porte pour contrebalancer le poids, cheveux encore mouillés d'alcool, Hena se mit à glousser. Elle lui jeta un regard de côté, vivement impressionnée, aussi très amusée.

— Je crois que tu l'as tué ! s'esclaffa Hena. C'était drôle. Drôle : un grand et gros gars menaçant, claque bêtement d'un arrêt cardiaque après un petit coup de teaser. Pas à dire, le destin était une chienne qui avait le sens de l'humour. Son corps encore malmené par les secousses de la porte, Hena tendit sa main vers la blondinette : aujourd'hui c'était rare, rarissime qu'elle utilise sagement des codes de société. Son geste aurait pu être normal, si de l'autre côté du seuil il n'y avait pas un troupeau de bikers qui s'échinaient à défoncer la porte. Si Hena n'avait pas depuis arrêté de réfléchir comme une personne saine : s'il n'y avait pas eu cette discrète lueur démente dans le creux de ses prunelles, discernable pour qui s'y attarderait suffisamment longtemps - car il y avait comme des démons qu'on invoquait, et d'autres qui se nourrissaient simplement du vide visible dans le puit sans fond des prunelles.

— Mon nom c'est Hena. Sous une grimace, à cause d'une secousse plus violente que les autres, la renarde lui désigna la petite fenêtre du menton. Elle n'avait jamais trouvé lâche l'acte de s'enfuir. La fuite, c'était une danse avec le vent où on signait le risque, totalement con, qu'elle vire à la tempête.

— Ils doivent avoir des amis dans le coin, non ? Si tu m'assures que t'es pas une sorcière, on pourrait dégager par là, avant qu'on nous retrouve dans un caniveau ? souffla-t-elle, comme si elle ne voulait pas ébruiter son plan d'une simplicité consternante, aussi bancale que la porte sur le point de céder contre laquelle elle s'appuyait. Un conditionnel qui se basait sur l'idée que les groupes cherchaient toujours à s'agrandir, quand la solitude, elle, poussait à boire seul, dans des bars nettement pas fréquentables, par exemple. Pour le reste, cette nana aurait pu lui assurer des mensonges, c'est que ce soir Hena avait envie de croire, croire aux idées rares, comme cette idée de foudroyer une montagne d'un simple éclair.
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Dim 13 Juin - 15:54 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



D
e part et d’autre du corps massif et encore frétillant, ton regard croise celui de l’autre fille. Comme si tu faisais face à un miroir, tu reconnais ces yeux chargés d’adrénaline ; ils n’augurent jamais que des ennuis, mais après tout, n’est-ce pas ça que tu es venue chercher ? A qui espères-tu faire croire que tu as choisi ce bar en particulier au hasard ?

A partir de là, les événements s’enchaînent sans discontinuer et ta perception encore vierge des affres de l’alcool, du moins pour la soirée, te permet de les suivre sans difficulté. Tu entends sa question mais tu n’as pas le temps d’y répondre, ni même de réfléchir à son sens. Du coin des yeux, tu devines les silhouettes vulgaires du reste de la bande bondir hors de leur banquette. Tu entends leurs cris de rage et de stupéfaction se rapprocher de vous et tu sens leur halène envelopper la pièce d’effluves fétides. Des poings ivres tentent une rencontre franche et sans concession avec des joues, mais une valse à l’élégance mal répartie met en échec ces insolentes entreprises. Seulement, maintenant vous êtes deux têtes blondes et dérangées opposées à une horde de babouins ivres et déterminés à venger les chute du chef de tribu. L’effet de surprise, aussi formidable soit-il, a le fâcheux défaut de ne marcher qu’une seule fois. Tu n’es pas vraiment en état de te battre, encore douloureusement courbaturée de la veille, et par conséquent encore moins de gagner ; sachant comment tu as fini la dernière fois que tu as croisé le chemin de ces singes même pas savants, tu n’as que très peu envie de t’attarder devant les preuves de ta vengeance camouflée en acte de bravoure chevaleresque.
Au moment même où tu songeais à trouver une échappatoire, on saisit ta main pour la deuxième fois en deux jours. Le temps de cligner des yeux, tu te retrouves enfermée dans les toilettes de l’établissement avec ton alliée frappadingue de la soirée, adossée à une porte beaucoup trop peu solide pour l’utilisation que vous en avez.

« Quoi quoi quoi quoi quoi ? Comment ça je l’ai tué ? Tu dis des conneries, il est pas mort ! »

Ton visage déjà pâle blêmit un peu plus qu’à l’accoutumée. Oh, ça n’est pas du remord que tu ressens, tu n’as absolument rien à faire de la vie de ce pauvre type et il peut crever la bouche ouverte, tu en seras même ravie ; ce qui t’inquiète, c’est plutôt qui l’a tué, en l’occurrence : toi. Ça signifierait qu’en plus de t’être rendue la veille complice de meurtre, tu en as perpétré un à ton tour aujourd’hui, ce qui est objectivement une assez mauvaise idée. Au moins ça n’a pas vraiment l’air de déranger ta camarade de circonstances et tu ne sens peser sur toi aucun jugement. C’est un soulagement, un réel soulagement.
Ce que tu ne sais pas, c’est que derrière la porte qui vous sert de barricade, la moins ivre des femelles babouins s’adonne à un massage cardiaque dans une tentative désespérée de sauver son chef. Il se pourrait que, par miracle, son cœur se soit remis à battre. Malheureusement, tu n’en as pas la moindre idée.

Héna te tends la main en se présentant. Elle attends évidemment que tu fasses la même chose en retour, mais tu ne peux pas te permettre de lui donner ton nom. Enfin, pas le vrai.

« Salut Héna, moi c’est Anna. »

Tu empoignes à ton tour sa main et l’agite brièvement de haut en bas dans un geste dont tu n’as pas vraiment l’habitude. En revanche, donner le prénom de ta cousine au lieu du tien est beaucoup plus fréquent, et tu espères qu’elle s’en contentera, et au pire, qu’elle comprendra pourquoi tu lui as menti.

Tu considères un instant son idée. En as-tu une meilleure ? Non. As-tu le temps de réfléchir à une meilleure ? Non plus. Alors vendu, ça sera une fuite pour deux par la fenêtre. Après tout, dans ta tête, tu viens de tuer un homme, alors la fuite s’impose. Peut-être changer d’identité ? Commencer par la coupe de cheveux, faire de faux papiers, fuir au Panama même si tu as horreur de la plage. Non, tu ne peux pas partir, tu as trop de choses à accomplir ici. Tu réfléchiras à une solution en courant, tant pis. Enfin, tu réponds en adoptant par mimétisme le ton de la voix d’Héna.

« Bah non, je suis pas une sorcière. Attends, pousse toi un peu. »

Tu récupères rapidement le manche de la serpillière qui traînait dans un coin de la pièce exiguë et le coinces entre le mur et la poignée de la porte verrouillée. Avec un peu de chance, le peu de résistance qu’offrira ce bout de bois vous permettra de prendre une longueur d’avance et de vous fondre dans le paysage urbain avant qu’ils ne puissent vous rattraper. Ton cœur bat à tout rompre et tu te sens suffisamment excitée pour ignorer encore un peu plus longtemps tes courbatures.
Alors c’est parti. Tu hoches la tête avec conviction pour lui signifier que tu adoptes son plan sans autre forme de discussion et te précipites vers la fenêtre. Un courant d’air vivifiant s’insinue dans les toilettes lorsque tu l’ouvres. Tu places tes mains contre le cadre et, d’un petit bon, t’engages dans la meurtrière. Quelques instants plus tard, tu retouches terre sur le bitume sale d’une ruelle mal éclairée. Tu glisses la tête par l’ouverture et chuchote encore quelques mots à l’attention d’Héna, un rictus narquois au coin des lèvres.

« Alors, qu’est-ce que t’attends ? »

En y réfléchissant un instant, tu doutes de la capacité de vos poursuivants à passer à travers cette lucarne salutaire et l’image d’un de ces gros lards coincés dans l’encadrement de la fenêtre t’arrache un sourire. Une fois toutes les deux dehors, tu n’attrapes pas sa main mais lui intime tout de même de te suivre.

« Je connais pas trop mal le coin, suis moi. »

Alors que vous parcourez les rues plus ou moins désertes de Stoner Hill, tu te surprends à repenser à ses paroles, au sens qu’elles pourraient avoir. De temps en temps, tu jettes un coup d’œil dans ton dos pour t’assurer que vous n’êtes pas suivies, mais tu ne vois pour l’instant jamais rien d’autre que les lumières vacillantes d’une ville qui s’endort. A-t-elle des problèmes avec des sorcières ? Tu te souviens de leur révélation, tout comme celle des vampires. Tu as rêvé d’en être une comme tu rêves toujours de devenir une Longue-Vie. Si ça se trouve, tu es une sorcière qui s’ignore et qui n’a pas trouvé le moyen de faire surgir ses pouvoirs ; tu es en plein rêve. Et pourtant, tu ne peux t’empêcher d’être tiraillée entre ton besoin d’être unique et l’implacable retour à la réalité qui s’impose à chaque fois.

« Du coup, euh.. Héna, t’as des problèmes avec les sorcières ? »

Qu’elle réponde, ou qu’elle ne réponde pas, tant pis. Dans le meilleur de cas, tu en apprends un peu plus sur ce monde que tu veux tant rejoindre depuis que tu as appris son existence, et dans le pire, elle est juste cinglée et ça ne change pas grand-chose à ta vie.

