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Résurgences | ft Ian

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Anonymous
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Mer 11 Nov - 19:10 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

Shreveport | The Haven | Laboratoire Exxa BioPharma
Niveau +2 - Bureau de Jake Hamilton
Vendredi 17 juillet 2020 - 18h58


Il aura suffit d’un seul mot pour ouvrir une brèche. Un mot, un acronyme plus exactement, lâché par inadvertance lors d’une soirée particulièrement arrosée, par un confrère bien trop imbibé. C’était au Washington Hilton, sur Connecticut Avenue, juste après une séance plénière au sénat. Si mes souvenirs sont bons, il s’agissait d’un gala de charité pour aider les enfants émigrés pauvres. Au milieu des dorures et des grands-crus, nous discutions de misère humaine, avec l’espoir d’expier nos fautes en servant la bonne cause. Acheter son ticket pour le paradis. Ce soir-là, j’avais pour objectif de convaincre Ron Bailey, sénateur républicain de l’Ohio, de voter en faveur du projet de loi pour le puçage obligatoire des thérianthropes, qui devait être soumis aux votes dans les prochaines semaines. Hermétique à toute forme d’argumentation, l’homme rougeaud s'astreignait à déblatérer quelques séries d’inepties comme seuls en sont capables les ivrognes. Pourquoi boit-il? Ce n’est pas dans l’alcool qu’il comblera son charisme déclinant, ni même sa calvitie. Tout en sifflant les coupes de champagne qui passaient à sa portée et en s’emplissant la panse de petits fours trop gras, il tentait désespérément d’illustrer ses idées fumeuses par des gestes simiesques, alors que mon regard, lui, peinait à quitter les deux miettes échouées sur sa vilaine chemise. Contre toute attente, ses propos affligeants et archaïques, qui en d’autres temps l’auraient condamné à l’excommunication, ont ouvert une étonnante piste vers le Saint Graal. “Au lieu de leur envoyer des bombes, aux bougnoules, moi j’leur balancerais les monstres expérimentaux du WFC. Et PAAAAF! Ca fait des chocapic. Son rire idiot raisonne encore après cette référence enfantine grotesque, totalement indigne d’un sénateur. Heureusement pour lui, le ridicule ne tue pas... mais moi si. En plus de la bêtise alcoolisée, ce fumier entretient la scission dans notre propre camp, pour une simple question de couleur de peau. Il n’a fait qu’éveiller mon mépris et mes pires pulsions meurtrières. Au dehors, une guerre terrible se prépare, les cadavres assoiffés de sang et les bêtes dégénérées sont à nos portes. J’entends déjà leurs grattements sinistres dans la pénombre. Mais voilà qu’il lance une fusée éclairante dans la nuit. Et si ce mystérieux WFC était enfin le signe que j’attendais? Mon regard a quitté les deux miettes pour venir sonder ses prunelles sombres, y pénétrer en profondeur. J’aurais pu aller jusqu’à violer son âme visqueuse, s’il avait fallu. C’est là que j’ai su. La lueur dans ses yeux a changé brutalement. Il s’est crispé. Il a bredouillé. Il a transpiré. Oui, derrière ces mots en apparence anodins et stupides, il venait de livrer une information confidentielle.

Quand je veux quelque chose, je suis pire que les petits roquets hargneux, qui, malgré les trois misérables chicots pourris qu’il leur reste dans la gueule, ne lâchent rien et te refilent la gale en prime. J’aime à croire que je l’ai eu à l’usure, mais c’est probablement le graissage de patte en règle qui a délié sa langue grossière. Une fois passées les vapeurs alcoolisées qui embrumaient son esprit, et après m’avoir fait promettre que je tairais ma source, il a fini par m’expliquer à demi-mots que le WFC faisait des expérimentations secrètes sur les humains et quelques CESS. Et ce, pendant plus de dix ans. Que tout s’est terminé dans un bain de sang, après l’accident du 17-18 juillet 2018. Accident dont il ne livrera malheureusement aucun détail. Il prétend ne rien savoir de plus, n’ayant jamais été directement lié à ce projet. Il prétend également avoir obtenu ces informations d’un certain Chris Matheson, aujourd’hui décédé. Mais bien sûr. J’ai l’intime conviction qu’il ment. Comment avoir confiance en un type qui porte des chemises bariolées à la mode de 1993? Toutefois, pour avoir la paix, il m’a laissé un os à rogner : une liste de noms des personnels ayant travaillé au WFC. Liste de quatre pages, écrite à la main, raturée, torturée comme si le sort s’acharnait encore sur ces pauvres hères voués à l’oubli ou à la destruction.

J’ai mis quatre détectives privés sur le coup : trois ont été lâchés aux quatre coins du pays, à la recherche des rescapés, le dernier s’est concentré sur le duo Bailey/Matheson. Deux mois de travail acharné, pour finalement obtenir des résultats surprenants, mais peu encourageants. La plupart des ex-salariés du WFC listés ont été déclarés “morts pour la science” ou disparus, dans les trois mois qui ont suivi le drame. L’hécatombe s’est poursuivie sur 2019-2020, plus discrète et plus insidieuse, par une série de suicides et d’accidents de la route. Je ne veux pas croire à une simple coïncidence, liée à un mal-être de rescapés lourdement traumatisés. Non, il y a une réelle volonté d’effacer les preuves, comme je le ferais moi-même si mon laboratoire secret venait à imploser. Ou alors peut-être qu’une redoutable créature surnaturelle animée de pulsions vengeresses a décidé de tous les pourchasser, pour baiser leur cadavre. Au final, sur les quatre-vingt noms décryptés, nous n’avons réussi à mettre la main que sur trois personnes, deux médecins et un infirmier, soit un ratio inférieur à quatre pourcent. Je dois justement rencontrer l’un d’eux, si toutefois il a daigné faire le déplacement. Une "invitation" lui a été transmise la semaine dernière.




Docteur Calloway,

Vos travaux concernant la biologie moléculaire et le génie génétique, ainsi que votre investissement particulier en matière de santé publique, ont retenu toute notre attention.

A ce titre, vous êtes éligible à l’obtention d’une bourse annuelle pour le financement de vos travaux de recherche liés à l’évolution et la mutation des génomes de type “WBG1-5”, et leurs traitements expérimentaux associés.

Nous avons le plaisir de vous convier à une entrevue afin d’échanger sur ces sujets novateurs, et discuter des modalités d’obtention de cette bourse :

Le Vendredi 17 juillet 2020 - 19h00
Laboratoire Exxa BioPharma
5118 Hilry Huckaby III Avenue, Shreveport, LA 71107

A l’issue, nous aurons l’immense honneur de vous remettre un chèque de 2000$, pour votre aide précieuse et votre contribution active à la recherche et au développement de thérapies innovantes sur profils dits “atypiques”.

Nous comptons sur votre présence,

Avec toute notre considération,

Jake Hamilton,
Directeur Général Exxa BioPharma Louisiane




Le docteur Ian Calloway a reçu ce courrier chez lui, dans cette bulle de protection qu’il s’est construite après son départ précipité de Baltimore. Cet endroit rassurant qu’il partage avec sa nièce, la jolie Nova. Si mes suppositions se vérifient, l’homme doit vivre dans l’appréhension constante de se faire rattraper par ce passé trouble. Ce passé qui suinte de douleur et de mort. Et c’est moi qui le fait resurgir des méandres du temps. Dans ce courrier, les références au WFC sont multiples, à commencer par le choix de la date. C’en est presque insultant tant c’est flagrant, mais le message se devait d’être fort et compréhensible. Il y a juste deux niveaux de lecture. Le docteur Calloway n’a bien évidemment mené aucun de ces travaux pour lesquels nous le convions et l’ovationnons. Les WBG1-5 (WereBeast Genome 1 à 5, comportant chacune des phases de mutation) ont d’ailleurs été séquencés et annotés par mon propre laboratoire. Le WFC les aura probablement nommés différemment. Je referme la pochette jaune contenant tout son dossier, trop succinct pour être véritablement utile. Deux-trois points d’accroche, rien de plus. Pour être honnête, je mise davantage sur cette rencontre que sur les deux autres. J’y ai vu un signe aussi discret que les néons clignotants fluos des bordels de Bangkok. Le fait qu’il vive dans la même ville que moi et qu’il appartienne à une longue lignée de chasseurs me le rend particulièrement sympathique. Je ne crois pas aux simples coïncidences. C’est le destin qui nous réunit ce soir.

«-Monsieur Hamilton, votre rendez-vous est arrivé.»
«-Bien, faites le monter.»

Je fais le choix d’aller l’accueillir à la sortie de l’ascenseur, plutôt que d’attendre dans mon bureau. Il y verra un signe de considération : rares sont ceux à qui j’accorde cet honneur. Les portes s’ouvrent, avec leur “bip” caractéristique. Il est accompagné par la belle Katy, métisse de vingt-cinq ans, sublime dans son tailleur noir et blanc. Ses lèvres rouges pulpeuses et ses jambes divines continueront longtemps à faire chavirer le coeur des hommes, c’est certain. En tant qu’hôtesse d’accueil, elle se devait d’incarner la perfection, alliée à l’élégance. Mon regard quitte vite la belle pour s’arrêter sur cet homme regorgeant de mystères. Je le jauge brièvement, puis vient le saluer d’une poignée de main assurée. J’affiche un sourire chaleureux, parfaitement réalisé. «-Bienvenue Monsieur Calloway. Vous avez trouvé facilement?» J’en ai sincèrement rien à foutre, en réalité. Simple courtoisie de rigueur. Par contre, je serais curieux de savoir ce qu’il pense de l’endroit. De ce bâtiment blanc à l’architecture résoluement moderne, généreusement vitré, presque trop clinquant dans cette zone majoritairement industrielle, cerné par une entreprise de transport routier et un magasin de meubles bon marché ayant connu des jours meilleurs. Son œil exercé repérera-t-il les infrastructures environnantes? Ces entrepôts dans la parcelle voisine? Bien sûr que non. Pourquoi le ferait-il? Ce laboratoire respire juste la perfection, digne d’une brochure ou d’un magazine. Situé au milieu d’un parc arboré et fleuri, parfaitement entretenu, avec des places de stationnement végétalisées, une fontaine, des haies bien taillées, des allées en pierre blanche, l’endroit est verdoyant et floral, paisible, idyllique. Loin de l’austérité triste et rouillée des vieux bâtiments qui l’avoisinent. La parcelle est seulement délimitée par un grillage qui n’a rien d’infranchissable. Qui pourrait croire que des personnes sont retenues de force ici? Est-ce que le WFC avait la même configuration? «-Désirez-vous un café, ou un thé, avant que nous commencions?»

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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
Ian C. Calloway
ADMIN ۰ Fear is the mind killer
✞ PAINT IT BLACK ✞

Résurgences | ft Ian Cel2Mn1 Résurgences | ft Ian SxWuaE6 Résurgences | ft Ian PCXwL9G

"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

✞LAST MAN STANDING✞

Résurgences | ft Ian EossTie Résurgences | ft Ian ENSBj8G Résurgences | ft Ian DQLsZnr

"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
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✞ I AM A GOD ✞

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"That's our cosa nostra."

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Dim 22 Nov - 23:00 (#)


Sharks don't sleep
Vendredi 17 juillet 2020.
Laboratoire Exxa BioPharma
5118 Hilry Huckaby III Avenue, Shreveport, LA 71107


Une portière de voiture claque et résonne dans le silence d’un soir d’été.
Sur le parking désert, il n’y a que lui. Pour le moment.
Le silence règne, ou presque : la ville ne l’est jamais véritablement, silencieuse.
L’orage arrive. En cette nuit prochaine d’un été qu’il n’a pas vu venir, l’atmosphère est recouverte de nuages sombres et grumeleux, au travers desquelles la clarté lunaire se faufilera à peine. Il entend le tonnerre rouler : la pluie ne tardera pas. Les lourdes averses propres à la Louisiane s’apprêtent à noyer les terres asséchées, à faire gonfler les bras de la rivière et des cours d’eau du bayou. Déjà, dans l’air, on peut respirer une odeur de pluie et d’humidité.

Ian Calloway rajuste machinalement sa montre ainsi que les manches de son blazer impeccable. Une nouvelle fin du monde personnelle s’apprête à lui tomber sur le râble. Il lève les yeux vers le firmament, espérant presque que quelques gouttes viennent saluer son front, bénédiction d’une église à ciel ouvert. Il voudrait voir les nuées se déchirer, espérant voir son Dieu l’arracher, par sa clémence, à la catastrophe qui se profile encore. Il pense aux morts. A tous les morts. Deux ans. Cela fait deux ans maintenant que le cimetière de sa psyché ne cesse de grandir, et le nombre de tombes qui y fleurissent en permanence n'en finit plus de croître. Même les visages les plus doux, les plus aidants, ceux qui viennent l’aider à colorer de nuances plus chaudes les teintes givrées de son existence, ne suffisent pas à lui retirer sa peine, et le poids de responsabilités qui lui cisaillent le ventre et les épaules.

Il attend, donc.
Mais l’eau venue du ciel ne tombe pas.
Le dévot attend encore.
Son destin peut bien patienter encore quelques minutes. Lui a toujours été à l’heure. Pour tout.
Tandis que Shreveport s’apprête à connaître un nouveau week-end de débauche, lui ressent jusqu’au fond des tripes ce sentiment de solitude nouvelle. Il a le sentiment qu’il s’agit de sa dernière occasion de respirer l’air faussement pur du dehors. Près de lui se dressent les locaux eux aussi faussement séduisants d’un laboratoire comme d’autres qu’il n’aurait jamais voulu voir, que son pied n’aurait jamais dû fouler.

Ils l’ont retrouvé.
Deux ans.
Deux ans de fausse cavale, peu dupe concernant les traces qu’il laissait forcément dans son sillage. Il est longtemps resté sage, n’a pas ouvert sa bouche ni joué les leaksmen auprès de médias probablement avides de recueillir les révélations qu’il leur aurait vendu sans mal.
Deux ans, pendant lesquels il s’est débattu comme un beau diable entre les hommes et les monstres, entre les flingues et les crocs.
Comme une envie d’abandonner. De lâcher prise. Comme toujours lorsque le danger menace, Nova est partie deux jours plus tôt passer quelque temps chez ses parents à New York. Et comme toujours, c’est à sa moue contrariée qu’il a dit au revoir, à l’aéroport.
Il ne se demande pas quand, comment ni même s'il reverra sa nièce ou quiconque, d’ailleurs. Un rendez-vous pareil, il ne l’honore que parce qu’il se sent bien trop las pour fuir encore. Et puis fuir où, de toute manière ? Il n’y a plus nulle part où courir. Chassé comme du gibier, lapin de garenne trop reconnaissable, il préfère choisir comment aller à la rencontre de la mort qui se profile. Il voit déjà le mercenaire chargé de lui foutre une balle dans la tête sans préavis. Costard aussi net que sa propre veste sans doute (plus pour longtemps), chaussures rutilantes, à l’égard des siennes. Un silencieux histoire de, même si personne ne l’entendrait se faire exploser la cervelle dans la bâtisse gigantesque.

Il se met en marche vers l’entrée de son four crématoire, vers la potence, l’échafaud, prison toute neuve, mais la peinture fraîche et l’entretien sans faille ne changent rien à ce qui peut se tramer entre de telles parois. Il a appris depuis longtemps à se méfier de ce qui brille trop pour être honnête. La seule chose qui l’interpelle, c’est la tournure du fameux courrier reçu chez lui, un matin ensoleillé où il ne redoutait rien d’autre que des températures un peu trop étouffantes. Il a senti la volonté de jouer avec ses nerfs. Il ne s’agit pas d’une convocation officielle, sans concession, telle que celles que ses anciens cadres aimaient invoquer. Il réside là-dedans un mystère autrement plus complexe. Et, surtout, il n’a aucune idée de pourquoi ce n’est pas le Pasua lui-même qui l’a sommé de se rendre dans ses headquarters. Il ne connaît que de nom le laboratoire Exxa Biopharma. En revanche, celui de Jake Hamilton, lui, ne lui est pas inconnu. Sénateur. C’est à Washington D.C., du temps où il n’avait pas à se soucier de déménager à Shreveport et où l’argent coulait à flots, que l’homme politique a commencé à lui sembler plus familier, plus intégré dans son paysage médiatique personnel. Il ne s’est jamais intéressé plus que cela à la manière dont les États-Unis sont régentés, mais le discours sensiblement orienté du « congressman » ne le laisse pas indifférent. C’est donc pour cette seule et unique raison que son esprit reste fort, et l’incite à penser qu’une fois de plus, Dieu a lancé les dés pour lui épargner le pire. Il ne mourra pas ce soir. Il n’y aura pas de silencieux chargé prêt à lui envoyer de la chevrotine dans la nuque. Il ressortira d’ici sur ses deux jambes. Et alors, peut-être que l’averse qui s’annonce lui semblera être l’une des plus belles choses de ce monde devenu cinglé. C’est toujours sous cet œil revigoré que son environnement lui apparaît. Après avoir croisé le fer avec Satan.

Néanmoins, cette vision positive ne l’empêche pas de s’angoisser au fur et à mesure de son approche : on l’a retrouvé. On sait qui il il est, et ce qu’il a fait au Waverly Falls Center. Il s’apprête à se voir cuisiné, et donc à garder ses lèvres closes. S’il n’est pas quémandé par les pontes, alors c’est qu’Hamilton, mis au parfum par il ne sait quel moyen (et si c’était lui, l’un des financeurs ?), a laissé parler sa curiosité et espère en attendre plus. Perdu dans cette multitude de théories, de la plus inquiétante à la moins complotiste, il sent son crâne bourdonner d’interrogations et c’est presque avec soulagement qu’il entre dans le hall fait pour impressionner le visiteur comme le futur collaborateur qui passe en ces lieux. Une fille fait le planton, derrière un comptoir. Elle aussi est soignée jusqu’au bout des ongles. Elle aussi sonne faux. Faux, faux, complètement faux. La gorge sèche et nouée, il s’approche, s’annonce sobrement. Son patronyme ne lui a jamais paru aussi difficile à prononcer, semble-t-il. Un coup de téléphone plus tard, et l’hôtesse se lève et le précède, tandis qu’il la suit comme un automate. Il se déplace en silence, ne se déparant jamais totalement de son allure habituée à sinuer dans les couloirs sans se montrer tape-à-l’œil ni m’as-tu vu. Ce genre d’attitudes, il les réserve (réservait) aux soirées de débauche à Baltimore ou dans la capitale. Il ne porte aucune attention aux jambes divines ni aux lèvres pulpeuses de la femme qu’il suit, la mine sombre. Pas même dans l’ascenseur, où il se contente de regarder les chiffres défiler calmement, éprouvant désagréablement la gravité contrariée qui pousse la cabine à grimper, grimper et grimper encore.

