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Dark Obsessions ☽☾ Eoghan

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Anonymous
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Mer 4 Nov - 6:10 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt


3 Janvier 2020, 00h30.

Les flots se dispersent dans le lit de verre avant qu’une main encore habile ne le rattrape pour mener l’éthanol jusqu’à la gorge qui brûle, qui supplie qu’elle cesse mais elle sait qu’elle ne peut pas s’y résigner, pas ce soir, pas alors qu’Elle approche. Le barman la lorgne avec ce mélange d’admiration et de crainte mêlé, ce genre de regard qui connaissent trop bien les piliers de bars habitués à s’appuyer contre leur tranche pour ne pas sombrer, qui s’écoule dans la moindre pisse buvable pour oublier l’air misérable de leur existence. De ces regards qui frôlent la pitié et le mépris et à celui-ci elle ne répond que d’un sourire que la joie ne peut pas vanter d’avoir créée, tendant de nouveau son verre vide « Encore. » Il hésite, elle le voit de sous ses paupières basses, de son regard plus noir que vert ou bleu, il hésite depuis les sept derniers verres, il hésite et doit s’étonner de la voir à peine tanguer après autant de whisky pris, grimace après grimace, appréciant sans vraiment le faire l’ambre qui se glisse dans les profondeurs d’un être en souffrance. Il doit se poser des questions car tout le monde s’en pose depuis la Révélation mais d’autant plus depuis cette affreuse nuit d’Halloween dont la ville se remet peu à peu ou comme tout le monde, elle fait semblant de s’en être remise. Les commerçants reprennent leurs boutiques, les touristes reviennent en un flot discontinu puis repartent quand d’autres s’installent, les fêtes battent leur plein entre des murs trop petit, où des dizaines parfois des vingtaines de personnes s’engoncent pour fêter le simple fait d’être ensemble ou la nouvelle année qui a sonnée, la mélancolie se cache quand les grilles se ferment, quand les pancartes « Closed » se rabattent derrière les portes de commerces fermant leurs paupières pour une nuit et recommencer le lendemain sans qu’aucun n’ose s’avouer qu’ils tremblent en rentrant chez eux, qu’ils n’aiment pas le silence qui se prélasse dans des rues délabrées, qu’ils ne supportent plus la solitude, qu’ils veulent quitter ce trou où tout semble être condamnés à périr et pourrir et périr encore, où le calme ne tient qu’à un fil, où tous portent un masque pour jouer le rôle du Bonheur et cacher ce couard de Malheur qui n’oserait se montrer à personne. Les gens comme elle, qui ne cache presque plus rien, dérangent.

Alors oui, le barman doit hésiter à resservir une énième femme seule qui ne semble pas enlacée d’une belle compagnie, qui ne semble pas en chercher non plus bien qu’elle s’amuse à jeter de brèves œillades vers la droite depuis qu’Il est entré. Elle ignore pourquoi. Peut-être car la peau tannée et le profil guerrier lui rappellent ce pays auquel elle s’est arraché, le sable s’infiltrant dans les moindres plis de la peau, entre les orteils, sous les ongles, la sécheresse puis les grandes pluies abreuvant la terre où elle a poussé, le Temple … Un ami. Un ami et surtout l’un des seuls qu’elle ait eu dans cette autre vie mais lui a les traits grossiers, le nez visiblement brisé de nombreuses fois, les boucles noires rattachées en catogan. L’air pensif de l’inconnu lui rappelle sa propre mine défaite qu’elle ne sait pas cacher dans les jours gris. Combien de fois a-t-elle échoué, animal perdu, dans l’un de ses bars, seule, en demande d’attention et d’ivresse, se raccrochant au goulot d’une bouteille de gnôle pour tenter de chasser les douleurs qui, toujours, lui reviennent lorsque la lune se fait pleine ? Et elle fête les nuits passées et douloureuses dans des bacchanales qui s’éternisent, séduit des connards pour quelques minutes de plaisir vite oublié, puritaine hautaine se faisant salope pour quelques bouffées de jouissance que l’ivresse rend presque acceptable, malgré les haleines fétides auxquelles elle s’est souvent mêlée, malgré la transpiration, l’eau de Cologne trop forte, malgré les comportements de ces crasseux qui pensaient la prendre pour mieux la jeter, sous prétexte que l’alcool la faisait déborder et tanguer. Combien ont pris son poing en pleine gueule pour avoir osé penser qu’elle était de celle qui sourirait à leurs idioties et leurs insultes, les remerciant pour les quelques coups de reins maladroits ? Trop, beaucoup trop. Ses phalanges se resserrent autour du verre qui se remplit enfin, le barman ayant fini de délier ses propres pensées mais cette fois, le verre ne vient pas tout de suite à l’ourlet assoiffé, fixant encore et toujours cet homme qui ne se décide pas à boire le verre d’alcool face à lui et dont les glaçons finiront par se mêler à la liqueur, la rendant infect.

Le regard noir se dépose alors sur elle et un bref instant, elle l’observe, hésite à lui sourire, comme si elle souriait au passé et se trouve soudainement idiote de croire, sous le simple prétexte d’un physique semblable à un autre, qu’il puisse être du même pays qu’elle et comprendre cette sympathie sortie de nul part. La honte et l’amertume l’agressent alors elle détourne la tête, préférant goûter une énième lampée amère, la savourer, la laisser glisser sur sa langue belliqueuse où tant d’insultes ont envie d’être vomies. Son existence prend le large vers un récif dont elle ne connait rien, où elle s’écrasera peut-être. La vue est trouble et elle sait qu’elle n’est qu’à peine ivre, qu’il lui faudra descendre une autre bouteille pour endormir totalement la crainte. Et encore. Elle sait que cette nuit, elle tremblera d’effroi, d’appréhension, qu’elle essaiera de noyer sa détresse dans le façonnage de quelques statuettes, devant l’écran d’un ordinateur prêt à rendre l’âme, dans un bouquin lu et relu aux reliures plissées tant il a été ouvert et fermé. Elle ignore ce qu’elle fera lorsqu’elle rentrera car elle n’oserait dire à personne à quel point l’approche de la pleine lune la terrifie et lui donne l’envie de fuir son propre corps. Que doit-on faire quand sa propre peau devient une prison ? Quelle solution offre-t-on aux gens qui souffrent du corps qu’ils doivent porter et porter encore en faisant tout pour s’adapter car il n’y a aucune issue de secours pour se fuir soi-même ? Les paupières abdiquent un instant alors que de sous ses cheveux délassés son visage exprime sa détresse, attrapant une énième gorgée de perdition sans sentir venir l’ombre glisser prêt d’elle.

« Un problème ? » Sur le qui-vive, elle détourne la tête vers le faciès méconnu qui, sans qu’elle ne l’ait vu, s’est approchée. Il n’y a qu’un silence étrange piqué d’une vieille musique planante, des bribes de conversations où on attrape des mots au vol sans chercher à s’éterniser à comprendre avant qu’elle ne fronce les sourcils, jouant la carte de l’innocence « Nope. Aucun. Pourquoi ? T'en as un peut-être ? » Il hausse les épaules, s’appuie de son flanc contre le bar, sans se donner le genre charmeur, sans sourire, sans vouloir dire au travers de sa posture s’il est en position de défense ou d’ouverture, si c’est le combat ou la conversation qu’il vient chercher auprès d’elle. « Vous me fixez depuis un moment. Ici, c’est soit que ma tête ne revient pas aux gens, soit qu’on se connait, soit que je suis suivi. » L’accent étranger, les r roulant, la voix grave et doucereuse à la fois lui rappelle réellement les terres quittées cette fois et le cuir de sa veste craque lorsqu’elle se moule dans la même position que lui sans même s’en rendre compte, haussant un sourcil « Suivi ? Carrément. Vous êtes célèbre dans l’coin ? » Un rire soufflé, discret, qui ne peut être entendu que par elle dans cette alcôve de fortune dessiné par leurs corps éperdus contre le bois d’un bar usé. « Non. Mais si ce n’est pas ça … Quel est le problème ? » L’anglais ne vacille pas, pas autant que le sien lorsqu’elle est arrivé par ici, la parole est juste, droite, presque royale et elle sait alors qu’ils n’ont pas appartenus au même monde, qu’ils n’ont en commun que le simple fait d’être des étrangers dans un monde hostile à l’étrange. « Rien, vous … » Elle hésite, détourne les yeux vers son whisky tremblant dans sa main nerveuse, sentant les pupilles noires suivre ses mouvements avant que la tristesse et la mélancolie qui l’habillent ne fassent naître ces sourires qui donnent envie de tout lâcher, d’abandonner aux pieds de n’importe qui tous nos fardeaux. « Vous me rappelez quelqu’un ... mon pays aussi. » Il se redresse, se rapproche à peine mais elle ne recule que d’un demi-pas, prudente malgré tout, se méfiant de ceux qui s’approchent toujours si facilement d’elle sans savoir qu’elle est un poison vivant. « D’où est-ce vous venez ? » Les orbes possédées par l’immondice d’un passé ruiné reviennent jusqu’à lui, le sourire disparu, l’ivresse manquant de la rendre trop bavarde, le coton enroulant son esprit et son corps la remplissant de cynisme « De loin. De très loin. » « Alors nous sommes deux. » Le verre claque doucement contre le sien, comme pour porter un toast à elle ne sait quoi et s’il ne boit pas, elle engloutit un énième verre, se sentant prête à faiblir, oppressée. La Bête siffle dans son esprit saccagé, serpente et gravit les monts des boursoufflures de ses souvenirs douloureux, là où les cadavres de ses parents périssent lorsqu’elle l’imagine, là où Sadia sourit malgré sa gorge tranchée, là où Favashi crache ou lui déflore la poitrine de sa lame. Dans un geste rendu nonchalant par les litres de whisky, elle désigne le verre de son acolyte « Vous comptez l’boire ou il fait office de sac à main ? » Comme surpris de détenir encore sa boisson entre ses doigts, il secoue la tête, fixant sa vodka d’un air troublé, les paupières balbutiantes « Hum … Non. Non, vous pouvez le prendre. » L’intrigue la pousse à l’examiner plus attentivement, voyant dans ses prunelles un combat intérieur qui ne la regarde pas. Elle ne posera aucune question, ne se lancera pas dans une énième conversation car la parlote l’agace bien assez. Prête à l’attraper, la main se rétracte et l’agressivité reprend sa place sur sa mine déjà défaite « Vous tenez bien l’alcool à ce que je vois. » A son tour de sourire, mauvaise, sarcastique, pleine de moquerie pour elle-même de haine pour la salope qui a fait d’elle un bidon à essence inépuisable. « Ouais, j’ai une bonne descente, t’en fais pas pour moi. Et j’prends le bus, t’as pas à t’en faire. » Le tutoiement ainsi que le mensonge lui viennent sans crier gare car peu importe, ils ne se reverront plus, ils ne se connaissent pas malgré les traits lui inspirant toujours celui qui l’a un jour aidé à prendre en main un fusil, à viser et à tirer. Tirer pour se défendre, tirer car dans le monde dans lequel elle a vécu et vit encore, tout n’a toujours été qu’une jungle où il fallait à tout prix se laisser déposséder de sa conscience, survivre et tirer s’il le fallait. Leurs regards se retiennent et il finit par acquiescer, lui faisant l’offrande de son verre qu’elle lève vers lui « Bonne année surtout ! » Un sourire lui répond alors qu’elle s’achève d’une dernière balle en pleine figure, le cerveau explosé par sa peur bleue, par la Bête qui siffle de plus en plus fort sans qu’elle n’en comprenne le sens.

Le cœur et le corps de plus en plus douloureux malgré le remède-poison qu’elle pensait voir atténuer les dégâts qui la laminent, elle se voit obligée de reculer, fouillant nerveusement son sac pour y déposer quelques billets sur le comptoir, le souffle court, la mine plus pâle. « Tout va bien ? » « Ouais, ouais, ça va. » Un énième mensonge pour une vie de mensonges, un mensonge humain pour elle qui se vante tant de vouloir l’honnêteté à tout prix, ne pas mentir, ne jamais mentir, ne rien faire qui pourrait la pousser à s’engoncer dans les lianes cruelles d’une mythomanie qui nous rattrape parfois trop vite. Le contournant en murmurant un « Bye. » qui se noie dans la rumeur des conversations, il finit par la héler, attirant les rares regards des curieux tout près d’eux, encore groggy du Nouvel An passé, quelques étudiantes s’attardant sur la beauté  rude de cet homme sorti du néant. « Votre nom ? » Elle sourcille, à demi détournée vers lui, s’empressant de souffler un « Astaad. » de sa voix faiblarde, alanguie par l’alcool, pleine d’octaves graves et rauques sans le vouloir, impatiente d’en finir. Il esquisse un sourire plus franc, d’une gentillesse qui la gifle et manque de faire remonter à la surface de ses yeux des sanglots auxquels elle ne s’attendait pas. « Kaleb. » Elle l’entend. Elle l’entend mais ne peut se résoudre à lui répondre, se détournant pour quitter le bar sans se soucier de bousculer lourdement la porte du bar miteux dans lequel elle s’est engouffré plus tôt.

***

Elle a menti. A pied, le téléphone dans la poche de son cuir vibre depuis longtemps, les messages et les appels se succèdent et sans même regarder, elle éteint son téléphone dans un soupir alcoolisé. La route lui semble longue, ses Doc Martens encore bien vernies frappant le sol dans des chuintements désagréables qu’elle n’entend qu’à peine, bercée par l’alcool, par le désespoir latent qui la possède et que Favashi semble avoir insufflé en elle aux côtés du serpent qui la remplacera bientôt. Les lèvres tremblent depuis un long moment, mirant les monstres de fer aux œils éclairés qui illuminent son chemin de béton de ses yeux embués, défaite, le front chaud, fiévreuse, incapable de savoir si elle devrait prendre le premier taxi qui passera ou s’il faudra marcher encore, si elle devrait rentrer ou passer la nuit là où on voudra bien d’elle. Sage l’acceptera sans soucis auprès d’elle malgré son petit studio mais elle se sait incapable de faire face aux questions qui viendront devant la surprise de la trouver enracinée à son perron à une heure indue. La journée fut éprouvante, les clients imbuvables et l’approche de cette nuit maudite n’a pas aidé à la rendre plus aimable. Ses patrons ne se sont pas gênés de la rabrouer, Félix de l’admirer avec tout le mépris du monde, comme à son habitude, comme s’il savait ce qu’elle était, comme s’il savait, qu’au fond, elle n’était pas aussi inoffensive que certains le croient. Le sac de toile beige accroché à son épaule où cliquète ses clés, de vieilles babioles, où se froisse son paquet dans lequel quelques clopes se balancent, un briquet volé lors d’une soirée, des prospectus qu’elle a oublié de jeter, des médicaments qui ne servent plus à rien. Bien sûr. Bien sûr le médecin n’a pas pu l’aider.

Le regard plongé dans celui du vide, elle erre, croise quelques papillons de nuits, quelques couples, quelques groupes d’amis, des âmes solitaires qui rejoignent leurs cocons ou un autre de ces bars où on s’enferme pour oublier, un instant, le réel. Elle mire le vide en songeant à cet espoir de plus que le Dr. Ian Calloway a explosé sous son diagnostique. L’humain ne la sauvera pas. Rien ne pourra la sauver. Rien, pas même ce putain d’alcool dont elle s’abreuve sans cesse dans l’espoir naïf de voir la métamorphose reculer, fuir devant l’effrayante ivresse. S’assommer, se jeter contre un mur piégée dans l’habitacle d’une bagnole, plonger dans un coma profond. Qu’est-ce qui pourrait la sauver ? Qu’est-ce qui pourrait empêcher ce que Favashi a endurci en elle pour qu’il ne reste que ça, que la peine, que la torture éternelle ? Qu’elle n’oublie jamais que le Temple fut son unique maison et que celle qu’elle croyait être une alliée s’est révélée être celle qui l’a trahie la première. Les pas cessent et au beau milieu d’un trottoir désert, où les voitures roulent pourtant sur le bitume, elle lève son visage vers le ciel. Inspire l’air pollué, l’expire dans un soupir tremblant, inspire et expire, inspire et expire de plus en plus vite, la panique s’infiltrant par goulées immenses par ses sinus pour rester coincés dans sa gorge, manquant de se muer en sanglot. C’est un autre nom alors qui s’impose à elle, comme ces pensées qui ne viennent parfois par aucun chemin particulier et n’ont pas grand chose à voir avec l’instant présent. Elle se souvient de l’homme piégé qui ignore tout de ses manigances. Elle se souvient de ses mains sur ses cuisses, de sa main chaude contre sa gorge, de ses paroles, du venin qu’il voulait à tout prix, du parfum de la sauge, des réminiscences étranges. Sorcier. Sorcier. Sorcier.

Les lèvres s’entrouvrent alors qu’elle abaisse brutalement la tête, observant le décor qui l’entoure, les paupières papillotantes, toute sa fébrilité entretenu dans cette respiration lourde et bruyante, reconnaissant le coin où il l’a laissé partir. Il y a longtemps qu’elle a redéposé devant sa boutique le t-shirt qu’il lui avait laissé, lavé, soigneusement plié, sec, un seul mot gravé sur un post-it aux bords cornés déposé dessus, juste un « Merci. » Un remerciement qu’elle lui devait, non pas pour nourrir sa mission suicide mais pour le geste, ayant réussi à ne pas s’étrangler dans sa fierté pour lui présenter une reconnaissance méritée. Ses pas reprennent, le pas plus vif malgré l’équilibre précaire, s’empressant de nouer ses cheveux en une haute queue de cheval mal faite, guettant ce qui lui semble être son dernier espoir. L’Église Wiccane ne sera peut-être pas celle qui lui offrira sa délivrance. Elle se fiche de leurs promesses, elle ne peut se fier à eux, elle ne peut se fier à Uther et même si la réalité lui fait mal, elle ne peut même plus se fier à Raphael qui l’a mené lui-même dans le bureau de cet enfoiré qu’elle aimerait égorger elle-même pour avoir osé menacer Nejma. Bientôt, dans sa lutte contre la frénésie qu’impose l’ivresse chez elle, le corps empli de frissons de terreur et d’appréhension, elle voit se dévoiler la silhouette du Crawling Life aux vitres délaissant l’évidence des reptiles détenues par ce sorcier qui n’a pas pu le lui avouer et qui ne lui devait rien d’ailleurs. Un faible sourire s’esquisse de nouveau face à cette surprise de taille, ironie du sort, destinée se riant d’elle, elle l’ignore mais elle s’y avance, le cœur lourd, nauséeuse. Cette fois, ses cuisses sont recouvertes de son jean et sous le cuir, la chemise de soie bleue nuit à l’ourlet rentré couvre la poitrine qu’elle lui a malheureusement offerte, impudique face à l’œil indifférent, la plaie à son bras depuis longtemps disparue. La silhouette effleure les lieux, les yeux guettant la lumière, une moindre chose prouvant que quelqu’un s’abrite encore derrière ces murs et l’œil aiguisé malgré tous les verres avalés, elle perçoit la lueur d’une vie qui doit encore saluer les viscères des lieux. Elle hésite, bien sûr. Les lèvres nerveuses, le corps entier dansant sans trouver un véritable équilibre, elle finit par céder, l’alcool aidant à lui crier qu’elle n’a rien à perdre. Rien. Levant le poing, elle tambourine par trois fois contre les doubles portes, priant qu’il lui ouvre comme elle guettait, autrefois, devant la chambre de sa mère, un peu d’affection alors qu’un cauchemar venait de la secouer. Sauf que Yamina n’ouvrait jamais. Yamina ignorait les sanglots qui pouvaient durer longtemps et Yamina, cauchemars ou non, ne lui a jamais offert aucune étreinte.   


@Eoghan Underwood — @made by ice and fire. icons by non uccidere.
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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  1E5CfUE Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  AoZyjkn Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  BvRyGpi

"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤

Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  KOVXegv Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  WZKlL7H Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  J8B1rxa

"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
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⛤ VENGEANCE ⛤

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"Before I die alone."

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Jeu 28 Jan - 3:50 (#)


Maybe it just needed a little push.
Nuit du 31 décembre 2019.
New Orleans.
Quartier français.


« Cela en vaut-il la peine ? »

Pulse, pulse la vie.
Là où la musique se voit.
Où les couleurs s’entendent.
Là où la nuit tombée ne menace personne.
Du moins guère ceux qui s’en parent et s’en nimbent.

Il ne savait dire comment il s’était retrouvé seul dans Bourbon Street. Seul. Le terme avait de quoi faire rire. On ne pouvait jamais être totalement seul dans Bourbon Street. C’était bien l’une des rares rues du Quartier français qui, paradoxalement, ne pouvait se montrer véritablement dangereuse. Une foule permanente y circulait, aidée par cette soirée particulière, où la fête battait son plein. Les explosions de lumière systématiques chassaient les ténèbres qui n’étaient pas les bienvenues. Au loin, les hauts buildings implantés sur Canal Street veillaient sur eux. Toutes ces loupiotes, d’or, d’argent et de rubis sublimaient la ville souveraine de son âme esseulée, et qui l’avait attirée une fois de plus entre ses bras. Elle demeurait sa maîtresse la plus fidèle et lui, en retour, son amant le plus loyal. Il avait fui l’aura mortifère de Shreveport, abandonné tout ce qu’il connaissait de sa ville d’adoption pour venir se gorger d’autre chose, d’un parfum de renouveau et d’une parenthèse nécessaire. Il avait répondu à l’appel d’Alan Brunner, dévoré par l’angoisse, et avait ainsi accepté son asile bienvenu. Cette fois, il ne dormirait pas dans le motel habituel, légèrement excentré. Cette fois, il avait abandonné son pick-up dans l’un des parkings trop chers du centre, et ne se déplaçait qu’à pied, pour faire corps avec New Orleans, jusqu’à l’obsession une fois de plus. Frisson après frisson, sa chair se hérissait tant au passage de certains linteaux qu’il redoutait, à terme, de se voir amputé d’une partie de ses sensations ; à fleur de peau. Son ventre ne cessait de se tordre pour mieux se dénouer, rendant l’absorption de tout met solide difficile : seul l’alcool passait à peu près. Or, l’alcool, il en avait consommé et à flots. Pressé contre le flanc gras et chaleureux d’Alan, levant le verre à tous leurs comparses, humains ou non, invités pour ce Nouvel An étrange et curieusement plaisant, il avait ri, picolé et descendu sa ration allouée de tout ce qui pouvait s’enfiler, cul sec ou non, dans la petite baraque pleine à craquer.

L’heure n’était pas encore venue où la foule se disperse, se fait plus rare.
Poussé par l’ivresse, mais aussi par ses démons, il finit par fuir l’habitation, les cris, le bruit de verre brisé, la clameur perpétuelle des hommes heureux, ou croyant l’être. Sa démarche n’était pas fluide, et il titubait plus qu’il ne piétinait consciencieusement les pavés jonchés de détritus divers. Il quitta le trottoir pour rejoindre le centre de la « route » fermée aux voitures jusqu’à nouvel ordre, et s’échappa du tumulte, remontant Bourbon Street pour Orleans Street. Là, il s’arrêta, lorsqu’une pointe de cuir buta contre un entrelacs de perles argentées. Des perles ? Non. Guère plus que quelques billes de plastique teintées et cependant il se pencha pour ramasser le long collier rituel si cher aux croyants de cette ville. Sous son pouce, l’équilibre vacillant toujours, il fit rouler les sphères chromées, enroula autour de sa paume l’artefact et le fourra dans l’une de ses poches sans même y réfléchir. L’air presque frais éraflait sa peau avec une certaine délicatesse, faisait disparaître le voile de sueur ornant son front. Il savait que le froid finirait par le prendre ; sorti sans veste. Son cou dégagé, la peau blême ponctuée des rougeurs sempiternelles que le cagnard ou le whisky faisaient parfois éclore, il s’engagea vers un chemin connu par cœur, sans se soucier de ceux qui, éventuellement, s’en prendraient au saoulard qu’il paraissait être. Il évoluait en une danse plus qu’en une avancée, se sentant prêt à basculer à tout moment sans que ses jambes, néanmoins, ne le trahissent. Il n’avançait pas courbé, comme ceux qui se soumettaient d’ores et déjà à leur centre de gravité bousillé.

Transe.
Humain comme arcaniste, elle le cueillait encore.

Sur les balcons de fer forgé, les fêtards continuaient d’agir, de boire et de rire comme si le lendemain n’existait pas. Comme si tous, ne se réveilleraient pas de cette gigantesque gueule de bois, retrouvant leur vie interrompue, et tout ce qu’ils redoutaient d’affronter de plus belle. Là, sous les arcades aux colonnes minces et élégantes, aux couleurs pastel, flamboyantes ou immaculées, il se perdit en toute confiance. Il n’avait plus besoin de penser (« Cela en vaut-il la peine ? »), porté par l’instinct et par sa connaissance presque surnaturelle des lieux. Il sut comment retrouver les grilles encerclant la cathédrale St-louis, habituellement décorées des créations vaudous, artistiques et picturales diverses, vendues aux touristes pour une bouchée de pain. La tête enfoncée sous l’eau du délire doux, prunelles voilées mais sentier lumineux – il ne se perdrait pas.

Il se faufila telle une ombre entre les pans de murs plus étroits, pour enfin déboucher devant les portes du monument contourné. Seul, devant l’édifice, il leva la tête, arqua sa nuque et inspira pour affronter la magnificence du lieu d’un culte qu’il n’honorait pourtant pas. Il ignora combien de temps il demeura planté là, à toiser la pierre, l’horloge dont il ne distinguait pas la course des aiguilles. Une bouteille que l’on brise le fit sursauter et le tira de sa torpeur. Il se secoua, recula puis s’éloigna, tournant le dos pour traverser Jackson Square puis gagner les abords du French Market. Il longea les quais jusqu’au Pier.

Jusqu’au Mississippi.

Le long ruban sombre aux eaux miroitantes l’obligea à s’arrêter.
Le pont brillait dans la nuit, mais les rumeurs s’étaient éteintes.
Seul, toujours.
Seul, là où d’ordinaire la vie pullulait, où l’on ne pouvait jamais faire autrement que croiser un visage.
Local, visiteur, flic ou clochard.
Seul.

Alors seulement, le froid le prit. La brise, portée par le fleuve, s’engouffra pour soulever les pans de sa chemise, rafraîchir un peu plus le derme brûlé par la boisson. Il n’était pas seul uniquement sur un plan physique. Non. Il se sentait seul jusque dans les tréfonds de sa conscience ; seul de son espèce. Seul face à ses crimes, seul face à son passé, à son avenir, à son présent perpétuellement dévoré. Il serra les dents, tant pour les empêcher de claquer que pour avaler en pensée la difficile vérité, l’évidence qui lui apparaissait.
Il avait échoué.
Incapable de délibérer avec lui-même dans cet état, le constat lui apparaissait néanmoins si dévastateur qu’il ne pouvait que se laisser submerger.

