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Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey

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Anonymous
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Mer 5 Mai - 13:50 (#)

THINGS I DO FOR LOVE.

Juillet 2020, aéroport de Shreveport.

« Ne rentre pas. »
Un sourcil haussé suite à la lecture du message interrompt, durant quelques secondes, l'échange avec son équipier devant la machine à café, rare instant de répit parmi le rythme effréné de sa soirée de labeur. Le collègue attentif suspend son récit de vacances et scrute le visage presque impassible de son supérieur, partagé entre sa curiosité et son respect hiérarchique.
« Y'a un problème, chef ? »
Ne rentre pas.
Le faciès imperturbable, l'Estonien range son téléphone dans la poche intérieure de sa veste, dont il tire impeccablement les pans afin d'assurer sa mise auprès des voyageurs.
« Rien d'alarmant. Allez Randall, on y retourne, le turn-over opère dans quinze minutes, et le terminal D c'est pas la porte à côté. »
Il ouvre la marche, d'un pas militaire et assuré, et traverse la zone de repos des employés avec vivacité. Randall tâche de le suivre de près et d'imiter les enjambées du géant, sans avoir l'air de trottiner pour couvrir la distance qui les sépare à chaque mètre franchi.
Ne rentre pas.
S'il n'en montre rien, le message de son amante l'intrigue, sans pour autant l'inquiéter outre mesure. Ils avaient tous les deux l'habitude de leurs frasques respectives, et si elle lui intimait de ne pas la retrouver cette nuit, alors probablement vaquait-elle à des occupations lubriques dont elle veillait à le tenir à l'écart. Une femme, à n'en point douter. Un sourire goguenard retrousse ses lèvres, qu'il efface rapidement pour saluer un flot de voyageurs prêt à enregistrer leurs bagages pour siéger en première classe, dans la courte file prioritaire des rares avantagés du système capitaliste.
Qu'il en soit ainsi, il ne rentrerait pas ce soir. Après tout, Downtown offrait suffisamment de divertissements pour qu'il ne sente pas le temps passer, avant de retrouver Aliénor la nuit suivante.

⛤⛧⛥

Neuf jours.
Une semaine et deux putains de jours à patienter, enfermé à l'extérieur de son semblant de chez-lui, avec la simple consigne de demeurer éloigné du motel, comme si sa propre survie en dépendait. Il était patient, Serguey, mais sa tolérance comportait certaines limites. Et s'il avait initialement accepté sans broncher la demande d'Aliénor, il ne lui avait pas fallu plus de quatre nuits pour tourner comme un lion en cage, piétiner avec impuissance ce sol qu'il ne voulait plus fouler. Pas sans elle.
Tu me caches quelque chose.
Une évidence, un germe toxique qui avait grandi, enflé et déroulé ses lianes dans son esprit infatigable. Ils avaient toujours conservé leur jardin secret, la liberté de ne pas s'enfermer dans une exclusivité rédhibitoire pour l'un comme pour l'autre, et c'était probablement la raison de leur étonnante alchimie. Mais pour autant, après plusieurs années de relation, il avait besoin de croire qu'elle se reposait sur lui, qu'il était non seulement son amant, mais également son confident, son coéquipier, et autre chose qu'un Clyde à la date de péremption imminente.
J'suis plus que ça pour toi. Je le sais, et c'est pas prétentieux de le croire. Alors, c'est quoi ? Qu'est-ce qui te tient si éloignée de moi, depuis maintenant neuf jours ?
Il enrage de ne pas savoir, de ne peut-être pas avoir perçu et récolté les indices, lorsqu'il le pouvait encore. Bien sûr, il lui avait envoyé des messages après la quatrième nuit, afin de s'enquérir de l'état de la situation et de prévoir un retour imminent. Mais elle s'était barricadé derrière un mysticisme laconique, et les réponses lapidaires qu'elle lui écrivait en retour l'avaient conforté dans son humeur sombre.
Tu ne me fais plus confiance ?
Qu'y avait-il de si grave pour qu'elle se retranche dans le silence, pour qu'elle se drape de ce mutisme qu'il ne lui connaissait pas ? En neuf nuits d'insomnie, il avait maintes et maintes fois eu l'occasion d'envisager le pire, et pourtant la désagréable impression tenace qu'il ignorait encore bien trop des réelles intentions d'Aliénor lui collait à la peau.
Cette neuvième nuit, il lui pose un ultimatum.
Cette neuvième nuit sera la dernière d'une attente trop éprouvante, résumée à quelques textos au contenu nébuleux. Cette fois, il ne lui laisserait pas l'occasion de botter en touche.

« Viens demain, au Voodoo Café, 23h. Faut qu'on parle. »

⛤⛧⛥

22h45.
Attablé depuis une bonne demi-heure, il entame son troisième café noir. Sous la banquette qu'il occupe seul, son talon bat nerveusement la mesure.
Ses larges mains encadrent la minuscule tasse de café, et ses avant-bras dénudés reposent sur la table de bois ornée de peintures originales, marquée par le passages d'artistes plus ou moins farfelus. Une chemise blanche retroussée jusqu'aux coudes, un jean noir et sobre, il prend son mal en patience, et force son esprit à s'absorber dans la contemplation du visage de Papa Legba, gravé à même le bois de la table. Son esprit s'égare entre les couleurs chatoyantes des parures, la fumée indécente du cigare, le sourire sinistre des crânes morts encadrant son visage peinturluré.
Les banquettes voisines s'illustrent par leur vacuité, dont il se réjouit, plutôt satisfait de ce tête-à-tête relativement intimiste que lui accordera le café, malgré la profusion de touristes agglomérés autour des divers tableaux et sculptures, à l'opposé de sa table. Comme le nom de l'établissement l'indiquait, le vaudou était à l'honneur dans ce lieu vivant et chaleureux, et l'arcaniste avait soigneusement choisi sa place, à l'écart de l'attroupement, mais suffisamment bien situé afin de les observer à loisir, revigoré par cette simple chaleur humaine.
Indéniablement, le vaudou lui manquait, mais se tenir ici l'emplissait d'un réconfort inattendu, et parmi les simples curieux ou les sympathisants anonymes de cette magie occulte, il se sentait à l'aise. Presque chez lui, à défaut d'être autorisé à remettre les pieds au motel jusqu'à nouvel ordre.
Froncement de sourcils. La pensée qu'Aliénor puisse ignorer sa requête et lui poser un lapin l'emplit de morosité. Il consulte sa montre une énième fois, et le talon accélère le tempo sous la banquette. L'attente, interminable, se mue en angoisse indicible, tourment inavouable.

Vingt-trois heures tapantes, elle apparaît enfin dans l'encadrement de la porte d'entrée, et s'il s'étonne de sa ponctualité, il ne lui adresse en revanche aucun signe afin de lui indiquer sa présence. Il attend. Le quatrième café est déposé au coin de sa table, il remercie le garçon d'un signe de tête, les yeux fixés sur la silhouette qui s'approche désormais.
Elle est face à lui.
Pas d'alcool à table. Pas de blague grivoise pour détendre l'atmosphère.
Il la scrute avec l'air de celui qui attend des réponses, les yeux fatigués mais impatients. Une pierre se détache de sa poitrine, le soulagement de la voir enfin, même si l'inquiétude demeure.
Lentement, il se recule et s'adosse parfaitement à sa banquette, croise les bras contre son poitrail.
J'espère que tu seras convaincante.
Son talon s'est immobilisé sous le siège. Désormais il l'observe presque sans ciller, à la recherche du moindre indice ; il l'examine afin de déceler dans son maquillage, sa coiffure, son accoutrement, ce qui lui aurait échappé toutes ces nuits passées en sa compagnie.
Qu'ai-je manqué ?
« Pile à l'heure. »
Cela dérogeait trop avec ses habitudes coquettes, et n'annonçait rien de bon.
« J'espère que tu as une bonne raison de m'avoir tenu à l'écart pendant dix jours. »
Bonne ou mauvaise, il voulait la connaître. Peu importe le prix.
Son faciès a rarement exprimé un tel sérieux. Aucun sourire, aucune œillade lorsqu'il exige, à l'apogée de l'insupportable attente qu'elle lui a imposée, durant ces nuits où le sommeil l'a évité, lui aussi.
« Pas de cachotterie, Aliénor. Pas de cela entre nous. Dis-moi ce qu'il se passe, simplement. Je l'encaisserai. »
Autour, les murmures et commentaires émerveillés les enrobent d'une discrète cacophonie, les protègent de toute intrusion. Son impatience culmine, mais il se persuade que la vérité la supplantera bientôt, et que le silence se brisera dans un éclat salvateur.

(c) AMIANTE

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ADMIN ۰ Dalida - Elle devra choisir entre son amour et sa mort.
Aliénor Bellovaque
Aliénor Bellovaque
ADMIN ۰ Dalida - Elle devra choisir entre son amour et sa mort.
♚ TAKE AWAY THE COLOUR ♚

Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  OGUkIML Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  4q8vfGT Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  RORgjLL

"Eh bien ; la guerre."

En un mot : La Vipère sous la rose.
Qui es-tu ? :
"Don't die with a clean sword."

♚ Caïnite âgée de trois siècles ; Accomplie du bel âge à portée d'ongles carmins.
♚ L'Ambition la ronge, mais laquelle ? ; le vide de nuits interminables la détruit plus sûrement que n'importe quelle balle en argent. L'Ennui pour seul véritable danger.
♚ Gorgone gauloise, sa réputation parle pour elle, surnommée Mère sanglante ou Reine rouge. Nombre d'enfants sont tombés sous ses crocs.
♚ Fille de corsaire, héritière de ses lettres de Marque ; navigua au service de Louis XV dans les eaux des Caraïbes à la tête de l'Espérance, frégate à l'équipage composé de deux centaines d'hommes.
♚ Trahie par un Britannique ; capturée et ramenée de force sur l'île de Mona, torturée , abusée, échappée - mourante (malaria). Transformée par un autre, à l'aube de sa trentaine.
♚ Éprise de coups d'État et féroce opposante à l'Essaim. Antique imperméable à l'ordre. À la tête du clan du Chaos. Danseuse sur le fil acéré de leur rigueur.
♚ Maudite ; aucun enfant n'a pu sortir de son ventre. Aucun Infant n'a pu résister à son vice, transmis tel un fléau. Sire matricide par deux fois. Échec toujours en gestation.
♚ Sang turc dans les veines, manie les us et coutumes perses. Son réseau d'Orient et d'Occident est dessiné comme une arachnide file sa soie.
♚ Incapable d'aimer son époque ; craintive pour l'avenir, répudiant son passé.
♚ Se joue d'une beauté en laquelle seuls les autres croient. Ancienne compagne de Serguey Diatlov, mère de substitution de Yago Mustafaï, protectrice de Mei Long et amante éternelle de Jenaro Silva.
♚ Pie voleuse, elle a dérobé le Clan du Chaos aux mains trop glissantes de Salâh ad-Dîn Amjad, qu'elle compte bien refonder en un ordre sérieux pour s'opposer à la Mascarade ainsi qu'au dictat de l'Essaim en place.

♚ SLAVE TO DEATH ♚

Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  FASlTSW Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  UByGHjO Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  W6JtYIp

"I know where you sleep."

Facultés : ♚ Vicissitude (niveau III)
♚ Mains de la destruction (niveau I)
♚ Chimérie (niveau I)
♚ Stratège. Rapide. Teigneuse.
Thème : Sleep Alone ♚ Bat for Lashes
Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  X13YkvN
♚ CANNIBAL ♚

Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  9KgtXIf Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  7iJSCrv Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  6gla5CK

"Mind if I cut in?"

