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A huis clos - Nouvelle Orléans [Ft Yago - Salâh]

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Sam 19 Juin - 20:00 (#)


Ombre,

La saison chaude est en partance, les sables se sont retirés, portés par une tempête, à présent apaisée. Une triste missive mais non étonnante a troublé les eaux tranquilles de la mer noire. Malgré les nuits fraîches, les colibris sont de retour.

H. Mazarin, Mouharram, 1442, 20, natif de la Nouvelle Orléans se demande où sont passés ses oiseaux.

Le désert pleure l’eau qui le fait vivre.


Sîmorgh

Codage par Libella sur Graphiorum, parchemin de ftourini




********



A huis clos

Prendre l’avion est toujours une épreuve difficile pour celui qui réfute les technologies du monde actuel. Il les connaît, car la bêtise de l’ignorance serait une faiblesse. Néanmoins, il ne s’en sert pas, même si les téléphones, dits intelligents pourraient lui faciliter nettement la tâche. Sa méfiance extrême, voire paranoïaque, entendant des voix d’un complot illusoire, lui insuffle de ne jamais se servir d’un de ces appareils qui transportent les conversations. Etre pisté par des autorités auxquelles il n’obéit pas et ne croit encore moins, lui est inconcevable.

Installé confortablement dans le jet privé, Salâh Ad Din, se réveille de sa torpeur. Décalage horaire, temps de trajet, tout a été calculé avec une précision d’horloger. Il porte la coupe en cristal à ses lèvres, remplie d’un nectar carmin, fraîchement prélevée sur le mordu les accompagnant qui sera renvoyé au pays sans même toucher le sol américain. Sa main passe dans ses cheveux, remettant un peu d’ordre dans sa crinière. Les mois à venir vont être passionnants, tant de pions sont à poser sur l’échiquier, et c’est à son tour de jouer. Aliénor doit se croire à l’abri derrière les murs décrépits du Motel. La rage bouillonne dans ses veines mortes lorsque ses pensées se tournent vers la caïnite qui a osé s’en prendre à lui. Cette vipère a décimé une bonne partie de son contingent. Des personnes qu’il appréciait, vraiment, à défaut de leur faire entièrement confiance. Il sait que tout est à reconstruire, il va devoir s’entourer des meilleurs éléments, se montrer nettement plus ferme. Il a cru, à tort, qu’Aliénor allait se tenir tranquille, mais cette mégère a profité de la première occasion pour prendre le contrôle de ce qu’il avait construit. Une opportuniste, incapable d’ériger son propre clan, profitant de ce qu’autrui a bâti. Elle s’est tout bonnement contentée de retirer les marrons du feu, n’ayant même pas mis quelques bûches dans l’âtre. Salâh s’interroge, est-elle à l’origine des urgences l’ayant appelé à Baku, l’éloignant intentionnellement des Etats-Unis ? Cette question ne restera pas sans réponse, un jour, elle parlera, de gré ou de force.

Cette douce pensée dépose un vilain sourire sur ses lèvres et son regard s’égare dans la noirceur de la nuit. Ils ne sont plus très loin de la Nouvelle-Orléans. Même si l’avion n’est pas son moyen de transport préféré, il doit bien avouer qu’en termes de rapidité, il n’y avait rien à dire. Son verre est vide, il fait signe à la charmante hôtesse de refaire le plein.

Mentalement, il érige une liste de personnes qu’il lui tarde de revoir. En tête, bien évidemment Yago, son Infant. Cette petite tête de mule n’a pas su garder son fief malgré la puissance des sorciers noirs qui l’entourait. Avant de juger de l’inaptitude de Yago, il veut avoir la version de son Infant. Salâh n’était pas présent lors des faits, même si Ashkan lui a délivré un compte rendu détaillé par courrier, il entendre comment la perfide Aliénor à mener son soulèvement à travers la bouche de celui qu’il considère comme son Tout.

Nicola, congénère qu’il côtoie presque éternellement. Son amitié est important, ils ont traversé moult déboires et se connaissent sur le bout des doigts. L’approcher ne sera pas chose aisée, la hyène doit guetter ses allées et venues. Ils trouveront bien un moyen pour échapper à la vigilance des pisteurs. Quant à Aurora, elle viendra à lui, naturellement. Il la guidera, elle trouvera son chemin aussi sûrement que le soleil se lèvera au petit matin. Puis, il y a tous les autres, ceux qui dorment dans les ombres, ceux que l’on oublie, auxquels on ne pense pas, ceux de qui on ne se méfie pas.

L’avion descend par palier, incommodant les sens aiguisé du Prédateur. La piste, illuminée accueille l’appareil qui se pose en toute douceur. Malgré l’impatience qui le taraude, Salâh ne quitte son siège, il attend dans une immobilité totale. Le personnel s’occupe des formalités d’usage. Son entrée sur le nouveau continent n’est qu’une question de minute, ces papiers sont en règle, même s’il voyage actuellement sous une fausse identité.

Par le hublot, il surveille le chargement de la limousine. Ces bagages sont nombreux, il les compte, il vérifiera quoi qu’il en soit, avant de monter dans la voiture. Le commandant revient, passeport en main qu’il tend à Salâh, un petit hochement de tête, signifiant que tout est en ordre. Le plein de kérosène est fait également durant cet interlude. Enfin, il se lève, ajuste son gilet et boutonne son veston. Sur la passerelle, il marque un temps d’arrêt, après avoir insufflé une illusion facile à ses traits, hume l’air tiède et humide, tandis que ses yeux effectuent une rapide inquisition. Tout est paisible, aucune odeur suspecte ne lui parvient, mais il sait que trop bien qu’il n’est pas à l’abri d’un potentiel guetteur tapis dans l’ombre.

Le trajet est court jusqu’au centre, les rues sont désertes à cette heure-ci. Le Quartier Français n’accueille que quelques badauds enivrés, traînant leurs savates fatiguées sur le bitume abîmé. Au loin, quelques faibles notes de jazz résonnent encore dans un bar. La voiture dépasse l’entrée, ne ralentissant même pas, tourne et s’immobilise finalement devant une porte anodine. Il ne prend aucun risque, son visage est brouillé par quelques illusions. Quiconque serait à l’affût, n’y verrait qu’une vieille automobile se garer dans la ruelle.

Le directeur de l’établissement l’accueil en personne et en grande pompe. Un vieil ami, originaire de Russie, garantissant toute la discrétion nécessaire à l’arrivée du Maître du Chaos. La suite réservée à Salâh est somptueuse, décorée dans le plus pur style de la capitale de la Louisiane. Un lit à baldaquin offre un sourire au caïnite, visualisant déjà la venue de son Infant. Quelques mots de courtoisie sont échangés, lui certifiant une parfaite sécurité, avant que Pavel ne prenne congé de son hôte. Seul dans l’immensité, le caïnite sourit. Personne ne doit se douter d’un retour aussi rapide.

Trois coups cadencés dans une mélodie parfaitement orchestrée sont donnés contre la porte-fenêtre du balcon. Rapidement il déverrouille l’accès, prenant garde de rester invisible derrière les épais rideaux, permettant à Ashkan de pénétrer les appartements. Une accolade sincère est partagée entre les deux hommes, l’étreinte est forte, longue, chacun appréciant retrouver l’autre.

- Je suis heureux que tu sois en vie, mon Ami.
- Moi aussi, Salâh, moi aussi.

Ils prennent place au salon, s’asseyant dans un canapé muni d’innombrables coussins moelleux.

- As-tu fait bon voyage ?
- Tranquille mais je regrette les longs déplacements en bateau. Enfin, je dois concevoir que c’est plus rapide. Impatient, n’y tenant plus, il demande : A-t-il reçu mon invitation ? Viendra-t-il ?

Question quelque peu stupide, Salâh sentant la présence de plus en plus proche de son Infant.

- Oui, il est en route. D’ailleurs, je ferai mieux de m’éclipser, il ne va pas tarder. Nous discuterons plus tard, tout est en place, je viendrai te chercher d’ici trois nuits. Les travaux avancent bien mais en attendant, j’ai trouvé une solution qui risque de te chiffonner. Tu ne devras pas m’en porter rigueur.

Intrigué, le caïnite tend un visage interrogateur à son interlocuteur. Ashkan secoue ses mains en riant, refusant catégoriquement à dévoiler son secret.

- Tu verras. Allez, je vous laisse à vos retrouvailles.

Empruntant le même chemin qu’à l’allé, il se fond dans la nuit tandis que Salâh éteint toutes les lumières et allumes une unique lampe à pétrole qu’il dépose sur la table basse. Yago est proche, il le sent. Son Infant lui a manqué, beaucoup trop. Il comprend à présent les paroles de Nicola, l’inquiétude et la souffrance exprimée par son Ami lors de la disparition de ses propres Infants. L’impatience le gagne, il trifouille un fil perdu, détache puis raccroche le bouton de son veston, passe une main dans ses cheveux, décide finalement que sa veste est de trop, la retire et la jette négligemment sur le dossier du canapé.

Le fer forgé de la balustrade grince à peine, inaudible pour une oreille humaine mais Salâh sait. Il croise les jambes et dépose ses mains jointes dans son giron, son regard brillant fixé sur la fenêtre.
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Mer 23 Juin - 17:23 (#)


Until the end of time.

Septembre 2020.

D'un geste trahissant l'habitude, le pouce d'Ashkan glisse contre son écran que son iris sombre jamais ne quitte, happé par les informations numériques qui défilent sous son regard attentif. Nullement gêné par le silence de l'atelier de l'ancien horloger, l'Iranien paraît au contraire trouver le repos parmi toutes ces horloges tantôt éventrées, tantôt fonctionnelles. Une telle obsession l'avait toujours fasciné chez cet Infant étrange, auquel il s'était attaché avec le temps, malgré certaines manies qu'il avait encore du mal à appréhender. Fidèle depuis le premier jour à Salâh ad-Dîn, il s'était vite pris d'affection pour l'Israélite, qu'il couvait la plupart du temps d'un œil aussi curieux que fraternel. Et avoir échappé de justesse au massacre perpétré par Aliénor les avait considérablement rapprochés. Rare survivant des rangs désormais décimés, il s'estimait heureux d'être encore en vie et dans l'adversité, sa dévotion envers les deux Orientaux s'en était renforcée.
Confortablement installé dans la méridienne de l'Infant, le sorcier noir profite de cette accalmie bienvenue. Les nécroses qu'il s'était lui-même infligées pour échapper à la vigilance des traîtres avaient entièrement disparu. Il était redevenu lui-même, et c'est un Ashkan enjoué et sûr de lui qui se prélasse, attentif à la moindre réaction de son compagnon silencieux. Car malgré son attitude nonchalante et son apparente addiction à la technologie, en réalité, l'arcaniste guette. Car il sait que la missive qu'il a remis à l'Immortel troublera bientôt la sérénité ambiante.

Les minutes se décomposent, le mutisme perdure. De plus en plus souvent, le sorcier lève les yeux de son occupation factice, abasourdi par l'immobilisme de la silhouette installée de l'autre côté du sofa. Lorsqu'il étudie son faciès imperturbable, c'est tout juste s'il croit discerner le moindre mouvement oculaire. L'espace d'un instant, il en vient à se demander si l'Immortel a compris la teneur du message codé adressé par son Sire.
Enfin, la main amputée remue, les orbes d'ambre s'arrachent au papier soigné et à l'écriture appliquée et élégante de Salâh ad-Dîn. Feignant la décontraction et le détachement, Ashkan patiente, de plus en plus nerveux face à l'imprévisibilité du Caïnite. La bouche s'entrouvre lorsque les prunelles se croisent.
« Je crois que je devrais m'abstenir d'y aller. »
Il s'attendait à beaucoup de choses, mais certainement pas à cela.
Étonné, l'arcaniste repose lentement son téléphone sur l'accoudoir et se redresse pour se rapprocher du vampire.
« Pourquoi ? Pourquoi dis-tu cela ? »
Avec sollicitude, il encourage son compagnon à la confession, craignant l'impact d'une telle décision sur les humeurs du Sire comme sur la relation du binôme. Et le faciès tourmenté de l'Hébreu ne lui dit rien qui vaille.
« C'est juste que… »
L'enfant de Jérusalem baisse des yeux penauds, et Ashkan y perçoit avec certitude une honte indicible qui, il le sait, pourrait être le vecteur d'une énième fuite dévastatrice. De sa voix calme, il tâche de le rassurer, comme l'Infant l'avait rassuré lorsqu'il avait lui-même douté de la réaction de Salâh ad-Dîn, après le putsch d'Aliénor Bellovaque.
« Yago, tu… »
« Et s'il était déçu ? Et s'il m'annonçait que je n'ai pas été à la hauteur ? Que je ne le serai jamais ? Et s'il avait pris la décision de trouver un autre Infant, digne de lui ? Je ne sais pas si je… »
« Yago. »
Cette fois le timbre s'affirme davantage, enrobe les craintes de l'Immortel et s'efforce d'apaiser son anxiété. Même s'il entend ses arguments, il sait que Salâh ad-Dîn éprouve une réelle affection à l'encontre de son Infant.
« Tu m'as affirmé cette nuit-là que je pouvais dormir sur mes deux oreilles, car Salâh ad-Dîn ne me jugerait jamais coupable de trahison. Il en sera de même pour toi. Tu ne pouvais pas prévoir un tel renversement. Et même si tu l'avais deviné, elle avait déjà placé ses pions. Les tentacules souterraines de la rébellion ont été déroulées depuis longtemps, Yago. Et tu le sais tout aussi bien que moi. Alors n'aie crainte. Tu lui manques, c'est tout. »
Les dernières paroles sont articulées plus bas, presque un murmure. Une certitude. Une promesse.