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Mer 23 Juin - 20:51 (#)

Le véhicule tout terrain démarra, sortit du bas côté et reprit sa route. La lune se reflétait sur sa carrosserie d'un noir terni, journellement soumise à la chaleur insupportable du Texas. En temps normal, le gros véhicule traçait d'une allure passive. Mais cette nuit, il accéléra à plus de trois mille tours par minute dans un bruit de moteur furieux, ses feux rouges allumés comme les yeux d'une aberration, dans le noir déjeté de la route.
Derrière, contre le flanc humide du goudron, les contours d'un corps inerte qu'on aurait pu confondre avec un talus de sable.
Mains sur le volant, jointures serrées, le conducteur avait l'esprit fracassé.
"La fuite était de famille", c'est ce qu'il pensa, ce dont il se souvint.


------

Hena eut un autre regard amusé devant sa pâleur. Elle l'écouta se présenter, restant sage et passive, sait-on jamais que l'autre s'emballe soudain en comprenant qu'elle avait commis un meurtre, qu'elle l'attrape par le col pour le secouer comme un prunier en beuglant sa panique. C'est qu'Hena avait côtoyé pas mal de réactions disproportionnées dans un bar, et tout autant de folie. Mais dégourdie, ce qu'elle jugeait être une humaine (avec beaucoup de réserves, Hena acceptait ses lacunes) grimpa vite fait par la fenêtre - après avoir bloqué la poignée de la porte au préalable- comme un chaton paniqué qui bat des pattes dans le vide au moment de se hisser. Hena s'extirpa de son état - bêtement, elle était restée là, à la regarder sortir, comme si elle voyait l'action depuis son poste télé. La porte, courageuse, tint bon jusqu'à ce qu'elle la rejoigne : l'air du dehors lui mordit agréablement les joues, elle discerna l'odeur caractéristique de la poudre noire, trébucha sur des douilles de pistolet sur l'asphalte ; des billes usuelles de ce quartier.
L'autre marchait déjà à vive allure. Mains dans les poches, Hena la suivit sans discuter, son manteau soulevé sous son allure comme une cape grotesque. Elle sentait des yeux les épier, depuis des fenêtres. L'entrée morose voyait se succéder la curiosité des gens miséreux qui n'avaient pas les moyens de voyager. Une petite fille aussi, à l'un des derniers étages, le nez collé à la vitre de sa chambre, regardait les deux ombres de demoiselles passer, alors que dans la pièce à côté la renarde discernait les insultes sourdes d'une dispute de couple. Elle se força à regagner la terre ferme, oublier les bruits parasites qui courraient comme des fourmis rouges dans le quartier en sommeil.

« Du coup, euh.. Héna, t’as des problèmes avec les sorcières ? »

Hena lui lança un coup d'oeil intéressé.

— Il est possible que leur magie ait tué quelqu'un que j'aimais.


Réponse directe, sans plus de douleur à la formuler, sans considérer que, peut-être, ce n'était pas très naturel dans le fil d'une conversation légère - elle avait subi l'agonie chaque jour, chaque nuit, depuis ces mots n'étaient plus que du sang séché sur une plaie béante. Des préjugés, amalgamés au possible, comme un chien qui mord, qui rendrait tous les autres chiens vicieux. La renarde accéléra le pas pour se retrouver à son niveau. D'un geste vif, elle la tira par la manche pour qu'elles bifurquent sur le côté. Elle tendit l'oreille, le visage penchée, patiente, étrangement sereine... Comme d'attendre qu'une petite tornade passe, elle ne se formalisait plus. Elle connaissait ces lieux, peut-être pas aussi bien, mais elle discernait, des paroles incongrues, présageait que derrière le renforcement des briques la ville cachait des dégradations qui avaient coulé dans le cerveau de beaucoup : deux êtres, en ce moment, parlaient à une venelle de là d'une voix trop étouffée pour n'avoir rien à se reprocher. Immobiles, le temps qu'elle juge la voie libre, la renarde se permit de lire dans les yeux de cette fille : ceux d'Hena posait des questions mais ils étaient comme vidés de substance cohérente. Si elle avait perdu l'esprit depuis un moment, cette fille là, qui avait l'air de réfléchir assez correctement, pourquoi ferait-elle ça ?

— Qu'est-ce que tu faisais seule, dans un bar pareil ? lui murmura-t-elle, très curieuse, sans aucun reproche, abritées par l'alcôve dont l'ombre les masquaient des lampadaires et des fenêtres. Ses prunelles toujours un peu vides. Cette Ana comprendrait peut-être qu'Hena n'était pas tout à fait humaine, et qu'offrir son dos à une inconnue pendant qu'elle marchait, qui plus est instable, pouvait lui valoir de tomber pif le premier sur l'asphalte, voir des étoiles mourir sous ses yeux et s'éteindre à son tour.
Elle aurait pu lui poser cette même question en le formulant autrement

Pourquoi tu es si suicidaire ?

Pas de compassion, une émotion envolée aussi loin que la mémoire de beaucoup de mortels après le Mall, c'est qu'elle souhaitât comprendre. Le fonctionnement absurde des humains. Leurs besoins d'avancer en équilibre sur les palissades en construction. Leur grande fragilité, face à la force inconsidérée de leurs désirs.
Puis elle se reprit. Elle venait de remarquer qu'elle la tenait toujours, sans mesurer sa force... Hena rouvrit ses doigts autour du poignet de cette fille, s'imposant une distance. Son esprit s'égara encore, dans sa quête de réponses, elle songeait à d'autres moyens de lire la vision des humains, qui se calquaient de moins en moins bien sur ses propres journées.

— Tu étais là, le 1er novembre 2019 ? Est-ce que tu te rappelles de quelque chose, sur ce qui s'est passé dans cette ville ? eut-elle dans l'idée de demander. Pourquoi pas, se disait-elle.   Pourquoi pas ?

Ses yeux étaient grands ouverts, un espoir un peu fou d'imaginer qu'elle pourrait trouver des indices, même infimes, en utilisant une pauvre fille tête brulée mais tristement désespérée, au fond, Hena avait capté sa fougue un peu précipitée de gestes, de langages, comme on se couvre d'une chouette carapace qui ne se remarque pas, pour cacher un mal être plus profond, Hena savait ce que c'était :  de se jeter dans la chaleur cuisante d'un feu qui ne réchauffait rien, qui se contentait, à chaque fois, de tout bruler sur son passage.
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Ven 25 Juin - 21:16 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



S
a réponse vient rapidement, avec des mots clairs et précis, réels, comme le tranchant d’une lame émoussée par les coups qu’elle a trop longtemps portés. Tu apprécies d’entendre cette réalité crue et sans pitié plutôt qu’une tentative hésitante de trouver une manière de faire sonner les choses d’une manière moins dramatique. Comme ça, c’est plus facile pour toi de poursuivre la conversation, ou en l’occurrence ici, de ne pas le faire. Tu ne connais ni les morts, ni la vivante qui vient de les invoquer, et tu n’as réellement de respect pour aucun d’entre eux, mais tu éprouves tout de même une sorte de sympathie de circonstances pour l’autre fuyarde. Un sentiment qui s’évaporera sans aucun doute quelques minutes après vous être séparées, rentrées chacune de votre côté avec pour seule tâche de vous laver du souvenir de la moindre exaction que vous auriez pu commettre de concert. C’est cette sympathie que tu respectes, et en cet honneur, tu t’abstiens du moindre mot. Tu te connais, même si tu avais été désolée, tu n’aurais pas su trouver de mots autres qu’un « dommage » que tu sais maintenant inutile au deuil.
Alors comme ça, les sorcières tuent ? Comme les humains ou les vampires, non ? Le colosse auquel tu crois toujours avoir mis fin aux jours, lui, était humain, ou en tous cas c’est en tant qu’humain qu’il était en train de jouer aux durs à vos dépends, il serait logique de le détester aussi. C’est peut-être ce qu’elle fait, tu n’en sais rien au final. Si tu avais été à sa place, tu ne sais pas si ça aurait changé grand-chose. Et si des sorcières tuaient Xanthe et Elinor ? Tu ne sais même pas toi-même si tu y survivrais pour devenir la boule de rage aveugle et incendiaire que tu deviendrais inéluctablement.

Votre course effrénée subit une halte que tu n’attendais pas lorsqu’Hena t’entraîne dans un coin sombre comme si une menace imminente allait vous foudroyer sur place. Encore beaucoup trop sobre pour être alertée, tu n’opposes pas de résistance et laisse ton poignet se faire l’éclaireur des escales nouvellement imposées. C’est ironique, comme d’un jour à l’autre tu es capable de te mettre dans des situations tellement similaires. Il n’y a même pas vingt-quatre heures, tu étais aussi en train de te cacher aux coins d’une ruelle sombre, poursuivie par des humains qui voudraient voir ta tête au bout d’une pique, ou quelque chose dans le même genre. Tu n’en sais rien, toi tu n’es pas une barbare. Une question, doucement susurrée pour être sûre que seule toi l’entendra, vient perturber la nostalgie toute relative de tes souvenirs de la veille. Tu dois avouer être un peu prise au dépourvu ; mais à toute question il faut bien une réponse.

