The heart of Magic - Anaïs & Naya

Date d'inscription : 17/12/2018

07 Aout 2021

Il fait trop chaud. Après dix-neuf ans à vivre en Louisiane on pourrait s’attendre à supporter cette chaleur écrasante, mais non. Jamais je n’arrive à m’habituer à cette moiteur étouffante et à ce soleil qui me brûle dès que j’ose mettre le nez dehors sans être à l’ombre ou sous le couvert des arbres. Mais aujourd’hui, pas de balade en forêt, pas de sieste près d’un cours d’eau apportant une fraicheur bienvenue, pas de leçon et pas d’air climatisé. Aujourd’hui, c’est trajet en voiture jusqu’à Benton avec une climatisation à la ramasse et l’envie de mourir malgré les fenêtres ouvertes et la bouteille d’eau posé juste à côté. J’adore ma voiture, mais parfois j’aimerais qu’elle soit plus moderne pour en pas me sentir devenir une flaque de sueur sur le siège. Rien que prendre le volant m’a brûlé en posant les mains dessus. Par chance, le trajet n’est pas trop long et quand je gare ma voiture, je soupire de soulagement en ouvrant la porte pour en sortir.

L‘invitation de Naya m’a fait plaisir au milieu de ces vacances d’été chargés. Elle est pour ainsi dire la seule apprentie de mon âge et la seule avec laquelle les dilemmes et tous les questionnements liés à l’apprentissage trouve une oreille réellement compréhensive. D’un côté comme de l’autre. Bien sûr, je côtoie d’autres personnes de mon âge, mais aucun qui est en plein apprentissage magique. Et peu importe que nos apprentissages n’aient rien à voir l’un avec l’autre, vu la nature très différente de nos magies et de celles de nos mentors, c’est toujours sympa d’avoir un point de vue différent sur ça. Et, en étant toutes les deux dans la même galère, on se comprend. Et on s’entraide. Même si j’adore mes amis au camp, c’est compliqué de parler de ça avec eux. Et ne parlons même pas des connaissances à la LSU. Eux ne sont même pas au courant.

Mon sac sur l’épaule, je trottine jusqu’à la porte dans le vain espoir d’échapper au soleil qui me brûle la peau qui n’est pas protégée par ma robe et mon chapeau qui ne me quitte jamais en cette période de l’année. Encore une chose qu’on partage, ironiquement. Être rousse et à la peau laiteuse en Louisiane, ça revient à demander ouvertement à ressembler à une écrevisse après quinze minutes sous le soleil. Je ne sis toujours pas ce qui a pris à mes parents de s’installer ici, mais ce n’est pas comme si je pouvais leur poser la question, maintenant. Au lieu de ça, je sonne à la porte et attend patiemment, reconnaissance envers la légère ombre du bâtiment qui me permet de ne pas cuire et de me liquéfier sur place. C’est tout juste si je ne pas collée à la porte quand elle s’ouvre. Tout ça pour échapper au soleil. Le visage de Naya apparaît de l’autre côté et je lui offre un large sourire.

- Salut Naya ! Je meurs, laisse-moi entrer par pitié !

Je soupire de soulagement en entrant dans la maison en sentant l’air plus frais et l’absence de rayons venant ma calciner l’épiderme. Bénis soit la climatisation malgré l’horreur écologique. Parfois il fait vraiment trop chaud. Je retire mon chapeau et m‘essuie le front en jetant un œil à l’intérieur. Je ne suis jamais venu dans cette maison. On a plutôt tendance à se retrouver en ville ou dans un de nos appartements, mais vu la canicule, là c’était du suicide. Je lui tends mon sac ouvert.

- J’ai pris de quoi boire et quelques trucs pour grignoter. Je ne garantis pas l’état des cookies, vu la chaleur.

Ils ont eu le droit à une seconde cuisson pendant le trajet à mon avis. Ils avaient pourtant si bonne mine quand je les ai empaquetés ce matin… honteux. J’aurai dû me douter que c’était une mauvaise idée, mais passer à une supérette me faisait faire un énorme détour et c’était presque pire que de les faire subir un trajet en voiture sous 39 degrés. Pire pour moi en tout cas, et je me situe plus haut que des cookies dans ma liste de priorités. Je la suis à travers les pièces pour qu’elle mette tout ça au frais avant de l’accompagner dans sa chambre, observant avec curiosité sa maison familiale. Il y a bien le salon, mais sa grand-mère a tendance à le monopoliser de ce que j’ai compris et je crois que Naya a une certaine tendance à l’éviter parfois. Peut-être que je me fais des idées.

- Alors ? Comment ça se passe tes vacances ? Ta grand-mère ne te fait pas trop de misères ?

C’est elle qui lui enseigne la magie et du peu que j’ai vu, il vaut mieux filer droit avec elle sous peine de se prendre un coup de bâton. Métaphysique le bâton, elle ne frappe pas vraiment Naya. Enfin j’espère…

Date d'inscription : 16/05/2023

« Naya… tu m’écoutes ? »

Un soupir, une grimace et j’en passe – ouais, tout ça en même temps – alors que je finis par souffler, d’un ton boudeur. « Ouais, ouais… c’est juste que c’est… » Compliqué ? Un peu. Crevant ? Carrément. « Je crève de chaud ! » Mauvaise foi puissance mille là. Je sais, je tente le diable un peu là. Sans mauvais jeux de mots. Encore que…

Hum.