***

Bercé par la musique locale et attiré par l'odeur des épices cajun, il regrette de ne pouvoir flâner à loisir dans cette ville étourdissante aux couleurs bariolées. L’œil attiré par les façades atypiques du centre-ville, l'Ombre ne résiste pas à l'envie de poursuivre sa progression à la verticale, une fois à l'écart de l'agitation du cœur citadin. Le jazz et les rires s'évanouissent peu à peu derrière lui tandis qu'il étudie ce terrain nouveau, arpente les toits inconnus, prend de la hauteur sur cet environnement à conquérir. La jungle urbaine l'appelle, mais la proximité de son Sire surpasse sa curiosité et son désir d'escapade. Concentré sur le dédale des ruelles, il cartographie la zone, s'enfonce dans le Quartier Français en suivant les instructions délivrées par Ashkan quant au chemin menant jusqu'à l'hôtel où Salâh ad-Dîn avait trouvé refuge. Le sorcier, arrivé la veille – l'Immortel le devinait, pour profiter de l'ambiance de la métropole – s'était probablement déjà entretenu avec le Renégat.
La façade de l'hôtel lui apparaît enfin. Nerveux, il tente de se remémorer les paroles rassurantes d'Ashkan tandis qu'il approche à pas feutrés, agile comme un chat. La présence de son Sire et l'imminence de la rencontre pulse en ses veines. Il le sait, il le sent tout proche, et l'immédiateté des retrouvailles le grise, après toutes ces semaines d'absence. Malgré l'appréhension quant à la réaction de son Sire, il n'hésite pas à franchir les derniers mètres qui les séparent encore, pour se hisser enfin sur la balustrade de ce qu'il sait être le refuge temporaire de son Créateur.

Les barreaux de fer forgé grincent à peine sous son poids, mais il sait qu'il est attendu de l'autre côté des rideaux tirés.
Sa silhouette se redresse lentement dans la pénombre, le faciès à peine éclairé par un réverbère faiblard, un peu plus loin dans la ruelle. Le silence est presque palpable, seule une brise légère allège la moiteur de la fin de l'été et agite la cime des arbres. Les lourds tissus qui le séparent de son Sire, en revanche, ne paraissent pas être incommodés par le vent. Immuables.
Les secondes s'écoulent à l'intérieur de son crâne d'horloger. Il en connaît la mesure exacte, et la perfection résonne pendant un court instant à l'orée de sa conscience. Attendre davantage serait un affront. Fuir révèlerait une lâcheté inacceptable. Il n'a pas le choix.
Le menton droit, les prunelles vives, tous ses sens sur le qui-vive, il entre.

La silhouette immobile de Salâh ad-Dîn le frappe aussitôt, lorsque la pièce l'avale à son tour et qu'ils se retrouvent face à face, après plus de trois mois de séparation. Un éloignement que l'Infant peine à supporter lorsqu'il n'en est pas l'initiateur. Subjugué par cette aura déstabilisante, il se fige, et ses doigts s'enroulent dans un pan de rideau derrière lui tandis qu'il étudie les traits qu'il connaît par cœur, tiraillé entre le ravissement et l'inquiétude grandissante de l'avoir déçu une fois de trop. Paralysé, son corps se pétrifie à cette distance encore respectable, et seules ses orbes sablonneuses osent affronter le regard de Salâh ad-Dîn. Puis, mues par une habitude tenace, les prunelles se surprennent à vagabonder, d'abord autour de la silhouette de son Sire, puis dans toute la chambrée qu'il inspecte avec prudence, éternellement surpris par les goûts raffinés de son Créateur.
De sa voix grave et mélodieuse, il s'adresse à lui dans leur langue commune, heureux de délaisser l'anglais pour épouser les phonèmes de l'arabe.
« Je constate que, comme à ton habitude, tu n'as pas fait les choses qu'à moitié… »
Son regard épouse l'armoire massive taillée dans le style colonial, l'élégance du lit à baldaquin, avant de revenir vers le sofa qu'occupe majestueusement son Autre. Il remarque le veston abandonné un peu plus loin, s'amuse sans mal à imaginer Salâh ad-Dîn le réajuster maintes et maintes fois, par coquetterie. C'est cet attendrissement qui l'ensorcèle finalement et abat les dernières réticences qu'il éprouvait encore.

Doucement, ses phalanges se décrochent du rideau et sa silhouette s'arrache enfin à l'immobilisme pour déambuler dans la pièce, de sa démarche aérienne. La pulpe de ses doigts explore, à l'instar de ses prunelles quelques instants auparavant, la texture des meubles, la qualité du bois, l'étoffe des tissus ; tout est analysé par ses dextres curieuses et aventurières.
Cette inspection silencieuse le conduit derrière le siège de son Sire dont il approche désormais, irrémédiablement happé par ce magnétisme qui l'avait déjà bouleversé dès les prémisses de leur relation, lors de leurs nombreuses rencontres à Jérusalem. Moins intimidé que sous le regard multicentenaire, il cède alors à cette pulsion primitive de le toucher, d'initier le premier contact si souvent désiré, parfois craint, et les phalanges halées frôlent la chevelure soignée, caressent la barbe sombre et impeccablement taillée. Il penche le visage vers la nuque de son Aîné, hume son parfum ambré ; sa main amputée se loge sur un pectoral tandis que la voix murmure, émue de l'avoir enfin à sa portée. Pour lui, rien que pour lui.
« Salâh ad-Dîn… »
Il le respire tout en articulant son prénom, éprouve un plaisir véritable à invoquer les syllabes orientales ; il n'y a qu'en sa présence qu'elles prennent consistance. Il voudrait pouvoir se fondre en lui, oublier jusqu'à son nom, jusqu'à colmater cette béance qui lui troue la poitrine.
Lentement, il se redresse et les mains refluent vers leur propriétaire, délaissent le corps de son Sire. La douleur de la déchirure se ravive dans sa mémoire sensorielle.
« Pourquoi…? Pourquoi être parti, sans rien me dire ? Tout ce temps… j'étais si inquiet. »
Avais-je fait quelque chose de mal ? Quelque chose qui t'ait porté préjudice ? Ou avais-tu seulement besoin de prendre le large ?
Silhouette spectrale, l'Ombre contourne le Maître et échoue à son tour dans le moelleux d'un fauteuil, un peu plus loin. Malgré la crainte qui tapisse son être, son regard se glisse dans celui de son Sire pour exiger des réponses.
« S'il te plaît, ne le fais plus. C'est insoutenable. »
Confession murmurée, presque suppliée, tandis que ses ongles s'enfoncent dans les accoudoirs, encore animés par la douleur de l'absence.

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Mar 6 Juil - 0:08 (#)

A huis clos


La silhouette athlétique glisse à l’intérieur de la pièce, prudente, presque timidement, n’osant s’aventurer plus loin que la lisière du halo lumineux. Ses doigts s’accrochent aux rideaux, à la consistance d’une réalité tangible. Yago vogue dans son propre monde où ses lois n'appartiennent qu'à lui mais Salâh les a acceptées. Il n’effectue aucun geste, laissant son Infant prendre possession de la chambre d’hôtel même si la patience n’est pas son amie. Puis, les regards se percutent, les dunes retrouvent la nuit mais s’enfuient bien trop vite. Il a hâte, il veut serrer son corps dans ses bras, il se languit de ses lèvres, il veut s’enivrer de son parfum, laisser courir ses doigts dans sa chevelure, mais il reste là, impassible, aussi statique qu’une statue.

L’Infant bouge, après avoir parlé, brisant le ronron de la climatisation. Il se meut lentement d’abord puis explore, n’osant approcher, il doit d’abord s’approprier l’environnement. Comme un chien découvrant une nouvelle demeure, il furète, touche, s’imprègne et hume. Il l’a déjà vu faire, il sait qu’il doit attendre qu’il parle en premier sinon il ne l’écoutera pas. Le multi-centenaire abaisse ses paupières, cherchant entre les produits de nettoyage et la cire recouvrant les boiseries, ce parfum qui lui a tant manqué. Privé de la vue, il écoute ses pas feutrés, étouffés par l’épaisse moquette. Il devine, il suit la trace de l’Infant puis le contact vient, enfin. Il soupire d’aise, il soupire de frustration, il soupire d’avoir enfin retrouvé son Autre. Salâh Ad-Dîn s’anime enfin, sa main venant recouvrir celle tant attendue, rendant la rencontre vraie. Il s’accroche mais ne le retient pas, il souhaiterait ce moment éternel, qu’aucune parole ne vienne le troubler mais déjà, Yago recule, s’éloigne et parle.

Ses questions sont légitimes, mais le Sire n’a pas envie de se lancer dans de longues explications, il veut profiter de leur retrouvaille, dans une quiétude pour l’heure, interdite. Yago s’en va, il s’éloigne alors qu’il souhaiterait qu’il vienne se nicher au creux de son bras. Il s’échoue dans ce fauteuil, au dossier rigide, bien trop loin de lui. Tout son être crie, supplie le contact mais il se refuse ce plaisir égoïste car l’Infant veut savoir. Il a lui-même un régiment d’interrogation, la nuit sera bien trop courte pour avoir toutes les réponses.

Alors il se lève, souplement, esquive l’assise du Jeune et referme la porte-fenêtre donnant sur le balcon, les coupant du monde extérieur. Il prend garde à rester dans l’ombre du rideau, ne souhaitant pas montrer son visage à un possible observateur posté sur les toits ou dans la rue. Sa présence doit rester secrète, les enjeux sont trop importants.

A son tour, il erre dans la chambre, s’amusant à camoufler ses pas à l’aide de ses dons, rendant Yago sourd, lui interdisant de localiser sa position. Ses doigts effleurent la nuque de l’Autre, contact léger, ressemblant à la caresse d’une plume. La pulpe poursuit son chemin trouvant un sentier jusqu’à la mâchoire qu’il dessine jusqu’aux lèvres où elle repose brièvement avant de finir sa course sur la joue.

Le Sire se retire et se noie dans les profondeurs de la pièce, concurrençant les ombres, s’en faisant des amies momentanées pour les abandonner après quelques secondes. A l’aide de gestes précis, il déboutonne le gilet qui rejoint la veste sur le dossier du canapé où il prend place de manière distinguée. Les manches sont roulées et remontées sur ses avant-bras puis, ses coudes se posent sur ses genoux alors que l’encre du désert s’invite dans les dunes de Jérusalem.

- Combien de fois m’as-tu fui, Yago ? Combien de fois t’ai-je cherché à travers le monde ?

Le silence retombe, impérieux, lourd et dérangeant. Il se tait, laissant les questions s’imprégner dans la conscience de l’Infant. Il ne cherche pas à le faire culpabiliser même si ses paroles sont cruelles. Le temps des reproches est dépassé même si la sonorité en donne l'illusion. Il a souffert à chaque fois que l'Infant disparaissait, la douleur était insupportable, l'incitant à le retrouver. Mais sa tête se secoue de manière négative. Son départ précipité n’avait pas pour but de faire ressentir le manque, la peur et l’abandon à celui à qui, il a offert l'Eternité.

- Mon départ a été provoqué intentionnellement par une tierce personne, cela est un fait au vu des évènements qui ont suivis. Il ne m’a pas été donné l’occasion de t’avertir. Des attentats ont été perpétrés à Baku, Skrebic a été assassiné, des émeutes menaçaient de mettre la ville à feu et à sang. Tout a été minutieusement programmé pour que mon départ se fasse au plus vite. Tu as été éloigné de moi, tout aussi intentionnellement, nous avons été manipulés, toi, moi et bien d’autres. J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé de ton côté, à Shreveport, tout ce que tu sais. Pourquoi as-tu quitté le Motel ? Qui était encore là-bas ? Qui t'as conseillé de partir rendre visite à ton... ami ? D’ailleurs, il me serait fort agréable, dans quelques temps, de rencontrer ce fameux sorciers dont tu me parles si souvent. Car, si je ne m’abuse, tu étais chez lui lorsque mon avion s’est envolé ? N’est-ce pas ?

Il se lève, passe une main dans sa chevelure alors que l’autre s’enfonce dans la poche de son pantalon. Quelques pas sont effectués distraitement mais qui le mène devant l’Infant. Il s’accroupit devant lui et pose ses paumes sur les cuisses de son Autre.

- Mais je ne t’en veux pas. Sa voix est chaude, calme, rassurante et terriblement sincère. J’ai eu tellement peur, véritablement terrorisé à l’idée de te perdre, définitivement. Il cherche les doigts de Yago, les trouve et les entremêle des siens. Je ne sais pas ce qui serait advenu, ce que j'aurai fait, je ne peux perdurer si tu venais à disparaître.

Le contact visuel se brise alors qu’il abaisse une nouvelle fois ses paupières, ravalant la frayeur qui l’étreint à la pensée de connaître la fin de son Infant. Avec ferveur, il embrasse les phalanges serrées dans ses mains.