Things I do - Things I do for love ♦ Aliénor & Serguey  BFJjZXP


Pseudo : Nero.
Célébrité : Laetitia Casta.
Double compte : Eoghan Underwood, Sanford R. De Castro, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
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Crédits : LUNAR (ava') ; Amiante (signa')
Ven 28 Mai - 0:00 (#)

♛ « Pour critiquer le monde avec désinvolture. »
« Je caressais le temps. Et jouais de la vie comme on joue de l’amour. Et je vivais la nuit sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air. J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés. Que je reste perdu ne sachant où aller. Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre. »

▼▲▼

Ses ongles se portent à ses narines. Peints d’un rouge éternel, teinte ayant toujours su s’accorder à sa nature d’immortelle, ils se conjuguent à merveille avec sa bouche pour une fois close. Ce n’est pas de sang qu’elle a ourlé les contours et les commissures, mais bien de cette pâte un peu mate, qu’elle a cherché à étaler grossièrement, avant d’en nettoyer les abords, les débordements. Il lui faut reprendre une contenance. Une apparence. Redevenir ce semblant d’être humain qu’elle est capable d’imiter. Lorsque sa main s’écarte, lorsqu’elle baisse les yeux vers la pulpe de ses doigts blancs, les restes gluants, poisseux et purpurins qui s’y sont étalés, imprégnant jusqu’à ses empreintes digitales, ne deviennent qu’un lointain souvenir ; frottés contre un mouchoir immaculé. Les traces sont partout. Ils ont eu beau nettoyer, effacer, retapisser, recarreler même, une ou deux dalles du hall durement fracassées, elle a l’impression de voir les traces de son méfait partout, où que son œil attentif se pose. Comme si sa mémoire avait parfaitement imprimé les giclées cruoriques, abîmant tout et tout le monde. Elle peut encore sentir sous ses pieds la masse glissante, fluide et collante là où les gorges se sont ouvertes, là où le contenant des artères s’est répandu. Ses orteils se crispent, ses ongles cherchant à se planter férocement dans la moquette sombre striée de motifs plus clairs. Ces derniers ressemblent aux reflets de l’eau, la nuit sur les murs d’une demeure, toujours mouvants. Lorsqu’elle plonge dans le demi-sommeil de sa pré-Torpeur, alors elle les voit s’agiter à leur tour. Elle voit les ombres blanches onduler calmement contre la coque de son navire détruit, brûlé puis avalé par les eaux. Elle voit les sourires des humains connus puis occis. Elle voit les voiles gonflées par les vents favorables les portant vers un horizon lointain. Elle préfère tant s’abîmer dans ses souvenirs incessants, plutôt que d’affronter le visage maquillé sobrement qui se tient dans son miroir. Ce miroir, elle n’en peut plus. Chaque fois qu’il est temps de se confronter à l’un de ses « hommes », elle a l’impression de revivre la même soirée, faite de coquetterie, de dentelles et de parfum. Pourtant, seules ses lèvres arborent ce qui pourrait ressembler à une provocation, mais qui n’est en rien une attaque, une défiance contre Serguey Diatlov. La Gorgone s’est contentée de pailleter d’or ses paupières, de souligner d’un trait de jade la ligne surplombant ses cils, quelque peu alourdis de mascara. L’ensemble demeure simple et travaillé. Élégant.

Tu mérites au moins ça.

Pourtant, ses cheveux noués en un chignon créent une torsade qui lui déplaît. Elle se trouve laide, et tous les détails les plus repoussants de son visage paraissent grossis, ne l’en déformant que davantage. La mâchoire dénuée de finesse. Les grains de beauté disgracieux. Ces fichues dents qu’elle maintient dissimulées. Son nez imparfait. Elle s’assassine du regard comme souvent, bien loin de ces instants de paix, trop rares, passés auprès de Yago ; ce dernier à la fois rebuté et attiré par les apprêts féminins, toujours prêt à lui piquer une brosse à cheveux, un tube de cosmétique quelconque. Elle ignore ce qu’il en fait. Ce qu’il en faisait. Cette nuit, elle est bien en peine de supporter son apparence. Elle rêve de danser dans les bras de son amant, de tournoyer contre son corps chaud, brûlant, épais, tellement vivant qu’elle peine parfois à réaliser l’intensité de sa présence à ses côtés. Au lieu de cela, leur conversation s’annonce froide, pour ne pas dire glaciale. Serguey ne cautionnera jamais ses actes, ses crimes.

Nous y voilà. Ce que tu n’as jamais voulu voir. Ce que tu voulais pardonner d’office.

Ce n’est pas normal. Aucun mortel ne mérite qu’un Antique se plonge dans de pareils tourments simplement pour ses beaux yeux. Mais son cœur s’est attendri auprès de ce géant affectueux et vif, impétueux et impertinent. Dangereusement attendri. C’est la peur qui s’infiltre, cette même peur de l’attachement à laquelle tous les Longue-Vies comme elle sont confrontés un jour ou l’autre. Ses leçons, ses récits, son expérience auprès de ses cadets ne valent subitement plus rien. Serguey Diatlov est humain. Éphémère, comme le chuchoterait son petit de Jérusalem. Comme le cracherait Mei Long, un sourire mesquin et traînant pour seule et future oraison funèbre.

Elle se dresse, déliant sa silhouette toute de noir vêtue. Oubliées les couleurs qu’elle aime assortir avec goût. Future veuve, la voilà déjà parée du deuil se consumant avant même que la mort n’ait encore posé le doigt sur celui qu’elle voudrait faire sien. Robe sobre, rendant hommage à l’été suffoquant de Louisiane, dévoilant haut ses cuisses, mais sans outrage. Décolleté presque sage, bras et jambes nus. Pieds glissés dans une paire d’escarpins aux talons vertigineux. Elle s’est faite belle, pour lui. Pour son homme. Un sourire. La succube baisse la tête, et une mèche folle, unique, tombe sur son front, chatouille sa joue. Elle passe une veste légère, sorte de perfecto dont le synthétique imite suffisamment bien le cuir pour ne pas jurer et détonner.

La Reine rouge s’échappe dans les couloirs, et le claquement de ses talons disparaît sous la vie qui se répand sous toutes les portes, malgré le nombre de macchabées ambulants qui résident sous son toit. Elle envisage de passer embrasser Nina, mais elle n’en a pas le courage. La nouvelle-née a la manie de la rendre plus poreuse qu’elle ne le voudrait. Qu’elle ne le devrait. Elle aura assez de l’Estonien pour cela, plus tard.  

À l’heure dite, Aliénor Bellovaque se tient devant l’enseigne vaudou. Elle ne le fera pas attendre. Résignée, la souveraine affronte son premier échec depuis longtemps. Lasse, elle défait cette construction capillaire qui ne la convainc pas, et laisse ses boucles tomber le long de son dos, refusant l’artificiel. Elle entre, et il ne lui faut qu’à peine une seconde pour le voir. Pour le trouver. Il est beau, ainsi. Son visage taillé à la serpe, arborant cette dureté qu’elle trouve si séduisante, chez lui. Ces yeux rieurs aujourd’hui durs, ces traits slaves dont elle ne cesse de s’émerveiller. Serguey Diatlov, militaire traumatisé, coincé dans la sphère d’un passé qu’elle ne peut contrôler.

Oh, chéri. Si je pouvais t’offrir la clé pour retrouver cette magie qui te mérite bien plus que moi. Si je pouvais te rendre à toi-même sans que tu ne m'échappes. Sans que tu ne t'envoles. Quelqu'un t'a coupé les ailes. Dis-moi qui, que je l'étripe et te rende à toi-même.

Sa force brute la saisit autant que sa vulnérabilité, dont il demeure à la merci. C’est ainsi. La nature ne transige pas avec les corps qu’elle tente d’envahir, de déformer, de tuer jusqu’à ce que la dernière cellule, la dernière connexion neuronale ne s’éteignent. À le voir ainsi, elle peine à imaginer la Grande Faucheuse capable d’abattre un tel colosse. Cependant, les siècles ont piétiné tant de fois cette croyance aveugle de petite fille incapable de se figurer la fin du père, de tous les pères ayant accepté de prendre dans leur cœur cette charge d’âme qu’elle était alors, qu’elle n’a plus le droit de prêter le flanc aux illusions rêvées.

Il va mourir.
Serguey va mourir.
Serguey l’abandonnera bien avant cela.
Sa fierté. Cette foutue fierté.

Et elle voudrait hurler, ravager ce café indifférent à ses états d’âme, à ce qui la terrifie, soudain. Elle qui se targue de ne plus éprouver la morsure du froid : pourquoi se sent-elle gelée ? Pourquoi ne peut-elle concevoir l’absence de réaction de toutes ces créatures à sang-chaud qui l’entourent ? Serguey va mourir, et le monde entier continuera de tourner. Elle ne se voit pas avancer ; Anne Boleyn marchant vers son échafaud, et pourtant c’est avec sa grâce habituelle – quoi qu’un peu moins aisée à déployer – qu’elle s’installe face à lui. Elle le décrypte rapidement, sourit de le voir si bien habillé (elle a toujours été soufflée par son élégance, son bon goût, sa méticulosité quant à l’entretien et au choix de ses vêtements).

Toi aussi, tu t’es fait beau pour moi, mon amour.

Ses lèvres sanguines restent étirées, mais la tristesse demeure. Les prunelles océanes se noient un peu dans les siennes, tant qu’elle le peut encore. Peut-être n’y sera-t-elle plus autorisée, bientôt.

« Chéri. »

Comme elle voudrait le toucher. Elle observe ces paumes solidement rivées à cette tasse ridicule, en comparaison.

« Tu as l’air bien… » Même les cernes de l’insomnie ne peuvent le désincarner. Sa force vitale est bien trop puissante, bien trop présente. Rare, pour un mortel. En un geste typiquement féminin, ses doigts plongent dans la masse de sa chevelure qu’elle arrange sans son énergie habituelle. D’aucuns, la prenant pour une humaine, croiraient à une vague de timidité destinée à la dissimuler. Qui pourrait croire que cette même femme vient d’ordonner la tuerie abjecte des sorciers à la solde d’Amjad ?

Ils y sont. Elle a imaginé mille fois à quoi cette conversation pourrait ressembler. Peine perdue. Rien ne vient. Les ongles de sa main libre s’étendent, se rapprochent légèrement de la dextre masculine. Mon amour.

« Tu m’as manqué. »  

Comment pourrais-tu encaisser ça ?

« Je n’ai pas eu d’autre choix. J’aurais aimé t’avoir à mes côtés. Mais ce n’était pas possible… ça n’aurait jamais été possible. » Le vernis rouge se crante à la table, crissement vite surpassé par le choc des verres, des tasses, par le brouhaha des voix. « Je ne voulais pas que… je ne voulais pas que tu te retrouves embrigadé dans quelque chose dont tu n’es pas responsable. » Son buste se redresse un tant soit peu. Elle est Aliénor Bellovaque. Sa poupée chinoise le lui a si souvent répété. Avec le nom, vient la fierté, la réputation. Il n’a jamais été dit que ce qu’il lui reste d’organes ait pu un jour conditionner ses actes, ses décisions, depuis que son Sire l’a étreinte. Elle ne peut démériter. Et qu’importe si ce qu’elle redoute par-dessus tout s’est décidé à frapper, en cet instant précis, quand sa colère vient de s’abattre sur un clan tout entier. Il n’est qu’un. Pas de quoi l’effrayer. Elle pourrait le briser en quelques coups assénés. Elle pourrait réduire sa stature en un rien. Elle pourrait le dominer si aisément. Amusant, comme un seul lui paraît pourtant bien plus effrayant que toute une cohorte à annexer, subitement.

« Les choses au motel viennent de changer. Ces derniers jours… il y a eu quelques modifications. »

Froid.

« Salâh ne reviendra pas. Pas avant un long moment. »

Comme le carrelage sous ses plantes.

« Il y a eu de nouveaux arrivants… et comme un changement de propriétaire, si je puis dire. »

Comme la peau des Mordus balancés à la fosse commune.
Elle a froid.

« J’ai décidé de faire de cet endroit autre chose qu’un ramassis d’Orientaux dégénérés et incapables d’aller au bout de leurs ambitions. Ils n’avaient que le mot « chaos » à la bouche. Mais ils n’étaient que des enfants qui s’amusent à articuler des insultes sans en comprendre le sens. Juste pour impressionner… pour provoquer. Alors, je leur ai montré. Je leur ai montré… » Elle sourit davantage. Elle ne regrette rien. Rien, hormis ce plaisir de ne pas avoir pu contempler le visage de leur chef en exil. « Ta chambre n’a pas été touchée, et ne le sera jamais. » Banshee de malheur, elle revit la fête splendide, les rires de ses pairs, et ce bonheur incommensurable de détruire, de saccager pour rebâtir sur les ruines un avenir plus glorieux. « Est-ce que tu me pardonnes… ? Je ne voulais pas t’embêter… tu n’avais pas besoin de voir ça, tu sais. Non… Non, non, je ne voulais pas que tu voies ça. Et puis… tu n’étais pas présent. Tout le monde pourrait en attester, parmi ceux qui se sont enfuis. Tu n’étais pas censé être au courant. Tu n’as pas commis d’exaction. Tu es… intouchable. Et s’ils essayaient de t’atteindre pour me punir, alors je leur montrerai encore. Je leur ferai boire l’argent jusqu’à les voir se dissoudre à mes pieds. Disparaître. Mais tout va bien, maintenant… Tout va bien. Tu peux revenir… On peut rentrer… ensemble. »

Les ongles raclent, et cette fois, elle n’y tient plus. Elle s’empare d’une paume qu’elle devine déjà rétive. Le désir de le sentir est plus fort.

« Mon cœur… rentre avec moi. »  

CODAGE PAR AMATIS


Before I'm dead

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Anonymous
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Dim 13 Juin - 15:22 (#)

THINGS I DO FOR LOVE.