Les portes s’ouvrent.

C’est d’abord la surprise, qui ne se lit pas sur le visage du chasseur. Jake Hamilton est immense, et il marque un temps d’arrêt, remarquant aisément que l’homme est plus grand encore que Sasha, son aîné. S’il avait déjà noté sur les écrans de télévision la stature impressionnante du sénateur, l’avoir en face de lui bouleverse ses perceptions, et le rend instinctivement méfiant. Il scrute avec un réflexe professionnel la silhouette de son interlocuteur à venir, de la tête aux pieds, notant déjà quelques détails particulier, qu’il engrange et se réserve pour plus tard. Une chose lui est déjà sûre, cependant : il n’aime pas l’aura qui l’entoure. Incapable d’en voir les contours comme les arcanistes (n’imaginant même pas, d’ailleurs, qu’une telle chose est possible), ses instincts lui hurlent, le supplient de se montrer prudent. Le PDG est à l’image de sa boîte, ou plutôt l’inverse. Trop propre sur lui pour être honnête. Trop souriant pour qu’il puisse y croire. Il ne prend pas la peine de faire la conversation. Ian Calloway vient d’un milieu aisé. Il sait quand une question appelle une réponse ou non. La forfanterie, les flatteries et les entretiens de politesse l’horripilent, et il n’attend que de passer aux choses sérieuses. Oh, et d'ailleurs : il se fout parfaitement de boire un thé ou un putain de café. Lui aussi, se met à sourire. Un sourire plus insultant qu’autre chose. Il se contente de secouer la tête, plongeant ses prunelles marines dans celles d’un bleu plus torve, qu’il devine aussi perçantes que les siennes. « Non. Non, merci. »

Il ne se détache que quelques instants de ce visage presque asymétrique concernant quelques traits bien précis, faisant mine de contempler le couloir, les murs, le cadre impeccable qui ne le rassure en rien. Pas de mercenaire. Pas de silencieux. Pas d’assemblée constituée des hommes qui le payaient autrefois. Comme pour confirmer son refus, il dénègue du chef une seconde fois, puis se force à le regarder de nouveau fixement. Il articule, d’une voix au-dessus de laquelle le calme règne, se voulant intouchée. Intouchable. « Je préfère commencer dès maintenant, si cela ne vous ennuie pas. »

Joute sanglante à venir, ou conflit de connards embourgeoisés, il n’est prêt en rien, s’attend à tout, et s'impatiente de connaître la teneur du poison destiné à anéantir ses entrailles une fois de plus.


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Dim 6 Déc - 23:47 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

La première impression se construit en moyenne en quatre minutes. Deux-cent-quarante secondes cruciales pour renvoyer une image positive, et instaurer un climat de confiance. Deux-cent-quarante secondes pour établir une connexion, même fugace. Ne surtout pas le laisser se fermer comme une huître. Je ne voudrais pas devoir lui exploser la coquille avec un bon couteau à huîtres pour lui soutirer ses secrets. Extraire dans sa chair cette perle nacrée qui fera ma fortune et ma gloire. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent, et l’implacable compteur se met en marche. Tic Tac Tic Tac…

Je m’emploie à l’accueillir chaleureusement, à renfort de sourires que j’imagine sincères. Ma satisfaction de le rencontrer ce soir ne peut être niée. Je suis comme un gamin, la veille de Noël, qui attends que le vieux pépé lui glisse des cadeaux sous le sapin, avec des rênes, des clochettes et des petits lutins à la con. Que m’as-tu apporté ce soir, doc? J’espère que l’enchantement est au programme. Il ne serait pas judicieux de me contrarier. Pas ce soir.

L’homme présente bien, indéniablement. Son costume gris anthracite, d’un classicisme austère, reste professionnellement sobre, et de bonne qualité. Toutefois, une coupe plus moderne dans les tons bleu-nuit, lui siérait mieux. Oui, je l’avoue, cette erreur stylistique m'enorgueillit, et je retiens d’afficher ma vanité victorieuse et flamboyante au grand jour. Tout est dans le détail, mon cher. Tout. Par contre, j’aime ses chaussures et la manière soignée dont ses cheveux sont taillés et arrangés. Je devrais peut-être lui demander l’adresse de son coiffeur. Contrairement à ce que j’avais imaginé, il ne semble pas particulièrement stressé. En apparence, en tout cas. Du coin de l'œil, je continue à le jauger, à évaluer ses moindres gestes, à analyser son langage non-verbal. Qui es-tu vraiment, Ian Calloway?

Il n’a pas pris la peine de répondre à ma question de courtoisie. Sans m’en offusquer, j’en conclus qu’il n’est pas d’humeur causante. Dommage. L’image du couteau à huitres me revient aussitôt à l’esprit, dans un crissement strident de lame, affûtée et perforante. Son regard déterminé plonge dans le mien avec une sorte d’effronterie désagréable. De ses prunelles bleues jaillit un air de froide bravoure, accentué par des lueurs fauves presque menaçantes. Non. Il n’a pas peur de moi. L’homme a été dressé pour l’attaque. Je méprise les faibles, les mous, les flasques. Ian Calloway ne fait définitivement pas partie de cette catégorie gluante et insipide. C’est un traqueur. Un chasseur. Un tueur. Il a peut-être même plus de sang sur les mains que je n’en aurai jamais, bien que mes statistiques soient fort honorables. Je me demande s’il aime ça, tuer. S’il prend plaisir à voir le regard de sa victime se vider lentement, puis s’éteindre. S’il sourit à la vue d’une cervelle éclatée. S’il profane joyeusement les cadavres ensanglantés. Quels sont ses vices les plus pervers? Ses déviances les plus inavouables?

Le visage fermé, il refuse ma proposition de boisson chaude, préférant entrer directement dans le vif du sujet. Je focalise à nouveau sur la charmante hôtesse d’accueil. «-Je vous remercie Katy. Vous pouvez rentrer chez vous. Je vous souhaite une excellente soirée, et vous saluerez Sebastian de ma part..» Son conjoint. Comme si j’en avais quelque chose à foutre de cet homme insignifiant, bien trop fade pour elle! Avec talent, j’applique une technique simple de management visant à motiver mes employés : leur témoigner intérêt et reconnaissance. Quelle connerie! Alors que franchement, il n’y a que son cul qui m'intéresse. Elle me fixe avec un regard de vache morne, ses lèvres rouges pulpeuses s’arrondissent, hésitantes, mais aucun son ne quitte sa gorge. Ça lui donne l’air niais d’une pintade. Je marque un haussement de sourcil. Merde, j’ai encore du me planter dans le prénom de son mec. Stephan? Steven? Heureusement, elle ne fera aucun commentaire désobligeant. Bonne fille. J’étais pas d’humeur à mimer le repentir. Finalement, elle s’éclipse dans les politesses d’usage.

Je redirige mon attention vers mon invité spécial, puis lui indique la direction de mon bureau d’un mouvement de mains affirmé, habitué à l’espace. «-C’est par ici.» Je le jauge encore, étudiant le moindre de ses mouvements. Je remarque qu’il émane de sa physionomie quelque chose de sinistre, définitivement sombre, comme s’il traînait la mort dans son sillage. On va bien s’amuser, je le sens. Ses prunelles trop mobiles discréditent son allure décontractée. Son regard est rapide, affuté, scrutateur. Je sais qu’il analyse déjà l'arène blanche et aseptisée dans laquelle il a été jeté, et qu’il me perçoit certainement comme son adversaire du jour. Je pourrais lui assurer d’emblée que je ne suis pas son ennemi, mais cela ne ferait qu’accentuer sa défiance. De nous deux, c’est lui qui a le plus à perdre dans cette confrontation. Nous le savons, c’est une évidence. Il est donc normal qu’il se sente acculé. Mon rôle sera de réussir à le faire se détendre.

Tic Tac Tic Tac…

Je le guide vers mon bureau. Immense, impressionnant et impersonnel, selon certains. Les grandes baies vitrées prennent deux pans de mur et donnent sur le parc fleuri et joliment entretenu situé à l’arrière du bâtiment, puis sur l’immensité verte de la forêt. Des arbres à perte de vue, jusqu’à l’étouffement. Les spots leds encastrés dans le faux plafond sont tous allumés, à cause de la faible luminosité extérieure. Le temps tourne manifestement à l’orage. Le parquet est intégralement en chêne massif, dans les teintes beige-gris clair, légèrement patiné avec de doux reflets argentés. Trois espaces distincts : Un bureau noir en ebene du Gabon, entouré par deux fauteuils confortables en cuir blanc. Deux armoires blanches également, intégralement fermées. Un espace de réunion, avec une grande table en verre, entourée de huit chaises en cuir noir avec pieds en bois clair. Un espace confort, avec un canapé en cuir noir et fauteuil assorti, une table basse blanche laquée, un grand écran de télévision extra-plat, une bibliothèque en chêne blanc, et quelques placards encadrant un réfrigirateur américain. Des rideaux en lin blanc. Plusieurs plantes vertes imposantes, structurant et égayant l’espace. Une décoration épurée, avec quelques cadres de paysages, des clichés souvenir de quelques-unes de mes expéditions. Tout le reste n’est que blancheur immaculée.

Je l’invite d’un geste de la main à s'asseoir dans le fauteuil confortable qui me fait face, tandis que je me dirige vers le frigo pour en extraire une bouteille d’eau minérale Vittel, importée directement de France. Ma préférée. J’attrape deux verres en cristal que je remplis aussitôt, puis retourne vers mon bureau en déposant l’un d’eux devant lui. Il n’est pas vraiment question de l’impressionner avec ce luxe tape à l'œil. Il a déjà brassé trop d’argent pour être touché par ce genre d’ostentation. Le but de la manœuvre est simplement de décrisper ses muscles faciaux, et  faire baisser son taux de nervosité. C’est tout. Je ne lui mets aucunement le couteau sur la gorge, libre à lui d’accepter ou refuser cette attention. J’avale deux gorgées d’eau, puis repose le verre sur la fameuse pochette jaune, pour ensuite mieux me concentrer sur mon invité. Si mon sourire était franc et chaleureux au moment de l’accueillir, il se fait maintenant plus mesuré. Mon visage reste ouvert, bienveillant, sans tomber dans l’exagération.

«-Vous devez vous demander la raison de votre présence ici.» Je lui laisse un bref instant de réflexion, pour méditer sur cette question qu’il a déjà dû ruminer des centaines de fois, et peut-être aussi se remémorer les mots de ce courrier étrange qu’il a reçu. «-Bien qu’admirables et reconnus par la Profession, vous vous doutez que ce sont pas vos talents de médecin généraliste qui ont attiré mon attention.» Les références au WFC étaient trop grossières pour qu’il soit passé à côté. Je reste convaincu qu’il sait déjà ce que je veux. Malheureusement, il ne semble pas réellement disposé à m’accorder son aide précieuse. «-Mon poste de sénateur, et anciennement représentant de la Louisiane, me positionne au plus près des préoccupations de mes concitoyens depuis bientôt douze ans. Les domaines de la sécurité et de la santé constituent les axes prioritaires de mon programme législatif. J’ai justement été élu parce que je défends ces valeurs fortes au quotidien.» Peut-être connaît-il déjà ma politique et mon positionnement, mais je me devais de les lui présenter brièvement.

Tic Tac Tic Tac…

«-Par respect, je vais vous épargner les discours politiquement corrects, et entrer dans le vif du sujet. Vous n’êtes pas sans savoir que la révélation a mis un coup de projecteur sur les créatures de l’ombre, que des services de communication performants ont su travestir et embellir, dans le but de séduire et influencer l’électorat moyen. La politique inclusive de notre beau pays leur a même octroyé droits et protections, servis sur un plateau d’argent.» Mon regard est empli de détermination, et d’une sorte de colère froide, comme à chaque fois que j’aborde ce sujet. «-Je ne veux pas croire qu’on va rester là sans rien faire. Qu’on va laisser ces monstres dévorer, massacrer ou sacrifier nos enfants, et nos êtres chers.» Je sais que nous partageons les mêmes valeurs. Il y est forcément sensible.

Je me penche légèrement en avant, les coudes sur le bureau, me rapprochant ainsi de lui, sans pour autant devenir envahissant, histoire de marquer l’importance des paroles à venir. «-Vos compétences, vos connaissances et votre expérience peuvent changer la donne, Monsieur Calloway. Faites en sorte que le sang n’ait pas coulé pour rien.» Je le laisse ingurgiter mes mots, et préparer sa réponse. En espérant qu’il répondra, évidemment. Son mutisme risquerait de m’irriter. Les quatres minutes sont maintenant passées. Si je n’ai pas réussi ne serait-ce qu’à éveiller sa curiosité, c’est mort. Bien sûr, il me reste encore à explorer les quelques concordances intéressantes sur les dossiers Bailey/Matheson, mais j’apprécierais vraiment que Calloway fasse un pas en avant, sans être obligé de lui soutirer ces informations par la force. Je me lève puis me dirige vers un placard duquel je sors des petits macarons colorés. Partager de la nourriture crée naturellement des liens...

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Ian C. Calloway
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"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

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"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
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Dim 20 Déc - 6:11 (#)


Sharks don't sleep
Jake Hamilton aurait tout aussi bien pu s’entendre avec Gilbert Donahue.
Ils sont pourvus de la même « race », de la même habilité innée à revêtir n’importe quel costard allant taper au-dessus des trois mille dollars l’unité.
Ils ont appris à esquisser les mêmes sourires : rassurants pour les petites gens naïves, inquiétants pour ceux qui connaissent les ruses et fourberies des grands de ce monde.
Ils manigancent, flattent et caressent, savent comment s’adresser à n’importe quel public, pourvu qu’ils soient dotés de cette formidable capacité d’adaptation les aidant à parler au bas peuple comme à un sénateur. Ils endorment. Ils tapissent le fond de leurs discours d’une ouate dorlotante, au creux de laquelle on pourrait se voir tenter de s’abîmer sans méfiance.

Sans méfiance.

Deux mots qui ont disparu du vocabulaire du médecin. Il ne se voit plus accorder sa confiance instantanée à un politicien ni à un homme ainsi vêtu d’ici à la fin de ses jours. Alors il se tient là, sinon fermé, du moins sur une réserve remarquable, pas décidé à dévoiler son flanc pour se laisser frapper, déjà, d’une estocade conditionnant le reste d’un entretien délicat. Et puis, il n’a de toute manière pas l’habitude qu’on l’accueille avec un si grand enthousiasme. En tant que docteur, les visites sont bien souvent teintées de l’inquiétude, de la peur panique, du mécontentement. Ça, c’est du côté de ses patients. Mais même Sasha ne manifeste plus si fort sa joie de revoir son cadet. Même son père se voit toujours pourvu des rides plissant son front désormais ancien, miné par l’appréhension de voir son deuxième fils pris dans les tourments. Nova qui s’attend à la mauvaise nouvelle de plus, à l’ordre de trop. Miles qui craint la réprimande. Qui fait-il réellement sourire, aujourd’hui ? Il se rend compte de l’aura nauséabonde qui l’entoure en permanence, et cela lui procure un choc qu’il se doit d’absorber en silence, stupéfait de comprendre ce qui le met donc aussi mal à l’aise devant son hôte. Il n’est pas dupe : ce dernier le décortique déjà. Il voit comme son regard perçant s’attarde, décrypte, glisse et s’écoule comme un liquide gluant, poisseux, dont il ne se déparerait plus de l’impression désagréable que sous une douche brûlante.

Bien vite, ils ne sont plus que tous les deux, et c’est résigné mais déterminé que Ian Calloway se remet en marche, vers ce bureau prévoyant leur étrange affrontement. Le calme des lieux l’habite et le transporte, loin, très loin vers les profondeurs d’un calme méditatif qui l’aide à ne pas s’affoler, et il tourne la tête autrement que vers son interlocuteur. Il est pénétré par le silence relatif de l’endroit – troublé par leurs semelles dans un rythme étrangement semblable – , aidé par la nuit. Il a toujours aimé le calme qui régnait dans les couloirs des bâtiments urbains, surtout en hauteur. Cette sensation de se sentir si près des centre-villes, du cœur bourdonnant, tout en demeurant élevé au-dessus de la masse, recueillant uniquement les remuements de la rumeur bruissant et montant vers la stratosphère jusqu’à eux. C’est ce qui lui avait toujours déplu au WFC ; le calme, là-bas, était non seulement une vaste illusion, mais comportait cette menace réelle : dehors, rien que les bois. Pas de vie, ou du moins aucune vie humaine. Un entre-soi détestable, que seule la présence de Carl Weiss parvenait à atténuer. Il pouvait comprendre donc, comment les employés d’ici pouvaient s’épanouir dans de tels locaux. Autrefois, ils lui auraient fait grande impression. Mais il n’avait plus trente ans. Il n’était plus aussi influençable, et avait compris à ses dépens le malheur qui pouvait attendre ceux qui se laissaient étourdir par des paillettes aussi bon marché, malgré les millions investis dans le cadre.

Le bureau ne dénote pas avec le reste. Il pose ses iris froids sur le décor. Il s’éprend aussitôt des baies vitrées livrant une vue agréable sur l’extérieur. Le parquet sous ses pieds, le goût certain pour l’agencement, trahissent le maître des lieux plus sûrement qu’il ne s’en doute, se dit-il. Il n’y a que l’éclairage des leds qui l’agace. Il n’a jamais été épris des lumières artificielles trop vivaces, trop criardes. Il préfère le tamisé. Il préfère la nuit presque noire, lorsqu’il ne s’agit pas de chasse. Ici, Jake Hamilton doit passer un temps conséquent. Tout est aménagé de sorte à recréer le confort d’un chez-soi luxueux, d’un appartement dans les hauteurs, un nid perché parfait pour un oiseau de proie dans son genre. Le blanc le dérange le plus. Cette blancheur trop superficielle crie au mensonge en permanence. Tout est trop propre, trop net. Lorsqu’on l’invite à s’asseoir, c’est avec une lenteur féline qu’il s’exécute, sans jamais le quitter des yeux. Le verre qui lui est servi, il n’y répond que d’un battement de paupières témoignant de sa politesse ordinaire. Il sait que tout s’apprête à basculer, d’un moment à l’autre. Bientôt, la représentation sera terminée.