- Plus jamais je ne te laisserai, je te le promets. Salâh relève son visage et retrouve les sables de celui qu’il a créé. Rends-moi cette promesse.

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Dim 11 Juil - 20:28 (#)


Until the end of time.

Attentif aux réactions de Salâh ad-Dîn, il s'efforce d'anticiper toute imprévisibilité de sa part. Il sait que la moindre parole, le moindre geste – ou absence de geste – peut être une étincelle suffisante pour alimenter le brasier d'une colère sempiternelle. Curieusement, la proximité de la porte-fenêtre le rassure, éternel fuyard, bercé par cette possibilité de battre en retraite si la situation venait à tourner en sa défaveur. Mais c'était sans compter sur la paranoïa de son Sire, dont le manège fait lever les yeux au ciel à l'Infant susceptible, qui ne manque pas d'exprimer ses pensées à haute voix.
« Je n'ai pas été suivi, tu sais. »
Il s'en vexerait presque, dérangé par l'idée que son Créateur puisse douter de sa discrétion. Même si Ashkan lui avait expliqué la nécessité des précautions dont son Sire usait, de tels excès de prudence dépassaient l'entendement de l'Israélite. Et les raisons qui conduisaient Salâh ad-Dîn à agir de la sorte n'allaient sûrement pas lui plaire.
Les sens aux aguets, il ne tourne pourtant pas le visage pour suivre les déambulations spectrales. En l'absence de sons, étouffés par un énième caprice, il se concentre sur le parfum ambré qui se répand autour de lui et l'encercle, sursaute lorsque les phalanges le frôlent et gravent dans la chair son appartenance. Plusieurs dizaines d'années auparavant, il aurait rentré la tête entre ses épaules, par crainte d'une tempête, de la transformation d'un geste possessif en une bourrasque inattendue. Mais il n'est plus ce néonate farouche, même si sa vigilance demeure. Et ses prunelles ne vacillent pas lorsque, enfin, la silhouette du Perse réapparaît dans son champ de vision.

La défiance vrille ses orbes ambrés, lorsque sonnent les remontrances justifiées, et la réplique lui griffe les lèvres mais il se garde bien de répondre, désireux de ne pas s'aventurer sur ce terrain scabreux où il a peu de chance d'être couronné victorieux. Alors il patiente, à l'écoute d'une tirade dont il peine à démêler la vérité de la paranoïa. Les attentats se multiplient depuis des décennies, dans cette partie du monde sinistrée par des conflits qui parfois les dépassent, berceau de leur éternité. Le visage impassible, il s'imprègne calmement des informations délivrées par son Sire, et arque légèrement un sourcil sous les accusations qu'il devine déjà.
« Es-tu certain de ce que tu avances ? »
Il mesure l'étendue du mépris et de la haine qu'Aliénor voue à Salâh ad-Dîn, mais il a du mal à imaginer sa figure maternelle manigancer à ce point.
« Je pense qu'elle a surtout attendu que tu t'absentes, ce qui arrive régulièrement. »
La prise de ses phalanges contre l'accoudoir se raffermit un peu plus, et il hésite un instant à poursuivre, mais il sait qu'il doit faire preuve d'honnêteté, et se montrer transparent avec Salâh ad-Dîn. Lui dissimuler des informations aggraverait la situation déjà critique.
« Personne ne m'a conseillé de partir. Je suis allé chez mon ami de mon plein gré. »
Il plisse légèrement le nez, mal à l'aise avec l'idée de se confier pleinement à lui, mais il n'a pas le choix.
« Et, en général, lorsque je lui rends visite… j'en informe Aliénor. »
Ses iris se voilent légèrement, d'une peine tangible, surtout pour celui qui le connaît depuis près d'un siècle. La fatalité l'écrase mais il se démène, abat toutes ses cartes pour tenter de retarder voire d'éviter l'éclatement.
« Elle a simplement attendu, Salâh ad-Dîn. Elle a attendu le bon moment, le soir où ceux qu'elle voulait épargner seraient absents : Serguey, toi, moi. Concernant les autres… Ashkan t'a probablement déjà dressé la liste de ceux qu'il avait vus tomber. J'ai réussi à reprendre contact avec quelques vampires qui avaient fui, de mon côté. Seulement une poignée »

Il sait qu'Ashkan et lui n'ont pas à rougir des preuves de leur loyauté envers le Maître, mais il ne peut s'empêcher de regretter son manque de lucidité, à l'aube de la Révolte, et ce même si les paroles doucereuses de son Sire l'enrobent de chaleur. Avec confiance, il glisse ses mains dans celles de son Autre ; ses pouces roulent contre les paumes de glace, impriment des mouvements circulaires sur la chair fine. Suspendu à ses lèvres, il baisse les yeux vers lui, transpercé par sa sincérité. L'une de ses dextres s'échappe pour oser frôler sa barbe, du dos de ses phalanges. Il prend le temps d'assimiler cette promesse, d'en étudier la portée, et les conséquences d'une réciprocité. C'est tout bas qu'il murmure à son tour, alors qu'il se penche vers lui, pour placer son visage au niveau du sien. D'égal à égal.
« Je te le promets. »
Un instant infini, durant lesquels les regards se mélangent, les êtres se fondent l'un dans l'autre, promesse d'un lendemain éternellement renouvelé. Tendrement, ses doigts caressent la mâchoire retrouvée, sa tempe, les ondulations de sa chevelure.
Jusqu'à ce qu'il ne se redresse pour reculer, lentement, et retrouver le fond de l'assise.
« A condition que tu ne commettes rien d'insensé. »
Prostré contre la banquette, toute possibilité de retraite définitivement annihilée, il le défie du regard, conscient des extrêmes de son Sire. Il sait jusqu'où la colère pourrait mener cet homme, s'il se décidait à l'écouter. Et à en croire la lueur démente et vengeresse de ses pupilles, il devine que la fin justifiera les moyens.

Alors, il décide d'accepter sa part de responsabilité, de s'ériger entre les deux principales figures de son Éternité pour espérer, naïvement, éviter un affrontement létal.  
« Je suis navré. Je sais que j'ai échoué. Je sentais qu'un soulèvement se produirait… et je n'ai pas su l'en empêcher. J'ai accusé Dillon. Je ne pensais pas qu'Aliénor… »
Les mots se meurent, il craint que la répétition du prénom rebelle n'invoque la colère de son Sire. Prudemment, il écarte son visage et détourne le regard, car il sait qu'oser prononcer ces mots le mènerait au-delà de la limite tangible. La mâchoire serrée, ses yeux s'obstinent à fixer un point invisible quelque part au-dessus du lit, tandis qu'il tâche de ne pas vaciller. Pour éviter le désastre, il se doit d'être solide. Et audacieux.
« Ne la tue pas, s'il te plaît. »
Ses lèvres remuent à peine lorsqu'il ose quémander l'impensable. La tête droite, il lui expose un profil fier, malgré ce regard déviant.
« Je sais qu'elle t'a provoqué. Qu'elle a tué certains de tes hommes. Je reconnais qu'elle a honteusement profité de ton absence, de notre absence, pour engendrer le soulèvement. Mais la rébellion ne s'est pas constituée en une nuit. Certains t'avaient probablement déjà tourné le dos avant. Alors oublie-la. Laissons-lui le motel – tu ne l'as jamais aimé, de toute façon. Et bâtissons autre chose. Toi et moi. »
Péniblement, il pivote et baisse les yeux pour le regarder, observer sa réaction, espérer avoir endormi ses pulsions vengeresses. Car il se sait incapable de supporter l'affrontement titanesque. Trop jeune, trop friable, trop attaché à chacune des nations qui revendique le titre et espère régner en solitaire.
« Ne perdez pas votre temps dans cette guerre éternelle… »
Ne me faites pas perdre le mien dans des conflits insolubles.
D'un geste lent mais déterminé, il lui tend les doigts, espérant saisir les siens, et insiste dans un murmure, dans cette promesse tacite mais solennelle qu'ils pourraient tout reconstruire, autrement, rien que tous les deux, sans s'abrutir et s'enliser dans de sempiternels conflits, qui s'achèveraient immanquablement sur la destruction de l'un d'entre eux.
« Oublie-la… »

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Mar 7 Sep - 15:11 (#)

A huis clos



La promesse de Yago fait écho à la sienne, rendant le quatre centenaires heureux et paisible. Mais cela ne dure que le temps de quelques caresses, douces et qu’il espère sincères. Il veut y croire, ne laisse aucune chance au doute de s’immiscer dans ses pensées. L’instant en suspension éclate comme une bulle de savon, l’Autre recule, par peur, par défi, en prévenance d’un éventuel orage et dispense une condition. Un soupire futile, mais profond empli la pièce, un souffle faible, rappelant la brise qui remue inlassablement les sables de son désert natal. L’exhalaison circule, indécise, effleure les rideaux puis, trouve la tête du Jeune et s’infiltre dans sa tignasse. L’illusion est parfaite mais prémonitrice, elle avertit, elle signale les humeurs du Maître.

- Les conditions n’ont pas leurs places dans notre discussion. Es-tu venu jusqu’ici pour me parler d’elle ? Souhaites-tu réellement que nos retrouvailles prennent cette direction ?

Le Perse secoue la tête, dénigre les doigts tendus, écœuré. Il se lève et repart à l’assaut des ombres même si elles sont amies avec l’Infant, il sait s’en parer, se rendant invisible aux yeux de son invité, il se mue dans son silence et écoute la litanie de celui qu’il a créé.

Naïf, tellement naïf, aveuglé par des sentiments qui n’existent plus. La nuit où Yago a embrassé la mort, Aliénor s’en est servi pour le nuire. Mais l’Infant ne peut le voir, ne le veut surtout pas, réfutant pourtant l’évidence. Il est son point faible, il est son sang, ce qu’il a de plus cher, son éternité serait donnée pour sauver celle de Yago. Mais le caractère et les sentiments abîmés du Jeune ne sont pas à même de comprendre, d’accepter et de ressentir ce que Salâh éprouve pour lui, pas maintenant.

Les paroles avivent le zéphyr qui charrie des particules fines de sable, attaquant l’épiderme du visage de celui qui argumente, certes prudemment, pour cette mégère qui lui a fait tout perdre. Comment peut-il oublier l’affront, les meurtres et la séparation. Qui est-elle pour se proclamer à la tête du Chaos alors qu’elle n’est qu’une débutante ? Elle lui a même volé le nom de son clan alors qu’il officie depuis plusieurs siècles. Il est Maître en Orient, elle n’est rien, ni ici, ni là-bas alors que lui possède un empire. Elle n’a même pas suffisamment d’imagination pour se trouver son propre emblème. Lamentable. La colère monte, des tornades se forment n’ayant qu’une seule cible : le visiteur prostré dans son fauteuil. Salâh le regarde, l’onyx de ses pupilles, froid et distant, dardé sur l’Infant malmené. L’illusion le berne presque, le sable érode les joues, le front, le menton de Yago, faisant perler de fines gouttelettes carmines. Pourquoi leurs retrouvailles doivent-elles baigner dans le sang ?

Sortant de la pénombre, il lève le bras, mettant un terme à la duperie. Un jour, lointain ou pas, le Jeune comprendra, verra et acceptera la véritable nature perfide de la mégère. Le temps doit faire son œuvre, lui doit se taire et il le sait. Plus il parlera, plus il dénigrera celle qu’il souhaite voir exsangue, ses cendres emportées par les quatre vents, plus il l’érigera en martyr.

- Je voulais ce moment paisible, te retrouver, t’aimer et parler d’avenir. Mais tu en as décidé autrement. Alors très bien parlons, laisse-moi t’exposer les faits puis nous clorons ce sujet pour la soirée.

D’un pas autoritaire, il traverse la pièce, retrouve le canapé et reprend une posture naturellement souveraine en croisant les jambes et joignant ses doigts. D’une voix atone, il s’exprime, débitant calmement son récit.

- Tout d’abord, sache que je connais Aliénor, mes sentiments à son égard, avant ses crimes, n’étaient ni bons, ni mauvais, mais libre à toi de penser ce que bon te semble. N’oublie jamais que je la connais d’avant ta création. Tu minimises ses actes, as-tu déjà oublié qu’elle a tué tous les sorciers, hormis Ashkan qui a traversé l’enfer et qui, en portera à jamais de lourds stigmates, ceux qui partageaient nos idéaux, ceux qui nous faisaient confiances ? Alors ne dit pas « certains », je te prie. Quant à nos frères de la nuit, quelques-uns ont succombé également, d’autres ont fui pour préserver leur éternité, ce qui me paraît légitime. Et ceux qui ont fait volte-face étaient déjà sous surveillance, mais visiblement, et là, je te donne raison, pas suffisamment. Je ne les pensais pas tant en désaccord avec mes principes pour se retourner contre moi. Je vais, dorénavant, me montrer plus incisif et ne plus relâcher ma vigilance, à aucun moment.

Le silence s’abat après ses derniers mots. Son regard s’échoue dans un lointain, bercé par l’infime ronron de la climatisation. Il revoit Baku, la ruelle sablonneuse nimbée du sang de Skrebic. Les différents clans de sorciers s’échauffent, ils accusent les vampires qui eux, pointent le doigt, sur les hommes-bêtes.