Un « Cling ! » particulièrement proche le fit tressauter de nouveau. Cette fois, il pivota, l’urgence au cœur, faisant refluer pendant un bref instant les effets du Jack’s sur son organisme congestionné. À fleur de peau, la magie brûlant le bout de ses doigts (dangereuse), il décida de revenir du côté de la civilisation, qu'il n'avait même pas quittée. Il jeta un dernier coup d’œil au Natchez fièrement amarré, fixa le drapeau américain claquer dans le vent quelques secondes, puis se détourna dans un soupir, frottant ses bras pour ramener un peu de chaleur dans le haut de son corps engourdi. Il gagna Toulouse Street, déjà plus animée. Alors qu’il s’apprêtait à passer devant le One Eyed Jacks, il manqua de se recevoir les portes en pleine gueule, s’ouvrant à la volée, et laissant passer deux flics aux prises avec un énergumène survolté qui touchait à peine terre.

« C’EST L’AUTRE TYPE QUI DEVRAIT ETRE LA, PAS MOI ! »
« Sylas, tu la fermes ! »
« C’ÉTAIT SA BOUTEILLE, J’LUI AI RENDU, C’EST TOUT ! »

Une impression de déjà vu l’emporta soudain, sans qu’il ne puisse réellement distinguer les traits du forcené ; crinière blondasse délavée, barbe de trois jours et carrure qui valait bien les deux deputies l’entraînant vers la bagnole assermentée qu’il n’avait même pas remarquée avant cela. Remué, habité par un pressentiment désagréable, il se remit en marche, ayant plus que hâte de retrouver la proximité de ses pairs. Un message texto reçut à ce moment-là l’empêcha de voir l’homme embarqué à l’intérieur pour aller cuver sa gnole ailleurs.

« Eoghan ? Où t’es barré encore bordel, rejoins-nous sur Canal, on est chez Daisy, y’a tout l’monde ! »


Quelque part, trois heures sonnèrent.
Ou plus. Il ne savait plus.
Trou noir.
Et des minutes manquaient à l’appel.

Dauphiné Street.

Bière en main ; depuis quand ? Prise où ? Il n’en savait rien.
Voie déserte.
Cerveau en déliquescence – délie ses sens –, absence de sécurité absolue.
Il se retrouva adossé contre une portion de mur, se laissa glisser jusqu’à s’asseoir à même le trottoir.
La gorge en feu, déshydraté, à quelques mètres des poubelles d’un restaurant puant les restes de bouffe créole.
Il allait rester là, se faire planter, agresser, voler, comme n’importe quel alcoolique notoire ou pas.

Wrong place.
Wrong time.


Il était trop tard.
Trop tard pour se mettre à l’abri.
Trop tard pour espérer que marcher, marcher encore, le soulagerait et l’aiderait à se purger comme il le faisait autrement, pour autre chose.
Il demeurerait là jusqu’à nouvel ordre, se sentant à deux doigts de s’évanouir, de vomir ce qu’il avait ingurgité.
Ses omoplates étaient étroitement pressées contre la paroi derrière lui, comme pour mieux se fondre en New Orleans, se perdre entre ses candélabres, dont les branches filamenteuses happèrent ses prunelles jusqu’à l’hypnose. Car même les candélabres étaient beaux, à New Orleans, et cette splendeur planquée dans le moindre recoin, le plus infime détail, lui laissa presque le souffle coupé, suffoquant de l’amour qu’il portait à cet endroit, suffoquant de la haine qu’il respirait et dégageait par tous les pores, et dont il supportait de moins en moins la gangue, soutenue par l’Irae, par les membres de sa propre famille. Le Second de la secte furieuse ne ressemblait à rien de moins qu’à un homme parmi tous les autres, écrasé par le poids de responsabilités qu’il n’avait jamais voulu embrasser. Il aurait voulu se sentir solide, mais il demeurait liquide, se noyant dans un apitoiement qu’il ne supportait plus non plus, se débectant, gerbant à sa propre gueule tout l’effroi qu’il éprouvait à se regarder dans une glace, dont il fuyait le reflet toujours plus souvent, le temps passant.

Il savait.

« Ce n’est pas l’endroit idéal, pour cuver. Même un soir comme celui-là. »

Il ne l’avait pas vu apparaître.
Une obscurité relative, soudaine et étrange, l’empêcha de distinguer le visage de l’homme qui s’était arrêté à sa hauteur, sur le trottoir. Flou.

« Vous êtes avec moi ? »

La bouche pâteuse, l’œil vitreux, le sorcier fit l’effort de forcer sur sa vision, relevant la tête en alimentant la migraine qui, déjà, commençait à bousiller ses tempes. Face à lui, debout, un homme se tenait là, sans pour autant le recouvrir de son ombre. Il était vêtu d’un pantalon de toile banal, de chaussures sans distinction, ainsi que d’une chemise de lin claire. Une mise d’une simplicité presque affligeante. Pas vraiment une tenue de fête. Par il ne sut quel élan de politesse et plutôt que de l’envoyer paître, il articula : « Faites pas gaffe… l’habitude. »
« Je sais. »

Cette certitude assumée l’alerta, d’autant plus que l’homme s’accroupit à sa hauteur. Ainsi, il put enfin distinguer sa mine aimable, ses cheveux châtains, et un regard de chien battu qui l’observait sans mépris. Il crut discerner un brin de pitié, et s’en révolta aussitôt. Hargneux, il répliqua : « S’vous vous arrêtez au ch’vet d’tous les pochards d’la ville cette nuit… V’s’avez pas fini. »
Un sourire, compatissant.
« En effet. » Un silence. « Ça en valait la peine ? »
« Pardon… ? »
L’inconnu pointa la bouteille vide. Tiens, oui. Elle était vide. « Ça. Vous fêtez quelque chose ? »
« Quel jour on est s’lon vous ? »
« Vous pleurez quelque chose, alors ? »
« Hé, vous avez pas… autre chose à f… »

Il se détourna brusquement, propulsant ses mains contre le trottoir, s’apprêtant à tout moment à dégobiller ce que son œsophage contracté voudrait bien rendre, les épaules tremblant par spasmes. Une main curieusement chaude se posa dans son dos, à la fois grave, lourde, légère et presque tendre.

« Cela en vaut-il la peine ? »
Entre deux nausées, les ongles griffant désagréablement le béton, il se mordit l’intérieur des joues, éructant : « Cassez-vous… c’pas le moment pour les… leçons d’morale à la… con… »

Bascule.

« Vous pensez devoir suivre son chemin ? Vous pensez que cela vous rapprocherait de lui ? »
Il se figea, n’ayant pas la force de supprimer cette paume le touchant encore, mais ses yeux se rouvrant plus grands, quand il se redressa finalement enfin, croisant les orbes de l’inconnu.
« Quoi… ? »
« Vous pensez que cette part de vous… vous échappe ? Qu’en lui ressemblant, en buvant comme lui et en agissant comme lui, dans cette ville, vous compenserez ce qu’il s’est passé là-bas ? »
« Qu’est-ce que vous… ? »
« Ça ne vous aidera pas. » Le sérieux, mais également la paix intérieure manifeste émanant de cette voix profonde, calme et humaine, l’empêchèrent d’éprouver un sentiment de panique au moins égal à son mal-être. Secouant la tête sans comprendre, il ne parvint pas à répondre quoi que ce soit avant que l’homme ne reprenne, parmi le bruit blanc laissant deviner la présence des voitures au loin, des basses dans les appartements, des klaxons diffus :
« Il n’aimerait pas vous voir ainsi. Je crois que vous vous cherchez, tous les deux. » Un soupçon de peine, de compassion : « Trop loin. Vous êtes allé trop loin. Mais vous apprendrez encore. Tout n’est que cycle. Tout reviendra. » Eoghan dénégua de plus belle, se rejetant de nouveau contre le mur, la poitrine creuse, pleine de courants d’air, de tout ce vide que ses pensées revanchardes avaient créé et qu’il subissait dès lors. Il prit la pleine mesure de son désespoir, de la vulnérabilité qu’il offrait à un homme qu’il ne connaissait pas, et qui lui parlait comme un Voyant. Comme un Clairvoyant. Ce dernier acquiesça, le contredisant avec une douceur infinie.
« Ce sera difficile. Mais ce n’est pas la fin. Il y aura des épreuves, le plus dur n’est pas passé. Mais si vous abandonnez maintenant, vous vous perdrez pour de bon. Vous les perdrez. Et même cette ville ne vous sauvera pas. »
« Pourquoi vous… ? Comment… ? »
« Et Lui est entré. Il est là, avec vous. Il vous poussera parfois au meilleur. Parfois au pire. Il alimentera vos névroses, vos vices, vos appétits. Un jour, il désirera davantage. Il vous aura enchaîné, supplicié, aura tenté d’éliminer tout ce qui tentera d’entraver sa route. Ils n’aiment jamais qu’on leur résiste. Et vous aurez besoin des vôtres pour le combattre et lui reprendre ce qu’il vous aura ôté. »
La main vint saisir le menton de l’arcaniste, comme si ce prophète étrange cherchait à déceler le fond de son regard, à lire l’invisible, traquer l’immatériel.
« Tout dépendra de vous. De vous et de votre libre arbitre. »

Paniqué, il se recula pour échapper à la mince emprise, profitant de la maigre marge de manœuvre que l’espace réduit entre eux lui apportait, et tenta de se redresser. Il aurait glissé, trébuché lamentablement si, dans un sursaut, une poigne plus solide désormais ne l’avait pas rattrapé, les voyant tous deux se remettre debout en un mouvement lent, prudent, mais ferme. Il n’eut pas le même réflexe de se reprendre, presque tétanisé à l’idée d’être lâché, relâché. « Vous êtes qui… ? »
« Je vous ai vu. Je vous ai vu, souvent. Vous passez toujours par les mêmes rues. Vous tournez sur vous-même, dans une boucle… Je vous ai vu. Seul, mais aussi accompagné, avant. Vous nous ressemblez, parfois. Mais vous n’êtes pas l’un des nôtres. »
Gravité. Résonnance de ces cordes vocales appartenant à un autre plan. Une autre dimension. Odeur très légère de moisissure, celle de vêtements laissés à croupir trop longtemps. Solidité factice.

« Vous n’avez pas à errer. »

Le halo d’une lucidité assourdie par l’alcool menaça de l’engloutir, de le terrifier par-dessus tout et de le faire partir en courant. Mais y serait-il seulement parvenu ? Les lèvres entrouvertes, balbutiant dans une rue sans passant, il demeurait là, toujours en appui contre l’immeuble derrière lui, s’adressant au vide, à l’absence.

« Rentrez chez vous. Retrouvez le chemin. Votre passé ne compte pas, seul compte l’avenir. Mais ne le laissez pas gagner. Ne les laissez pas gagner. »
« Qui… ? »
« Vous savez très bien de qui je parle. Vous l’avez toujours su, n’est-ce pas ? »
« J’y arriverai pas… »
« Pas si vous abandonnez. Mais personne ne vous reprochera d’essayer. Personne ne vous reprochera jamais d'avoir essayé. »

La créature s’éloigna (glissa), être diaphane, et alors il se mit à redouter son absence, soudainement rivé à ses lèvres, se remettant en branle en halant un fantôme en pleine rue, silhouette électrique, boule de nerfs, de mal, tenant à peine sur ses jambes :

« De qui vous parliez tout à l’heure… ? D’qui… ? J’faisais comme qui… ? REVENEZ LA ! »

Pendant un instant, seul l’écho lui répondit. Il ne voyait plus rien, craignant de se tordre une cheville contre la hauteur du trottoir, s’en écartant pour se planter au cœur de l’asphalte, ses mâchoires s’entrechoquant de nouveau. « Rev’nez… » Asphyxie lente, progressive, contraction spasmodique, côtes broyées, écrasant organes internes et les joies superflues glanées un peu plus tôt, parmi cette compagnie perdue, dont il s’était détaché. Prunelles embuées à défaut d’avoir de quoi désaltérer sa gorge en feu, d’avoir trop ri, trop vociféré, trop bu, trop espéré.

Quelques notes de jazz se mirent à résonner. Booker T. & The MG’s. Il poussa un cri, hanté comme l’étaient les lieux – et pas besoin de gagner les cimetières Lafayette pour ça. Cette musique aurait bien pu se voir interprétée par un énième jazzband composé de joyeux spectres installés là, dans un recoin sombre, se marrant de constater sa trouille, de le voir se pisser dessus comme un môme le soir d’Halloween. Il pouvait presque entendre leurs rires, comme ceux des vieux noirs qu’il avait toujours fréquenté : épais, contagieux, presque fous, parfois.

Il ne comprit qu’au bout d’une éternité que la piste préférée de son paternel tournant en boucle n’était rien d’autre que la sonnerie de son propre téléphone portable, que faisait sonner en vain un Alan Brunner trop soucieux.


•••


Il aurait dû être rentré depuis longtemps.
Il n’y avait plus d’excuses à aligner pour justifier sa présence prolongée.
Il ne pratiquait pas dans son laboratoire, ni ne manipulait ses précieuses créatures rampantes.
Il n’effectuait pas ses comptes, n’en avait rien à faire de son bilan prévisionnel, et ne touchait même pas à la souris de son ordinateur.

Il ne flattait pas d’écailles.
Il ne manipulait pas de venin.
Il ne touchait pas de billets.

Entre ses doigts, quelques photos défilaient : couleur, sépia ou noir et blanc.
Obsédé, depuis cette nuit passée à la Nouvelle-Orléans, depuis son retour.
Presque mutique, convaincu que ce qu’il avait vécu alors demeurait d’une importance capitale.

Il ne commettrait pas l’erreur de tourner le dos à ce besoin d’effectuer une pause, une véritable pause, quitte à s’abîmer davantage dans le confort du ressassement, comme il le faisait en s’attardant sur les traits encore lisses du jeune couple qu’avaient formé ses parents. Il y avait de cela un millier d’années, lui semblait-il. Leur sourire, la lumière qui restait encore vivace sur les traits de sa mère, la chaleur intime de certains clichés, le consolaient autant qu’ils lui faisaient mal, et l’atmosphère nocturne, uniquement trouée par la lampe de bureau discrète et les veilleuses de la boutique, consolidaient cette bulle presque paisible dans laquelle il s’était enfermée. Il avait retrouvé Shreveport sans plaisir particulier, mais avec moins d’appréhension qu’il ne le redoutait. Il n’avait pas réussi à s’arrêter à Bâton-Rouge. Il s’était remis d’une cuite phénoménale sans trop de peine, et avait quitté Alan rasséréné sur au moins quelques points qu’il tâcherait de ne pas oublier. Quant à l’apparition…
L’ongle de son pouce écorcha une pommette, une joue pas encore décharnée, de celle qui venait tout juste d’abandonner son patronyme familial, au grand désespoir de Julianna. Son visage s’était émacié si vite, alors. Avec les années, Sylia s’était aigrie de manière fulgurante. Souvent, la rancœur l’agitait, l’empêchait de trouver le calme qu’il désespérait de fixer un jour à ses talons. Mais ce soir, il n’éprouvait pour elle qu’une pitié saumâtre, qu’elle n’aurait pas même pu comprendre. Il peinait à accepter, à réaliser, que la femme souriante figée pour toujours sur le papier glacé, avait pu changer à ce point.

À moins qu’elle n’ait jamais changé.
À moins qu’elle ait toujours été ainsi.

Il aurait dû rentrer chez lui. Mais impossible de bouger. Quelque chose le poussait à demeurer là, comme s’il attendait quelque chose, comme pour honorer un rendez-vous. Pourtant, il n’attendait personne. Aucune gargouille, aucune âme désespérée, ou assez masochiste pour endurer sa compagnie. Et encore moins une disciple avide d’apprendre, mais qu’il espérait bien en sécurité chez elle, à cette heure-ci.

Quelques coups contre la porte le tirèrent de sa solitude.
Méfiant, il quitta aussitôt le confort de son siège pour se redresser et s’approcher de l’entrée. Il reconnut tout de suite la silhouette d’une sylphide, mais pas immédiatement celle de la créature qu’il avait tiré de l’averse, il y avait de cela un mois, à peu près. Sa chevelure, coiffée différemment, son teint autrement plus frais et l’absence de douleur palpable se lisant sur ses traits avaient largement de quoi faire d’elle une autre femme. Enfin… si elle méritait l’emploi du terme.

Elle semblait seule. Intrigué, il déverrouilla les battants et lui ouvrit. Nez à nez. Il avait oublié qu’elle était grande. Il ne pensait pas la revoir. Il la croyait appartenir à cette autre époque, celle que le Nouvel An avait définitivement close, il l’espérait. Avancer. Lâcher prise. Il n’eut pas à fouiller dans sa mémoire pour retrouver son prénom. Il ne l’aurait jamais oublié. Il ne le prononça pas, ou du moins pas à haute voix, et l’engloba d’une longue œillade, des pieds à la tête. Elle semblait différente, oui. Et, par-dessus tout, fébrile. Il se demanda si, en dépit de sa mise plus que respectable trois jours plus tôt, l’ivresse lui avait fait ressembler à cela : portrait d’un nerveux notoire, la respiration étroite et l’œil fuyant, avant que les fluides empoisonnés ne lui fassent totalement perdre le contrôle de lui-même.

Moins hostile que la première fois, il battit des paupières, se planqua derrière un brin de sarcasme, sans malveillance : « Eh ben… J’te demande pas si tu t’es perdue, cette fois. » La voix ronronnante à l’accent du Sud se para d’une ombre, toutefois. Une ombre révélatrice de l’arcaniste qu’il demeurerait toujours : « Pour la promesse, on dirait bien que c’est raté, hein. » Elle lui avait promis, oui. Qu’elle oublierait jusqu’à son nom, son visage, ce lieu. Le retour de son bien l’avait déjà fait mentir une fois. Et, telle une Pandore indiscrète, voilà qu’elle s’enfonçait dans son vice, prouvait par cette incursion supplémentaire qu’elle n’était pas capable de tenir sa parole. « Je croyais que tu n’aimais pas la magie, ni les sorciers… Pourtant, c’est la troisième fois. »

Le libre arbitre.
Astaad avait parlé de Destin, tout en ignorant soigneusement de se fier seulement à celui-ci. Ce qui faisait d’elle une femme aussi déterminée que ce à quoi elle avait ressemblé, alors blessée, dans cette pièce qui l’avait vue échouer. Il aurait pu la mettre à la porte. Il aurait pu la rabrouer sans ménagement. Alors pourquoi ? Pourquoi restait-il là, le bras tendu en suspens, la main sur la poignée ? Le visage de l’inconnu (fantôme) dansait dans un coin de sa tête. Il n’était pas assez fou, pas assez sot pour ignorer les signes qui jalonneraient cette année nouvelle, et ce fut sans doute ce qui poussa le paladin déchu à se reculer, s’écartant pour la laisser entrer. Dur, mais pas virulent. « Que puis-je faire pour toi ? »

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Jeu 11 Fév - 3:03 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt


"Est-ce que je peux te poser une question ?" Reprise de ses émotions, Yamina revient vers elle ses doigts noueux s'occupant de laisser entre la douceur des boutons dans leur pli jusqu'au col. "Je t'écoute." Elle hésite, se sent plus fébrile au fil des secondes qui s'écoulent, un tic-tac que le cœur laisse percer à travers la poitrine. Bientôt, la mort viendra la cueillir. "Est-ce que tu m'as aimé ? Je veux dire … Vraiment. Comme une mère. Comme un être humain normal." La dernière phrase est de trop mais la colère et le chagrin l'ont créée, des muses de tous les instants. Les doigts ne se figent pas, ils continuent leur remontée jusqu'à l'orée des clavicules que le bustier et les bretelles sans manches ne recouvrent pas. Un silence s'éternise, un tourbillon de rien qui lui donne le vertige avant que leurs regards ne s'attachent une nouvelle fois dans la semi-pénombre. "Tu parles trop, c'est ton pire défaut." Et elle attend une suite mais rien ne vient alors que sa main s'éloigne "On viendra bientôt te chercher, tiens toi prête."

Le souvenir de cette nuit dévastatrice lui revient comme un songe lointain alors qu’elle attend, presque certaine, enfant intérieur malmenée, qu’il ne pourra lui ouvrir, qu’il ne voudra lui ouvrir. Elle a promis de ne jamais revenir, d’oublier nom, visage, les soins ayant courus sur sa peau, les mots échangés, le mysticisme étrange qui les accompagnait l’un l’autre dans un tournoiement de pressentiments venus d’un ailleurs bien flou, terne et pourtant aussi puissant que si elle avait vécu l’errance de l’ivresse, tombant de marche en marche, alcool à la main, sous la même Lune que celle qui la menace d’ici, riant de l’ombre la poursuivant, une vipère se cachant dans les dalles d’un grand jardin. Elle ne sait plus ce qui fut réel ou lié à des rêves que son esprit fracturé peut bien inventer dans des nuits davantage agitées, où rien n’est paisible, où ses yeux restent accrochés à l’écran de télévision, relisent et relisent les mêmes putains de lignes pour s’imprégner de l’irréel pour fuir la réalité la rapprochant de ce qui fera d’elle une carcasse ensanglantée, aux os broyés pour qu’il ne reste d’elle qu’un long corps écailleux, un filet épais et sombre dans le Bayou, le Taïpan cherchant le moindre coin de chaleur où se terrer pour retrouver l’aridité du pays d’où il provient. Favashi se rit-elle d’elle à cet instant présent ? Favashi se gorge-t-elle de sa victoire par le feu et le sang ? Une main remonte vers sa poitrine, là où le stigmate prouve l’horreur nocturne traversée où Sadia a péri, sa mort portée par les hurlements de ceux qui brûlaient vifs, par le rire de la sauvage sorcière rouge qui s’était faite couronnée protectrice de l’Ordre, Youssef explosant de l’intérieur, ses sœurs à ses côtés pour une brève étreinte avant la fuite, avant de leur trouver un abri bien miteux pour qu’elles ne soient pas découvertes, tout lui murmurant qu’il ne faudrait pas qu’elles perçoivent ce qui lui rongeait déjà les muscles, les os et la peau. Elle entend encore son cri, un cri glaçant le silence, le couvrant de givre, de ceux qu’on ne pourrait briser tant on se laisserait saisir par la souffrance qui y résonne.

Les yeux vitreux, ivre mais perdue par-dessus tout dans les entrailles noirâtres de pensées moroses, de souvenances éreintantes, elle marque un pas en arrière, l’espoir s’effilochant au fil des minutes traversant la nuit où les badauds rient, se gorgent d’alcool comme elle l’a fait, comme cet homme dont elle a volé le verre. Kaleb, a-t-il dit. Kaleb … Kaleb nom d’un ailleurs qui n’est pas d’ici, souffrant peut-être à son tour du rejet des habitants natifs de ces terres où le vaudou suinte, où la magie s’inspire et s’expire, où les morts marchent parmi les vivants quand s’étend le velours sombre au-dessus de sa tête. La queue de cheval oscille, le jean bruisse quand elle se recule, perdant les brins d’espoirs qui lui faisaient croire qu’il pourrait être l’aide dont elle a tant besoin ce soir, un désespoir immense manquant de la submerger, craignant plus que tout la nuit qui approchera et la dépècera.

Sauve moi.
Sauve moi.


Elle n’oserait le dire, elle n’oserait pas. Fermant les yeux, vertige prenant en étau sa tête, elle esquisse un rire éraillé, se moquant d’elle-même, de sa présence inexplicable devant cette porte close. Prête à se détourner, elle se fige quand elle perçoit les vibrations de quelques pas vers elle, une œillade suffisant à retrouver le visage du sorcier qu’il lui faut piéger. Mais ce soir elle n’est pas là pour attiser l’art de la séduction, loin des bacchanales qui pourraient s’imposer à un homme et une femme s’offrant l’un à l’autre pour quelques temps de déshonneurs sans sens, sans intérêt. Sauf entre eux.

Sauf toi,
Qui un jour devra visiter mon ventre,
Sauf moi,
Qui un jour devra t’arracher bien des mots.


Le vert flirtant avec le bleuté d’un ciel s’ouvrant sur l’aube rencontre les orbes clairs et pénétrantes, lunes noires traversant déjà la vitre qui les séparent. Il vient. Il s’est levé. Il est venu jusqu’à elle. Yamina n’est jamais venu, ne répondait pas. Elle déglutit difficilement, s’attendant à un déclic qui voudra dire, silencieusement, qu’elle n’est pas la bienvenue, le cœur battant trop fort, le souffle court quand l’angoisse remonte du ventre pour venir ternir sa gorge et ses soupirs alcoolisés, ne prenant pas la peine d’enfiler le masque de celle qui n’a rien à faire de l’existence, dévoilant, sans le vouloir, un pan de l’humanité qui ne s’est jamais dérobée à elle. Comme tout le monde, elle a peur. Comme tout le monde, elle tremble face à la douleur, ne pouvant trouver refuge auprès de quelqu’un connaissant ce qui fait de sa vie une malédiction sans fin depuis des années. De fille enfermée dans un huis clos, la voilà enfermée dans son propre corps, prisonnière éternelle de chaînes impossibles à décrocher. Sans le percevoir, elle tremble, la tête vibrante tandis que la porte s’ouvre, n’ayant pas le besoin d’élever son visage pour l’observer dans un silence perturbant, entrouvrant les lèvres, la langue lourde, les paupières battantes, sentant enfin la réelle ivresse qui la chevauche, les verres de trop, la stupidité d’avoir quitté le nid pour s’abreuver, encore et encore pour tenter d’atténuer ce qui fait déjà grincer le bois de son corps. Tout craque, gémit, déplore l’inévitable, comme un vieux meuble qui sait qu’il se verra bientôt broyer. Un bonsoir lui semble bien incongru alors elle se tait, se plonge dans ce silence qui lui va bien et qui ne semble déranger aucun des deux êtres se faisant face, n’arrivant à se dérober aux yeux qui la perçoivent dans l’halo tamisé qui encercle rien qu’un peu l’animalerie, les senteurs de l’intérieur lui venant en plein nez, son odeur, à lui, inchangée. Peu rassurante mais fascinant celle qui demeure avide de tout savoir du monde des arcanes. Femme de paradoxes, de nuances, incompréhensible.

Il brise le silence et elle abaisse à peine les yeux, ne donnant aucune réponse, la moue boudeuse sans le vouloir, les lèvres pleines où trainent le goût de la désillusion alcoolisée. Fixant un endroit là où doit battre le cœur du sorcier, elle esquisse alors un de ces sourires qui ne promettent pas la joie, ceux des ivrognes qui n’ont plus l’air d’être vraiment sur Terre « Pff ! J’ai l’art de briser mes promesses. Je ne tiens rien. A part le whisky, j’crois. » Un rire soufflé, rien de drôle mais la voilà qui se rit encore d’elle-même, auto-dérision mal placée dans cet échange tendu, se rappelant du simple t-shirt qu’il lui a donné, la laissant dévaler les kilomètres sous la pluie. Redressant la tête et ses yeux de reptiles où rien n’est encore fendu, elle sent pourtant sa Bête haïr celui qui lui fait face.