Et en effet, peu à peu, c’est un autre visage qui se dévoile et s’offre à lui. Du sourire de commercial parfait, c’est un rictus plus amer, une expression bien plus dure qui modèlent et façonnent différemment les traits de l’homme au teint blême, aux cheveux blonds. Il aurait fait un parfait vampire scandinave. Pourtant, le chasseur sait trop bien quelle politique acharnée l’homme mène avec verve, faconde et une certaine grâce brute, afin de détrôner les créatures surnaturelles du piédestal sur lequel la plèbe les a installées. La colère. C’est bien une colère sourde qui habite l’être immense assis de l’autre côté de ce bureau trop impeccable. Quant à lui, son souffle presque imperceptible, il n’a pas bougé de la position qui l’a vu se poser sur ce siège sans défaut. Les jambes à peine écartées, une main posée sur sa cuisse, le bras effleurant l’accoudoir. Il écoute, absolument concentré. Il attend. Il attend le clic de la grenade qu’on dégoupille. Un parallèle dérangeant s’immisce, entre eux deux ; invisible. Elinor Lanuit. Elinor et ses propositions qui le consacraient, lui, épargné de cette nuit l’ayant vu perdre ses compagnons. Cela commençait à devenir une habitude. Et, surtout, cela commençait à l’interpeller sérieusement. Si son parcours de vie n’était évidemment pas des plus banals, le voilà qui, à tort ou à raison, consciemment ou pas, volontairement ou non, attire les esprits stratèges, mauvais ou pugnaces. Pourquoi ? Qu’y a-t-il chez lui que Sasha ne possède pas ?

Le silence retombe. Il ne peut plus se taire. Il faut parler. Jake Hamilton se lève, sortant des friandises dont il ne voudra pas. Un vague roulement de tambour, synonyme d’orage dans le lointain, ponctue ses premiers mots, enfin : « Bien qu’admirable et reconnu par la profession… Au moins cela, oui. » Un rire bref couronne un mouvement de tête, sublimé à son tour par un sourire d’une amertume sans pareille. « Pas de doute. Vous êtes un politique. Vous savez parler. Vous aimez ça, même. » Ses lèvres se bouffent l’une l’autre un instant, ne dessinant qu’une ligne infime, le temps de reprendre un sérieux qui n’est pas dur à adopter : « Je suis médecin généraliste. Pas chirurgien. Il n’y a aucun « talent » m’appartenant que ne possèdent pas des milliers d’autres docteurs à travers le pays. Je doute par ailleurs être déjà aussi connu en Louisiane. »

Arrête de me prendre pour un con deux minutes.

« Si vous parliez vraiment ? Pas… juste pour établir un terrain amical. Je ne sais pas à qui vous avez affaire en général, mais je peux tout entendre, personnellement. Vraiment tout. Et je ne parle pas des pseudo-compliments sur mes soi-disant compétences. » Un autre mot le hante pour de bon, en revanche. De ce fait, il se relève, non pas uniquement pour se sentir d’égal à égal, mais bien parce qu’il ne supporterait pas l’immobilisme. Sans gestes brusques, le voici qui se détourne, dessinant un bref arc-de-cercle autour des sièges immaculés. « De quelle expérience parlez-vous ? » Connaît-il ses activités de chasse ? Ou se contente-t-il de frôler du bout du doigt ses dix ans de carrière dans le centre d’expérimentation ? Le Vertueux en sait trop peu. Et cela ne lui plaît pas. « Je sais ce que vous faites, et ce que vous… promouvez. Je suis des alentours de D.C., j’ai suivi votre carrière de loin grâce aux médias. Pour autant, je ne me mêle pas de politique. » Il le regarde, martelant ses propos avec une assurance née de générations entières d’hommes et de femmes parmi les siens, mus par la tradition nécessaire, la protection des villages et des bourgs vulnérables. Rien d'autre. Pas la gloire. Pas d'aspiration autre. Tuer les monstres. « Je ne vois pas ce que mes qualités de toubib peuvent apporter à vos ambitions. Et je ne comprends pas ce que vous attendez de moi. » Il ne lâchera pas en premier, il se le jure. Il tiendra. Même enfermé dans ce carcan d’incertitudes qui le plonge dans un malaise grandissant.

« Je n’ai pas de temps à perdre, monsieur Hamilton. Et je crois que vous non plus, n’est-ce pas ? » Il balaye l’espace de la main. « Tout ceci est formidable, mais… Cela n’explique en rien pourquoi j’ai reçu une invitation douteuse, promettant un chèque douteux pour des recherches que je n’ai pas menées. Vous avez cherché à me mettre la pression. Soit. Je peux entendre. Maintenant, allez au bout. »

Vais-je crever ce soir par ta faute, connard ?

« Quel savoir pourrais-je vous apporter que vous ne possédez pas déjà ? Comment m’avez-vous trouvé et que voulez-vous qu’un autre de vos collaborateurs ne pourrait vous fournir directement ? »

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Last man standing

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Dim 17 Jan - 2:11 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

Sa langue s’est enfin déliée, râpeuse et acide. Il reprend mes paroles avec une ironie mauvaise, dénonçant la maladresse de mon discours et tout le déficit de subtilité de mon approche. “Comme tous les politiques, je sais parler, et j’aime ça”. Oui, en effet. Étrangement, j’en éprouve un fugace sentiment de satisfaction, une reconnaissance du chemin parcouru. Je n’étais pas loquace, étant enfant. Timide et renfermé, l'interaction sociale était pour moi un exercice particulièrement contraignant, déplaisant et presque inabordable. Après l’”incident”, j’ai même passé près de huit mois sans qu’aucun son ne franchisse la barrière de mes lèvres, pas même sous la violence des gifles, ou la terreur des cauchemars qui m’éveillaient en sueur chaque nuit. Ma douleur s’était murée derrière un mutisme obstiné. Et pourtant aujourd’hui, la parole est devenue mon arme de prédilection, puissante et acérée, mon instrument de pouvoir, et aussi ma plus grande fierté. Ces années de travail acharné n’auront pas été vaines.

Le visage placide, je croise instinctivement les bras en l’écoutant déverser son acrimonie. Je constate que ses propos dénotent également un manque de confiance en la sphère politique, et un certain mépris pour la fonction sénatoriale. Ce n’est pas demain que nous referons le monde autour d’un verre de bière, en se gratifiant d’une tape amicale sur l’épaule. Le fossé continue de se creuser entre nous, mais je peux d'ores et déjà garantir que ce n’est pas moi qui en sonderai les profondeurs, et m’y casserai les dents. Doc s’adresse à moi comme à un vulgaire vendeur de tapis crasseux, avec un dédain fort déplaisant, rabaissant ainsi ma position et l’importance de mon pouvoir de nuisance (ou de bienfaisance). Je prendrai cet affront pour un défaut de discernement passager. Il ne serait ni sage ni judicieux de faire de moi son ennemi.

Derrière ses déclarations acerbes, c’est lui que je m'efforce de cerner, en esquissant les traits de sa personnalité le plus fidèlement possible. Doc ne recherche vraisemblablement pas la reconnaissance, ni le feu des projecteurs. Il confirme son manque criant d’ambition et sa petitesse de nouveau parvenu, comme s’il y avait une certaine fierté à s’identifier à “des milliers d’autres”. Son air désabusé ne fait que confirmer cette vague impression de renoncement. Oppressé, il préfère se terrer dans l’ombre comme un rat, et raser les murs pour échapper à cette terrible machine à broyer qui réclame sa peau. Mes sourcils se froncent presque imperceptiblement, suite aux incohérences de mes propres déductions. Non, il ne se terre pas. Il a eu la hardiesse de venir m’affronter sur mon propre terrain, et son assurance témoigne d’une force de caractère indéniable. S’il fuit, c’est que ceux qui ont créé et financé ce centre de recherche sont trop puissants ou influents pour qu’il puisse les combattre seul. Ce qui est probablement mon cas également.

Qui furent ses employeurs? La première piste, la plus plausible et évidente, se situe au niveau des institutions gouvernementales. L’armée, en premier lieu, puis les agences du renseignement. Ou peut-être des organismes de santé comme les NIH (National Institutes of Health), l’OHA (Office of Health Affairs),  ou encore le SAMSHA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration). Et bien sûr, il ne faut surtout pas omettre le Pasua, statistiquement crédible dans son attrait pour les créatures surnaturelles. Si toutefois l’affaire se jouait dans le privé, mon regard se tournerait vers les grands groupes pharmaceutiques, évidemment, puis vers des organismes financiers et autres fonds de placement comme la banque Wells Fargo & Co, ou plus probablement la WFC Corp. (World Finance Corporation), qui n’est plus à un scandale près. J’en sais encore trop peu, au final, et c’est mauvais pour moi.

Je devine qu’il s’est levé de sa chaise pour mieux me faire face, pour m’affronter silencieusement et pour prouver arrogamment que je ne l’impressionne pas le moins du monde. Dans une volonté de contrarier cette hostilité persistante, je m’avance vers lui, laissant méthodiquement une certaine bonhomie adoucir mes traits, tout en présentant devant lui la boîte de macarons. Il refuse l’offrande sucrée. Evidemment qu’il refuse! Je pose distraitement les friandises sur mon bureau, masquant ma légère irritation derrière un visage concerné, tout en continuant à lui prêter oreille attentive. Sans surprise, il exprime le besoin de comprendre ma démarche, pour mieux cerner mes attentes à son égard. L’emphase et la répétition du mot “douteux” confirme qu’il n’approuve guère mes méthodes. S’il pense que je vais afficher clairement mon jeu, simplement parce qu’il me l'a demandé sans même daigner y mettre les formes, il se fourre prodigieusement le doigt dans l'œil. Je veille à toujours garder un ou plusieurs coups d’avance.

Doc montre déjà les premiers signes d’impatience et d’agacement. Je devrais pouvoir exploiter cette légère défaillance à mon avantage. Moi, j’ai tout mon temps, contrairement à ce qu’il imagine, du moment que je conserve la certitude qu’il réside une brèche dans sa coquille. Je pourrais parler pendant des heures, sans discontinuer, pour obtenir ce que je veux. De manière générale, j’obtiens toujours ce que je veux. En mai dernier par exemple, j’ai discouru pendant près de onze heures, pour empêcher le vote de la très controversée “conciliation sécuritaire”, une loi favorable aux vampires, leur assurant une présence consultative sur les questions de sécurité au niveau fédéral. Je n’ai pas hésité une seule seconde à user et abuser du pouvoir d’obstruction sénatoriale du filibuster pour arriver à mes fins. Il en sera de même aujourd’hui, s’il refuse de coopérer. Et si la méthode douce ne fait pas ses preuves, il me restera encore à expérimenter la manière forte.

Les questions de mon interlocuteur sont pertinentes, mais je choisis intentionnellement de les éluder, du moins temporairement. J’ouvre l’un des tiroirs de mon bureau, pour en ressortir un tube de crème, portant les couleurs caractéristiques et historiques du groupe Exxa : écriture bleu marine sur fond blanc, et éléments graphiques oranges.  «-Cicaxxederm, la dernière née de nos laboratoires, pas encore commercialisée à ce jour. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une crème réparatrice permettant la cicatrisation accélérée de la peau.» Sa composition comprend entre autres l’extraction de certains principes actifs  “naturellement” présents dans le sang de vampire, savamment transformés et dissimulés derrière le nom quelques molécules au nom barbare ayant des caractéristiques et textures proches, associés à de la paraffine liquide, de l'acide hyaluronique, de l’aloe vera et de l’amande douce. A ma grande satisfaction, la formule a été développée ici, à Shreveport. Pas aussi efficace que du sang de vampire frais, mais bien moins addictif et dangereux. Et surtout, la composition officielle ne tombe pas sous le coup du délit d’exploitation surnaturelle. Un opposant bien informé peinerait à prouver le contraire. «-Vous noterez au passage la prouesse et la finesse de notre service com’, qui a eu l’idée grandiose de rappeler le nom d’Exxa de manière originale et radicalement inattendue.» J’en fait volontairement des tonnes pour souligner l’ironie. Ce jeu de lettres proche de l’anacyclique, est complètement naze, mais malheureusement validé par Hamilton sénior. Ce n’est pas beau de dénigrer, mais c’est jouissif.

Sans force excessive, je lui lance le tube de crème, histoire de vérifier sa vigilance et ses réflexes, mais surtout pour passer un message lourd de sens. Presque une menace sous-jacente. «-Vous pourriez en avoir besoin, à l’avenir.» J’affiche un léger sourire en coin, fier de mon petit effet. J’ai capté son attention, et j’en profite pour faire quelques pas pour investir l’espace autour de lui. Le grondement du tonnerre se fait une nouvelle fois entendre. Je jette un bref coup d'œil vers la grande baie vitrée, puis me retourne vers lui. «-Pour développer cette formule, il aura fallu deux ans de recherche, douze brevets, cinq sessions de tests cliniques, et tout cumulé, près de quatre ans de lourdeurs administratives pour obtenir les différents agréments, notamment ceux de la FDA. C’est beaucoup trop long.» Le produit a été jugé trop "addictif", retoqué et révisé plusieurs fois. L’origine surnaturelle n’a même pas été évoquée. J’ose espérer que nous obtiendrons bientôt l’autorisation de commercialisation. Mes juristes planchent sur le sujet depuis des mois.

«-Dans ce nouveau monde, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit, c’est le plus rapide qui mange le plus lent.» Citation de Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du forum économique mondial. «-Aujourd’hui, nous manquons drastiquement de temps, et il faut agir vite.» Je m’approche de lui, réduisant l’espace qui nous sépare à un mètre seulement. Mon regard plonge dans le sien, prêt à en analyser la moindre lueur tressaillante. «-Vous avez travaillé pour une organisation qui faisait fi des codes déontologiques, de l'éthique, et des protocoles administratifs, sanitaires et scientifiques classiques. Vous avez eu l’opportunité de faire des bonds de géant dans la recherche, et forcément, ça m’intéresse.» Je marque une légère pause. Il m’a demandé d’être clair, je le suis. «-Ce que je veux, ce sont les résultats des expérimentations que vous avez mené au WFC, à l’échelle du centre tout entier, si possible. J’ai bien conscience que ces informations sont monnayables. Fixez simplement votre prix.»


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✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

✞LAST MAN STANDING✞

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"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
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Pseudo : Nero
Célébrité : Thomas Kretschmann.
Double compte : Eoghan Underwood, Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque & Gautièr Montignac.
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Crédits : Licorne (ava) ; Amiante (signa)
Lun 8 Mar - 2:53 (#)


Sharks don't sleep
Plus les minutes s’écoulent, plus il se sent en danger, dans ce grand bureau très froid. Il sait d’office que la posture près d’un toit en attente du prédateur qu’il traquerait en retour lui conférerait une impression plus salvatrice. Rien ne va. Ni son pouls pulsant trop vite, ni sa nervosité encore rentrée, et encore moins les contractions de son estomac. Réminiscences de cuites prises à jeun, de verres de whisky descendus à même pas midi, passé lointain. C’est le même état un peu boueux qui lui encombre l’esprit, ralentit son organisme et rend plus pénible ses réflexions à l’égard du sénateur qui cache encore bien son jeu. Il ne peut pas se permettre la moindre faiblesse, et cependant il est plus vulnérable que jamais, seul au monde. Il préfère ses adversaires à découvert, les canines sorties et leur force décuplée. Il n’a pas été élevé pour débattre aux côtés de sophistes dans son genre.
Ils sont en train de franchir la deuxième étape. Les présentations sont terminées. Jake Hamilton a fait un pas, d’une extraordinaire politesse sous le couvert d’une roublardise qu’il devine à toute épreuve. Déjà, il a manifesté sa volonté de ne pas se laisser prendre au jeu. À présent, une autre phase se met en branle, comme l’indique cette mise en scène, et ses yeux se posent tout naturellement sur le tube arboré par le PDG. Il assiste, mutique et dubitatif, à cette leçon de marketing douteuse. Il a toujours détesté les gens bossant dans le marketing. Il a toujours détesté le concept même de vendre quelque chose. Il fait partie de ces vieux cons particulièrement attentifs à des préceptes éternels : si un service que vous utilisez est gratuit, alors vous êtes le produit. Il n’utilise pas les réseaux sociaux. Son compte Facebook se réduit à un nom, un prénom, aucune information affichée, trois photos ne le représentant pas. Il ne se connecte jamais sur ce foutu Messenger, n’aurait absolument aucun intérêt à divaguer sur Twitter, Instagram, et que Dieu emporte toutes ces autres plateformes stupides. Call him boomer, si ça vous chante. Il s’en moque. Vendre. Le monde entier est vendu. Il ne cède aux tentations du capitalisme que par un amour du confort qui le fait grimacer, l’obligeant à participer à cette mascarade bien pire que celle promulguée par les cercles vampiriques. Alors imaginer un quidam médiocre passer trois semaines à s’échiner sur le nom d’une crème cicatrisante débile a de quoi attiser au mieux son désintérêt, au pire son agacement. Il ne comprend pas tout de suite là où l’autre veut en venir. Cependant, il croit déceler de l’ironie, chez Hamilton. Comme si ce dernier avait conscience de la crétinerie du bousin. Le chasseur en retient de justesse un frêle sourire, sa commissure tiquant, mais reprenant bien vite un faciès impassible. Il ne doit pas tomber dans le piège de la séduction dont sont friands les politicards dans son genre. Il doit rester maître de lui, ne pas prêter le flanc à une conversation aussi badine soit-elle. Car il n’y a rien de badin, dans cette invitation dont la vraie raison demeure un mystère.
Le geste leste attire son attention. Il attrape au vol le remède, dosant la force de ses phalanges pour ne pas le comprimer outre-mesure. Sasha n’en a jamais été capable, lui. Mais le toubib, habitué à manipuler les chairs les plus fragiles, s’avère bien plus délicat que son enveloppe ne le laisse paraître la plupart du temps. La menace voilée ne lui échappe évidemment pas, et ses mâchoires ne s’en contractent que plus solidement. Il l’écoute encore déblatérer, puis le fixe se rapprocher avec une méfiance grandissante. Il ne bouge pas d’un cil, hormis son pouce qui flatte le plastique parfaitement lisse d’un produit qu’il foutrait au feu dès que possible.