- Baku a failli brûler, des rumeurs ont circulé, un meurtre important a été commis. Il a fallu traquer les polémistes et les faire parler. L’assassina de Skrebic était gratuit, un prétexte, un coup monté. Je te laisse deviner qui a orchestré tout cela… Tout a été savamment étudié. Eloigner l’amant a été aisé, un prétexte, une mission et le tour était joué. Quant à toi, tes habitudes sont connues de tous. Le monde ne baigne pas dans le noir ou le blanc, mon Yago, mais dans un gris incertain dont on varie les nuances. Je sais que c’est elle, de source indéniable, qui m’a fait appeler à Baku. Pourquoi m’avoir éloigné et épargné ? Cela reste encore un mystère. La peur de l’affrontement direct, très certainement, la couardise étant son meilleur atout.

Il hausse les épaules, tôt ou tard, il aura les réponses et il compte bien que cela vienne de la bouche de l’investigatrice, elle-même. Détachant son regard de son passé, il tourne la tête lentement, apercevant un colibri se poser sur l’épaule du jeune vampire.

- Dans ces conditions, tu peux aisément comprendre que je ne peux oublier. Cela prendra du temps, mais qu’importe, nous le possédons. Son crime, ses meurtres ne peuvent être balayés de la mémoire. Ceux qui ont péri pour moi, pour nous, n’ont pas le droit d’être oubliés.

Tel un faucon piquant sur sa proie, les iris de geai de l’aîné fondent sur l’Infant et s’accrochent aux terres arides de l’israélite. Il le détaille, admirant son visage fin qu’il aime tant. Il tend la main, invitant muettement Yago à venir le rejoindre, à prendre place à ses côtés.

- Et maintenant, si nous nous tournions vers l’avenir ? Ou as-tu d’autres questions ?


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Sam 11 Sep - 16:02 (#)


Until the end of time.

Le refus des phalanges tendues annonce la tempête à venir. Et même s'il connaît son Sire mieux que quiconque, il demeure sans cesse surpris par l'imprévisibilité de certaines de ses réactions. Le dégoût qui vrille alors ses prunelles sombres ne lui échappe pas, avant qu'il ne s'éloigne pour se réfugier dans les ombres, pour se dérober à la traque visuelle de celui qui le réclame, malgré les heurts. Mal à l'aise, les sens désagréablement amputés de toute perception, il baisse le visage par réflexe lorsque les rafales redoublent, lorsque la brise cesse de le caresser pour murmurer l'avertissement évident. S'il continue sur cette voie, s'il ose affirmer l'inacceptable, alors il se retrouvera au cœur de la tourmente, prisonnier de l’œil du cyclone, dont son Aîné ne le libérerait pas, pas avant qu'il ait compris la leçon. Les grains de sable le percutent avec violence, lui arrachent des grimaces d'une douleur qu'il sait factice mais qu'il ne cessera jamais de craindre. Pour sa psyché érodée, illusion et réalité n'étaient souvent que de vagues synonymes, deux entités qui se mêlaient depuis des décennies, et dont il ne parvenait que difficilement à distinguer les contours. Les chimères avaient depuis longtemps remplacé les certitudes, bousculé les convictions et ébranlé le socle du réel. Depuis près d'un siècle, l'Infant avait l'habitude de naviguer dans la brume, sans repère, avec pour seul phare la présence parfois aussi rassurante qu'effrayante de son Sire. Trop longtemps, il n'avait eu que lui auquel s'accrocher. Et malgré les fuites, malgré les déchirements et les disputes, il ne l'avait jamais renié. Il ne pouvait s'arracher à cette figure de proue de son existence, à Celui qui l'avait façonné de ses mains, à ce qu'il avait peut-être espéré à son image. Et malgré l'horreur qui découlait parfois de leurs heurts, l'Infant se surprenait encore à aspirer à son éternel credo : ne jamais décevoir le Créateur.

Machinalement, sa main amputée se porte à sa joue pour la débarrasser du liquide carmin, croyant barbouiller sa peau de tout ce sang récurrent dans leurs affrontements. La menace de la colère qui rugissait tout autour de lui était bien réelle. Les tourbillons sablonneux et les grains qui éraflaient sa chair n'en étaient que les expressions tangibles, annonciatrices du chaos à venir s'il s'obstinait à lui tenir tête. Et après trois mois d'absence, après le renversement du motel et la culpabilité qui en avait découlé, l'Israélite n'avait nullement le cœur à provoquer une énième dispute.
L'apparition de la silhouette de son Aîné parmi les ombres ne constitue que l'ersatz d'un soulagement. Si les épaules du plus jeune retombent à la disparition des bourrasques et de la colère de sable, la raideur ne déloge pas pour autant de sa silhouette. Il demeure tendu, sur le qui-vive, ses billes fixées sur Salâh ad-Dîn qu'il observe traverser la pièce pour reprendre sa posture initiale. Prudemment, il détourne légèrement les yeux, afin d'évaluer les dégâts environnants. La pièce est évidemment intacte, et ne ressemble nullement à un désert en proie au soulèvement des éléments. Mais l'Infant passe tout de même quelques secondes à inspecter les murs et le sol, tout comme l'état du mobilier, comme s'il pouvait subsister un risque que cette chambre constitue la véritable illusion, tandis qu'eux se tiendraient en réalité entre deux dunes, quelque part dans l'Empire d'Orient.

Ce sentiment de malaise et d'étrangeté ne le quitte pas lorsqu'il l'écoute à son tour, avec la même attention et la même ferveur avec lesquelles il avait écouté Aliénor argumenter elle aussi, le lendemain de la nuit sanglante. Face au poids des paroles de son Sire, face au prisme de vérité qu'il lui offre, il sait qu'il ne pourra pas lutter. Les événements relatés ne le surprennent nullement, trouvent même grâce dans sa conscience et contribuent à assembler les pièces manquantes du puzzle. Malgré l'adoration qu'il porte à sa figure maternelle, il ne serait pas surpris qu'elle ait éloigné le Maître avec si peu de scrupules. Après tout, elle l'avait affirmé, tout comme son Sire lui-même le pensait : il comprenait encore trop peu de choses aux mouvements politiques et à leurs bassesses, comme à leurs desseins. Même s'il fournissait de temps à autre l'effort de s'y intéresser un tant soit peu, ce monde demeurait obscur à sa conscience encore trop juvénile. Et pour ce vaste échiquier, il n'éprouvait qu'une curiosité limitée, préférant observer de loin les coups de stratège que d'y participer lui-même.

La prunelle attentive, l'oreille tournée vers celui qu'il glorifie trop au goût de la Reine Rouge, il se contente de l'observer en silence lorsque les paroles se meurent, d'assimiler les affirmations qu'il n'oserait guère remettre en cause. Car il ne doute nullement des propos de son Sire ; le berceau de ses craintes se situe plutôt dans l'anticipation de ce qui pourrait découler des évènements relatés. Il connaît la rancune du Perse, tout comme les affres extrêmes auxquels il est capable de céder.
Légèrement, un sourcil se hausse en l'entendant achever sa sentence à la mémoire des alliés disparus.
« Je ne te savais pas si sentimental. »
Habitué aux manigances politiques de son Sire, il savait que son affection était rarement sincère, même s'il éprouvait un réel attachement pour quelques rares figures de son existence. Toutefois, il ne souhaitait nullement raviver la colère qui dormait à nouveau, mais clapotait toujours entre eux, éternelle menace d'un équilibre illusoire.

Alors il se lève et s'approche prudemment, bien qu'intimidé par l'insistance des iris qui le dévorent, pour obéir à la main tendue. Il soutient son regard, tout comme cette dextre qu'il recueille entre les siennes. Il ne s'assied pas immédiatement à l'emplacement désigné. Sans rompre le contact visuel, il se baisse et pose un genou à terre, face à lui, et porte les doigts multicentenaires à ses lèvres pour les baiser avec dévotion. Puis, animé par cette volonté évidente de le rejoindre et de siéger à ses côtés, il se redresse, sans relâcher ses phalanges, et s'installe alors à son tour sur la banquette, le buste tourné vers son Sire.
« Je n'ai pas d'autre question. »
Il enfouit la vengeance de Salâh ad-Dîn dans un recoin de sa mémoire, conscient qu'il serait fou et insensé de poursuivre son plaidoyer maintenant. Plus tard, lorsqu'il serait dans de meilleures dispositions, peut-être parviendrait-il à argumenter davantage pour sauver la tête mise à prix d'Aliénor. Pour l'heure, il aspirait lui-même à la fusion des retrouvailles, à la proximité des corps et à l'entièreté de la nuit consacrée uniquement à eux deux.
« Tu m'as manqué. »
Un murmure, tandis que ses pupilles se détachent du visage du Perse pour étudier plus attentivement son accoutrement, admiratif de l'élégance de sa mise. Lui-même n'avait opté que pour une tenue de voyage plus confortable, aux teintes beige et ocre en hommage à leurs origines.

Avec ferveur, ses doigts curieux s'élèvent jusqu'au visage de son Autre, dont ils caressent lentement le derme hâlé. Les phalanges redessinent les traits qu'il connaît pourtant par cœur, prennent le temps de redécouvrir la forme des pommettes, l'angle de la mâchoire, la barbe dans laquelle il s'amuse à fourrager pour en désordonner l'aspect impeccable. Puis la main s'égare contre la gorge, glisse jusqu'aux premiers boutons de sa chemise avec lesquels elle joue sans les ouvrir, se posant finalement à plat contre un pectoral tandis que son regard retrouve le sien.
« Rentre avec moi. »
Il le connaît suffisamment pour savoir qu'il s'entêtera à se draper de paranoïa et à se tenir à distance de la ville où la trahison a éclaté. Mais il tente tout de même de l'amadouer, la voix douce, presque suave, lorsqu'il réclame sa présence.
« Quoi que tu aies en tête pour l'avenir, accompagne-moi. Je sais que tu as probablement déjà tout planifié. Mais je veux jouer un rôle dans ce futur. Et je voudrais que tu sois là-bas avec moi. »
Il détourne le visage, son regard s'accroche un court instant à cet épais rideau qui les sépare du monde extérieur. Un soupir lourd et factice s'arrache de sa poitrine, à la pensée que son Sire refusera probablement de quitter prématurément sa tour d'ivoire. Il aurait aimé chasser à ses côtés, parcourir la ville en sa compagnie, s'approprier pour une nuit un nouveau territoire éphémère.

Sa main frôle la petite montre dorée qui dépasse de sa poche, l'air pensif. Comme s'il anticipait déjà l'idée d'un potentiel refus.
« Combien de temps avant que tu ne me rejoignes ? »
D'un geste attentionné, il soupèse l'objet, comme si cela l'aidait à demeurer ancré à la réalité. A compter les heures, les jours, peut-être même les semaines d'une nouvelle privation.
« Qu'attends-tu de moi ? »
Sans brusquerie, il délaisse la montre pour s'asseoir un peu plus contre l'assise du sofa, repliant les jambes sous lui, les mains posées contre ses cuisses. De ses prunelles curieuses et lucides, il décortique le faciès de son Sire, désireux de se racheter auprès de celui qui ne lui avait pourtant adressé nul reproche. Mais la simple idée que son Créateur puisse verbaliser la moindre déception à son égard ravage ce qu'il lui reste d'humanité. Il le veut fier, il le veut triomphant, et il veut que ce soit en partie grâce à lui.
Pour ne jamais être abandonné, et remplacé par un autre.

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Jeu 2 Déc - 18:26 (#)

A huis clos




Le Jeune est attentif, écoute, se repaisse des paroles qui s’écoulent, décrivant le désastre perpétré par la mégère, les sentiments ressentis par le pluri-centenaire. Il est rare qu’il s’ouvre ainsi, qu’il voue louange aux disparus. Cela n’échappe pas à l’Autre qui le connaît, qui accompagne son quotidien. Malgré les séparations, les disputes, les heurts et les coups, ils ne forment qu’un. Leurs connaissances est sacrée, même si elle n’est encore totale. Salâh Ad Dîn reste mystérieux sur son passé, distillant avec parcimonie les frasques vécues, les partageant uniquement à la demande. De lui-même, il n’aime les évoquer.

- Et pourtant, Yago, ceux dont les cendres volent dans l’air tiède de la Louisiane nous ont suivi et nous n’avons pas su les protéger. Ce n’est pas du sentimentalisme, c’est un devoir, un échange de confiance.

La gestuelle du Jeune est décortiquée ; cette révérence est étrange mais appréciée au centuple. Les doigts ont trouvé leur berceau au sein de la paume. La dévotion dont fait preuve le Jeune n’est en rien malsaine. La trotteuse de la montre semble s’arrêter, comme le reste du monde, lorsqu’enfin, le lien se forme, se reforme. Les âmes se retrouvent, se réapproprient, se mêlent et s’unissent. L’univers pourrait s’effriter, partir à la dérive, rien ne pourrait interrompre cet instant tant espéré et désiré. L’Amour inconditionnel devient réalité, sous l’entité de Yago qui, maintenant se tient à ses côtés.

L’Ancêtre détaille le visage de son Autre, admire son grain, s’enivre de son parfum. Le bonheur éprouvé à cet instant est incommensurable alors que ses doigts se sont libérés afin de partir à l’assaut de nouvelles sensations. Avec hardiesse, il se tourne vers l’Infant et s’empare de ses hanches fines, le soulève et le place sur ses propres cuisses.

