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Un esprit sain dans un corps sain | Lucia & Heidi

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Anonymous
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Mer 21 Oct - 19:12 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Shreveport Hospital
ft. Lucia Kinnaman



B
ordel, qu’est-ce que c’est douloureux. Mais qu’est-ce qui t’a pris à la fin, t’es complètement stupide ou quoi ? Question rhétorique, la réponse est évidente. Tout allait bien depuis quelques jours, tu travaillais bien, tes quelques concerts étaient satisfaisants dans l’ensemble, ton hygiène de vie était même plutôt correcte.. en bref, tu sentais ta vie aller dans le bon sens, alors pourquoi faire ça ? Le pire, c’est que tu n’étais pas encore ivre, et ça aussi tu t’en félicitais. Pourquoi il a fallu que tu déclenches cette bagarre alors, hein ? Parce que tu es en manque de sensations fortes, voilà pourquoi. Parce que rester sobre plus d’une semaine c’est trop pour toi et que tu avais besoin d’une dose d’adrénaline pour te sentir en vie. Résultat des courses : le lendemain, tu sens quelque chose, en effet, mais tu doutes que la vie te fasse grimacer de douleur au moindre mouvement. Si la taille des hématomes était proportionnelle à la haine de leurs responsables, tu connaîtrais une paire de types qui ne t’aiment pas beaucoup ; tu as tout un flan constellé de bleu et de violet contrastant avec la pâleur de ta peau de polonaise pour peindre une toile impressionniste dont la beauté te toucherait peut-être si elle ne te faisait pas souffrir autant. Bien fait.

Tu ne peux pas rester dans cet état là, demain soir tu as un concert important et tu préfères encore jouer complètement défoncée aux analgésiques plutôt que de te tordre de douleur pendant deux heures sur la scène d’un club de jazz. Il faut que tu fasses quelque chose, et tu sais très exactement de quoi il s’agit. Tu pousses un gémissement plaintif seule dans ton appartement et le regrettes instantanément, la douleur te rappelant très exactement au cas où tu l’aies oublié la raison de cette supplique solitaire. Tu n’es pas masochiste au point de vouloir te torturer toi-même, alors ça prendra le temps qu’il faudra mais tu te lèveras, iras prendre une douche, t’habilleras et tu sortiras finalement de chez toi pour aller à l’hôpital. Tu pousses un autre gémissent à la suite de ce monologue mental, et sans surprise, tu le regrettes. Au bout de quelques minutes à te demander où et comment tu as trouvé la force de rentrer ici hier soir, tu te lèves et procède au programme établi précédemment. Une demie heure plus tard, tu sors de chez toi en priant pour que tes parents ne t’aient pas radiée de leur mutuelle.

Quelques dizaines de minutes plus tard, tu descends du bus à Western Hill. L’hôpital n’est plus très loin mais aujourd’hui, les distances te paraissent bien plus longues, vas savoir pourquoi. Quelques moments plus tard encore, tu arrives devant le grand complexe aux airs de prison sans barreaux. Tu n’aimes pas spécialement les hôpitaux, enfin pas plus que quiconque. Il faut dire que la majorité de tes séjours ne rappellent pas de souvenirs heureux ; plutôt de douloureux réveils en panique lors des phases les plus sombre de ton existence, mais tu ne t’étendras pas dessus.

Tu franchis les portes automatiques du bâtiment principal en levant le menton avec orgueil, ravalant ta douleur au prix d’une fierté bien superficielle lorsque tu passes devant le standard d’accueil. Le pire serait encore de s’attirer les regards de pitié d’une paire d’infirmières. Tu es une grande fille indépendante capable de prendre ses propres décisions en son âme et conscience, et s’il faut que tu regardes tous les médecins de cet endroit droit dans les yeux en leur affirmant que c’est toi qui a choisi de te laisser rudoyer de la sorte, tu le feras sans la moindre hésitation.

Tu te rends enfin dans la salle d’attente des consultations, un lieu curieux s’il en est, rempli de personnes plus différentes et insupportables les unes que les autres. De l’enfant gâté au vieux gâteux, toutes les tranches d’âge y sont représentées. Quelques fois, tu te dis que si tu étais devenue médecin comme ta famille te l’avait presque imposé, tu aurais pu prendre de haut chacun des pauvres diables ici présents, mais la côte qui te lance lorsque tu t’assois sur la chaise la plus isolée possible te rappelle comme une petite claque derrière la tête que tu fais partie de cette plèbe.
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Anonymous
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Dim 25 Oct - 17:41 (#)



Un esprit sain dans un corps sain
Feat HEIDI JANOWSKI


Je suis paumée. Mais alors, complètement paumée. Je vivote, traîne ma peine et ma mémoire en miettes du foyer pour femmes, à l'hôpital et parfois même dans les bars. Le dernier lieu est tellement peu recommandé, peu recommandable pour mon être incomplet que je m'y rends en faisant le mur, en me camouflant dans des vêtements beaucoup trop grands. J'ai la peur ancrée dans l'estomac, je la chasse à coup de shot de tequila ou de whisky bas de gamme. Je gagne un peu de fric en donnant de ma personne au foyer, ménage, lessive, repassage, cuisine, peu importe. Je gagne ma cuite clandestine dans la sueur et les cloques aux mains. Je ne me reconnais pas… non, je ne me connais pas mais, je ressens au fond de moi que cette bulle fragile et terrifiée ce n'est pas mon vrai moi. Je me vrille le crâne à l'alcool fort mais surtout à l'effort vain de retrouver ces pans manquants dans ma vie sur cette terre. Réussir à faire un gâteau sans recette tout en étant parfaitement incapable de retrouver son identité c'est quelque chose d'éreintant et de frustrant. Mes journées sont des successions de migraines et de nouvelles absences, soient de mots, soient d'actes ou encore des confusions insupportables qui rendent mes maigres discussion décousues, abstraites. Comme un Alzheimer avant l'heure. 

Voilà… Je ne sais plus trop, des mois que je suis sortie de mon lit d'hôpital et j'ai malgré tout encore l'impression d'y dormir toutes les nuits. C'est cette solitude oppressante qui me fait un effet retour en arrière brutal. Il y a des femmes de tous horizons dans ce foyer, certaines battues par leur époux, des anciennes toxico, des jeunes paumées. Je n'y trouve pas ma place… ou je ne veux pas la trouver pour être plus exacte. Je veux fuir ce lieu, je veux me retrouver seule avec moi-même, avec ce moi que je ne connais pas, que je dois réapprendre à apprivoiser. J'aimerais retrouver ma vie d'avant, savoir qui est cette femme dans le miroir, savoir qui est la personne responsable de mon état présent. Trop de choses qui manquent pour que je me sente complète à nouveau. Alors, je trime au foyer, je fais marcher ma mémoire le plus possible. Je suis sujette à des tocs comme compter mes pas pour mémoriser les divers lieux où je me rends, comme une idiote, je me borne à tenter de coucher mes mots sur le papier. Impossible, tout comme fumer une clope, ce sont des choses qui, je le sais, sont dans mes codes normalement. J'aime l'odeur de la fumée qui s'échappe des cigarettes, mes mains tremblent en y pensant, en espérant goûter à la chaleur brûlant mes poumons. Oui, je fumais avant. J'écrivais aussi, mes mains crèvent d'envie de noircir des pages, dans le passé je l'ai déjà fait, j'en suis certaine. 

Je suis une âme en peine, j'erre sans but précis parce que mon esprit est incapable de me créer une envie ou un désir sur le long terme en dehors de recoller les morceaux. Une des femmes du foyer me fait des post-it et rempli le calendrier avec mes divers rendez-vous. La vie est vraiment une garce, elle vous retire l'écriture mais me laisse la lecture pour seule consolation. Elle est ma secrétaire, je lui file un peu de fric en contrepartie pour qu'elle puisse prendre soin de sa fille elle aussi placée dans un foyer sordide. Eva a une jolie écriture avec de longues boucles telles les siennes tombantes sur ses épaules frêles. Aujourd'hui, je dois retourner à l'hôpital pour un contrôle médical de routine, vérifier que je fais bien mes exercices pour la tonicité des mes muscles et mes articulations endormies. Ils veulent garder un œil sur moi à cause de mes migraines, être certains que je ne suis pas un danger pour moi ou pour les autres mais aussi annoter les évolutions dans ma recherche de mémoire. Retourner est terriblement dur psychologiquement. Retourner dans ce bâtiment me rappelle ma faiblesse, mon état mental et cette mordante solitude qui me vrille les entrailles chaque jour que Dieu fait. 