Mordre.
Détruire.
Meurtrir.


Plissant un instant les yeux, elle parvient à croiser les bras sur sa poitrine, se demandant quelle bêtise l’a mené à se mettre à nouveau sur le chemin de cet homme. Ce n’est pas pour Uther, ce n’est pas pour ses sœurs, ce n’est rien que pour elle, guidée par le fil sombre de ce désespoir qu’elle ne lâche plus. Le fixant un instant, son visage se forge alors d’une expression plus lucide, reptile maléfique, elle esquisse un autre sourire plus moqueur sans pour autant user d’une voix tranchante, l’éloquence de l’ivresse la laissant traînante, plus doucereuse que jamais, suintant comme une langue noire rencontrant la peau fine de la distance les séparant « J'ai jamais dit que j'aimais pas la magie ... Par contre, les sorciers, ouais. M'enfin ça va, la deuxième fois j'me suis pas montré. J'ai utilisé ma plus bonne lessive pour ton t-shirt en plus. Tu pourrais dire merci au moins. » Audacieuse mais pas là pour le piquer ou le mordre d'un venin qu'elle n'a pas envie de lui donner cette fois, elle se fait amusée malgré toute la peine de plomb qui se dégage de ses yeux. Glissant un regard derrière lui, elle comprend qu’elle est invitée à entrer mais peut-être pas à rester. Piétinant le perron d’une première semelle, elle observe l’endroit sans comprendre, la Bête s’agitant dans un coin de sa tête, laissant filer ses écailles dans un chuchotis excité. Silencieuse, rendue muette par les boîtes qu’elle voit çà et là, elle fronce les sourcils, s’approchant des rayonnages quand la porte se referme derrière elle, soufflant un courant d’air frais sur elle sans qu’elle n’en prenne compte, la question de l’être mystique demeurant un instant sans réponse. Fascinée, elle pourrait se laisser prendre par ce qu’elle devine être des animaux s’approchant de ce qu’elle est, malgré elle, dans ces boites opaques, déglutissant difficilement. « Tu … Tu t’occupes de reptiles ? J’veux dire … de serpents ? ... C’est une blague …» Avec peine, sonnée, elle s’arrache à la vision de congénères enlacés dans leur nid, certains couvant peut-être leurs œufs, l’horreur se mêlant à une bien étrange empathie que jamais elle ne put ressentir pour ces bestioles qui côtoyaient le sable de son désert piétiné par les étrangers et les hommes et femmes de son pays chéri et puis conspué. Les épaules s’affaissent, le pas incertain, la main errant sur son front, image de cette fébrilité que l’alcool embrassant la crainte crée souvent, le malaise surtout, d’être ici, intruse, dans le terrier d’un sorcier du mal. Pourquoi lui ? Pourquoi a-t-il fallut qu’un simple docteur ne puisse rien lui apporter ?

Gorge serrée, elle s’approche mais s’arrête, œillades enfantines et curieuses, toujours, se perdant dans les moindres détails qui s’exposent à elle pour la première fois, découvrant la façade quand elle n’avait vu que l’arrière. « Rien je … » Elle se détourne, sèchement, comme prête à déguerpir sans demander davantage. L’idée de venir aurait dû lui paraître idiote dès qu’elle eut traversé sa caboche où se brinquebale l’éthanol ingurgité. Kaleb lui a donné, sans le vouloir, le verre de trop. Un rire nerveux lui vient tandis qu’elle lui tourne le dos, observant la rue au travers de la vitre de la porte désormais close, barrière bien fine qu’elle pourrait là aussi exploser de son corps reprenant sa place comme elle le fit avec le terrarium dans lequel il l’avait enfermé. Encore cet instant où ses yeux se ferment, haïssant les silences qui s’éternisent pour rien, inspirant, expirant, refusant d’être lâche, de se montrer peu digne. Le désespoir infante l’audace de se retourner à nouveau, fonçant vers lui d’un pas lourd, ses bottes dégommant le sol pour s’approcher, le fixer, l’étudier « Tu sais ce que je suis, pas vrai ? Tu sais. Tu sais la merde qu’on m’a mis dans l’âme hein ? » Là, tout se relâche et les paroles se délivrent, les yeux fuyant et revenant en une valse qu’il pourrait peiner à suivre « J’ai cherché. J’ai cherché ce qui pourrait m’aider. J’ai voulu croire que … quelques verres de trop feraient l’affaire, beaucoup d’fois. J’ai bu à en vomir, j’ai bu à en avoir des maux de têtes terribles, j’ai buté mon cerveau avec des pauvres médocs pris par dizaines. Pour que jamais elle ne vienne. »

La pleine lune.
La condamnation de la transformation.


Là, ses yeux percent le givre pour s’y fondre et ne pas le quitter, exposant sa peur, terreur suintante et noire, corps gisant à ses pieds malgré son équilibre encore bien faible mais elle se tient droite face à celui qui aurait pu être l’auteur, le maître, de ce qui la ronge. « Ça paraitra con, insensé et totalement … paradoxale parce que, tu fais partie d’ceux qui m’ont maudite. Mais si tu peux maudire … tu peux aussi délivrer, non ? » Elle perd pied comme elle perd son sac de toile qui glisse de son épaule à son bras pour quitter sa main et échouer près d’elle dans un bruit mat, s’approchant sans vouloir davantage pénétrer le cercle intime qui entoure tous les Hommes, lui abandonnant bien le sien dans la colère de l’abrutissement qu’elle a avalé, sa main se tendant, se crispant alors sur le tissus qu’il porte et couvre la peau chaude.

Sa main, autour de son cou,
Sa chaleur autour de ses cuisses,
Ses murmures voguant dans son esprit morcelé.


« Délivre moi. Délivre moi. J’t’en devrais une, j’sais. Y’a rien qui s’paie pas avec vous. Mais j’suis prête à payer. J’donnerai tout … ou presque. » Le sarcasme n’est pas voulu, simple vérité écorchée qu’elle lui avoue de son timbre à l’accent plus chantant, butant sur les mots, sur les verbes et les accords quand ceux de sa voix tremblent, quand ses doigts se font crochus pour se détenir à ce qui lui semble être le dernier recours « Dis moi qu’tu peux le faire. Hein ? Tu peux m’éviter la prochaine pleine lune. Tu peux, Eoghan. » Elle affirme, hochant vivement la tête comme pour se persuader elle-même plus que lui et ne demande plus, venant recracher l’écume de ses pires craintes aux pieds de l’inconnu dont le nom transperce ses lèvres comme s’ils étaient assez proches pour que leurs noms aient le droit de caresser leurs palais. Le regret lui vient tout de suite d’avoir osé prononcer les syllabes de son prénom étranger, loin de ceux qu’elle a pu entendre en ses terres. Et elle ne lâche pas, elle ne lâche pas la manche comme l’enfant s’accrochait à la manche de sa mère qui détestait le peau à peau, qui de son seul œil encore vivant la mirait à peine, s’agaçant de ses suppliques pour une étreinte après une cauchemar, pour une envie d’amour qui n’est jamais venu. Yamina. Yamina est morte. L’idée survient de nul part, sans aucun rapport avec le reste et le choc la percute, lui transperce le ventre et le cœur, imaginant sa mère broyé par les flammes, se débattant pour ne pas être mangé par elles et elle abaisse la tête, les pommettes rosées, errant entre ici et là-bas, là où sa mère, sans jamais lui avoir dit « Je t’aime », fut peut-être emportée par le désastre que Favashi avait orchestré.

"C’est fou, tu n’as jamais su faire semblant. Tu es si expressive. Ce doit être un atout selon l’endroit je suppose."

Et elle cille, les paroles de la reine rouge venant s’accrocher en écho dans sa caboche trop pleine, une nausée et un vertige venant l’attaquer de plein fouet. Elle le relâche, recule, se détourne pour remettre ce masque qui lui sert tant, pour qu’il ne voit pas la terreur qui lui donne froid et la fait suer, serrant les dents pour qu’elles ne claquent pas, le froid dans ses pieds, dans ses mollets, partout, remontant comme si la mort, lentement, venait d’entrer en elle. Secouant la tête, les yeux vides, ses lèvres s’étirent une seconde dans un sourire qui n’a plus de sens « Non, laisse tomber. J’ai … J’ai pas b’soin d’aide en fait. » Elle sait. Elle s’est toujours débrouillée seule. A quoi sert d’enchaîner les dettes auprès des autres ? Auprès d’un autre sorcier ? Et la voilà qui veut s’échapper, qui se recule trop brutalement, percutant le comptoir derrière lequel il devait être, faisant voleter une seule feuille qui échoue à ses pieds et qu’elle manque de piétiner, reculant juste à temps, oubliant la douleur hurlant dans sa hanche ayant rencontré le coin du bois pour s’abaisser, se figeant sur la vieille photo qui se faisait caresser plus tôt sans qu’elle ne le sache, exposant le visage d’une femme à la beauté certaine, d’un homme au visage anguleux. Entre ses doigts, elle détient le trésor qu’il ne fallait pas découvrir, restant pourtant figé sur les traits du couple, pouvant presque faire le rapprochement avec ses propres parents, ces vieilles couleurs des photos d’antan. Sauf que sa mère n’a jamais souri, que son père ne s’est jamais tenu auprès de sa femme que pour demeurer silencieux et sévère. Oubliant sa fuite, elle observe, elle se perd dans les yeux noirs de cette femme qui pourrait presque la terrifier comme l’impressionner malgré qu’elle ne soit qu’une image, sourcillant, son pouce venant sillonner les visages figés dans le temps, murmurant alors « Ils sont beaux. » Cruel est le Destin que de l’avoir mené jusqu’ici, que de lui rappeler qu’elle n’a plus de parents, plus de photos, qu’elle n’a rien pu emmener auprès d’elle pour se rappeler des traits de ceux qui l’ont créés. Rien, juste les moutons de poussières de ses souvenirs pour flageller son présent.


@Eoghan Underwood — @made by ice and fire. icons by non uccidere.
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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤

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"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
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Ven 19 Fév - 1:33 (#)


Maybe it just needed a little push.
La Beauté avait perdu de sa superbe et de son arrogance.
Elle avait troqué le fiel pour la désespérance.
Et la détresse qui émanait d’elle, cette fois, n’avait plus rien à voir avec l’urgence née de la blessure, de l’effroi, d’un réveil détonnant dans une pièce qu’elle ne connaissait pas.

Il l’étudia avec une attention grandissante, qui commença par la désapprobation concernant sa coiffure. Il n’aimait pas voir la chevelure attachée de cette manière qui, si elle faisait ressortir les rondeurs presque attendrissantes de ses joues et la pureté de ses traits pleins, lui déplaisait. Effet d’une image trop contrôlée, totalement opposée à la sauvageonne qu’il avait rencontrée. Il se sentit stupide d’un tel jugement de valeur. Elle n’avait pas à lui plaire ou non. Il n’avait pas à juger sa mise. Il s’en moquait. Il continua donc son examen, tombant sur les prunelles dénuées d’agressivité, et qui accentuaient la juvénilité de ses traits parés de nuances étrangères. Mais surtout, il repéra la vitrosité légère trahissant la présence de l’alcool ; il faisait toujours briller les yeux plus fort, et nimbait l’aura de tout imbibé d’une fragilité perceptible, d’un mal-être pathétique ou d’une colère évidente. Chez elle, la première l’emportait. Sa curiosité n’en fut qu’accentuée. Pourquoi ? Pourquoi était-elle là ? Il fixa son bras, qui ne semblait pas l’handicaper, d’aucune sorte. Elle paraissait guérie. Alors ? Elle tremblait, et il commençait à grignoter sa lèvre inférieure, de plus en plus dévoré par une impatience qu’il confinait au plus profond. Il se protégeait. Outre-mesure ? Non, certainement pas, lui murmurait l’instinct. Elle faisait bel et bien partie de ces Elles acariâtres, quelque chose le lui hurlait, viscéralement. Sa dangerosité ne provenait pas uniquement du fait de ses crocs, de son venin, de la force dont il ne la soupçonnait pourtant pas encore capable. Tout était une affaire d’impalpable, de mots et de ressentis sur lesquels il ne parvenait pas à poser le doigt. Par ailleurs, il portait une surveillance plus accrue encore les premiers jours d’une nouvelle année, persuadé qu’ils donnaient le ton des douze prochains mois ; sagesse ou coutume populaire qu’il avait fait siennes sans grande difficulté. Soudain, une idée pas si bête surgit. Et si elle avait retrouvé la mémoire ? Si elle s’était rappelée, de qui ou quoi l’avait agressé ? Si elle était venue lui apporter ce genre de réponses, alors il n’était pas question de la mettre à la porte. Il désirait savoir, lui qui s’était senti manipulé, pris pour un imbécile, et elle qui s’habillait de secrets, à défaut d’avoir de quoi protéger sa nudité.

La moue boudeuse revint. Fasciné, il revit en pensée la tête du serpent blessé, ce dessin particulier que seuls les taïpans arboraient. Il se souvint également de la façon dont il avait juxtaposé la femme et la bête, et d’avoir songé à quel point les deux se ressemblaient. Il se contenta de sourire d’un air narquois lorsqu’elle confirma la cassure d’un serment qui n’avait pas été tissé très solidement, de toute façon. C’était sa façon à lui d’acquiescer, sans pour autant vouloir enfoncer le clou. Il n’en avait pas le cœur. Elle semblait trop faible, et insister aurait été tirer sur une ambulance déjà prête à verser dans le fossé. La posture qu’elle arborait révélait encore l’indécision qu’elle ne pouvait lui cacher, et l’encouragea à ne pas sauter les deux pieds dans le plat. Il attendait. Une pique vint, faiblarde en comparaison de celles qui avaient jailli la dernière fois. Il ne répondit que par un silence de plus, par deux sourcils haussés, dubitatif, pas décidé à batailler. Enfin, elle s’avança, et ce fut quasiment en silence qu’il referma derrière elle, verrouillant par réflexe, comme il le faisait toujours quand la boutique était marquée close. Il ne l’empêcha pas de circuler, glissant les mains dans les poches arrière de son jean, sans la perdre de vue. Il n’était pas inquiet, tandis qu’elle fixait les boîtes protégeant leur contenu, ou à l’inverse les terrariums arborant les créatures endormies, ou paisibles. Il ne lui répondit dans un premier temps que par un hochement de tête, répugnant d’abord à se montrer précis, le temps qu’elle termine sa modeste exploration. Il comprenait l’ironie qu’elle recevait de plein fouet. Le hasard faisait bien les choses. Il la scrutait, comme s’il s’attendait à la voir chuter sur le parquet, à tout moment. Il pouvait sentir l’odeur d’alcool d’ici. Elle avait dû passer de longues heures attablée au comptoir d’un bar du coin, et les vapeurs s’étaient déposées sur ses vêtements, en plus de pénétrer son odeur, son haleine. Ce n’était pas une senteur désagréable, pour lui, mais il se demandait encore : pourquoi ? Il ne sut déterminer s’il éprouvait une peine véritable pour elle, tout en sachant que c’était néanmoins fort possible. Cassant et irascible, le sorcier n’en était pas moins dépourvu d’empathie, bien loin de là, et le peu qu’elle lui avait confié lui avait chuchoté des pressentiments, l’idée d’une vie gâchée, salie, brisée. Légèrement adouci par les dernières semaines, il se sentait un peu différent de celui qui était tombé sur cette étrange apparition.

Il n’avait pas envie de l’interrompre, de la houspiller. Il n’avait pas non plus l’impression qu’elle venait de briser sa bulle, son intimité. Il se demanda si c’était elle que son instinct avait attendu. Si c’était elle qu’il avait senti rôder, ses antennes aux aguets. Alors il n’éprouvait pas de colère. Puis, comme certains reptiles nerveux, elle effectua un mouvement brusque auquel il ne réagit pas. Habitué. Répondre par la brutalité et l’imprévisible était la pire chose à faire, devant n’importe quel serpent. Elle avait beau être humaine il n’y avait encore pas si longtemps, elle avait beau scinder l’animal et elle, il décida de se conduire comme s’ils ne formaient qu’un, de se comporter ainsi que si elle était à ses pieds, rampante, furieuse, ou déboussolée. Grand bien lui en prit. Elle se précipita dans sa direction, et il n’eut que le temps de retirer ses paumes de leur abri, craignant un instant qu’elle ne l’attaque, alors qu’il n’en fut rien. Il la dévisagea, les yeux grands ouverts, surpris et prêt à tout, désormais. Ses lèvres se serrèrent et il déglutit, croyant comprendre ce qu’elle était venue chercher. Les ailes de son nez palpitèrent. Non. Non, pas encore… Quel jour étaient-ils ? Il effectua un rapide calcul, en déduisit que la pleine lune serait là dans une semaine à peine. Et elle, qui pensait que s’étourdir suffirait… Cette fois, la pitié revint en force, et il manqua d’en fermer les paupières, désolé pour elle, sans sarcasme. Il soutint sans regard. Il ne lui transmit nul espoir, mais ne se déroba pas pour autant. Il l’écoutait.

Pourquoi pensaient-ils tous qu’il était le remède à tous les sorts ?
Le parfait détisseur de toutes les malédictions ?
Des maléfices, il savait en tisser, il savait en briser, mais il n’était pas le plus grand sorcier de la région.
Vinzent Henkermann par exemple. Il le dépassait en tout, et ses modestes concoctions, de son point de vue, conjuguées à une magie plus apte à la défense qu’à l’attaque, ne le désignaient pas selon lui comme le candidat parfait en comparaison. Il n’avait dû ses succès avec Jürgen qu’à un acharnement prononcé que Yago avait initié. Mais la chance, elle, était aussi responsable que lui. Il refusait de s’accaparer tous les lauriers. Sa persévérance avait payé, certes, mais s’il trouvait une résonnance intéressante, un écho pertinent dans son lien avec les mœurs vampiriques en la personne du clan Landgraf, il n’en serait sûrement pas de même pour tous les autres. Il n’y connaissait rien aux change-formes. Il le lui avait dit. Alors pourquoi placer toute sa foi en lui, traître à ses amours, à ses frères et sœurs d’essence ? Il se vit happé par elle, rendu soudain si proche de la fille-garou, heurté par sa violence muette, celle qu’elle devait probablement cadenasser. À sa place, il aurait probablement mis fin à ses jours, et d’autant plus si cette condition devait le priver de ce qu’il avait toujours été. Sans magie, il ne pourrait pas vivre. C’était inconcevable. Alors comment faisait-elle, elle ?
Il ne la repoussa pas, mais se tendit vivement, la mention de son nom entre ses lèvres pleines le troublant profondément, intrusion aussi palpable que cette main accrochée à lui. Il baissa la tête. Il ne voulait rien promettre.

Elle le relâcha sans crier gare, aussi soudainement qu’elle s’était approchée, et il releva presque timidement ses prunelles vers elle. Sans qu’il n’ait à parler, bien sûr, elle avait vu qu’elle le décontenançait, et la fierté avait déjà repris le dessus. Lui, paralysé, sut qu’il aurait dû réagir bien plus tôt. Mais que faire ? Que dire ? Ce n’étaient pas ses histoires, ce n’étaient pas ses problèmes. Il ne pourrait sauver le monde, sauver la populace prête à faire la queue pour régler des méfaits que la magie avait initiée. Une magie qui n’était même pas la sienne, quoi qu’elle puisse insinuer, ce qui l’avait presque blessé, vexé ou déplu, pour le moins. Elle se recula, se précipita au point de risquer de cogner, casser quelque chose. À son tour, il sortit de sa position figée, se souvenant de respirer et paniqua, craignant une catastrophe, autant pour elle que pour ses reptiles adorés. La catastrophe fut moindre, mais il vit l’une des photos abandonnées voler, s’échouer près d’une Doc. Un frisson le secoua, désagréable, lorsqu’il crut qu’elle allait marcher sur le cliché, mais elle esquiva au dernier moment. Anxiété, stress et agacement se roulèrent en boule, nichés dans sa gorge, et qui n’éclatèrent que lorsqu’il la vit ramasser la photo pour la contempler. Longuement. Trop longuement. Un élan enfantin le propulsa vers elle et, d’un geste sec, il lui arracha la relique, sifflant : « Touche pas à ça ! » Il la contourna, la lorgnant d’un œil mauvais, et se réfugia derrière le comptoir pour rassembler les autres en un tas bien fait, leurs arêtes sonnant net contre la surface du bureau pour mieux disparaître dans un tiroir qu’il envoya valdinguer, faisant claquer le métal nerveusement.

Idiot.
Son cœur battait furieusement.
Il ne la regardait pas. Il avait l’impression qu’elle venait de déchirer un pan de rideau sacré, donnant accès à tout un monde que personne, personne hormis lui ne pouvait fréquenter. Sensible à la mémoire de ses géniteurs, il ne supportait pas que quiconque puisse s’immiscer dans une intimité farouchement défendue. Il savait cependant qu’un tel emportement n’avait rien de normal, à l’image de l’état dans lequel il se trouvait. Fébrile, il passa une main dans sa chevelure qui n’avait pourtant pas à être remise en place, poussa un soupir né de l’angoisse, et se mit à gratter le dos de sa main, brutalement sujette à démangeaisons.

« J’suis désolé. »

Les mots lui arrachèrent la bouche. Il se détourna à moitié, répugnant toujours à vérifier quelle grimace elle avait bien pu tirer, à le voir se comporter de cette façon, perdant lui aussi de son flegme, de cette hauteur avec laquelle il l’avait toisée. Décidément, en l’espace d’une seule lune, leur position respective s’était nuancée. Il laissa passer un dernier silence puis, craignant qu’elle ne parte, se redressa enfin pour oser la fixer à nouveau, presque intimidé.

« Je n’y connais rien à ceux de ton espèce. Je te l’ai déjà dit. Je… J’ose pas imaginer c’que tu dois affronter comme ça… Mais… Ouais, j’préfère te prévenir que te mettre des races à outrance, ça t’servira pas. Les médicaments non plus. Ça servira à rien. La magie… fonctionne pas comme ça. »

Il résista quelques secondes durant à l’envie de se laisser choir dans son fauteuil, et le crissement imperceptible de ses ongles contre la peau rougie se changea en pressions pour masser les articulations devenues douloureuses, sans aucune raison. N’y tenant finalement plus, il déclara forfait et s’échoua au creux du siège, fatigué. Il se tint le front un instant, du bout des doigts, fermant les yeux pour reprendre ses esprits. Eoghan Underwood, tu n'es qu'un pauvre con.

« J’ai pu aider quelques immortels. Des vampires. J’ai mis des mois et des mois pour réussir à comprendre… à… à détisser le sort lancé par leur ennemi je ne sais combien de temps auparavant. J’ai cru qu’j’allais pas m’en sortir. Détisser, ça prend du temps. C’est… c’est même pas qu’une question d’argent. » À ces mots, il renoua un autre lien visuel avec elle, juste pour se montrer précis, rétablissant une vérité nécessaire : « J’sais pas à quels sorciers t’as eu affaire avant moi pour être à ce point persuadée qu’on est des enfoirés de catégorie un, mais j’me suis jamais fait payer pour eux. Pas parce qu’ils m’ont entubé. Mais parce que j’leur ai dit que j’voulais pas d’argent. » Il revoyait Barbra, Oswald, promettant monts et merveilles, trésors qu’il avait refusé, au risque de passer pour le dernier des crétins, crédule humain prêt à se saigner aux quatre veines pour des créatures que tous, dans son entourage proche, déploraient. « Ce que tu dois prendre en compte c’est que… oui, un arcaniste cherchera toujours à obtenir une contrepartie. Mais c’est pas par… cupidité ou quoi. C’est parce que rien n’est gratuit, dans cette dimension-là. Que c’est pas en claquant des doigts qu’on résout les maléfices, surtout comme celui que tu encaisses. Il y a toujours un don de soi. En particulier pour ceux qui pratiquent le Rouge, comme moi. » Il laissait sa langue se débrider, évoquant avec honnêteté les règles immuables, sans plus refuser de la contempler. « Plus grande est la magie, plus grand sera le prix à payer. Je ne connais pas celle qui t’a blessée, quelle magie elle a utilisé. J’peux rien faire. Je… Je commence à suffisamment fréquenter les Longue-Vies pour essayer, avec eux, mais ça… » Il la pointa du doigt, sans hargne. « J’saurais même pas comment m’y prendre… par où attaquer la chose. Je… Oui, j’en ai connu deux des comme toi avant ça, et encore elles n’étaient pas… exactement pareilles. » Démuni, il réfléchit tout de même, mirant le vague. « Peut-être… je regarderai dans mes grimoires mais n’espère pas trop, Astaad. D’accord ? N’espère pas trop. » Pour ces dernières paroles, l’arctique se noya dans la jade. « Et puis tu devrais… réfléchir à ce que tu donnerais en échange. C’est pas anodin. Tu dis que tu es prête à tout. C’est vraiment le cas ? »

Elle n’aimait pas les sorciers. Pourtant, elle était là, se déclarant prête à une générosité sans borne pour qui viendrait la délivrer. Elle continuait de provoquer des remous dans le bassin de sa curiosité. « Qui t’a fait ça ? Pourquoi ? Tu devrais débuter par là. Tu ne m’as jamais confirmé si ta cicatrice était liée à ce qui t’arrive. Et au vu de ce que tu me décris… » Il secoua la tête, baissant d’un ton. « Qu’est-ce que tu as fait pour provoquer une fureur pareille ? Je sais que certains des nôtres sont capricieux et colériques, mais je te l’ai dit la dernière fois : il faut une sacrée dose de haine pour en arriver à… »

Il s’empara d’un stylo pour occuper ses doigts, griffonnant au bas d’une page d’agenda. « Tu es toute seule, ici ? J’veux dire… comment ça s’passe les pleines lunes, pour toi ? Tu es… quelqu’un peut t’aider ? » L’horreur. L’horreur d’une transformation seule, de cris et de hurlements à n’en plus finir, de la lutte qui devait retarder plus encore l’échéance, ne facilitant pas une métamorphose contrariée. Il ne pouvait que se figurer l’impensable. « La prochaine est dans une semaine, c’est ça… ? Tu pensais vraiment que j’pouvais l’empêcher en aussi peu de temps… ? » Dans sa voix, quelques brins de chaleur, d’une douceur inaccoutumée avec les étrangers, et donc avec elle. Il guettait ses réponses, cherchait à se montrer à la fois patient, pédagogue, compréhensif et prudent. Il réfléchit, puis déposa, comme s’il s’attendait à ce qu’un verre se brise : « Tu veux que je vienne… ? Que je sois avec toi ? » Lui-même sentait parfaitement la superficialité d’une telle démarche. Il passerait au mieux pour un compatissant inutile, au pire pour un voyeur cruel. Il y avait du vrai dans les deux cas. « Je n’ai jamais assisté à ça. Je ne sais pas… exactement ce qui se passe, quand… »

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Dim 21 Mar - 21:34 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt

Damnée.
La voilà ainsi, dans le cercle insidieux de la perdition qu’offre l’alcool que l’on avale un peu trop, le coude s’étant trop levé, se brûlant la trachée pour quelques grains d’espoir d’éloigner l’horreur de l’inévitable douleur. Punition pour avoir osé défier les dieux sans le vouloir. Le papier qui tombe sous ses doigts et sa vision brumeuse, elle dessine les traits d’un couple qui semble aussi mystique que normal, amoureux certainement, la femme la laissant figée quelques brefs instants, comme si son regard d’un noir profond pouvait la happer et la maudire davantage, la conspuant sans même être là. Mal à l’aise, elle n’a pas le temps de voir s’étendre ce sentiment qui agresse l’esprit et le cœur, la hargne qui les enlaçait lors de leur première rencontre ne manquant pas de remonter à la surface entre eux. La paix fragile se casse dans son cri et elle demeure statue de bronze, la main désormais vide oscillant dans l’air alors qu’elle entrouvre les lèvres, ne comprenant pas ce qui pousse d’un seul coup le sorcier à hausser ainsi le ton, phalange après phalange refermant enfin sa main pour la laisser tomber. Sourcillant, elle demeure muette, trop ivre pour se rebeller, abaissant la tête, muselée par une honte qui lui tombe sur l’échine qui se replie, ses cheveux retombant sur une épaule. Sa gorge se resserre alors que sans le vouloir, cette photo la renvoie à l’absence de souvenirs. Du Caire, elle n’a rien pu prendre, rien qui ne puisse parfois lui laisser se souvenir du visage effrayant de sa mère, pas vraiment belle, ni de celui de son père, une beauté froide qui lui vaut ses traits princiers et reptiliens, de sa mère elle n’a que cette hargne glacée, cette insolence qu’elle avait plus jeune et qu’elle garda jusqu’à devenir quelqu’un qui haïssait le simple toucher d’autrui, de sa propre fille, refusant même de lui donner le sein. Elle était la fille dont on n’a jamais voulu et se découvre mise à nue, idiote dans cet endroit où elle n’a pas sa place.