Et puis, enfin.
En dépit de la gravité de la situation qui lui apparaît enfin clairement, un soulagement palpable lui tombe sur les épaules. Jake Hamilton vient en effet de révéler le point faible de sa démarche, du moins l’espère-t-il. Son attitude dénote un manque de connaissances aberrant, et Ian Calloway se demande s’il ne peut pas s’en tirer par une porte de sortie imprévue. Il peut jouer sur l’aspect flou d’un monde dont il n’a plus quêté de nouvelles depuis plus d’un an. Il s’en est assuré. Il baisse la tête, comme s’il faisait mine de réfléchir, fixant les pompes d’une propreté inquiétante elle aussi, de l’homme dont il se demande un instant quelle est sa pointure. Pas de problème de dos, avec une taille pareille, d'ailleurs ? Il s’amuse d’écouter son esprit divaguer, relâcher un peu de pression par un auto-sabordage, par une réflexion/déformation professionnelle parfaitement consciente, lucide. Il humecte ses lèvres pour la dernière fois.

« Je vois. Vos intérêts sont donc purement économiques. » Il ne ressent aucune amertume particulière. Il ne le connaît pas, après tout. Il n’attend rien d’un sénateur américain adulé par des millions d’admirateurs suspendus à ses mots séduisants. Il a compris depuis des lustres à quel point la politique n’est qu’un puits sans fond de corruption, de magouilles en tout genre que des citoyens comme lui n’entendront jamais. Ne comprendront jamais. Il pousse un soupir discret, relève la tête et plante ses prunelles océanes dans celles, grisâtres, de l’avidité incarnée. « Vous n’êtes donc pas fatigué ? Ce doit être pesant. De toujours… pousser plus haut les désirs d’ambition. Votre succès en politique ne vous suffit donc pas que vous cherchez encore à faire grimper les fruits d’un chiffre d’affaires qui représente… quoi, on joue dans les milliards à ce stade, je me trompe ? » Sans pouvoir dérouler le moindre nombre cumulant une certaine quantité de zéros, c’est le médecin qui s’exprime, à présent. Le médecin parfaitement au fait des trafics d’influences, du poids démentiel de l’industrie pharmaceutique sur la population. Il songe à la crise des opioïdes qui ravage ce pays de part en part, sans exception. Un peu de haine menace de percer. Il la renvoie aisément. La haine n’est pas un sentiment qu’il laisse s’installer trop facilement, chez lui. On lui a souvent reproché cet aspect de sa personnalité. On lui a souvent parlé de sa froideur, de son inamovibilité décourageante. Jake Hamilton, lui, laisse-t-il la porte ouverte à la haine aussi souvent qu’il le suppose ?

« Je vous ai dit que je ne me mêlais pas de politique. Je n’y comprends pas davantage en matière d’affaires ou d’économie. Je suis médecin. Je soigne les gens. »  Je tue les monstres. « Je ne suis pas chirurgien, ni psychiatre. Je ne suis qu’un généraliste. Et je ne comprends pas de quoi vous parlez. Connais pas. » Il lui offre son regard le plus vide, le plus imperturbable. « J’ignore qui vous a conduit sur cette piste monsieur Hamilton, mais je crois qu’il y a méprise sur la personne. Je ne peux vous être d’aucune utilité. Viendriez-vous fouiller à mon domicile que vous ne trouveriez rien de tel. Je ne conduis pas d’expérimentations. Je ne détiens aucun résultat. Je soigne les gens. » Dana. Oh, Dana. S’il pouvait serrer la jeune femme dans ses bras pour la remercier une énième fois de ses services héroïques, il le ferait sans hésiter. Il songe aux millions de lignes protégées par un coffre-fort numérique à toute épreuve. Pas de traces. Pas de preuve.

À son tour, il s’approche et tend la main jusqu’à ce que l’extrémité du tube de crème frôle le costume hors de prix de son interlocuteur. Pour un peu, il en hurlerait de rire. Il sait qu’il est absolument scandaleux de mauvaise foi, d’hypocrisie. Il sait qu’il ne fait même pas l’effort d’arborer un jeu de comédien convainquant. Pas de preuve. Pas d’aveu. Ce sont là les règles, n’est-ce pas ? C’est bien ainsi que les hommes dans leur genre s’en sortaient face à des commissions dûment mandatées et qui, à défaut d’avoir su faire craquer l’accusé, le témoin, le toubib, l’élu, doivent relâcher, impuissantes, ces suspects aux mains salies, bras-dessus bras-dessous avec un énième avocat de génie pour s’en aller parader devant une volée de caméras.

Il joue quitte ou double. Peut-être Hamilton n’a-t-il en effet pas d’autres arguments à lui apposer. S’il s’agit de bluff, alors il a une chance de s’en sortir. Mais si une autre carte avantageuse se planque dans la main adverse, alors… alors tout basculera de nouveau. En attendant, il module sa voix, la rend charmeuse à son tour, jouant d’un grave posé et serein, tandis qu’il lui rend officiellement cette petite merveille de cosmétique.

« Je vous remercie pour votre sollicitude. Mais je crois bien que je saurais me passer de ses prodigieux services. »  

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Dim 9 Mai - 22:27 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

La phase la plus délicate de l’entretien s’engage. Il me faut garder la main, malgré les faiblesses de mon jeu. Les cartes d’entrée me sont clairement défavorables, mais je ne suis pas homme à abandonner si facilement la partie. Le défi constitue même un excellent stimulant. Mon obstination et ma détermination en ont déjà épuisé plus d’un. Mon regard glisse doucement sur sa silhouette sombre, feignant l’altruisme plutôt que le calcul. Jusqu’à maintenant, l’huître est restée solidement fermée, ancrée à son rocher, amèrement grinçante, et totalement imperméable aux messages passés. Quand il prend enfin conscience que mes filets sont, en apparence, trop fins pour le coincer, Doc se laisse emporter par une marée de soulagement. Rasséréné, il décide même d’affronter les courants contraires. Erreur. Son entêtement l’engloutira dans une fosse de goudron et autres résidus de pétrole noir et visqueux.

Braqué dans des aprioris négatifs, et englué dans des opinions possiblement anticapitalistes ou altermondialistes, il a fait le choix simpliste de me catégoriser, en me résumant à une seule caractéristique. Riche, et donc coupable. Peu importent mes efforts ou ma contribution active à la société, je susciterai toujours la haine et la médisance. C’est ainsi. Toute cette mouvance socialiste préférera lapider plutôt que construire, pour sauver leur reste d’estime, pour que la médiocrité devienne une norme. Une citation de Georges Bernanos me revient en tête, pour sa vérité et sa justesse : “Vous l'apprendrez tôt ou tard, les ratés ne vous rateront pas.” L’on est toujours seul au sommet, c’est la rançon de la réussite. J’assume pleinement mes grandes ambitions. Je l’observe un court instant, sans réussir à déterminer ses véritables motivations. Quelque chose en lui m’échappe. Sa froideur blasée change ma lecture de ses mots. Toutefois, une pointe de déception irrite mon épiderme. C’est un homme intelligent, certes, mais j’imaginais une analyse plus brillante et pointue de la part d’un médecin de sa trempe, habitué à étudier des patients névrosés. N’était-ce pas son domaine de compétences, au WFC? Mes déductions sont-elles erronées? Doc n’a pas ouvert les écoutilles. J'imagine qu’il s’agit davantage de désintérêt que d’incompétence. Dommage...

Je le laisse m’expliquer d’un ton suffisant et détaché à quel point mes choix de vie manquent de sens, que je m'essouffle et m’obstine inutilement dans une vaine course aux profits. Quelques minutes lui auront suffit pour mesurer mes aspirations profondes. Quelle perspicacité! Quelle finesse! J’ai presque envie de l’applaudir. Malgré des hypothèses d’entrée infondées, superficielles et inadéquates, il se pose en juge, avec un dédain manifeste. Il étaye son argumentation avec des approximations indignes. Il aborde le domaine des finances, sans même une base solide de gestion. Sa question sur le chiffre d’affaires est rhétorique. Bien sûr qu’Exxa brasse des milliards. 24,7 milliards de dollars l’année dernière, pour être exact. Sauf que pour mesurer la performance économique d’une entreprise, le chiffre d’affaires n’est pas un indicateur pertinent. J’aurais davantage opté pour des valeurs telles que le résultat opérationnel, l’excédent brut d'exploitation, ou bien sûr la marge brute d'autofinancement. De plus, son argumentaire médiocre s’effondre si l’on réajuste l’étude à mon véritable périmètre d’action. Je ne suis pas PDG d’Exxa et ne détiens que treize pourcents du capital : je gère uniquement la filiale Louisiane, l’une des moins rentables du groupe - sur le papier, tout du moins. Mes revenus personnels proviennent essentiellement de placements financiers, immobiliers, et boursiers. Bien sûr, la question sera différente lorsque j’hériterai du patrimoine familial, et entrerai en grandes pompes dans le classement Forbes. Toutefois, je valide l’évidence de sa déduction d’un léger signe de tête, sans rien contredire, pour l’enjoindre à continuer. Discuter ses propos serait une perte de temps, et suffirait à leur donner du crédit. A ce stade, l'écoute active constitue probablement ma meilleure arme. A moi de saisir les anfractuosités de son discours, pour faire subtilement monter la pression.

Tout en conservant mon flegme habituel, je le laisse patiemment me cracher son mépris à la figure. Ça suinte et ça dégouline. L'huître lâche des bulles nauséabondes. Auréolé d’une confiance démesurée et d’une témérité inconsciente, Doc ment comme un arracheur de dents. Si mal, que c’en est grossier. Insultant. Il nie tout en bloc, tourne mes recherches en dérision et se moque ouvertement de moi. Son hostilité à mon encontre n’a plus rien de subtile. Sa volonté est-elle de me heurter, me provoquer, ou alors se contente-t-il de me sous-estimer? J'apprécie peu la nouvelle tournure des événements, mais n’en laisse rien paraître. Son regard vide altère la fiabilité de mon décryptage. Il n’y a pas seulement ses yeux qui me foudroient, mais aussi sa bouche. Sa lèvre supérieure se lève sur le côté, tandis que ses narines se dilatent. Le ton est calme, mais empreint d’une rancœur sourde. Il exècre l’image que je véhicule, ou alors l’institution que je représente. Pour unique réponse à son culot inapproprié, le silence. Je note une dysharmonie intéressante dans l’alignement de ses propos et attitudes. Qu’il le veuille ou non, l’huître s’est ouverte, infimement, mais suffisamment pour enclencher un nouveau processus. Pour le moment, il n’en ressort qu’un flux baveux de propos acerbes, de mensonges, et de mépris mais j’ai bon espoir d’en ressortir quelque chose de plus constructif. Je laisse toujours peser un lourd silence, espérant faire grimper son niveau de gêne, le temps nécessaire pour qu’il comprenne qu’il est en train de commettre un impair diplomatique. Son approche manque cruellement d’habileté. Il croit mener la danse, mais s'emmêle les pieds dans ses propres filets.

Il s’approche de moi, pour me rendre le tube de Cicaxxederm, s’obstinant à tout refuser en bloc. Il n’a même pas jeté un œil sur la composition du produit, ni posé de questions sur ses applications concrètes. Son manque de curiosité est affligeant. Cette pommade constitue pourtant une avancée majeure en médecine réparatrice. En plus de ses vertus cicatrisantes largement supérieures à ce qui se fait actuellement sur le marché, cette pommade possède d’excellentes propriétés anti-douleur, en application locale. Mieux, elle guérit les chairs en profondeur, jusqu’à l’hypoderme. Les derniers résultats sur des brûlures au troisième degré sont stupéfiants. A cause de la difficulté technique du processus d’extraction des principes actifs, auquel s’ajoute un investissement matériel, technique et humain conséquent, le tube de trente grammes sera commercialisé à plus de deux-cents dollars. Mon image de financier avide ne risque pas de s’améliorer... Et faute de “matière première” suffisante, il ne pourra jamais être distribué à grande échelle.
«-J’imaginais qu’avec cette crème novatrice, vous auriez pu soigner des gens. Ainsi, vous auriez donné un sens à mon inépuisable cupidité...»
J’attrape le tube sans animosité, lui adresse un sourire chaleureux et amusé, puis pose ma main sur son épaule, comme je l’aurais fait avec un ami proche. L’idée est de tempérer sa froideur, mais surtout d’accentuer sa gêne. Ma cordialité sert d’emphase à l’irrespect dont il fait lui-même preuve. Après avoir maintenu le contact pendant cinq bonnes secondes, je me dirige vers la grande baie vitrée. Le paysage s’est lourdement assombri, et une pluie grisâtre s’échappe des épais nuages. L’orage approche.

Je laisse mon esprit voguer pendant un bref instant, le temps de préparer les grandes lignes de mon argumentaire, puis me retourne vers lui.
«-J’ai cru naïvement que nous saurions nous entendre, puisque nous servons la même cause. Vous êtes un chasseur émérite, Monsieur Calloway, et je vous admire pour cela...» Le compliment est sincère. L’enfant en moi aurait rêvé de devenir un homme de terrain, toujours dans le feu de l’action, combattant le mal les armes à la main, mais le destin m’a appelé à une mission plus grande et plus ambitieuse. Je me perçois comme le bâtisseur d’un monde nouveau, assurément meilleur. «-Mais malgré l’efficacité et la précision de vos attaques chirurgicales, vous savez que vous ne pourrez jamais enrayer complètement la prolifération de cette nécrose. Pas seul. Le monde manque drastiquement d’hommes de votre acabit, et votre famille fait figure d’exception. Le gouvernement, trop mou et trop laxiste, refuse d’éliminer la menace, prônant une entente interraciale utopiste. Alors, quelle est la voie à suivre?»

«-Personnellement, j’ai pour ambition d’éradiquer totalement ce mal, à grande échelle. J’aime trop la vie pour la laisser à des morts. Je suis prêt à tous les sacrifices pour y parvenir, même à liquider l’intégralité de ma fortune, si cela s’avérait nécessaire.» Ces derniers mots sont lourds de sens. Ils transcrivent parfaitement ma foi inébranlable en ma mission de vie, tout comme son caractère extrémiste. Je suis prêt à tout, même au pire. S’il sait lire entre les lignes, peut-être devinera-t-il que sa rétention d’informations pourrait lui coûter cher. Je ne suis pas homme à lâcher l’affaire.
«Pour faire court, mon plan d’action s’articule autour de sept axes, dont trois concernent différentes branches de la recherche médicale. D’abord l’immunologie : il s’agit, entre autres, de développer un vaccin visant à protéger l’organisme de mutations ou transformations non désirées. Une sorte de blocage biologique. Les antigènes ainsi créés seront capables de cibler et attaquer spécifiquement les agents mutagènes surnaturels, tout en empêchant leur réplication, et en réduisant leur infectiosité.»
Les résultats de mes récentes études m’ont prouvé que la complexité du processus était bien supérieure à ce que j’avais imaginé au départ. La biologie ne peut être traitée sans compréhension des composantes surnaturelles. Je choisis de ne pas entrer dans les détails. Avec prestance, je fais quelques pas dans la pièce, en profite pour reposer le tube de pommade sur mon bureau. Je possède l’espace, et l’investit avec distinction. Ma voix est remplie d’assurance, mêlée de passion. Je crois sincèrement en ces recherches. Avoir un interlocuteur instruit, qualifié pour en saisir les subtilités a quelque chose de plaisant, même si l’énergumène en question n’a rien de sympathique.
«Vient ensuite la transgénèse. Il s’agit de précipiter l’évolution, en dupliquant toutes les mutations génétiques qui pourraient représenter un avantage sélectif pour l’espèce humaine. Pour cela, il faut isoler les séquences utiles dans l’ADN CESS muté, et les injecter dans le patrimoine génétique humain. Je pense notamment aux capacités de régénération cellulaire reconnues chez les thérianthropes, ou la conservation étonnante des tissus chez les vampires. A une autre échelle, une thérapie génique devrait logiquement pouvoir rendre leur humanité à des patients garous. Je l’espère, en tout cas. Dans l’optique inverse, nous pourrions forcer des mutations délétères ou mortelles dans le patrimoine génétique de certains CESS, notamment avec l’utilisation de produits mutagènes, neurotoxiques, radiotoxiques et reprotoxiques. En d’autres termes : nous pourrions créer une arme bactériologique ciblée, pour tous les décimer.»
Je fais une brève pause dans mon discours, pour lui laisser le temps d’intégrer les informations. Tout ce discours n’a qu’un seul but : lui accorder l'occasion de visualiser une concordance avec ses propres recherches. Rendre le sujet personnel devrait aider à le convaincre de m’apporter son appui.
«Le troisième point concerne la bioénergétique, qui est probablement la partie la plus ambitieuse et la plus nébuleuse du programme. Assez prosaïquement, je dirais que la vie se caractérise par un flux de matière et d’énergie. Ce flux est variable d’une espèce à l’autre, et oscille lourdement chez les arcanistes, par exemple. C’est ce même flux énergétique qui est capable d’animer des cadavres, entre autres. Avec des radiations et des ondes, nous devrions être capables de brouiller ou couper cet échange énergétique. Ce que l'on nomme communément “magie” aujourd'hui n'est qu'un transfert d'énergie dont on ne comprend ni les mécanismes, ni les origines. Les hypothèses sont nombreuses, et il reste encore beaucoup à découvrir sur le sujet.»

Je m’avance vers lui, tout proche, puis harponne son regard froid.
«-Comme vous pouvez le constater, la tâche est colossale. Je n’y arriverai jamais seul. A la lecture de votre profil, j’ai vu une grande force dans nos complémentarités. Nous pourrions former un binôme performant. Vous êtes médecin avec une expérience significative dans l’étude psychiatrique, et une connaissance solide du terrain. Je suis chercheur en biologie, en biochimie, et en génétique. Je suis également une figure publique de la résistance anti-CESS. La véritable question est maintenant de savoir si vous jouez avec ou contre moi.»
Je lui laisse une dernière chance de retrouver la raison. Il ne doit jamais oublier que je nage au milieu des requins, alors qu’il se contente de patauger dans la mare aux canards...