Avant de me rendre sur place, je vais manger un morceau dans la salle commune. Les repas sont préparés par les femmes du foyers, des fois, des chef cuisiniers ou des apprentis viennent nous concocter des plats différents. La misère, il est bon de venir la côtoyer un peu pour la réputation et les quelques articles dans la presse et les réseaux sociaux. Je m'en fiche bien de leurs raisons finalement, ce qui compte, c'est qu'on se régale tous les jours, que les frigos et les placards soient pleins grâce aux donations, très généreuse parrait-il quand les élections approches ou quand une catastrophe à eu lieu. Pour ce qui est des douches, elles sont communes aussi, faut pas être trop pudique, le savon pique la peau et la température de l'eau est aléatoire au fil des heures de la journée. On a juste des chiottes et un lavabo dans nos chambre, pas de quoi se laver correctement donc. J'enfile des fringues que j'ai réussi à me trouver dans la penderie des dons, une fois pris, on y met notre nom à l'intérieur et, normalement, ils nous reviennent une fois lavés. Je sais pertinemment que certaines ne se gênent pas quand elles sont à la laverie pour retirer les étiquettes nominatives. Qu'importe, tout ça ne m'appartient pas après tout. 

Une fois dans la salle d'attente, je plonge mon regard dans un magazine sans doute plus vieux que moi histoire de ne pas m'attarder sur ceux qui passent dans le couloir ou qui viennent prendre place dans la pièce. Je ne suis pas à mon aise ici, les personnes que je croise me ramènent à mon lit froid, à ma solitude alors qu'eux viennent accompagnés avant de repartir dans leur foyer chaleureux. J'aimerais tellement que quelqu'un pose le regard sur moi et me nomme par un prénom qui percutera mon crâne, me fera relever les prunelles sur un visage souriant, soulagé de me voir en vie… une utopie, un rêve qui ne se réalisera très certainement jamais. Étrange de vouloir être seule alors que la solitude me ronge. Je trouve le temps long, bien plus long que d'habitude. Normalement, j'arrive avec quinze minutes d'avance, je me plonge dans deux magazines et la secrétaire vient me chercher. Là, non et je commence à trouver le temps long. Je me serais trompée? Il faut que je sache l'heure qu'il est. Je lance un rapide regard par-dessus mon magazine de déco d'intérieur dépassée, un vieux qui râle depuis qu'il est là, une mère de famille et son gamin insupportable qui se foure le doigts dans le nez avant de s'essuyer sur les autres magazines ierk, un couple vissé sur leur smartphone… et une jeune femme. Elle semble un peu mal en point mais, elle semble surtout la seule vers qui je pourrais me tourner pour lui adresser la parole. 

Tirant les manches de ma veste sur mes avant-bras, c'est rageant de voir ces marques sur mes poignet sans connaître la raison de ces actes de détresse répétés. Arrivée devant elle, je me racle la gorge, plutôt mal à l'aise. Ma voix est fluette, si faible que le gosse aux crottes de nez la couvre quand sa mère refuse qu'il lèche le chewing-gum trouvé sous la table basse. Ma peau pâle se teinte d'un rose vif au niveau des joues. Évidemment, elle ne m'a pas entendu.. Je soupire avant de réprendre. "Excusez-moi… Vous auriez l'heure s'il vous plaît?" Je me rends compte maintenant que je suis devant elle qu'elle semble avoir mal, ses traits sont crispés et elle ne se tient pas droite. Le gamin casse noisettes tourne dans la salle d'attente comme une furie en hurlant comme un veau parce que sa mère est incapable de le tenir tranquille, il saute sur les chaises, roule sur le sol et tente quelques cascades sous le regard noir de tous ceux présents. Et bien évidemment, il vient gueuler près de moi, il se prend les pieds dans ses lacets non-fait et manque de percuter ma potentielle interlocutrice déjà mal en point. D'un mouvement rapide, je rattrape de justesse le gamin par sa chemise pour qu'il ne se vautre de tout son poids sur elle. Honteuse, sa mère débarque, le récupère, bredouille quelque chose, le menace vainement d'une punition qui ne viendra jamais et file dans le couloir avec son gremlins. S'en suit un silence de mort dans la salle d'attente…
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Lun 26 Oct - 14:38 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Shreveport Hospital
ft. Lucia Kinnaman



T
u es prête à le concéder, la patience n’est pas ton fort. Tu n’es pas le genre de personne qui tente de se montrer compréhensive et qui s’attarde sur d’éventuelles circonstances atténuantes pour légitimer le comportement de chaque personne qui titille tes nerfs déjà intolérants; ils sont beaucoup trop nombreux et une telle habitude te demanderait un temps et une empathie que tu n’as probablement jamais eu. Aujourd’hui, le monde a décidé de te soumettre à une épreuve double : supporter la douleur d’une côte vraisemblablement fêlée et le vacarme incessant d’un enfant. Tu détestes aussi ces choses-là, les enfants. Un gosse, c’est égoïste, imperméable à toute forme de logique et extrêmement teigneux ; en somme, ça te ressemble en tout point à la différence près que toi tu as appris à te moucher seule. Tu es arrivée il y a à peine quelques minutes et déjà, ton capital de sympathie s’érode à vue d’œil au fil des tours de salles de ce chimpanzé prétendument intelligent. A chaque cri primaire que cette engeance démoniaque pousse, tu regrettes un peu plus de ne pas avoir fait demi-tour quand tu t’es rendue compte que tu avais oublié ta paire d’écouteurs, et à chaque braillement infernal du monstre tu t’étonnes de la créativité que tu serais prête à mettre en œuvre pour faire cesser ce supplice.

Tu échafaudes rapidement un plan sans faille comme tu sais si bien le faire et tu commences à surveiller le môme d’un œil mauvais et calculateur. Tel un félin attendant patiemment le moment opportun pour bondir sur sa proie, tu restes immobiles en observant le moindre mouvement erratique du gamin, prête à le faire regretter d’être venu au monde en insultant sa famille sur plus de générations que de raison dès qu’il s’approchera trop près de ton champ d’action fort malheureusement réduit par ton état de santé. A cet instant, c’est seulement lui et toi dans l’octogone mais il n’en a encore aucune idée ; ta concentration semble être à toute épreuve.. enfin jusqu’à ce que quelqu’un rentre dangereusement dans ton champ de vision. Tu l’entends t’adresser la parole mais sans surprise, le mioche couvre de ses vociférations sataniques la voix de la jeune femme. Ta condition de musicienne te permet de distinguer son timbre timide et délicat. Tu finis par tourner la tête vers elle lorsqu’elle réitère sa question. En te demandant l’heure, elle te distrait un instant de ta cible et te fait perdre sa trace un instant avant qu’il ne se signale ostensiblement en sautant d’une chaise derrière la demoiselle. Il est encore hors de portée, tu peux te permettre de jeter un regard à ta montre. Enfin c’est ce que tu croyais. A peine as tu baissé les yeux que la tornade change direction. Tu n’as pas le temps de réagir, ta concentration a été troublée et maintenant il est trop tard pour reprendre le fil de ton plan que tu croyais pourtant imparable. Tu vois ce tourbillon de morve et de varicelle tomber au ralenti devant tes yeux ; le choc est imminent et tu te prépares déjà à hurler de douleur et à incendier sans retenue tout l'arbre généalogique du môme.

Et puis, comme une main salvatrice, celle qui il y a quelques instants avait mis ton plan à mal t’épargne une vocalise à froid en rattrapant in extremis l’enfant en furie. La crispation aiguë qui avait dessiné sur ton visage un rictus disgracieux laisse place à une moue soulagée lorsque la mère vient enfin battre un rappel forcé à l’attention de son fils. L’expression sur son visage t’es familière, ta mère à toi avait la même chaque fois que tu la faisais convoquer chez les différents responsables pédagogiques des établissements que tu as fréquenté. Une honte impossible à cacher mêlée d’un regret terrible à reconnaître quand on comprend finalement que l’on en est la cause. L’heure n’est cependant pas à l’amertume et tu te dois de tout de même signaler au monde l’ampleur de ton mécontentement d’une manière ou d’une autre, improviser c’est ton métier après tout. Tu pointes du doigt les deux fautifs en faisant abstraction autant que faire se peut de ta côte et rajoute une couche à leur embarras, mais également pour ne pas perdre la face devant un public qui aura oublié ton existence dès lors que tu auras fini de parler.