Elle élève à peine les yeux, prête à souffler une excuse, à déguerpir comme elle le voulait au début, fuir pour ne pas avoir à affronter ce regard qui condamne et perce l’armure qu’elle enfile et dont elle refuse de se délester, nue ou habillée, elle demeure insondable pour que personne ne voit sa détresse. Il la devance de cette voix à l’accent troublant, manquant presque de manquer les syllabes de cette désolation, restant coite face à cette voix qui jure avec le cri de colère qu’il vient de lui renvoyer, comme si elle avait violée son intimité, une nouvelle fois. « Non c’est … c’est moi. » Ses mains plongent dans les poches arrières de son jean, les épaules tendues, détournant la tête, s’en voulant d’avoir trainé sa carcasse jusqu’ici en pensant pouvoir y trouver l’absolution, le pardon des cieux, le baiser d’un prince des arcanes qui ravirait alors la malédiction. Elle est bien prête à tout, le sent dans ses entrailles qui brûlent sous l’acide, le désespoir cinglant la moindre de ses forces et la voyant s’épuiser davantage et toujours plus. Ce soir, elle en oublie qu’elle devrait être l’actrice, le pantin d’autres sorciers, qu’il aurait fallut sourire et charmer le mâle pour l’entraîner à la ravir au sol, profiter de son ivresse comme une banale excuse pour une première étreinte. Mais elle ne se souvient pas, se concentre, égoïste, sur ce qui la mine tant depuis des années, marquée au fer rouge par la nuit purpurine qui la baigna dans son propre sang et dans celui de sa défunte amie. Elle ne prend même pas garde à l’œillade mauvaise que lui a lancé le sorcier, comme un vieil écho à la malignité qui rodait alors dans le regard de cette femme inquiétante, grande et maigre ombre, voyant les failles dans la posture adoptée par le manieur d’arcanes, délivrant enfin ses mains des poches de son jean, récupérant enfin son sac de toile au sol, se forçant à ne pas vaciller, un coup de chaud remontant sur son front, sous ses bras, les douleurs assassinant chaque centimètre de son être qui craquelle à chaque mouvement, comme s’il veillait déjà à se préparer à la métamorphose méphistophélique qui ne tardera pas à survenir.

Le silence qui s’étend entre eux devint alors plus gênant, bouffi d’un malaise qu’elle n’est pas en état de rompre, fermant les yeux alors qu’elle lutte contre les vertiges du verre de trop, se résignant à relâcher les mèches de sa chevelure, tirant bien trop sur son crâne douloureux et exécutant sans le savoir le vœu silencieux de l’homme qui se laisse choir sur son fauteuil. Dans un geste né du quotidien, de l’habitude, elle délivre les trop longues mèches pour laisser le soulagement dû aux tiraillements la délivrer, rêvant même de se délivrer de tout le carcan d’habits qui la ceint, aspirant à retrouver la douceur de son lit, pour s’y perdre et museler autant qu’elle le peut sa mauvaise humeur, sa terreur nocturne. Élevant alors les yeux vers lui, elle s’étonne qu’il lui réponde, ses doigts fourmillant toujours de l’audace de l’avoir touché, elle qui ne s’autorise jamais à tendre la main vers autrui sans qu’il ne lui soit vraiment proche. Au travers des ondulations de ses cheveux bruns, elle l’observe, semblable à un vieil homme épuisé par son propre sort, par sa venue peut-être et la culpabilité manque de l’accabler avant qu’elle ne la repousse, passant ses phalanges nerveuses dans sa chevelure marquée par l’élastique qui s’attache à son poignet, secoué par la nervosité d’un rire grave, tout droit venu de sa poitrine éraillée par la souffrance latente, celle qui ne quitte jamais vraiment les êtres faits de malheurs « Ouais, j’ai cru comprendre que l’alcool f’sait rien. Mais c’est toujours une bonne excuse pour m’bourrer la gueule. » Un trait d’humour déplacé, une légèreté qui fait tache dans cet échange où elle supplie malgré elle en restant ainsi ici, plantée comme si tout lui soufflait qu’il était la solution à ses maux. Et la suite ne lui échappe, attrapant toute son attention, renouant avec le bleu perçant qui fait de ses prunelles des orbes où elle pourrait perdre quelques bouts de sa dignité ainsi ivre mais elle n’est pas de celles qui détournent le regard, refusant de ployer ce soir, pas alors qu’il semble lui offrir un bout d’espoir, alors qu’elle n’’entend que le fait qu’il l’ait déjà fait, vampire ou non, qu’elle préfère chasser le temps que cela peut prendre, avançant de quelques pas vers le comptoir derrière lequel il se tient comme un penseur suivant tous ses mouvements et dans les plaies, il plonge la gravité de sa voix, l’écho de son prénom, la faisant sourciller une fois de plus. Comme une élève toute attentive, la voilà captivée par un récit qui lui ouvre un autre pan d’un monde qu’elle ne pourtant pas s’empêcher de mépriser, se fichant d’afficher toute sa détresse sans même avoir à pleurer. Tout se voit dans ses traits qui n’expriment qu’une immense détresse, un appel à l’aide hurlé par ses prunelles de chat mécontent gravant les mots silencieux de ce qui la détruit réellement, l’alcool faisant toujours un peu fondre d’elle dans ces moments où elle se montre, sous ce jour crépusculaire oscillant entre juvénilité et désespoir. Croisant lentement les bras sur sa poitrine, elle l’écoute comme pour empêcher son être de trembler avant de le fixer longuement, la gorge serrée, refusant de ne pas nourrir un quelconque l’espoir. « L’espoir, c’est tout ce qu’il me reste, Eoghan. » A nouveau leur prénom se rencontrent dans l’osmose nocturne et elle n’a pas honte d’en prononcer les syllabes purement irlandaises, pinçant les lèvres comme pour s’empêcher de s’effondrer entendant pourtant bien trop les éclats des racines qui se rongent, se dévorent, craquellent jusqu’à ce qu’elle-même s’effondre. L’œillade qui se prolonge ne fait que s’intensifier alors qu’elle pense au pire, au mieux, à se faire courtisane des temps modernes, à jouer les putains, à donner de son sang, à donner un bout de son âme pour se débarrasser de toutes les douleurs sans noms qui la terrifient et la font trembler davantage, blêmir sans qu’elle ne le perçoive. Cillant, elle hoche la tête « Ouais, j’suis prête à tout. Exige et je donnerai. »

Exige et je me condamne une seconde fois.
Exige et je perds, ce soir, ma dignité et mon orgueil.
Pour fuir, lâche et peureuse, la douleur immonde.


Ainsi elle pourrait laisser aller des sanglots nerveux qu’elle s’est toujours interdit à lâcher, n’ayant même pas pleuré sa sœur, ni ses parents, ni rien mais tout remonte à la surface alors qu’elle serre les dents pour parvenir à poursuivre d’une voix embrumée d’affliction, de cette automnale misère qui la refroidie « Après tant d’années à morfler comme j’ai jamais morflé, après avoir tout tenté, après avoir espéré trouver de l’aide dans le monde humain … » Elle esquisse un sourire en s’interrompant, abaissant les yeux et la tête, à peine, ne voyant que le vide, que les souvenirs où Favashi se rit d’elle, ses étreintes de fausse mère lorsqu’elles étaient encore amies … Lorsqu’elle était encore naïve. « … Il semble que j’sois condamnée à me tourner vers la source de tout ça. » Et elle retombe dans le céruléen, s’inondant dans le ciel qui rappelle bien autre chose qu’un ciel gris dans lequel elle semble vivre depuis des siècles. « On donne quoi aux sorciers en général contre … ce genre de choses ? Dis moi, j’suis toute ouïe comme tu vois et j’ai toute la nuit. » Ainsi elle signera le pacte, elle se verra définitivement condamnée à se traîner dans l’ombre d’Eoghan Underwood pour trouver une solution à son existence qui semble avoir été écrite sous des poèmes criant la cruauté, la souffrance, la rudesse dont elle est autant capable.

Et la voilà qui cille sous les questions, secouant simplement la tête, incapable de répondre davantage se rappelant tous les stratagèmes mis en place pour que ni Nejma ni Nadja ne viennent auprès d’elle, refusant l’aide de quiconque, refusant qu’on voit l’horreur, qu’on entende les chants macabres de son corps se détruisant pour prendre la forme reptilienne aux lèvres imbibées de venin. Un frisson l’agite alors qu’il lui rappelle que se tiendra la pleine lune dans quelques jours seulement, la forçant alors s’appuyer d’une hanche contre le comptoir, lui offrant son profil qui observe le reste de la boutique sans vraiment la voir. « J-J’en sais rien. » Elle ne sait pas ce qu’elle est venue chercher exactement, frottant vivement son front à son tour comme pour chasser le mal qui vient s’y installer, rêvant à une autre vie, hésitant, lèvres entrouvertes « Une chaman. J’étais dans un autre pays, dans mon pays, à ce moment-là. J’saurais pas te dire ce qui a motivé sa haine, on n'a pas trop eu l'temps de s'expliquer. Elle était … Elle était une amie avant d’être celle qui m’a foutu cette merde dans l’corps alors j'pourrais pas t'répondre. » Et elle ferme les yeux, à nouveau, inspirant difficilement, se refusant à délaisser davantage de détails, ayant un mal de chien à délivrer les souvenirs en mots, ce terrible secret de cette nuit où elle perdit tout ou presque. Qui sait. Qui sait ce qu’il pourrait faire de ces quelques informations ? Mais ses immondes chimères ne la bercent pas longtemps détournant sèchement la tête vers lui, l’image même de l’effroi sur son visage, son cœur ratant battements sur battements « Hein ? » Elle soupire dans un sifflement aiguë, effarée, reculant alors de quelques pas comme pour fuir une proposition pareille. Sa tête s’agite furieusement, refusant encore et encore « Non. Non. Non… » Éprise d’une transe étrange, il lui semble impossible de se sortir de la terreur qu’il insiste « Tu veux pas voir ça et j’veux pas qu’tu viennes, j’ai pas b’soin d’aide pour ça putain. » Elle recule pour contourner le comptoir, pour entrer dans la bulle intime du sorcier, sa main sifflant contre la surface où s’amoncèlent les papiers avant de se pencher vers lui, mauvaise, attaquant car se sentant aussi acculée que la Bête elle-même. « Tu veux voir quoi ? Tu veux m’entendre hurler tout mon soûl ? Tu veux m’voir saigner ? Tu veux entendre mes os se tordre et se fêler ? Tu veux voir du sang recraché par ma bouche, de la bile parfois même ? Tu veux voir ça … » Sa propre main désigne sa propre silhouette encore tout à fait humaine « … devenir pendant un instant une chimère ? Tu as dû voir des choses horribles mais ne t’en rajoute pas. A moins qu’tu veuilles voir ça par pure curiosité morbide ? » Elle siffle, elle ne peut s’empêcher de le souffler dans un soupir éméchée, d’une voix craquelante à l’accent prononcé, soulignant que son sang n’est pas d’ici. « Personne ne me verra jamais me transformer. Personne. » Promesse faite à elle-même, menace à peine dissimulée face à lui avant qu’elle ne redresse à peine la tête « A moins que … ce ne soit ça, ta compensation ? Me regarder ? » Détournant la tête, elle mord férocement l’intérieur de sa joue comme pour ne pas se perdre dans une vive colère qui ne fera que lui donner l’envie de le frapper, de le blesser, furie érotique ou de guerre lorsque l’alcool coule dans ses veines. Ses yeux tombent sur les serpents qui doivent se prélasser dans leurs boites alors et elle trouve là l’échappatoire « Tu m’en montrerais un ? » Lui jetant une œillade qu’elle ignore mutine ou toujours rougit de haine et de honte, elle le met au défi de ne pas insister, penchant doucement la tête, sentant d’ici l’odeur qui se dégage de lui, ce même mélange de cire, de bois, de parfum masculin naturel, de plantes, rien qui ne soit comparable à ce qu’elle put déjà sentir sur la peau des hommes qu’elle rencontra ici. Et elle pointe d’un mouvement de tête l’endroit où il cache si précieusement ses bêtes « Allez. Si tu peux pas m’offrir la délivrance ce soir, j’aimerais bien en voir un de près. »

Et j’aimerais oublier que cette nuit qui passera sera la venue d’un autre jour,
D’une aube qui me condamnera à un jour de plus à attendre l’inévitable,
Et j’aimerais ne plus avoir à penser que « demain » sera mon châtiment,
Et j’aimerais que le ciel ne se grise jamais de ses lumières satinées,
Que jamais je n’ai à revivre la souffrance qui m’attend,
Moi et moi seule face au malheur qu’Elle a fait fondre sur moi.
 


@Eoghan Underwood — @made by ice and fire. icons by non uccidere.
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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

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"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
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Lun 3 Mai - 1:17 (#)


Maybe it just needed a little push.
Elle aurait pu réagir de toutes les façons possibles. En fixant son visage de nouveau auréolé des mèches sombres (comme si elle avait lu dans ses pensées), il comprit qu’il avait affaire à l’imprévisibilité faite femme. Non pas exactement comme les vampires pouvaient l’être, mais comme une autre catégorie d’êtres vivants. Cobras retors, pythons vicieux, vipères terribles. Il n’essaierait pas de la prendre de haut, de la dénigrer plus que de raison. La réponse pouvait être terrible et, comme il venait de le lui avouer, il ne connaissait pas suffisamment ce qui la composait, faisait d’elle une change-forme, ni quelles capacités pouvaient éventuellement accompagner cette métamorphose périodique. Disposait-elle de facultés dangereuses, même sous forme humaine ? Pouvait-elle pénétrer dans son esprit ? À force de multiplier les expériences télépathiques avec ses propres reptiles, avait-il créé une faille pernicieuse, permettant à n’importe quel profane de fouiller le contenu de sa tête ? Aussitôt, dans un réflexe salvateur, il renforça plus encore les défenses ceignant sa psyché, cherchant, scannant rapidement toutes les informations concernant ses barrières, sans distinguer aucune maille poreuse, rien qui ne puisse expliquer cette clairvoyance qui ne relevait que d’un détail stupide. Elle avait lâché ses cheveux. Sans même qu’il ne le lui demande.

Il aurait aimé lui dire de ne pas le regarder ainsi. De ne pas placer tous ses espoirs en la personne d’un homme tel que lui. Il devinait la dignité qui était la sienne, qu’elle saccageait probablement à l’aide du mauvais alcool, sans vouloir se figurer jusque dans quels états elle était capable de se plonger, dans une tentative désespérée d’éloigner le mauvais sort de son chemin. Elle s’approchait, et il ignorait qui était le plus toxique d’entre eux deux. Qui portait la marque la plus fétide. La maudite malheureuse, ou le sorcier torturé. Ensemble, ils composaient une paire étrange, aussi mal assortie que ses propres parents sur les clichés protégés de la vue de quiconque, désormais. Et pourtant. Était-ce son charisme ou bien l’amour du malheur qui le conduisait à ne pas la foutre dehors, la pitié qu’il éprouvait à son égard était réelle, même pourvue de ce voyeurisme qui ne quittait jamais totalement les Éveillés dans son genre, curieux de toutes les monstruosités de ce monde bourré de mystique. Ses prunelles, par-dessus tout, contenaient peut-être la réponse à cette question : Pourquoi est-ce que tu ne l’as pas déjà envoyé se faire voir ailleurs ? Il voyait en elles une certaine intelligence, une fougue démesurée qui ne devait pas lui attirer que des faveurs, mais surtout un instinct de survie et de préservation qui suscitait au moins un peu de ce respect qu’il avait parfois tant de mal à donner. Il respectait les survivants. Il respectait ceux qui se débattaient comme des forcenés pour mériter leur place sur terre. Ceux qui ne quémandaient pas. Ceux qui prenaient quand il le fallait. Qui marchandaient, se soumettant à leur place tout en s’autorisant à en sortir, lorsque les circonstances le leur autorisaient. Il savait que cette logique, cette façon de voir le monde, lui appartenait en propre et aurait eu peu de chance de trouver un écho à l’endroit d’un interlocuteur conciliant. Alors il les gardait pour lui.

Elle était prête à tout.

Il n’était pas bon de promettre pareille chose à un arcaniste. Quel qu’il fut. Même le plus doux des manieurs de l’Immaculée pouvait se laisser aller à la corruption d’un pareil don. Alors pour le porteur de la Rougeoyante, un tel chant des sirènes avait de quoi lui faire perdre la tête, le pousser dans des extrémités qui n’avaient rien de bienveillantes. Tais-toi. Tais-toi donc. Il aurait préféré la voir répondre à ses interrogations, les plus fondamentales. Il fronçait légèrement les sourcils, ne concevant guère qu’elle demeure aussi vague quant aux explications réclamées. Comment pouvait-elle ignorer la source de ses maux ? Comment pouvait-elle ne pas savoir ce qui avait motivé une chamane à gâcher sa vie de cette façon ? Non. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose ne fonctionnait pas. Agacé, il n’en montra rien d’autre que ses narines légèrement palpitantes, comme toujours lorsqu’on essayait de lui échapper, de jouer à l’anguille lorsqu’il n’en était plus temps. Il la regardait d’en contrebas, appuyée contre le comptoir avec, à son image, tout le poids d’une vie sur les épaules. Mais même sa compassion avait des limites. Il ne pourrait pas l’aider, si elle ne l’aidait pas en retour.

En attendant, il avait poussé trop loin. La façon dont elle le dévisageait à présent, visiblement horrifiée par ses propositions, n’eut pas de quoi les lui faire regretter, mais simplement déplorer toute l’étendue de la honte, révélatrice de par sa réaction, de la fille-garou. Il ne cilla pas outre-mesure. Il s’attendait peut-être à cette volée de bois vert, probablement méritée, mais qu’il n’aurait pu ne pas mettre sur la table. Il se gorgea de l’effroi, de la violence qui émanait soudainement d’elle, se demandant d’autant plus quel spectacle était à l’œuvre, lorsque la lune était pleine. Était-ce aussi horrible qu’il le pressentait ? Qu’elle le décrivait ? Il ne broncha pas, ne perdit pas une miette du tableau : Méduse réveillée, furieuse, menaçant de changer l’impudent en pierre si cela pouvait lui permettre de ne pas être vue, de se venger de tous les wiccans, de tous les sorciers, vaudouisants, mages et chamans du monde. La manière dont elle le rejoignit, sinueuse, ne l’effraya pas outre mesure. Au contraire. Il fit pivoter son siège, l’affrontant face à face, sans se relever toutefois. Il la regardait. Avec cette distance pourvoyant l’attention de tous les savants fous de laboratoire, des chercheurs, explorateurs, détenteurs de cabinet de curiosités.

Aimerais-tu me mordre, maintenant ? Probablement.

Il se rappela brusquement d’elle, de sa peau écailleuse, douce et humide. De la blessure qui l’avait attendri. Il l’avait touchée intimement, sans le savoir, et s’en rappeler en cet instant lui était bien plus troublant que de penser à la façon dont il l’avait soignée sous sa forme humaine. L’innocence du moment, la vulnérabilité qui l’avait laissée là, impuissante, provoquèrent un élan bizarroïde jusqu’au fond de ses tripes, qui coupaient court à toute velléité agressive à l’égard de la sifflante, son accent craquelé le laissant sans souffle. Juste là. À la regarder.

Lorsqu’elle s’écarta, il humecta prudemment ses lèvres, avant d’arquer un sourcil une fois de plus, au moment de la voir changer de sujet radicalement, sans crier gare. L’absence de transition le laissa suspicieux. Pensait-elle vraiment qu’il ferait comme si cette conversation n’avait pas existé ? Il racla de sa langue le creux de sa dentition, longeant l’émail avec circonspection. Puis, lentement, il consentit à se remettre debout, s’approchant de la jeune femme en faisant légèrement craquer, de temps à autre, le plancher sombre sous ses pas. Il la considéra avec raideur, la lorgnant sans se cacher, des pieds à la tête. « J’ai pas de taïpan à vendre, désolé. » Il fit mine de réfléchir, puis se baissa pour accéder aux terrariums inférieurs. « Par contre j’en ai qui font presque la même tronche qu’eux. » D’en bas, il risqua une œillade sinon provocatrice, du moins mutine qu’il n’eut pas envie de refréner. Il ne la connaissait pas assez pour chercher à la préserver de toute pique de susceptibilité. Quand il se redressa, une créature écailleuse ceignait ses phalanges. Si tout le corps grumeleux d’écailles agréables au toucher ondoyait d’une teinte sableuse et d’ivoire, la tête, elle, était marquée par l’ocre, par deux pupilles attentives d’un rouge sombre, et d’un museau que n’importe quel amateur pouvait identifier.

« Heterodon nasicus… Autrement dit hognose, type anaconda western. Ou aussi, serpent à groin. » Il se mordit la joue pour ne pas rire, la défiant du regard. « Non pas que… enfin, pas d’offense, hein. Juste… des fois, on dirait qu’ils boudent un peu. Comme toi, quand… » Il souffla du nez, levant la main pour laisser le mâle ramper entre ses phalanges. À vue de nez, la bestiole ne mesurait pas plus d’une quinzaine de centimètres. « Il est encore jeune… Tu veux le prendre ? » Il tendit ses doigts vers elle. « Fais juste attention. Ils ne sont pas toujours très farouches, mais c’est q’c’est fragile, ces p’tites choses. » De sa main libre, il saisit celle d’Astaad pour aider le serpent à basculer dans le creux de sa paume. Le filet d’un rose profond allait et venait, humant et explorant cette dame inconnue. « Tu vois leur museau ? Ils s’en servent pour creuser. Ils adorent fouiller le sable, s’enterrer dedans. Ils sont plutôt timides. Et ils sont tellement pas dangereux que c’en est un scandale. Ils sont super appréciés en ce moment. » Et se vendaient chers. Des spécimens comme celui-ci se vendaient à presque sept-cents dollars. « Ils savent faire les morts, s’ils se sentent en danger. Ils roulent sur le dos, simulent l’agonie, tirent la langue… de vraies dramaqueens. Mais c’est plutôt drôle. Et pas encombrant. » Il croisa ses bras désoeuvrés pour les fixer ensemble, amusé par l’ironie de la chose. Il reprit cependant, à voix basse : « Écoute… J’sens bien que t’as pas envie de m’en parler, mais j’pourrai pas t’aider si tu m’fais de la rétention d’informations. » Il ficha l’arctique dans la jade. « Si tu veux vraiment que j’tente un truc… faudra être moins vague. Désolé. Donc évite de me sortir que tu ne sais pas pourquoi une chamane t’a pourri ta vie à ce point. Surtout si vous étiez amies, avant cela. M’prends pas pour un con. Même si tu me considères comme tel. Sinon, toi et moi ça donnera rien, tu comprends ? Déjà que c’est mal parti… » Il tenta une autre tactique, moins intrusive. Plus douce. « Si c’est une question de pudeur, ou parce que t’as fait une connerie ou un truc pas très avouable… Ça m’est égal, tu sais. J’en ai vu d’autres, ouais. Il m’en faut, pour être choqué. J’aurai toujours une opinion qui traîne ou à faire valoir. Mais c’est pas pour autant que ça impactera mon aide. J’suis personne pour juger, dans l’fond. » Non. Clairement personne. Il était la dernière personne sur Shreveport à pouvoir prétendre se changer en directeur de conscience. « Y’a d’la curiosité morbide en moi, ouais. Bien sûr. Une créature comme toi, j’en croise pas tous les jours. Mais… j’étais sincère. Ça doit être… terrifiant, à vivre, pour toi. » Elle n’avait pas non plus répondu sur le fait d’être seule ou non. Qu’elle se dissimule aux bipèdes était une chose, mais vivre en compagnie en était une autre. Peut-être ne voulait-elle pas faire reluire plus encore cette isolation dont elle était victime. Il haussa les épaules. « Les sorciers sont comme ça. Ils veulent tout apprendre. Tout connaître. Surtout des phénomènes qu’ils n’ont jamais vu avant. C’est pas du manque de respect, c’est juste… un automatisme, presque. »

Pour lui donner de l’air, il se recula pour déambuler dans son commerce, prenant une longue inspiration pour mieux soupirer, effleurant du bout des doigts un terrarium ou deux, pensant à haute voix : « Ce qu’on donne en échange, ça varie en tout cas. En fonction de ce que le détisseur exige. De ce dont il a besoin pour le sort, mais aussi en guise de rétribution pure et simple. Je pense que j’aurai besoin de prélever de ton sang, forcément. Pas des quantités incroyables, mais quand même. Certaines personnes sont pas à l’aise avec ça, donc j’préfère prévenir. »

Ses mots précédents résonnaient, sourdement. Obsédants.
« L’espoir, c’est tout ce qu’il me reste. »

Et il lui en faudrait. « On verra en temps voulu. Ça dépend de tellement de choses… C’est pour ça que j’t’engage à vraiment réfléchir quand tu dis que tu es prête à tout. Même moi, j’peux pas prévoir les tournures que ça peut prendre. Mais non. Ma compensation, ce s’rait pas d’te regarder. » Il lui lança un coup d’œil éloquent. « Simplement, plus j’en sais sur c’qui t’atteint… enfin, t’as beau me feuler dessus, ce sera peut-être nécessaire, Astaad. Et j’dis pas ça parce que ça m’arrange. Crois bien que… » Il pesa le pour et le contre, mais décida de jouer la carte de la sincérité, osant : « … j’serai sûrement aussi flippé que toi. Les malédictions… » Il secoua la tête. « C’est tellement dur. Tellement ignoble. C’est normal que t’appréhendes. Mais figure-toi qu’moi aussi. Par contre, le sang, la bile, tu sais… j’m’en fiche pas mal. »

Lorsqu’il revint dans son giron, il était porté par cette humeur calme, préférant éviter une confrontation ardue. « J’dis pas que ça doit se faire cette semaine. Ni même le mois prochain. Juste… Penses-y, à tête reposée, à tout ça. D’accord ? J’me doute que c’est pas facile pour toi, mais ce sera une étape probablement nécessaire. » Il tendit la main pour reprendre le hognose : « Tu m’as pas dit si tu vivais avec quelqu’un. T’as un mec ? D’la famille, ici ? »

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Lun 3 Mai - 3:22 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt

L’échange de cette œillade est étrange, d’une étrangeté mutine et féline, décrivant les arabesques d’un sinueux passé qui ne les allie même pas. Ils sont deux étrangers dont les chemins n’auraient jamais dû connaître un carrefour où ils se ont finalement croisés. Voilà qu’en son for intérieur, elle maudit encore Uther mais le chasse aussi vite qu’il apparait, craignant plus que tout les dons méconnus de l’arcaniste qui se trouve plus bas qu’elle mais n’en demeure pas moins auréolé d’une puissance qui effraie la femme et l’animal sculpté dans la haine et le sable souillé de sang, dans sa propre peau par l’argent. Elle ne déclare que peu de choses sur cette nuit infernale qui la vit devenir ce qu’elle hait bien plus qu’elle ne pourrait le décrire en mots. Il n’existe nulle expression ne pouvant lui démontrer ce qui se dessina sous ses yeux comme une scène horrifique. Pourtant née dans le scénario d’un mauvais film dont elle aurait vomit la fin, elle ne sait toujours pas comment épeler l’épouvante qui la mura un instant dans un immobilisme maudit, tandis que ses chairs hurlaient par une brûlure qui laissait filer entre ses seins les rives purpurines de sa déchéance, que Youssef mourait sous les suffocations intérieurs par celle qui était alors sa maîtresse et sa dévouée, pas même lorsque Sadia sentit la lame qui plongea le long de sa gorge pour qu’elle s’endorme dans un gargouillis immonde au pied de la chaman vêtu de sang, sa beauté n’inspirant alors plus que dégoût et aigreur à celle qui fait face désormais à ce qu’elle a mit des années à ne serait-ce que supporter dans la même pièce qu’elle, à supposer qu’elle puisse en croiser, qu’ils puissent être clients servis par ses mains de maudite désespérée, haïssant son existence putréfiée par les mots d’une femme nantie de savoir qu’elle rejeta sans ciller sur elle.