- J’ai eu tellement peur pour Toi.

Du revers de ses doigts, il caresse les joues du Jeune, ses orbes d’onyx ancrés dans ses jumelles. Ses articulations s’ouvrent, déposant délicatement ses paumes sur le visage afin de l’encadrer. Il l’attire à lui, leurs nez et leurs fronts se touchent. Lentement les paupières s’abaissent et les épaules s’élèvent, tandis que les bras se referment sur le corps frêle de l’Infant. L’union est parfaite, jamais Salâh, ne s’est senti plus vivant qu’à cet instant. Ses lèvres effleurent celles de son Autre, un baiser unique, chaste, est échangé.

- Reste ici avec moi.

Le timbre est à peine audible, mais la teneur des mots est forte. Il retrouve la vue, toujours subjugué par Yago. Une bulle invisible se forme autour d’eux, les enfermant dans leur monde, où aucun son ne peut venir les perturber. Ils sont isolés, seuls mais ensembles. Le silence absolu est réconfortant pour l’Ancien. Ni les vieux wagons du tram qui grincent sur les rails, ni les éclats de voix des fêtards tardifs, ni même le ronron discret de la ventilation ne peuvent les atteindre.

- Je n’envisage l’avenir qu’avec toi. Quelque soit les actes qui guideront nos pas, je te veux à mes côtés. Ton futur sera le mien et je serai le tien. Lors de mes prochains déplacements, que cela soit ici, dans des contrées plus exotiques ou dans notre Orient, je souhaite que tu les partages avec moi.

Il resserre son étreinte, une main glissant sur ses reins, le rapprochant de lui, tandis que l’autre, langoureuse, joue avec les boucles de sa chevelure. Puis, lassée de cette frivolité, se repose sur sa nuque, caressant les épines dorsales. Il a envie de l’aimer, de retrouvailles plus charnelles.

Toutefois, l’Immortel ressent une réticence, une hésitation, scrute le regard de l’Autre, demande muettement. Une question, aux mots anodins, aux maux douloureux, tombe, illuminant l’horizon du Perse. Il hoche du chef, sourit et fini par secouer la tête, suspectant une certaine culpabilité submerger le Cadet. Doucement, il déloge sa main de la nuque, pour placer quelques doigts sous son menton épineux, lui interdisant de soustraire à son regard. Les grains du sablier géant du temps ruissèlent lentement, nimbé de silence qu’il finit par rompre.

- Yago, j’ai façonné un futur que j’espère commun et tu es l’avenir, mon avenir. Jamais il ne faut oublier le passé mais cessons de nous laisser submerger par lui. Allons de l’avant. Les erreurs maculant nos souvenirs, s’appellent des expériences. Elles doivent nous servir, pour ne pas les réitérer. Nous en faisons tous, que ce soit le Sage ou la personne la plus prévoyante qui soit.

Son étreinte se raffermit, attirant le Jeune contre lui. Les joues se touchent, il hume cet effluve, apprise par cœur et qu’il chérit particulièrement. Ses lèvres, enfin, rencontrent la peau satinée du cou de l’Infant qu’il baise d’attouchements fugaces et légers. Il attend le consentement, il n’a jamais pris de force auprès de son Autre.

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Lun 24 Jan - 14:17 (#)


Until the end of time.

L'attente.
La menace d'un énième reproche, déguisé ou non. L'imminence d'un recadrage, l'anticipation de nouvelles règles qui édicteraient son avenir et l'enfermeraient dans une prison dorée. Si Salâh ad-Dîn ne semblait pas particulièrement courroucé de l'échec de son Infant, il n'en demeurait pas moins stratège quant à la construction d'un futur imminent. L'Israélite savait qu'il leur faudrait rebâtir un empire sur des ruines, qu'il avait un rôle à jouer, peut-être pour prouver que l'erreur ne serait pas réitérée, même si les mots n'étaient pas prononcés. Sous les regards tendres et les caresses, il savait que le monstrueux conquérant ne dormait jamais totalement. Et si les attentions tactiles endormaient quelque peu sa vigilance, il ne baissait lui-même jamais totalement sa garde – sauf peut-être lorsqu'ils s'éprenaient pleinement l'un de l'autre, lorsque les corps s'enchevêtraient et les âmes se mêlaient. Oui, dans ces moments-là, il oubliait le danger pourtant toujours latent, lorsque les cuisses s'ouvraient et acceptaient d'être conquises par Lui, dans une forme d'abdication qui demeurait encore aujourd'hui sa faiblesse. Après tout ce temps, toutes ces années, il s'étonnait lui-même de s'éroder encore si facilement au contact de ces mains multicentenaires. Chaque caresse recelait la promesse de la suivante, et même dans la retenue, il comprenait que ces phalanges le connaissaient par cœur, et pouvaient tout aussi bien le détruire que le toucher bien plus intimement qu'un amant de passage.

La requête, tout comme l'esquisse d'un avenir similaire, manque de peu d'être noyée parmi les attentions habilement disséminées par petites touches, mais de plus en plus enveloppantes. Juché par-dessus lui, il écoute le silence les avaler, frotte sa mâchoire contre celle de son Autre, creuse les reins sous les gestes de plus en plus possessifs. C'est la main impérieuse glissée sous son menton qui le raccroche à la réalité et à la menace tangible. Avec Lui, il sait que tout n'est toujours qu'une question de temps. Lui qui veille à soigneusement orchestrer la partition de leur futur, proche ou repoussé au-delà des temporalités des mortels, avait visiblement décidé que l'amour interviendrait avant les heurts, ce soir. Un schéma qu'il reconnaissait, rôdé par des décennies d'expérience.

Reste ici avec moi.

Blotti contre son parfum ambré, la gorge offerte aux premiers baisers – annonciateurs d'une étreinte bien plus fusionnelle – il s'immobilise contre cette idée irréelle, anesthésié par cette promesse de ne plus jamais se séparer. Besoin primitif de se fondre en lui. Orgueil piétiné et identité morcelée. Il le serre à son tour, baise ses lèvres avec ferveur, exige qu'Il lui rende cet amour au centuple, pour étouffer tout le reste. Mais il le sait, l'amour ne dure qu'un temps. L'amour enferme et brise les singularités. Si tant est que deux êtres aussi abjects qu'eux soient capables d'éprouver un tel sentiment l'un envers l'autre.

Ton futur sera le mien et je serai le tien.

Une sentence qu'il entendait depuis sa mort charnelle, trop souvent éludée par ses fuites incessantes. Peut-être parce qu'il avait toujours craint ce piétinement de liberté que de telles promesses induisaient. Lui qui était paradoxalement devenu si sauvage, depuis qu'il avait été arraché à sa Jérusalem natale. Lui qui errait désormais de par le monde, sans jamais pouvoir retourner au berceau originel. Une douleur béante qui ne guérirait jamais. Une déchirure que son Sire n'avait jamais accepté.
Peut-être était-ce également ce qui le raccrochait à une infime parcelle d'humanité, cette part de lui foncièrement enfantine et authentique qu'Eoghan appréciait tant, qu'Aliénor regrettait encore.

« Si je restais ici avec toi… mon absence serait remarquée, là-bas. »
Une première remarque, l'introduction d'une dissonance. Légère. Suffisante à ce qu'il se soustraie, à peine, aux baisers de velours dont il raffole pourtant. Ses mains demeurent contre les épaules de Salâh ad-Dîn lorsqu'il baisse les yeux vers lui, tiraillé entre l'inquiétude et le désir.
« Et puis, tu refuserais de sortir. Combien de temps nous cacherions-nous ? Tu ne peux pas te terrer éternellement ici. Et moi, je ne veux pas être enfermé. Même avec toi. »
Surtout pas avec toi.
Toi et moi, nous ne nous supportons qu'avec le monde entier pour terrain de jeu.

« Je ne vivrai pas entre quatre murs. Même temporairement. »
Il le défie d'un regard déterminé, en contraste avec la caresse qu'il appose entre ses pectoraux ; ses phalanges glissent jusqu'à l'abdomen de glace qu'elles frôlent, descendent sous la ceinture d'Apollon pour inscrire des promesses intimes contre le manque. Un dernier baiser est déposé contre la mâchoire du Perse, puis les doigts refluent et emportent avec eux les caresses lubriques qu'il avait vaguement commencé à lui dispenser. L'instant suivant, il s'est levé et s'est échappé.

Sitôt arraché à Lui, la frustration enfle sous son derme, et la culpabilité le ronge de s'être soustrait prématurément aux prémisses d'une étreinte ardemment souhaitée. Mais il refuse de céder si aisément aux aspirations de son Sire, de s'enliser dans cet alcôve illusoire, aussi luxueux soit-il. Il a besoin d'espace, de liberté. Aussi, un énième caprice le pousse à explorer de nouveau la zone tant évitée par son Sire, et d'un geste provocant, d'ouvrir tout grand les rideaux qui les dissimulaient jusqu'alors d'éventuels regards trop curieux. Sans attendre le sermon ou la protestation, il déverrouille la baie vitrée et s'échappe sur le balcon, chevauche souplement la balustrade avant de se retourner vers Salâh ad-Dîn, resté dans l'ombre de la suite.
« Si tu m'accompagnes chasser, je resterai… peut-être. Et seulement quelques nuits. »
Une illusion souffle comme le khamsin dans le désert, contre la peau délaissée du Sire. Un toucher évanescent, là, sous la chemise, quelque part contre son cœur à l'arrêt. Entre ses bras se loge un corps invisible et factice, exacte reproduction de celui que le Perse avait désiré dès la première nuit. Terreau d'argile, façonné de ses mains ; la silhouette indétectable se cambre sous les paumes puissantes, s'offre dans un soupir, irradie le vampire de son parfum musqué, abreuve ses lèvres du goût des baisers pour le moment refusés. Puis, aussi soudainement qu'il n'avait pris vie contre le corps multicentenaire, l'amant spectral s'évapore, ne laissant à l'Ancien que l'arrière-goût amer de l'étreinte morte-née, trop vite interrompue.

Là, dehors, perché comme un chat par-dessus le vide, l'Infant l'attend.
A toi, seulement si nous chassons ensemble.

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Sam 19 Fév - 19:25 (#)

A huis clos



Les caresses succèdent aux baisers, prometteuses d’un avenir langoureux. Jamais il n’en aura assez de toucher cette peau satinée, de laisser courir ses doigts fins sur les formes longilignes de ses bras, de ses jambes, d’embrasser cette bouche qu’il affectionne tant puis se perdre dans des jeux plus intimes. Le parfum de l’Infant est divin, il s’y noie, s’en repaisse, s’en induit pour ne jamais la perdre. Il le désire, aimerait déjà le sentir autour de lui, entièrement. Instinctivement, une bulle de silence s’érige autour d’eux, les baignant dans un étrange silence, fait de soupires lascifs.

Une fissure écaille la surface du dôme. Des paroles effritent l’envie, l’amenuisant, induisant un froncement de sourcils. Ne peuvent-ils pas simplement faire l’amour avant de relancer les conditions ? Un soupire, non plus frivole mais d’une tout autre nature traverse leur univers et éclate silencieusement la sphère. L’abnégation d’une caresse, le mouvement de recul, aussi insignifiant du partenaire, sont des signes évidents d’un non consentement. Placide, ses mains retombent, abandonnant les délices de la chair.

Sont-ce les paroles ou le refus qui alimentent le filet qui risque de grossir pour migrer en un torrent de colère ? Il ne pourrait le dire à ce moment précis. Mais l’agacement point, crispant ses muscles. Une rancune mauvaise s’éveille, il retient les colonnes de vents sablonneux, prémisses de ses colères.

L’égoïsme régit le dérobement, la peur aussi peut-être. Il penche la tête sur le côté, son faciès inexpressif posé sur celui de Yago. La fuite est à nouveau évoquée alors qu’ils viennent de se retrouver. L’amour qu’il porte à l’Autre serait-il à sens unique ? L’idée lui effleure l’esprit, ce n’est pas la première fois qu’il y pense.

- Qui a parlé de rester enfermé ?

Suppositions construites sur un manque de discussion et d’informations, résultant sur des malentendus. C’est banal et habituel. Un attouchement non abouti circule sur son corps, l’émouvant. Il en aimerait plus, mais il sait déjà que l’heure n’est pas aux échanges de ce genre. Il souhaiterait saisir le poignet de l’Infant, stoppant net les intentions, d’avance, avortées. Mais il ne cille pas, se murant dans l’immobilisme. Même l’ouverture des rideaux ne provoque aucun mouvement.

Incessants caprices, encore, toujours, accompagnés de moult conditions. Comment Yago aurait-il survécu s’il avait dû subir la même entrée dans l’immortalité que lui ? Connaît-il seulement la chance qu’il a eue de tomber sur lui, sur une personne aimante ? La folie se serait certainement éprise de son esprit. Il aurait fini par embrasser l’aurore. Il en est presque sûr.

Le défi danse dans les prunelles de sable, dans lesquelles il aime tant se perdre, le faisant sourire. Le petit a du cran mais il n’y a rien en jeu. S’il ne veut rester, qu’il parte. Il ne le retiendra pas, aussi difficile que cela pourrait lui paraître. La frustration fait place à la déception. Yago préfère les caresses du vent à sa présence, dommage, car il peut lui offrir autant de bourrasques qu'il le souhaiterait.