« Et que je t’y reprenne pas, hein ! Il faut éduquer vos enfants, madame, c’est inadmissible ! »

Assez ironique venant de toi quand on sait que c’est le genre de choses que tu as entendu à intervalle régulier pendant de nombreuses années avant que l’on ne t’envoie dans cet internat, ou plutôt que l’on se débarrasse de toi. Il semble plus facile d’oublier l’existence de son propre enfant plutôt que de chercher à le comprendre, mais c’est une autre histoire sur laquelle tu es loin d’avoir envie de t’épancher. Après un nouveau soupir, tu reposes finalement les yeux sur ta montre. Tu ne sais pas si tu devrais remercier la jeune femme qui se tient devant toi pour ce qu’elle vient de faire, alors dans le doute tu vas t’abstenir. Le silence t’angoisse et après ton intervention il est encore plus pesant qu’avant, alors il serait de bon ton d’ignorer cela et de faire comme si tout le monde ne préférait pas être ailleurs.

« Deux heures moins le quart, plus ou moins. »

Ton ton est blasé et nonchalant mais monte parfois subtilement dans des aigus incontrôlables lorsque que ta fierté te fait réprimer quelques sanglots, vestiges de la frayeur causée par le trublion. Tu te redresses difficilement sur ta chaise et reprends en tâchant de camoufler au mieux ton état, comme s’il était honteux d’être mal en point dans une salle d’attente d’hôpital.

« T’attends là depuis longtemps ? J’ai pas spécialement envie de passer mon après-midi ici pour une ordonnance de morphine, ça serait plus simple de la falsifier. »

En réalisant ce que ta franchise t’a fait dire, tu réponds aux regards interloqués des autres patients par un regard de cerbère qui, tu l’espères, leur fera passer l’envie de te faire une quelconque remarque et peut-être même pour les plus fragiles, de te céder une place dans la file d’attente. Enfin ça, tu peux toujours l’espérer, tu as quand même failli être terrassée par un enfant prépubère et certainement limité intellectuellement au vu de son incapacité à faire ses lacets. D'ailleurs, tu n'es pas une très bonne pharmacienne, peu de chance que tu aies accès à de la morphine et c'est tant mieux. Il ne faudrait pas que tu finisses aussi accroc à ça, dans l'intérêt de ton intégrité physique comme mentale.
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Ven 6 Nov - 8:28 (#)



Un esprit sain dans un corps sain
Feat HEIDI JANOWSKI


S'il y a bien quelque chose que je sais de moi sur ce coup, c'est que je n'ai pas d'enfant et je ne souhaite pas en avoir d'ailleurs. Impossible d'en avoir si c'est pour se retrouver avec une furie crade, impolie et ingérable dans les pattes. Comment est-ce qu'on peut se laisser aller à ce point? Ne pas ressentir de l'embarras face à cet être qui vient de votre corps et qui n'en fait qu'à sa tête. Ça me dépasse mais, après tout, je n'ai pas d'enfant et peut-être que l'on peut se fait happer dans une spirale de la loose qui finit par nous rendre amorphe et défaitiste face à ce genre de tornade. Il faudrait cadrer ce gosse ou lui filer une bonne trempe pour le calmer un bon coup. 

Au foyer, elles ont quasi toutes la même mine désabusée, portant le poids du monde sur leurs épaules, même pendant les ateliers artistiques, elles demeurent dans leur bulle dépressive sans chercher à s'ouvrir. Je juge alors que je ne devrais pas, je n'ai pour moi que ma mémoire en lambeaux alors qu'elles doivent vivre jusqu'à la fin de leur jour avec ce qu'elles ont vécus, sans doute même qu'elles me jalousent. Qui ne rêverait pas d'effacer de son esprit des moments douloureux, honteux ou traumatisants? Tous, tous, nous avons tous des pans que nous occultons, tentons de faire passer pour des moments sous influences pour se trouver des excuses, minables. Amina en est l'exemple type, son mari lui a fracassé le crâne contre la table de la cuisine parce qu'elle n'avait pas fait le dîner, elle a fait une fausse couche après ça; seule dans le lit conjugal. Son charmant époux n'a rien trouvé de mieux que de la jeter dehors avec le fœtus sans vie, les voisins lui ont tout de suite porté assistance,  heureusement. Elle a été placée de force dans le foyer, elle voulait retourner chez elle, son mari n'était pas en faute selon elle, c'était à cause de la pression du travail, de l'alcool et c'était de sa faute, elle n'aurait pas dû oublier qu'il rentrait plus tôt ce soir-là. On marche sur la tête, il est fautif, c'est un gros connard, elle a été obligée de quitter le domicile conjugal et de vivre dans ce foyer pour pas qu'il la retrouve, injuste. 

Ces histoires me font froid dans le dos, je me demande si moi aussi, j'ai veccu ce genre d'épreuves dans mon passé? Les flics m'ont bien fait comprendre qu'une grande partie de mes blessures n'étaient pas uniquement le résultat de ma rencontre avec la voiture. Oui et donc? J'ai beau me triturer le crâne, je ne trouve pas l'once d'un début de réponse à cette interrogation à mille dollar; qui suis-je? Ma main récupère le gamin à temps, la demoiselle en face de moi venait de se crisper en attendant la lourde chute qui ne vient pas. Je laisse échapper un soupir, il avait failli ruiner ma fluette tentative de communiquer. Sa voix me fait sursauter, elle s'en prend à la mère de famille qui est déjà partie rouge de honte de la salle d'attente dans laquelle règne un silence hyper pesant grâce à son intervention. Un léger sourire ourle mes lèvres, elle n'a pas peur de balancer ses pensées d'une voix forte qu'importe ce que pensent ceux qui peuvent l'entendre. Tout le contraire de moi donc. Deux heures moins le quart, habituellement, ils sont ponctuels mais, vu que je ne suis pas seule dans la salle d'attente, il y a du avoir des urgences qui ont décalés les rendez-vous, ça arrive. 

"Merci. Oh ben… trente minutes comme à chaque fois." Mon ton est las, je ne fais que respecter des horaires depuis que je suis sortie de l'hôpital, ma vie est rythmée par des créneaux, des heures à honorer, s'en est fatigant à la longue. Je me laisse aller dans une chaise à côté de la demoiselle mal en point qui fait son possible pour que sa douleur ne paraisse pas. "Tu n'as pas peur d'avoir des ennuis en disant ça? La morphine c'est pour les douleurs fortes non? Vous avez dû sacrément dérouiller pour avoir besoin d'une telle dose. Contrairement à elle, je parle à voix basse, histoire que les comères autour de nous ne participent pas à la conversation. Je me rends compte que je me mêle moi aussi de ce qui me regarde pas finalement. "Je suis désolée… vous n'êtes pas obligée de me répondre, je ne voulais pas être indiscrète." Mes joues se parent à nouveau de rose et je tire nerveusement sur mes manches. Mon manque d'assurance m'agace parfois. Pourtant après quelques verres, je suis bien moins timide... "En tout cas, ici ils sont bien. Ils prennent le temps de vous écouter mais, ils ne sont pas chiants si on ne donne pas tous les détails…" 