Il s’élève et alors même qu’un pied se recule, elle n’abaisse pas les yeux, le laisse à son inspection dont elle ne comprend pas le sens caché, ne sachant pas ce qu’il trouve sous ses iris bordés de ce bleu arctique qui décime de timides frémissements sous l’étole de sa chemise mais il lui semble être aussi nue alors que la première aube qui les vit se regarder alors qu’il la força à s’éveiller, sa main autour de sa gorge, chaude et presque rassurante, expiant un premier soupir au premier contact de l’être méprisé. Elle se sent prise au piège de l’examen qui s’opère, ses lèvres s’ourlant d’une moue boudeuse sans le vouloir, sourcillant à peine, sans comprendre ce qu’il veut bien d’elle, ce qu’il ressent en cet instant, frustrée de ne pas lire grand chose en lui. Est-ce l’alcool qui a trop coulé ou simplement le fait qu’il soit aussi fermé qu’un grimoire scellé par un cadenas cerné de rouille ? Elle l’ignore mais demeure pleine de sa fierté, refusant de tanguer même si les vertiges frappent contre les cavités de sa caboche d’ivrogne qui a cru bon de prendre le verre de trop, de faire la balade de trop jusqu’à la mener au cocon de cet homme dont elle ne sait rien. Il faudra le trahir. Il le faudra bien et voilà qu’elle est prête à signer un pacte qui lui vaut de devoir lui offrir sa main et bien plus encore. Quelque chose en elle se fissure davantage, comme une brèche qu’on voyait à peine et qui a finit de s’ouvrir sous le poids de plomb de ses yeux qui la dépècent d’une partie de son masque. Et voilà qu’elle cille, un balbutiement de paupières qui la voit faire fondre l’échange qui aspire le souffle et la cadence du cœur qui fait d’elle une vivante parmi un monde mort et monotone. J’aimerais revivre et goûter au bonheur. J’aimerais connaître toute la saveur des péchés humains et ne plus être rattachée à rien d’autres qu’à ma banalité. Mais elle n’osera le dire, finissant par abaisser lentement ses yeux sur le visage aux traits qui n’ont pas de ressemblances avec d’autres visages croisés par ici, qu’ils aient été amants, clients, brèves rencontres au coin de sa vie. Il est un enfant d’ici, venu du creux des rivières louisianaises et elle se demande alors de qui il tient ses prunelles comme cette mâchoire mais la sévérité des traits, elle croit s’en souvenir dans ceux de la femme dont elle a osé caresser le visage quelques minutes plus tôt. Est-ce sa mère ou une ancêtre lointaine ?

Leurs pas qui tamponnent à peine le parquet le font chanter à l’unisson et elle en aime la mélodie, comme quelque chose qui rassure et lui susurre qu’ici elle n’a pas grand chose à craindre et plus il s’avance vers ce qu’elle sait être les nids des serpents, plus l’envie grandit, une envie animale, venue de ses viscères jusque là ensommeillée, aimantée par ce qu’il voudra bien lui présenter, voulant se diriger vers un autre lieu que le cauchemar de cette nuit. Cette fois, à sa remarque, elle affiche une mine presque vexée « Hé ! J’ai aucune idée de quoi j’ai l’air sous cette forme, c’est pas… cool d’se moquer d’moi. » Son bougonnement lui semble aussi ridicule que celui d’une enfant mais souligne à merveille son état d’ébriété, la pointe de ses lèvres pleines voulant s’étirer pour un sourire amusé qui pourrait rejoindre le sien avant qu’elle ne devienne réellement l’adolescente curieuse qu’elle fut alors tout près du chaudron bouillant des semaines auparavant, se détournant du faciès de l’éphèbe pour découvrir le précieux animal recueillit dans les paumes habituées à manier ce qu’elle est désormais. Ses cils s’élèvent sous la surprise et la tendresse que lui incombe la venue de ce serpent à la tête ourlet d’un bec ne peut que la faire franchement sourire cette fois, le premier offert à la vue de l’inconnu sans même le percevoir, fixant ses yeux sur le serpent filant silencieusement entre les doigts qui prirent soin d’elle. Et son attention se reporte à nouveau sur lui, son sourire s’estompant à peine, haussant un sourcil, sans comprendre ce qu’il a bien pu voir d’elle sous son autre forme, lorsqu’Elle prend les pleins pouvoirs. « J’ai l’air si… débile ? » Un rire à peine soufflé, surprise et ravie de découvrir quelque chose de nouveau, ses opales se mettant à briller d’une envie irrépressible de savoir ce à quoi peut bien ressembler un serpent sous ses doigts. En elle, rien ne tremble si ce n’est son cœur qui s’effiloche sous les battements frénétiques, l’envie de tendre la main mais nul besoin de le faire car la main masculine s’étend pour saisir la sienne, paume vers le ciel et elle hoche vivement la tête, ses cheveux bruissant sur ses joues rosées par l’ivresse, tremblante alors que l’animal consent à venir guetter un refuge méconnu. Les premiers sillons esquissés tant par la langue que par l’animal lui-même laisse remonter une étrange torpeur, la ramène une nuit teintée de bleue, à ce jardin déjà vu, à cette esquisse flouée par un blocage intérieur, par une mélancolie qui ne lui appartient pas et une osmose impure.

Je ne te ferai aucun mal.

Lentement, le hognose s’enroule autour du fin poignet alors qu’elle tente de lui libérer davantage de place en remontant la manche de sa chemise, son avant-bras plus libre et exposant sa peau dénudée de cicatrices. Ici, au moins, il pourra naviguer en paix. S’abaissant pour l’observer de plus près encore, écoutant la voix qui s’est fait doucereuse sans le vouloir, les pointes de ses cheveux effleurent les écailles du serpent alors qu’elle voit le ruban rose se tendre et disparaître, semblant un instant à une gosse à qui l’on offre une occasion unique. Son autre main plus libre se tend vers le museau insolent, son index touchant à peine le groin que le serpent se rétracte autour de l’articulation, sursautant et elle élève sa tête, les traits marqués d’une semi-frayeur, craignant de lui avoir fait peur mais elle n’a pas le temps de poser de questions qu’elle le voit reprendre son sérieux et elle devine que l’amusement est terminé, qu’il est temps de revenir au monde obscur des adultes où dans quelques jours, elle devra se mêler à cette peau presque semblable, plus sombre encore, souffrir et hurler. Au travers des mèches qui s’écoulent sur l’un de ses yeux, elle mire, ne cessant de caresser les écailles de ses doigts qui peuvent se ganter de douceur, serrant les dents au fil des mots qui se démêlent, voulant le haïr d’oser la contraindre à parler davantage, à se confier, à parler et parler encore, elle qui n’a jamais fait que se protéger des autres lorsqu’il le fallait. Lentement, comme un long tremblement de terre remontant des entrailles de son corps, elle frémit et elle supplie de ses yeux fichés dans les siens de ne pas la forcer à en dire davantage, craignant presque que l’alcool la mène jusqu’aux larmes, les rives de ses yeux brûlant déjà sous l’envie de relâcher la pression. S’il n’était pas ce qu’il était, s’il ne portait pas le nom d’Eoghan Underwood, s’il n’était pas présumé tueur, bien qu’elle ne sache plus où placer la vérité et le mensonge en le voyant ainsi, elle aurait pu parler sans rien craindre. Auraient-ils pu être amis dans une vie où elle n’aurait pas été contrainte à cette haine, à cette enfer qui flambe en elle sans vouloir jamais s’éteindre ? Le cœur lui fait mal à force de se resserrer aussi certainement que le serpent continue de faire son nid autour de son poignet, à la menotter de ses écailles et de sa force juvénile. Nerveuse, elle s’oblige à détourner les yeux, à inspirer plus calmement, ne voulant pas partir en une crise d’angoisse que rien ne calme si ce n’est le temps, voulant à tout prix ne pas se plier aux confidences mais il demeure son unique chance en cet instant, le soleil qui repoussera la Lune définitivement, peut-être, celui qui accepte bien de lui tendre la main et cette dernière remarque la fait sourciller, le regard dans le vague, perdu dans les écumes de ses pensées « Pourquoi ? » Le timbre est doux mais ne perd rien de son accent trop prononcé, presque brisé par la peur et le chagrin, prise au pied du mur, mise dans une impasse dont elle ne peut escalader le mur. « Pourquoi tu acceptes de m’aider ? Tu me détestes. Ou disons que … ‘Fin toi et moi, on s’connait même pas. » Et elle élève à peine ses yeux vers lui pour retrouver un brin de réconfort auprès de l’animal qui respire autour d’elle, fermant les yeux, comme pour se repaître de cette innocence que sa propre Bête n’a pas, pour se souvenir de tout. « Tu d’vrais t’prendre à boire, l’histoire est longue. »

Elle ose bouger, enfin, piétinant lentement les lattes sombres pour errer ailleurs qu’auprès de lui, ses phalanges poursuivant leurs caresses en un mouvement lunaire, rêveur alors même que sous ses paupières battent le cauchemar. « J’étais dans une secte. J’y ai été mise alors que j’étais qu’une ado, par mes parents. Leur chef… Il croyait férocement que j’étais la réincarnation de la déesse Hathor, comme d’autres filles comme moi. On a été choisies pour ça. Pour être sacrifiées et laver la Terre en faisant revenir à la vie, par notre mort, les déesses de notre mythologie. » Elle perd son regard çà et là sans plus rien voir, lui tournant le dos pour ne pas qu’il y voit le bouleversement, l’alcool laissant filer bien des aveux qu’elle regrettera demain. « J’étais la favorite du gourou mais j’étais aussi amie avec elle… Favashi. Une chaman tout droit venu d’Australie, une belle femme mais surtout… très amoureuse de Youssef. Sauf que je crois… je crois que la réciproque n’était pas réelle. Il était obnubilé par moi mais il fallait me garder… » Une vague de nausée la surprend et les caresses s’interrompent un instant comme ses pas, déglutissant pour humidifier sa gorge où s’est installé un désert digne de celui qu’elles avaient arpentés auprès de ses sœurs de galère « … pure. » Un ricanement lui échappe. « J’avais d’jà plus rien d’pure d’puis longtemps mais il l’a jamais su. Même pas Favashi. Elle ne savait rien si ce n’était que tout n’était qu’un mensonge monté de toute pièce, qu’un groupuscule de gros tarés tenu par un taré. C’est elle qui… m’a convaincue. » Elle ne voit rien des tremblements qui agitent sa voix et son corps, se détournant à demi pour revenir déposer ses yeux sur lui, sûrement plus brillants qu’ils ne devraient l’être « Elle ml’a convaincue de monter une rébellion le soir où je devais mourir, où ma propre mère me prépara pour mon propre sacrifice. Où nous devions toutes être sacrifiées pour le Bien. » Elle esquisse un pauvre sourire, le voyant au travers du brouillard de qui ourle ses yeux et ses souvenirs sanglants, sentant presque l’odeur des corps qui se consument, du sang, de beaucoup trop de sang. « J’ai cru en elle. J’ai cru en elle sans savoir qu’en réalité… Elle allait me piéger. Elle voulait le trône et elle voulait se venger à tout prix de celui qui ne l’aimait pas mais m’aimait, moi. Si on peut appeler ça aimer. » Un crachat vipérin qu’elle ne peut réfréner revoyant les sourires de Youssef, ses caresses impudentes et comme s’il fallait encore se protéger de lui, elle ramène son bras cerclé du serpent contre ses seins. « Elle était jalouse. Elle était bouffée par la jalousie. Elle voulait être aimée alors elle s’est vengée. De moi. De lui. Elle a planté une lame entre mes seins, la fameuse cicatrice que t’a pu admirer et elle a… fait ses trucs de chaman, j'en sais rien. » Secouant la tête, fermant à nouveau les yeux, elle refuse de rentrer à nouveau dans le voile de ses souvenances médiocres qui ne font que lui rappeler qu’elle n’a pas su sauver l’une d’entre elles. « Beaucoup de gens sont morts cette nuit-là, à cause d'elle. J’me suis échappée avec d’autres filles et j’ai… J’ai couru. J'ai fait qu'ça j'ai l'impression. » Et elle le poignarde enfin de son regard de jade et de cristal, peut-être blême ou plus rouge, oscillant entre le froid et le chaud « J’ai senti. J’ai senti qu’Elle arrivait. J’ai senti la première transformation ce soir-là et je… j’peux pad t’la décrire. J’veux pas être un rat de laboratoire, j’veux pas raconter ça. Dis moi que t’as pas b’soin d’savoir ça hein ? » En tant d’années, elle n’a jamais relâché autant sur ce qu’elle a traversé et la voilà piégée, une part d’elle horrifiée à l’idée d’en avoir trop dit.

Il parle mais elle ne peut que secouer la tête, consentant enfin à revenir vers lui, comme si la peur alors, au fil de son récit macabre, s’estompait rien qu’un peu mais la voilà plus groggy, plus ivre d’une peur bleue qui n’a pas de jumelle, l’affrontant de ses yeux luisants de rage, de détermination, d’un désespoir crasseux « J’veux pas que tu vois ça. J’veux que personne ne le voit, jamais. » Haussant une épaule, elle tend un bras, consentant à esquisser la misère d’un sourire, plus aimable, vidée d’une substance qui fait d’elle une femme de plomb, véritable soldat capable d’affronter n’importe quoi sauf sa propre histoire. « Mais pompe tout l’sang qu’tu veux, ça j’peux bien t’le donner. »

Ce n’est que lorsque sa main se tend vers elle qu’elle manque de reculer, comme un chat noir hérissant ses poils, cillant brutalement avant de comprendre qu’il ne veut simplement que reprendre son dû « Je … J’peux pas l’garder un peu ? Juste le temps d’être là ? » Une demande du bout des lèvres, sa voix pleine d’espoir et de quelque chose de vulnérable, pinçant les lèvres avant de soupirer, drapant malgré elle le hognose sous ses cheveux sombres, leurs silhouettes nimbées par les lueurs tamisées de l’animalerie, croyant à peine à tout ce qu’elle vient d’lâcher « J’ai jamais … jamais raconté tout ça à personne. C’est bizarre. » Repoussant une mèche derrière une oreille, elle le fixe avant de souffler un rire, son visage s’illuminant enfin d’une joie plus lascive « C’est comme ça qu’tu dragues ? C’est une technique pour savoir si j’suis libre ou pas ? J'savais pas que j'étais ton genre, Eoghan. » Elle abdique alors « J’ai de la famille, oui et non, j'ai personne mais c’est tout ce que j’te dirai. » Et elle cadenasse son cœur et sa langue, son regard au sien, le défiant de creuser davantage aussi bien que le fait le museau du serpent qui roupille autour de son poignet. « Et puis toi ? T’as quelqu’un ? D’la famille ? Une Madame Underwood ? » Une pause légère qu’elle achève d’un soupir, méditant sur ses derniers mots, ne voulant pas échapper trop longtemps à l’avertissement de la Lune qui lui murmure que viendra son heure. « Écoute, c’que j’peux te donner, te proposer plutôt, c’est… de me rejoindre à l’endroit où j’me transformerai. Je veux pas que tu vois. Si tu veux entendre, ok ? Mais ne regarde jamais et ne t’approche pas jusqu’à ce que tu n’entendes plus rien. J’imagine que t’auras bien besoin de moi sous l’autre forme, non ? » Novice dans tout ça, elle ne peut que le cribler de questions, sans savoir si elle fonce dans un mur où elle se heurtera férocement à sa propre bêtise, sous l’empressement, sous la hâte de se déshabiller de ses écailles ou si elle fait le meilleur choix de sa vie tout en le condamnant malgré lui à une perte certaine. Car Eoghan Underwood ignore encore qu’elle n’est qu’une traître, qu’elle n’est pas là que pour lui offrir la caresse de quelques écailles, qu’il lui faudra bien davantage, qu’il lui faudra obtenir de lui quelque chose et alors la voilà, l’enfant Sayegh, unique rescapée portant encore ce nom, prête à se dévoiler pour obtenir de lui ce qu’elle ne veut pas vraiment, s’excusant déjà en silence de ce qu’elle lui fera subir. Et lentement, comme pour se rassurer, elle reprend ses arabesques du bout de ses doigts sur l’appendice d’écailles s’étant pris d’affection pour son poignet, comme pour se rassurer, se rallier à quelque chose de plus innocent et moins putride que ce qu’il adviendra d’eux dans un futur qu’elle ne sait ni proche ni lointain. Condamnés l'un à l'autre.


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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

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"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
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Ven 21 Mai - 22:32 (#)


Maybe it just needed a little push.
Le contact avec l’animal avait eu l’air de changer Astaad, au moins quelques instants. Elle venait de perdre au moins une quinzaine d’années, et l’émerveillement qui papillonnait au fond de ses yeux ne pouvait qu’être authentique. Il le connaissait par cœur, l’apercevait souvent dans le regard des gosses parmi les plus intrépides à franchir le seuil de la boutique. Aussi polymorphe qu’eux, la jeune femme semblait posséder cette capacité à changer rapidement d’humeur, bondissant de l’une à l’autre sans entrave. Son fort tempérament devait être épuisant à vivre au quotidien mais, en ce moment précis, il réussissait à le divertir et à lui changer les idées sans qu’il ne s’en offusque. Il se demandait stupidement si sa nature de change-forme avait un impact quelconque sur son rapport au hognose. De là où il se trouvait, rien ne l’indiquait, mais comme il le lui avait stipulé : sa méconnaissance de cette race si particulière était grande, et il ne préjugerait pas de ses certitudes sur la question. Leur échange serait laborieux. Ils répugneraient l’un comme l’autre à livrer des informations clé. Sur lui. Sur elle. Sur cette malédiction sous laquelle elle ployait. Sur tout ce qui composait leur vie, leur quotidien. Ils ne se connaissaient pas, ne se connaîtraient peut-être jamais vraiment. Peut-être qu’elle disparaîtrait. Il en avait tant vu disparaître. Nombreuses étaient celles à avoir foulé le plancher sombre, et plus encore avaient-elles été à s’évanouir dans le Néant total. Vampires, thérianthropes, médiums… C’était ça, le plus épuisant. Ce n’était pas d’offrir sa patience, son temps et sa magie pour accroître lui-même ses compétences et son savoir. Non. C’était de ne pas savoir si le don en vaudrait la peine. C’était de ne pouvoir que parier sur l’avenir. L’incertitude de ses relations avec les humains comme les non-humains le fatiguait, mais il continuait de se prêter au jeu presque de bon cœur, avec un entêtement stupéfiant. Il remerciait il ne savait qui ou quoi pour cette abnégation relevant presque de la stupidité à ses yeux, mais elle lui évitait de se recroqueviller sur lui-même et de devenir plus haineux, plus fermé à l’égard du reste du monde.

Il ne se prit pas à boire, mais se maintint à l’écoute sans efforts du récit qu’elle lui fit, enfin, sur l’origine de l’inquisition reptilienne. Il se tint là, se faisant violence pour ne rien arborer à la mention de la secte. Encore une. Elles pullulaient, et la Révélation n’avait probablement que décuplé ce phénomène plus ou moins inquiétant. Déjà, d’autres questions se profilaient à la pointe de sa langue. Vénéraient-ils là-bas les mêmes dieux que les siens, ici ? Et, surtout, de la même façon ? L’interprétation de ce groupuscule inconnu du panthéon égyptien et de ses mystères tendait à lui faire penser que non. En silence, il notait les interrogations et les étonnements que suscitait une histoire pareille, les sourcils légèrement froncés. Astaad, de son côté, revivait clairement un pan de son existence de l’autre côté de l’Atlantique. Au moins saisissait-il mieux les instincts revêches et les réflexes de défense excessifs qu’elle avait manifesté lors de leur rencontre. Ses lèvres s’entrouvrirent brièvement sans parler, lorsqu’il revit dans sa mémoire la cicatrice scindant ses seins, bien plus pâle que le reste de sa carnation. Une telle marque l’avait surpris, et il acquiesça lentement, maintenant que les pièces du mystère lui redonnaient enfin une forme plus intelligible. Il poussa un soupir, une main appuyée contre le bord d’un terrarium, l’autre serrée en poing contre sa hanche, secouant la tête, encore abasourdi sous l’écho de son récit pour le moins complet.