And here we are.
Dès lors qu'elle s'attable devant lui et qu'entre eux s'entame le face-à-face décisif, il deviendra incapable d'anticiper la moindre parole, le moindre de ses actes. Barricadée derrière son mutisme des dernières nuits, Aliénor lui a imposé le repli. L'attente. Et en l'absence d'information, les pensées les plus fantasmagoriques s'étaient éreinté à emplir le vide. Pour le maintenir à flot. Pour lui éviter d'écouter cette pulsion sauvage de braver l'interdiction et de rappliquer au motel. Mais il avait décidé de lui faire confiance. Pour le meilleur et pour le pire.
Il observe sa mise sobre mais toujours élégante, devine qu'elle s'est apprêté avec soin. Pourquoi ? La conviction qu'elle maquillera ses propos à l'image de ses lèvres s'implante en lui. Ne délogera pas. Il va devoir batailler, s'il espère obtenir des réponses limpides. Cette vérité qu'il désire tant, aussi crue soit-elle. La lumière sur leurs innombrables non-dits. Le secret de l'équilibre de cette relation étrange résidait-elle dans cette ignorance ? Ils se côtoyaient depuis désormais trop longtemps pour justifier ainsi leur longévité.
Tu as l'air bien.
La tendresse s'érode avant même de l'atteindre. Qu'elle n'essaie pas de l'amadouer avec des surnoms amoureux, ou autre marque d'affection inappropriée. La première fausse note se glisse dans une partition déjà décalée. Lucide, il devine tristement qu'il n'y aura point d'harmonie, ce soir. Seulement une suite de désaccords grinçants, une flopée d'incompréhensions et d'incohérences entre leurs mondes, diamétralement opposés. Une réalité qu'ils auraient à affronter chacun d'un bout de la table. Peut-être que les regards se soutiendraient. S'il en avait le courage.

Le ballet des justifications s'initie. Il conserve le silence. Aucun tic nerveux ne déforme la gravité de son faciès, même la caféine ne trouble pas l'apparente placidité du Colosse. Il attend. L'unique déséquilibre, parmi cette silhouette faussement inébranlable, réside en ce poumon troué, à moitié arraché par les éclats d'obus, dix années auparavant. Dans des moments comme celui-là, où tout son corps est capable d'opter pour un immobilisme surréaliste, l'organe siffle douloureusement, comme pour lui rappeler son humanité, sa faiblesse. Il n'est pas invincible, Serguey. Il peut tenir face à elle, patienter, assimiler les informations encore trop nébuleuses, mais il n'est qu'un homme. Alors il encaissera jusqu'au mot de trop, jusqu'à la révélation insupportable. Peut-être vrillera-t-il. Peut-être finira-t-il par céder à la beauté empoisonnée de son amante, par y succomber. Il n'est qu'un homme. Peut-être sera-t-il séduit par cette promesse du retour imminent, ensemble, chez eux. La tentation de s'abandonner à l'appel des sirènes le dépassera. Pour oublier. Pour croire, encore quelques années, que leur duo ne se brisera jamais. Qu'il n'y avait pas besoin de tout se dire pour s'aimer. Que vampire et arcaniste pouvaient marcher côte à côte, sans en perturber l'essence-même de la terre.
Il n'est qu'un homme, ce soir. Un homme en colère, un homme impatient. Une carcasse déjà trop éprouvée par le manque de sommeil, par la désertion. Car c'est le sentiment qu'il éprouve, lorsqu'elle se confesse à demi-mot sur les raisons d'un tel silence. D'un tel rejet.

J'ai déserté.
Déserté le champ de bataille où les corps chutaient autour de moi. Abandonné les miens. J'ai été impuissant. Incapable de les sauver, de ramener leurs dépouilles auprès de leurs veuves et de leurs orphelins. Seul rescapé du massacre. Encore.
Déserteur. Il entend plus qu'il n'écoute. Il assimile plus qu'il n'accepte. Au fond de lui résonne déjà, sans qu'il n'en prenne encore conscience, le morbide écho entre cet événement qu'elle ne lui dépeint qu'à moitié, et celui qui a brisé sa vie.
Peut-être devine-t-elle cette fragilité chez lui. Peut-être use-t-elle de toutes ces précautions, peut-être drape-t-elle volontairement ses mots de velours, pour en amortir l'impact sur la psyché de l'ancien militaire. Peut-être le supplie-t-elle de rentrer à ses côtés sans en dire plus, persuadée qu'il saura s'enliser dans le déni, ignorer les cadavres, faire comme si de rien n'était. A quoi bon ? Il ne les sauvera pas. Je suis responsable. Cette certitude anime enfin ses prunelles arctiques, fossilisées jusqu'alors dans un goudron infranchissable.

Il avait entendu.
Pire encore : il avait compris.

Sa main de pierre ne s'écarte pas lorsque s'y loge celle de son amante. Il baisse les yeux vers ce contact saugrenu, observe la finesse de ses phalanges au cœur de sa paume de géant. Puis, lentement, les pétales de chair se referment autour de la dextre de glace. Le contact l'aide à ne pas sombrer. A recréer ce lien factice, comme Aliénor s'applique à le faire depuis son entrée dans les lieux. Pour l'instant, il n'y avait rien de réel. Des aveux maquillés, face à une inertie illusoire.
La guerre n'avait pas encore éclaté.

Moment d'accalmie, avant de partir au front. Les mains des amoureux se nouent dans la tranchée, à l'abri du tumulte. Et ce simple contact suffit à le dévaster : il l'aime. Indéniablement, et malgré ce qu'il comprend déjà au travers des épais rideaux qu'elle maintient encore baissés, sur la scène où se joue l'avenir de leur relation.
La mise en scène est parfaite, le décor chaleureux, la poudre et le fard savamment dosés.
Il n'y a que ce poumon meurtri qui siffle de plus en plus fort, annonçant l'implosion imminente. Le compte à rebours s'égraine dans sa poitrine, l'organe se dissout, s'émiette contre le bois de la table, devant elle.
Il ne peut plus mentir : il est dévasté.

Alors le couperet tombe, sa voix grave scie le silence, cherche à déchirer le voile. La vérité, il ne veut rien que la vérité.
« Je suppose que c'est ma faute. Tu ne m'as jamais caché vos divergences, avec Salâh ad-Dîn. Ton mépris pour sa gestion du Clan, pour ces Orientaux barbares qui ne méritaient pas ton estime. »
Il l'avait toujours su. Il se remémore leurs longues discussions alors qu'ils étaient sur la route, quittant Boston pour Shreveport, lorsqu'il avait accepté de l'accompagner – lui qui n'avait, après tout, rien à quitter véritablement.
Et il doit d'ailleurs admettre que l'agissement en lui-même ne le surprend pas. Tôt ou tard, Aliénor Bellovaque aurait provoqué un tsunami. Il l'avait toujours su. Et pourtant, les mots roulent durement hors de sa bouche lorsqu'il s'adresse à elle, plus froid que jamais.
« Ce qui m'échappe cependant, est la raison de ma présence ici. Pourquoi avoir insisté pour que je t'accompagne à Shreveport, pour que je sois à tes côtés, si dès le début, tu savais que tu me tiendrais soigneusement à l'écart de tes intentions ? »
Sa fierté est mise à rude épreuve, mais ce n'est pas pour cette raison que le poumon siffle de plus en plus fort.
« J'croyais que les instances conjugales valaient la peine d'être consultées, avant de prendre une telle décision. Parce que j'suppose que tu ne l'as pas prise sur un coup de tête. Cela fait longtemps, Aliénor. Mais j'suis probablement trop con, car j'ai rien vu venir. Trop insignifiant, aussi, puisque t'as pas daigné m'en parler. »
Cette désagréable impression d'être la dernière roue du carrosse, le dindon de la farce, lui demeure en travers de la gorge. Combien étaient au courant, parmi tous ceux qu'il côtoyait au quotidien ? Combien l'avaient dévisagé dans les couloirs du motel en percevant son ignorance ? Sa naïveté ?

Sa main se retire, délaisse celle de sa compagne pour se poser sur son genou, sous la table. Il a besoin de réfléchir, d'énoncer ce qu'elle s'obstine à lui refuser. Méthodiquement, l'esprit de l'ancien militaire recoupe les informations, analyse les informations grappillées, assemble le tout pour construire un semblant de cohérence. Son regard d'acier tranche durement les prunelles océan, car à aucun moment, il ne cesse de noyer ses yeux dans les siens. Malgré tout.
« Tu n'aurais pas commis l'erreur d'éliminer les partisans vampiriques. Trop risqué. L'Essaim t'aurait accusée, portée devant le Juge. »
Nulle émotion dans sa voix, lorsque l'ancien vétéran se contente d'énoncer les faits, d'établir le plan d'attaque. Car il sait qu'elle a raisonné comme une conquérante.
« Tu n'es pas sans savoir que depuis notre arrivée au motel, je ne suis pas resté les bras croisés. Je craignais d'être un poids pour toi. Tu en devines aisément les raisons. J'ai sympathisé avec quelques sorciers, avec ceux qui marchaient dans les pas de Salâh ad-Dîn, sans être aussi fous que lui. »
L'évidence. Il s'en veut de ne pas avoir compris plus tôt.
« Depuis dix jours, je n'ai aucune nouvelle. Silence radio. Une étrange coïncidence. »
Une pointe de sarcasme, essentiellement dirigée contre lui-même.
« Ils sont morts, je présume. »
L'organe atrophié agonise, éprouvé par la réminiscence. Ils sont morts et je suis là.

Sa respiration se saccade légèrement lorsqu'il croise les bras sur sa poitrine, mobilisant la moindre parcelle de son être pour ne pas s'effriter face à elle. Face à l'abomination qu'elle n'ose pas lui verbaliser.
« N'essaie pas de me protéger. Ne commets pas l'affront de me prendre pour un homme incapable de supporter la vérité. J'ai quarante ans. J'ai fait la guerre. J'ai tué. J'ai vu mourir. »
Il ne supporte pas de devoir lui rappeler l'évidence, mais son besoin impérieux de l'entendre répondre sans détour à ses interrogations le devance. Il exige. Le silence et l'attente sont insupportables.
« Je veux savoir combien de mes semblables tu as tués. » Massacrés. « Je veux savoir comment. » Je sais déjà pourquoi. « Ne me demande pas de te pardonner pour un crime que tu n'as même pas confessé. » Le ton se durcit lorsqu'il insiste, la poitrine douloureuse, éprouvé par la vérité encore hors de portée, tout comme par la beauté à la fois surannée et moderne de la femme qu'il aime. « Parle-moi, bordel ! »

(c) AMIANTE

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ADMIN ۰ Dalida - Elle devra choisir entre son amour et sa mort.
Aliénor Bellovaque
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♚ TAKE AWAY THE COLOUR ♚

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"Eh bien ; la guerre."

En un mot : La Vipère sous la rose.
Qui es-tu ? :
"Don't die with a clean sword."

♚ Caïnite âgée de trois siècles ; Accomplie du bel âge à portée d'ongles carmins.
♚ L'Ambition la ronge, mais laquelle ? ; le vide de nuits interminables la détruit plus sûrement que n'importe quelle balle en argent. L'Ennui pour seul véritable danger.
♚ Gorgone gauloise, sa réputation parle pour elle, surnommée Mère sanglante ou Reine rouge. Nombre d'enfants sont tombés sous ses crocs.
♚ Fille de corsaire, héritière de ses lettres de Marque ; navigua au service de Louis XV dans les eaux des Caraïbes à la tête de l'Espérance, frégate à l'équipage composé de deux centaines d'hommes.
♚ Trahie par un Britannique ; capturée et ramenée de force sur l'île de Mona, torturée , abusée, échappée - mourante (malaria). Transformée par un autre, à l'aube de sa trentaine.
♚ Éprise de coups d'État et féroce opposante à l'Essaim. Antique imperméable à l'ordre. À la tête du clan du Chaos. Danseuse sur le fil acéré de leur rigueur.
♚ Maudite ; aucun enfant n'a pu sortir de son ventre. Aucun Infant n'a pu résister à son vice, transmis tel un fléau. Sire matricide par deux fois. Échec toujours en gestation.
♚ Sang turc dans les veines, manie les us et coutumes perses. Son réseau d'Orient et d'Occident est dessiné comme une arachnide file sa soie.
♚ Incapable d'aimer son époque ; craintive pour l'avenir, répudiant son passé.
♚ Se joue d'une beauté en laquelle seuls les autres croient. Ancienne compagne de Serguey Diatlov, mère de substitution de Yago Mustafaï, protectrice de Mei Long et amante éternelle de Jenaro Silva.
♚ Pie voleuse, elle a dérobé le Clan du Chaos aux mains trop glissantes de Salâh ad-Dîn Amjad, qu'elle compte bien refonder en un ordre sérieux pour s'opposer à la Mascarade ainsi qu'au dictat de l'Essaim en place.

♚ SLAVE TO DEATH ♚

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"I know where you sleep."