Je parle comme si j'étais une agence de voyage recommandant une destination à la mode. Mais, c'est vrai, ils ont été top avec moi, j'étais simplement pas très réceptive à leur bienveillance. Ils n'ont pas eu d'autre choix que de me mettre dehors une fois mon état hors de danger, les directives sont ainsi, le foyer était la seule solution qui se présentait à moi. La secrétaire du Docteur Heinberg entre dans la salle d'attente et vient directement me voir après avoir salué tout le monde de sa voix douce et mélodieuse. "Mademoiselle Doe, le docteur aura pas mal de retard, sans doute une heure. Il est désolé de vous faire attendre, en attendant vous pouvez vous prendre une boisson aux distributeurs… Il y a les magazines aussi. En tout cas, je viendrais vous chercher quand il sera libre, je voulais juste être sûre que vous pourriez l'attendre." Mademoiselle Doe, je déteste quand on m'appelle comme ça, je préférerais même qu'on s'arrête juste à mademoiselle. Je me contente de hocher la tête, de toute manière je ne peux rien y faire. Et puis, j'irais où? Elle connaît très bien ma situation, elle sait pertinemment que je n'ai rien de mieux à faire de mes journées. "Bon ben nous voilà dans le même bateau… Je ne vous conseil pas les magazines vu que le gamin nous y a caché ses crottes de nez et ils sont pas du tout récents en plus… Le café et le thé sont pas mauvais par contre vous voulez." Allez savoir pourquoi, je m'attache à cette femme comme un bateau à son ancre, elle me semble  totalement opposée mais, je me dis que ça serait plus agréable de patienter en sa compagnie que seule.
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Dim 8 Nov - 11:30 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Shreveport Hospital
ft. Lucia Kinnaman



T
u soupires. Trente minutes ? C’est un temps qui paraît une éternité quand on doit le passer dans une pièce telle que celle-ci. Un endroit pensé pour concentrer la misère et la douleur, pour faire se réunir de pauvres hères avec comme seul dénominateur commun une peine si insupportable que leur fierté s’évanouit devant cette urgence ; un endroit austère et aseptisé qui met en exergue si clairement les fléaux de la société qu’il devient impossible de ne pas y ressentir une gêne épidermique rampant sans cesse sur l’échine déjà sensible des malades. Ces fléaux, ce sont les vieux et les gosses ; tu ne supportes pas ça, les uns avec leurs airs suffisants jugeant le monde du haut de leur pitoyable piédestal d’arthrite et les autres pour les raisons que tu as pu observer à peine quelques instants après ton arrivée. Et tu ne supportes pas les salles d’attente des médecins non plus. Tu ne supportes rien et tu aimerais que le monde disparaisse sous tes yeux, avalé par un gouffre chthonien pour que tu sois la prochaine que l’on appelle et pouvoir rentrer chez toi avec ta boîte de calmants. Tu détestes vraiment les salles d’attente.

Heureusement, ou pas d’ailleurs mais pour l’instant disons que cela t’es égal, il y a la voix de cette jeune femme qui s’élève au dessus de tes rêves éveillés de feu et de destruction. Ses notes sont douces et précieuses comme de la soie et tes oreilles de musicienne sont particulièrement sensible à la mélodie qu’elle décrit. Tu n’es pas douée pour lire les gens, mais pour les écouter, paradoxalement, tu es moins minable que ce que tu pourrais laisser penser ; ainsi, tu décèles dans son lied quelque chose de profondément mélancolique, ou du moins une amertume qui ne laisse aucun doute et qui résonne particulièrement en toi. Sacrément dérouillé, c’est assez proche de ce qu’il s’est passé hier soir, en effet. Tu acquiesces d’un simple hochement de tête en la laissant poursuivre et se confondre en politesses inutiles.

Elle a l’air de bien le connaître, cet endroit. Tu devines avec un peu de retard qu’elle a certainement des rendez-vous réguliers et tes doutes se confirment quand on vient la prévenir du retard de son médecin. Plusieurs questions naissent alors dans ta tête alors que miss Doe te rappelle avec exactitude que tout ici est potentiellement piégé et te donne envie par la même occasion de regarder sous tes fesses si tu ne t’es pas toi-même assise sur une mine. Tu affiches une moue dégoûtée en même temps qu’un léger frisson se fraye un chemin jusqu’à ton cou et provoque chez toi un spasme douloureux. Mademoiselle Doe, ça n’est pas le nom qu’on donne aux anonymes ? Cela voudrait dire que personne ne sait qui elle est ? Et puis, pourquoi est-elle ici au juste ? Mis à part ses airs de chiot battu, elle n’a pas l’air de souffrir particulièrement. Bon, ça ce n’est que de la spéculation, à nouveau tu n’es pas médecin et serais bien incapable de deviner que quelqu’un souffre s’il ne t’éclaboussait pas de son propre sang.

Enfin, tu te décides à reprendre la parole. Tu n’es pas très loquace au naturel mais aujourd’hui tu as une excuse assez flagrante que ta seule présence dans cette pièce démoniaque, tu le soulignes à nouveau, prouve.

« Après ce que je viens de voir, je préfère ne rien toucher ici, même la machine à café. Question de sécurité. »

Assez ironique de ta part de parler de sécurité au vu de ce que tu t’apprêtes à lui raconter.

« Et oui, j’ai besoin de morphine. Pas dit qu’ils vont m’en donner mais ça sera pas faute de demander. J’ai eu un petit accrochage hier soir dans un bar, une histoire bête hein, mais le type avait des chaussures plus dures que prévu. »

C’est le coup de pied qu’il t’a assené après ta chute qui t’a achevée. Un coup de boule c’était pas suffisant à son goût on dirait, et les chaussures de motard n’était pas à son avis un critère suffisant pour réduire la puissance de son élan. A moins que ça l’ait été, tu ne sais pas vraiment. La seule chose que tu sais, c’est que tu douilles sévère.

« Si tu veux un conseil, ne dit jamais à un motard que la taille de son moteur compense la taille de son autre engin. Va savoir pourquoi, ça les vexe. »

Un ricanement que tu t’empresses de regretter s’échappe de tes lèvres ornées d’un rictus ambigu, mélange de la fierté que tu éprouves pour cette vanne que tu trouvais déjà hier soir assez bien sentie et des conséquences du juste retour de bâton qui t’a poussé jusque là. Tu ne sais pas pourquoi tu aimes tant ces rixes sauvages, depuis petite déjà tu avais cet appétit pour la confrontation et la provocation et tu as vite perdu le compte des bagarres dans la cours de récréation avec tes camardes pour des prétextes bidons tels que toi ayant traité quelqu’un de petite bite. Au final, tu n’as pas tant changé que ça, mais il semblerait que tu aies rencontré sans le savoir dans ta tendre jeunesse quelques futurs propriétaires de Harley-Davidson.

« Et toi, pourquoi t’es là ? »

Au final, une simple question pour résumer toutes celles qui te trottaient de la tête. La sobriété, ça a du bon.
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Ven 13 Nov - 15:25 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Feat HEIDI JANOWSKI


S'ouvrir aux autres. Ma psy me l'avait conseillé et elle était ravie de savoir que je m'étais fait une amie, aussi brisée soit-elle. Pour elle, il ne fallait surtout pas que je me renferme, que je vois l'autre comme un potentiel ennemi, comme le potentiel coupable de ma condition actuelle. Parce que oui, quand je suis sortie, j'ai fuis la foule, j'ai refusé les discussions. Enfermée dans ma chambre attendant l'heure des repas avant de disparaître à nouveau pour des nuits agitées. C'était tellement plus simple de jouer la fantôme, sans identité en prime vraiment, le tableau était parfait. Puis, il a fallu que je m'ouvre un peu, un minimum vital dirons nous, échanger quelques mots par politesse au départ. Ensuite, j'avais besoin d'une "secrétaire", de quelqu'un pour m'aider dans cette tâche devenue impossible pour moi. Frustration quand tu nous tiens, j'ai dû ravaler ma fierté, affronter cette faiblesse parmis tant d'autres et aller de l'avant tant bien que mal. Ma béquille était aussi mal en point que moi mais, au moins, on avançait dans la bonne direction elle et moi. Je me rend compte que c'est grâce à Amina que je me retrouve aujourd'hui à échanger avec Miss franc parlé. Sans sa joie de vivre, je serais restée quasi muette, limitant mes mots à des interactions impossibles à éviter. Joie de vivre qui masquait sa profonde dépression, joie de vivre que je tentais d'afficher à mon tour pour tromper mon monde et redonner un peu d'éclat dans ma vie terne.