« Sacrée histoire en effet. » Il lui faudrait doser entre honnêteté et prudence. Sa proposition de lui être d’une quelconque aide était réelle, mais restait soumise à des conditions inaltérables. En attendant, il consentit à lui sourire avec un mélange de gentillesse et de malice, esquissant une moue destinée à alléger de nouveau l’atmosphère. « Et… Non. Tu n’as pas l’air aussi débile qu’un hognose, mais… enfin j’sais pas, c’est sûrement moi. J’ai pas un regard très objectif les concernant. » Il désigna l’animal cranté à son articulation, et qu’il consentait à laisser là encore un moment. « C’est vrai, tu t’es jamais vue… ? » Un vertige le prit, quand il chercha à se mettre à sa place. Était-ce une bonne chose, après tout ? Pas forcément. Si elle vivait aussi mal son état, l’affronter de visu pouvait être une expérience traumatisante. Cependant, il restait persuadé que le déni n’était pas pour autant une solution satisfaisante. Essayant de se montrer délicat et désireux de l’éclairer sans la mettre trop mal à l’aise pour autant, il prit un ton adapté, marchant sur des œufs : « Hum… Tu as l’air… pas très contente. Physiquement, j’entends. Tu étais totalement dans l’coltard quand je t’ai récupérée, mais les taïpans ont l’art d’avoir une tête furax une fois sur deux. Un peu comme les vipères, tu vois le genre ? Bon, lui a l’air adorable et un peu stupide, mais c’est pas ton cas, j’te rassure. Tu es grande. À vue de nez, tu dois faire ma taille en longueur, ce qui est… assez impressionnant. Mais je ne suis pas très étonné : tu es grande sous ta forme humaine aussi. Ça semble cohérent. Oh, et, évidemment, t’as pas les écailles de la même couleur. Elles changent en fonction de la saison si j’me souviens bien. Pour l’instant c’est… brun. Genre brun bien foncé, et rougeâtre, à cause de l’hiver. Si ça marche pour toi comme pour les animaux ordinaires, dans quelques mois, ce sera d’autres teintes… jaunâtres, ou vert-olive. »  

Malgré lui, ses pensées revinrent se fixer sur la dénommée Favashi. Elle l’intriguait plus que tout le reste. Il regretta de ne disposer d’une photographie, d’indications physiques, comme s’il ressentait le besoin absolu de se la représenter, pour s’en faire un meilleur tableau. Favashi. « Pour ce qui est de ta chamane, là… Elle est encore vivante, ça veut dire ? » Il savait que l’idéal restait de défaire un sort des mains mêmes de celui ou celle qui l’avait concocté, même s’il devinait par avance que ce serait à oublier pour leur cas présent. « J’suis pas sûr de bien comprendre les fondements de ta… secte. Elle avait un nom, d’ailleurs ? Ça pourrait peut-être m’aider, si je fais des recherches… Quoi qu’il en soit c’est étrange. Si tout n’était qu’un mensonge, alors… quel intérêt ? Sacrifier des êtres humains… » Il tiqua, nerveux. « … ça ne peut pas se faire au nom d’un mensonge. C’est… absurde. » Il se redressa, frotta légèrement son nez et se détourna, se remettant à évoluer lentement dans la boutique, en se repassant continuellement les mots d’Astaad dans son esprit. « Tu y croyais… ? Tu… étais consentante, pour tout ça ? Tu dis que tu n’étais plus pure, ça voulait donc dire que tu n’accordais pas de crédit à cette voie-là ? Parce que t’as pas l’air du genre à te laisser imposer des choses. Alors… toi, qu’est-ce que tu penses ? Que t’es vraiment la possible réincarnation de Hathor sur terre ? » Une pointe de sarcasme, mais pas de réelle moquerie. Il souhaitait recueillir une réponse solide. Car non. Ça ne collait pas. Rien ne collait. Et le silence quasi-total dans lequel ils baignaient tous les deux ne l’aidait pas. D’ordinaire, et grâce ou à cause de l’explosion démographique de Shreveport, il profitait la nuit d’un environnement urbain plus riche, bien que tranquille. Rassurant. Or, depuis les événements d’Halloween, la chape de plomb autoritariste qui s’était abattu sur eux et les rondes opérées par les voitures de flics pour éviter les échauffourées avaient tué cette fréquentation sensible. Sans compter les autres. Les antis. Là, rien. Seule la fraîcheur acceptable d’une nuit morne, une nuit d’hiver désagréable. Et pas une bagnole pour circuler dans la rue. « Bref. Tu es dans cette secte. Favashi te fait comprendre que tout ça, c’est n’importe quoi, t’incite à trahir et puis… et puis boum ? Juste parce qu’elle serait jalouse, cette malade tue presque tout le monde, te maudit et… c’est tout ? » Il peinait à y croire. Non pas qu’il remettait en doute les propos d’Astaad, et cependant le motif lui paraissait bien léger, en comparaison du chaos instauré. Certains arcanistes perdaient les pédales, et même lui s’en horrifiait régulièrement, mais tout de même. « Vouloir le trône, c’est une chose… Et puis un trône sans personne à commander, ça m’semble un peu vain. Comme j’dis souvent dans ce cas-là : une entreprise vit un peu mieux quand elle a des clients. » Il resta volontairement silencieux quant à la mère coupable et complice du sacrifice de sa propre fille. Même Sylia n’aurait pas été jusque-là. Sa vision du sacrifice était heureusement bien moins extrême. Or, il n’aurait pas mis sa main au feu pour prétendre que jamais elle n’avait été confrontée à cette possibilité. Morgan lui-même aurait pu…

« C’est dingue. C’est genre complètement… fiou, ça avait l’air d’être des fracassés de la tête par chez toi. J’dis pas que dans le coin on est mieux, mais là c’est champion. » Et puis, ce détail qui collait encore moins avec le reste : « Puis Favashi… ça fait pas très australien, comme prénom. Surtout quand on vient vénérer une déesse égyptienne, mais bon, ça encore… » Il capta le regard de la fille-reptile pour expliciter : « Il faut savoir qu’avec le temps, les courants religieux ont bougé et se sont répandus un peu partout. Certains arcanistes seront d’origine européenne mais vénéreront des déités orientales. Ce n’est donc pas totalement étrange que cette Favashi puisse aduler Hathor, mais ça doit être le mélange de tout ça qui me laisse une impression de décalage. Y’a un truc qui va pas, là-d’dans. J’te remets pas en cause, mais tu devais probablement pas tout savoir du fonctionnement de ce bordel. Enfin bref. Merci. Déjà, ça m’donne une meilleure vision de ce que t’as pu endurer. Ça m’aide. »

Il revint vers elle, la considérant sans pitié, mais comprenant déjà qu’elle avait gagné un ou deux points dans son estime. Elle était une survivante, et il respectait ça. « J’dirai rien à personne, promis. J’le garderai pour moi et j’essaierai d’en faire quelque chose. Et ça a rien de bizarre. Tu m’demandes la solution à un « problème ». Ça me semble normal que tu m’parles de l’origine du dit problème, tu crois pas ? » Sachant qu’elle demeurait mystérieuse sur bon nombre de points quant auxquels il n’insisterait pas. Il lui accorda ces zones d’ombre, devinant à quel point elle devait avoir envie de s’agripper à ces repères qui n’appartenaient qu’à elle, et sur lesquels il n’aurait aucune emprise. Il leva ses paumes en signe de bonne volonté. « Garde le reste pour le moment alors, si ça t’fait trop peur. J’demandais ça surtout pour… fin, tu restes étrangère. Débarquer ici, sans ressources, c’est pas évident. » Pourquoi ici ? Pourquoi jusqu’ici ?  Sûrement comme beaucoup espérait-elle trouver dans la nouvelle capitale du surnaturel de quoi solutionner ce qui lui bouffait l’existence. Et sûrement, comme beaucoup, finirait-elle déçue. « Moi j’ai d’la famille, ouais. Pas de madame Underwood, merci pour elle. Et puis déconne pas, inverse pas les rôles : c’est toi qui me poursuis. Moi j’drague que dalle. » Bien sûr qu’elle était son genre. Grande et surtout grande gueule, tête de poupée grincheuse, yeux de chat, bouche pleine, peau mate… Ce type de femmes ne courait pas les rues, lorsqu’il était jeune. L’invasion de nouveaux-venus dans sa bourgade d’enfance avait changé la donne, encore qu’il n’avait jamais espéré trouver en l’une d’elles quoi que ce soit de particulier. Il lâcha tout de même, amusé : « Sache que j’ai déjà donné avec les filles dans ton genre. J’sais comment ça s’termine ce genre d’histoires. »

Sonja. Sonja et son exotisme. Mœurs d’Egypte, mais le cœur glacé resté bien enfoui dans les terres russes. Si étrange. Si cruelle et tendre à la fois. Avec Quinn, elle avait été à son tour la victime du trio dont le dernier protagoniste n’était autre que Yago. Elle avait eu l’intelligence de fuir avant d’en payer le prix, et il lui arrivait encore régulièrement de penser à elle, de se demander où elle vivait, comment elle gagnait sa maigre pitance, et si ses relations avec son frère se portaient au mieux. Elle n’était pas encore totalement devenue un fantôme. Bien qu’un jour, elle appartiendrait à son tour aux limbes qui finissaient par dissoudre tous les visages d’autrefois ayant disparu du paysage louisianais. « Nah, plus sérieusement. On en reparlera une autre fois de cette histoire de métamorphose. J’te vois pas comme un rat de laboratoire, malgré les apparences. Donc pour le moment ou oublie, d’accord ? Si tu veux qu’on teste une première fois où j’te regarde pas, mais où j’suis pas loin… okay. Ça pourrait être intéressant en effet que j’te voie sous cette forme un soir de pleine lune en plus. Tant qu’tu me promets de pas mordre. Pour ça aussi j’ai déjà donné et j’ai failli y passer une fois, j’tiens pas spécialement à recommencer le coup d’stress, si tu vois ce que je veux dire. » Il se jeta à l’eau, décidant de persévérer tant que le calme était revenu entre eux deux : « D’ailleurs, tu m’disais… Pour toi, vous êtes deux. Tu n’as… aucun contrôle sur la bête ? Parce que du coup si tu m’promets de pas mordre mais que le serpent, lui, est pas d’accord… comment ça se passe à ton avis ? Est-ce que j’vais devoir communiquer avec lui directement, ou… tu seras encore là ? »

Si elle refusait de s’expliquer davantage sur ses ressentis et les sensations subis sous l’influence de l’astre lunaire, il ne pourrait pas garantir sa propre sécurité. Il avait besoin de pouvoir s’appuyer sur un rebord de marbre. De ne pas sauter à pieds joints dans l’inconnu sans filet de sécurité. Il secoua la tête, un sourire accroché au bord des lèvres ; cette fille était paranoïaque. « J’te déteste pas. C’est pas parce que j’ai pas aimé certaines de tes attitudes la première fois que j’te déteste. C’était nouveau pour moi aussi. J’m’y attendais pas. T’étais en colère, et j'l'étais tout autant… Mais tu m’as laissé ton venin, et tu es repartie. Bon, t’es visiblement nulle pour c’qui est de promettre des trucs, et c’est pour ça que ça me rassure pas spécialement d’avoir directement affaire au taïpan mais t’as pas l’air méchante comme fille. Juste… désagréable par moments et colérique. » Il haussa les épaules d’un air nonchalant, mais lui offrit un léger clin d’œil au passage. « C’que j’suis aussi. Alors… Dis-toi que j’fais pas le bon samaritain. Mais je suis un sorcier. J’aime… apprendre et en savoir plus sur le monde qui m’entoure. Tout ce qui touche à la magie. La vie d’un Éveillé est trop courte à mes yeux, pour gaspiller les occasions d’expérimenter et de comprendre le fonctionnement de malédictions comme la tienne. Avec les années, j’ai été tellement sollicité… je suppose que je m’y suis habitué. J’n’ai rien à perdre à essayer en tout cas, n’est-ce pas ? »

Lorsqu’il tendit la main, ce fut pour l’inviter à lui rendre le rampant une seconde et dernière fois. « T’habites loin ? J’peux te déposer quelque part, si t’es v’nue à pied ? Ou bien… tu veux aller reprendre un verre ailleurs, si t’es pas trop imbibée ? Les bars ferment tard. »

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Dim 18 Juil - 5:17 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt

L’ombre d’un sourire se dessine comme un liseré discret sur le fil de ses lèvres à l’écoute de sa description physique sous cette forme écailleuse. Le reptile demeure impressionnant sous les mots qui la dessinent comme un être élancé, rugueux, dangereux, boudeur, aussi boudeur qu’elle puisse l’être parfois et si aucun vent de sympathie ne vient à cette image d’elle-même, quelque chose lui pince le cœur. Cette chose n’aurait jamais dû parvenir jusque dans les chemins sinueux de ses veines, toquer à la porte de son esprit qui porterait bien le nom de Terre Brûlée, décimée par des années de folie doucereuse, témoin d’images horrifiques, titubant entre réalité et rêve. Elle n’était qu’une sale gosse qui voulait un peu de liberté, qui n’a jamais voulu croire en un quelconque pouvoir divin venant d’elle. La voilà désormais abri d’une monstruosité qui se fait pourtant fascinante sous les quelques mots qui s’élancent entre eux, lui serrant la gorge, émotion impossible à décrire, une vague d’envie de fuir cette réalité où elle n’est qu’un alignement d’atomes reptiliens la surprenant. Son regard se perd sur le sol, sur le long fil d’écailles qui serpente toujours autour de son avant-bras, l’esquisse d’un sourire qui ne se veut ni joyeux ni triste, simplement là, comme une mécanique de ses lèvres qui ne savent souvent que laisser filer le fiel, s’invitant dans son murmure « T’en sais des trucs. Sur lui. Sur moi, en quelques sortes » Et la voilà qui redresse la tête pour faire vaciller ses iris dans les siennes, des lunes sombres, loin d’être aiguisées, emplies de cette mélancolique amertume qui déborde d’elle, de ses mots, de ses gestes. Voilà longtemps qu’elle ne fait plus l’effort de faire semblant d’être capable du moindre bonheur, qu’elle ne se force plus ni à rire, ni à sourire. Et ce soir, l’envie de faire semblant n’y est pas, l’alcool l’y aidant, le besoin d’être dénudée de tous les artifices qu’imposent la société et qu’elle s’impose elle-même dans les moments où être sauvage ne lui rapporterait rien de bon. « Heureusement que mes cheveux pâtissent pas des changements de couleurs de l’Autre, j’ai jamais été fana du blond jaunâtre. » Se moquer d’elle-même, s’armer d’un humour stupide pour dernier rempart avant le désespoir, le sourire retombant lentement alors qu’elle laisse le serpent, vrai et sans l’âme humaine allant avec, elle l’espère, serrer toujours plus fort son poignet, aspirant à cette liberté chérie, à cette envie de ne pas avoir les soucis du lendemain dans la tête. Mortifiée, elle l’est mais c’est le frisson de la haine qui surgit quand il reprend un bout des fils de son récit, hésitant un instant.

« Non. Elle n’est pas morte. Je ne l’ai pas quitté morte, en tous les cas. Malheureusement. » Aucune honte à avouer qu’alors, elle aurait bien été capable de la pire furie meurtrière, de venger Sadia, de la marteler de coups de lame sous ses cris de détresses, se couvrant du sang de sa victime. Amante de l’infamie, elle n’aurait pas eu à se décrasser, portant avec honneur moins qu’horreur la robe pourpre qui la couvrirait alors. C’aurait été elle, peut-être, la reine de ce soir terrible, elle qui aurait fait de Favashi un tas de chairs bons d’être appelés charogne, la panse ouverte et les yeux crevés pour que de son regard sombre, elle ne puisse plus maudire quiconque, même morte. L’image sordide la sort à peine de sa transe tandis qu’elle se remet à peine à déambuler dans la pièce assombrie et clairsemée de raies de lumières, comme un crépuscule qui entourerait une conversation bien peu banale pour des oreilles indiscrètes « L’Ordre. Ils appelaient ça l’Ordre. J’ignore pourquoi et je n’ai jamais voulu savoir. » Un haussement de sourcils alors qu’elle détourne sa trogne pleine d’un sarcasme non moqueur à son tour vers lui « Beaucoup d’choses sont absurdes dans ce monde, Eoghan. Tu n’le sais toujours pas ? » Un battement de paupières pour marquer les quelques poignées de sable d’une pause qui ne dure pas. « Mais oui. Disons que certains y croyaient. Certains croyaient férocement, comme Youssef ou mes parents eux-mêmes, que quelque chose ressortirait de nos sacrifices. Que les divinités anciennes reviendraient à la vie. C’est du bullshit, comme vous dites, mais du bullshit auxquels certains croyaient assez fort pour sacrifier des meufs comme moi. » Quelque chose se fissure, expiant le secret hideux de ses parents la jetant aux mains d’un pervers, d’un homme à la silhouette squelettique, ses phalanges immondes tenant parfois du bout de ses empreintes son visage tannée par le soleil, la lassitude, un fond de désespoir et de rage.

Tu as une tempête en toi,
Tu le sais ?


Non. Elle ignorait alors qu’elle serait capable du périple qui l’attendait ensuite ce soir-là, qu’alors elle laisserait hurler cette tempête en en ressortant métamorphosée en chose hideuse. Son regard ne s’abstient pas de suivre les moindres pas et mouvements du corps du sorcier, le voyant troublé par son récit, tentant d’en saisir les pièces éparses balancées dans ses palabres désormais mortes et dont il peut faire ce qu’il veut. Aurait-elle dû lui mentir ? Lui dire autre chose qu’une vérité sombre et dont elle n’a jamais plus osé parler à quiconque, à part quelques fois à ses sœurs de galères ? Il lui semble que ce n’est pas tout à fait une erreur, laissant retomber son attention sur les traits uniques et taillés à la serpe, y voyant les ombres de ses réflexions, d’une fatigue immense, d’une paix étrange, sans comprendre ce qui derrière ce faciès peut bien se tramer.

Et à toi, Eoghan Underwood,
Quelle est donc ta tempête ?


Un rire sans saveur soufflé par le nez, elle secoue la tête, laissant murmurer les filaments de ses cheveux contre le cuir de sa veste, décrivant un arc de cercle pour se mettre tout à fait face à lui sans oser approcher. « Non. J’ai jamais gobé la merde qu’ils nous disaient. Ma mère… » Cette fois, elle ne peut le regarder en face, apposant ses orbes sur le reptile toujours vivant, sifflant en silence du bout de son bec lui donnant un air idiot mais attendrissant « … Elle était celle qui y croyait pour moi. Elle a tout fait pour me faire filer droit. Mais ça n’a jamais empêché que je me taille par-dessus leurs murs la nuit, pour aller découvrir un peu le monde dans lequel je vivais. J’avais soif de liberté, d’apprendre à connaître mon environnement. J’étouffais là où j’étais. » Trop de paroles pour une personne si peu bavarde et elle inspire pour ravaler les confidences qu’elle regretterait de laisser s’échapper, esquissant un sourire amusé « Tout ce que j’ai d’Hathor, c’est ce que t’as vu dans mon dos. Un beau cadeau de leur part pour me rappeler, à jamais, que je n’étais qu’une représentation de quelque chose et pas un être humain à part entière. Alors non, j’ai peut-être un bel ego, mais pas assez gros pour m’croire la réincarnation de qui que ce soit, surtout pas d’une… déesse. Une déesse que je respecte. » Et ces quelques derniers mots sont saupoudrés d’une fervente croyance, d’un regard qui se plante dans le sien sans avertissement, franche et incisive. Car rien ne pourrait faire faiblir ce qui reste de ses croyances, la fièvre non-religieuse mais mystique n’ayant jamais cessé de hanter son esprit, femme qui, lorsque ses traits étaient encore bien juvéniles, se voyait tailler les figurines de bois pour ces déesses guerrières dont les légendes berçaient son enfance et son adolescence. Le faciès se froisse un instant sous la contrariété, entrouvrant les lèvres pour l’interrompre « Quoi et boum ? C’est pas assez comme bordel ? » Mais elle se tait bien vite, sa voix noyée par la sienne, expirant un soupir inaudible, abaissant le menton, tendant sa paume vers le ciel pour laisser le museau du hognose s’y déposer, avouant enfin « J’ai été prise en chasse par des membres de la secte sous ses ordres. Alors non, tout le monde n’est pas mort. J’ignore même… » Une interruption brutale qui laisse planer un silence étrange, où le bruit de la ville morte ne peut s’entendre, où rien ne sonne d’autre que le roulis de leurs cœurs, le grésillement des lumières, le craquement du bois sous leurs pieds et leurs poids « … J’ignore les noms de ceux qui n’ont pas subi sa colère. » achève-t-elle finalement, sans oser mentionner à nouveau ses parents, sa mère dont elle n’oserait croire la mort, ne sachant toujours pas si c’est le soulagement ou le chagrin qui l’emporte lorsqu’elle y pense. « Favashi savait très bien ce qu’elle faisait. J’la connais assez pour savoir qu’elle prévoyait son coup depuis longtemps, qu’elle a su choisir qui elle laisserait en vie ou non, qui elle tuerait ou non, quel sort elle réserverait à qui… »

Les hurlements de Youssef lui reviennent, lui prennent tout le crâne et elle déglutit, abreuvant sa gorge sèche, réclamant quelque chose qui pourrait la désaltérer, lui faire perdre raison pour qu’il ne reste rien des alcôves où elle se promène au fil de ses mots pour y trouver les traces de souvenirs immondes, le corps tendu d’une nervosité que semble ne pas aimer le serpent autour de son poignet.

« Favashi est indienne. Mais je t’avoue que… j’sais rien d'elle réellement, d'où elle vient, de ce qu’elle a fait auparavant. C’était pas la personne la plus bavarde du monde quand il fallait parler d’elle. Elle jouait parfaitement son rôle de prêtresse, mystérieuse comme il le fallait. » Intriguée par ses paroles, elle capte son regard, s’y imbrique, haussant un sourcil comme pour souligner une question silencieuse à laquelle il finit par répondre, d’autres interrogations venant alors se bousculer à la porte de ses lèvres sans qu’elle ne les laisse sortir pour tout de suite. Elle les garde pour plus tard, curieuse et intriguée, l’envie de comprendre ce que le mystère qu’on lui a donné à percer a tant à cacher ou à laisser découvrir. Et elle se sent bien égoïste de se laisser prendre au jeu d’un amusement nocturne, d’une discussion qui pourrait lui porter malheur, à elle comme à lui, qui ne pourrait que les mener vers un irrémédiable Enfer. L’alcool demeurera son excuse de la soirée et elle se persuade, naïve en cet instant sans même le percevoir, qu’il n’est là rien d’autre qu’une discussion faite pour son bon plaisir et se sauver elle-même de la fureur d’une transformation. Le voyant s’approcher, elle se refuse à marquer un pas en arrière, ni même laisser son buste se cambrer pour éviter un contact, laisser son flair se faire ensevelir par l’odeur particulière qu’il dégage, mélange de cire, de plantes — les mêmes qu’elle a pu sentir au-dessus du chaudron bouillonnant —, d’une félicité qui adoucie et fait pourtant persifler la Bête. Et se rendre compte que la nature peu fiévreuse de leur relation devra se mouvoir vers quelque chose de plus lascif manquerait de la faire déguerpir sur le champ, paniquant à l’idée de devoir faire le travail d’une errante des trottoirs, putain des bas-fonds laissant glisser les derniers linceuls de sa dignité pour le désir pourpre d’un sorcier qui la lorgne sans envie. Elle le fixe un instant, pas plus basse que lui mais ses prunelles s’élèvent tout de même pour trouver le bleu irisé, la soie d’un lac acide rappelant les flots bleus vus de loin dans les documentaires mis les dimanches soirs pluvieux « Merci. » Un simple mot qui résonne de bien d’autres choses et elle sait, sans savoir pourquoi, qu’il comprendra qu’elle ne le remercie pas simplement pour cette simple discrétion, pour ce cadenas mis autour de ses confidences mais pour tout ce qu’il tentera de faire alors qu'il n’y est pas obligé. La maudite ne se prive pourtant pas de demeurer méfiante, de ne pas donner sa confiance à celui qui pourrait bien se détourner d’elle, faisant lui-même partie d’une secte qu’on dit noire, effrayante, qu’Uther a recraché en mots acides dans son bureau lors de leur rencontre, lui ouvrant les portes sur un pan de monde dont elle ne connaissait rien.

Comment ? Comment un homme comme lui, qui semble plus lambda que jamais en cet instant, pourrait bien être capable de trancher la gorge de quiconque ? De s’exécuter en soldat de plomb dans une nuit sombre de chimères mortifères ? Quelques battements de cils signent son désarroi silencieux avant qu’elle ne laisse son visage se fondre en une moue dubitative, presque offensée, un réel sourire venant éclairer ses traits comme la naissance d’une aube promettant un jour de ciel bleu, le rire au bord des lèvres « Pff ! Quoi ? J’drague personne, faut arrêter d’te faire des films, Mister Irrésistible. J’y peux rien si j’suis apparu à poils devant toi. Et ce soir… » Un mouvement du corps la fait se redresser, comme pour se protéger d’un orgueil qu’il pourrait blesser, marquant là le début de son ivresse, dodelinant légèrement de la tête, ses cheveux fouettant ses joues pleines « Ce soir, j’avais des raisons d'venir. Et à ce que je sache, je t’aguiche pas. »

Se détournant un instant, elle fait mine d’observer les produits sur les étalages, le comptoir derrière lequel il se tenait, sa mine lumineuse reprenant toute sa gouaille habituelle, sans vouloir l’offenser avant de détourner lentement sa tête vers lui, le dessinant de ses yeux clairs et maudits auraient dit sa mère « Les filles dans mon genre ? Et j’suis de quel genre au juste, Eoghan ? » Le prénom lui glisse sur la langue comme une tentation mielleuse, un timbre de dentelle fine à l’accent prononcé en penchant à peine la tête pour le mettre au défi d’aller au plus loin, se demandant pourtant qui il a bien pu côtoyer pour s’aventurer à coucher avec des filles comme elle et dans quel sens, à quel point s’est-il élancé dans une relation avec des maudites ou des filles d’ailleurs ? L’échange de regard se voit couper par ses paroles et elle hausse une épaule, le soulagement à peine perceptible, se mettant à angoisser à l’idée de cette nuit qui viendra bientôt, fixant ce qui pourrait être la rue au travers de la porte par laquelle elle est entrée, comme si elle pouvait y voir l’iris sans teint qui s’est posée dans le ciel et ne tardera pas à s’arrondir. « La pleine lune n’est pas loin… mais tu dois le savoir. » Le regardant toujours franchement, l’air d’une fille perdue et non assurée, elle hoche à peine la tête « Viens.»

Viens.
Et une main se tend,
Dans l'or d'une nuit où la Peste ronge la terre,
Viens.
Et se dérobe l'émeraude sur la peau mate d'une entité souveraine.


Frissons, sursauts mal ravalés par le corps entier et la gorge serrée, se refusant à se laisser tenter par le berceau d'une énième illusion qui plane sans réellement se déposer sur elle, comme un moment de déjà vu désagréable, elle poursuit « Viens dans quelques jours. » Passant ses doigts libres dans les mèches sombres qui finissent par glisser à nouveau sur son visage lorsque son bras retombe, elle relâche un souffle plein de lassitude, de fatigue, d’une envie de tout relâcher, ce poids du monde qui pèse tout d’un coup sur sa poitrine. « J’en sais rien, j’suis sûre de que dalle avec… tout ça. J’sais juste que j’suis là, quelque part… Mais je contrôle, la plupart du temps. Elle ne mordra pas. Je ne mordrai pas. » Promesse silencieuse qu’elle se forcera à tenir et fera bien courber l’échine du serpent face à ça, refusant de voir ce qui semble être sa seule chance de libération périr pour une stupide morsure. Fronçant peu à peu les sourcils, tiquant à retardement sur ses mots, elle secoue le visage, se détournant vers lui « Tu peux… communiquer avec moi ? Avec Elle ? 'Fin t’as compris. J’veux dire, t’y es déjà parvenu avant ça ? » D’un pas, la voilà qui se recule, l’observant d’un œil nouveau, peut-être admiratif et craintif à la fois « Tu peux lire dans les pensées des animaux ou... juste des serpents ? » Question stupide mais qui survient sans qu’elle ne puisse l’empêcher, trop bavarde, trop de palabres et elle préfère le laisser poursuivre, sa botte retombant contre le plancher, tendant enfin sa main vers lui pour lui abandonner le serpent silencieux, la sensation de glissade des écailles chatouillant sa peau et l’attendrissant davantage, faisant passer les derniers mots qui la critiquent comme une douce pommade dont elle préfère s’amuser face au clin d’œil qu’elle saisit au vol, son sourire moqueur laissant voir que la sobriété n’est plus d’actualité. « Que d’points communs. Fais gaffe, on va finir par bien s’entendre. » De quelques pas, elle le dépasse, reprenant son sac de toile où cliquète ses clés, prête à prendre la fuite vers son chez elle, un nid où dorment les deux fées qu’elle tente de protéger avant que son geste ne ralentisse sous la proposition, la hanse de son sac déposée sur son épaule, ses bras se croisant lentement, hésitant un instant.

Il y a quelques secondes de mutisme après autant de paroles et elle se demande s’il ne serait pas plus sage de tout refuser, de prendre le chemin du retour sans aide, de revenir à sa solitude chérie mais elle se découvre l’envie de ne pas être seule ce soir, se voyant encore, misérable entité sous le soir funèbre, toquer à sa porte pour quémander des miettes d’une aide qu’il a bien accepté de lui offrir. « Va pour un verre. Fais moi découvrir ton endroit préféré même. J’commence à m’lasser d’faire le pilier de bar dans le même depuis des années. Puis… tu m’dois bien ça après m’avoir laissé rentrer chez moi sous la pluie la dernière fois, à moitié nue. » Presque gênée par la tournure de la soirée, elle l’observe pour mieux laisser son regard vagabonder ailleurs, baroudeur et scrutateur « Tu… Tu parlais de divinités tout à l’heure. J’imagine que les sorciers comme toi ont des croyances, non ? Hathor… Tu pourrais y croire ? » Douceur soudaine dans sa voix parcheminée d’une fatigue évidente mais dont elle refusera d’avouer l’existence, se dirigeant lentement vers la porte pour l’y attendre, le pout de sa Doc tapant contre le chambranle. « J’ai déjà quelques coups dans l’nez alors… Excuse, si j’parle trop. J’ai juste… J’suis curieuse.» Et elle repousse la porte pour retrouver la nuit, rattachant lentement ses cheveux en quelques torsades de son élastique noir et simple, sans prendre la peine de prendre toutes les mèches qui auréolent son visage, le cuir qui la pare troublé et brillant par les rayons de lune qui pourraient la faire blêmir, tournant son regard d’un point à un autre « On n’a l’air d’être les seuls encore debout dans ton quartier. J’ai l’impression qu’une chape de plomb est tombée sur la ville depuis… cette nuit-là. » Et ça lui échappe, ça vient sans mal, lissant ses traits d’un trouble inexplicable et elle manque de sursauter, déposant sur lui son regard comme de crainte d’y voir un changement d’humeur, d’avoir piétiné le calme qui s’est installé entre eux, fragile par sa nouveauté entre deux êtres étant nés dans le feu et le sang, en carence de compagnie, dans l’errance la plus totale, fixant son profil comme si elle pouvait y voir des ombres y prendre vie et la maudire davantage, les lèvres entrouvertes, prête à s’excuser, par automatisme, comme si alors, elle oubliait, qu’il avait sous les paumes le sang de suppliciés parfois innocents.