« J’aime pas voir les gens s’amuser, alors au moins là j’étais sûre. »

Tu accompagnes tes mots aussi feutrés que les siens d’un léger haussement d’épaules, histoire de dire que la réponse t’échappe aussi un peu. Le silence s’installe à nouveau entre vous, laissant au quartier le combler de se mélodie caractéristique et désespérée ; vous êtes un peu à l’affût du moindre son pouvant trahir la faiblesse de votre camouflage en ombres discrètes. Tu ne remarques la pression qu’elle exerçait sur ton poignet que quand elle la relâche ; ton corps entier est assailli de courbatures et la douleur n’est pas assez inhabituelle pour que tu en fasses vraiment cas. Une seconde question parvient à tes oreilles, cette fois-ci bien plus précise, une question qui fait parfaitement écho à la tienne. Tu pourrais te tromper, mais au pire, tu te seras juste trompée.

« Le lendemain d’Halloween ? dis-tu en t’adossant un peu plus confortablement au mur, le temps de faire ressurgir d’autres souvenirs datés presque un an maintenant. Je crois que j’ai dû prendre une sacrée cuite, parce que j’ai aucun souvenir de cette soirée. Je me suis réveillée dans un lit d’hôpital mais avant c’est trou noir. »

C’était le chaos en ville quand tu t’es réveillée. Tu as ramassé les quelques affaires qui traînaient à côté de ta couche et tu t’en es allée sans te faire remarquer. Le plus effrayant à ce moment là était surtout la potentielle facture qu’on aurait pu te coller sous le nez ; tu n’as toujours pas d’assurance, ce qui, pour une personne comme toi, n’est vraiment pas raisonnable. Un petit temps, tu remontes dans ta tête le fil de cette journée particulièrement mal entamée, mais tu ne vois ni n’entends rien de plus étrange que l’atmosphère lourde qui était tombée sur la ville et que l’on a expliqué par une catastrophe naturelle. Non, tu n’as rien remarqué d’inhabituel de la journée. Cependant, de la nuit..

« J’ai pas arrêté de faire des cauchemars pendant un moment après cette nuit-là. Mais pas le genre que je faisais d’habitude, c’était bizarre. Je sais pas si ça t’aide. »

Tu n’es pas vraiment certaine de vouloir replonger dans ces visions d’horreur pour aider une inconnue dont l’innocence s’évapore à mesure que le mystère qui l’entoure grandit. D’un autre côté, ta curiosité est piquée au vif et tu as envie d’en apprendre plus maintenant que tu sais, ou plutôt que tu imagines, que ce que tu crois n’est pas vrai. L’appel du surnaturel, peut-être, qui te nargue de loin.



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Mar 20 Juil - 21:41 (#)

Elle avait eu un espoir un peu fou. Qu'elle lui dise qu'effectivement elle avait capté ce qui aurait échappé à un renard, qu'elle aurait eu cette faculté de passer à travers les mailles de la grande brume organisée par ces mains d'illusionnistes, peut-être parce que rien ne la retennait dans le miasme de la magie, qu'elle était dégagée des crocs qui croquaient les maudits - maudits par qui... Hena s'était toujours demandé, d'où naissait ce hasard, d'où commençait le destin.

Non ça ne m'aide pas murmura Hena, les yeux baissées,dans ses pensées. Les cauchemars, un contre-coups facheux, trop flou pour le saisir. Elle n'avait pas pu retenir cette déception dans sa voix, comme quand on utilisait un objet, qu'il ne nous satisfaisait pas. Hena n'avait pas honte d'utiliser les autres comme des outils qui pourraient lui servir, de les trouver décevant après quoi, surtout qu'elle commençait à penser, petit à petit, que cette jeune femme préférait les chaos : si elle lui divulguait la mort d'êtres humains cette information ne la détournerait pas même de son besoin de cotoyer les ombres, et d'y sombrer. Sans bien trop savoir pourquoi, cette pensée fit naître de la colère en elle. Peut-être car Hena n'avait jamais envié cet univers destructeur, que son esprit morcelé ne pouvait s'imbriquer que dans des places elles-même détruites, mais que s'y plonger par un besoin compulsif d'attirance morbide était une entreprise qui insultait tous ceux ayant mérité de vivre, qu'elle ne savait plus, au final, quoi penser de la nature humaine -imprénée de magie ou non. C'est que les âmes devaient être pourries, de partout. D'un geste brusque, elle fouilla dans son manteau, en ressortit une clope qu'elle coinça entre ses lèvres en haussant des épaules.

- Viens, les idiots sont partis.

Mouvement de détour lent, absent, mais rancoeur dans la voix. Parce qu'elle avait cerné cette lueur de petite curiosité naissante dans les yeux de l'autre... Difficile de se sentir différente, parmi les siens, parmi les autres, de se rendre compte que leur longueur d'onde étaient un écho qui rejoignaient toujours les mêmes besoins d'une vacuité plombante. Tout en marchant, elle actionna son briquet, imposant à sa voisine une allure vive - le meilleur moyen pour elle de se défouler, dans l'immédiat.

- Alors dis-moi ? Tu trouves ça chouette ? Mh ? C'est super cool, les surnat' ? marmonna-t-elle, cigarette dans le coin de la bouche. Elle etouffa un rire un peu mauvais, un peu méprisant, son instinct animal fluctuant sur ses humeurs.

- Ca a des super pouvoirs, fait plein de trucs trop cools, comme dans les films, vraiment super cool... Ou alors, toi c'est les vampires qui te bottent ? Se faire sucer le sang, ça doit être super excitant, j'imagine...

Pourquoi devrait-elle se soucier de garder sa politesse, après tout. Humain zombifié ou pas, sorciers, ils se ressemblaient tous.

- J'imagine que tous rêvent d'excitation.

Ca avait été le défaut de Mona aussi. Foutre les pieds dans cette ville qui pulsait de nerfs rouges avides de vous montrer autre chose, pendant qu'ils s'enroulaient furtivement, et soudain étouffaient, digéraient les corps comme un morceau de chair - de la chair, ce qu'ils étaient. Elle détacha un instant sa clope, à l'arrêt, souffla sa fumée vers le haut ; elle s'évada vers le ciel qui n'avait pas le droit au noir total, s'imprima dessus, remplaçant ces étoiles invisibles, simulant leur disparition symbolique en se délitant dans l'astmophère fraiche.

- Moi, je peux me transformer en dragon, croquer d'un coup un humain entier -elle lui lança une oeillade, sourire saronique aux lèvres, sa clope tenue, main le long du corps- tu me crois ? murmura-t-elle.

Jusqu'où l'ignorance pouvait conduire une pauvre humaine à plonger dans les quartiers sans lumière ? Si cette gamine frondeuse ne savait absolument rien sur ce qui avait bien pu se passer avant, si elle ne lui servait à rien, dans l'immédiat, pourquoi elle se permettait alors se trainer dans les artères bouchées par la crasse et le vice ?
Au fond, Hena devait l'avouer, elle voulait savoir si cette Anna tenait un peu à la vie. Le comportement humain des jeunes femmes qui cotoyaient les dangers, c'était des couteaux plantés dans le coeur de ceux qui s'inquiétaient pour eux, c'était affreusement égoïste

j'aurais voulu te garder en cage, parce que je connaissais l'histoire d'Icare
parce qu'un humain muni d'ailes ne peut se contenter de voler bas.


Elle pencha sa tête, le regard brillant de légères lueurs propres au soleil, fixant sa voisine : et dans les abysses silencieuses, elle ressemblait plus à une bête amusée qu'à une humaine.
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Mer 21 Juil - 11:06 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



E
lle est déçue, tu peux l’entendre. Tant pis. Après tout, à la base, tu n’en as rien à faire. Ça l’aide : tant mieux ; ça ne l’aide pas : tant pis. Aussi simple que cela, pas la peine de commencer à le prendre mal comme tu es en train de le faire. Oh, bien sûr, pour l’instant ça n’est rien. Seulement un dérangement mineur que l’adrénaline masque sans peine. Bien sûr, ça n’est qu’une toute petite boule de ressentiment nichée discrètement dans un coin de ta tête. Seulement, tu le sais très bien : quand l’adrénaline s’évaporera, la colère, elle, restera.
Danger, alcool, douleur, morsure... tout est bon pour fuir la tour d’émotions que tu es si lasse d’affronter. Une éternelle fuite en avant parce que tu es incapable de regarder en face toutes celles que tu laisses derrière toi avec la fausse certitude qu’elles ne te poursuivront pas.

De nouveaux mots, et la petite bulle insignifiante gonfle un peu. L’attitude de ta compagnonne a changé, mais impossible de savoir pourquoi. Tu arrives à deviner qu’elle t’en veut, mais la raison t’échappe, et son agacement soudain ne fait qu’inviter le tien à s’étendre encore plus. Tu te fiches qu’on puisse s’énerver contre toi, tu le cherches même la plupart du temps, poussée par les raisonnements malsains de ton cerveau torturé. Seulement, tu sais pourquoi cette colère est dirigée contre toi ; tu la maîtrises, tu la manipules, en quelque sorte, et tu aimes savourer les notes acidulées de la rancœur que tu as savamment provoquée. Ici en revanche, tu n’as rien fait pour. Voilà qu’on te hait à nouveau sans que tu le veuilles.
Un jour peut-être tu te rendras compte de la raison pour laquelle les miroirs t’insupportent autant.