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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
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"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
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✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
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✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

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✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
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Ven 27 Aoû - 5:26 (#)


Sharks don't sleep
Le silence ne le dérange pas le moins du monde. Il se sent plus à l’aise dans les silences que via les palabres. L’ensevelir de discours et autres semonces l’aurait déstabilisé bien davantage que cette froideur de glace arborée par le politicien. Ian Calloway tient bon. Tient droit. Il ne regrette pas ses propos : il ne les pèse dans aucune balance, ne s’angoisse pas d’avoir prononcé celui de trop. Il attend. Il teste l’effet du vide entre ces murs étrangers. Il veille à ce que son humeur demeure moins électrique que celle qui règne au-dehors. Il a hâte de sortir de là. Il ressent le besoin de laisser l’averse lui tomber dessus. Les averses nocturnes, comme autant de souvenirs de chasse, d’un avant anxiogène, d’un après sanguinolent. L’eau nettoie toujours, efface les traces. Le ciel s’ouvre, et c’est Dieu qui absout des crimes commis en son nom. Comme un baptême titanesque, l’homme remis à sa place, seul face à l’immensité du monde, des cieux sous lequel il s’offre, le front haut touché par l’onde froide, telle celle des fonts baptismaux.
Il n’aime le confort qu’en se confrontant régulièrement aux éléments, au genre de rugosité qu’il fait sienne, lorsque sa vie l’exige. Forgé par des mains calleuses, par des regards exigeants, sculpté par la force d’une discipline chaque jour mise en exergue. Il n’est pas soft. Il redoute les hommes trop aveuglés par leur convoitise, mais fréquenter des monstres, les vrais, le rend plus conciliant avec ceux de son espèce. Jake Hamilton met ses nerfs à rude épreuve, mais il lui offrira tout de même cette sainte patience. Aussi retors qu’un curé de village, aussi sévère qu’un évêque de Rome, mais la ferveur d’un pasteur ferrée au corps. Jake Hamilton, ce membre de paroisse impatient, ce fidèle à mater, cette ouaille à rassurer.

Que me présenterez-vous ?
Colère, passion ou menaces ?
Les trois auront leur réponse.
Si c’est au Malin qu’il fait face, alors Bernanos aurait justement pu noircir de lignes nombre de pages blanches.
Si ce n’est sous le soleil, c’est dans cette nuit éclairée d’ampoules artificielles qu’il se tient près d’un autre Satan.
Comme l’homme d’église s’est égaré dans le brouillard, trouvant sur son chemin le visage du Diable, il affrontera ce qui n’est rien d’autre qu’une énième mise à l’épreuve : celle de sa Foi. Il poursuivra sa route, affrontant sa propre conscience, les conséquences de ses péchés déjà confiés, mais guère encore expiés. Il ne retrouvera la lumière plus maigre mais plus vraie de la lune obscurcie qu’une fois les griffes des démons disparues. Les stigmates marquant son corps et son esprit, il les porterait avec une humilité similaire à celle de son Seigneur, veillant à conserver les relents de fierté immanquables cadenassés au plus loin de lui, gardant sa vanité humaine au plus réduit.

Ce silence n’est pas une insulte.
Ce silence lui permet de rassembler ses forces, de maintenir en place l’armure, de recentrer son attention sur le combat livré qu’il ne surmontera qu’au prix de quelques révélations, sacrifices ou pistes jetées en pâture au sénateur. Et s’il lui est plus aisé de combattre en livrant le tribut du sang aux immortels tués de sa main, il accepte volontiers de se soumettre à une joute dont il n’aurait pu s’échapper. Il le savait déjà, dès le moment où les mots de l’homme face à lui ont brisé ses espoirs de discrétion.

La voix revient, porteuse des mêmes imprécations en sourdine que le Serpent du Premier Livre. Un hochement de tête modeste mais entendu le salue en guise d’approbation, qui n’en est pas vraiment une. Il composera avec les objections opposées. Il ne les craint pas. Même si ce sourire lui glace le sang, tant il n’ose imaginer toutes les horreurs qu’il dissimule. Ces sourires, il se rappelle en avoir compté beaucoup, dans les couloirs du Waverly Falls Center. Sourires égoïstes, orgueilleux, au détour d’une chambre opératoire, d’une manipulation sadique, d’un rapport gonflé d’immondices, de détails graveleux et sordides, extirpés par le scalpel ou la torture mentale, sous les commandements de psychiatres tordus, de chirurgiens ignobles, de médecins comme lui, ayant trahi tous leurs serments d’autrefois. Ces sourires, il ne voulait plus les voir. Même sur les traits de son propre amant, ils lui devenaient insupportables. Il ne se rappelle pas avoir émis ces sourires-là. Il avait pris l’argent, avec cet empressement un peu honteux, se contentant de faire ses heures, d’en connaître le moins possible pour tout ce qui ne concernait pas son rayon, et une fois l’enceinte du centre franchie, se contentait d’effacer de sa mémoire immédiate – réflexe presque inné – tout ce qui aurait pu lui rendre plus compliqué de trouver le sommeil ou de creuser la tombe de son éthique définitivement. Il se trompe peut-être quant au sentiment que lui inspire Hamilton, mais ce dernier se fourre le doigt dans l’œil à son tour, s’il croit pouvoir éveiller sa fibre émotionnelle en le ramenant à son métier de médecin. Car il sait qu’il ne mérite plus d’exercer. Il a perdu le droit de s’offusquer et de réagir en tant que pur soignant depuis deux ans.

La vaste paume qui s’abat sur son épaule est une transgression qu’il ne cautionne qu’à grand-peine. Il en perçoit le poids avec une acuité terriblement dérangeante. Il est récompensé de son stoïcisme par la brièveté du contact, et s’octroie une pause via une expiration ténue, sans le quitter des yeux. Il profite que son interlocuteur lui tourne le dos pour se livrer à une nouvelle observation de sa stature, impressionnante. Son tempérament méthodique et calculateur ne l’empêche pas de reconnaître la beauté et la grandeur là où elles se trouvent. Or, il doit reconnaître qu’en dépit de leur échange d’une gravité rare – si l’on en observe les enjeux dissimulés – , le tableau de Jake Hamilton dans son office superbe, sur fond de tempête à venir, dégage une aura certaine qu’il aurait aimé pouvoir peindre ou photographier. La ligne de ses épaules se dessine à merveille, et la coupe parfaite de son costume taille cette silhouette de colosse à la fois massif et gracile à l’image des statues antiques. Il se demande soudain ce que cela fait, d’être Jake Hamilton. Sasha l’aurait réprimandé, lui reprochant de se laisser aller à penser à des inepties pareilles. Ça ne fait rien. Il a toujours été très différent de son frère aîné. Deux approches radicalement opposées, et il ne s’en est jamais plaint. Toutefois, ce conseil fantôme a au moins le mérite de le ramener sur terre, et c’est presque à regret qu’il s’arrache à cette bulle contemplative. À temps. Il découvre que ses activités de chasse sont elles aussi percées à jour. Le Républicain lui facilite la tâche. En dévoilant peu à peu toute l’étendue de ses connaissances à son sujet, elles lui permettent de mieux concevoir jusqu’où il peut s’avancer, quelles limites ne pas dépasser. Ce constat atténue la peur que lui inspire cette fouille de sa vie privée, dûment protégée. Lentement, la teneur des paroles du sénateur s’altère. Le mépris se voit remplacé par un intérêt réel. Il veut croire en la sincérité de cette fougue soudaine, de ce discours idéologique qu’il comprend, sans adhérer totalement à sa forme et au fond, qu’il devine motivé par d’autres sources que les siennes. Néanmoins, cette posture nouvelle rend plus humaine la bouche de ce businessman sans pitié. Au moins un peu. Il est même stupéfait de distinguer la précision de ses connaissances, et la grandeur de ses ambitions. Folie, songe-t-il. Le magnat ignore dans quoi il s’aventure, et même s’il doit reconnaître que ses premières propositions sont largement séduisantes, même lui envisage la possible faillite de la science toute puissante. Au fil de ses expositions, l’aspect agréable de ses confidences retombe, drastiquement. La folie n’est plus une hypothèse, mais une conviction certaine, quand il ose envisager l’application de ces plans dignes du pire des savants égarés.

Il s’approche, et le docteur n’a pas effectué un seul pas, depuis. Un premier soupir, dont l’intensité égale celle de la scène, résonne en même temps que le verset biblique.

« L’orgueil précède la ruine de l’âme. Et l’esprit s’élève avant la chute. »

Il ne dissimule qu’à peine la pitié qu’il éprouve. En dépit de son habituelle mesure, il ne ressent pas l’envie ni le besoin de tamiser le fond de sa pensée, exprimée librement : « Vous êtes fou. Vous êtes complètement fou. » Ses paupières battent, plusieurs fois, comme s’il commençait enfin à ressentir en plein ventre l’impact de sa détermination. Et s’il réussissait… s’il réussissait… Non. Il se refuse à plonger aussi loin dans la fantasmagorie. Le monde serait si profondément changé, par les délires d’un tel Frankeinstein, qu’il ne peut l’imaginer.

« Vous faites erreur. Vous n’imaginez pas à quel point. » Il le contourne, acceptant difficilement de lui tourner le dos à son tour pour se rapprocher de la baie vitrée, trouvant un certain réconfort dans la vision de cette nature indomptable. « Ce dont vous parlez laisse les projets absurdes et pharaoniques des rois du pétrole qataris inoffensifs en comparaison… Je ne peux pas comprendre qu’un homme aussi intelligent puisse être tombé dans un abîme pareil. » Effaré, effrayé, il poursuit et surtout, corrige ce qu’il considère être une dangereuse inexactitude : « Je ne sais pas comment vous avez fait vos recherches, à mon sujet. Je ne sais pas qui vous a renseigné sur moi. Mais je ne suis pas psychiatre. Mon binôme l’était, lui. J’ai travaillé près d’une décennie à ses côtés, ce qui m’a permis de progresser dans un domaine qui n’est à l’origine pas le mien, mais ce n’est pas ma discipline. Je lisais ses théories, mais je n’en étais pas à l’origine. Tout juste lui servais-je d’objecteur de conscience… Et pour ce que ça a servi… » Il se sent encore responsable de cette errance. S’il avait réagi plus rapidement, peut-être que Carl Weiss aurait compris là où était son erreur, avant de provoquer sa mort, à plus ou moins brève échéance. « Ce qu’il s’est passé devrait servir de leçon à tous ceux qui, comme vous, désirent se jeter à corps perdu dans ce genre d'aberrations. Nous avons été détruits. Par notre propre et prétendue supériorité. Juste pour une banale erreur de sécurité technologique. Tout le savoir, le génie humain, resteront toujours confrontés aux mêmes risques, aux mêmes failles. Et gare à nous, si la contre-attaque n’est pas assez vive… »

Il se retourne, mais son dos reste tout près de la vitre, ne souhaitant pas se rapprocher de lui, sans que la dureté de sa voix n’en soit diminuée : « Ai-je besoin de vous faire la liste de toutes les catastrophes en série, tout ce pourquoi l’humanité pleure encore ses morts et ses territoires perdus, juste pour quelques secondes d’inattention ? Juste parce qu’elle voulait voir ce qu’il se passerait en appuyant sur un bouton de plus ? Pourquoi insister ? Pourquoi ne pas accepter que le monde ne changera pas simplement parce que vous l’avez décidé ? »

« Vous avez raison sur un point. Je suis un homme de terrain. Je me sens effectivement plus à l’aise perdu dans la nuit avec ces créatures comme cibles que là, à devoir converser avec vous, qui n’entendrez jamais mes arguments. Je sais que je parle en vain. Vous ne changerez pas d’objectif, quoi que je dise. Mais laissez-moi au moins vous raconter pourquoi je ne souscrirai jamais à une telle entreprise. » Son poing fermé, cognant doucement le sternum. « Vous avez évoqué ma famille. Nous sommes des hommes de tradition. Nous respectons un code. Un véritable crédo. Nous n’avons pas pour habitude de nous jeter aux trousses du premier vampire ou garou venu. Nous tuons les monstres. Nous tuons ceux qui s’en prennent aux humains par vice, qui tuent et sèment les cadavres depuis les premières tueries originelles jusqu’aux meurtres perpétrés dans les ruelles des mégalopoles d’aujourd’hui. Nous répondons aux appels à l’aide de nos frères et sœurs saignés par leur cruauté et leur faim. Nous ciblons nos proies. Nous sommes des soldats de Dieu, mais il n’a jamais été question de génocide. » Les mots de son père, prégnants. La sagesse des anciens, s’écoulant par ses lèvres et ses chuchotements apaisants, tard le soir, au moment de coucher ses garçons, de leur proférer les dernières prières, promesses et préceptes.

« Je suis un fils d’Abraham. Comme il n’a jamais été question d’éradiquer chaque émanation démoniaque sur cette terre, jamais vous ne pourrez éradiquer toutes les créatures surnaturelles qui marchent parmi les hommes. Si vous vous entêtez, c’est un sort pire que la mort qui vous sera réservé. Vous n’y arriverez pas, monsieur Hamilton. » Il n’y a pas de colère. Au contraire, il s’agit presque là d’un avertissement destiné à le protéger, lui, cet inconnu maudit venu briser son semblant de quiétude. « Je vous soutiendrai toujours dans la démarche de limiter les droits de certaines races issues du surnaturel, et de privilégier les mœurs humaines, pour protéger nos concitoyens. Mais je ne pourrai vous apporter davantage. » Il reprend son souffle, affolé de découvrir une partie seulement de ce qui se trame, dans les cerveaux des nantis. Lui, un défenseur des vampires et autres forces de la nature ? L’ironie est mordante. Il ne se serait jamais attendu à devoir tenir une telle posture philosophique. « Il n’y a pas de prolifération. Nous vivons une époque troublée par la Révélation. Elle a rebattu les cartes, et il faudra plusieurs décennies pour qu’un nouvel équilibre soit trouvé, pour que l’affolement et l’excitation retombent. Ce qu’il s’est passé il y a moins d’un an le prouve. Toutefois, répondre à la destruction par la destruction n’a jamais servi les intérêts de quiconque. La force que vous invoquez se retournera contre vous. Elle vous arrachera tout ce dont vous êtes maître aujourd’hui. C’est l’Histoire qui nous l’a appris, et je serais étonné que vous n’ayez jamais envisagé les retombées d’un tel échec. »

Une profonde tristesse s’ancre à ses pieds. La certitude d’assister aux prémisses d’une dégringolade fatale au politicien. Elle rend le constat douloureux plus pénible encore à supporter. « Vous avez tort de croire que les Calloway sont une exception dans notre monde. Chaque jour, des familles de chasseurs s’élèvent contre l’infamie, combattent et tuent les erreurs de la nature cherchant à nous pousser trop loin dans nos retranchements. Ils rétablissent le fil de la balance, luttent pour limiter la propagation du Mal tel que nous le définissons. Des réseaux entiers existent, partout. Aux États-Unis, mais également en Europe et, j’en suis certain, bien au-delà, sur chaque continent. Nos ambitions sont modestes, à la hauteur de nos capacités. Comme une chaîne alimentaire, comme certains prédateurs se doivent de réguler les populations dont ils se nourrissent, nous prenons les armes, et nous faisons notre devoir. Certains des nôtres, comme instruits par la voix divine elle-même, sans oublier que rien n’existe sans qu’Il ne l’ait conçu, ni accepté. Si les pires abominations existent sous l’égide de Dieu, alors comment nous, simples créatures façonnés par lui pourrions-nous nous prétendre supérieurs et décider à Sa place de ce qui doit être ou non ? » Son timbre, gonflé et porté par l’acoustique de la pièce, emporté par un prêche aussi rare que spontané, venant de sa part. Et plus il ramenait l’Éternel en son sein, plus il sentait les sèmes vibrer, son courage lui revenir, la certitude qu’Hamilton se verrait crucifié pour ne pas avoir su s’en tenir au raisonnable. « Je doute que vous croyiez en Dieu comme je crois en Lui. Mais vous m’avez posé la question. Et ceci est ma réponse. Il est la seule voie que j’ai toujours suivie, et que nous suivrons toujours. »

L’orage au loin, gronde. Se rappelle aux deux hommes, discutant de l’avenir du monde, tandis que la pluie se fait plus forte, commençant à frapper le verre avec plus d’agressivité. « Le sacrifice que vous êtes prêt à faire… il n’en vaut pas la peine. J’entends votre colère, et je reconnais la force de votre conviction, mais je ne peux décemment pas embrayer sur votre proposition. Je me trahirais moi-même, ainsi que les miens, bien sûr. »

Il frotte un instant son menton, rendu nerveux, mais toujours en contrôle. « Vous sous-estimez la puissance des êtres que vous affrontez. La magie dont vous parlez, notamment… vous l’avez dit vous-même. Les prouesses que les arcanistes déploient, leur façon de réorganiser la matière, de déclencher des prodiges… Mon frère pourrait aisément vous en parler. » Même s’il préfèrerait se couper la langue que de laisser Miles entre les pattes de Jake Hamilton. Il martèle de nouveau. « Vous n’y arriverez pas. Abandonnez. Ne vous entêtez pas, ou vous affronterez une ruine bien pire que celle de votre compte en banque. » Il connaît la cruauté de certains sorciers. S’estimant presqu’inculte en la matière à côté de son cadet, certains récits avaient réussi à le terrifier, le marquant pendant plusieurs jours consécutifs. Il n’avait jamais aussi bien dormi, mangé, vécu après cela, de la même manière.

« Les armes à grande échelle… nous savons tous quels désastres elles induisent. Je ne peux pas, monsieur. Non pas pour vous défier, ni pour m’opposer à vous. Mais je ne peux pas vous aider. » Il humecte ses lèvres trop sèches pour espérer conclure : « Le WFC… tous leurs objets d’étude sont souillés. Je me suis sali à jamais, en y plongeant les mains. Touchez à leurs conclusions brouillonnes, et vous serez contaminé à votre tour. Je refuse de croire qu’un homme comme vous soit aveugle au point d’éluder tout sens moral, un tant soit peu. Qu’avez-vous subi dans votre existence passée qui vous pousse ainsi à courir contre des vents pareils ? » La question est sincère. « Je n’ai pas la prétention de marcher au côté de géants comme vous. Je préfère que l’Histoire m’oublie. Mais Elle ne vous oubliera pas, vous, si vous persistez dans ce delirium qui vous mènera à votre Apocalypse personnelle. On se rappellera de votre nom. Mais pas comme vous le souhaitez. L’on parlera de Jake Hamilton comme l’homme fou qui crut un jour pouvoir défier les forces de Dieu et de la Nature mêlées. Toute votre énergie, tout votre courage, tout ce que vous aurez déployé afin de parvenir à vos fins, auront été anéantis pour rien. »

Il ne se veut guère prophète. Pourtant, il tremble presque en déclamant enfin : « Abandonnez. Abandonnez, avant qu’il ne soit trop tard. Vous courez à votre perte. Et cela me terrifie pour vous. »

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Last man standing

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Anonymous
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Sam 2 Avr - 23:23 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

Toutes les cartes abattues jusque-là semblent avoir été vaines. Le docteur Calloway m’échappe obstinément, conservant une solide position défensive. Mes tentatives pour le déstabiliser, subtilement pour l’instant, se sont soldées par un échec. Il résiste, se redresse, paré à contrer ma prochaine joute verbale. Il me donne l’impression d’être ce genre d’homme qui prend toute sa mesure dans les situations complexes, bien qu’il soit visiblement trop ancré dans ses propres croyances limitantes. Je ne relève chez lui aucun signe trahissant un quelconque malaise. Il n’évite pas le contact visuel, ne se racle pas la gorge, ne triture pas d’objet compulsivement. Pas de colère, pas de parole inutile pour combler le vide, pas de rire faux ou nerveux non plus - si tant est que cet homme soit capable de sourire… Le seul détail que l’on pourrait tenter d’analyser est ce regard qu’il dirige trop souvent vers les larges fenêtres, trahissant son impatience ou son envie latente d’être ailleurs - sentiment bien compréhensible, au demeurant. Rien de réellement exploitable pour l’instant.