Doe, voilà un nom qui écorche mon armure mentale, j'essaye de me sentir détachée, de ne pas me sentir amoindrie par cette identité qui me fait défaut. Parce que oui, nous avons tous un nom et un prénom, une fois qu'on nous retire cela, que reste-t-il? Rien, on ne nous rattache à aucune racine, aucun souvenir, aucun passé. Juste cette personne là, devant vous, simple, basique, pathétique même. Je soupire, mon visage s'assombrit l'espace d'un instant, comment sourire quand on vous renvoie à votre condition de faiblesse? Il faut que je me batte, chaques jours, chaques nuits, tout le temps pour ne pas partir à la dérive. Sa voix me sort de mes mornes pensées. Dommage, il est vraiment pas mauvais leur café mais, après avoir vu Morveux 1er se délester de ses crottes de nez un peu partout, on peut se mettre à douter de l'hygiène dans cette pièce, je ne peux lui en vouloir. Un petit rire parvient même à quitter mes lèvres après le contre-coup de mon identité branlante. J'aime sa manière de parler, sa voix qui se moque de tout et surtout des oreilles qui pourraient être dérangées par ses propos acides par moment. 

Petit accrochage, c'est un doux euphémisme vu comment elle se tient… Je me permets de la détailler un peu plus et de faire une moue désapprobatrice, c'est bien plus qu'un petit accrochage, on dirait plus une belle grosse bagarre de fin de nuit devant un bar. Une femme aussi frêle qu'elle face à un type, un motard? Voilà qu'elle m'épate. Un nouveau rire m'échappe. "Carrément… Tu n'as vraiment pas froid aux yeux pour t'en prendre à plus solide que toi. Je suis plus de celles qui s'effacent, qui ne cherchent pas le conflit. Je ne suis pas taillée pour ça de toute manière. Tu as pu tenir jusqu'à ce matin… comment tu as fait pour gérer la douleur?" Comme elle m'a tutoyée, je me suis permise de faire de même, c'est toujours plus simple pour engager la conversation et la maintenir sur la durée. Le "vous" implique peu de confidence, plus de superficialité au final. Ce qu'elle dit ensuite efface le petit rictus résiduel après les rires que j'ai pu laisser entendre. Fallait bien que le sujet vienne sur la table, je lui avais demandé la raison de sa venue ici, fallait bien que la question me revienne tel un boomerang. 

Pourquoi je suis là, inutile de se lancer dans un mensonge alambiqué, je ne suis pas douée pour ça et puis ça se voit direct sur ma tronche de toute manière. Je suis un livre ouvert même pour les inconnus, Amina m'avait déjà fait la remarque. "Et bien… je suis là pour faire tout un tas d'examens, j'y ai le droit tous les mois. Prises de sang, scanner, Irm, test divers… J'ai eu… Un grave accident. J'ai perdu la mémoire à la suite de ça. Depuis six mois, je vis une vie nouvelle sans savoir de quoi était faite l'ancienne. Voilà pourquoi mademoiselle Doe aussi, faut bien nous coller une étiquette sur la face hein…" Sourire amère, je baisse le regard, soupire, morne. Les autres présents dans la pièce ont participé à la thérapie de groupe, ils ne sont en aucun cas présents pour m'apporter du soutien, se sont des oreilles curieuses, avides de ragots savoureux pour agrémenter leurs propres conversations autour d'un café. Ça me répugne.

Après quelques secondes d'un silence trop pesant, je relève mes prunelles claires sur mon interlocutrice, esquisse un très maigre sourire. "Comment plomber l'ambiance en deux secondes. Juré, je suis moins morose après un verre ou deux." Et encore, je lui ai épargné le fait que cet accident suit un temps passé certainement retenue enfermée par un père ou un conjoint maltraitant, le tout agrémenté de diverses tortures qui me sont totalement inconnues, que le coupable court toujours, sans doute un proche vu que personne n'a signalé ma disparition. Les flics n'ont pas ébruité cette affaire au vu des preuves inexistantes, cela ne ferait qu'effrayer les foules et ce de manière parfaitement inutiles selon leurs dires. Je ne peux rien faire contre ça, je dois me contenter de faire travailler ma mémoire au maximum pour espérer retrouver un jours les morceaux manquants. J'ai vécu un traumatisme trop important et mon esprit me préserve de ces horreurs à sa manière. 
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Mar 17 Nov - 14:00 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Shreveport Hospital
ft. Lucia Kinnaman



F
roid aux yeux ? Non, pas vraiment, en effet. Tu es stupidement téméraire, c’est un fait établi ; non pas que tu n’aies peur de rien, ni même de personne, mais le problème est plutôt qu’au fond de toi résonnent des pulsions qui te poussent à te mettre en péril. Tu as besoin de flirter avec le danger. Peut-être pour te sentir vivre et frissonner en laissant l’adrénaline t’enivrer, ou peut-être par orgueil en essayant de voir jusqu’où tu pourras pousser tes prouesses absurdes pour ce sentiment de fierté coupable que tu ressentiras le lendemain ? Peut-être est-ce aussi que tu cherches à te faire du mal parce que tu te détestes et que tu crois le mériter, ou alors c’est un subterfuge idiot pour distraire tes sens et te faire oublier momentanément un mal-être bien plus profondément ancré et qui te colle à la peau ? Ou c’est peut-être simplement que tu aimes ça, avoir mal ? Peut-être que tu aimes tout simplement tomber au plus bas parce qu’il est plus facile de remonter comme ça plutôt que de chercher constamment à s’élever ? Très probablement un subtil mélange de tout ça et certainement plus encore. A ton tour d’esquisser un sourire amer lorsqu’elle te demande comment tu as géré la douleur.

La réponse est assez simple : un taux anormalement élevé d’éthanol dans le sang et une bonne dose de fierté. Refuser de donner à un inconnu la satisfaction de t’avoir blessée, même longtemps après avoir quitté le bar qui t’a vu choir. Tu n’avais qu’une seule idée en tête lorsque tu titubais avec détermination jusqu’à ton studio : retrouver ton lit solitaire et t’endormir en serrant tout contre toi ton oreiller qui aurait dû essuyer nombre de larmes qui n’ont jamais perlé au coin de tes yeux. En guise de réponse, tu arques simplement un sourcil, l’air de dire que tu n’as pas vraiment eu le choix. En réalité, ça faisait assez longtemps que tu n’avais pas sombré aussi profond dans les méandres de tes vices ; tu t’en félicitais et c’était même plutôt agréable de te voir te sortir pas à pas des spirales autodestructrices dans lesquelles tu t’étais enfoncée pendant tant d’années.

La raison pour laquelle tu as craqué hier soir t’apparaît encore un peu floue, mais pas assez pour ne pas te souvenir des grandes lignes : il y a deux jours, un concert s’est mal passé. Tu t’es faite sévèrement et surtout très injustement rabrouer par un des musiciens, il a dit des choses si vexantes que tu as préféré partir immédiatement, sans quoi les mots qui seraient sortis de ta bouche auraient mis en péril ta carrière déjà fragile. Alors, hier tu as voulu voir Elinor, jouer avec elle, te faire mordre et peut-être même te confier pour soulager tes nerfs à vif, mais le sort a voulu qu’elle ne soit pas disponible. Il te fallait tout de même un exutoire, et le seul que tu as trouvé a été celui qui t’a conduite ici aujourd’hui. Au moins, tu n’es plus trop en colère, mais tu appréhendes le moment où tu devras te présenter devant la vampire dans cet état. Tu ne pourras pas lui cacher les raisons de ta blessure, et encore moins prendre le moindre médicament avant qu’elle ne se nourrisse. En bref, tu as été stupide une fois de plus.

Et puis, Jane finit par répondre à ta question. Enfin, elle confirme plutôt que ce prénom n’est pas le sien. Sans un mot, tu l’écoutes dévoiler son histoire au petit public d’infirmes que toi et les autres minables de la salle d’attente constituez. Tu fronces légèrement les sourcils, suspectant d’abord une blague, mais un infime instant de réflexion suffit à t’ôter cette idée de la tête. Un autre instant, tu te demandes si tu aimerais être à sa place et oublier celle que tu es à ce jour mais tu réalises assez vite aussi que cette question est bien trop complexe pour que tu y trouves une réponse en si peu de temps. Pour l’heure, tu te contentes de hocher légèrement la tête. Le malaise est palpable et s’est abattu sur toute l’audience en plus de toi-même, laissant un dur silence s’insinuer entre vous. Ça serait mentir que de dire que tu ne regrettes pas d’avoir posé la question en ce moment, parce que maintenant tu ne peux tout simplement pas l’ignorer. Sa dernière réplique pour tenter de briser le mutisme général n’a malheureusement pas fait mouche et n’aura pas suffit à effacer de ton visage l’air gêné qu’elle y a instillé. Quelqu’un de normal aurait répondu rapidement avec des mots et un regard chargés d’empathie, mais à cet instant tu en es bien incapable. Tu ne la connais pas et tu n’as aucune raison de lui accorder cette chose que beaucoup d’autres t’ont refusé auparavant. Tu sais que ce raisonnement n’a rien de logique, mais et alors ? Le simple fait de sentir sur toi peser ce devoir réveille un esprit de contradiction méchant et amer qu’il t’est bien trop difficile d’ignorer.