Et pourtant, tu la suis. En silence. Tu n’as rien de mieux à faire de toutes façons, et elle a au moins le mérite d’avoir l’air de savoir où elle va. Deux jeunes femmes cachant à peine sur leur visage leur expression irritée sous le clair-obscur imposé par un ciel sans étoiles. Du coin de l’œil, tu aperçois ta première flamme depuis le brasier de la nuit dernière. Un spectacle grisant que tu as été la seule à apprécier. La braise rougeoie un instant, éclairant le visage de l’Autre d’une teinte presque prémonitoire.
Depuis que tu as confessé ton souvenir de la, elle n’est plus la même. Au diable la féline insouciante avec qui tu t’es barricadée dans ces toilettes miteux, tu as maintenant à tes côtés une simple garce comme tu en as connues tant d’autres. Tu la laisses baver ses aprioris avec condescendance alors que tu souffles pour éviter d’inhaler la fumée de sa clope. La bulle quant à elle ne cesse pas de gonfler.

Qu’est-ce qui lui prend à la fin ? C’est elle qui a parlé de sorcières en premier, et maintenant elle te prend de haut comme si tu n’étais qu’une gosse qu’on sermonnerait pour en avoir harcelée une autre. Tu ne prends même plus la peine de regarder dans sa direction, ni même d’écouter réellement les sifflements mauvais qui sortent de sa bouche. La seule raison pour laquelle tu continues à marcher à ses côtés est que tu as envie qu’elle soit là pour voir la bulle éclater.
Tu interceptes son regard en coin, très certainement amusé par son discours. Toi, tu ne ris pas. Tu es fatiguée, endolorie, et bien trop sobre pour supporter un interrogatoire du genre. Tu as encore en toi une boule de frustration inassouvie qui ne demande qu’à se joindre à ta présente colère pour éclater dans un bang magistral.
Elle a fini, on dirait, et on dirait aussi qu’elle attend ta réponse avec impatience. Ou cela pourrait aussi simplement être ta vision déformée de la situation qui te le fait penser.

« Je t’emmerde, lâches-tu enfin après de longues, longues secondes de silence. »

Tu es loin de la fougue salvatrice que tu imaginais, c’est peu de le dire. La bulle est percée, mais au lieu de te donner l’explosion jouissive que tu attendais d’elle, elle se contente de laisser échapper un mince filet d’air nauséabond là où elle a été piquée. Tu t’arrêtes en même temps de marcher, au beau milieu de la rue que vous étiez en train de traverser.

« Putain mais pour qui tu te prends ? »

Ton regard sévère et fatigué se plante dans le sien pour y voir seulement un désordre indéchiffrable.

« Je te connais pas, et tu me connais pas, alors tes putains de discours à la con tu te les gardes pour toi. Va juste te faire foutre. »

Pas un mot réellement plus haut que l’autre, simplement un ton sec et glacé, témoin des trop peu nombreuses heures de sommeil qui ont peuplé ta dernière nuit. Qui est-elle, elle qui semble en connaître bien plus que toi sur ce monde objet de mille fantasmes. Qui est-elle pour juger avec une telle véhémence un attrait même pas avoué.

« Qu’est-ce que ça peut te foutre que je puisse être jalouse de ces « superpouvoirs » ou aimer me faire sucer jusqu’à la moelle ? Je te le répète, tu me connais pas, alors boucle-la. »

Surnaturels ou humains, tu ne choisis le camp des surnaturels que par défaut devant la haine exacerbée que tu éprouves envers ton propre genre. Hier soir, une dizaine de ces humains ont essayé de te tuer, toi et une des seules personnes ayant une valeur inestimable à tes yeux. Comment pourrais-tu te satisfaire d’appartenir à cette race de primates que tu croirais nés seulement pour dresser une barricade entre toi et l’idée même de bonheur.
Et maintenant quoi ? Tu ne sais pas toi-même ce que tu attends. Vos chemins devraient se séparer, cela vaudrait mieux pour chacune de vous, mais tu restes immobile, plantée au milieu de cette rue déserte devant cette Hena aux visages multiples et fracturés pour qui ta haine ne cesse de croître.



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Dim 25 Juil - 2:29 (#)

Elle aurait presque murmuré le compte à rebours avant explosion
5, 4, 3, 2, 1
Une insulte.
Une après l'autre. Le sourire d'Hena redoubla. Mains dans les poches, clope au bec, elle la toisa d'une façon qui semblait presque un peu dégénérescente, comparée aux demoiselles qui ont longtemps vécu, fières de leurs expériences, Hena ne ressemblait pas à une grande dame, pas de superbe, pas de mystère, rien qu'une fadeur visuelle transpirant la poussière, par tous les pores, de ses cheveux emmêlés, encore à demi trempés par le verre d'alcool, jusqu'à sa fâcheuse manie de ne pas savoir assembler des vêtements entre eux.

Qu’est-ce que ça peut te foutre

Imperceptible froncement de sourcils. Echo d'un genre familier qu'elle passa en sourdine. La renarde détacha sa cigarette de ses lèvres, la secoua pour en faire tomber la cendre qu'elle regarda tomber, lente et passive, dans une longue diagonale, vers ses terres d'origine : celles du goudron froid. La colère de sa voisine lénifia son propre énervement.

Mais c'est qu'une gamine, Hena, juste une pauvre gamine
arrête de te défouler sur elle.


Plus facile à penser qu'à faire. Hena était rincée que rien ne lui serve, que l'incompétence pave tous ses chemins. Surtout, qu'il y ait toujours une âme entière sur son passage, prête à se suicider.

— C'est bon, t'as fini ? Ca t'a fait du bien, de recracher cette haine...? dit-elle, lui jetant un coup d'oeil marbré de ces lueurs floues, miels, reflet caché en demi-teinte de ses prunelles de renarde. Elle reprit une taffe en silence, s'égarant sur le calme de la ruelle qui était aussi illusoire que sa propre sérénité : un bref moment, elle se demanda si ça ne serait pas mieux, au final, de fondre sur cette pauvre mouflette pour lui éclater le crâne contre le mur le plus proche. Comme on écrase de son pouce une phalène vouée, de toute manière, à fondre sous la chaleur d'une ampoule.

— Je ne sais pas pour toi, moi il m'a fallu un moment pour comprendre que la seule personne que je haïssais vraiment se trouvait dans un miroir. Parce qu'à force de fuir, on finit par capter que la seule chose à laquelle on échappe jamais, c'est soi-même.

Reportant calmement sa cigarette à sa bouche, elle l'observa attentivement, elle et sa manie insupportable de se planter là en face du danger.

— Qu'est-ce que tu attends, tu veux crever c'est ça ?  Je t'ai dit que j'étais un dragon, tu as oublié ? C'est pas très malin, d'insulter les dragons...

Elle eut un sourire en coin, dents dévoilées, comme si c'était la gueule du renard lui-même qui s'étirait. Elle savait que la tisonner de la sorte ne ferait que redoubler sa colère, c'est ce qu'elle voulait, voir cette explosion, sentiment d'injustice, cette humaine n'ayant rien fait, tellement rien pour mériter ce jugement. Justement, cette injustice, elle s'imprimait partout.

D'un mouvement trop rapide pour être humain, Hena s'avança en trois pas vers elle. Délicate, dans sa position menaçante, elle se pencha élégamment, vint murmurer à son oreille.

—  tu ne me connais pas... pourtant regarde ce que tu fais...

Elle se recula, juste assez pour reprendre sa cigarette entre deux doigts, lui souffler au visage une bouffée de fumée.

— tu m'insultes dans une rue déserte en pleine nuit. Qu'est-ce que tu crois, au juste ? Que tu es invincible ? Ou que les surnat' sont ces petits lapins inoffensifs de la forêt qui te chanteront une comptine quand tu traverseras le sentier avec ton panier de fleurs ?

Ses yeux grands ouverts étaient à présent d'un jaune aussi soutenu que de l'ambre zélée par un soleil de jour.

— Si tu crois que des capacités rendent les êtres différents.... tu es une idiote. Et si tu penses, en plus, que ça te fera oublier qui tu es... alors je te plains. On ne change jamais. Mais retiens ce que je te dis : les hommes, quand il se réveillent un beau jour avec des pouvoirs, ils mesurent l'étendu du mal qu'ils peuvent engendrer.

Elle se recula enfin.

— Enfin bon, c'est vrai que tu dormais... Pourquoi tu devrais t'en soucier ?

Elle finit par jeter sa cigarette, haussant des épaules. La jeunesse, quelle tristesse, quand elle y pensait, tous les jeunes possédaient ce besoin de brûler les jours, et plus tard, le feu ayant tout ravagé, il n'y restait plus rien.

—  Un autre que moi t'aurait déjà éclaté la tronche contre le mur. La peau, c'est tellement fragile tu sais... l'image des entrailles, dans un couloir sombre, la tête explosée d'un jeune garçon, d'une mère, d'autres, et les litres astronomiques de sang sur le carrelage glissant lui revenaient en mémoire. Elle les avait revus tant de fois dans ses cauchemars, dans sa mémoire, que ça ne lui provoquait plus rien, presque plus...