Une caresse chimérique, douce et parfaitement exécutée, s’imprime, lui arrachant un hoquet de plénitude. En réponse, un ordre claque dans la tête de l’Infant.

CESSE !

Souplement, il quitte le moelleux de son assise, prend la peine de récupérer son veston sur le dossier du canapé et tourne les talons, rejoignant la chambre à coucher. D’une voix, exempte de tout ressenti, il s’adresse à la créature perchée sur la rambarde. Il n’hausse pas le ton, il sait qu’Il l’entendra.

- Ainsi soit-il. Sortons. Laisse-moi le temps de me changer.

Sans hâte, il quitte sa tenue, prend le temps de l’accrocher sur un cintre et enfile un pantalon ample et un simple pull aux couleurs de la nuit. Ses cheveux sont tirés en arrière et rassemblés en un chignon serré. Ainsi apprêté, il rejoint silencieusement sa création sur le balcon où il marque un temps d’arrêt.

- Sache que je cède à cet énième caprice, encore, car le plaisir de chasser en ta compagnie est présent. Puis, si l’envie te vient, tu pourras rester les deux prochaines nuits mais tu partiras ensuite. Je ne voudrai pas te priver de ta liberté. Néanmoins, j’aurai une mission à te confier, si évidemment cela ne contrevient pas avec ton emploi du temps.

Le timbre est toujours neutre et flirt avec le chuchotement, ne voulant déranger la quiétude de la nuit. Avec habilité, il rejoint l’Infant sur la balustrade et imprime une illusion à son visage, brouillant ses traits. Avant même qu'une remarque ne vienne alimenter son humeur, déjà tempêtueuse, il s'empresse d'ajouter :

- Oui, je suis prudent, peut-être trop pour toi. Mais les enjeux sont énormes, j’agis pour notre liberté, la tienne, comme la mienne. Un jour, peut-être, comprendras-tu.

Malgré les paroles acides, un clin d’œil complice est offert à Yago avant qu’il s’élance, atterrissant sans bruit sur le toit de l’immeuble en contre-bas. Il saute, roule, court, s’appropriant l’espace. Il est moins agile à cet exercice que l’Infant, il le sait et ne se retourne pas, sentant l’Autre non loin de lui.

Le Quartier Français est atteint rapidement. Les ombres se raréfient avec les multiples lampadaires bordant Bourbon Street. Il n’est pas tard et la rue piétonne est largement occupée par les badauds. Les odeurs des spécialités culinaires, aux épices cajuns, si particulières, emplissent les narines. La musique s’échappe des bars et agresserait presque l’ouïe fine des vampires. Les humains fêtent la fin de semaine. Ils viennent s’abreuver, s’enivrer, leur donnant un goût particulier qui ne déplaît pas à Salâh.

Il s’arrête sur le rebord du toit, à la limite d’un halo artificiel. Accroupit, il observe un groupe de touristes sortir d’une boutique de souvenirs. Ils sont bruyants mais passent inaperçu dans ce brouhaha d’humain. Plus loin, deux filles sont assises sur le rebord du trottoir, l’une fume une cigarette, l’autre tient un gobelet en plastique, contenant très certainement un cocktail acheté dans un bar. Elles semblent heureuses et jacassent comme des pies. Locaux et touristes se croisent, s’amusent, palabrent, mais personne ne voit les prédateurs juchés à la lisière de leur monde.

Dès que Yago est à ses côtés, il prend la parole.

- Tu vois quelque chose d’intéressant ? Ou préfères-tu aller dans un endroit plus discret ?


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Lun 21 Mar - 18:10 (#)


Until the end of time.

Il savait qu'il était allé trop loin.
A la manière dont l'ordre mental avait claqué, cinglant, et résonné dans son esprit. A la froideur qui s'était emparé des traits du Sire qui le toisait de loin, demeuré dans l'ombre de la chambre. A son immobilisme, à ce qu'il se figurait déjà comme un refus de le suivre, une énième déchirure avant même de s'être retrouvés. A ce qu'il avait lui-même provoqué, Infant détestablement trop ambitieux, trop changeant, ou peut-être seulement trop impatient de retrouver le flanc idolâtré lors d'une chasse orchestrée rien que pour eux deux.
Penaud, il baisse légèrement le front, perché sur le rebord de la balustrade. L'appel du vide démange ses entrailles. Il n'aurait peut-être pas dû venir. Ses doutes verbalisés auprès d'Ashkan avant son départ trouvaient enfin leur fondement : le Créateur éprouvait une déception grandissante à son égard. Il ne ferait plus long feu. Le mettrait-il à mort sans douleur ? Le remplacerait-il immédiatement, ou profiterait-il de sa solitude retrouvée pendant quelques temps, avant d'infanter à nouveau ? Regretterait-il sa première tentative de descendance ?

Ses pensées le tourmentent lorsque la voix grave l'arrache à ses divagations. Le corps, déjà prêt à anticiper les remontrances, peine à se dépêtrer de la tension accumulée dans les muscles bandés. L’œil perplexe suit les mouvements de son Aîné à travers la pièce, l'observe se dévêtir pour adopter une tenue plus confortable. Alors, il avait accepté ?
Lorsque le Perse le rejoint, il s'est débarrassé de ses inquiétudes et l'accueille avec enthousiasme, et une caresse sincèrement reconnaissante vient frôler l'épaule robuste de l'Oriental.
« Merci. »
Le murmure est un écho au timbre discret de son interlocuteur, et ne froisse qu'à peine l'atmosphère autour d'eux. S'il désapprouve les précautions démesurées de son Autre, il se garde toutefois de le lui faire remarquer. Tous deux savent qu'ils n'évoluent pas toujours dans la même réalité, et le Sire n'avait que trop conscience des lacunes de son Infant, lorsqu'il s'agissait de comprendre certains enjeux fondamentaux.

Suspendu à ses paroles et soulagé du revirement de situation, il en oublie presque son désir initial, énième caprice esquissé précédemment. C'est lorsque l'Immortel s'arrache à sa posture statique et accepte de quitter la protection de son cocon que le plus jeune comprend : Il avait cédé. Pour lui. Pour le plaisir de chasser en ta compagnie. Ainsi, il n'avait peut-être pas été si insensible à la proposition qu'il ne pourrait le laisser croire par orgueil.
Qu'importe, il avait finalement obtenu ce qu'il désirait.

Retrouver les hauteurs et se jouer de l'architecture urbaine le galvanise de plaisir. Malgré sa méconnaissance du terrain, il jubile d'arpenter les toitures, de défier la gravité et de dénicher les meilleures prises pour se déplacer avec agilité par-dessus les habitations. En contrebas, la masse humaine grouille de sons et d'odeurs qui guident le parcours des deux noctambules, invisibles chasseurs drapés du manteau de la nuit. La soirée tiède accueille bon nombre de mortels, insouciants de la menace qui plane, quelque part au-dessus d'eux. Revitalisé par les activités humaines qui s'articulent sous lui, il perd quelques précieuses minutes à contempler la foule, à étudier les teintes et les odeurs de son nouvel environnement. Eoghan lui avait parlé de cet endroit, de cette ville aux mille couleurs, et il était tiraillé entre son envie d'explorer la cité de fond en comble lors de son séjour actuel, ou bien de l'attendre pour arpenter la ville en sa compagnie. Pour l'heure, le manque de Salâh ad-Dîn occupait une place trop importante pour qu'il ne désire s'adonner à une visite plus poussée de la Nouvelle-Orléans, ce qui repoussait le dilemme auquel il se confronterait à nouveau bien vite, probablement le lendemain.

Gargouille pétrifiée, seules ses prunelles se promènent contre les silhouettes en contrebas, les marquent d'un sceau indéfectible. Tapi dans l'ombre, flanc contre flanc avec son Sire, il guette, comme un oiseau de proie. Les diverses possibilités sont analysées et étudiées avec le sang-froid de l'assassin, sans que même le vent ne paraisse troubler leur stature. Ils sont inhumains, ainsi perchés sur le toit du monde, à comparer et à décider de la mise à mort d'un individu, par nécessité de prolonger leur maudite existence. Un acte auquel ils éprouveraient un plaisir indicible. Avec les années, il s'était habitué à tuer sans état d'âme, généralement peu ému d'arracher la vie à une innocente créature. Ainsi était l'ordre des choses, les plus faibles nourrissaient les plus forts, les malchanceux tombaient entre les mains des plus stratèges. Salâh ad-Dîn lui avait appris à ne pas s'empêtrer de sentiments trop humains. La chasse était une activité primitive, instinctive ; elle n'accueillait nul regret ou compassion.
Et il avait, depuis longtemps, passé l'âge de la culpabilité.

Un mouvement infime l'arrache à son immobilisme : légèrement, il se penche vers le vide, l'équilibre parfaitement assuré par ses dextres recourbées en serres contre le rebord. Le corps enroulé sur lui-même se balance à peine, se pétrifie de nouveau lorsqu'il verrouille la cible désignée ce soir. L'une de celles que son Sire avait remarquée le premier, assise sur un banc, passablement ivre. Fallait-il se débarrasser de son acolyte, ou se contenteraient-ils de les attirer toutes deux dans une impasse adjacente ?
« Celle-là. »
La brise susurre à l'oreille de l'Aîné, tandis que l'Israélite s'approche prudemment de sa proie, jusqu'à se suspendre dangereusement à l'extrémité de la toiture sur laquelle ils avaient temporairement élu refuge.
« Si tu arrives à t'emparer d'elle, et seulement d'elle, je resterai quatre nuits avec toi. Et je ne bouderai pas la mission que tu souhaites me confier, quelle qu'elle soit. »
Dos à lui, son buste pivote lentement pour lui adresser une dernière promesse sulfureuse, lorsqu'une illusoire lueur de fièvre danse dans ses iris sablonneux.
« Et je ne ferai plus de caprice. Juste toi et moi. Comme tu l'avais imaginé. »
Le souvenir des cuisses conquises et des reins offerts se dessine sur la rétine du Perse.
Il le désirait autant que lui, mais parfois, il aimait dispenser un peu de frustration au creux du ventre du Sire. Il savait que les fusions n'en étaient que plus intenses. Et l'excitation de la chasse constituait également d'excellents préliminaires à des retrouvailles corporelles.

Patiemment, il assure sa prise sur le socle situé à peine plus bas que le sommet du toit, afin d'élargir son champ de vision immédiat. Il ne veut rien perdre des mouvements de la jeune fille qu'il convoite, désireux de connaître lui aussi l'ivresse passagère à travers elle. Un mensonge, pour ceux condamnés à errer sur la Terre, privés de ses plaisirs immédiats. Mais s'abreuver à la gorge de la jouvencelle lui offrirait un répit provisoire, un ersatz de sensation divine et d'explosion des saveurs. Il s'en pourlèche d'ores et déjà les babines et, impatient, il se concentre pour dessiner le leurre qui, il l'espère, arrachera l'ingénue à sa discussion anodine et l'appâtera jusqu'à l'impasse mal éclairée que les Immortels surplombaient.

« Abby… »
Le prénom de la mortelle, glané au détour d'un échange entre les deux amies et porté par le vent jusqu'à l'oreille du prédateur, souffle comme une brise légère. Susurré avec précaution, il étourdit l'esprit embrumé par l'alcool.
« … Aaaabbyyyy… »
La répétition déclenche une première réaction chez la mortelle, qui détourne alors la tête vers la provenance présumée du son, les sourcils froncés. Son interlocutrice poursuit ce qui s'apparente désormais à un monologue, elle semble n'avoir rien remarqué.
« Abby, tu sais qui je suis, n'est-ce pas ? »
La voix n'est ni chaleureuse, ni antipathique. Elle se contente d'employer cette douceur, qui lui confère une familiarité rassurante. Un écho se creuse dans l'esprit de la mortelle, la vigilance amoindrie par l'absorption d'éthanol. Elle pose son gobelet entre deux lattes du banc et se redresse, attirée par l'appel invisible.
« Je sais ce que tu veux, Abby. Je l'ai toujours su… ce soir, je peux enfin te l'offrir. »
Au coin de la ruelle, là où la voix attire l'inconsciente vers les derniers instants de son existence, elle aperçoit une ombre se mouvoir. De petite taille, la silhouette féminine évanescente s'appuie contre le mur, puis glisse dans les ombres de l'impasse pour disparaître du champ de vision de l'humaine. Sœur ? Amante ? Fantasme ? Qui sait ce que l'esprit désespéré imagine, en lieu et place de l'illusion odieusement créée ?
Les yeux enfoncés dans le brouillard de la nuit, la tête étourdie par la promesse de l'ombre, Abby délaisse sa camarade et marche jusqu'à son trépas, à quelques mètres sous les Immortels.
Tue-la.

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Sam 2 Avr - 20:06 (#)

A huis clos



Le promontoire offre une vue exceptionnelle sur cette fourmilière grouillante. Il scrute, écoute, hume. Le choix qui s’offre à eux est multiple pourtant Salâh ne trouve pas, pas ici, pas maintenant. Emprisonné dans ses réflexions, il entend à peine la voix de son Autre désigner la victime. Déjà, il a quitté l’abri sécuritaire de l’ombre et glisse mieux que cette dernière vers la jeune femme. Emmuré dans les ténèbres, le perse secoue imperceptiblement la tête. Et les paroles qu’il lui a offertes gravitent dans sa conscience.