Le temps passe et tu dois réagir. Tu n’es pas cruelle au point de l’envoyer paître mais tu n’arrives pas à ressentir à son égard de quoi te pousser à la tendresses, alors tu dois trouver autre chose. Quelque chose de neutre, qui ne t’implique pas. Alors, tu la dévisages un dernier moment avant d’enfin tenter de briser à ton tour ce silence étouffant.

« Mais.. attends une seconde.. tu ne serais pas.. ? »

Et merde, qu’est-ce qui t’a pris ? Tu l’as jamais vue cette fille, pourquoi tu lui dis ça ? Enfin, maintenant que tu es lancée, il faut finir. Vite, une idée, le premier truc qui te passe par la tête. Un prénom, un lieu, un moment, une activité. Improviser c’est ton métier, alors vas-y, c’est le moment. Et tiens, pourquoi est-ce qu’elle ne ferait pas le même métier que toi ? Au pire, si elle a tout oublié, elle ne pourra pas te reprocher de lui avoir menti. Tu arbores une mine pensive, de son côté elle doit croire que tu essaies de te rappeler un souvenir lointain alors que tu essaies juste lâchement d’élaborer un mensonge plausible.

« Jill ? Tu faisais des percussions si je me souviens bien, on avait fait un bon concert ! On avait pas eu le temps de boire un verre ensemble après, j’étais pressée, mais c’était il y a un an au moins.. »

Tu le sens, cette fable va t’exploser à la figure à un moment ou un autre. Qu’est-ce que tu diras si elle t’en demande plus ? Tu regrettes chaque mot dès lors qu’il sort de ta bouche venimeuse, mais tu es lancée, tu ne vois rien d’autre à faire ou à dire. Tu dois pourtant rattraper le coup, ou au moins tenter de lui faire oublier ce que tu viens de dire dans ton infinie bêtise en enchaînant rapidement avec quelque chose de bateau. Tu aimerais être sincère, mais tu as peur de ce que tu pourrais provoquer en livrant le fond de ta pensée.

« Enfin, navrée pour toi, ça doit pas être facile à vivre. »


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Sam 5 Déc - 20:54 (#)



Un esprit sain dans un corps sain
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Voilà, l'ambiance est bel et bien plombée pour le coup. Les oreilles indiscrètes sont comme en pause et mademoiselle répartie d'enfer ne trouve rien à redire non plus. Comment lui en vouloir? J'ai balancé ma misérable vie, étalée aux yeux de tous, qu'ils puissent lorgner dessus, se repaître de cette pitoyable existence aussi courte que celle d'un nouveau né. Tout depuis ce fameux jour, cette fameuse nuit, n'est que nouveauté et apprentissage. Est-ce que j'aime le café? Je suis droitière ou gauchère? Ai-je des tocs? Datent-ils de mon accident ou bien étaient-ils présents bien avant? Je dois lister toutes ces choses, toutes ces nouveautés. Je devrais les noter mais j'en suis incapable et je ne vais pas demander à Amina d'écrire tout cela pour moi. Alors, je fais marcher cette mémoire défaillante pour leur donner tous mes exploits, mes petites victoires au quotidien et mes découvertes récentes. Il n'y a que ça que je puisse faire. Je soupire, même mon petit trait d'humour n'a pas retiré cette chape de plomb qui pèse lourdement sur mes épaules à présent. 

Les secondes, les minutes? S'égrainent, la vie autour de nous reprend péniblement son cours, le couple discute de nouveau, les autres retrouvent leurs occupations de salle d'attente et un des patients est appelé à nous quitter. Il échange avec moi un regard que je déteste, celui de ceux qui ne savent sur quel pied danser, entre la compassion et la prise en pitié, désir de connaître les moindres détails, surtout les plus sordides lors de quelques paroles échangées. Au foyer, avant Amina, il y a eu Lydie. Gentille au premier abord, toujours prête à m'écouter, à m'aider. Sauf que, plus tard, j'ai découvert qu'elle faisait ça uniquement pour son propre petit plaisir sadique et qu'elle allait tout raconter à sa bande de véritables amies. J'ai juste été la conne de service incapable de reconnaître les réelles intentions des gens. Amina a bien galéré du coup pour gagner ma confiance et elle m'a aussi aidée à ne pas me livrer à n'importe qui. Bon… là, j'ai tout déballé un peu rapidement mais, je ne compte pas revoir les personnes qui sont ici, des simples rencontres sans conséquences. Des amis à usage unique comme disait Edward Norton dans Fight Club, citation qui se prête à chacune de mes interactions en dehors du corps médical (et encore) et du foyer en passant par la police.

Sa voix me sort de mes pensées, à croire que je m'y réfugie bien trop souvent d'où mon air perpétuellement absent. Elle prononce les mots que je rêve d'entendre, juste quelques mots qui me font relever la tête, poser un regard pétillant sur elle, les joues marquées par quelques traces de mon émotion soudaine; "tu ne serais pas?". Je ne serais pas qui? Son hésitation, le fil de sa mémoire qu'elle semble dérouler pour parvenir à notre rencontre. Que ce temps me semble encore plus long que le silence de mort que j'ai provoqué. Intérieurement, je trépigne d'impatience, extérieurement, je scrute son visage comme si ce dernier allait me révéler les secrets du Graal. Jill, le prénom est lâché, des percussions, un concert avec elle, il y a presque un an? Rien, rien ne fait tilt dans ce cerveau cabossé, les connexions ne se font pas, rageant, frustrant. Pourtant, elle offre des informations précieuses que je chéris telles des trésors. Je suis fébrile, au bord des larmes tellement j'attendais ce moment avec impatience. Sans vraiment réfléchir, je saisis sa main de la mienne tremblante et fraîche sous le coup de l'émotion, de l'autre je saisis le carnet dans ma poche. "Jill… c'est ça? Je… tu peux le noter pour moi, ça et tout ce dont tu te souviens. Les percussions? C'était quoi? C'était où? Il me faut le plus d'informations possible… s'il te plaît. C'est important."

Ma voix tremble, mon regard s'embrume. Elle a des clés en main et je vais pouvoir en parler avec les médecins et les hommes sur l'enquête, des détails sur mon identité, sur des fragments de mon passé. Ils n'ont rien de probant alors un prénom et une passion ou un métier pourrait leur donner de nouvelles pistes. "Je… désolée, je ne sais plus ou pas écrire peut importe hein…? Note tout ce qui te vient par la tête, même si c'est que du détail futile… Franchement, il n'y avait qu'une chance infime que je tombe sur quelqu'un qui me connaisse… C'est fou franchement…" Un vent euphorisant s'empare de mon être tout entier. La frustration, l'abattement, les questionnements, tout s'envole immédiatement, ne reste que ce sentiment léger. Je retire ma main de la sienne, soudainement consciente que je la touche, mordillement de lèvre un brin gênée malgré un sourire béat qui illumine enfin mon visage blafard. "On ira le boire ce verre… Enfin après, plus tard peut-être parce que vu ton état, l'alcool et les médocs ça doit pas être hyper conseillé… Et voir si je sais encore jouer."