"tant pis si je dois en crever.
Je préfère mourir
contente d'avoir tout tenté
plutôt que de vivre dans le regret et la peur.
C'est comme ça."


Amertume, relent de rage.
Elle se remémora ces mots, ses mots. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. Elle se souvenait de tout, d'elle. C'était affreux, comme tous les jeunes possédaient ce besoin de brûler les jours. Affreux. Hochant la tête pour se dégager de ces souvenirs, néfastes, elle se massa les yeux, prenant sur elle, l'oreille tendue vers celle qui n'avait pas encore fui.

— C'est bon, dégage, rentre chez toi...murmura-t-elle, comme si l'autre était devenue une enfant fatigante, comme si elle pouvait lui rappeler tout ce à quoi elle ne voulait plus être confrontée.
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Dim 25 Juil - 13:57 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



I
l a fallu qu’elle réponde, évidemment. Comment pouvait-il en être autrement ? Comment as-tu pu croire un seul instant que tes paroles allaient avoir un quelconque impact sur elle ? Tout ce qu’elles ont fait, c’est te faire choir un peu plus toi-même de cette hauteur usurpée. Souviens-toi seulement qui tu es, et surtout pourquoi tu l’as rencontrée en premier lieu.
Elle te prend à nouveau de haut, de si haut que tu n’arrives plus à la voir qu’à travers le prisme de la haine qu’elle a l’air de si bien maîtriser. Humaine ou surnaturelle, quelle différence ? Ses mots auraient-ils été différents ? Moins infantilisants ? Tu serres les poings et la mâchoire pour encaisser sa palabre, ses espèces de conseils de vie sortis d’un cerveau dément croyant certainement éduquer la gamine farouche que tu sembles être à ses yeux. Qu’elle aille se faire foutre ; tu lui as déjà dit et tu n’hésiteras pas à le redire quand elle aura fini de débiter sa moraline.

Lentement, imperceptiblement, son visage mute et se déforme sous tes yeux rougis par la fatigue. Regarde la se pavaner devant la simple humaine que tu es tout en te mettant en garde contre ces surnaturels dont elle vient de te faire la démonstration sans équivoque de son appartenance. Insinue-t-elle que tu devrais avoir peur d’elle aussi ? Mais tu as peur ; tu es une nouvelle fois nez à nez avec ce sentiment d’impuissance crasse qui ne cesse jamais de jauger le moindre de tes gestes par-dessus ton épaule. Et pourtant, tu te dresses contre elle de toute ta maigre carrure, affrontant son regard brillant d’un or hypocrite avec une témérité exacerbée et seulement motivée par le sentiment d’une injustice profonde.
Tu ne fléchis pas des yeux même lorsqu’avec une impertinence dont tu serais presque jalouse, elle te crache sa fumée à la gueule, comme pour souiller une dernière fois la moindre once de dignité à laquelle tu aurais pu prétendre.

« Vas-y alors, qu’est-ce que t’attends ? Enfonce-moi la tête dans le mur, te retiens surtout pas pour moi. »

A la fin de ta phrase, tu retiens un sanglot amer. Tu aimerais tant, pour une seule fois dans ta vie, avoir droit à du réconfort. Quoique, tu n’en demandes même pas autant ; tu voudrais simplement que l’on arrête de te voir. Que l’on arrête d’attiser cette colère aveugle qui frémit en toi et anime le moindre de tes mouvements. La paix, c’est tout ce que tu demandes. Seulement la paix. Mais c’est visiblement trop demander ; enfin, si seulement tu savais la demander au lieu de céder à l’escalade d’une violence que tu rechignes à qualifier d’illégitime.

« Humain ou surnat’, y’a que toi qui fait une putain de différence. Les humains attendent pas d’avoir des superpouvoirs pour faire mal, t’es conne ou quoi ? Tu crois que les types qui ont enfoncé leur bagnole dans ma portière et ont braqué des flingues sur moi hier ont attendu d’avoir des pouvoirs pour essayer de faire du mal à d’autres personnes ? »

Tu ne parviens plus à maîtriser le ton de ta voix, et te retrouves presque à lui crier dessus. Tu n’as absolument aucun scrupule à déverser sur elle toute la peur, l’angoisse et la haine que tu as pu ressentir hier soir et ressasser jusqu’à ce moment précis.

« Tu crois que je devrais avoir peur de toi parce que t’es une surnat’ ? Oh, oui, ça me fait une belle jambe. Qu’on me colle une balle entre les deux yeux ou que je me fasse cramer la gueule par un putain dragon, dis-moi ce que ça change, hein ? Vas-y, dis-moi, je t’écoute ! Que ce soit toi qui m’enfonces la tête dans un mur ou les types de tout à l’heure qui me tabassent jusqu’à ce que j’en crève la gueule ouverte dans le caniveau, qu’est-ce que ça change ? Est-ce que je pourrai me défendre plus ? Bien sûr que non ! »

Tu ne peux plus t’arrêter. Chaque mot qui sort de ta bouche te déchire un peu plus comme autant de lames de rasoir crachées à la figure de cette femme que tu ne saurais pas définir. Tu as été le déversoir de sa frustration, à son tour d’être le tien. Ta voix se délite pour ne devenir à la fin qu’un râle enroué qui ne saurait se faire le vaisseau de plus de ressentiment.
C’est douloureux, tu as mal au cœur, mais tu ne pouvais pas te retenir. L’écho de tes paroles se brise contre les murs des bâtiments qui vous entourent comme les vagues se brisent sur les rochers d’une falaise abrupte.  Aussi puissantes seront-elles, elles ne pourront jamais rien faire d’autre que se fracasser contre un mur immuable et retourner à l’océan pour tenter à nouveau leur chance quelques instants plus tard dans un cycle tempétueux qui ne connaît pas de fin.

Tu te mords la lèvre pendant les quelques longues secondes de silence que tu t’imposes, et reprends, la voix cassée et le volume à nouveau réduit au minimum.

« Je vais rentrer chez moi, ouais. »

Aveu de défaite ? Pas spécialement. Tu as fait cet aveu dès lors que tu as perdu le contrôle de tes mots. Et de toutes façons, peut-être viendra-t-elle la graver dans le bitume avec ton propre sang pour répondre à tes provocations ? Tu songes un instant à comment tu aimerais quitter ce monde ; la réponse est sans regrets. Malheureusement, il est déjà bien trop tard pour ne pas en avoir. Ta dernière pensée irait vers Elinor, en te disant que tu l’aurais certainement déçue jusqu’au bout. Toi qui t’es jurée de ne pas mourir heureuse, au moins, tu n’auras pas ce regret-là.



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Lun 26 Juil - 6:26 (#)

Humain ou surnat’, y’a que toi qui fait une putain de différence.

Je sais
Tout ça je le sais très bien.


Elle ne pouvait plus s'occuper les mains, sa cigarette échouée à terre. Les yeux baissés, elle l'écoutait lui cracher l'origine de ce noeud, noué de destruction. Son cri résonna dans l'allée noire et tranquille, autodestructrice qu'elle était , jusqu'au bout, elle continuerait à crier face aux dangers, à le vouloir. Insupportable.
Mais peu importe.
Ca ne la regardait pas, après tout, pourquoi cette idiote avait cette propension au danger, au suicide. Ca ne le regardait pas, pourquoi elle était en colère. Maintenant que celle-ci était griffée, ses nerfs mis à vif, Hena avait regagné son calme.  Taper sur autrui, avec ses poings ou avec ses mots, palliait à la froideur du vide, pour une courte durée, sans rien alléger : elle retournait juste sur terre pour un temps désagréable, les deux pieds sur le bitume noir.

— Du calme gamine... murmura-t-elle d'une voix trop basse, à présent plus fatiguée qu'elle ne l'aurait voulu. Cette imbécile lui rappelait les travers, les manies, de sa propre jeunesse (un peu, à n'en pas douter) et la tare qui avait arraché Mona à la vie. Mais sa voisine ne l'entendait pas.

Tu crois que je devrais avoir peur de toi parce que t’es une surnat’ ?

Elle releva ses yeux jaunes vers elle, grave. Un instant, elle s'imagina qu'il ne lui faudrait pas plus d'une milliseconde pour se saisir de son visage, et l'arracher comme un pansement blanc.
Est-ce qu'elle serait toujours aussi agressive, après ça ?
...Hena, tu déconnes ma pauvre vieille.

Avec un triste sourire, la renarde s'avança alors vers elle.

Vas-tu pleurer, petite ? C'était ses yeux jaunes qui lui posaient la question, sa bouche close, elle, toujours rieuse. La renarde leva lentement sa main vers le front de la jeune femme. Penchant sa tête sur le côté, s'imprégnant du calme, elle s'égara sur les traits tirés de sa voisine. Elle pouvait presque sentir le poids du silence picoter ses oreilles, l'écraser dans le sol, il semblait respirer en même temps qu'elle... ce silence de mort.
Sa main ouverte comme une araignée vorace, elle ne lui envoya, au final, qu'une vulgaire pichenette sur le front.
Avec, toujours, ce sourire, plus malheureux qu'amusé.

— Désolée, mais tu n'es pas ma cible. souffla-t-elle, en la détaillant du regard. La faiblesse, elle se trouvait partout. Les attaques visaient chaque espèce. Cette gamine, elle n'avait même pas conscience de sa singularité, quelle gâchis...
Hena se serait damnée pour n'être qu'une humaine, ou qu'une renarde. Vouée à n'être que deux moitiés d'une entité, ça vous parasitait sans cesse..