@Eoghan Underwood — @made by ice and fire. icons by non uccidere.
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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

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"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
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Lun 26 Juil - 1:15 (#)


Maybe it just needed a little push.
Cette attitude un poil provocante n’était qu’une posture, chez elle. Il ne doutait pas du tempérament féroce de cette femme déterminée, mais ce soir, il ne pouvait faire autrement que de reconnaître tous les signaux dignes d’une tristesse largement perceptible, tour à tour amplifiée ou dissimulée par l’alcool. C’était peut-être l’une des raisons qui, en plus de constater le poids de la malédiction sur elle, l’empêchait de se montrer aussi désagréable qu’il s’attendait à l’être. En réalité, sa tristesse ressemblait à la sienne, du peu qu’il pouvait en voir. Une chape pesante, que l’on tentait de décorer vaille que vaille avec un humour merdique, un besoin de proximité aléatoire, et une bouteille de Jack’s. À dire vrai, et à rôles inversés, il était sûr que lui aussi serait venu frapper à la porte de sa boutique. Ce parallèle virtuel lui parut si crédible, si pertinent, qu’il en resta lui-même stupéfait, en pensée. Pour autant, avait-il envie de passer beaucoup de temps avec une autre personne lui ressemblant sur ce point ? Était-ce seulement bénéfique ? Non. Bien sûr que non. Il jouait avec le feu, à accepter les fréquentations douteuses. Et celle-ci n’était même pas vampirique. Le voilà qui, lentement, étendait son cercle de mauvaises rencontres, l’enferrant dans des choix qu’il aurait probablement tout le luxe de regretter ultérieurement. Il se sentait stupide, tout en refusant de contrer ses pulsions, et de tourner le dos aux êtres et aux choses dont il voulait s’entourer ici, maintenant, tout de suite. À quoi bon, autrement ? Qui était-il pour se montrer exigeant ? La moitié des habitants de cette ville, au moins, était devenue infréquentable. Lui-même en faisait partie. Plus personne n’était là pour lui reprocher de prêter l’oreille aux mauvaises langues. Alors vaille que vaille, il suivrait ses instincts, tant qu’aucune alerte particulière ne l’incitait à rebrousser chemin.  

Fille-serpent ? Cela coulait de source.
Fille de secte ? On n’en parlait même pas.
Sa posture, sa gouaille, sa dureté aguicheuse ?

C’en était désespérant. Il n’avait pas envie de se voir en miroir, de contempler son reflet, de distinguer ses propres défauts chez une autre. Il ne le supporterait pas. Cependant, il ne regrettait pas non plus sa proposition. Elle était la seule femme des environs avec qui il se voyait se réfugier sous un toit où l’on servait de l’alcool, ce soir. En outre, une fois déridée, elle ne devait pas être de mauvaise compagnie. Et si l’expérience tournait court, rien ne l’empêcherait de se séparer d’elle et de retourner à sa solitude, sans état d’âme. Il songea qu’elle était tout de même plus plaisante à regarder habillée, paradoxalement. Surtout une fois dénuée de son orgueil, de sa prétention et de son agressivité. Elle était venue chercher honnêtement des réponses, et ne s’était pas une seule fois rebiffée depuis. Elle avait fait preuve d’un respect étonnant, et il n’y était pas insensible. Il aurait été contreproductif d’insulter celui auprès duquel elle venait s’agenouiller, quérir une salvation qu’il n’était même pas certain de pouvoir lui offrir. Toutefois, cela lui prouvait qu’elle n’était pas la créature stupide et impulsive à laquelle il avait cru avoir à faire en premier lieu. Leur duo lui rappelait la hiérarchie imposée autrefois par Yago. Ce dernier, attaché à sa suprématie d’immortel par rapport au maître des arcanes. Ce n’était pas si différent. Il ne plaçait pas Astaad sur un même pied d’égalité, sans pour autant chercher à la rabaisser absolument. Une étrange contradiction qu’il avait pourtant fait sienne, et qui demeurait, à ses yeux, parfaitement logique et applicable. Il ne se laisserait jamais cracher au visage par elle, mais il ne souhaitait pas non plus l’écraser sous son talon. Fragile équilibre. Il se contenta donc d’un léger acquiescement lorsqu’elle le remercia, sans péremption ni dureté excessive. Elle plaçait un bout de sa vie entre ses mains. Elle aussi. Combien l’avaient fait ? Combien attendaient de lui cette porte de sortie sans certitude ? Serguey. C’était le cas de Serguey, également.

Les plaisanteries de l’Egyptienne le firent sourire modérément, mais eurent au moins l’avantage de freiner une réflexion plus sombre, malvenue. Il devrait se montrer digne, dans les mois à venir. Digne. Des promesses à honorer, mais également pour palier l’année précédente, effaçant le tableau pour réécrire proprement sur l’ardoise d’obsidienne. Une ardoise. La sienne comportait tellement de lignes qu’il les distinguait à peine. Autant repartir de zéro, tout supprimer pour y voir plus clair. Si tôt après l’avènement de ce nouveau cycle, elle était peut-être la première pierre de cette renaissance.

« Viens.»

Le mot résonna longtemps en lui.
Lui aussi se figurait cette main tendue, cette même peau mate.
Et si la voix qui l’avait prononcé demeurait malhabile et révélait sa peur, il ne voyait pour sa part qu’un sourire confiant, invisible, mais qui se grava sous sa rétine aussi sûrement qu’il la voyait face à lui.
Cette invitation, il ne la refuserait pas. Que ce soit pour contempler l’horreur, ou pour sinuer là où il ne le fallait pas.

Il battit des paupières, brusquement ramené au temps présent sans comprendre d’où lui provenaient ces réminiscences semblables à celles qui l’avaient saisi, dans son laboratoire. Cela le fit douter, et le perturba quelque peu. Il récupéra le hognose lestement, le rendant à son rack avec douceur, et s’apprêtant lui aussi à fermer boutique, ayant hâte de prendre l’air malgré la fraîcheur hivernale. Il enfila son cuir, récupéra clefs et portefeuille, puis il fut dehors, verrouillant derrière lui avant de s’élancer aux côtés d’Astaad. Il balaya la rue d’un regard nonchalant, ne remarquant qu’une vague silhouette au loin, et deux véhicules passant brièvement entre deux immeubles, à quelques blocs d’ici. Pour autant, malgré le malaise induit par ce calme permanent, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier l’ambiance, une fois sorti des murs. Il ralentit le pas le temps d’enflammer l’embout d’une Pall Mall.

« Effectivement. Tu jacasses pas mal quand t’es bourrée. C’est bien. » Il tira une première fois sur le philtre, adoucissant la pique d’un coup d’œil taquin : « Moi aussi. J’comprends. Souvent les gens disent que j’parle trop. En général c’est soit que j’me sens bien avec la personne, soit que j’suis nerveux. J’serais mal avisé de juger là-dessus, j’imagine. » Il fixa le trottoir en marchant, prenant la direction d’un établissement en particulier. Il savait depuis le début qu’il ne la conduirait pas dans le premier débit de boissons venu. Il savait exactement où il désirait se rendre cette nuit. Aucun couvre-feu, aucun attentat, imaginaire, présent, passé ou futur, n’aurait empêché le proprio du Hell’s de se tenir derrière son putain de comptoir. « Pour en revenir à c’que tu disais tout à l’heure… beaucoup de choses sont absurdes, ouais. Je sais. Rien qu’le fait que j’te parle et qu’on aille picoler ensemble alors que tu devrais plutôt cuver dans ton plumard… ouais, c’est absurde. » La curiosité qu’elle manifestait à son égard l’était presque aussi. Il aurait pu s’en sentir flatté mais, à la place, il décida là encore de s’ancrer dans sa décision, et de demeurer prudent sur quelques points bien précis. Il n’était pas fier de lui soutirer des informations quand lui persistait dans la rétention, mais il avait pour bonne excuse la nécessité de l’aider, justifiant ainsi sa quête d’éléments viables afin de contrer la malédiction. L’inverse n’était pas vrai. « J’te garantis pas d’te raconter toute ma vie, par contre. Déjà parce que c’est loin d’être intéressant, et ensuite… bah… c’est bizarre, j’sais pas. » Bourru sans vraiment l’être, il renifla, portant ses prunelles plus loin le long de l’avenue du Downtown. « J’espère qu’on arrivera à t’aider, en tout cas. Vraiment. » Déjà, il fomentait un plan d’action, un enchaînement de mécanismes qu’il s’empresserait de consigner dans l’un de ses grimoires réservés aux expérimentations de toute sorte. Il tentait de fixer les données communiquées par la maudite, pour ne pas les oublier une fois de retour à l’arrière de son commerce. La lanceuse de sorts, en particulier, l’intriguait plus que le reste. Favashi. Pas le genre de prénom qu’on oubliait, ça. Il pouvait presque sentir la puissance de la femme portant ce patronyme hindou au travers de la bouche d’Astaad. Il fut ramené drastiquement sur terre pour la seconde fois, lorsque la jeune femme mentionna l’ambiance ayant glacé la ville. Il devait s’y attendre. Après tout, ça ne faisait qu’un peu plus de deux mois, à peine. Pourtant, aborder le sujet le mettait mal à l’aise. Il avait l’impression qu’un panneau « coupable » était cranté à son front. Que tout le monde savait qu’il avait à voir avec la catastrophe de la Samain. Il se reprit vite cependant, fit jouer sa lucidité pour dissiper sa nervosité. Il tourna brièvement la tête vers elle, arquant un sourcil.

« C’est pas mon quartier, t’sais. J’ai pas franchement les moyens d’habiter dans le centre-ville. J’préfère rester à Stoner Hill. C’est l’seul endroit où les connards de promoteurs immobiliers arrivent pas à s’tailler une place. Le quartier est tellement pourri qu’ils parviendront pas à s’implanter. Et c’est tant mieux. » Il soupira quelques fumerolles grisâtres, vite dissoutes par la brise légère. « Le Downtown est moins calme qu’il en a l’air. Faut pas croire. Là, dans la rue, c’est quasi désert, mais à l’intérieur et sous terre ça doit donner. Là où on va aussi, t’inquiète pas. » Il soupira, sans avoir à feindre la mélancolie le frappant de plein fouet. « Faudra du temps pour qu’ça passe, c’est normal. J’m’attendais encore à bien pire, franchement. »

Tout en fumant, il en profita pour la contempler plus longuement, déplorant la vision de ses cheveux de nouveaux attachés. Cherchant à se dérider, il tenta de l’imaginer, ses mèches teintes de la même couleur que le taïpan en été, et ne put s’empêcher de pouffer d’un rire d’adolescent. « C’est vrai n’empêche que ça t’irait pas des masses le jaunâtre ou vert-olive. » Achevant de dériver la conversation, il signa et persévéra : « Toi t’es du style à t’la jouer rebelle emmerdant tous ceux qui essayent de la faire chier. Tu m’as bien avoué qu’t’avais fait le mur, non ? Bah ça, ça m’étonne pas. Pour une fille qui vient de là-bas, j’te trouve plutôt… libérée, j’sais pas si c’est le mot, mais les deux pieds sur terre et pas du genre à avoir peur pour un rien, non ? C’est plutôt cool. Même si les filles comme toi sont pas toujours faciles à gérer. J’espère que ça répond à votre question, O grande réincarnation de Hathor. » Il secoua la tête, songeant aux conneries insufflées par l’Ordre. L’Ordre. Il avait hâte de creuser pour tenter d’en savoir un peu plus à leur sujet. Reprenant un brin de sérieux, il balança son mégot dans une bouche d’égout et répondit le plus sobrement possible aux interrogations de la change-forme : « Comme j’t’ai dit, pas mal d’arcanistes cultivent des croyances, ouais. Elles sont… propres à leur éducation, à leur héritage, bien plus qu’à la région dans laquelle ils vivent. Et moi aussi j’ai les miennes, en effet. » Il ignorait ce qu’il ressentait en voyant les convictions théologiques d’Astaad si proches des siennes. Peut-être qu’elle avait raison. Peut-être qu’ils devaient faire attention à l’alignement de points communs dont la liste ne cessait de s’allonger. Il n’avait pas envie de se confesser sur les déités de son enfance dont il vénérait encore le culte aujourd’hui. Il leva la tête pour admirer la skyline. « Mais j’en viendrais pas à croire à l’incarnation des dieux en nous. Ils ne sont jamais morts. Ils n’ont pas besoin de se réincarner. Tout juste peuvent-ils… inspirer, ou guider nos actes, s’ils en ressentent l’envie, le plaisir ou le caprice. Voire nous habiter, rien qu'un temps. » Il pinça ses lèvres, enfonçant ses mains dans ses poches, la vrillant cette fois d’un air plus suspicieux. « Sinon, quand tu parles de communiquer avec toi… tu fais référence à quoi ? À la façon dont j’t’ai réveillée ? » Il ne voyait pas d’autres solutions à cette soudaine perspicacité qui le mettait mal à l’aise. « On verra bien, écoute. J’ai déjà fait des recherches sur la question, on verra bien si j’arrive à t’atteindre sous cette forme. J’prendrai mes précautions pour éviter qu’un accident arrive, et puis voilà. »

Il aurait pu développer. Lui retourner les questions ou se laisser aller à développer en exposé ses dernières années de recherche. Toutefois, refroidi par cette peur de la voir en savoir trop sur lui, il préféra élimer la suite d’un discours clos prématurément. Il redoutait bien plus la clairvoyance de son interlocutrice qu’une potentielle morsure qu’il saurait éviter, il en était certain. Une fois pas deux, pensa-t-il. « Avant qu’on s’quitte ce soir, j’te laisserai mon numéro. Tu m’diras… où, quand… si j’dois amener ou faire des trucs précis pour qu’tu te sentes mieux, puis on essaiera de s’adapter tous les deux, d’accord ? »

Ses dernières syllabes furent presque avalées par un écho l’incitant à stopper. Spontanément, sa main s’étendit pour saisir l’épaule d’Astaad, l’incitant à s’arrêter elle aussi. « Attends. » Ils avaient marché dans la direction de Dalzell Street, mais Stoner Hill demeurait encore loin. Rarement, des échauffourées ou des agressions sérieuses prenaient place au milieu des boulevards, des avenues ou des rues dégagées du Downtown. Une raideur douloureuse tendit sa colonne vertébrale, tandis que des sifflements se répercutaient contre les façades des immeubles dressés de part et d’autre de leurs silhouettes. Le sorcier pivota en un instant. Des rires parvinrent jusqu’à ses oreilles également. Il ne parvenait pas à localiser la source exacte de ces rumeurs, mais il comprit que demeurer plus longtemps ici ne leur apporterait rien de bon. « Faut pas rester là. Viens. » Ses doigts glissèrent jusqu’à son avant-bras afin de parer à toute protestation, l’entraînant dans sa course et ne la relâchant qu’une fois sûr et certain qu’elle resterait sur ses talons. Il se glissa dans une rue plus étroite, courant en silence en évitant les containers d’ordures et les irrégularités du goudron abîmé. Il continuait de se montrer attentif, enrageant de ne pas réussir à percevoir l’origine de ces clameurs dont il croyait reconnaître la signature. Éloquente. Trop éloquente. Soudain, les bas quartiers de Shreveport lui parurent plus sûrs que le centre déserté par une police qu’il espérait ne pas voir complice de ce qui se tramait actuellement. Il se remit à marcher à vive allure, le cœur tambourinant, se retournant vers elle pour prévenir toute question légitime : « On doit se rapprocher de Stoner. La plupart des gens ont p’t’être déserté, mais… »

Mais pas eux.
Au sortir de la ruelle, il freina brusquement et recula tout aussi précipitamment, un bras tendu vers l’arrière pour l’inciter à se repousser à son tour. Il chuchota aussitôt, apeuré mais non paniqué. « Baisse-toi. » Il s’accroupit derrière deux poubelles imposantes, son dos assurant son équilibre, tandis qu’entre le plastique et le mur, il avait encore vue sur la voie au milieu de laquelle ils avaient failli déboucher. Les voix, masculines pour la plupart, se firent plus claires. Puis, il les vit. À sa droite, la présence d’Astaad le rassurait étrangement. L’odeur de pourriture émanant des aliments en décomposition, mais également les relents d’urine et autres ignominies ne l’auraient jamais incité à sortir de sa planque avant d’être certain que la voie était libre. « La milice est en ville… » Un frisson terrible le fit trembler pendant quelques secondes, tandis qu’il pouvait sentir sa chair se hérisser de la tête aux pieds. Toujours murmurant, il rajouta : « On va attendre qu’ils passent, okay… ? On va attendre… » Il pivota vers elle et ses yeux de chat luisant doucement dans la pénombre. Il bénit l’absence de candélabre, et tâcha de dissimuler l’effroi que lui inspiraient les chasseurs de CESS comme ceux qui patrouillaient, à quelques mètres d’eux. « Ça va toi… ? Désolé pour l’coup de speed. J’arrivais pas à savoir d’où ils venaient sur l’moment. » Il adoucit ses paroles par un sourire qu’il voulut le plus réconfortant possible. « Toi qui t’plaignais du manque de compagnie… »  

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Lun 26 Juil - 17:21 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt

(( soundtrack ))

Nuit absconse qu’elle ne saurait qualifier. Quelque chose de terrifiant et fascinant dans ce qui semble se préparer dans les coulisses des heures qu’il reste avant que la toile de l’aube grisée, rosée, perlée d’audace ne s’élève. Son cuir grince et lorsqu’elle le voit vêtu du même que le sien, les replis et l’odeur pesant dessus témoignant du temps passé à le porter, elle esquisse un sourire bref qui se perd dans la marche entamée, dans la réplique donnée, assassinant le silence de leurs pas conjoints, plongeant ses mains dans les poches de sa veste, retenant un rire qui pourrait devenir mille murmures dans les allées sombres « Certains préfèrent que je la ferme pourtant. J’suis certaine que tu voulais que je la ferme ce matin-là… » Elle agaçait par ses questions, par sa simple présence quand elle-même se voyait tendue par l’angoisse de la mission reçue, comme la pire des putains de pavés envoyait à l’abattoir pour se faire molester, nue comme Eve tendant le fruit du péché à sa proie mais elle n’en eut pas ni l’envie ni le temps. Il lui fallait demeurer forte et fière alors même qu’il la jetait sous la pluie sans rien de plus qu’un t-shirt. Un matin étrange, aussi étrange que ce soir où ils parviennent à échanger palabres sur palabres, comme si la haine qui s’imposait entre eux se dissolvait dans l’acide d’un calme folklorique, usant du même geste, machinale, cancéreuse prise dans le bec dénudé d’artifices pour en illuminer la pointe. Odeur de nicotine, parfums qui s’affrontent pour mieux se mêler comme les essences le font et leurs voix qu’on pourrait entendre de loin dans un frémissement sibyllin et le fumerolle presque bleuté se disperse dans un souffle « Nerveuse, ouais. A l’aise… » Du coin de l’œil, elle le pique, mutine, sans savoir si elle devrait laisser en suspend sa phrase, pour le simple plaisir de jouer la mystérieuse. « … J’sais pas encore. A voir. J’vais bien devoir l’être vu ce qu’il se prépare entre nous. » Il ignore à quel point ces mots font mal et pincent le cœur, lui tordent les entrailles pour faire écho au délire d’un autre sorcier se croyant plus valeureux que celui auprès duquel elle marche dans une unisson presque parfaite, deux entités venimeuses traversant la nuit dans une cacophonie qu’ils sont bien les seuls à entendre. « Mais contente d’pas être la seule à être une vraie pipelette quand j’ai un coup dans le nez. J’me sens moins seule. Fais gaffe, on pourrait vraiment devenir potes à force. » Car l’alcool rend les liens plus solubles et plus faciles à tisser pour elle, pour beaucoup trop de gens qui se déshabillent de leur inhibition lorsque l’ivresse les attrape dans son giron et la paresse des paupières donneraient à leur conversation une allure plus velouté qu’elle redoute sans réussir à l’avouer. Il n’est pas sage, en effet, d’accepter la main tendue pour une nuit plus longue mais ce n’est qu’un verre dira-t-elle, ce n’est rien qu’un soir et une affaire de pur égoïsme. Il va réellement essayer, elle le sent, d’extraire d’elle le plus assassin. Elle n’a pas besoin d’un monstre en elle pour souligner à quel point quelque chose cloche chez elle. « T’en fais pas, j’cuverai dans mon pieu plus tard. Et seule. » La tête s’agite sous l’effet de son esprit aviné sans qu’elle ne soit encore au stade où les mots s’embrouillent, où parler et marcher est plus rude qu’à l’accoutumée, où le monde tourne et où l’envie de dégobiller se fait presque sentir. La pointe rougeoie sous une inspiration, deux lucioles pendant à leurs lèvres dans l’obscurité malgré les néons piqués de moustiques et de papillons de nuits idiots se heurtant aux ampoules au-dessus d’eux, alors qu’elle ne tente pas d’esquiver une conversation qu’elle a voulu, appréciant le silence comme elle le craint un peu.

Loin d’elle est l’angoisse de ces moments de mutismes qui passent parfois entre les gens qui ne se connaissent pas encore et peut-être ne le connaitra-t-elle jamais vraiment, ne lui en voulant pas de lui fermer les portes de son esprit et de ses secrets, pour l’instant. Elle-même se serait tue si elle l’avait pu. Le pas leste, d’une nonchalance qui fait chalouper les hanches, elle fixe un point dans le vague avant de hausser les yeux vers un ciel sans nappe étoilée « Sérieux… Tu vas pas m’la faire à moi. En quoi la vie d’un sorcier serait pas intéressante ? » Un haussement d’épaule automatique lui vient alors qu’elle détourne son regard vers lui un instant, le filtre coincé entre ses doigts, la queue de cheval oscillante sous leur marche vers la grivoiserie d’une nuit de beuverie. « Et puis la mienne non plus l’est pas si on part de là. Toutes les histoires sont intéressantes, même celles des pires connards ou… J’sais pas, la vie de Paris Hilton ? On n’en fait même des documentaires Netflix et honnêtement ? J’préfère connaître ta vie que celle de Paris Hilton. 'Fin, c’que tu voudras bien m’en dire. J’force jamais les gens à parler, ivres ou non. » Lentement elle détourne la tête pour reprendre sa posture initiale, cachant la nervosité dans une longue latte qui brûle sa gorge et infecte ses poumons, remerciant son corps de ne pas trembler. Car il faudra le pousser à parler alors même qu’elle n’est pas de celles qui cherchent à ouvrir en deux les âmes des gens. Elle n’est pas la plus gourmande des potins, la plus avide des secrets d’autrui mais elle n’avouera jamais que le mystère planant autour d’un sorcier qu’on dit presque sanguinaire dans le clan adversaire, ne peut que la pousser à une curiosité morbide. Et bien au-delà, Eoghan Underwood semble être auréolé de ces contes qu’on aimerait entendre, au moins une fois, connaître pour savoir ce qui se cache derrière la simple belle gueule d’un type ayant pris racine dans les contrées louisianaises. « M’aider ? Ouais, j’espère aussi. » La gorge plus serrée, elle refuse de lui jeter un coup d’œil cette fois, de le prendre au dépourvu de son regard qui s’étend trop souvent vers son profil, comme une envie d’y voir bouger des ombres sous les effets de lumières et d’ombres chinoises qui peuvent tomber dans les creux ou sous les pleins d’un visage et d’une silhouette, comme l’œil avisé d’un peintre ou d’une artiste qu’elle n’est même pas.

Après quelques secondes et une première clope trop vite consumé par son souffle, elle en jette le mégot sans se soucier d’où il mourra, à part sous son talon qui l’écrase comme un insecte nuisible mais sans haine, laissant les dernières poussées de fumées se dissiper dans l’air, ayant imbibés ses doigts de l’odeur du tabac mais le parfum naturel et de plante et de boue, de bayou peut-être, lui revient tout de suite au flair alors qu’elle croise ses yeux, haussant un sourcil face au sien, comme une envie de le défier après avoir commis l’irréparable. Il ne se dégonfle pas, ne fuit pas totalement le sujet, la laissant muette. Évidemment. Il ne parlerait jamais, surtout pas à elle, de ce qu’il a été capable de faire ce soir-là. Ses yeux tombent sur la main qui guide la clope jusqu’à la bouche, imaginant toujours, comme une litanie, un bout de musique tournant en tête, une arme entre ses mains, la jouissance personnifiée arrachant la vie sous la lame d’un poignard. Aussi sûrement que Favashi le fit de la gorge de Sadia. L’image la perturbe bien trop un instant, la forçant à abaisser la tête trop rapidement, salivant davantage comme prête à vomir sa haine quelque part. Là est la preuve qu’elle ne peut dépasser aussi vite sa colère, légitime ou non, envers les gens de sa race, de sa trempe. Et tout tremble subitement, l’écoutant d’une oreille sans réellement entendre tous les détails, le souffle victime d’un séisme qui remonte, les mains enfermées en poings dans ses poches, serrant les dents pour ne pas se laisser attraper par les mauvais filets. Ce soir n’est pas fait pour haïr. Elle n’est même sûre de rien, elle ne sait pas, elle ne sait plus grand chose en cet instant. Il lui faut un temps avant de parvenir à reprendre le fil rouge de la conversation, pour ne pas répondre une banalité. « J’crois que le pire, on l’a tous vu cette nuit-là… » Et elle avoue, sans prologue, qu’elle fut l’une des témoins de l’horreur. Le corps de lourd de la grand-mère d’Hena Hicks pendant dans ses bras, le corps de l’homme qu’elle abattu d’un coup de fusil, le mal dans l’épaule sous le coup d’une adrénaline qui ne la prépara même pas à tirer correctement. « M’faut vraiment un verre de plus, j’crois. » Rire nerveux, qui couve mal les maux qui s’ouvrent, l’envie de fuir ce sujet, regrettant de les avoir mené sur ce terrain miné et boueux.