D'un coup, je me moque bien qu'il y ait du monde autour de nous, je suis dans une bulle cotonneuse, dans un rêve éveillé grâce à… Merde, je ne lui ai même pas demandé son prénom alors qu'elle sait pas mal de choses sur moi, enfin le peux que je puisse lui révéler. Je ne lui laisse pas une seconde pour en placer une. "Au fait, c'est quoi ton prénom?" Je me dis que je dois la fermer, histoire qu'elle parle de nous, de moi, qu'elle donne des détails qui pourraient faire tilt dans mon cerveau en manque de réseau fiable. 
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Lun 21 Déc - 15:15 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
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ft. Lucia Kinnaman



A
lors voilà, tu as déconné. Tu as donné de faux espoirs à une gamine qui n’avait pas besoin de ça et maintenant elle ne te lâchera pas avant que tu aies fait un choix. Ce choix, il est simple : soit tu continues à t’embourber dans un mensonge qui ne la fera que choir d’encore plus haut lorsqu’elle se rendra compte que tout ce à quoi elle s’est rattachée bien trop vite n’était qu’affabulation, soit tu lui avoues dès maintenant que tu t’es trompée et que tu l’as confondue avec une autre personne qui n’existe que dans ton imagination vicieuse.
Tu entendrais presque la voix de la raison t’accabler de reproches et de bons sentiments à faire passer devant ton confort immédiat. Mets toi à sa place, qu’est-ce que tu aimerais qu’on te dise ? Mais tu n’es pas à sa place, tu n’as aucune idée de ce que cela fait de perdre la mémoire et tu as encore moins l’envie de te l’imaginer. Qu’est-ce que ça peut bien te faire, ce que ressent une sombre inconnue qui n’a pas hésité une seule seconde à se jeter sur tes mots comme sur une bouée de sauvetage qui ne la tiendra hors de l’eau seulement assez de temps pour qu’elle se rende compte que même l’air est terriblement glacé. Tu n’es pas responsable de ses émotions, elle n’aurait pas dû se fier à toi ; ta simple présence ici prouve que tu es l’allégorie même du nihilisme. Tu es méchante et égoïste et rien sur ce plan de l’existence ne serait capable de changer ton essence.

Tu n’as toujours pas pris ta décision mais tu es de plus en plus irritée, autant par ta côte traîtresse que par le comportement de celle qui vient de saisir ta main. Ses yeux larmoyants et sa mine trahissant la moindre de ses émotions auraient sans doute su tirer la pitié de beaucoup de monde, mais pas la tienne. Toi, ça t’agace encore plus, si bien que tu commences à la haïr pour t’avoir imposé contre ton gré cette situation de laquelle tu ne peux ressortir qu’en tant que bourreau. Pour qui se prend-elle ? Est-ce que toi, tu étales sans gêne tes problèmes aux yeux du monde entier ? Et elle parle, elle parle, comme si elle n’allait jamais s’arrêter ; à mesure que ses mots désespérés rejoignaient tes oreilles bouffies d’amertume, le choix faisait petit à petit place à l’évidence : tu veux que cette scène pitoyable et larmoyante à l’excès cesse au plus vite. Tu espères que cela peut se lire dans ton regard et qu’il arrivera à transpercer le sien débordant encore de larmes. Comment tu t’appelles ?

« T’as pas à savoir mon nom, on se connaît pas. »

Tes yeux se fixent droit dans les siens au moment où tu détruits ses espoirs d’un simple coup de verbe tranchant. Ton expression froide et dénuée de toute empathie ne laisse aucune place au doute : ces mots, même s’ils ne sont pas minutieusement choisis, sont les plus vrais qu’elle entendra aujourd’hui, voire pendant encore quelque temps. Tu rentres nonchalamment les mains dans les poches de ton jean noir avant d’enchaîner à ton tour sans lui laisser le temps de se remettre de la douche froide que tu viens possiblement de lui faire subir.

« Je t’ai confondue avec quelqu’un d’autre, t’enflamme pas. »

Tes épaules se crispent encore plus. Manque de sommeil, douleur ou simplement ta nature, quelque chose en toi réclame plus de violence. Tu as envie de verser métaphoriquement son sang sur le sol austère de cette sale d’attente plongée de nouveau dans le silence. Une pulsion irrépressible grandit en toi, la pulsion froide et cruelle d’une pauvre fille froide et cruelle, et tu ne vas rien faire pour la retenir.

« J’ai même pas envie d’aller boire avec toi. Regarde toi, t’as encore la morve au nez. Je préfère encore me faire péter une autre côte que de t’écouter pleurer pendant toute une soirée. »

Rien de plus gratuit que cette attaque personnelle sur une pauvre gamine déjà agonisante. Tu affiches un court instant un rictus condescendant avant de détourner le regard de ta victime, le cœur allégé pour l’heure de ses instincts acrimonieux et complètement dénué de toute forme de pitié. Elle n’a pas mérité que tu t’acharnes sur elle de la sorte, et chaque individu présent ici le sait. Pourtant, aucun n’ose s’offusquer et briser ce nouveau silence sordide. Tu aurais besoin qu’on te remette à ta place, mais de toutes manières, dans cet état, tu n’écouterais rien ni personne alors à quoi bon ? Pour défier la normalité, en voilà un beau pouvoir que celui de cracher du venin.


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Lun 28 Déc - 18:32 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
Feat HEIDI JANOWSKI


Je suis en pleine reconstruction. Mon corps porte encore quelques séquelles, bien maigres comparées à ce qui hante mon crâne et mes nuits. Je fais des rêves, des cauchemars atroces qui ne me laissent au réveil que de la moiteur sur l'épiderme et des bribes indéchiffrables en souvenirs. Cette reconstruction passe par des séances d'hypnose, de longues conversations avec une psychologue et divers médecins pour veiller à mon état de santé physique. Mon mental est fébrile, fragile, semblable à une bulle de savon poussée au gré des vents qui risque à chaque instant d'éclater et de disparaître à tout jamais. Et voilà, voilà l'instant charnière, celui qu'il faut redouter et moi, j'ai plongé à cœur, à corps perdu dans cet océan d'espoirs. C'est le désespoir que j'y trouve finalement. Rêche, froide, glaçante même, méchante, odieuse, salope, vipère, garce, connasse… insupportable poison qui me noue les tripes, enserre la gorge et tétanise les muscles. Je voudrais crever tant ce moment est douloureux autant physiquement que psychologiquement. Elle attaque, griffe, blesse profondément ma chair pour se repaître de ce sang qu'elle éclabousse partout sans délicatesse aucune. 

Son regard a déjà fait tout exploser en moi. Vous savez, celui qui vous fusille, celui qui vous foudroie, vous cloue sur place, les yeux ronds et la bouche entrouverte. Que dire? Que faire alors que ses mots sont si rudes et sans âme? Si, elle a une âme, une âme noire, sombre et glaciale, diabolique, elle s'est jouée de moi, bien pire que l'autre garce au foyer. Parce que elle, elle m'a fait miroiter, l'espace d'une seconde une lueur d'espoir, cet espoir que je recherche, que j'imagine dans le creux de mes doigts pour réchauffer ma propre âme devenue aussi froide que la mort que j'ai failli rencontrer il y a plus de six mois. Cassante, elle brise ce petit miracle aussi rapidement qu'elle l'a fait éclore. Pourquoi me faire ça? Pourquoi m'infliger cette souffrance nouvelle et dévastatrice? Ai-je demandé à me faire traiter comme une curiosité à étudier en état de stresse? Non, elle a posé une question, j'ai répondu sans attendre quoique ce soit de sa part. L'insolente aurait bien pu laisser le silence s'éterniser avant de me sortir une phrase bateau de merde et hop on serait passé à autre chose. Non, il a fallu qu'elle écarte mes chairs pour venir y fourrer les doigts, plaie béante, douleur insoutenable qui crispe mon visage. Envie de mourir, de vomir en cet instant. Je dois être blême, livide, incapable de riposter à cette attaque frontale sans raison valable. 

Je retrouve l'usage de mes mains fébriles, enfouis mon carnet à la con dans ma poche, retiens des larmes brûlantes, ravale le peu de fierté qui me reste dans cette pièce devenue douloureusement silencieuse. Je sens le poids des regards, leurs pensées seraient presque audibles. Un bourdonnement dans mon crâne. Pourquoi? Pourquoi tant de méchanceté? Pourquoi s'en prendre aussi brutalement à moi? Comme si mon récit n'était que de la merde, un tissus de mensonges, une légèreté verbale que l'on balaie du revers de la main. Ce que j'ai vécu n'était pas suffisamment horrible pour qu'elle se sente l'envie d'en rajouter une sacrée couche? Une larme parvient malgré tout à rouler sur ma joue, je la chasse de ma manche avant de me lever tant bien que mal de ma chaise. "C'est vrai… tu aurais mérité de te faire refaire le portrait. Je n'ai pas quémandé de la pitié ou je ne sais quoi. Ne pose pas de questions si la réponse risque de te déplaire ou alors fait preuve de tact au moins. J'espère qu'ils ne te donneront rien et que tu morfles quelques jours de plus." 