C’est la carte des confidences qui aura finalement raison de son mutisme et de sa froide réserve. Je savais qu’évoquer les trois premiers axes de mon plan d’action ne saurait le laisser indifférent. Comment pourrait-il rester de marbre face à ces aveux ? Aborder le sujet des recherches me galvanise, effaçant momentanément fatigue et contrariétés. Sans en avoir pleinement conscience, toute mon attitude s’en est trouvée modifiée. Mon visage s’est ouvert, et ma voix laisse transparaître une passion et une fougue indéniables. J’ai ça dans la peau, jusqu’au plus profond de mes tripes. Je crois en mon projet, et me donne les moyens de mes ambitions. Je pourrais en parler pendant des heures, élaborer de nouvelles hypothèses, jusqu’à me perdre dans des abstractions et des théories conceptuelles ou visionnaires. Il a fallu réprimer ma fibre scientifique pour reprendre des positions politiques plus pragmatiques. Bien sûr, mon résumé manque cruellement de nuances. En vocalisant mes ambitions de manière si simpliste, j’en perds un peu de leur essence, et l’idée première s’en trouve désagréablement distordue. Ce n’est qu’une fois les mots lâchés à sa face d’huitre que j’en relève les failles. La précipitation n’a jamais été de bon conseil, j’en ai conscience. Toutefois, il comprendra sans difficulté que je viens de lui dévoiler un secret bien gardé, et lui témoigne une confiance indéniable. Je m’ouvre à lui, en l’invitant indirectement à en faire de même.

Sa première réaction n’est pas nécessairement celle que j’attendais, mais elle n’est guère surprenante. Il me traite de fou, probablement au sens psychiatrique du terme. Avec un léger sourire amusé au coin des lèvres, je reçois pourtant l’adjectif comme un compliment. Les précurseurs, les génies qui ont marqué l’humanité, à l’instar d’ Albert Einstein, Isaac Newton ou Thomas Edison, ont eux aussi été traités de fous en leurs temps. Être fou, c’est refuser de voir le monde à travers le prisme de la société. C’est voir autrement, dépasser les frontières du monde connu. Il est question d’insoumission à l’ordre établi. Steve Jobs disait assez justement : “Ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde sont ceux qui le changent vraiment.” Oui, je suis fou, et je le revendique.

J’ai voulu qu’il parle, le flot de mots qu’il lâche va même au-delà de mes espérances. C’est déjà une petite victoire. J’emmagasine ses propos et arguments avec un réel intérêt, sans jamais avoir l’impolitesse d’interférer. Chaque phrase prononcée est riche d’informations potentiellement utiles. Avec les années, et afin de compenser mon manque d’empathie naturelle, j’ai appris à pratiquer consciencieusement l’écoute active, tout en décryptant le langage non verbal de mon interlocuteur. Mon analyse est d’autant plus précise, qu’elle est dénuée d’affect. Le procédé est mécanique et redoutablement efficace.

Il rompt le contact visuel puis se détourne pour se rapprocher de la large baie vitrée. Son retrait soudain est le signe d’une fermeture, d’une idée qu’il rejette et dont il se protège instinctivement. Mon discours l’a visiblement ébranlé, ses mots viennent aussitôt le confirmer sans un soupçon de doute. La vision apocalyptique qu’il dépeint me semble à mille lieues du programme que j’ai présenté un peu plus tôt. Manifestement, l’image négative qu’il a de moi influence son jugement de manière néfaste. Je reconnais également ma part de responsabilité dans cette interprétation erronée. Dans la simplification à outrance de mon projet, j’ai omis de justifier le contexte général et le périmètre d’application des différents axes de travail, notamment au niveau des armes biologiques de destruction massive. Je conçois qu’en l’état, sans précision complémentaire, il ait pu diaboliser cette information. Toutefois, ses raccourcis manquent de finesse. J’aurais apprécié qu’il prenne un peu de hauteur, pour ne pas se laisser emporter par les flots déferlants de toutes ses craintes.

Après quelques éclaircissements intéressants concernant son passé au WFC, rectifiant soigneusement certaines de mes déductions, pas si éloignées de la vérité en fin de compte, il daigne enfin se retourner vers moi, paré à livrer une nouvelle bataille. Sa voix s’est durcie, sans pour autant que les traits de son visage ne témoignent d’une franche hostilité. Mon regard acéré observe chacun de ses traits avec intérêt, probablement mêlé d’une pointe de jalousie et d’admiration. Il y a quelque chose de guerrier en lui, assorti à une sorte de noblesse un peu désuète. Il me fait penser au paladin des temps anciens qui part en croisade, ou au chevalier blanc solitaire porté par une foi inébranlable. Il fouille dans la nuance, ne s’enferme pas dans une vision manichéenne du monde, se pose en défenseur du faible et de l’opprimé. Il vit dans l’illusion de détenir la vérité universelle. SA vérité. Vérité forcément arbitraire. Mes idées l’ont bousculé, et il ressent la mission de me persuader psychologiquement, de m’influencer pour que je suive sagement la voie que LUI trouve juste. Il confond la vérité avec ses croyances, qui relèvent uniquement de ses expériences subjectives, rehaussées par ses désirs personnels, son éducation et ses valeurs. Il cible les échecs du passé, pour me reprocher de vouloir faire bouger les choses, mais aussi justifier sa position attentiste misérable et lâche. Il est tellement plus simple d’attendre que le monde gère seul ses verrues diaboliques… Le docteur Calloway vit dans un microcosme hermétique qui l’empêche de s’élever, et de saisir les plans plus larges qui l’entourent.

Il parle de sa famille avec émotion et fierté filiale. Par extension, il s’associe à toute la communauté des chasseurs. Il m’en décrit les mécanismes, comme s’ils avaient été pensés par Dieu lui-même. J’en déduis qu’il n’a jamais remis ces principes en question. Et pourtant, je pourrais aisément lui prouver que cette manière d’opérer est contre-productive, à certains égards. Selon mon propre avis, ils contribuent à la prolifération de ces erreurs génétiques. A force d’agir dans le feutré, de cacher au monde les atrocités commises par ces créatures diaboliques, ils ne font que renforcer leur domination. Gerard Schaefer et Ted Bundy feraient office de petits chiots en comparaison de certains vampires, qui comptent leurs victimes par dizaines de milliers. Et pourtant, leurs méfaits échappent encore à la justice humaine, et à l’opinion publique. Bientôt, la masse acclamera la chair rance comme des héros. L’abomination de leur nature (morte) doit impérativement apparaître à la face du monde.

Je m’efforce de ne pas lever les yeux au ciel lorsqu’il emploie le terme de "génocide". Considère-t-il réellement le retour aux cendres de créatures déjà mortes comme un "génocide" ? Il veut marquer son opposition, et se lâche sur le vocabulaire. Pire, il enchaîne avec des propos qui frisent dangereusement le blasphématoire, stipulant que ces créatures diaboliques ont été "façonnées par Dieu". Je reste un instant interdit et perplexe. Personnellement, je crois en un monde de dualités. La lumière et l’ombre. La paix et la guerre. Le feu et la glace. La vie et la mort. Dieu et le Diable. Personne ne me fera admettre que les vampires sont tolérés par Dieu, et encore moins qu’ils ont été façonnés par Lui, alors qu’aucun n’est foutu de pénétrer dans une église ou un triangle de foi. Ils sont MORTS, et refusent d’obéir au cycle naturel des choses. Je l’observe encore, glissant sur lui un regard légèrement contrarié puis finis par admettre que je suis déçu. J’ai espéré un instant, peut-être un peu naïvement, que derrière le chasseur se cachait forcément un combattant féroce et pugnace. En l’occurrence, l’huître brille surtout par sa mollesse.

Malgré mon désappointement évident, je continue de lui prêter oreille attentive, en reprenant une attitude avenante, bien que factice. Le tonnerre gronde au loin, et sonne comme la confirmation de l’ineptie des propos tenus par le médecin. Je décide de ne pas relever, de ne pas le mettre face à ses propres contradictions. Je l’écoute avec une étrange bienveillance, à moins qu’il ne s’agisse seulement de lassitude. Il se pose en juge, m’afflige de cette longue liste d’erreurs que j’ai commises et dont je n’avais même pas conscience. Dans son discours, j’ai l’impression d’être dépeint comme un mélange entre Adolf Hitler, Joseph Staline et Mao Zedong, dans ma volonté d’extermination abusive et cruelle de minorités "innocentes". Je trouve cela étrangement flatteur, je ne me souvenais pas que mon pouvoir avait atteint un tel niveau. Bien sûr, je dispose d’un réseau influent et puissant, qui compte entre autres le président des Etats-Uni, et autres hauts dignitaires, mais c’est encore bien insuffisant pour mener une vendetta personnelle à grande échelle. Ou alors m’imagine-t-il suffisamment stupide et allumé pour mener une guerre tout seul, contre des forces surnaturelles qui me dépassent largement ? Effectivement, dans cette configuration, mes chances de réussite sont proches du néant. Je ne comprends pas réellement ce qui se trame dans sa tête, ni les histoires qu’il se raconte à mon propos. A croire qu’il a enregistré mes ambitions à très long terme comme une réalité imminente…

Son discours est également ponctué d’innombrables mises en garde. Je ne sais pas si sa volonté de me protéger est sincère, et honnêtement, j’en doute. Il me méprise trop pour cela. Derrière son inquiétude quant à ma sécurité, c’est la peur qui suinte. Sa crainte d’un "génocide" est évidente, tout comme celle de voir renaître un centre de recherches comme le WFC. Il y a côtoyé la cruauté et la douleur des expérimentations pendant des années, et en ressent encore aujourd’hui le poids traumatique. Son lexique l’atteste littéralement. Il revient vers moi, cherche à cerner les motivations personnelles à tendance mégalomane qui se cachent derrière un tel projet, puis il sonne le glas, la condamnation : ma mort imminente, assortie d’une empreinte néfaste dans l’Histoire. Rien que ça.

Derrière son discours passionné, je perçois son inquiétude. Après quelques secondes de latence destinées à vérifier qu’il en a bien terminé, je reprends, d’une voix qui se veut calme et rassurante.
«- Nous vivons dans un monde de divertissement à outrance, dans lequel Alexander Fleming, l’éminent médecin et biologiste qui a découvert la pénicilline, est largement moins célèbre que Kim Kardashian. Dans l’esprit des masses, deux cents millions de vies sauvées ont moins d’intérêt qu’une paire de seins et de fesses siliconés. Les scientifiques, même les plus grands, n’obtiendront jamais les honneurs ni la reconnaissance qu’ils méritent. Et pourtant, bien que leur nom s’efface dans la conscience populaire, leurs inventions et découvertes ont eu le pouvoir de bousculer le monde connu. Je ne suis pas chef d’état, ni chef de guerre, mon nom n’est pas voué à marquer l’Histoire. Comme vous, mon ambition est de "sauver des vies". La seule différence, c’est que j’espère le faire à plus grande échelle.»
Des vies, pas des morts. La nuance est importante.

Le tonnerre gronde plus fort. L’orage se rapproche. Au dehors, une pluie lourde s’abat sur le paysage grisâtre. Je baisse la tête, marque un temps d’arrêt pour organiser la montagne d’idées qui grouillent dans mon esprit, puis relève la tête en le regardant droit dans les yeux.
«-Une guerre se prépare.»
Je lui laisse le temps de digérer cette information capitale. Est-il possible qu’il n’ait pas su lire les signes ?
«- Quand ce moment terrible viendra, j’espère seulement que nous serons prêts. Je travaille pour que nous ayons le pouvoir de défendre nos libertés, notre dignité, nos vies et celles de nos enfants. Il n’a jamais été question de lancer les hostilités. Je n’en ai ni le pouvoir, ni les moyens.»
Pas encore, tout du moins.
«- Vous avez souligné tout à l’heure les événements tragiques d’Halloween 2019.»
Je me pince la joue à l’évocation de ce souvenir désagréable. Je me remémore encore avec une certaine émotion de cette sensation d’impuissance face aux dégâts et au nombre hallucinant de victimes.
«- Ce jour-là, je me suis trouvé devant une évidence profondément gênante : nous n’étions pas prêts.»
J’étais démuni, absolument pas préparé à gérer une catastrophe d’une telle ampleur. Une catastrophe que je ne comprenais pas, et qui m’échappe encore aujourd’hui. J’ai écorné mon image, par devoir, pour apaiser une situation explosive. J’ai menti. J’ai caché la vérité à ceux qui croyaient en moi. Pourtant, c’était une occasion rêvée pour lancer une chasse aux arcanistes. Je ne l’ai pas saisie. J’ai aidé à élaborer cette explication douteuse, cette “tornade destructrice”. Dans l’urgence, il fallait à tout prix éviter les mouvements de foule. La tension était à son comble, et il aurait suffi d’un rien pour que tout explose. La peur est capable de générer une violence terrible et incontrôlable. Il était de mon devoir de les rassurer. Rationaliser. Le mensonge était également destiné à débloquer rapidement des aides gouvernementales, dans les cas de “catastrophes naturelles”, afin de dédommager les victimes et les familles des victimes au plus vite, et financer la reconstruction. Avec le recul, je me dis que j’aurais pu faire mieux.

«- Combien de vies aurions-nous pu sauver, avec une meilleure connaissance des phénomènes déployés ce jour-là?»
Toute situation de crise est facteur d’évolution. Cet épisode tragique m’aura au moins offert quelques nouvelles pistes d’exploration. Sur site, et malgré le retard qui les rend peut-être inexploitables, j’ai fait exécuter des relevés et enregistrements de fronts d’onde, afin de réaliser des décompositions spectrales, et déterminer si oui ou non, nous étions en présence de phénomènes surnaturels. La réponse n’est pas si évidente, mais je dirais que oui. Cela reste à approfondir. J’ai émis l’hypothèse que ces ondes possédaient des marqueurs spécifiques, reconnaissables, permettant d’identifier le type de magie employée, et peut-être même son auteur. Ainsi, un recoupement de données aurait pu déterminer les forces en présence, un peu à la manière de l’ADN. Malheureusement, je ne possède pas les échantillons nécessaires pour lancer une étude de si large envergure, ni d’enregistreur de fronts d’ondes suffisamment précis et efficaces, ni même de supercalculateurs exaflopiques capables de générer une telle puissance, en alliant haute performance d’analyse et intelligence artificielle. Jusqu’à maintenant, aucune preuve irréfutable n’est venue étayer mes hypothèses. Les investissements sont temporairement bloqués, faute d’éléments solides. Je ne peux me permettre de trop m’éparpiller. Peut-être fais-je fausse route, tout simplement. Qui, comment, pourquoi sont des questions auxquelles je n’ai toujours pas trouvé de réponses.
«- Le temps joue contre nous. Pour l’avoir expérimenté personnellement, vous connaissez la lenteur des processus en matière de recherche. Combien de milliers d’heures passées à examiner, à fouiller, à recouper, parfois seulement pour invalider des hypothèses ? Vous avez entre les mains les moyens de nous épargner des années de travail, et par extension, les moyens de sauver des vies. Vous pouvez faire la toute la différence.»

Je prends une longue inspiration, hésite un court instant.
«- J’ai besoin de votre aide, Monsieur Calloway.»
Demander de l’aide pique mon égo, et me met en situation de faiblesse. Instantanément, ma voix s’est faite moins assurée. Ce n’est pas dans mes habitudes, et ma gorge semble s’irriter sous le poids des mots. Pourtant, j’ai choisi de prioriser mon objectif, qui dépasse largement les frontières de mon amour-propre. Doc n’est pas le genre d’homme à se laisser corrompre, alors je décide de jouer sur la seule corde sensible que j’ai pu déceler depuis le début de l’entretien : son besoin de se racheter en conscience et son envie de “sauver des vies”…

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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
Ian C. Calloway
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"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

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Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
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Ven 13 Mai - 1:40 (#)


Sharks don't sleep
C’est le goût de l’échec qui se répand sur sa langue.
Il ne parviendra pas à convaincre Jake Hamilton. Il le savait déjà, avant même d’ouvrir la bouche. Mais le constat reste amer.
Depuis combien de temps, depuis la dernière avancée victorieuse ? Depuis combien de temps, ce sentiment jouissif d’arracher à un ennemi, à un perturbateur, un succès retentissant capable de rendre un peu de lumière à son existence ?

Il commence à se fatiguer.
Il ne supporte plus le monde qui l’entoure. Le sénateur a raison : Ian Calloway puise nombre de ses raisonnements, de ses inflexions et de ses valeurs dans une époque fanée, détruite. Il n’est plus sûr de comprendre son époque. Il n’est pas sûr de l’avoir jamais comprise. À dix ans, à vingt ans, à trente… systématiquement, chaque nouvelle décennie ouverte ne lui a jamais apporté que les mêmes questions, enrichies de l’expérience, de ses piques acerbes, d’un cynisme de famille. La logique de ce système de pensées ne s’inversera pas. On ne retourne pas en arrière. L’étendue du massacre à venir le hante et l’assassine lentement, bien plus sûrement que des cellules cancéreuses. Né dans une époque florissante, le déclin ne cesse de progresser, recouvrant de son ombre les villes américaines, européennes, jusqu’à l’ensemble de l’Occident. Les projets sociétaux et scientifiques ne lui apparaissent plus que comme autant de rêves pétris par des savants fous ou des propagandistes acharnés. Les hommes de bien et de raison ont commencé à disparaître. Bientôt, ce sera son tour. Génération extinction, vouée à mourir rapidement, corps, âme, et esprit. Quelque part, malgré la mélancolie incommensurable qui le frappe, une part d’euphorie perdure. Une pensée infecte : il est heureux de savoir qu’il n’aura peut-être plus encore longtemps à assister à cette déliquescence.
L’averse dehors n’épargne plus rien ni personne. La nuit noyée n’offre plus qu’un spectacle d’une désolation étonnante, qui trouve toutefois toujours l’écho d’un réconfort, dans sa poitrine.