Facultés : ♚ Vicissitude (niveau III)
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♚ Stratège. Rapide. Teigneuse.
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Dim 27 Juin - 23:16 (#)

♛ « Pour critiquer le monde avec désinvolture. »
« Je caressais le temps. Et jouais de la vie comme on joue de l’amour. Et je vivais la nuit sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air. J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés. Que je reste perdu ne sachant où aller. Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre. »

▼▲▼

Elle voudrait plaquer ses paumes contre ses propres oreilles. Pour ne pas entendre. Car bien sûr qu’elle l’entend, le sifflement provenant des organes abîmés. Narquoise, la Mort, familier fidèlement perché sur son épaule, pointe du doigt l’arcaniste amputé, déjà fatigué par une vie constituée de combats, de lutte, et maintenant de mensonges ou plutôt de dissimulations. Peut-elle vraiment lui infliger cela ? Et peut-elle réellement s’infliger cela ? Elle ne veut pas entendre. Elle ne veut pas guetter les signes. Elle serre sa paume plus fort.

Ne t’en va pas.
Reste avec moi.
Rentre avec moi.
Ne meurs pas.


Elle colmaterait bien ce poumon défectueux avec le premier matériau lui tombant sous la main, si cela pouvait lui permettre de ne plus entendre, entendre, entendre, cette preuve éclatante de sa mortalité.

Serguey va mourir.

Oh, non.
Non, elle ne le permettra pas. Elle ne laisserait aucun coup s’abattre, qu’il provienne de leurs ennemis communs, de ceux dont elle ne connaît encore ni le souffle ni le visage, ou de cette Nature dont elle est l’incarnation même d’un possible différent, embrassé avec une véhémence surprenante. Elle se voit déjà, elle, digne de sa réputation, de son nom et de l’aliénation qu’elle a toujours porté en guise d’étendard ; le forcer, d’une manière ou d’une autre, à tourner le dos à la fatalité qui le verrait dépérir, lui échapper.
Non.
Elle fera mentir tous ceux qui clament, crient, annoncent et professent la fin d’une union défaite par avance, vouée à se conclure, peut-être même ici et maintenant. Elle refuse. Et ce qu’importe le prix à payer. Qu’importe, si elle doit se jeter aux pieds de tous les arcanistes honnis. Qu’importe. Elle supplierait celui qui a su arracher le cœur de son Infant préféré, celui dont les traits aperçus une fois la troublent tant, lui rappelant l’une de ses propres créations. Antan.
Elle donnerait à la pire des diseuses de bonne aventure, se saignerait jusqu’à en bafouer sa Vitae, si le répit pouvait leur être accordé. Cette urgence de vivre la dépasse, la soulève et la noie dans des désirs rarement éprouvés. Pour beaucoup d’autres, elle aurait pu envisager la Marque, puis la transformation. Mais ce simple mot la couvre de honte, d’un tressaillement rétif. Serguey Diatlov ne mérite pas la condamnation d’une éternité passée auprès d’elle. Serguey est fait pour la vie, comme elle-même le croyait alors du temps de son humanité, avant d’embrasser ce destin si particulier. Mais pas lui. Pas Serguey. Alors pourquoi la proposition n’est-elle jamais très loin de se voir étalée ? Pourquoi cette insistance ? Pourquoi cet acharnement ?

Elle l’aime.

Il referme sa main sur elle, et les lèvres purpurines s’entrouvrent, sous la proie d’une surprise, d’un espoir donné qu’elle n’attendait plus. Il ne la rejette pas. Pas tout de suite. Son échine casse, un peu, reconnaissance offerte à elle ne sait quelle puissance lui permettant d’éprouver encore un peu la chaleur de sa peau, les allées et venues imperceptibles du sang roulant dans les veines bleutées. Reste avec moi. Je t’en supplie, arrête de siffler. Tu es intact. Merveilleusement intact, et si cabossé à la fois. S’il te plaît.

Il parle, pour l’accabler, cette fois. Sous les cils, le céruléen le contemple sans demander pitié. Bête prise sur le fait, acceptant sa punition, la volée, les coups ou la gifle qui s’annoncent. Elle le regarde avec cette pureté presque troublante ; le monde animal et sa cruauté, dont elle fait désormais partie en tournant le dos à ses scrupules d’humanité, luisent au fond de ses orbites censées être cadavériques. Parfois, elle imagine certains sorciers capables de la voir pour ce qu’elle est, sans savoir que Yago lui-même en a déjà fait l’amère expérience. Il n’y a plus rien de l’affection qui les lie, et les échos de leurs rires lui paraissent si loin qu’elle manque d’en grimacer, tétanisée à l’idée de les avoir perdu pour toujours.

Ça y est. Le glissement de la peau contre la peau. Il n’y a plus rien à étreindre. Elle referme ses doigts comme une pince défectueuse, avec une rigidité anormale ; serres blessées, pattes d’arachnide se repliant subitement lorsque la mort frappe. Ses dents se serrent, tandis qu’elle affronte la pluie de questions, de remarques qui s’abat sur elle et son râble vulnérable. Elle ne s’enfuit pas. Elle ne s’échappe pas. Elle reste là, déterminée à le convaincre, à le rallier à elle comme ils ont toujours marché ensemble, depuis que le miracle est né. Il ne comprend pas. Il ne comprend pas que tout ce qu’elle a jamais fait depuis que son pas s’est accordé au sien, ne consiste qu’en le protéger de l’abomination qui réside et croît en elle, au fur et à mesure des siècles qui passent et l’éloignent de l’âme morte, noyée dans les eaux de l’île de Mona.

« Ne me regarde pas comme ça… »

Ne me tue pas encore.
Ne m’enterre pas dans la tranchée de tes souvenirs.


Pourquoi les humains exigent-ils toujours d’entendre ce que leur cerveau est trop paresseux pour concevoir par eux-mêmes ? Une perte de temps, d’énergie et de salive dont elle a du mal à saisir le sens, désormais. Même lorsqu’elle tente de se replonger dans ce qu’elle était alors trois cent ans plus tôt, il n’y a que son amant qui réveille en elle un peu de sa pitié, de son désir de se montrer compréhensive sans céder au mépris, à l’indifférence voire à la moquerie. Elle se redresse alors, raide sur ce siège qu’elle trouve inconfortable. Bombant sa poitrine jusqu’à sentir ses omoplates toucher le dossier, le menton haut et le sourire mort, ses griffes ne mordent plus que le cœur de ses dextres, sans violence pour autant. « En effet. Aucun immortel n’a péri, cette nuit-là. Tu es intelligent. Tu me le prouves chaque jour. Alors pourquoi vouloir obtenir des réponses que tu connais déjà ? Serguey. » La réprimande est proche. Elle feule, plus peinée qu’en colère. « Cette décision ne te concernait pas. Cette décision a bien été prise de longs mois avant que je ne fasse ta rencontre, oui. Je comprends que tu te sois senti floué, mais il n’a jamais été question de te trahir ou de te prendre pour le dernier des mortels… Tu le sais très bien. Tu sais à quel point tu comptes pour moi, n’ose pas remettre ça en question. » N’ose pas.  

« Tu n’es pas insignifiant. Je ne voulais pas t’impliquer là-dedans. Si quelqu’un avait soupçonné quoi que ce soit, voulu t’interroger, lire dans ta tête, te torturer même, te menacer ou te faire du chantage, tu aurais fini par parler. Je ne mets pas ta capacité de résistance en doute, mais tu les connais. Tu as vécu avec eux pendant des mois, tu sais ce dont ils sont capables, et je n’aurais jamais pris le risque de les voir te blesser. Si tu ne savais rien, tu ne pouvais pas être inquiété, et le plan n’était pas menacé lui non plus. J’ai mûrement pesé ce choix, et sache que je ne le regrette pas aujourd’hui. » Elle ne le regrettera jamais. Elle connaît les sbires de Salâh aussi bien que les siens. La moindre faille les aurait vu s’y engouffrer comme l’eau se faufile dans le moindre accroc d’un terrain submergé. « Ne laisse pas parler ton orgueil au mauvais moment, Serguey. Ce serait une erreur. »

Elle ne détourne le regard que brièvement, observant les clients qui vont et viennent, autour d’eux. « Tu les vois… ? Eux, me sont insignifiants. Je les regarderais bien mourir, brûler et saigner sans fin, si leur montagne de cadavres pouvait m’éviter d’avoir à recueillir le tien. » L’Antique revient sceller ses prunelles aux siennes, et aucune fissure, rien ne permettrait à la moindre goutte de coloniser une pensée inaltérable, coulée dans l’acier le plus insubmersible. « Tu veux que je me confesse ? Je peux. Mais nous nommeras-tu toujours instances conjugales, après cela ? » L'expression l’amuse. Elle lui semble si peu appropriée. Serguey et elle n’en ont pas parlé depuis longtemps. Elle sait qu’il papillonne, de conquêtes féminines en amants masculins. Elle l’aime libre, tout en se faisant, finalement, bien plus sage que l’arcaniste au palmarès d’étalon. Elle a toujours su demeurer à sa place. Elle ne peut tout apporter à l’homme comme elle le voudrait. Pas assez vivante, et tous les stratagèmes n’y changeront rien. Elle l’a accepté, sagement. Pour autant, leur couple souffre d’une absence de qualificatif qu’elle n’a jamais réclamé avant aujourd’hui. Mais aborder ce point maintenant lui paraît aventureux, glissant et peu approprié. Elle ne le titillera pas beaucoup à ce sujet.

« Tu veux que je me confesse ? J’ai fait ce pour quoi j’existe encore. Je me suis vengée. J’ai tué les immondices qui Lui servaient de servants et d’espions. Ses arcanistes. Et j’espère que la perte de chacun d’entre eux le hantera, sans me faire d’idées. Car Salâh est né sans cœur et mourra de même. Il est l’incarnation du Mal sans fondement, sans idéal, un chien fou stupide qui passe son temps à courir et à mordre tous les jarrets passant à sa portée. Il pisse partout où il estime bon de marquer son territoire, transforme les âmes pures pour les corrompre à son image et salit tout ce qu’il touche, sans jamais se montrer digne des fonctions qu’il ose vouloir incarner. Alors je les ai tués, les larves qui se nourrissaient de ses discours putrides. Je les ai tués, moi et tous ceux qui croient encore en moi. Tous ceux qui contestent le soi-disant empire oriental qui n’a pu voir le jour que parce que les autorités vampiriques demeurent dépassées. » Elle parle, et sa voix se fait plus rauque, plus sourde, tandis que la rancœur s’amasse sous les amygdales, dans le moindre recoin du cou, de la gorge. La même rancœur que celle qui l’agitait, au moment d’affronter le dépit de Yago. « Tu es ici parce que je te voulais avec moi. Parce que tu m’as plu. Ce que tu dégages, ce que tu es… je ne voulais pas rejoindre la Louisiane sans toi. Je savais que tu me donnerais de la force. Tu es ce qu’il me reste lorsque je suis fatiguée d’être en colère. Lorsque je n’ai pas envie de me sentir haineuse, au moins le temps d’une nuit ou deux. Je te regarde vivre, et je me sens heureuse. Tu me rappelles ce que j’ai pu être, quelquefois. Tu me rappelles… » Elle cille. Les visages de ses hommes déformés par la peur. Les sabres tranchant les tripes. Le sang se répandant sur le pont, pour mieux finir dans la gueule des…

« Je te voulais près de moi. Et je te veux toujours près de moi. » Il n’y a plus de main à agripper. Les bras croisés du colosse, replié sur lui-même, la laissent seule face à cette vérité qu’elle n’a aucun remord à extirper, enfin dépliée de la cage de secret dans laquelle elle la gardait contenue pendant tout ce temps. « Comptes-tu me reprocher de ne pas t’avoir impliqué dans un tel complot, mon amour… ? Si c’est le cas, dis-le moi. Mais je ne regretterai toujours pas pour autant. » Elle secoue la tête, peinée. « Tu as tué, oui. Tu as vu mourir. Mais quarante ans… Quarante ans, ce n’est même pas le nombre d’années qui nous a vu nous connaître, Mei et moi. Ton âge n’a rien à voir avec tout cela. La vérité, je te la donne. Maintenant, certes, plus tard, mais je te la donne. J’aurais pu choisir de ne jamais rien te dire, j’aurais pu t’envoyer paître au risque de te perdre. Mais je ne veux pas que tu partes. Et maintenant, tu sais. »

Elle n’a pas besoin de reprendre son souffle, mais elle peut presque deviner la tension fantôme qui hante son dos et ses épaules. « Je suis désolée si… si tu étais devenu ami avec certains d’entre eux. Je suis sincèrement désolée. Je sais que tu as fait des efforts pour t’impliquer et je t’en serai toujours reconnaissante. Certains arcanistes ont réussi à s’échapper. Nous avons abattu ceux qui se sont ingéniés à défendre le motel laissé par Salâh. Eux, et tous les mordus et déchets humains restés dans les chambres. J’espère que parmi les rescapés, tu retrouveras certains de tes proches. » Si ses paroles sont sincères, elle ne peut y mettre l’émotion qu’attendrait peut-être Serguey. Incapable, incapable d’oublier ce qu’elle est ; ange de la mort dont les crimes et les spectacles morbides sont légion, jalonnent tant d’années foulées au pied.