Les poings serrés, le regard sur le carrelage d'un blanc-gris douteux, la voix tremblante et une méchanceté que je ne me reconnais pas. Des larmes perlent, roulent sur mes joues, de nouveau, je les essuie, je ne veux pas lui offrir ce pathétique spectacle, ne pas lui donner raison alors que… j'ai toutes les raisons du monde d'être profondément blessée par ses propos, de ressentir un tourment de sentiments lacrymaux par sa faute. Je suis fragile et elle n'a pas hésité à jouer sur cette corde sensible en véritable sale gosse. Elle s'en est pris à la mère du gamin un peu plus tôt mais au final, elle est semblable à ce morveux qui se foutait bien de déranger le monde. Un ignoble personnage que j'espère ne jamais recroiser. Au diable mon rendez-vous, je ne me sens pas de les affronter eux aussi. Je relève mes yeux rougis sur l'assemblée qui semble attendre la suite, qui voudrait des éclats de voix et non cette petite tirade faiblarde. Je ne veux pas leur donner ce qu'ils demandent. Je me contente de hausser les épaules. "Ça vous plaît à vous aussi ce pathétique spectacle que je vous donne hein? Priez le ciel que ça ne vous arrive jamais. Des sévices, des viols aussi sans doute, de la violence, des os brisés, du sang versé et personne qui ne semble vous chercher alors que vous êtes au plus mal. Ne plus avoir le souvenir de qui vous a fait subir tout ça et risquer de la croiser à tout moment. Vous retrouver dans une chambre d'hôpital avec pour seul passé vos yeux qui s'ouvrent sur cette pièce aseptisée. C'est vrai, c'est pathétique, on a envie de jouer avec cette mémoire défaillante, pour voir, pour savoir ce que ça fait de donner un espoir à cette coquille vide, ce sujet d'études morbides. Vous savez quoi? Allez tous bien vous faire foutre! Vous êtes tout ce que je déteste dans cette vie que je découvre, méchanceté gratuite, voyeurisme et vous aimez côtoyer la misère du monde non pas pour l'aider mais pour la tourner en ridicule et en rire entre vous. C'est vous qui êtes pathétiques au final, incapables d'une once de compassion aussi infime soit-elle."

Il m'en a fallu du courage pour sortir ce que j'avais sur le cœur, pour les regarder un à un, même la sale garce, pour les affronter les yeux dans les yeux. Le ton mal-assuré, ma voix sans doute pas assez forte pour être emplie de conviction. Qu'importe, je fais un pas en avant pour prouver que je ne suis pas un putain de paillasson sur lequel n'importe qui peut essuyer ses pompes. Je retrouve des couleurs, mes joues me brûlent tout comme mes yeux. J'avale ma salive, trouve ma bouche un peu sèche malgré tout. Un soupir et je quitte la salle d'attente. La secrétaire se lève de sa chaise mais, je ne cherche pas à écouter ce qu'elle a à me dire. J'ai besoin d'air, j'étouffe à force de retenir mes larmes, j'ai envie de hurler tant j'ai mal dans tout mon être. Une fois dehors, je laisse la fraîcheur mordre mon visage en feu et vais me laisser tomber sur un des bancs flambants neufs. Seule, enfin en partie, je me laisse aller dans quelques larmes salvatrices. Je veux me délester de ce poids avant de rentrer au foyer. 
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Mer 30 Déc - 15:43 (#)


Un esprit sain dans un corps sain
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ft. Lucia Kinnaman



S
ous tes yeux bouffis d’une colère ancrée profondément dans ton âme, le visage de la gamine se fige dans une expression qui aurait dû au moins provoquer un maigre pincement à ce morceau de glace abrupte que tu oses appeler un cœur. Tu devines facilement qu’elle a mal, que tes paroles la blessent, que la cruauté et la froideur de tes mots provoquent chez elle une souffrance que tu penses connaître et que pourtant tu es incapable de concevoir. Son visage se décompose subtilement, se contracte de douleur au point que tu pourrais presque partager ce mal de ventre que personne ne devrait avoir à connaître dans une vie et qui devrait la tordre en ce moment même.
Tout ça, toute cette peine affichée au grand jour sous ton regard assombri par des sentiments tous plus négatifs et destructeurs les uns que les autres, cette douleur cristallisée dans une seule larme.. tu sais que devant un spectacle aussi pathétique tu devrais ressentir quelque chose pour elle, partager sa peine et lui apporter du réconfort, mais tout ce que ton cerveau malade est capable d’éprouver, c’est encore plus de colère. Envers elle et surtout envers toi pour ne pas être foutue de ressentir la moindre putain d’once d’empathie. Égoïstement, tu es tiraillée entre les émotions dont tu aimerais tant te souvenir et la noirceur indélébile qui nimbe chacune de celles que tu goûtes. Toi, Heidi la rebelle, l’insolente, l’indépendante, celle qui par dessus tout désire être différente, tu n’as qu’une seule envie à cet instant : celle d’être comme le reste du monde.

Elle se lève et te maudit sans avoir pourtant le courage d’affronter ton regard. Tu aimerais qu’elle plonge ses yeux dans les tiens pour pouvoir saisir toute l’ampleur de cette colère qui semble aussi la gagner pour qu’un schéma de pensées tordu et instinctif vienne te soulager de cette parodie de culpabilité. Si elle est en colère c’est qu’elle va bien. Si elle est en colère, elle me ressemble, alors elle n’est pas plus à plaindre que moi. Tu ne peux pas t’empêcher de penser de cette manière, c’est un réflexe primitif, comme un instinct de survie qui se retourne contre toi depuis des années. Mais évidemment, tu es la méchante, tu es celle qui fait pleurer, personne ne va se douter que ce venin que tu craches te ronge aussi de l’intérieur. Et voilà, ta colère grandit encore et prend le pas sur cette humanité pour laquelle tu as tant d’ambivalence, humanité que tu chéris et exècres en même temps au point où tu ne sais même pas si elle est encore en toi ou si elle l’a jamais été. Plus elle fixe ce carrelage aussi blême que son visage, plus elle réveille ton besoin maladif d’attention et cette rancœur que tu diriges contre le monde entier qui ne semble pas vouloir voir plus loin que la garce que tu es.

Enfin, elle te donne ce que tu attendais avec tant de frustration. Ce monologue larmoyant et plein d’une morale que tu rejettes et nies en bloc t’importe peu, tu pourrais lui opposer bien des arguments cyniques et fallacieux pour te convaincre que tu as raison et qu’elle est en tort mais ça ne t’intéresse pas. Toute ton attention est focalisée sur ses pupilles qui vont bientôt rencontrer les tiennes. Tu la supplies de justifier ton comportement. Tu te languis de voir briller dans ces orbes rougis par les pleurs un éclat de colère qui te rassurera et te fera dire que ça n’est pas toi qui est irrémédiablement méchante, mais que tout ça n’est que le fait d’une fureur qui ne demande qu’à être apaisée pour que tu deviennes humaine.
Au final, ses paroles ne te touchent pas. En fait c’est à peine si tu les as écoutées, perdue dans tes réflexions égoïstes. La pleureuse s’en va en ignorant les injonctions de l’infirmière qui était sensée surveiller cette cour de récréation et qui s’entiche soudainement de venir te faire la morale. Toi non plus tu ne vas pas l’écouter. Vexée par la position dans laquelle tu t’es mise, tu te lèves avec difficulté et rejoins à ton tour la sortie. Tu as un bref instant cette pensée ignoble qu’au moins tu n’es pas la seule à t’être échappée de cet hôpital plus mal en point que tu ne l’étais en y entrant.

Mains dans les poches, le regard froid et sévère porté sur un vague point au loin, tu te diriges vers l’arrêt de bus le plus proche. Evidemment, tu passes à côté d’elle. Finalement, la dernière chose que tu voudrais, c’est qu’elle pense que cette scène ne t’a pas atteinte, mais est-ce que tu es en droit d’attendre quelque chose de sa part ? Et surtout, qu’est-ce qu’elle en aura à faire ? Tu n’es même pas certaine de raconter cet épisode à quiconque par angoisse que les gens que tu estimes te jugent. Enfin, ça n’était pas comme si il y en avait tant que ça.


CODAGE PAR JFB / Contry.
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