— ...  commence par te défendre en évitant les endroits dangereux, ça sera un bon début ne pas se faire aspirer par la gueule du besoin, de refuser les piqures d'un venin qui finissait toujours par détruire. Mais cette gamine était déjà rongée d'un mal quelconque, elle sautait pieds joints dans les flaques noires qui simulaient le vide mais tachaient, en réalité, d'un acide noir. C'était peut-être déjà trop tard. — mais oui, tu as raison, je ne devrais pas parler, puisque je ne te connais pas, et que ce n'est surement pas avec des gens comme moi que le monde se portera mieux  dit-elle, lançant son regard sur le côté. Aux aguets, sur ses gardes. Une habitude tenace de survie. Peut-être, aussi, qu'elle craignait le retour de sa faute : cette jeune fille aux longs cheveux noirs qui la hantait partout où elle allait.
Il fallut bien qu'un paradis existe pour rappeler trop tôt à lui ses anges.
Sinon, cette vie n'aurait aucun sens..
Aucun... si sur terre ne restaient que les rebuts. Ou peut-être que c'était justement ça, l'enfer. Le regard perdu sur la ruelle noire, elle sembla se parler seule.

— Effrayant, à quel point la vie abandonne ceux qui la chérissent... elle se tut, songeuse, captant des petits bruits au loin, puis s'arracha à son état, presque surprise de remarquer que la jeune fille se trouvait encore immobile.

— T'es vraiment maso pour rester plantée là.

Elle éclata d'un petit rire, puis, voyant l'air neutre de l'autre, esquissa un rictus faussement navré.

— Pas de bol. Ca aurait été tellement plus agréable pour toi de discuter avec quelqu'un qui raconte de chouettes choses, qui t'amuse. C'est pour ça qu'il faut éviter les endroits louches, on y trouve pas beaucoup de gens sympas...

Encore moins des heureux.
Hena n'avait pas appris à brosser les gens dans le sens du poil. Aujourd'hui, en tant que girouette, cette manie revêtait une nature plus démente, dangereuse. Au fond, elle se demandait pourquoi l'autre lui en tenait rigueur : quel genre de désespérée écumerait les mauvais lieux puis reprocherait à ses habitants d'être mauvais ?

—  Ne gâche pas ton temps à te faire du mal. A chaque coin de rue, il y aura un sale dragon pour se nourrir de ton désespoir.

Quelle déception ne pas pouvoir s'amuser à faire souffrir une sale conne. Il fallut que ce soit quelqu'un de bien qui croise sa route. Répondant à son changement d'humeur, la renarde s'étira un peu, sur le pointe de pieds, désigna le débouché de la venelle d'un mouvement du menton.

— Tout compte fait, je vais pas t'abandonner ici avec des connards à nos trousses derrière. Après une nuit aussi désagréable, ça m'emmerderait que tu meurs.  Et puis c'est salissant, chiant à trainer, un corps. Viens...

Elle ravala mal son rire. L'embêter encore un peu, le seul luxe qu'elle pouvait se payer. Sa manière à elle de lui reprocher qu'elle menace ses jours, quand celle qui lui manquait tant n'avait pas eu la chance de profiter de sa vie.
Quant aux insultes, au manque de respect, Hena ne s'en formalisait pas : ces attaques verbales lui passaient au travers comme des flèches qui ne trouvaient qu'un corps déjà criblé.
Mains dans les poches, c'était comme si toute la colère de l'autre avait fatigué ses efforts pour encore éprouver du ressentiment... ne résidait plus qu'une lourdeur, qui se voyait dans sa posture, comme courbaturée de garder un peu de lucidité par cette nuit. Levant le nez au ciel, elle s'égara sur les bruits tenus de la nuit.

— ce n'est pas grave de crier, d'insulter... C'est plus grave de garder en soi, de faire comme si tout allait bien...

Enfant, son père lui avait toujours dit qu'on pouvait crier tant qu'on voulait au milieu des dunes... le désert, un espace parfait pour perdre des mots dedans.
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Lun 26 Juil - 17:45 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



U
ne pichenette ? Réellement ? C’est bien plus humiliant et dégradant que tout ce que tu as pu imaginer quand tu as vu sa main se lever alors que tu refusais de détourner tes yeux de jade de l’ambre des siens. Elle te prend réellement pour une enfant, alors qu’elle n’a pas l’air beaucoup plus vieille que toi. Quel âge a-t-elle en réalité ? Tu es bien placée pour savoir que les apparences peuvent être trompeuses ; si la haine qu’a engendré son geste ne t’en empêchait pas, tu lui poserais la question. Elle a toujours sur ses lèvres ce rictus condescendant que tu supportes de moins en moins. En fait, tu ne l’as jamais supporté, mais il se fait bien plus désagréable de seconde en seconde.

Et puis, elle continue. Après avoir essayé de t’intimider, voilà maintenant qu’elle se met à te prodiguer des conseils de vie. Il n’y a qu’à la regarder pour en apprécier toute la légitimité. Ses paroles ne te touchent pas ; elles en ont perdu le pouvoir au moment où son doigt percuta ton front. Tu aimerais répondre à chacune de ses élucubrations lunatiques et cracher tout ton venin rancunier sur elle, mais tu es si fatiguée. Physiquement et moralement.
Tout ce que tu retiens, c’est qu’elle a admis que tu as raison, le reste n’a pas d’importance. Sa cible ? Tu t’en fiches. Ses conseils de défense à deux sous ? Qu’elle les garde pour elle. Ses divagations pitoyables sur l’état du monde ? Ridicules.
Qu’est-ce que tu fais encore là, à écouter les divagations presque séniles d’un esprit clairement malade ? Pourquoi as-tu fui ton appartement en premier lieu pour venir dans ce quartier lugubre où tu savais que tu ne trouverais que des coupe-gorges ? Chez toi il y avait pourtant ta colocataire et seule amie pour t’apporter, peut-être, le réconfort que tu réclamais. Et pourtant, tu es là. Tu ne peux pas faire à Xanthe le récit de ta dernière nuit sans devoir lui révéler bien d’autres choses qui doivent rester secrètes, maintenant pour son propre bien. Et puis, tu as aussi de plus en plus de mal à discerner la frontière entre tes désirs et ce que tu peux raisonnablement attendre d’elle. Tu te mures dans un secret malsain qui ne fait que t’éloigner ; peut-être que c’est ce que tu veux, au final ? Se rapprocher plus, ça fait si peur.

« T’es bouchée ou quoi ? J’ai dit que je rentrais chez moi. »

Tu ne sais même pas toi-même ce qui t’a poussée à rester l’écouter jusqu’à la fin. Peut-être l’espoir de la voir à son tour perdre pied au milieu de souvenirs douloureux. Peut-être simplement que tu n’es pas si pressée de rentrer.

« Tu espères que je te suive où, au juste ? Tu crois sincèrement qu’après m’avoir fait un coup pareil, j’allais gentiment passer l’éponge et accepter tes conseils de vie à la con, et qu’on allait marcher main dans la main vers un petit endroit secret où personne ne nous aurait dérangées ? Putain mais tu nages en plein délire. »

Au moins, la véhémence de vos derniers échanges te donne la parfaite excuse pour refuser. Sinon, tu aurais dû faire face à la vraie raison que tu aurais dû invoquer, et tu préfères mille fois rejeter la faute sur elle plutôt que blâmer ton incapacité à accepter de passer un bon moment. Elle se trompe quand elle pense que tu aurais été mieux entourée par de l’optimisme, puisque celui-ci ne fait que te renvoyer en plein visage tes propres craintes.
Et pourtant, ça n’est pas faute d’avoir déjà fantasmé ce genre de situations. Te faire emporter par une conscience bienveillante au bout de nulle part, là où seul le temps passé sur le chemin compterait, tu en rêves, mais c’est bien là le problème : tu ne serais pas capable, même si on te le proposait, d’en faire une réalité. Les raisons sont multiples et obscures, agissant dans des proportions dont tu n’as pas, plus idée.

A nouveau, tu laisses peser un long silence, seulement dérangé par le bruit d’une voiture à quelques rues de là ou les râles alcoolisés d’autres paumés. Tu pousses un long soupir en enfonçant nonchalamment tes mains dans tes poches à ton tour. Après avoir dit ça, maintenant tu n’as plus d’autre choix que de te mettre en route, alors c’est ce que tu fais. Tu tournes lentement les talons avec l’intention de te diriger dans une direction aléatoire. Ta fierté t’interdit de penser que tu es perdue, même s’il y a de fortes chances pour que ça soit le cas.
Qu’elle te suive, si elle tient tant que ça à ne pas avoir à se coltiner ton cadavre encore fumant.

« Je sais que je suis pas un modèle de politesse, mais on aurait peut-être pu discuter si tu m’avais pas prise pour une gosse. »

Et tu fais ton premier pas vers une destination encore inconnue. En vérité, tu ne sais pas si une discussion aurait été possible, mais tu sais de source quasi-sûre que maintenant, c’est un espoir qui appartient au passé. Que pourrait-elle dire ou faire pour te faire abandonner ta rancune ? En a-t-elle seulement l’envie ? Sous cette invitation déguisée se cache également une curiosité bien désespérée.