Alors il s’élance, quitte les tuiles de terre cuite, leur imprimant un petit claquement. Un passant lève la tête, mais il est trop tard, l’observateur n’est plus là. Il suit Yago, d’en haut. Scrute ses actions, qui sont excellentes, il ne peut le nier, mais il ne doit pas. La fille a quitté son amie qui la regarde s’éloigner en fronçant les sourcils. Elle va la suivre, c’est certain et l’Infant sera surpris.

- Aby reviens ! C’est pas prudent, tu le sais.

A son tour, elle se lève, l’alcool brouille sa marche mais la peur évince partiellement les brumes. Salâh salive, l’adrénaline vient se mêler à son essence, la rendant plus appétissante encore. Aby s’enfonce dans le labyrinthe de Yago, marcheuse inconsciente, pantin articulé par la psyché de son Infant. L’Oriental a faim et ce simulacre palpitant que lui offre son partenaire, est jouissif. Assouvir ses besoins, pour survivre, pour perdurer, et s’il se laissait tout simplement tenter ?

L’ordre impétueux et abrupte de l’israélien sonne le glas, il vibre, il veut la mort, la violence. Il veut voir les corps au sol, exsangue, il veut sentir la vitalité de la jeunesse et le brouillard de l’alcool envahir son propre être. Il en frissonne, presque, tant la tension habite ses muscles.

Sa main, forte et impérieuse, s’abat sur l’avant-bras de Yago. NON !

La double frustration le hante mais il ne peut pas se le permettre. Pas maintenant. Les caprices de l’Infant devront attendre. Les illusions et les emprises se dissipent, permettant aux jeunes filles de s’extirper de l’impasse, accompagnée de leur incompréhension de leurs agissements. Elles en oublient leur boisson sur le banc et se soutiennent mutuellement, leur piaillement muet. Il reviendra bien assez vite, lorsqu’elles échangeront leur vérité.

Les lèvres serrés, les mâchoires crispées, Salâh Ad-Dîn se tourne vers le Jeune en secouant la tête. Ses doigts sont toujours ancrés sur le membre, maltraitant les chairs trépassées. Il lui doit des explications. Erigeant une sphère autour d’eux, les enfermant dans un carquois silencieux, il lâche prise et abaisse la tête. Pas de rédemption, pas d’excuses.

- Ces demoiselles sont jeunes, viennent très certainement d’une classe sociale moyenne, si elles disparaissent, elles seront recherchées. Je ne peux me le permettre actuellement.

Nichés dans l’ombre, il plante son regard sombre dans les sables. Dur et intraitable, ses mots filent. Le ton, même faible, est sans appel.

- Pas de tuerie irréfléchie. Allons chasser dans les quartiers plus modestes. Je t’expliquerai mes projets, une fois retourné à l’hôtel.

Il n’attend pas, brise la bulle de quietus et se lève. Viens. Il n’aurait pas dû céder à cette énième demande de son Infant, bien trop capricieux. Sortir, se confronter à la populace, chasser, ce sont des risques inacceptables actuellement.

Laissant Bourbon Street derrière eux, il prend la direction de Lower Ninth Ward. La faune y est totalement différente des beaux quartiers touristiques. Ici, les peaux sont essentiellement noires ou basanées. L’hispanique est plus usité que l’anglais. Le langage est fleuri de jurons et le timbre est rarement agréable. Les gens ne se déplacent qu’en bande, ils sont armés jusqu’aux dents et se reconnaissent grâce à leur code vestimentaire ou tatouages. La violence est présente à tous les coins de rue. Derrière les murs des maisons délabrées, les mères pleurent leurs enfants mais jamais elles n’appellent les forces de l’ordre. Tout se règle dans la rue.

Ils ont dû abandonner l’ivresse des toits, les maisons sont bien trop espacées pour se déplacer dans les airs. Rares sont les lampadaires qui diffusent un éclairage minable, préservant jalousement les identités des promeneurs nocturnes. Aucune caméra n’est plus en marche, elles ont toutes été démontées pour s’approprier des éléments qui peuvent être revendus.

Tapit au coin d’une ruelle, Salâh aperçoit un groupe de cinq personnes raillant à tout ce qui se passe. Les moqueries vont bon train tant entre eux qu’aux passant. Ils ne fument pas mais s’abreuvent à des bouteilles cachées dans des sacs. Une des aberrations des lois américaines. Le perse ricane à cette pensée et se retourne vers Yago.

L’abstinence imposée par son Infant et sa volonté de ne pas tuer la jeune fille, l’ont rendu de méchante humeur. Ces hommes ne rentreront plus. Sa main se pose délicatement sur l'échine du Jeune. Il rapproche ses lèvres de son oreille, embrasse et mordille le lobe avant de lui murmurer quelques mots.

- Eux… L’heure de la chasse est ouverte. Va mon Yago.

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Mer 13 Avr - 15:32 (#)


Until the end of time.


L'interdiction s'abat sur son avant-bras en un geste impérieux, et manque de peu de le déséquilibrer. Mais la poigne du Sire l'empêche de vaciller et si le corps se rajuste aussitôt autour de son centre de gravité, son esprit s'arrache à l'élaboration du piège mensonger. Dans la ruelle sombre, la voix se meurt et la silhouette s'évapore, ne laissant qu'une désagréable impression de mauvaise hallucination à la jeune fille, dont les paupières battent frénétiquement, comme pour se dépêtrer d'un rêve gluant. Son amie la rejoint et, ensemble, elles quittent leur champ de vision, hébétées par ce qu'elles mettront sur le compte d'une soirée un peu trop arrosée. Le silence conquiert à nouveau leur royaume d'ombre, les enveloppe à l'abri d'éventuelles oreilles trop curieuses. Habitué aux précautions du Perse, il ne réagit ni au dôme invisible qui les protège, ni au visage brouillé dont il s'efforce pourtant de maintenir le regard.
Attentif à ses dires, il finit par hocher la tête avec entendement. Salâh ad-Dîn a raison : il avait manqué de prudence et, dans sa hâte de retrouver son partenaire de chasse, en avait oublié de raisonner intelligemment. Les doigts qui exercent une pression dans sa chair ne le font même pas grimacer : la honte surpasse la douleur, et il finit par baisser les yeux et marmonner quelque excuse, et accepter fatalement de reconnaître son erreur.

Cela ne suffira pas à enrayer les sombres humeurs de son Aîné, et il se sent malgré lui entraîné dans une spirale infernale, dont il avait lui-même initié les premières bourrasques. Tiraillé entre l'excitation de la traque et la crainte d'un retournement de situation en sa défaveur, il suit habilement son Sire d'un quartier à l'autre, cavalcade sur les toits tant que l'environnement urbain le leur permet, puis quitte les hauteurs pour finalement retrouver la dureté du macadam. Moins à l'aise que lorsqu'il se juche sur les corniches, il en redouble de prudence, désireux de ne plus risquer de dissiper la couverture que Salâh bataillait tant à mettre en place. Même s'il ne comprenait pas toujours les excès de prudence imposés par son Sire, il en respectait néanmoins les exigences, tout éclat capricieux désormais endigué dans les limbes de son inconscient.

La volonté de son Aîné les entraîne vers un quartier plus poisseux, vers des ruelles plus crasseuses, sur des trottoirs qu'il ne rechigne pourtant pas à fouler, habitué à l'ambiance de Stoner Hill et à ses mauvaises fréquentations. Le terrain de chasse idéal. Salâh ad-Dîn avait peut-être, malgré sa paranoïa, pris le temps d'explorer suffisamment la ville pour avoir repéré ce vivier grouillant de proies potentielles. Ici, il serait aisé d'arracher une vie sans craindre d'être démasqué : peu s'en soucieraient, et les morts brutales ou disparitions seraient probablement mises sur le compte de règlements de comptes entre gangs rivaux. Dans une époque post-Révélation, où les faits et gestes vampiriques étaient scrutés à la loupe, bénis étaient les prolétaires et les strates les plus pauvres de la population. Lorsque la loi se faisait dans la rue, les Nocturnes n'avaient pas à craindre le couperet de la guillotine. Un terrain de choix pour lui qui, éreinté par le voyage et par l'utilisation de ses pouvoirs, n'aspirait qu'à se nourrir à une gorge viciée.

Comme l'une de celles que lui propose son Sire, sans aucun d'état d'âme. L'Infant n'en éprouve pas davantage de sentiment, délesté de toute empathie depuis bien longtemps. Les inquiétudes des débuts de son existence vampirique avaient laissé place à une froide indifférence, animée par une fatale nécessité. Survivre. Les plus faibles néonates périssaient les premières années. Son humanité avait manqué de peu de jouer en sa défaveur, mais les instincts primitifs avaient toujours pris le dessus dans les moments les plus cruciaux. Les instants où la lucidité fendillait sa psyché malade se faisaient rares, désormais.

L'ordre et la proximité de son Sire lui arrachent un frémissement d'excitation. Il sait que Salâh ad-Dîn cèdera probablement à ses excès habituels, et risque de n'en épargner aucun. Silencieusement, il observe la bande se rapprocher et tente une ultime injonction à l'encontre de son Créateur, sans toutefois y croire. Un seul suffira. Une cause probablement perdue d'avance, mais s'il lui propose cette clémence incongrue, ce n'est que pour mieux se couvrir et redoubler de prudence, suite aux remontrances de son Aîné. La leçon avait été mémorisée et assimilée par le derme encore douloureux, et cette fois, il ne voulait pas le décevoir ou risquer de provoquer un énième désaccord. En cette nuit de retrouvailles, ils avaient encore tant à partager.

Les relents d'alcool bon marché, beaucoup plus marqués que chez les jeunes filles qu'il avait envisagées précédemment, le font froncer le nez malgré lui. Mais la nécessité de s'abreuver, tout comme le désir de sentir une vie volée s'écouler en lui, surpassent le dégoût initial. Soigneusement dissimulée dans l'ombre d'une impasse, sous un lampadaire défectueux, il guette le passage du groupe qui s'esclaffe en injures et dans un argot qu'il peine à comprendre. Ses muscles se bandent et ses articulations se rétractent ; il est prêt à bondir, mais pas sans une ultime précaution qui assureront leur salut. Couvre-moi. Ce n'est que lorsque la bulle de silence l'entoure de nouveau qu'il s'élance à la poursuite de la bande, sans craindre d'éveiller le moindre soupçon. C'est le plus jeune qui subira la convoitise de l'Immortel : sa démarche plus traînante le relègue parfois légèrement à l'arrière du reste du groupe. Son visage sombre, encore juvénile, trahit une sortie prématurée de l'adolescence : probablement mineur, il suit ses compères en roulant des mécaniques, tâchant visiblement d'impressionner ses semblables et de se creuser une place parmi eux.
Il n'en aura plus l'occasion. Jamais.

Les serres fendent l'air et agrippent l'imprudent aux épaules, puis le traînent vigoureusement jusqu'à l'impasse quittée l'instant précédent. De surprise, puis de panique, le jeune homme se débat vigoureusement, insulte et glapit à l'intention de ses compères, sans comprendre pourquoi ces derniers ne rappliquent pas l'aider et paraissent ignorer la scène. Leurs silhouettes s'éloignent puis disparaissent lorsqu'il se retrouve plaqué contre les briques sales d'un mur en mauvais état, et un angle irrégulier s'enfonce entre ses omoplates et lui arrache un grognement furieux. Un couteau à cran d'arrêt est extirpé d'une poche à la va-vite et la lame fend l'air, égratignant la joue de l'Immortel et manquant de peu de lui crever l’œil. Le vampire n'attend pas pour riposter : avec une célérité surhumaine, il s'empare de l'arme d'un geste vif et, sans que le moindre tressaillement ne perturbe son faciès d'une ondée fautive, il lui tranche la gorge d'un mouvement sec et net.

Le sang jaillit de la plaie et l'homme porte les deux mains à sa carotide, dans un cri étranglé de stupeur, lorsqu'il comprend, trop tardivement, que le précieux liquide carmin se déverse déjà entre ses doigts. Le dos contre le mur, il glisse pitoyablement contre la paroi, lorsqu'il tente à nouveau d'alerter les autres. Le sang macule les ombres d'une traînée écarlate, dont la puissance de l'odeur éveille aussitôt l'appétit de l'Infant. Mais malgré la tentation, il s'écarte du corps agonisant et des doigts qui se tendent pour supplier ; sa main jette le couteau à quelques mètres, dans une bouche d'égout. Puis il entreprend de lever une nouvelle illusion : à la lisière de l'impasse où ils se trouvent, se dresse un mur semblable à ceux des habitations alentours, les enfermant dans la ruelle où désormais ni les sons, ni l'image de ce corps qui se vide ne sauraient s'en échapper.
Imperturbable, l'Infant lève des yeux dévoués vers son Sire et renonce à se nourrir le premier, en guise d'offrande à son Créateur.
Toi d'abord. Avant qu'il ne trépasse.