« Oui, vous avez besoin d’aide. Mais pas de la mienne, de toute évidence. » Sa voix s’est faite rauque, empreinte de cette lassitude pesante, lui donnant envie de faire demi-tour, de repartir par là d’où il est venu. Rouler vers Western Hill, remettre ses œillères, et tâcher d’oublier l’échange ubuesque qui vient d’avoir lieu. « Vous me convoquez, ici. Vous… choisissez cette date précise, pour m’étaler sous les yeux les premiers fruits de vos recherches, et tous vos désirs encore en suspens. Vous prenez par-dessus la jambe mes avertissements. » Lorsqu’il redresse la tête, la façon dont il le dévisage a changé. À l’incompréhension se joint une sorte de stupéfaction à peine révoltée. Comment oses-tu, espèce de connard ? « Pourquoi avez-vous tant besoin de moi ? Tout a brûlé. Tout est parti en fumée. Je n’ai… rien à vous proposer autre que mon expérience personnelle en matière de chasse vampirique. Rien de plus. Je n’ai pas ma place dans vos laboratoires, et je ne dispose certainement pas de la capacité intellectuelle qu’exigent vos études. Alors pourquoi vous donner tant de mal ? » Ses mains s’écartent, paumes vers le ciel. « Je n’ai rien à vous donner. Je n’ai rien à vous offrir. De fait, vous avez une bien étrange manière de chercher à vous arroger un soutien dans ce genre-là. » Il commence à se sentir bouillonner à l’intérieur. La colère revient, encore invisible sous la surface, mais le Doc, lui, en perçoit déjà la masse sournoise qui s’élève. « J’ai vu mes collègues mourir, cette nuit-là. Non, même pas mourir. Crever. Avez-vous déjà assisté à ça, Monsieur Hamilton ? » Il se rapproche, s’extrait de sa gangue d’immobilisme pour retrouver une distance plus conventionnelle avec son interlocuteur. Il se fiche bien de la contamination risquée ; il n’est plus à ça près. Il cherche par ailleurs moins à le provoquer qu’à le ramener à un semblant de bon sens. « Avez-vous souvent entendu le gasp d’un mourant ? Oh, je suis sûr que le récit vous plairait. Si je vous énonçais tous les corps, les cadavres, le résultat d’autopsies pratiquées à l’œil nu qui n’ont bien évidemment jamais été ordonnées. Pas besoin. Certains crimes parlent d’eux-mêmes. Et eux… eux, vous donneraient plus d’aplomb, encore. Vous vous en serviriez pour m’inciter à rentrer dans votre rang. Ils vous convaincraient de l’utilité de votre grand programme pour exploiter chimiquement les faiblesses du monde surnaturel. Vous m’excuserez donc de vous épargner une narration superflue. Vos armes sont déjà bien affutées : de nouvelles non plus, vous n’avez pas besoin. » Crispation de la mâchoire. « Vous trouvez ça amusant ? De me rappeler à cette date d’anniversaire sordide ? »

Il ne les respectait pas tous.
Il ne les appréciait pas tous.
Pour beaucoup, ils n’étaient rien d’autre qu’une foule d’inconnus en blouse blanche. Et pourtant… En y réfléchissant un peu, juste un peu, une foule de détails lui reviennent aisément en mémoire. Les mines joviales de quelques gardes à l’entrée, discutant du dernier week-end, du prochain match à D.C.. Les bureaux d’accueil en charge de l’administratif, et dont le personnel au sourire impeccable rivalisait de professionnalisme avec les plus grandes firmes spécialisées en matière de réception de public. Les agents d’entretien, presque invisibles, courbant l’échine avec une déférence gênante, lorsqu’on les surprenait en train de terminer de balayer une salle à toute vitesse, de vider les poubelles des bureaux, de passer la serpillère dans les chiottes impeccables. Les patients humains. Tous ceux qui s’étaient retrouvés là, à défaut de pouvoir se payer des soins décents. Les sans-familles, les délaissés, les condamnés. Certains étaient agréables. Certains étaient adorables. Tous, restaient touchants. Qu’il s’agisse des plus calmes, cantonnés à leurs chambres partagées, ou des excités confinés dans les cellules de « la prison », il se rappelait encore d’une ribambelle d’hommes au regard tantôt doux, tantôt perdu, parfois absent. Et puis, il y avait toujours la poignée d’indétrônables, ceux qui le laisseraient marqués jusqu’à son dernier souffle.

Samuel.

« J’ai tourné la page. Ce n’est plus ma vie. J’ai payé trop cher ces dix ans passés à l’intérieur de ce temple à la Mengele. Je refuse de retourner dans cet engrenage. Je ne suis peut-être pas un philanthrope comme vous, mais ça me convient parfaitement, à moi. Je saurai rester à ma place. Je sais quand il faut arrêter les frais. Pour moi, c’était il y a précisément deux ans. Jour pour jour. » Il se détourne le temps de récupérer le verre d’eau précédemment servi. Il manque de froncer le nez, trouvant ridicule de payer une eau aussi chère, au même titre que de la boire dans une coupe en cristal. Il le vide en deux gorgées, brièvement soulagé. « Si vous aviez vu la même chose que moi, je ne suis pas sûr que vous vous entêteriez de cette façon… ou peut-être que si, finalement. Et cela me terrifie. » Le pied du contenant retrouve sa place, et le chasseur glisse une main dans ses cheveux blonds, luttant contre une bouffée d’angoisse, tout le sentiment de rejet qui le tenaille, qui l’incite au fond de lui à quitter les locaux le plus rapidement possible. « Je ne compte pas me creuser la cervelle à faire des hypothèses, à courir après des « Et si… ». Je ne sais pas combien de vies nous aurions pu sauver. Peut-être beaucoup. Peut-être aucune. Personne ne pourra jamais le savoir. Alors à quoi bon ? » Verrouillant sa pose, ses paumes finissent par retrouver leur place dans les poches de son pantalon, offrant presque la vision de son profil au sénateur. Il fixe ce foutu plancher à la couleur soigneusement choisie, comme l’ensemble du mobilier de cet office, dans lequel il étouffe. « Vous savez quel genre de politicards adore le genre de saillies comme celles que vous venez de m’offrir ? » Les billes céruléennes retrouvent les siennes. Un sourire presque narquois également. « J’étais là. J’étais là, à New York, quelques jours seulement après le 11 septembre 2001. J’étais là pour soutenir mon frère de service, ce matin-là. Je me rappelle encore de Georges W. Bush, bouffi de ses putains de discours à la con sur la guerre à venir. C’est marrant. Tout à l’heure, vous avez déjà employé les mêmes mots que lui. Je serai avec vous ou contre vous, c’est cela ? We’ll make no distinctions… ». Il se mordit la lèvre inférieure l’espace d’une seconde, la rancœur encore collée aux viscères. « Vingt ans plus tard, et malgré les promesses de soins, de dons de la part du gouvernement américain, tous les hommes et femmes ayant œuvré sur le terrain sans masques, à fouiller dans les décombres et à respirer toute la merde en suspension dans l’air, sont en train de crever la gueule ouverte. »  

Bande de salopards. Tous autant qu’ils sont. Les hommes gainés de leur costume hors de prix, le micro toujours au bord des lèvres, les sourires savamment étudiés… « J’ai déjà prêté le flanc trop souvent au jeu des discours et des promesses, Monsieur Hamilton. Malheureusement, j’ai passé l’âge de croire aux balivernes. Une guerre se prépare ? Parfait. Je continuerai de mener la mienne en sourdine, et j’espère assister le plus tard possible à une nouvelle débâcle, tout en comprenant déjà que si cette fameuse guerre éclate, elle aura été préparée, planifiée puis perpétrée par des hommes dans votre genre. Rien d’autre. Alors continuez de marcher sur la voie des Enfers pavés de vos si louables intentions. Moi, je n’ai pas votre grandeur d’âme, monsieur. Moi, je ne compte pas m’ériger comme sauveur de notre humanité décadente. Je continuerai de faire ce que je sais faire de mieux, et je ne pourrai que vous souhaiter bonne chance dans votre entreprise faramineuse. »

Vas-y. Continue de me servir la complainte de la riposte nécessaire. Ça ne marche pas.

« Oh, et puis vous savez quoi ? Vous me rendez curieux. De quelle guerre parlez-vous ? Entre qui et qui ? » Une moue circonspecte passe, le temps d’un soupir. « Toutes les créatures surnaturelles s’allieraient contre le genre humain ? Ou bien pensez-vous à une race en particulier ? Sur quoi s’appuient vos convictions, pour croire qu’Halloween 2019 ne sera pas juste un phénomène isolé ? »

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Last man standing

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Anonymous
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Sam 21 Mai - 23:37 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton

La pluie lourde et grise frappe contre les baies vitrées, mais ce déferlement des cieux semble soudainement moins intense que cette vague de mépris que doc me balance en pleine figure. Il y va fort, le bougre, à gros renfort de comparaisons inappropriées, et d’insultes à peine voilées. L'huître vient de péter sa perle. Ses bulles de rage malodorante explosent une à une, presque mélodiquement. Un peu plus, et ça fait de la musique. J’ai osé afficher une faiblesse, alors il s'imagine en situation de toute-puissance. Je me demande s’il jubile intérieurement de mépriser si ouvertement un sénateur, et toute la branche politique à travers moi, et ce, impunément. Son égo doit gonfler comme un poisson-globe. Ça fait du bien, doc? Ça t'excite? L’huître vient d’être avalée par la marée, et dérive loin de mes filets. Très loin. Je le regarde s’éloigner, avec le vague désir qu’il se noie dans les déferlantes. Malgré les propos faussement bienveillants et soucieux de mon avenir qu’il a tenu plus tôt, je sens dans son discours transpirer une franche hostilité, une volonté de faire mal et d'humilier. Son venin coule sur moi sans réellement m’offenser. Ses dernières questions, dissimulées derrière une fausse curiosité, témoignent de ses intentions de porter mes projets au ridicule. Y répondre ne servirait pas la discussion, bien au contraire. L’huître est parée à livrer bataille, même si c’est vil.

En temps normal, j’aurais salué sa verve avec un sourire amusé et relancé avec une nouvelle joute verbale, en prenant plaisir à déconstruire minutieusement son argumentaire. Mais pas cette fois. Toute mon attitude a changé. Le masque jovial s’est effacé, laissant apparaître une image plus neutre, dont la lassitude et la fatigue sont à peine voilées. Mon teint a blêmi. Oui, il a réussi à m’ébranler. La coquille du mollusque est coupante, finalement. Blessure imprévue et stupide. Un peu décontenancé, je retourne m’assoir sur mon fauteuil en cuir, transformant le bureau en frontière informelle entre moi et le spécimen hostile. Il me faut un peu de temps pour digérer l’information. Ses nouvelles révélations sur le WFC sonnent comme une violente gifle à laquelle je n’étais pas préparé.

Tout a brûlé.

Je prie intérieurement pour qu’il ne s’agisse que d’un mensonge, ou d’une simple figure de style. Je ne veux pas croire qu’il ne reste rien, que tout est parti en fumée. Est-ce seulement possible? Non, il ment. Les résultats de ces expériences sont forcément stockés quelque part. Ne déconnes, pas, doc, j’ai besoin de cet espoir pour subsister. Pour la première fois depuis quinze ans, la branche Exxa de Louisiane est déficitaire, et ne peut plus compenser à elle seule les dépenses engendrées par mon laboratoire clandestin. Les brevets juteux obtenus grâce aux recherches qui y sont menées ne génèrent plus suffisamment de liquidités, et je vais devoir injecter des capitaux propres pour tenir la structure à flots. Les perspectives à six mois et à un an ne pronostiquent pas un redressement significatif de la courbe. Même si j’obtiens l’autorisation de commercialisation du Cicaxxederm, les revenus ne suffiraient pas à combler le gouffre financier, à cause des difficultés de production maintes fois évoquées. En plus de passer officiellement pour un gestionnaire minable, je vais devoir entamer ma fortune personnelle, en pure perte, et laisser mon nom sur la liste des investisseurs minables. Je donnerai raison à tous ceux qui n’ont jamais cru en moi. Et puis merde, qu’ils aillent tous se faire foutre!!! Contrarié, mes sourcils se froncent imperceptiblement. Alors pourquoi est-ce que je m’obstine? Mon père m’a lâché, mon directeur de recherche s’est suicidé. Je reste seul pour tenir la barque. La solitude a toujours entouré chacun de mes pas, j’y suis habitué. Mais ne suis-je pas en train de me fourvoyer?

Je me suis surestimé. J’ai cru prétentieusement que je saurais faire la différence, que j’étais en capacité de percer certains mystères du monde surnaturel. Ce n’était que pure vanité. Je n’ai fait que me heurter à des murs, continuellement, enchaînant échecs et désillusions. J’ai la tête dure, alors je m’acharne encore et encore. Bien sûr, ma compréhension de ces créatures s’est grandement améliorée, mais à quoi sert cette connaissance si aucun applicatif concret n’en découle? Le prix à payer n’est-il pas trop cher, pour ces maigres avancées pseudoscientifiques? Seul le projet “Trinité” donne des résultats réellement encourageants et significatifs, sauf que malheureusement, l’exploitation surnaturelle pose de graves problèmes éthiques et sécuritaires, et que le nombre d’alchimistes capables de gérer ces processus de déstructuration complexes est drastiquement faible : un seul. Mon père a abandonné la pratique depuis près de dix ans, et vu l’intérêt limité qu’y porte mon fils, il y a fort à parier que la lignée alchimique s’éteigne avec moi. Je n’ai d’ailleurs jamais eu la satisfaction d’en rencontrer d’autres. Par conséquent, le projet n’est pas viable.

Les expériences du WFC auraient pu donner une nouvelle direction à mes travaux. Une nouvelle impulsion. Dans ce passé sombre, un esprit plus brillant que le mien aura peut-être décelé d’autres axes d’études, d’autres brèches vers la lumière. Je ne peux plus me permettre de donner des coups d’épée dans l’eau. C’est un caprice qui coûte trop cher. A ce rythme, sans aide extérieure ou découverte inopinée, je fermerai le laboratoire l’année prochaine. Je m’octroie une dernière chance de relever la situation, et le WFC tombait justement à point nommé. Je ne me sens définitivement pas prêt à tourner la page sur quinze ans de recherches, quinze ans de sacrifices, de douleurs et de risques. Quinze ans d’espoir vain. Tout ça pour rien. Ce serait le plus gros échec de toute ma vie, et Dieu sait que j’ai commis beaucoup d’erreurs. Comment se relever après une perte de sens aussi terrible et terrifiante? Je crois que ça pourrait m’achever. Littéralement.

Tout a brûlé.

La flamme qui brillait dans mes yeux s’est éteinte, aussi sûrement que la lueur d’espoir qui l’accompagnait. Doc m’échappe totalement, imperméable à toute tentative de conciliation. Il barbote quelque part, à l’horizon, et a hissé le drapeau pirate. Sa colère est bien lisible. Je suis bien forcé de lui concéder la victoire ce soir, mais n’abandonne pas la guerre pour autant. Il me reste deux autres survivants du WFC à interroger, et quelques hautes instances à remuer de fond en comble. J’obtiendrai ce que je veux, quel qu’en soit le prix. Peut-être que nos chemins se croiseront à nouveau, et alors mon attitude sera bien moins courtoise qu’aujourd’hui. Mon regard se pose sur le visage de l’homme qui me fait front pendant quelques secondes qui s’étirent longuement.
«-La date anniversaire était une manière détournée de vous indiquer que je voulais vous interroger à propos du WFC, sans pour autant le citer explicitement, pour une question de confidentialité. A bien y réfléchir, vous avez raison : c’était clairement maladroit et inapproprié. J’ai largement sous-estimé le poids traumatique d’une telle expérience. J’ignore d’ailleurs ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là, hormis la version édulcorée transmise aux familles de victimes. Vos mots suggèrent un épisode bien plus terrible. En effet, j’aurais dû mieux lire entre les lignes. Alors oui, j’imagine qu’en justes représailles, je mérite votre acrimonie et vos manières triviales.»
Ma voix est calme. J’affiche un sourire dépourvu de chaleur, mécanique, simplement présent pour lui signifier que je ne lui en tiens pas rigueur. J’ai l’habitude de recevoir l’hostilité des gens, c’est une partie inhérente de mon métier. Je suis solide, mais pas surhumain. Je sais très bien que le rocher s’érode peu à peu, à force d’être confronté à des flots contraires et à des huîtres coupantes. Un jour, tout lâchera. J’en ressens déjà les premiers symptômes : fatigue et grande lassitude. Rares sont les personnes qui m’animent, me surprennent, me font vibrer. Avec ce genre de discours maintes fois entendus, gonflés de critiques injustes et simplistes, il ne faut pas s’étonner que je perde foi en l’humanité. Mais ai-je déjà aimé les gens?
Il a raison, j’ai peut-être réellement besoin de me faire soigner... On me le répète depuis que je suis gosse, il doit bien y avoir un fond de vérité. J’ai beau m’évertuer à leur prouver le contraire, ça ne fait que renforcer leur conviction.

J’incline mon fauteuil, puis lève les yeux vers le plafond, pour me laisser aller à quelques souvenirs.
«-J’habitais à peine à quelques kilomètres du World Trade Center, quand les tours jumelles se sont effondrées. J’ai moi-même respiré les poussières et fumées toxiques, mais j’ai surtout brillé par ma lâcheté. L’épisode est suffisamment horrifiant pour nous marquer éternellement, c’est certain.»
Je me souviens de ces images apocalyptiques, brouillées, accompagnées d’une sensation étrange de détachement. Je ne me sentais pas concerné, à peine présent, comme s’il s’agissait d’une scène dramatique surgissant d’un pays lointain, étonnamment bien animées, étouffantes de réalisme. Je vivais le drame comme un fantôme, errant dans un monde qui n’est pas le sien. Pire, une partie de moi se réjouissait de voir ce monde s’effondrer. Je crevais de haine, à cette époque. Tout mon univers était invariablement noir, mauvais, malsain. J’ai même apprécié ces brûlures aux poumons, pour ressentir une autre douleur que la mienne. Ma cure de désintoxication ne faisait qu'exacerber la violence qui bouillonnait en moi, et suintait salement de tout mon être. A cela s’associaient inévitablement ce sentiment d’impuissance et cette peur de la mort. Avec le recul, je pense que les traitements médicamenteux m’avaient trop assommé pour que je prenne la juste mesure du drame qui se déroulait sous mes yeux. J’ai souvent côtoyé la mort des autres, pour en être le principal responsable, et pourtant, cet épisode tragique me laisse encore quelques sueurs froides, ainsi qu’une désagréable sensation d’oppression.