« Je ne saurai te dire le nombre exact. Mais tu n’as pas besoin de savoir comment. Ne te torture pas inutilement. »

Le silence retombe, tout comme ses phalanges, comme exténuées de s’être tant repliées.

« Je suis désolée. »

CODAGE PAR AMATIS


Before I'm dead

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Anonymous
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Mer 30 Juin - 23:14 (#)

THINGS I DO FOR LOVE.

Le sifflement ne se tarit qu'à peine lorsqu'elle prend la parole pour espérer colmater une attente qui ne sera probablement jamais comblée. Toute tentative de réponse n'allègera jamais le cœur du Colosse, et il doute même qu'elle puisse réellement, un jour, lui apporter une explication satisfaisante. Car s'il est capable de comprendre les aspirations à la rébellion, les mouvements politiques que son amante a provoqués, s'il peut aisément appréhender la manière dont elle a infléchi le cours des choses, il n'y aura pas de pardon ce soir. Tous les arguments qu'elle pourrait employer n'abattraient pas cette rancœur, née des débris d'une incompréhension fondamentale qui leur sera peut-être fatale. Et à l'écouter déblatérer ses convictions de conquérante, dont il ne doute pas le moins du monde, il sait qu'il est déjà trop tard. Même s'il la comprend. Car il sait que sous la torture, même le plus valeureux des guerriers craque et crache les informations réclamées, pour mettre fin au calvaire. Il sait que le moindre secret en sa possession aurait réduit à néant les chances de réussite du stratagème d'Aliénor. Ses connaissances militaires lui offrent une compréhension rationnelle de la situation, des faits qu'elle lui expose. Il n'oserait remettre en question la moindre décision stratégique, aussi cruelle soit-elle. D'encéphale à encéphale, s'il réfléchissait comme elle, il approuverait probablement le moindre de ses choix.
Mais ils ne sont pas deux gradés qui livrent bataille côte à côte. Ils ne sont pas deux assoiffés de pouvoir aux pulsions inassouvies, au désir de conquête grandiloquent.
Ils ne sont que deux amants, avec une fâcheuse tendance à perdre de vue l'essentiel.
Ou peut-être à ne pas oser l'assumer totalement.

Pas insignifiant.
Une parole qui peinait à s'accrocher à sa psyché poreuse, malgré la conviction de son amante. Aucun risque qu'il ne remette quoi que ce soit en question, ou qu'il ne se barricade derrière un orgueil mal placé. Il dérive déjà, Serguey, le cerveau trop plein d'informations impossibles à transformer en émotions. La dichotomie se crée dans le vide de ce corps soudain trop grand pour lui, et le sifflement de l'organe atrophié dissémine son écho dans l'abîme intérieur.
Machinalement, il suit des yeux le trajet du regard d'Aliénor, ausculte lentement ces silhouettes anonymes, une à une, éternellement pétri par cette curiosité à l'égard de chaque individu, et également porté par cette foule qui l'aide à affronter les tempêtes. Il n'a pas besoin de connaître ces gens pour se sentir lié à eux, par des flux et des énergies qu'Aliénor ne comprendra jamais. Il regrette de ne jamais avoir pris le temps de tenter de les lui décrire, pour qu'elle puisse se rapprocher de son monde, en comprendre certains rouages, qu'il savait obscurs pour elle, tout comme il méconnaissait lui-même la plupart des enjeux du monde vampirique. Une vague de tristesse l'ébranle lorsqu'il réalise qu'ils n'avaient que peu discuté de toutes ces choses importantes, toutes ces choses qui leur faisaient désormais cruellement défaut, tandis qu'ils se regardaient à nouveau, aux portes de l'épreuve la plus colossale qu'ils aient eu à traverser tous deux, et dont ils ne se relèveraient peut-être jamais.

Il cligne lentement des yeux, éprouvé par le poids de telles confessions, d'une portée d'une envergure qu'il est incapable de saisir. Car il comprend brutalement, ce soir, ce qu'ils auraient dû se dire il y a des années : ils n'existent pas sur le même plan. Leur monde ne sont pas régis par les mêmes règles, leurs pas ne sont pas guidés par les mêmes enjeux. Ils se rencontrent, s'attachent l'un à l'autre, puis se décrochent pour évoluer en solitaire. Et même s'ils s'apportent mutuellement dans cet entre-deux, il craint plus que tout de saisir qu'ils ne se sont, à dire vrai, jamais totalement rencontrés. Et de surcroît, chose étonnante malgré leur caractère bien trempé, ils s'étaient toujours montré d'une extrême prudence l'un envers l'autre. Pour ne surtout pas remuer les bas-fonds et sentir les relents de vérité vaseuse entacher leur relation idyllique. Il avait eu tort de croire que leur libertinage était le garant de leur succès, et de leur absence de disputes. Leurs frasques respectives n'avaient finalement rien à voir avec le secret de leur longévité. Et peut-être plus encore que les révélations d'Aliénor, cette prise de conscience l'ébranle, et alors il n'est plus ce Colosse qu'elle aime tant, cet homme coriace qui jamais ne plie le genou. C'est tout son être qui abdique face à ce qu'il refuse désormais de nier.

Alors il regarde celle qui marche à la vengeance, celle qui n'existe que pour reprendre ce qu'on lui a arraché, cette figure de destruction qu'il envisage pour la première fois comme tel. Ses bras se déplient lentement, alourdis de toute cette lassitude qui l'emplit soudain, affaibli par cette prise de conscience qui lui scie les jambes. S'il n'avait pas sa fierté comme tuteur, il s'écroulerait probablement sur la table du Voodoo Café, la gueule écrasée contre l'ironique cigare de Papa Legba, gorge offerte pour une dernière compensation après son sinistre service auprès d'elle. Car qu'étaient-ils réellement l'un pour l'autre ? Les muscles tétanisés de sa mâchoire peinent à se décrisper lorsqu'il tente d'articuler, la voix cassée, le regard toujours figé dans le sien. Et la douleur creuse sa cage thoracique d'un éclat d'obus supplémentaire lorsqu'il lui déclame, son myocarde tambourinant à tout rompre, au bord de l'implosion.
« Je t'aime. Je te l'ai jamais dit, parce que j'l'avais pas compris. Mais je le sais, maintenant. »
Son poumon ne siffle plus. Car la béance a finalement été endiguée par une réflexion dont il ne peut plus se défaire. Il a pris sa décision.
« Mais on s'connaît pas, Ali. J'ignore ce que tu veux réellement, et tu ne me mets devant le fait accompli qu'après avoir orchestré un massacre. Et toi, tu ignores ce que je vis, car disons les choses, ça t'arrange bien que j'sois bousillé de l'intérieur. Parce que si j'avais été un sorcier en pleine possession de mes moyens, j'aurais peut-être figuré parmi les cadavres. Car ça t'a toujours terrifiée, Ali, ce monde d'arcanes auquel tu demeures et demeureras éternellement hermétique. Salâh ad-Dîn est ce qu'il est, et je peux partager ton jugement sur certains points. Mais, contrairement à toi, il a compris une chose fondamentale. »
Malgré le risque de vacillement, il se penche tout de même par-dessus la table et siffle, presque menaçant, à l'encontre de celle qu'il a avoué aimer quelques instants auparavant.
« Il a compris que les sorciers ne sont pas des larves qui se nourrissent de discours putrides. Il est peut-être ce que tu dis, qu'en sais-je, moi, Serguey Diatlov, de seulement quarante ans ? Ce n'est pas ma guerre. Mais je pense que tu commets une grave erreur, à ne pas t'intéresser à la magie. Et cela lui donnera toujours un avantage sur toi. Aliénor Bellovaque. »

Péniblement, sa stature fracassée se redresse, et si ses prunelles tremblent d'avoir osé employer ce ton si sévère, à la limite de mépris, il n'en abandonne pas pour autant son regard. Car il n'a pas terminé.
« Je vais maintenant t'expliquer pourquoi j'avais besoin de savoir comment tu avais tué ces hommes et ces femmes. »
Puisque ce soir, je crois qu'on peut tout se dire, chérie.
« Car les crimes que tu as commis sont imprégnés dans tout le motel. Les murs sont gorgés du sang et des cris de ceux que tu as massacrés. Ce monde n'a peut-être aucune existence pour toi, mais moi, je le perçois. Lorsque je rentrerai du travail, lorsque je m'enfilerai une vodka dans ma chambre, lorsque je te ferai l'amour, je verrai les spectres. Chaque nuit, Aliénor, ils s'accrocheront à moi. Pour me parler. Pour me prévenir. Pour me murmurer les atrocités que tu as perpétrées là-bas, impunément. Alors non, je ne me torture pas, Aliénor. C'est toi qui le fais, en croyant me protéger. Mais tu ne fais qu'aggraver les choses. »
Une pointe de culpabilité casse le ton de sa voix en fin de phrase, ce regret de ne pas avoir pris le temps de lui expliquer les différences fondamentales entre leurs deux univers. Il était trop tard, désormais.

Ses ongles raclent le bois de la table lorsqu'il amène une dextre à sa poitrine douloureuse, dans une grimace qu'il peine à dissimuler. La main se porte contre l'organe douloureux, réveillé par la pénibilité de l'épreuve. Durant un long moment, son regard abandonne le sien et sa respiration se raréfie, le souffle s'extirpe laborieusement de sa cage thoracique, tandis qu'il tâche de reprendre contenance. De ne pas s'effondrer au moment critique, juste avant de lui faire part de cette décision déchirante.
Les mots tombent comme un couperet fatal et solennel. Inflexible.
« Je ne rentre pas avec toi. »
La nuque écrasée par l'abnégation, il relève les yeux pour assumer face à elle ce choix inaltérable. Et il sait qu'il lui arrache le cœur, lorsqu'il la regarde, des perles de rage au coin de ses yeux ridés. Il ne s'est jamais senti aussi vieux et aussi périssable qu'en cet instant, Serguey Diatlov, face à la sentence de la femme qu'il aime, après ses révélations macabres.
« J'suis pas assez fort pour… affronter ça. »
Il ignore si elle comprendra. Lui-même s'en veut déjà pour leur imposer cette séparation qui, il le sait, amorce peut-être une rupture plus conséquente. Mais il est lucide avec lui-même : il ne survivrait pas dans ce cimetière d'âmes arrachées. Et cette prise de conscience le secoue brutalement et lui fait décocher un violent coup de poing contre le bois déjà abîmé de la table. Le choc sourd fait tourner la tête de quelques curieux et autour d'eux, le silence tombe.

De son autre main, il ramène son bras tremblant de colère contre lui, et sa haute stature vacille lorsqu'il se redresse, incapable de tenir plus longtemps sans flancher.
« Ne me suis pas dehors. »
L'ordre est froid et déjà il s'échappe, claudique presque jusque l'extérieur, étranglé par le besoin urgent de retrouver l'air du dehors, de respirer un grand coup et de recouvrir un semblant de calme. Mais retrouver la rue, les bruits citadins, ce monde qui bruisse comme si la tempête qu'il avait à affronter n'existait pas, ne l'aide nullement à se calmer. Et son poing s'enfonce de nouveau dans la tôle d'une voiture garée là, puis dans un réverbère avoisinant. La douleur vrille aussitôt les phalanges qu'il ne craint pas de se briser, emporté par une colère qu'il hurle à qui veut l'entendre, c'est-à-dire personne, car il est seul sous cette chaleur écrasante à cracher ses poumons, s'accablant lui-même de n'être qu'un couard doublé d'un imposteur dans ce corps déserté depuis trop longtemps. Ses vociférations déchirent la nuit, entre les roulis mécaniques et les musiques lointaines, de tout ce monde qui ne s'arrête pas de tourner face à son impuissance. Dans cet infiniment grand, seul son individuel équilibre précaire est menacé, mais il se maintient debout, Serguey, refusant de chuter une fois de plus, une fois de trop ; ses mains puissantes s'accrochent à une benne, à quelques dizaines de mètres du Voodoo Café. Il n'a pas conscience de s'être éloigné, tout comme d'avoir hurlé seul dans cette immensité urbaine. Seul avec leurs paradoxes. Seul avec ces non-dits accumulés qui lui restent sur le cœur. Seul avec la certitude que rien ne sera plus jamais comme avant entre elle et lui.

(c) AMIANTE

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ADMIN ۰ Dalida - Elle devra choisir entre son amour et sa mort.
Aliénor Bellovaque
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♚ TAKE AWAY THE COLOUR ♚

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"Eh bien ; la guerre."

En un mot : La Vipère sous la rose.
Qui es-tu ? :
"Don't die with a clean sword."