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Dim 17 Avr - 21:24 (#)

A huis clos



Côte à côte, il s’accapare les quelques secondes de répit, le calme avant la tempête, appréciant la proximité de l’Infant. Il a déjà oublié, la poigne de fer imposée au poignet qu’il qualifierait d’insignifiante. Leurs bras se touchent, s’effleurent, contact physique infime, réconfortant. Les mots énoncés n’ont plus leur place dans leur univers, car leurs esprits ne font plus qu’un. Même l’intimité n’apporte pas d’adrénaline qui les envahit à cet instant. Vibrant sous l’attente interminable que Yago s’élance, il abaisse ses paupières s’accaparant l’effet grisant des muscles tendus à l’extrême de son Infant. Il n’a pas besoin de le voir s’élancer, il le vit avec lui. Un impératif résonne, la bulle de Quietus s’érige instantanément autour du Cadet, rendant le crissement de ses pas insonores.

La vétusté de l’environnement est leur allié, leur offrant le couvert des ombres. Il ouvre ses yeux et admire sa Création filer dans la nuit. Son corps est tendu à l’extrême, vibrant de l’appréhension, de l’exaltation, il veut voir le sang couler, entendre les os se briser. Vif comme le vent, le méfait est accompli. Le corps est ramené et après un ultime sursaut d’orgueil animé par un instinct de survie dérisoire, la vie s’échappe, lentement. Salâh salive, tant par l’effluve qui emplit leur cache que par le spectacle auquel il vient d’assister. Jamais il ne se lassera de regarder son Infant. Ce dernier, une estafilade maculant sa joue, se retire, lui faisant l’honneur de la première prise.

Déjà ses crocs l’appellent à la pitance, son gosier réclame la vitae qui roule sur le sol. Néanmoins, il se prend le temps, passe une main sur la hanche de Yago et l’attire contre lui. Son visage se rapproche du sien et d’une langue avide, lèche la blessure. Précurseur du festin à venir. Un sourire malsain se peint sur le visage de l’Aîné qui attrape la victime agonisante par le devant de sa chemise afin de le hisser à leur hauteur. Il n’est plus en mesure de riposter, sa conscience ne tient plus qu’à un fil, les battements s’estompent et se raréfient. La Faucheuse est à l’affût.

Sans remord, sans pensée pour l’âme en perdition, il s’abreuve, violemment, goulument. La mort n’est pas installée, le cœur palpite, trébuche encore et encore. Il n’a plus suffisamment de sang dans ce corps pour irriguer tous les organes, alors il se fatigue. A Toi. Il n’en reste que peu, quelques gorges tout au plus, insuffisant pour apaiser leur soif naissante.

Salâh maintien l’adolescent dont conscience n’y est plus, pour que sa propre progéniture puisse perdurer. Exsangue, la carcasse est abandonnée, il reviendra plus tard, lorsque leurs Bêtes seront en paix. A Ispahan, il aurait laissé les rats et autres charognards s’en charger, ici il faut masquer, tromper et rendre invisible l’évidence.

Les lèvres encore ensanglantées, il passe son bras autour de la taille de Yago et le contraint au positionnement contre le mur, là même où, un instant auparavant, se tenait leur proie. Les quelques maigres centimètres qui existent entre eux sont effacés. Avec ferveur, il presse son corps contre celui du Cadet et l’embrasse d’une passion brutale. Nous n’en avons pas fini. Que la nuit soit rouge !

Le refuge de vieilles briques est quitté hâtivement. Tout en remontant la rue, à la poursuite des survivants, il essuie son menton d’un revers de sa manche. Les habitations sont à présent silencieuses et exemptent de lumière. La plupart des habitants sont dorénavant couchés et aspirent à un repos, plus ou moins, bien mérité. Hors de question de les réveiller, la chasse silencieuse est bien plus amusante.

Rapidement, le groupe est en vue. Leur avancée est lente, ponctuée d’éclat de voix, habillé d’un fleuron de jurons et d’insultes puériles. Ils pensent que le nombre fait leur force, la crédulité sera leur perte. Ils s’enfoncent dans les ténèbres, abandonnant la sécurité de la rue principale, pour se diriger vers un parc en bordure d’un point d’eau. La pleine lune est passée, mais de peu. Les Hommes-Bêtes sont encore sous son influence, excités par la force de l’éclat cristallin des rayons argentés. Il ne serait pas contre un combat bien plus musclé. Lorsqu’il sera à nouveau à Shreveport, il ira au Club de son Ami Nicola. Humant l’air lourd et humide, il ne détecte aucune odeur musquée d’une quelconque urine, délimitant le territoire d’une bête. Presque déçu, il cache son imposante silhouette à l’abri d’un tronc. Toujours à l’abri du silence, il observe les simagrées et attitudes des jeunes. Leurs bêtises fait sourire le caïnite, les traitants de sombres imbéciles, les éliminer sera trop facile. Juché sur une vieille table en bois, les pieds sur les bancs adjacents, destinés habituellement aux pique-niques dominicaux, le nez sur leurs appareils, ils ne se méfient pas, bien trop imbus de leurs capacités, que Salâh juge, inexistantes.

Délaissant sa position, il se met au clair et dévoile délibérément sa présence. Suis-moi. D’un pas assuré, il s’avance sans la moindre hésitation, ayant levé la bulle. Un protagoniste capte le mouvement et lève la tête, raillant déjà sur l’intrusion. Quelques mots blasphématoires sont lancés, n’arrêtant nullement le vampire, suivis de menace quant à l’intrusion dans leur sphère qu’ils se sont momentanément approprié. La table de camping leur appartient, ils sont arrivés les premiers.

Sans un mot, Salâh efface la distance alors que les quatre se sont levés comme un seul homme. Des lames luisent, l’un d’eux a même sorti un nunchaku, faisant sourire l’Immortel, sait-il seulement s’en servir ? Probablement non.

Le silence est perturbé, agaçant le perse qui réitère l’appel de Quietus. Un premier s’avance et crache à terre, juste devant les semelles de l’Oriental qui hoche la tête et élargit son sourire.

- Moi quand je fais cela, je ne rate pas ma cible…

Imitant le jeune impudent, il crache à son tour, visant avec perfection l’épaule découverte de l’homme. Un chapelet de mots infâmes s’enchaînent et tarissent au fil des secondes. Un genou faiblit, suivi de près par le second, ils fléchissent, ne portent plus. Dans un bruit mat, il tombe au sol, le nez dans quelques touffes d’herbe. N’y touche pas Vif et sans laisser le temps aux autres de réagir, il pose ses mains sur le crâne du second, lui brisant instantanément la nuque. Apeurés, les survivants tentent la fuite. Je prends celui de droite. Usant de sa célérité, il ne lui faut que quelques secondes pour traquer sa victime. Tel un félin, il bondit faisant tomber sa proie au sol. Assis sur son dos, il se penche et plante ses crocs dans la chair tendre de son cou. La vitae se déverse par pulsions contre son palais, lui offrant l’ivresse de la plénitude, la vigueur et la force de la vie prise. Il boit, tout, ne laissant rien, puis se redresse.

Attrapant la veste du cadavre, il le traîne en revenant à son point de départ. L’homme au sol geint, de la mousse blanche écume de sa bouche. Peut-être survivra t’il, le poison injecté est infime, mais il est fort probable que Salâh ne se laisse pas le temps pour le vérifier.

- Cette traque fut trop rapide, dommage. Yago en as-tu eu assez ? Occupons-nous des corps et rentrons.


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Jeu 16 Juin - 14:38 (#)


Until the end of time.

Que la nuit soit Rouge.
Un avant-goût de trop peu contre les lèvres de l'amant, tout comme à la gorge du mourant dont il s'abreuve en dernier. Quelques secondes à peine suffisent à laisser le corps exsangue, déjà presque vidé en intégralité par son Sire. Toi d'abord. Toujours. Il ne lui en tient pas rigueur, animé par cette inconscient sens de la hiérarchie, cette fidélité inconditionnelle qu'il lui vouera probablement jusqu'à son trépas. Sommes-nous réellement éternels ? Il espère que non. N'importe quel individu deviendrait fou à cette simple pensée. La finitude est nécessaire pour la psyché, un garde-fou inévitable. Sinon… Suis-je un aliéné ? A n'en point douter, à les voir tous les deux courir telles deux ombres, fendre la nuit, le menton maculé de sang avant d'effacer d'un geste trahissant l'habitude les traces de leur méfait. Deux bandits qui partagent le butin. Deux brigands qui brisent les règles et s'approprient sans vergogne les âmes d'autrui. Que leur restait-il d'humain, à ces deux abominations ?

Il n'a aucune difficulté à se glisser dans l'obscurité pour se dissimuler aux yeux du groupe turbulent, imitant son Sire, les ombres comme amantes. Elles dansent autour de lui et effacent sa discrète silhouette de la réalité. Je n'existe pas. C'est l'Aîné qui s'avance le premier et déclenche les hostilités, suffisamment sûr de lui pour provoquer délibérément les jeunes qui les dépassent en nombre. Une information qui ne l'inquiète nullement, conscient de ses propres capacités comme des talents ravageurs de son Sire. D'éphémères créatures qui vivaient, sans le savoir, leurs derniers instants. Son esprit monstrueux anticipe déjà la manière dont ils recouvriront les corps, une fois la chasse achevée.

La provocation de l'insolent lance l'assaut des deux caïnites.
D'un mouvement unique, comme s'ils n'étaient qu'un seul homme, ils se jettent sur leurs assaillants. Crocs et griffes n'ont pas besoin de luire sous la lune pour intimider leurs adversaires. Déjà, son Sire fauche les silhouettes qui chutent, les unes après les autres. Le cadet s'élance de son côté, ne s'affairant qu'à briser la vie d'un seul homme sans état d'âme : un simple craquement avertit ses compères de la brisure de sa nuque, et la poupée sans vie tombe à ses pieds. Il se penche, s'abreuve mécaniquement : en réalité, il est bien trop happé par le spectacle que lui offre Salâh ad-Dîn pour se concentrer sur sa proie, avec laquelle il ne s'est même pas donné la peine de jouer. Vivre la chasse à ses côtés, puis par procuration, lui fournit une bien plus grande excitation que s'abreuver lui-même. Malgré les protestations initiales puis précautions démesurées de son Sire, il ne regrette nullement d'avoir insisté pour l'attirer dehors et vivre ce moment avec lui. Cette fusion. La vie qui pulse dans leurs veines au rythme de celle qu'ils ont arraché. Boire à travers lui. L'admirer sous son meilleur angle, celui du conquérant qui établit son Empire et abat les dissidents. Un frisson d'excitation le parcourt tandis qu'il abandonne le cadavre sous lui, marionnette désarticulée en de sinistres angles. J'ai envie de toi. La Traque comme préliminaires. La Mort donnée pour mieux se retrouver. Combler le vide qui les avait séparés pendant toutes ces semaines où il avait attendu le retour du Créateur. Tu es là, désormais.

Si les consignes de son Sire n'avaient pas été si fermes, il aurait exigé une union charnelle là, immédiatement. Tant pis pour les risques. Tant pis pour le lieu inadapté. Ils n'avaient pas besoin du confort de la civilisation pour se fondre l'un dans l'autre. Ils étaient plus que cela. Mais il se borne à ne formuler aucun caprice supplémentaire et se contente de tirer le cadavre pour l'amener près des autres. La tête penchée sur le côté, il observe l'homme agonisant cracher la mousse du poison qui coule désormais dans ses veines. Vais-je une nuit périr ainsi ? Ce venin qu'il craint malgré la protection assurée de son Sire, toxine létale qu'il a tant de fois vue à l’œuvre. Emplissons-les de pierres et jetons-les dans le lac. L'eau effacerait les traces, et la masse des corps les emprisonnerait par le fond. On les retrouvera probablement un jour, mais d'ici là, les deux Noctambules seront loin. A jamais liés dans les ténèbres.

Ensemble, ils s'affairent à dissimuler les preuves, fourrent les corps et les vêtements de lourdes pierres dénichées ça et là, puis traînent les innocents vers l'étendue aqueuse. Sans craindre l'élément, l'Israélite brave les flots pour emmener les silhouettes sans vie jusqu'à une certaine profondeur, sans avoir à s'inquiéter de la température de l'eau ou de l'oxygène qui viendrait à lui manquer. Il abhorre toutefois l'humidité, bien plus familier des climats arides et des déserts infinis que de la flore verdoyante des zones humides. Légèrement courroucé de sa piteuse apparence à sa sortie du lac, il s'ébroue comme il le peut, éclabousse l'Aîné de gouttelettes avant de s'approcher pour se lover contre sa silhouette, humer son odeur, s'emplir de cette Mort qu'il a offerte. Son poing se resserre sur le bord du pull qu'il remonte, glisse les doigts contre sa peau revigorée par la Chasse, envieux. Occupons-nous du dernier et rentrons. A contrecœur, il s'écarte de lui pour ne pas céder à la tentation, craignant d'être rabroué s'ils ne retrouvent pas bien vite la sécurité de la chambre d'hôtel.

Détaché de lui, il rebrousse chemin le premier, comme pour lui prouver sa hâte de retrouver leur nid provisoire, de s'y fondre avec lui sans songer au lendemain. La Chasse l'avait stimulé, mais elle avait également apaisé ses remous. Désormais repu et satisfait, il ne désirait plus que s'adonner à lui, tout entier. Jusqu'à l'aube ce que l'aube n'interrompe leur fusion.

Que la nuit soit rouge et inoubliable.

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