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Mar 10 Aoû - 22:44 (#)

Est-ce que c'était normal, d'agir de la sorte ?
Plus le temps s'écoulait plus Hena tournait sur des ondes qui survolaient, ou passaient sous celles des autres, une majeure partie de sa vie elle avait été incapable d'être cernée, comme si elle ne le souhaitait pas, qu'un monceau d'elle-même avait cette propension à conserver un décalage entre les échanges, synonyme de distance. Cela n'avait rien à voir avec le fait d'être aimé, pas même ça. Ce désert, au final, l'encerclait comme une barrière de poussière aux reflexes repoussants. Quelques uns avaient franchi la barrière, par efforts compliqués, s'étaient imissés, comme s'ils avaient accepté  l'idée de ne jamais la comprendre. Mais dans la majeure partie des cas, c'était pratiquement une douce satisfaction pour Hena. Enfin, l'on retournait aux sources de ce qui la composaient... Et puis un renard, c'était très irritant de nature.

Interessée par les emportements à répétition de sa voisine (c'est qu'elle démarrait vraiment au quart de tour), elle l'écouta lui cracher sa haine, ce qui la calmait. Hena était quelqu'un de détestable, à force de ne plus se supporter, rencontrer la réponse logique, épidermique, de cette petite humaine courroucée, c'était ce propre dégout de soi qui se matérialisait à travers l'autre. Elle fouilla dans son autre poche tout en l'écoutant, car la fumée lui manquait déjà. Cette Anna pestiférait, vraiment très remontée, contrastant de façon presque comique avec la sérénité retrouvée d'Hena qui l'observait calmement. Puis ça y est, l'autre décida de partir : aller où ? Hena ne put retenir un éclat de rire. Par une douce pensée, elle se surprit à se remémorer Inna. Celle-ci aurait dit "c'est une réaction d'humain" Elle se demandait : comment ça marchait, les échanges normaux ? Est-ce qu'avoir le bon sourire, le bon dialogue d'introduction, la politesse adéquate, aurait permis à Hena d'être appréciée en retour ? C'était vraiment ça, les codes ?

Docile, elle coinça sa nouvelle cigarette, la suivit de près, comme un petit renard qui suit une humaine dans un champ criblé de nids de poule fourbes. Elle ne savait quand elle bifurquerait de chemin, dans l'immédiat elle acceptait d'être détestée un peu plus longtemps, elle la surveillait du coin de l'oeil, elle et les ombres de la ruelle qui fourmillaient d'échos volubiles.

- Qu'est-ce qu'il y a de mal à être une gamine ?

Rassenée, elle leva ses yeux vers la ciel qui s'était chargé de nuages sans se faire remarquer. Etre jeune, emporté, rêver d'extraordinaire, de souvenirs mémorables, quand est-ce qu'Hena avait cessé d'aspirer à de telles choses ? Très tôt, elle pensait.

- Et ça marche vraiment ? Je veux dire, quand les gens sont sympas avec toi, vous tissez des chouettes liens ?

C'était peut-être vrai. Il y avait des codes humains à adopter si on voulait partir sur des bonnes bases, se faire apprécier. Bon point pour Hena : elle ne cherchait pas à ce qu'on l'apprécie.
L'autre avait peut-être besoin de plus :D'un peu de reconnaissance. Quel triste monde, vraiment. Hena se demandait pourquoi on ne pouvait pas apprécier quelqu'un pour ce qu'il montrait de lui : cette sincérité à se sentir en colère contre l'autre, cracher ses désacords puis accepter malgré tout de s'en contenter. Hena avait toujours crié ses ressentiments. A n'en pas douter, les hypocrites devaient posséder beaucoup d'amis.

- Je veux pas que tu passes l'éponge. marmonna-t-elle, actionnant maintenant son zippo, la tête penchée, tout en marchant. - Vaut mieux que tu le gardes en mémoire, toute façon marcher main dans la main j'ai jamais aimé, et les gens polis m'ennuient..."

Cette Anna l'irritait, par ses manies suicidaires, son besoin de frôler ce qu'elle ne connaissait pas, par cette véritable naiveté assumée, ce point commun qu'avaient les jeunes de se perdre vers les coins plus sombres, mais elle ne l'ennuyait pas. Que celle-ci veuille qu'on la considère comme une adulte était le cadet des soucis d'Hena, à ses yeux elle se comportait exactement comme une gamine inconsciente. Et puis, La renarde aimait trop se prêter au jeu de l'irriter en retour pour avouer qu'entre elles deux elle se considérait comme plus misérable. Hena était un déchet, elle le savait. Tout ce qui lui importait, c'est qu'on ne l'apprécie pas pour ça.

Doucement, de fines gouttes de pluie commencèrent à tomber. Hena observait sagement la blondinette qui avait l'air de marcher au hasard sur les dalles. Elle accelera le pas pour regagner sa gauche, un peu perdue à présent dans ses pensées, au sein de ses sentiments fluctuants. Dire que cinq minutes plus tôt, elle voulait juste que cette fille dégage. Et maintenant elle la suivait, contre son accord.

- Je suis pas un dragon, au fait jugea-t-elle bon de souligner. Elle souffla sa fumée vers le ciel, laissant la bruine taper ses joues, son front. Agréable. Lui manquait, affreusement, l'odeur de la terre mouillée.

- Je suis un animal beaucoup plus enervant.

Bruyant. Excessif. Atteint d'une maladie incurable qui n'avait pas de nom. Le seul être avec qui elle s'était sentie totalement similaire était en réalité un démon qui n'avait epprouvé aucune émotion foncièrement humaine. Repenser à Sieghart lui fit froncer les sourcils, elle le chassa de son esprit, du mieux qu'elle put, secouant sa clope d'un geste instinctive, trop de fois répétés. Peut-être qu'elle avait toujours été malade, au fond. Pourrie depuis la racine. Etait-ce pour ça, que son sang avait été si efficace, cette nuit là ?

- Tu dois vraiment pas vouloir rentrer pour vouloir te coltiner des nuits pareilles souffla-t-elle, ses yeux de nouveaux perdus ailleurs, à croire qu'elle se parlait presque à elle-même. Vide. Songer qu'elle pourrait tuer cette humaine ou l'accompagner comme maintenant, juste guidée par l'instinct, sans ressentir cet échange normal, normal, que tout humain est censé entretenir... Sous un frisson inexplicable, elle s'arracha à la contemplation du dome nuageux. La ruelle venait de déboucher sur une place décorée de feux signalétiques paresseux, qu'Hena connaissait bien, que l'autre humaine devait aussi connaître, si elle tranaillait effectivement dans le coin, ouverte sur les artres principales du quartier.


- Je pense que par là, on se situe mieux, pour rentrer chez soi.
dit-elle.

Sage, elle s'adossa contre l'arrête du mur qui délimitait la fin de leur rue et le début de l'esplanade. Clope au bec, elle lui tendit un sourire de vieille renarde à qui on aurait bien souhaiter filer un coup de pied. Elle ne la suivait plus, comme si elle acceptait de la laisser partir seule tout en veillant à son trajet dans son dos. Sans trop savoir pourquoi, voir cette jeune femme rentrer chez elle, c'était comme d'imaginer les esprits encore saints et leurs attentes nourris d'espoirs inespérés atteindre le pas d'un foyer.
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Mer 11 Aoû - 16:46 (#)



Luke 13:32
Une soirée à Stoner Hill
ft. Hena Hicks



I
l n’y a strictement rien de bien à être une gamine. Être une gamine c’est être en manque, perpétuellement, sans jamais être capable de dire de quoi. Être une gamine c’est être incapable de savoir ce que l’on veut ; c’est douter et encore en avoir quelque chose à faire de quel chemin on empruntera. Être une gamine, c’est chuter depuis les hauteurs des attentes des grands jusque dans des abysses toujours plus sombres, seulement rattrapée par un coussin de ronces camouflées par les ténèbres ambiantes. Parce qu’être une gamine, c’est aussi avoir peur du noir ; c’est qu’on attende de soi d’être capable de remonter seule de ce précipice dont on n’a jamais demandé à sonder les profondeurs. Être une gamine, c’est avoir froid et attendre encore et encore, si naïvement au milieu de ce gouffre privé de toute lumière, une chaleur apaisante que l’on est de toutes façons plus capable d’accepter. Dans le noir, tout à l’air d’un fantôme. Voilà ce qu’il y a de mal à être une gamine.
C’est quoi, ces questions, à la fin ? N’a-t-elle pas eu largement de quoi y répondre ce soir ? N’as-tu pas donné assez d’indices quant à ta capacité à tisser des liens ? Et puis, qu’est-ce que ça peut lui faire ? De toutes façons, les gens ne sont pas sympas avec toi, et quant ils le sont, ils ont le don d’être particulièrement irritants, au bord du supportable. Tu repenses à ton ancienne voisine, la gamine, ou plutôt la jeune femme qui t’ai aidée à porter ta valise lorsque tu as fait dos pour la dernière fois à ton appartement minable ; plié en trois ou quatre, bien à l’abri dans ton porte-monnaie, tu as toujours le papier qu’elle a glissé dans ta poche ce soir-là. Peut-être pourrais-tu tisser un lien avec elle, ne serait-ce que pour donner tort à cette dragonne insupportable. Ou plutôt, te donner tort à toi-même. Que tu le veuilles ou non, que cela te donne tort ou non, la solitude fatigue et tu es bientôt à bout. La jalousie de voir les autres être capable de tisser des liens viendra peut-être un jour à bout de toi.