♚ Caïnite âgée de trois siècles ; Accomplie du bel âge à portée d'ongles carmins.
♚ L'Ambition la ronge, mais laquelle ? ; le vide de nuits interminables la détruit plus sûrement que n'importe quelle balle en argent. L'Ennui pour seul véritable danger.
♚ Gorgone gauloise, sa réputation parle pour elle, surnommée Mère sanglante ou Reine rouge. Nombre d'enfants sont tombés sous ses crocs.
♚ Fille de corsaire, héritière de ses lettres de Marque ; navigua au service de Louis XV dans les eaux des Caraïbes à la tête de l'Espérance, frégate à l'équipage composé de deux centaines d'hommes.
♚ Trahie par un Britannique ; capturée et ramenée de force sur l'île de Mona, torturée , abusée, échappée - mourante (malaria). Transformée par un autre, à l'aube de sa trentaine.
♚ Éprise de coups d'État et féroce opposante à l'Essaim. Antique imperméable à l'ordre. À la tête du clan du Chaos. Danseuse sur le fil acéré de leur rigueur.
♚ Maudite ; aucun enfant n'a pu sortir de son ventre. Aucun Infant n'a pu résister à son vice, transmis tel un fléau. Sire matricide par deux fois. Échec toujours en gestation.
♚ Sang turc dans les veines, manie les us et coutumes perses. Son réseau d'Orient et d'Occident est dessiné comme une arachnide file sa soie.
♚ Incapable d'aimer son époque ; craintive pour l'avenir, répudiant son passé.
♚ Se joue d'une beauté en laquelle seuls les autres croient. Ancienne compagne de Serguey Diatlov, mère de substitution de Yago Mustafaï, protectrice de Mei Long et amante éternelle de Jenaro Silva.
♚ Pie voleuse, elle a dérobé le Clan du Chaos aux mains trop glissantes de Salâh ad-Dîn Amjad, qu'elle compte bien refonder en un ordre sérieux pour s'opposer à la Mascarade ainsi qu'au dictat de l'Essaim en place.

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"I know where you sleep."

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Mer 4 Aoû - 5:20 (#)

♛ « Pour critiquer le monde avec désinvolture. »
« Je caressais le temps. Et jouais de la vie comme on joue de l’amour. Et je vivais la nuit sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air. J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés. Que je reste perdu ne sachant où aller. Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre. »

▼▲▼

Leur avenir se joue maintenant. Dans un vulgaire café de Shreveport, ville encore plus insignifiante. Loin, très loin de Boston la fière, Boston la haute, la compacte. Elle aurait pu envisager une telle crise entre ses monuments dignes, entre ses blocs l’impressionnant, préfigurant New York, plus au Sud. Mais pas ici. Pas comme ça. Pas maintenant, baignant dans une atmosphère trompeuse, sauf pour les deux amants qui se toisent, se font désormais face en un duel dont elle ne voulait pas. Leur avenir se joue maintenant, et elle grapille chaque seconde, chaque minute les voyant encore là, l’un près de l’autre. Elle ignore combien de temps ce privilège lui sera accordé. Il lui échappe déjà. Il lui échappe, et fomente peut-être déjà de rebâtir sa vie ailleurs, de la quitter pour de bon. D’en finir avec cette vie de chaos, de violence et de meurtres. En finir, avec le fait de dormir près d’un cadavre chaque fois que le jour revient. Et la voilà qui rêve de nuit éternelle.
Elle ne supporte pas de lire la tristesse crantée sur les sillons, les ridules et les porosités du visage de son amant.
Elle ne supporte pas d’être la cause de ces prunelles vides, éteintes.
Serguey n’était que flamme, et voilà que, par sa faute, c’est l’hiver qui s’est installé dans le cœur de l’Estonien.
Une part d’elle se révolte : non, elle n’est pas seule en cause. Elle n’est pas responsable de la perte de sa magie. Cependant, c’est bien peu de choses face à cette semi-culpabilité. Semi-culpabilité non pas envers ses actes – solide, droite comme un i, elle ne reviendra jamais sur ses propos – mais plutôt à l’égard des conséquences morales les ciblant tous les deux, dommages collatéraux. Elle a tourné le dos à l’idée qu’elle se faisait de la médiocrité. Elle a joué, voulu parier. Elle a gagné une manche, mais s’apprête à perdre le pilier grâce auquel elle s’était hissée (sur ses épaules de colosse).
Elle déteste la façon dont il la regarde. Comme si, peu à peu, il annihilait la collection de souvenirs emmagasinés ensemble. Bientôt, elle redeviendra une étrangère, une vampire parmi toutes les autres qui parasitent le monde des hommes. Il fera tout pour l’oublier, pour ne pas avoir à remuer le couteau dans la plaie : cautérisant par le feu. Puis, un jour, lorsqu’il en sera capable et qu’une autre femme à l’écoute se blottira entre ses bras, il évoquera la succube responsable de ses maux, de sa défiance envers les créatures dans son genre. Elle ne sera plus que celle que l’on évoque pour apposer un nom au responsable de la brûlure. Il aura du mal à articuler les syllabes de son prénom. Il tournera le dos à celles qui lui ressembleront un tant soit peu : immortelles, petites, crinière jamais en place… Tout ce qui les constitue couple, tout ce qui les fait unis, il jettera tout en un tas anarchique, sur lequel il versera le gasoil, puis balancera l’allumette embrasée.

Oh oui. Elle voit tout.
L’expérience, l’habitude de voir ses hommes partir, quelle que soit la manière. Certains furent élégants. D’autres beaucoup moins.

À quoi bon rafler la mise, si personne n’est là pour l’aider à la dépenser ?
Elle en est là de son délire, elle tourne en rond dans sa propre tête, elle panique.

« Je t'aime. Je te l'ai jamais dit, parce que j'l'avais pas compris. Mais je le sais, maintenant. »

Elle s’écroule.
Si elle n’était pas déjà assise, elle n’aurait jamais tenu. Ses paumes sont tombées à plat sur la table qui la supporte, et ses épaules s’alourdissent brutalement, à l’image de sa nuque, plongeant bas. Elle ressemble aux félins jaugeant leur proie de loin, envisageant la distance, la puissance nécessaire pour les saisir dans un élan brutal et rapide. Mais rien ne bouge. Elle veut hurler de douleur, en même temps qu’une boule de chaleur éclot dans son ventre vide. Cette chaleur se répand dans ses entrailles, vient combler l’absence, la béance. Elle ferme les yeux. Elle se répète inlassablement la déclaration qui n’apporte nulle joie, et pourtant il lui semble qu’elle ne s’est jamais sentie aussi heureuse.

Aussi accomplie.

Il l’aime.
Serguey l’aime.
Serguey Diatlov l’aime, et le reste du monde peut bien finir immolé.
Être aimée d’un homme comme lui se mérite. Ce n’est pas son cas. Elle glane une couronne de plus, indigne.

Ses paupières se rouvrent, quand il la crucifie après l’avoir laissée s’ouvrir.
Un dard ayant plongé au cœur des corolles indolentes, une épée enfoncée dans ses tripes.
Il l’aime, mais il l’assassine, probablement à la hauteur de ce qu’elle lui a infligé.

Tu as raison.
Saigne-moi.
Rends-moi la douleur.


Gifle après gifle, le sac se vide. Elle découvre l’étendue de ses soupçons, le résultat de ses conclusions, de ses réflexions. Elle avait raison de se trouver laide. Elle l’est, sous les sèmes avec lesquels il la dépeint. Elle tremble à peine, balancée d’un état à un autre à toute vitesse. Elle se protège, encore, derrière son silence comme la dureté froide qui est la sienne (immortelle) mais il l’atteint, la frappe de coups trop rapprochés pour qu’elle puisse maintenir la solidité de ses défenses. Elle secoue la tête, abasourdie. Comment aurait-il pu figurer parmi les morts ? Jamais, jamais, jamais. Que l’idée ait pu le toucher l’horrifie et la plonge dans une perplexité mêlée de colère. Pourtant, elle ne parle pas ; en est incapable. Les accusations la défont encore et encore, comme si ces paumes l’ayant comblée si souvent l’avaient empoigné pour la violenter, pour lui faire payer jusqu’à l’aube la rancœur accumulée à son endroit. Il professe le faux. Il ne la croit pas. Il interprète mal. S’est-elle donc si mal exprimée ? Pas seulement ce soir, mais tous les mois qui ont précédé ? Les années ? Sa main se porte à sa bouche. Les mauvaises langues lui reprocheraient un simulacre : imitation des gestes féminins parmi ses comparses vivantes, elles. Pourtant, il est authentique. La peau striée frotte la bouche écarlate (étale le rouge, étale-le) devant l’injustice qui lui est faite.

Non.
Tu te trompes.


Elle ne le regarde plus. C’est le socle entre eux deux qu’elle fixe, ayant trop peur de la façon dont il la contemple.
Elle n’entend déjà plus son « Je t’aime. » Elle ne se rappelle plus de l’inflexion exacte de sa voix. Déjà ? Déjà, sa mémoire lui joue des tours, au profit des reproches et des attaques qui, eux, s’imprègnent sans difficulté aucune.

« Tu ne fais qu'aggraver les choses. »

Oui.
Beaucoup auraient acquiescé. Tous ses morts, ses spectres à elle, ceux qui la poursuivent sans même qu’elle n’ait à les voir. Des centaines d’années de dettes impayées, de responsabilité déviée. Si elle avait su. Si elle avait pu. Si j’avais.

Elle redresse la tête, captant le mouvement trahissant le cœur fragile, les poumons endoloris. Déjà, elle est prête à se porter à son chevet, même s’il devait la repousser en public, comme si elle ne valait rien. Évidemment, elle s’oblige à l’immobilisme, mais ne se sent pas plus tranquille pour autant. À son tour, ses orbes l’ont fui.

Laide, laide, laide, laide, laide, laide…
Oh, comme elle s’arracherait bien la tignasse incoiffable qui lui pousse sur le crâne.
Comme elle se casserait tous les ongles un par un, comme elle se remodèlerait pour mériter ce qui ne cesse de grouiller en elle, enfin à la hauteur de la pestilence qu’elle dégage, maquillée en permanence derrière un charisme dont elle n’a fait qu’hériter. Rien ne lui est dû. Elle a tout pris, s’est hissé sur les épaules d’autres géants pour palier sa condition de femme, sa taille infime, sa condamnation à mort. Elle a tout pris, et qu’a-t-elle donné ? Qu’a-t-elle semé autre que les regrets, les cadavres et les graines d’un Mal dont certains murs parlent encore ?

Le Diable est encore passé par là.
Le Diable, et ses incarnations dont elle fait partie, souillant tout ce qu’elle touche de ses phalanges impies.

« Je ne rentre pas avec toi. »

Seule. Elle rentrera seule. Elle se jettera dans les bras de ses sœurs, de ses filles. Ou bien peut-être cultivera-t-elle sa peine seule, sur un morceau de toit. Elle l’ignore encore. Tout, pour éviter de commettre la bêtise de plus. La bêtise de trop.

Serguey pleure.
Serguey l’aime, et voilà qu’elle le fait pleurer.
Elle est l’arme ayant réussi à traverser un blindage qu’elle-même croyait inaltérable.
Elle est le poison qui s’invite dans la coupe.
Et il l’a bue, sans même y songer à deux fois.

La table s’ébranle sous le poing furieux, et elle sursaute, écartant sa main tâchée. Elle aurait voulu être ce qu’il a cogné. Elle se laisserait joliment remodeler par sa rage, si seulement cela pouvait le soulager un tant soit peu.

Serguey s’en va.
Un sanglot la fait tressaillir, et elle pivote pour le suivre du regard, gravant ce moment qui la cloue au pilori pour de bon.

« Serguey… »

Elle ne veut pas obéir.
Elle attend.
Elle décompte.
Elle ne sait pas trop pourquoi, cramponnée comme une maudite au dossier de sa chaise. Une minute comme vingt pourraient bien être passées, quand finalement elle se lève, déterminée.

La mélodie des talons se perd dans le brouhaha, quand elle pousse les portes du Voodoo Cafe, agissant par instinct, bringuebalée entre ce qu’elle est et ce qu’elle voudrait parvenir à être, pour lui.

Dis-moi comment tu me veux, cette nuit.

Elle l’entend, guidée par sa souffrance. Elle le cherche, le retrouve sans difficulté. Il vocifère l’indicible, et ce qu’elle voit la tue et la plombe, quand ses bras se croisent contre son buste, quand elle tremble de contempler son œuvre. Elle croit sentir quelque chose d’humide sur ses joues. Quelque chose qui n’est pas de l’eau, ni de l’iode. Son esprit lui joue parfois des tours (sensations fantômes) et elle n’essaie pas de frotter ses pommettes pour voir ce qui s’écoule de ses muqueuses.
Même ainsi, elle le trouve beau. Sublime, dans la faiblesse incarnée par cet homme fort, méritant. Elle s’est approchée, mais demeure à quelques pas, tous deux englobés par la nuit de cette ruelle à la scène plus propice au drame intime se jouant entre eux deux.

« Je t’aime aussi. », veut-elle lui crier.  