Je me redresse, tout en cherchant à capter son regard.
«-A moindre échelle, le drame d’Halloween 2019 lui fait tristement écho. Cette fois, j’étais sur le terrain, pour déblayer les débris du centre commercial, et pour aider à la coordination des secours, et l’aiguillage des blessés vers les structures de soin alentour. J’ai gagé trente millions de dollars sur ma fortune personnelle pour offrir la meilleure prise en charge de chaque victime, sans discrimination, et ce, avant même d’obtenir la garantie que des aides gouvernementales soient débloquées. Au sénat, j’ai milité vigoureusement pour que soit reconnu officiellement l’état de catastrophe naturelle. L’indemnisation des victimes directes s’est faite relativement rapidement, avec des procédures accélérées. Des aides psychologiques ont été mises en place gratuitement, pendant toute une année. Et puis, il a fallu superviser les projets de reconstruction, rassurer les habitants, reprendre le cours de nos vies. Evidemment, je n’ai pas fait cela seul, c’était un travail collégial de longue haleine. Les clivages politiques se sont même effacés, le temps de gérer cette crise hors normes. Est-ce que vous pouvez seulement mesurer le travail colossal qu’a demandé le montage financier et juridique de tous ces dossiers?»
Je vois venir la réplique cinglante. Celle qui me dira que mes trente millions sont une broutille pour un homme comme moi, dont la fortune est estimée à quatre-cents millions de dollars, avant même l’hypothétique héritage paternel dont le montant frôle l’indécence. Que je suis né avec une cuillère d’argent dans la bouche, et que je ne connais rien aux besoins du peuple. Que tout ce travail, je l’ai délégué à une équipe sous-payée, pour en récolter ensuite tous les lauriers. Il y a du vrai dans chacune de ces réflexions, mais c’est terriblement restrictif. Ce besoin impérieux de mépriser ceux qui réussissent fausse dangereusement la donne.

«-Ca n’a pas été parfait, évidemment. Certains ont probablement été oubliés par le système. D’autres jugent insuffisant le montant des indemnisations. D’autres encore râlent du mauvais investissement de leurs impôts, en insinuant qu’il y a des assurances pour gérer financièrement ces crises, et que l’argent public devrait être employé plus équitablement. Il est impossible de plaire à tous. J’ai juste fait de mon mieux, pour le bien commun, en âme et conscience. Peut-être n'était-ce qu’un moyen égoïste de me racheter, ou une manœuvre politique pour gagner un nouvel électorat. Qui sait? J’ai commis des erreurs, j’en commettrai encore d’autres. Mais puisque vous critiquez avec tant de véhémence mon travail de “politicard” avide et “bouffi de discours à la con”. Je vous en prie, prenez ma place, et faîtes mieux.»
Il n’y a pas de colère dans ma voix, juste de la lassitude. Je ne lui en veux même pas. Je suis simplement déçu. Je n’attends pas de réponse, l’argumentaire était purement rhétorique. Je sais bien que rares sont ceux qui mesurent l’étendue de mon travail. Rares sont ceux qui s’y intéressent réellement, d’ailleurs. Ils se permettent de juger sans savoir, sans connaître. Ils citent les mauvais travers de certains pour faire des généralités. Il est toujours plus simple de jeter l'opprobre sur les autres, sans jamais se remettre en question. Attendre son salut des autres est la pire des choses qui soit. Réveillez-vous, et bougez!

Je sens bien que je suis fatigué, et que c’est mon besoin de reconnaissance qui parle. Depuis quand ai-je besoin de la validation des autres? C’est parfaitement ridicule. Je n’ai plus qu’une envie : celle de m’enfiler mes calmants, et de dormir. J’aurai largement le temps de méditer sur ce nouvel échec, pour ne pas réitérer les mêmes erreurs lors des prochains entretiens. Il devient vraiment difficile de garder calme et professionnalisme, et il est hors de question de dévier. Tout ce que j’ai entendu m'horripile, mais avec un peu de recul, je saurai en tirer quelques enseignements, et en extirper les informations essentielles. J’observe le médecin encore un instant, avec cette certitude d’un acte manqué. Nous sommes deux hommes qui n’avons pas su nous entendre ni nous rencontrer réellement. Dommage. Je quitte enfin mon fauteuil, défroisse soigneusement mon costume, puis contourne le bureau pour me diriger vers l’huître pirate.
«-Vos précieux conseils auraient pû m’être profitables, mais je respecte votre choix, monsieur Calloway, même si je ne l’approuve que difficilement. Je vous remercie toutefois d’avoir accepté cet entretien.»
Je lui tends la main, pour clore l’échange symboliquement, le libérant ainsi.
Mon regard se tourne vers la pluie torrentielle qui sévit au-dehors.
«-Il y a des parapluies disponibles à l’accueil, si vous voulez.»


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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
Ian C. Calloway
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"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

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"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
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Jeu 21 Juil - 5:36 (#)


Sharks don't sleep
Il n’est pas dupe.
Il ne restera rien de très réjouissant de leur échange. Ian Calloway a la désagréable sensation de s’être trouvé confronté à un interlocuteur incapable de comprendre les sous-entendus de son discours, de la même façon avec laquelle il n’a pas su percer à jour suffisamment tôt les intentions du sénateur. Bien incapable de deviner toutes les considérations trompeuses qui rampent sous le crâne du géant face à lui, il pressent cependant que cette incompréhension mutuelle lui pèsera longtemps sur le râble. Il ressassera cette conversation tout le reste de la soirée qu’il passera à son domicile, s’il parvient à rentrer vivant et à franchir l’enceinte de ces locaux sans encombre. Il passera des heures, un verre de vin à portée de main, à s’étonner d’être encore en un seul morceau, et entreprendra probablement de faire le tour de ses manies paranoïaques destinées à assurer sa propre sécurité comme celle de Nova. Après seulement, il s’autorisera à se laisser tomber au fond du canapé trop confortable, trop dangereux et au fond duquel, une autre nuit, il aurait pu risquer de s’endormir. Nul sommeil à venir, dans sa tête, pour l’heure. Il s’imagine parfaitement attendre jusqu’à l’aube, attendre jusqu’à ce qu’il soit raisonnable d’entreprendre la préparation d’un petit-déjeuner, la prise d’une douche glacée, puis le départ vers le Shreveport Hospital. Et pendant tout ce temps-là, le visage de Jake Hamilton continuera d’obséder ses pensées. Seul ses occupations professionnelles sauront suffisamment le distraire de ce souvenir fantoche, déjà trop bien imprégné dans sa mémoire immédiate.

Quelque chose a changé, subitement. Hamilton se détourne, repart s’asseoir. Comme s’il… capitulait ? Non. Ça ne ressemble pas à l’homme qu’il vient d’affronter pendant il ne sait combien de longues, très longues minutes. Incertain, il conserve sa pleine attention sur lui, guettant le moindre indice capable de l’éclairer sur ce mouvement de recul, ce repli peut-être stratégique, ou peut-être juste témoin d’un abattement qu’il n’avait pas vu venir. Le politicien semble épris d’une bouffée de malaise qu’il ne peut apercevoir que par la plissure provoquée par ses sourcils, et dont la vision n’échappe pas au médecin. Ah. Peut-être qu’il ne sortira même pas du bureau, en fin de compte. Ou du moins, pas en position debout. Sa bouche s’assèche légèrement, tandis qu’il ne se demande même pas si ses diatribes sont allées trop loin. On ne peut pas regretter la vérité professée avec une passion véritable. Il prie en son for intérieur pour ne pas avoir laissé parler l’orgueil plus que la raison. Bien que naviguant en eaux troubles, protégé par un brouillard qu’il espère toujours épais, il a pensé chaque mot prononcé à son endroit. Ses avertissements sont réels. Et malgré toute l’antipathie qui n’a cessé de le remuer face à Hamilton, sa sollicitude est réelle, mue par le fond du message chrétien qui a toujours accompagné son enfance comme son éducation. Il ne profiterait d’aucune satisfaction à voir Jake Hamilton chuter. À quoi bon ? Il n’y a que des monstres dont il se réjouit de la défaite. Il veut croire que l’humain assis devant lui n’a pas encore poussé trop loin la porte du jardin du diable.

Il reprend la parole, et cette fois la ligne des épaules de Ian Calloway se détend indubitablement. Il entend ce qui s’annonce ressembler à un semblant d’excuses. Des excuses dont il n’aurait même pas attendu l’ombre, si on l’avait questionné plus tôt à ce sujet. La suite reste elle aussi intéressante. Il écoute. Il écoute sans juger, cherchant déjà à voir jusqu’où les mènera ce qui ressemble presque à une confession, à un autre voile levé par l’homme d’affaires, comme pour révéler une scène cachée, un pan de décor rarement visible. Il tient à ne pas se laisser emberlificoter, mais sa curiosité est déjà piquée. Lorsqu’il comprend les enjeux du discours qui lui est tenu, une expression lasse bien que sans hostilité passe sur les traits du chasseur. Une fois de plus, Jake Hamilton se trompe. Il ne lui en veut pas. La tension qui les a plongés tous les deux dans ce tête-à-tête oppressant avait largement de quoi brouiller les ondes de l’intuition. Toutefois, si l’autre n’attend pas de réponse, lui sait d’office qu’il lui en fournira une. Incapable de le laisser se fourvoyer ainsi, il se redresse en le voyant se relever et s’approcher, main tendue vers lui.

Il n’effectue pas un geste jumeau. Il regarde cette paume immense et pourtant déliée, signe imparable qu’il n’a pas à faire à un homme de la terre ou à un ouvrier d’usine. Les ongles impeccables, la paume nette, l’absence de cals… Il s’octroie le luxe de laisser passer un silence. Il devine que son vis-à-vis ne s’en formalisera pas. Il prend le temps de poser sa voix, au moment de formuler enfin : « Ce qu’il s’est passé là-bas ne mérite d’être consigné dans aucun carnet, ni retranscrit par aucune caméra vidéo. De cela, je peux vous en certifier. » Les images le démangent, l’assaillent de stimuli qu’il croit sans cesse avoir remisé au placard. Le Doc, cordonnier mal chaussé, naïf au point de s’imaginer suffisamment solide pour repousser les effets d’un syndrome post-traumatique dont il subit encore les conséquences. Et toujours, lorsque la catastrophe est évoquée, les odeurs terribles qui hantent ses narines, la douleur dans les reins, le dos, la trouille collée au corps comme la sueur et la poussière. Jamais. Il ne s’en débarrassera jamais. « Je ne peux vous en vouloir de ne pas prendre la pleine mesure de ce qu’il nous est arrivé. Même moi, parfois, il m’arrive d’en douter. De ne pas bien réaliser ce que nous avons laissé derrière nous. » Même après y être revenu. Même après avoir regardé de nouveau cet endroit dans les yeux. Conjointement à cette idée, les siens se relèvent pour plonger dans ce gris métallique presque dérangeant, affrontant le regard d’Hamilton. « J’ignore ce à quoi vous faites référence, quand vous parlez de votre lâcheté, à New York. Je ne tiens pas à vous forcer à en parler, bien sûr. Simplement… si je peux me permettre monsieur, et quoi qu’il se soit passé, je vous déconseille de vous attribuer ce genre de qualificatifs. Personne n’était prêt, non. Comme vous dites. Personne n’était prêt ni paré à supporter ce qu’il s’est passé en 2001. Et si tout ce que vous avez fait pour les traumatisés de 2019 est vrai, alors je crois que vous avez largement payé la moindre dette contractée il y a vingt ans. »

Il ne pouvait le nier. En tant que médecin, il savait que ces aides, vitales et subsidiaires, avaient soutenu une foule de patients en détresse. Au vu du système de santé américain, elles se transformaient en atouts capitaux, providentiels, et il n’était pas idiot au point de sous-estimer l’importance des grandes fortunes de ce pays. « Ce que vous avez fait était très noble. Personne ne pourrait nier ça. Ne croyez pas que je sois du genre à manifester en permanence contre les mouvements politiques effectués par les personnes en charge. J’ai toujours préféré prendre du recul, ne pas me mêler d’un domaine dans lequel je ne me reconnais pas, dont je ne maîtrise pas les subtilités et encore moins les fondements. Je n’ai pas de haine envers vous comme vos semblables. Je suis simplement en colère, parfois. En colère contre ceux qui provoquent des catastrophes susceptibles d’être évitées. C’est tout à fait différent. » Son œil se fait plus perçant. « Je ne vous connais pas. Seulement de loin en loin, via les médias que je consulte à peine, ces temps-ci. Les circonstances de notre rencontre s’avérant plus que particulières, je suppose que vous ne vous attendiez pas à ma complète euphorie sur la question, n’est-ce pas ? »

Il aurait dû s’enfuir. Profiter de la brèche ouverte. Tourner les talons sans demander son reste. Il ignore ce qui le pousse à prolonger de quelques secondes encore l’entretien aux allures de fiasco. C’est pourtant plus fort que lui. « Monsieur… Croyez-moi. Il n’y a plus rien à sauver du WFC. Ce n’est pas souhaitable. Orgueil, crimes et châtiment. C’est tout ce qu’il y a glaner, dans ces ruines. » D’un geste vif et franc, il accepte enfin d’empoigner la paume du sénateur. Ses phalanges serrent avec honnêteté leurs pareilles. « Je suppose que vous n’abandonnerez pas, cependant. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance. God bless you, congressman. »

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Mer 9 Nov - 23:36 (#)

résurgences
Ft Ian Calloway & Jake Hamilton


Le médecin ne semble toujours pas décidé à coopérer, et je n’ai plus de temps à perdre en bavardages creux et stériles. Tout en ruminant intérieurement l’échec cuisant de cet entretien, je lui tends une main faussement avenante pour enfin clôturer l’échange. Il choisit de l’ignorer… OK… Le bougre maîtrise décidément l’art de se montrer désagréable! Je ne m’en offusque pas pour autant, trop habitué à ces simulacres de jeux de pouvoir. Il fanfaronne, houspille, invective, simplement parce qu’il se croit en position de force. Cela flatte son égo, et sa fibre contestataire de bobo blasé. Mais quand il sera question d’assumer ses mots et ses actes, il s’écrasera, comme tous les autres.

Contredisant mes pronostics, il se lance dans une nouvelle tirade plutôt que de se hâter vers la sortie. Tout mon corps se ferme instinctivement, lorsqu’il commence à me servir une sollicitude forcément feinte. Son timbre reste neutre, professionnel, sans éclat. Masquant mal son désintérêt, il ne pose aucune question, avance quelques généralités d’un ton mollement condescendant, dans le but de mimer la bienveillance. Il pousse le vice jusqu’à m'écraser de jugements paternalistes, puis balance aléatoirement quelques bons points pour accréditer mes actions passées. Doc n’est pas dupe, il sait à juste titre que derrière ma présentation des faits ultra-politisée se cache une vérité bien plus complexe, alors il use du conditionnel, pour se décharger du poids terrible d’avoir peut-être accordé un bon point par erreur. Ô tristesse, je ne reviendrai pas à la maison avec des gommettes vertes dans mon cahier d’écolier. De toute façon, la vérité le ferait blêmir. S’il se sent obligé de me servir ce miel doucereux et sans âme, c’est que mon propre discours suintait de victimisation. Intérieurement, j’en ressens une pointe de honte et de dégoût. Non, je n’ai pas besoin d’être rassuré, j’ai pleinement confiance en mon potentiel. Je n’ai pas besoin non plus d’obtenir son assentiment ni sa validation, puisqu’il n’est qu’un pion négligeable sur l’échiquier. Alors quel était le but de la manœuvre?

Par conscience professionnelle, le médecin s’est senti l’obligation de dépasser sa franche hostilité pour me passer de la pommade, apitoyé par mes propos de pleureuse. Je ne crois pas une seconde en sa sincérité. Honnêtement, je préférais encore lorsqu'il m’insultait de politicard avide et bouffi de discours à la con. Malgré la fatigue et la lassitude, je l’observe à nouveau avec attention. Nos regards se croisent, ses mots quittent la douceur ouatée de la superficialité mielleuse. Il remet une couche sur le choix de la date. Il veut quoi? Que je me confonde encore une fois en excuses? Que je m’aplatisse plus bas que terre? C’est ça qui le fait bander? Conservant un visage neutre, je ne réponds pas à la pique.

Pour m’aider à me recentrer sur l’essentiel, mon pouce vient effleurer brièvement la surface translucide d’un des verres de cristal abandonné sur le bureau. J’ai toujours apprécié le contact avec les matières nobles. Ces pièces de cristal offrent une clarté absolue  et un jeu de réfraction du spectre lumineux incroyable. Je me demande si le médecin a su saisir la parfaite harmonie de l’objet, façonné avec talent et passion par un artisan français de renom. J’imagine que ce n’est pas le cas, rares sont ceux qui s’arrêtent devant la véritable beauté. Doc n’a visiblement pas ce côté “précieux” que me prête mon père avec tant de mépris, comme si la recherche esthétique se rattachait forcément à une sexualité déviante. Symboliquement, le cristal s’approche de l’idéal alchimique, bien davantage que l’or ou le diamant. Il est l'aboutissement, la réponse.

C’est justement une réponse que j’attends ce soir… Sauf que doc s’obstine dans sa rétention d’informations. Son discours mielleux n’avait peut-être pas d’autre utilité que celle de me faire abandonner ma quête. Sa tentative de manipulation est aussi pitoyable que la mienne. Il me déconseille vivement de chercher à percer les secrets du WFC. Comment pourrais-je laisser tomber cette pépite qui pourrait sauver l'œuvre de ma vie? Je sais que ma cause est bonne, et je suis prêt à de nombreux sacrifices pour y parvenir. Il concède finalement une poignée de main plutôt joviale, tout en me souhaitant bonne chance, conscient de son impuissance à freiner mes ambitions.
«-La chance se travaille, monsieur Calloway.»
Petit sourire en coin. Il devinera aisément le message menaçant dissimulé derrière cette phrase en apparence banale, sans toutefois en obtenir la certitude.

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