Ne pas vouloir se faire pardonner, chercher à cultiver la haine de soi dans le regard d’un autre comme s’il n’y avait déjà plus de place dans le sien, tu reconnais cette attitude. Enfin, pas consciemment, mais elle provoque un écho désagréable dans ton esprit, comme si elle arrivait à te faire détester cette part de toi qui elle aussi te déteste. Tu réalises dans un fugace éclair de lucidité que tu ne connais que la haine, et que haïr la haine elle-même ne fait que rendre sa morsure plus féroce.
Heureusement, la fine bruine d’automne qui vient de naître au-dessus de vos têtes te sort de tes pensées. Les yeux fixés sur le sol quelques mètres devant toi, tu réhausses les épaules pour permettre à ton écharpe de protéger ta nuque de l’assaut subtil de la fraicheur de la pluie. Bien sûr, tu as vu qu’elle t’a rattrapée, tu l’as entendu, tu l’as senti. Peut-être que si tu l’ignores, elle finira par se lasser ; après tout, ça marche comme ça avec toi.
Un dragon crache du feu, pas de la fumée ; tu n’as pas eu besoin d’elle pour comprendre ce détail. Et pourtant, tu n’es pas capable de mettre le doigt sur la nature de cette fille, de cet animal bien plus énervant dont tu as croisé les yeux au détour d’une dispute maintenant quelconque. Tu ne sauras probablement pas ce soir ce qu’elle est, cette nature qu’elle ne cherche même plus à cacher, tu es bien trop vexée pour laisser ta curiosité prendre le dessus.

Ton regard ne se décroche du goudron irrégulier et poisseux que pour tenter de te repérer, et tenter au moins de ne pas trop t’éloigner de chez toi. Tu reconnais l’endroit. Tu passais souvent par là à l’époque où tu habitais encore à Mansfield, si bien que ton premier réflexe a été de vouloir t’engager sur le chemin des Kingston Buildings. Au moins là-bas tu pouvais encore te plaindre ; aujourd’hui, tu as l’impression d’avoir tout pour être heureuse et le fait de ne pas y arriver ne fait qu’enterrer un peu plus ton estime de toi. Un appartement agréable avec une colocataire que tu – miracle – apprécies, une marraine qui te permet de te soulager d’une partie de tes soucis financiers ainsi que de pousser un peu plus loin ton apprentissage de la musique ; si seulement on avait pas essayé de te tuer hier soir. Si seulement.

« Ouais, je connais la route. »

Résignée, tu ne prends même pas la peine de la regarder pour souffler ta réponse dans un soupir las. Alors, tu vas rentrer chez toi, c’est ça ? Ta soirée aura été plus courte que prévue, et certainement plus sage, au moins sur le plan de la picole. Là encore, elle a raison, tu n’as pas envie de rentrer. Pas envie de constater que rien n’a bougé dans ton appartement. Pas envie de contempler une nouvelle fois ton incapacité à t’accrocher à la stabilité.

« Et ouais, j’ai pas envie de rentrer, mais j’ai rien à faire d’autre. »

Pourquoi t’obstiner à lui répondre ? Parce qu’elle est cette autre chose à faire. Te disputer encore avec elle, lui cracher avec véhémence ta colère jusqu’à ce la fatigue te rappelle enfin au bercail. Tu n’en as même pas envie non plus. Tu ne sais pas de quoi tu as envie. Tu es une gamine paumée à la recherche d’un frisson, d’un électrochoc, de quelque chose capable de te libérer de cette léthargie collante et poisseuse rendant difficile le moindre de tes mouvements.  
Tu hausses les épaules. La vie continue, elle suit son cours avec ou sans toi, et au milieu de toute la haine qui t’habite se trouve toujours un oasis, une source d’un sentiment inconnu qui te pousse à ne pas vouloir être tenue à l’écart. Une réponse violente et instinctive face au courant qui te submerge ; tu veux garder la tête hors de l’eau, voir de quoi sont faites les berges de ce fleuve dont tu ne connais que le lit tourbeux.

Si elle ne te retient pas, tu rentreras donc chez toi et ira t’allonger dans ton lit pour fixer les étoiles sur ton plafond de plâtre. Peut-être croiser Xanthe, faire comme si de rien était, continuer à lui mentir, lui cacher les détails les plus importants de ta vie. Faire comme chez toi.



CODAGE PAR JFB / Contry.
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Anonymous
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Mar 12 Oct - 21:20 (#)

Luke chapter 13 verset 32 (PV Heidichou) 4916418

Stoner Hill. Ca avait sonné comme le glas d'un film qui tire sur la corde, la première fois qu'elle avait entendu son nom. De ces collines sales d'un peu partout. La colline des drogués, la colline des paumés. La colline qu'on évite, qu'on ne peut s'empêcher de regarder. Comme si tout le monde pensait, secrètement, subir autant de déboires, histoire d'expier la monotonie exécrable de sa vie. Hena s'était rendue compte que les seules personnes qui souhaitaient vraiment quitter cette colline étaient ceux qui y étaient nés. Plus souvent entre ses murs que sur ses pavés, on y crevait.  Et pendant qu'elle fumait tranquillement sa cigarette, Hena observait la nouvelle recrue. Paumée de plus. Prête à se jeter de sa colline avec l'espoir très fou d'être notée pour son effort d'acrobatie. Après ça, il ne suffisait pas même de savoir nager. La chute, personne ne se préparait jamais à son impact.

j’ai pas envie de rentrer, mais j’ai rien à faire d’autre

— Ok... marmonna-t-elle, laissant sa tête pencher sur le côté pour ôter ces fourmis désagréables issues de la nuit, logées dans sa nuque. - ok, whatever, ça voulait bien dire ça. Finalement elle se décolla du mur, agitant sa clope un court instant - toujours autant fascinée, d'une fascination lascive, par le zigzag vaillant, fidèle, des cendres-

—  Moi, je ne suis qu'un pantin de passage. Faudra trouver une autre occupation.

Qu'Hena avait aimé crier. Hurler sur tout ce qui pouvait bien l'insupporter : de préférence, tout ce qui avait pour but de lui apporter du soutient, de la sécurité, lui avaient paru insupportables, sans doute parce que, par le passé, elle avait cru y voir une fausse valeur de pitié - et qu'un renard, honteux de sa faiblesse, montrait les dents par principe de mauvaise foi. Puis elle avait cerné que c'était, peut-être, un peu plus compliqué.
Peut-être.
Que certains de ces collines sales s'étaient jetés plus tôt.
Qu'en survivants de poussière, ils y voyaient un reflet.

Mais ce soir, maintenant, loin de ce qui avait fait d'elle cette personne enjouée de mordre, au tour de cette cette blondinette hors d'elle d'apparaître comme une gamine suicidaire, c'était juste un de ces reflets, celui de Mona, celui de sa propre jeunesse, de sa folie tenace, de tant d'autres. Ce genre d'âmes en quête d'une lumière au fond du gouffre, bien trop têtue pour qu'Hena ait encore dans l'envie, à présent, de s'en venger, ou d'en suivre les attitudes.
Que celle-ci la déteste, au moins ça lui permettait de compenser la lourdeur de ses nuits, de ressentir un écho chargé de justice. Elle avait besoin de plus que sa propre âme pour se haïr.

D'un mouvement lascif de sa main, elle fouilla dans la poche de son long manteau. Il lui venait dans l'idée de faire la seule chose qui n'avait pas encore été faite. C'était, peut-être, comme de boucler une boucle, passer le flambeau de ses propres bêtises à une autre gamine nourrie d'actions stupides. Son trousseau de clé, elle le trimballait partout. Elle avait marché à côté de l'entrée, l'immeuble en dormance lui souriant de sa porte d'entrée sans plus de gonds, et à l'étage, qui sait, des squatteurs avaient pris les rares photos, celle d'un gamin emprisonné dans la houle noir et blanche de l'instantané, auprès d'un ranch qui faisait comme un cheval de bois amputé, une vie disparue sous la poussière de ce qui faisait de cette dernière son identité : l'oublie de tout.
Jetant la clé vers elle, elle accepterait que le trousseau reste au sol, se fasse emporter par n'importe quelle décision du hasard - ce dernier avait toujours une imagination de satire.

"— Mansfield. L'adresse de l'appart' est sur le porte clé. Je continue d'en payer le loyer, je sais pas pourquoi, j'y vis plus. La porte a été forcée à l'heure qu'il est mais, qui sait, tu y trouveras peut-être quelque chose qui te plaira."

Qui sait.
Lui décochant un sourire qui sortait plus de la grimace, la renarde reporta sa cigarette au coin de ses lèvres. Elle décida de prendre congès la première, pour la laisser elle et ce vide difficile à combler, rangeant ses mains dans ses poches pour ne pas avoir à sentir l'air, le souffle d'une nuit de plus, sous le parcours de celles-ci, sans même devoir dire, ou rajouter une fausse politesse de plus, la quittant comme elles s'étaient vues, dans un croisée silencieux, sous l'indifférence de la vie qui les étouffait.
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