Elle non plus, ne l’avait pas compris.
Ou peut-être qu’au contraire, elle l’avait trop bien compris, ayant choisi de conserver ses œillères pour ne pas compliquer les choses, lui donner la sensation de lui passer la corde au cou. Ce n’est plus important. Ce qui est important, c’est de lui dire ce qui compte par-dessus tout, avant qu’il ne disparaisse et ne finisse de couper définitivement les ponts avec elle. Elle ne supporterait pas de n’avoir pu lui confier l’expression de ses derniers secrets.

« Je vais… Je ne compte pas te harceler. Je voulais simplement te dire que je n’ai jamais voulu te faire mal. » L’aveu sonne comme pathétique. Elle persévère, toutefois. « Rien de ce que je… Rien de ce que j’avancerai maintenant ne changera quoi que ce soit, j’en ai conscience. » Ses bras se referment davantage sur elle. « J’ai essayé, tu sais. » Elle baisse la tête, observe sans le voir le goudron sale. « J'avais mes raisons... mes raisons pour me tenir éloignée d'elle. Mais je me suis intéressée à la magie. Pour toi. Déjà à Boston, j’essayais. Je regardais… je voulais trouver des pistes… Je n’y connaissais rien, mais je voulais quand même t’aider. » Elle se revoit, son lit jonché de vêtements avant le départ, pianotant sur son ordinateur. Elle se revoit encore, tant de fois, au Lucky Star. Les nuits où elle ne travaillait pas, où Serguey n’était pas là, et où elle n’avait pas le cœur à festoyer. « Je ne voulais pas te le dire, parce que j’avais peur que tu te mettes en colère. Tu as toujours su te verrouiller si fort, quand tu ne voulais pas parler de quelque chose… alors je n’ai rien dit. Mais j’ai regardé. J’ai regardé chaque fois que j’ai pu… Je notais des adresses, des noms et… des mots dont je ne comprenais même pas le sens. T’emmener en Louisiane, ici… je croyais que cela pouvait te rendre service. Ça avait du sens, pour moi… cela pouvait te guérir. » Elle sourit, tristement. « Je n’ai jamais compris grand-chose à ton art. Mais j’ai lu. Quand tu m’as offert la dagyde… j’ai voulu comprendre le sens de ton cadeau. Je ne voulais pas passer à côté. » Un autre sanglot manque de coincer sa voix au fond de sa gorge. « Je l’ai encore. Je l’ai toujours gardée. Et je la garderai toujours. » Une de ses mains rampe, accroche la corde d’un pendentif sur lequel elle tire nerveusement.

Pathétique.

« Et puis tu as rencontré d’autres personnes. Des gens comme toi… alors, j’ai encore moins osé en parler. J’avais peur que tu me trouves… ridicule. Qui suis-je, pour évoquer… ce que tu as perdu, n’est-ce pas ? » Elle effectue un pas, se tourne de profil, vers l’avenue bordant la devanture de l’établissement. Elle sombre. Lentement. « Je croyais bien faire, chaque fois que j’ai songé à toi. J’ai échoué. Je t’ai entendu. » Pause. « Mais le monde entier est déjà un cimetière. Le motel ne sera pas éternellement sujet à… » Elle s’interrompt, craignant de se montrer indélicate, maladroite, à force de vouloir atténuer la peine de son amant. Peu désireuse de présenter une forme d’irrespect, elle a mal, lorsqu’elle rouvre la bouche. « Tu as sans doute raison. Peut-être que nous ne nous connaissons pas. Pourtant, je me sens plus proche de toi que de n’importe qui d’autre, sur cette terre. » Son sourire revient, presque affectueux, mais adressé à personne. Elle ne veut pas lire les émotions qui le traverseront encore par sa faute. « J’ai souvent cru… j’ai cru au départ que je me sentirais mieux, si tu restais brisé. Mais ça ne m’allait pas. Ça ne m’a jamais convenu. Ça ne m’a jamais arrangé. Si tu crois que je t’aurais laissé mourir… si tu crois que j’éprouve du plaisir à te voir estropié… si c’est l’image que tu as de moi… » La faille. Elle titube, mais elle s’accroche. « … alors c’est que je dois le mériter au fond, quelque part. »

Lâcher-prise. Plus de temps à perdre en défense vaine. Elle ne le convaincra pas.

« Mais moi, je sais ce que je ressens, et ce que j’ai ressenti. Rien n’est moins vrai. »

L’été lui est presque insultant.
Il y règne une atmosphère joyeuse, portée par les basses dans les voitures ou à travers les fenêtres, par la profusion de clients dans le bar qu’ils viennent de quitter.

« Je serai toujours là pour toi. Si tu en as besoin. Je ne te tournerai jamais le dos, quoi qu’il arrive. Tu… tu pourras m’appeler, si tu veux, ou m’écrire. Je serai là. » Ses bras retombent. Bientôt, elle se rendra à la nuit. « Mais je sais que tu n'as pas besoin de moi. Parce que tu peux tout affronter, Serguey Diatlov. » Alors seulement, elle redresse la tête et le cherche des yeux. Elle veut qu’il entende. « J’ai eu la chance de connaître beaucoup d’hommes courageux, au cours de mon existence. Tu en fais partie. Tu en feras toujours partie, mon amour. »  

Elle voudrait l’embrasser.
Une dernière fois.
C’est une mauvaise idée, mais elle bouge, transgresse la distance entre eux, prête à se voir repoussée. Elle ne fait pas mine de porter ses lèvres vers les siennes, mais pose quelques doigts aériens contre son avant-bras nu, comme pour goûter une dernière fois à sa chaleur qui lui manquera.

« Si… si tu as autre chose à me demander… n’importe quoi, avant que je ne m’en aille… Car je comprends que tu ne me reviendras pas avant un moment. »

CODAGE PAR AMATIS


Before I'm dead

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Anonymous
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Jeu 19 Aoû - 16:21 (#)

THINGS I DO FOR LOVE.

La chaleur estivale accélère son agonie. Sous ce ciel de plomb, chahuté par les festivités ambiantes, inappropriées à ses sombres humeurs, il en regretterait presque le désert irakien. Dans son malheur, il en oublierait quasiment d'avoir définitivement perdu la raison là-bas, entre les dunes et le sang, sous les balles et les bombes, il y avait presque dix ans de cela. Dix années de vide, dix années gâchées à tenter de colmater une brèche sans en comprendre la profondeur, ni même la raison de cette faille sismique qui l'avait secoué tout entier. Car avait-il vraiment tenté de pallier à ce manque ? Était-il réellement prêt à tout sacrifier, pour redevenir un sorcier à part entière, et pas cet homme amputé ? Peut-être n'en avait-il jamais eu le courage. D'autres que lui, malgré l'outrage de cette nuit-là, auraient déjà renoué avec leur essence. D'autres que lui auraient déjà prouvé leur bravoure, se seraient illustrés par leur inventivité, leur prise de risque, et seraient parvenus à redevenir eux-mêmes. Mais il n'était peut-être pas de ces hommes-là. Et malgré les paroles de son amante, malgré son courage vanté, il commence à croire qu'il est le plus faible de la troupe, abattue sous les bombardements. Le lâche survivant de la guerre. Les véritables héros étaient tombés au combat. Lui, pour une raison sordide qu'il ignorait encore malgré tout ce temps, il était rentré, avec ses cicatrices et ses cauchemars, la mémoire criblée de ces fragments d'obus et d'images qui ne le quitteraient jamais vraiment. Les troubles mnésiques devaient être une délivrance pour ceux qui souffraient, comme lui, de n'avoir su sauver les débris de ses compagnons.

Lorsqu'elle approche, malgré l'interdiction, il réalise qu'elle est un échec supplémentaire, celui qui pourrait signer prématurément son trépas. J'ai essayé, tu sais. Tout comme lui. Tout comme cet ersatz d'existence dans lequel il se complaisait depuis presque dix années. Soit le quart de sa vie. Une accumulation de tentatives avortées, bafouées, ratées. Encore une chose qu'il n'était pas parvenu à accomplir à terme, n'osant pas poser les questions pourtant essentielles. Car il s'était toujours contenté de dessiner les pourtours des cicatrices visibles, sans chercher à comprendre leur signification. Il se souvient, de cette première nuit qui avait lié leurs corps, où il avait aperçu les boursouflures. Où l'interrogation s'était enfoncée dans son crâne, sans qu'il n'ait jamais l'audace de la formuler. Par peur, par crainte de la blesser, ou tout simplement par déni, par cette volonté abjecte de ne surtout pas trop en savoir, de ne pas risquer d'aborder les sujets douloureux. Il avait souhaité que tout demeure simple entre eux. Il avait aspiré au bonheur, et l'avait barricadé derrière des mensonges, pour que l'artillerie de la vérité de leur passé ne puisse les atteindre. Et il avait sincèrement cru qu'ils auraient pu vivre ainsi, sans se fondre totalement l'un dans l'autre, à l'abri du danger atomique. Mais ses choix douteux l'avaient rattrapé, et lui avaient prouvé une fois encore que son existence s'était bâtie sur un socle scabreux, et que l'équilibre, dans de telles conditions bâclées, n'était que précaire. Il pouvait déjà s'estimer heureux d'avoir partagé la vie d'Aliénor pendant quelques années. Sans heurt, sans dispute fondamentale, uniquement quelques chamailleries portant sur ces choses non-essentielles – un tube de rouge à lèvres mal fermé, les minutes de trop passées à se pomponner, les surnoms ridicules dont elle s'obstinait à l'affubler devant ses pairs malgré ses protestations.

Les cristaux de tristesse ont séché contre ses rides, lorsqu'elle s'approche à pas feutrés. L'audace du geste le surprend, mais il n'exécute aucun mouvement pour se soustraire à l'inévitable. Il n'a pas la force de la repousser. Il est incapable de refuser cette étreinte salvatrice, qu'elle est prête à lui offrir malgré la dureté de ses mots. Même s'il se remémore les aveux, même s'il imagine les silhouettes spectrales hanter le motel, il ne parvient pas réellement à lui en vouloir. Car peut-il seulement éprouver de la colère, à l'égard de la nature profondément vampirique de son amante ? Pouvait-il protester, alors qu'elle l'avait soigneusement tenu à l'égard d'un jeu politique auquel elle n'avait pas souhaité l'inclure, pour le protéger ? Le bastion de sa raison, pas encore tout à fait détruit, l'aide à demeurer en surface, à comprendre les agissements révolutionnaires en dépit de leur cruauté. C'est ce qui l'empêche de repousser la main qui se pose sur son avant-bras, dont il ne ressent qu'à peine la fraîcheur – car Aliénor n'a jamais été froide, pour lui. Il ne l'a jamais vue comme une enveloppe charnelle dépourvue de cœur et dépossédée de tout sentiment humain. Il s'était même habitué aux morsures, les avait intégrées comme une part entière de leur sexualité aventureuse, car son esprit ouvert avait assimilé l'acte comme une énième de leurs frasques, plutôt que comme une spécificité de la nature d'Aliénor.

Sa main s'anime et se pose sur celle de sa compagne, recouvre la finesse des phalanges. Sous son immense paume, la dextre féminine disparaît, pour se loger dans la chaleur de son derme. Il voudrait l'enfouir en lui, la conserver près du cœur pour ces quelques années qu'il lui reste à vivre. Croire qu'elle ne se lassera jamais, que la vieillesse ne la dégoûtera pas, en espérant qu'il passera l'arme à gauche avant de trop perdre en vitalité, de cette vie dont il aime l'éclabousser et sous laquelle elle irradie, à chaque fois qu'ils sont ensemble.
« Ali. J'suis désolé. »
Désolé de l'avoir clouée au piloris. Désolé de ne pas être assez fort, pour supporter le poids de ses aveux. Désolé de s'arracher à elle, dans un moment où elle avait le plus besoin de lui. Désolé d'avoir préféré le confort des mensonges par omission, durant tout ce temps.
« Tu mérites pas ça. C'est pas à moi de te condamner pour tes actes. »
Quelqu'un, ou quelque chose d'autre s'en chargera. Tôt ou tard. Il y a toujours un tribut à payer. Rien ne demeure impuni. Il s'en veut de ne pas le lui avoir expliqué, de ne pas lui avoir exposé les règles tacites d'un univers qu'il lui avait inconsciemment dissimulé. Elle avait raison, il se verrouillait dès lors que les sujets sensibles étaient abordés. Même avec elle.