Bref.

De fait, je suis pas vraiment du genre à avoir chaud. J’en suis presque venue à me demander si je me jetais dans un feu me ferait vraiment quelque chose. Je suis pas cinglée à y penser réellement hein. Je vous jure. Juste que ouais, ça me rend curieuse. D’autant que, plus les jours passent, moins j’ai l’impression d’être sensible à la chaleur. J’ai même mis ma main très – trop aux yeux de ma mère – près du barbecue, sans que ça me fasse rien. Granny a l’air satisfaite de cette évolution mais, en cet instant précis, elle plisse surtout des yeux dans ma direction, clairement pas convaincue. « Ouais bon… j’en ai un peu marre ? C’est… j’ai du mal à me concentrer. » J’ai l’impression qu’on a aspiré mes neurones avec toutes ces nouvelles recettes là. Pourtant en temps normal, j’aime bien faire ça. Produire des poudres explosives, les doser, en contrôler les effets. Ce genre de trucs. Mais là, Granny m’a initié à la pyrogravure. Bon, on va pas se mentir, j’adore cette odeur de bois brûlé qui flotte dans la cuisine depuis ce matin. Mais j’ai la tête en vrac, elle m’a expliqué trop de trucs.

« Naya… »

C’est terrible quand même. Elle a pas besoin d’en dire plus pour que je me sente hyper coupable. Une tape sur ma main et je roule des yeux. « De toute façon, Anaïs va pas tarder ! Et t’as dit que j’aurais droit à un break cet aprem ! » Autant dire que j’ai dû salement négocier pour avoir quelques heures de liberté. Faut dire que ouais, si on croit Granny, je suis genre la pire apprentie de la terre. A la louche quoi. Voyez, en cours, l’élève endormi sur le banc du fond ? Bah c’est moi. Et ça fait désordre quand on est mage donc. Avec des pouvoirs qui demandent qu’à s’exprimer et blablabla…

Je dis pas que j’aime pas ce que je suis ou ces fameux pouvoirs hein. Juste que ouais, je suis ptet pas assez appliquée. Bon, surement hein. J’ai envie de voir autre chose, de faire autre chose en ce moment. Ce qui coïncide pas des masses avec le fait que, pour Granny comme pour mes parents, c’est une période charnière de mon apprentissage. Alors, on essaie de faire des compromis. J’ai dit que je bossais pas cet été et que j’étais là 100% pour Granny. Au risque d’être encore plus fauchée que d’habitude à la rentrée donc.

Et autant dire qu’elle me rate pas. Entre la théorie et la pratique, j’ai la tête qui va ex-plo-ser. Mais je sens quand même une progression certaine, on va pas se mentir. Je sais aussi que je pourrais faire bien mieux, si je me concentrais un peu plus. Peut-être que Granny a raison et que je saisis pas vraiment tous les enjeux. Je sais pas.

Cette idée même me fait soupirer et, avant que j’ai le temps de chercher un truc à lui répondre, je suis sauvée par le gong. « Allez ! A plus ! J’t’aime Granny ! » Un baiser claqué sur sa joue alors qu’elle secoue la tête et je m’enfuis sans demander mon reste, mon visage s’illuminant quand je vois Anaïs sur le pas de la porte. « T’as survécu au trajet, c’est bien déjà ! Salut ! » Déjà, une fois à l’intérieur, ça va lui faire du bien, la moitié de la maison est plongée dans la pénombre pour garder la fraicheur et ça marche plutôt bien visiblement.

Je l’entraine dans la cuisine, attrapant la carafe de citronnade et deux verres avant de grimper les escaliers. « Je laisse Granny râler un peu. On ira lui dire bonjour plus tard. Je l’ai fatiguée. A moins que ce soit l’inverse. » Hum. Bonne question. Porte de ma chambre ouverte, j’arque un sourcil avant de mettre la clim en route. Parce que ouais, les 30 degrés perso, j’ai zéro souci, mais je me doute que ce sera pas la même pour Anaïs.

Et je me laisse tomber sur mon lit, avisant la pièce d’un regard critique. J’ai fait le ménage, mais y a quand même un paquet de photos affichées partout. « C’est la galère. J’ai l’impression qu’elle me parle chinois les trois quarts du temps et qu’elle va finir par m’assommer avec un des bouquins qu’elle veut me faire lire. » Yeux écarquillés à cette idée, je croise les jambes, lui laissant la liberté de s’assoir où elle veut. Entre ma chaise de bureau, mon lit, l’énorme pouf, elle a l’embarras du choix. « Je suis pas sure qu’on puisse appeler ça des vacances. J’ai l’impression de moins en faire quand je bosse ET que j’étudie. » Ouais, c’est dire. « Et toi alors ? » Je suis trop contente qu’elle soit venue jusque chez moi et je me trémousse sur place sans m’en cacher. Et pas juste parce que ça me fait une distraction plus que bienvenue.

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