Profondément touché par la confession, par l'idée qu'elle ait conservé l'inutile dagyde et qu'elle se soit acharné à trouver une solution à un problème qui ne la concernait pas, il ne peut qu'abattre ses défenses et lui offrir cette dernière étreinte. Ses bras abandonnent leur posture figée, dans une lenteur engluée d'émotion, pour enlacer son corps et le serrer contre le sien. Son visage se penche vers elle, tout son être la respire et cherche à l'absorber, à s'imprégner du parfum de ses cheveux, du poids de ses seins contre son torse, du creux de sa taille contre lequel ses paumes trouvent refuge. Il se fait tout petit contre elle, pour gommer cette différence de taille, pour ne former qu'un avec elle, avant l'inévitable dislocation. C'est contre son oreille qu'il murmure, la colère abandonnée derrière lui, le larynx étranglé de tristesse.
« Est-ce que les choses auraient pu être différentes ? Si on était resté à Boston ? Ou si on s'était parlé, dès le début ? Si on s'était, je sais pas… marié ? »
L'idée saugrenue paraît absurde, mais parmi le tourbillon de ses pensées émiettées, rien ne lui semble ridicule. Un fantôme de rire, faible et tout juste perceptible, s'échappe d'entre ses lèvres. Le mariage, comme tant d'autres choses normales et évidentes, ne lui correspondait que peu. Pourtant, quelque chose en lui susurrait que cet acte banal et parfois désespéré aurait résonné autrement, avec elle. Qu'ensemble, ils l'auraient transformé en un événement grandiose, en auraient déconstruit le sens commun pour en réécrire les principes fondateurs. A moins qu'il ne s'agisse d'un énième espoir vain, auquel sa conscience vagabonde s'accrochait encore.

Tout aussi lentement, il se décroche d'elle ; ses lèvres ne déposent qu'un court baiser contre sa tempe. Il la relâche avec douleur, mais le geste est nécessaire. Il ne changera pas d'avis, il ne reviendra pas avant un moment.
« J'ai besoin de temps. »
D'éprouver la solitude, le manque d'elle, d'apprendre à exister autrement. Pour peut-être mieux lui revenir, lorsqu'il serait prêt à affronter et fouler les débris du champ de bataille. Elle avait raison, le monde entier était un cimetière. Mais il en avait peut-être assez d'en parcourir, en dépit de la nature de ses arcanes endormies.
« Je passerai chercher mes affaires. Avec Zach. J'attendrai probablement dans la bagnole. »
L'évidence s'était imposée à lui, tandis qu'il tentait maladroitement de se projeter vers un avenir morcelé, incertain. Zach traverserait les ruines du motel sans encombre. Aucun de ses stigmates ne menacerait de se rouvrir en marchant sur la nouvelle moquette, débarrassée des atrocités commises. Sa nature le rendrait fondamentalement hermétique à ce qui effrayait tant l'Estonien. Il serait ce roc qui ne craindrait pas la tempête, le pourfendeur de la cruelle réalité à laquelle son acolyte refuserait de se mêler. Il constituerait ce rempart salvateur entre les rafales qui s'acharneraient à trouer le voile du réel – contre les miasmes et les râles des spectres à l'agonie – et le soldat de l'hiver acculé dans sa tranchée.
Alors lorsque son regard arctique se plonge de nouveau dans le sien, il répète l'évidence, désormais persuadé que c'était là leur seul salut.
« Laisse-moi du temps. »

(c) AMIANTE

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ADMIN ۰ Dalida - Elle devra choisir entre son amour et sa mort.
Aliénor Bellovaque
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♚ TAKE AWAY THE COLOUR ♚

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"Eh bien ; la guerre."

En un mot : La Vipère sous la rose.
Qui es-tu ? :
"Don't die with a clean sword."

♚ Caïnite âgée de trois siècles ; Accomplie du bel âge à portée d'ongles carmins.
♚ L'Ambition la ronge, mais laquelle ? ; le vide de nuits interminables la détruit plus sûrement que n'importe quelle balle en argent. L'Ennui pour seul véritable danger.
♚ Gorgone gauloise, sa réputation parle pour elle, surnommée Mère sanglante ou Reine rouge. Nombre d'enfants sont tombés sous ses crocs.
♚ Fille de corsaire, héritière de ses lettres de Marque ; navigua au service de Louis XV dans les eaux des Caraïbes à la tête de l'Espérance, frégate à l'équipage composé de deux centaines d'hommes.
♚ Trahie par un Britannique ; capturée et ramenée de force sur l'île de Mona, torturée , abusée, échappée - mourante (malaria). Transformée par un autre, à l'aube de sa trentaine.
♚ Éprise de coups d'État et féroce opposante à l'Essaim. Antique imperméable à l'ordre. À la tête du clan du Chaos. Danseuse sur le fil acéré de leur rigueur.
♚ Maudite ; aucun enfant n'a pu sortir de son ventre. Aucun Infant n'a pu résister à son vice, transmis tel un fléau. Sire matricide par deux fois. Échec toujours en gestation.
♚ Sang turc dans les veines, manie les us et coutumes perses. Son réseau d'Orient et d'Occident est dessiné comme une arachnide file sa soie.
♚ Incapable d'aimer son époque ; craintive pour l'avenir, répudiant son passé.
♚ Se joue d'une beauté en laquelle seuls les autres croient. Ancienne compagne de Serguey Diatlov, mère de substitution de Yago Mustafaï, protectrice de Mei Long et amante éternelle de Jenaro Silva.
♚ Pie voleuse, elle a dérobé le Clan du Chaos aux mains trop glissantes de Salâh ad-Dîn Amjad, qu'elle compte bien refonder en un ordre sérieux pour s'opposer à la Mascarade ainsi qu'au dictat de l'Essaim en place.

♚ SLAVE TO DEATH ♚

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"I know where you sleep."

Facultés : ♚ Vicissitude (niveau III)
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♚ Stratège. Rapide. Teigneuse.
Thème : Sleep Alone ♚ Bat for Lashes
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Dim 12 Sep - 22:42 (#)

♛ « Pour critiquer le monde avec désinvolture. »
« Je caressais le temps. Et jouais de la vie comme on joue de l’amour. Et je vivais la nuit sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air. J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés. Que je reste perdu ne sachant où aller. Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre. »

▼▲▼

Il ne la repousse pas, sa Mutine. Elle sourit, un peu. Elle prend le temps de caresser l’avant-bras du Slave, la pulpe de ses doigts sinuant doucement contre les veines bleutées se dessinant sous le derme pâle, merveilleux réseau de canaux qu’elle a maintes et maintes fois pourfendu. Toujours, elle a réparé, ne faisant guère partie de ces sadiques persistant à vouloir marquer jusqu’au mortel ayant ravivé un peu de leur essence vitale. Elle ne lui aurait jamais infligé une telle humiliation. Il est déjà si abîmé. Elle n’avait pas à rajouter quelques cicatrices au tableau déjà impressionnant de blessures que le colosse collectionne. Il la touche à son tour, et elle ne peut que planter ses prunelles dans celles de l’homme qui s’est donné à elle, bien plus qu’elle ne s’est offerte à lui. Il a plongé tête la première du haut d’une falaise léthale, ne se fiant à rien d’autre qu’à la promesse émise il y a si longtemps : elle ne le laisserait pas s’écraser en contrebas. C’est pourtant bien ce qu’elle vient de faire, et toutes les justifications du monde n’y changeront rien, pas plus que ses stratégies politiques soigneusement fomentées. Elle le sait. Mais elle ne peut agir autrement. Elle ne peut lui demander d’accepter cela. Pas alors qu’ils ont atteint ce statut quo, cette nouvelle Révélation, demeurant capturée cette fois par le prisme de leur couple uniquement. Sa main disparaît dans celle de Serguey. La chaleur entoure les phalanges de la Caïnite agréablement, et la voilà qui compte les secondes, déliant ce futur souvenir. Il aurait pu laisser parler sa violence jusque dans cette ruelle. Après tout, voilà qu’elle le torture encore. Au lieu de cela, elle n’a à faire qu’à cette douceur étrange émanant d’une force de la nature dont elle serait volontiers tombée amoureuse de son vivant également. Le voilà qui se flagelle encore, et elle s’obstine à secouer la tête. C’est elle qui devrait se mettre à genoux devant lui. Elle refuse qu’il se jette l’opprobre en plus de la douleur qu’elle lui a occasionnée, mais le couper serait la priver de sa voix. Celle qui demeurera absente chaque fois que la Torpeur prendra fin. Elle l’écoute parler. Elle amasse précipitamment les derniers moments, la préciosité de ses sens tout entiers tournés vers lui.  

Il l’attire à lui, et elle se faufile avec une aisance confondante contre son corps chaud, respire son odeur si fort qu’elle en aurait presque mal, et plante ses ongles dans le tissu contre son dos, en éprouvant toute la puissance avec délectation. Lentement, elle s’ouvre à lui, minuscule et géante à la fois, le calfeutrant contre sa poitrine, près de sa chevelure de sauvageonne, pas loin de sa gorge dont la carotide ne bat pas. Elle le caresse, le console, avare de paroles mais généreuse de par la force de son étreinte. Elle voudrait ne jamais avoir à quitter cette posture. Elle se laisserait bien glacer, là, sous l’emprise d’un sort unissant les amants pour l’éternité. Ne jamais plus avoir à bouger. Fatiguée. Si fatiguée. La cruauté de la scène lui fait serrer les dents. La voix de Charles résonne dans le lointain de sa mémoire, son timbre abîmé par les siècles – tragédie, elle ne se souviendra jamais du ton exact employé, seules les formules lui sont restées. Elle l’entend encore, la moquer gentiment tandis que la frégate s’éloignait, et qu’elle avait si péniblement détourné le regard de Jenaro, resté au port.

Ah ! Trouver son roc, et s’en voir si brutalement arraché !

Comme jumeau de ses pensées, voilà que son amant murmure l’impossible, dépose devant eux quelques hypothèses bancales, que la réalité avait eu tôt fait de renverser. Elle frémit avec une violence inouïe. Non. Un autre homme, par le passé, lui avait déjà demandé sa main. Elle l’avait crucifié à son tour, l’avait changé en un Longue-Vie aigri et craintif, sinon haineux des femmes comme elle. Elle avait été la Lilith de tant d’hommes qu’un nouveau sanglot manque d’éclater. Seules ses épaules la trahissent et se secouent. Cela ne lui suffisait-il donc pas d’avoir brisé le cœur de Yago ? Fallait-il maintenant que Serguey subisse les conséquences de ce qu’elle était ? Elle ne pouvait changer sa nature, pas plus qu’elle n’aurait été capable de s’arracher le cœur elle-même. Le rire du mortel est une lame d’argent qu’on enfonce dans sa cage thoracique, frôlant suffisamment le myocarde pour la tordre sous le poison, mais pas assez cependant pour la tuer totalement. Immortelle. Elle s’empêche de rêver. Elle se prendra à examiner ces théories mortes-nées une fois seule, revenue dans ce temple de mort qu’elle avait pris le soin d’inaugurer. Le baiser sur sa tempe n’est qu’un rappel cruel de l’absence de ses lèvres sur les siennes. Elle n’aura pas le droit à cette marque d’affection suprême. L’arcaniste ne peut se souiller davantage avec ce démon incarné. Elle respecte sa décision, et ne force pas sur ses bras lorsqu’il la relâche avec une lenteur innommable. Elle peut presque voir les fils qui les retiennent s’élimer, se détacher, résidus gluants qui les voyaient autrefois inséparables, réduits à peau de chagrin. Une horreur.

Elle hoche la tête avec mélancolie. Dépossédée. Vide. « Je suis désolée, moi aussi. » Elle se couperait la langue de professer des fadaises aussi creuses. Mais il n’est pas question d’ajouter une scène à la tragédie qu’ils représentent déjà tous deux. « Prends le temps qu’il te faudra, mon amour. » Même si tu en manques déjà. Elle recule, le son de ses talons se répercutant en écho contre les parois de la ruelle. Le bruit même de la solitude qu’elle s’apprête à affronter. Elle n’ira pas chasser. Elle n’ira pas se donner en spectacle, s’offrir à la concupiscence d’autres hommes, mâles juste bons à se voir saignés. Elle agira avec une sobriété qui la rebute pourtant parfois. Elle fera demi-tour sans fards ni éclats, comme elle s'y emploie désormais. Il n’y a rien à rajouter, rien à gloser. Elle préparera les affaires de son partenaire. Avec une minutie toute particulière.

Quelques pas.
Elle se retourne.
Elle a mal, de ne pas savoir combien de sabliers elle devra retourner, jusqu’à ce qu’il lui revienne.
Car elle veut croire qu’il reviendra.
Ce n’est pas maintenant qu’elle doit lui dire je t’aime.
Elle le lui dira lorsqu’elle s’en sentira digne, et pas avant.
Elle n’imagine pas le moindre instant que son existence à elle sera remise en question avant qu’elle n’ait le plaisir de l’embrasser à nouveau.

Bientôt, elle repart, laissant le Voodoo Cafe dans son dos.
Calmement, silhouette fugace, petite et discrète parmi la foule nocturne de Shreveport.
Elle pense à Lui. À Yago. À tous les hommes qu’elle a provoqué, aimé, déçu, chagriné ou rendu furieux.
La Gorgone retourne aux sacrifices lui ayant coûté son amant.

Elle L’attendra.

CODAGE PAR AMATIS


Before I'm dead

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