Comme s’il avait pu l’entendre et certainement aussi gêné qu’elle peut l’être à présent, il lui fait grâce d’un changement de chemin dans les mots échangés et elle n’ose s’imaginer blonde ou  couverte d’une couleur plus fantaisiste, grimaçant d’un dégoût peut-être exagéré mais pas moins réel. « J’tiens trop à mon beau châtain. J’ai essayé les éclaircissements et… Nope, définitivement pas pour moi. » Sa vision d’elle décrite en quelques phrases l’amuse plus qu’autre chose, laissant enfin renaître un réel sourire sur sa bouche où plane encore le goût de la cigarette abandonnée plus loin, acquiesçant d’un port de tête faussement altier face à l’appellation qui pourrait la ramener à une époque pas encore si désuète, les traumatismes restant ancrés sous le derme  et le linceul d’un esprit atrophié de tant de morceaux. « Waw. Dis comme ça on dirait surtout la description d’un personnage cliché. Mais ouais… » Souriant à l’horizon puis à lui, elle poursuit, son pas plus léger, se remettant peu à peu du poids lourd qui s’était posé sur son estomac « J’rêvais de liberté. J’voulais savoir ce que c’était de vivre, comme tout le monde. J’suis pas une fichue princesse et encore moins une déesse. J’veux rien d’tout ça. J’crois que y’a que quand on a connu une pareille célébrité même pas méritée au sein d’un clan qu’on aspire qu’à la paix et à la banalité. Ouais, c’est l’mot, j’voulais être banale, m’fondre dans la masse quand j’sortais. Même si c’était pour… faire des conneries. » Une main sort de sa cachette pour gratter le cuir chevelu un instant, sans manifester une gêne silencieuse, son sourire se crispant à peine, refusant d’entrer dans les détails de sa vie secrète, intime. Des conneries regrettées ou non mais qui font partie de son histoire. « Puis j’ai été obligé de garder les pieds sur terre. Toi aussi, non ? T’es pas du genre à flâner, j’ai l’impression alors que tu pourrais. L’art que tu pratiques, j’en ai vu que ça fait devenir plus fou que jamais. Ça leur monte à la tête et ils en font d’la merde alors que j’trouve pas ça totalement mauvais. 'Fin je crois… » Elle parle trop, s’en rend compte et si elle rencontre son regard elle préfère s’en éloigner à nouveau, ne voulant pas libérer davantage de confidences quand elle ne sait pas grand chose de lui.

Sa manière de parler des déités laissent alors planer le soupçon velouté d’un plaisir réel, comme une consonance s’imbriquant bien trop à ses propres croyances, l’allégresse la traverse un instant, l’impression malheureuse, au vu des circonstances l’ayant amenées à croiser sa route, qu’elle pourrait bien parler de longues heures de ce sujet, qu’il pourrait comprendre ce qui la pousse à façonner ses statuettes, ce qui la pousse à tant aimer le mysticisme qui plane autour de ces dieux et déesses de son pays ou d’autres plaines, à en aimer imaginer le simple fait qu’ils puissent avoir un pouvoir de balancier sur eux, simples mortels quelles que soient leurs aptitudes. Voyant son regard vrillé vers elle, elle se force à ne pas se tendre, sourcillant à peine « Ouais… J’veux dire, c’est pas pour ça que t’as pris le venin de la Bête ? Tu m’as dit que tu communiquais avec les serpents alors… Tu pensais que j’parlais d’quoi ? » Hochant doucement la tête, elle ne voit rien à ajouter, ne préférant pas rebondir trop longtemps sur cette nuit à venir. « T’inquiète. J’ramènerai surtout d’quoi me rhabiller. Et j’ai… pas de bagnole, pour l’instant alors vu l’état dans lequel je serai après… toute cette merde, bah j’te conseille de couvrir tes sièges ? A moins que tu te sentes de me ramener en ville sur ton dos mais j’crois pas que tu sois aussi clément. » Le sarcasme et la taquinerie pour seules armes quand il s’agit d’aborder le sujet bien trop épineux, elle se force à sourire cette fois avant que celui-ci ne retombe comme l’ombre d’un silence bienvenu. Prête à ouvrir la bouche pour demander où se trouvait le dit bar où il comptait la mener, elle manque de persifler quand sa main tombe sur son épaule, ses traits froissés par une soudaine contrariété, l’insulte non loin des lèvres, refusant qu’on la touche sans sa permission avant de se figer sous l’injonction qui n’a rien d’une plaisanterie. Alors, à son tour, elle entend les rires qui se réverbèrent çà et là, comme des rires de hyènes enragées, terrifiants et la ramenant à cette nuit putréfiée de mort et de sang, son corps à elle se tendant sous la main toujours posée sur elle, ses yeux errant d’un point à un autre en découvrant l’étendu du quartier dans lequel elle ne se laisse jamais aller à flâner, le refusant aussi à ses sœurs. « Merde. » siffle-t-elle entre ses crocs serrés, sans comprendre l’origine de l’infernale apparition qui pourrait venir sur eux. Les doigts de l’arcaniste glissent jusqu’à happer son bras, la tirant derrière lui en la poussant à presser le pas et elle ignore même pourquoi elle le suit, lui confiant sa propre vie, ne sachant pas si un traquenard était même prévu. L’a-t-il découverte ? Prévoit-il quelque chose ? Elle ne pourrait le dire et prend le risque de s’étendre loin du danger qui semble les poursuivre de sa musique rieuse inquiétante, des bruits métalliques à la cacophonie d’un Chaos semblant avoir pris vie dans un core de chants atrophiés de paroles que son ouïe ne peut percevoir.

Courant en tentant de suivre les mêmes pas que lui, aussi assurée qu’elle le peut alors que l’angoisse remonte de ses tripes à son cœur, elle finit par échouer à ses côtés, essoufflée par le sprint amorcé quelques minutes plus tôt, sans savoir si elle s’agace que sa soirée se voit perturbée par une énième perturbation ou si elle s’en amuse, rien qu’un peu, dans le fond, éloignant la terreur d’un coin de son cœur pour qu’il n’abatte pas ses coups de tambours trop douloureusement. Sous les grandes silhouettes des bennes à ordures empestant une odeur qui lui agresse le nez, elle se force à ralentir peu à peu sa respiration pour prévenir la moindre attaque, trouvant à ses côtés un Eoghan dont l’expression ne lui promet aucune bonne nouvelle et elle cille, plongée auprès de lui dans une alcôve sordide et à l’odeur désagréable. Rien de romanesque ou qui donnerait envie de rêver à quoi que ce soit. La voilà qui se fige avant même qu’il ne prononce les mots qui désignent le groupuscule qui s’étend dans la veine noire d’une rue de leurs rires pour sermons avant que ne s’abattent la guillotine de leurs sévices sur ceux qu’ils verront comme de la viande à hacher. La milice anti-CESS, elle aurait pu en faire partie, décimer ces bêtes dont elle ne sait rien, les tuer sans sommation, des exécutions qui auraient peut-être pesées, parfois, sur sa conscience. Elle l’ignore. Mais elle est une proie pour eux, proie parfaite et la voilà perdue en croisant le regard bleuté dans le noir qui les nimbe, acquiesçant sans qu’aucun mot ne veuille bien fleurir à l’orée de ses lèvres, faisant confiance à un sorcier, pour la seconde fois de sa vie. Et peut-être que lui aussi la trahira… Ou elle sera la première à le faire, elle l’ignore encore car sa destinée lui semble aussi rieuse que ces gens qui ne tardent pas à s’afficher sous le faisceau de la lune dangereuse, à lui jouer les pires tours pour lui rire à la gueule sans savoir quand cesser ses tours de passe-passe agaçants ou même macabres. Fixant son regard un instant avec le chaos pour musique de fond, elle ignore même à quoi elle acquiesce. Si ça va ? Elle l’ignore. Si elle va attendre qu’ils fassent leur bout de chemin ? Peut-être. A son tour, elle tente de se pencher vers le bord de la surface, découvrant son pouls plus anarchique que jamais dans le creux de son cou, mirant les silhouettes qu’elle découvre armées, sans surprise. Revenant tout près du visage qu’elle refusait de voir s’approcher au premier matin qui observa leur rencontre, elle souffle « S’ils nous trouvent cachés comme des cons… On paraîtra aussi suspects qu'jamais. » Et ils l’étaient, suspects idéals, des animaux prêts à être abattus. De la chair à canon. Il lui semblait, pour la première fois depuis son arrivée, qu’elle empestait sincèrement quelque chose provenant d’au-delà du monde des mortels et pas pour de bonnes raisons.

Son sac ramené contre elle, en pauvre bouclier contre des balles qui pourraient pleuvoir, elle tente de percevoir les mots qui s’échangent, les insultes qui fusent entre deux d’entre eux, la voix plus suave d’une seule femme, décomptant combien ils peuvent être, à quelques pas d’eux seulement, mais n’envisageant même pas une attaque. Se mettre sur le chemin d’une milice qui ne marchait que sous le joug d’une haine sans fond ni limites était une erreur à ne pas commettre et que même sa propre agressivité ne dirigerait pas aujourd’hui. Il allait falloir se fondre dans le décor nocturne non en se déguisant en proies mais en se désignant comme idiots tombés sur leur chemin au mauvais moment. Rien ne tremble lorsqu’elle élève sa main à nouveau vers ses cheveux pour délasser la masse et elle manque de jurer quand l’élastique cède brutalement, giflant un bout de sa main, à force d’être tant manipulé. La mine blasée, elle observe le bout qui ne sert plus à grand chose à présent avant de laisser tomber sa sénestre sur l’épaule du sorcier, le voyant au travers des mèches d’encres qui lui tombent sur le visage « Va falloir qu’tu m’suives. Y’a pas besoin d’parler. J’m’en chargerai pour toi. » Et peut-être s’achète-t-elle un peu de sa protection future pour celle qu’elle lui offre, sans attentes pourtant, ce soir. Il lui semblait impossible de demeurer ainsi, terrée comme un rat entre deux bennes à ordures en attendant que les chats noirs viennent les dévorer. Le bruit de quelques pas suffisent à l’alerter que l’un des soldats de la milice est parvenue à l’entrée de l’artère dans laquelle ils sont, hurlant à une des recrues d’avancer plus vite, la rage plein la voix. La rage, peut-être, pour cette nuit qui ne s’étend pas à si loin, où eux-mêmes ont perdus beaucoup de leurs membres. Sans demander d’avis plus prononcé, elle glisse ses doigts dans les cheveux sombres du maître des arcanes et d’une magie du sang, frottant sa paume contre les mèches d’ombres, esquissant un sourire n’augurant rien de bon, ses iris vipérine dessinant les ombres d’une tempête de mauvaise augure, le geste trop intime ne faisant rien frissonner tant l’adrénaline et l'instinct de survie la poussent à ce plan théâtrale. « Lève toi et suis moi, Eoghan. » murmuré dans un soupir rapide alors qu’elle se dévoile aux yeux des diables sortis de leur Enfer pour saupoudrer les terres des quartiers de Shreveport de leurs colères, des humains se prenant pour des dieux et ce soir, elle les méprise, rien qu’un peu et à peine a-t-elle le temps de croiser le regard de celui se tenant loin d’eux qu’elle se pare du masque de l’ivresse profonde, détournant alors la tête pour sourire d’un air plus suave à celui qu’elle force à enfiler le costume d’amant. Il n’aura rien à dire. Beaucoup trainent dans ces couloirs sans issus pour épancher leurs soifs contre les lèvres de mecs attrapés à la sortie des bars, leurs sales gueules avinées se bouffant le bec sous les coups de langues qui s’enrobent d’une insalubrité luxurieuse qui laisse le regret apparaître le lendemain. Combien de fois l’a-t-elle fait ? Combien de fois n’avait-elle tout simplement pas le choix ?

Sa poigne froisse le col du cuir de son adversaire pour l’amener tout près d’elle, que sa face ne soit même pas visible dans le sombre et serpentent ses doigts de là où bat son cœur jusqu’à la lisière du cou libre, s’y glissent comme ses écailles pourraient le faire, sans mordre de ses ongles, plongeant dans ses prunelles pour l’inviter, dans le silence à n’y prendre qu’une confiance totale.

J’ai couru après toi,
Sans ciller.

(J’ai pris ta main sans ciller,
La vipère non loin d’une cheville nue.
Tu te souviens ?)

A ton tour.
A ton tour, Eoghan,
De me suivre dans une forêt sombre,
Jusqu’aux abords d’un lac où ils se pourraient qu’un jour
On se noie et décime le silence de nos cris.

Il y eut une fontaine et plus rien,
Il y eut la lune rieuse et plus rien,
Il y eut les sourires et les plaintes sous les voilages d’un lit,
Il y eut la mort entre les cuisses d’une femme qui pleura
Ses ignobles enfants visqueux et ceux d’un amant plus ignoble encore,
Il y eut un conte qui dit alors qu’il faudra bien qu’un jour,
L’un ou l’autre crève pour avoir oser céder à la tentation de l’autre.


Comme si le temps s’élever sous les secondes qui laissent s’effiler leurs souffles hors de ses lèvres qu’elle approche trop près des siennes en un simulacre de baiser, ses phalanges trouvent l’eau noire de ses cheveux pour s’y agripper comme le ferait une amante qui n’a plus à être timide auprès de celui duquel elle couche, cillant si près de lui qu’elle pourrait croire que ses cils l’effleurent, son sourire n’ayant plus rien de chaste, dévoilant celle qui faisait le mur des années auparavant et sortait pour étancher la sécheresse de sa gorge et de son corps. Et elle s'avance à un souffle d'une bêtise qui ne sera qu'une illusion poudreuse jetée aux yeux des ennemis qui sont les leurs.

« Hé ! » Il n’a pas la main qui tremble, Jay. Jamais. Pas quand c’est la nuit de la chasse. Il élève bien haut son arme sur la silhouette du couple qu’il découvre derrière la barrière d’une poubelle. Et ça fait des heures qu’il attend de voir le sang couler, des heures qu’ils sillonnent la ville à la recherche d’une Longue-Vie, d’une raclure dont la cervelle exploserait sous son canon pour qu’il y trouve un certain plaisir, cette vengeance sur ces enfants diaboliques que Dieu aura mis sur leurs chemins, engeances de Satan. Lorsque la femme détourne son regard pour le happer dans le vert étrange de ses yeux il semble y voir un démon là aussi, écarquillant un instant les yeux face à cette vision d’Enfer avant qu’elle ne sursaute, balbutiant quelques mots qu’il ne comprend, sonnant une effluve arabique jusqu’à lui. Ses mains parcheminées par l’âge et le dur labeur abaissent vivement l’arme, tentant de beugler plus fort qu’elle encore pour couper la diatribe affolée qui s’étend en voyant l’arme pointée sur eux, les palabres trainantes. Une femme ivre est bien la première des choses vulgaires qu’il ait pu voir chez ces toutes ces femmes voulant à tout prix s’émanciper du giron des hommes et il n’a pas envie de s’occuper de l’une d’elle ce soir. Avançant d’un pas, l’une de ses paumes libres élevées pour l’inciter à se calmer, il élève sa voix « Hé ! Oh ! Ferme ta putain d’gueule ! Toi, dis à ta connasse d’la fermer ! » Son doigt pointe sans vergogne l’homme dont il perçoit mal le visage, grimaçant en la voyant se dévoiler, les premiers boutons de sa chemise déboutonnés, laissant ouvertement deviné qu’il venait d’interrompre un flirt qui n’était pas prêt de s’arrêter à quelques bécots. Les mots s’enchevêtrent encore, le visage de la madone oscillant entre lui et son éphèbe du soir, les yeux écarquillés, tanguant sur ses longues jambes alors qu’elle tente de s’avancer vers eux, élevant bien haut ses mains, lui dévoilant son décolleté sans même s’en rendre compte. Se raclant la gorge, il crache par terre par pur mépris pour la gente féminine et surtout celle ne sachant pas se tenir, entendant le raffut que font ses compères derrière lui pour venir observer la scène et attaquer en cas de problème. Étudiant l’homme comme la femme à la langue trop mouvante, il insiste d’un cri plus tonitruant « Rhabille la, ta femme et dis lui d’baisser d’un ton tout d’suite ou j’me charge d’la calmer ! » Et on sent dans cette injonction les vestiges d’un ancien soldat qui n’avait pas mieux à faire que de continuer à prendre les armes lorsque le jour est absent, que de donner des ordres encore et encore.

Sous la langue maternelle, elle assassine l’homme de paroles  « Je… Touristes ! Touristes, nous sommes. Pas méchants ! » Elle balbutie un anglais qui fut le sien à ses premiers pas sur le sol américain, l’accent d’Orient plus prononcé, mettant le pas sur le fait qu’elle n’ait jamais été d’ici et ne le sera peut-être jamais et le voit dans les yeux cernés d’ombres et de vieillesse du cinquantenaire qui leur fait face. S’appuyant trop fortement, contre l’épaule d’Eoghan, expulsant un rire de fille idiote qui a bien trop bu, elle finit par faire mine de se figer quand elle voit l’arme, en reconnait la forme et la sécurité qui n’est pas relevée n’augure rien de bon. Il pourrait comprendre, changer d’avis, les tuer ou les entrainer dans leurs sillages pour qu’ils servent d’appâts. Elle ignore de quoi ils sont capables la nuit et elle esquisse un sourire nerveux qui n’est pas une comédie cette fois, sa main saisissant vivement celle de celui qui l’engueulera plus tard pour avoir osé se mettre dans le sillage de meurtriers sans âme, peut-être. « On part. Oui, on s’en va. » Elle balbutie les mêmes mots dans sa langue natale, élevant des yeux faussement plein d’étoiles vers l’homme à ses côtés, l’incitant à la suivre, les pommettes rosées après avoir violemment pincées par ses doigts, tremblante mais pas de crainte, simplement d’une envie de fermer le poing pour l’envoyer dans l’os d’une mâchoire volontaire pour faire taire celui dont elle comprend malheureusement les insultes. Les autres, des ombres menaçantes, parviennent jusqu’à eux et s’ils ne tirent pas, c’est simplement car ils s’interrogent sur le raffut qu’elle fait face au vieil homme à la peau tannée par le soleil de Shreveport, son sac trainant comme un sac poubelle au bout de ses doigts, sa mise défaite donnant l’impression qu’elle est la pire des putains et le perçoit dans les yeux qui la mirent, renforçant sans le sentir, sa prise sur la main qu’elle détient alors qu’elle s’avance lentement et d’un pas inégale vers l’homme armé. « Jay ! On s’casse. Tu vois pas qu’elle est totalement torchée ? » C’est l’unique femme du groupe dont elle avait perçu le timbre plus tôt qui la sort du traquenard dans lequel ils se sont engoncés. « On n’est pas loin du nid qu’on cherche et on n’a pas toute la putain de nuit. » Son calme apparent sous une apparence bien jeune manque de pincer quelque chose dans la poitrine de celle qui abrite un sort méphitique, reconnaissant dans la blondeur et les yeux clairs l’héritage d’une jeunesse hargneuse qui se refuse à avoir de la pitié pour quiconque ce soir. L’homme hélé la fixe encore un instant alors qu’elle s’avance vers lui, passant près du flanc et si elle croit pouvoir s’échapper, elle se voit arrêter par la poigne violente qui enserre le bras pris par la main du sorcier à ses côtés quelques minutes plus tôt. Mais rien de doux ou qui ne veuille la pousser à le suivre cette fois; Tout sonne comme une menace alors qu’elle détourne lentement la tête vers lui, voyant alors son sourire qui n’est pas plus qu’un rictus dans sa barbe naissante « Que j’vous r’croise pas. Les rues sont pas sûres la nuit… Compris ? » Et ce n’est pas à elle qu’il demande d’acquiescer, tournant ses yeux vers le fils Underwood, comme deux canons sciés sous ses iris grises, sans savoir à qui il a affaire, sans savoir que le visage qu’il vient de croiser est celui d’un coupable d’une nuit sépulcrale et qu’il détient le bras d’une proie qu’il aurait adoré torturer pour mieux s’en débarrasser. Soufflant un rire nerveux pour continuer à jouer le pire des rôles, elle attend qu’Eoghan réagisse comme il le souhaite, certaine qu’il ne fera aucune vague face à des types armés, pour mieux se voir repousser contre le flanc de celui-ci, manquant de trébucher. Sous les rives ondulées de ses cheveux, elle voit le dit Jay repartir dans sa fourmilière, sans jamais relever la sécurité de son arme.

Blême, elle attend qu’ils soient à quelques mètres pour avancer dans le sens inverse, les ongles crantés dans la peau de la main détenue par la sienne, fonçant comme si alors, elle revenait à cet âge où elle fut poursuivie par les disciples, l’angoisse étreignant brutalement sa gorge, se rendant compte que tout le choc s’était bien caché sous la crasse de sa hargne et de son audace, remontant une main jusqu’à sa propre gorge quand ils parviennent à une rue déserte, expiant finalement un premier éclat de rire qui sonne faux, un début de sanglot, secouant la tête, passant ses doigts dans ses cheveux et son front à peine maculé d’un film de sueur, tout en elle puant la peur irrationnelle. Et sous chaque battement de paupières, le sable revient hanter ses yeux, les cris et les injures, Hathor scandé comme un chant obscur, le sang de Sadia sous un pied et c’est dans un bruit et mouvement sec qu’elle arrache sa main à l’homme qu’elle a suivi ce soir, pour se pencher brutalement, pensant que les premiers relents d’une nausée viendront gâcher ce qu’elle espérait être une nuit plus douce. « Putain… Putain… » comme un murmure vulgaire pour se plier elle-même au calme. Il lui faut quelques poignées de secondes pour parvenir à apaiser son souffle anarchique, à esquisser un sourire qu’elle espère rassurant en osant à peine lever les yeux vers lui « Désolée. C’était… C’était stupide mais j’nous voyais pas rester là à rien foutre. Rester immobile c’est pas dans mes cordes. J’supporte pas d’avoir l’impression d’être une putain de souris piégée dans un trou. » Un silence et puis, d’une voix blanche, étrangement posée, elle reprend : « C’est la première fois. C’est la première fois que je croisais une milice. » Se redressant lentement pour remettre son sac à la toile salie sur son épaule, elle le fixe, la mise embrouillée « Pas toi on dirait. »


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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤

Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  KOVXegv Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  WZKlL7H Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  J8B1rxa

"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  KL9jJO9
⛤ VENGEANCE ⛤

Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  ZfHtADc Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  Jq60QrG Dark Obsessions ☽☾ Eoghan  MaP8TbX

"Before I die alone."

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Jeu 12 Aoû - 3:25 (#)


Maybe it just needed a little push.
Tout aurait si bien pu se passer. Tout aurait pu si bien se passer, si Astaad avait su l’écouter. Il ne voyait pas les choses autrement qu’en une attente inconfortable, mais nécessaire. Après tout, il avait fait cela des dizaines de fois. Discrétion, prudence, planque si possible. On ne se frottait pas à ces mecs-là. On ne s’exposait pas, sous aucun prétexte. Ils auraient pu en deviser ensemble, plus tard. Partager autour d’une bière les fous rires nerveux que ces moments de trouille occasionnaient toujours. Il se serait senti un peu plus proche d’elle, pensant à son courage : celui de chercher une main tendue en la personne d’un sorcier qu’elle avait craint, haï, et qui l’avait dégoûté au matin de leur rencontre. Déterminée à s’échapper de l’emprise dont elle demeurait prisonnière depuis trop de lunes pleines pour qu’il s’évertue à les compter même de loin (horrifié), elle aurait marqué de son aplomb son estime, et il aurait presque pu aborder avec une certaine paix la pleine lune en approche.

Mais Elle avait tout foutu en l’air.



Il ne répondit pas aux craintes manifestées par la garou. Sa main droite se tenait simplement levée, l’incitant au calme, à ne pas chercher à établir des hypothèses plus pessimistes que nécessaires. La situation était assez merdique et anxiogène comme ça. Il réagissait à l’instinct, en connaissance de cause des agitateurs se déployant régulièrement dans les artères de Shreveport. Il n’aurait jamais fait confiance à une étrangère, à une inconnue, à une change-forme pour les tirer de là. Il savait ce qu’il faisait. Il attendait, patient, connaissant les habitudes de la milice et le type de parcours que ces dégénérés aimaient à adopter. Jamais ils ne s’évertuaient à se faufiler dans les ruelles minuscules séparant deux blocs d’immeubles sans raison précise. Son souffle se ralentit progressivement, malgré ses battements de cœur eux aussi chaotiques, depuis leur course et la proximité toute relative du groupe. Concentré, il aurait presque pu fermer les yeux en un élan de méditation lui permettant d’accéder à une pleine conscience de lui-même, malgré les odeurs rebutantes qui les entouraient. Il éprouvait tout. Le corps frémissant près de lui, le contact de ses semelles, les crissements du cuir lorsque tous deux se risquaient à des mouvements trop amples pour le camouflage qu’ils cherchaient à maintenir intact… Les rayures du plastique contenant les ordures, et la crasse dans les creux, taillades et autres effectuées dans le container… La brise jouant avec leurs sens, les assommant tantôt de relents de poisson pourri, pour mieux souffler en sens inverse et leur accorder quelques secondes de répit mérité… Ils allaient passer. Ils passeraient, et leur soirée reprendrait un cours presque normal. Il n’y aurait rien à regretter, rien à vociférer. Juste à constater les résultats d’une complicité improvisée, presque agréable une fois le risque totalement écarté. Il était à mille lieux de deviner ce qui se tramait dans la tête d’Astaad, alors. Autrement, il aurait immédiatement cherché à la maintenir immobile, même s’il avait fallu l’assommer pour cela.
Il sentit le poids de sa paume sans trop y prêter attention d’abord, pensant qu’elle aurait voulu se stabiliser grâce à lui. Il ne comprit pas tout de suite ses propos. Il s’apprêtait à marmonner, mais la pression de phalanges féminines dans ses cheveux le fit cette fois sursauter, et tourner brusquement la tête vers elle, les sourcils froncés. Il ne comprenait pas l’intimité du geste plus que malvenu, et aurait trouvé particulièrement gonflé de le mettre sur le coup de l’alcool.

« Lève toi et suis moi, Eoghan. »

« Quoi ?! Non ! »

Emporté dans l’élan de la maudite, il se redressa, contraint, et particulièrement surpris de la force qu’il put sentir dans la poigne le rapprochant d’elle. Tétanisé, il la dévisagea comme si elle était devenue folle, comme si l’apparence qu’elle avait prise jusqu’alors se transformait en cendres répandues autour d’eux, pour lui révéler son vrai portrait. Un portrait beaucoup plus dangereux, imprévisible et hors de contrôle qu’il n’aurait pu le prévoir, malgré l’existence de la Bête en elle. Crier, protester, auraient été pires. Elle l’obligea à se soumettre à cette idée démente, à marcher dans des traces qu’il aurait plutôt voulu abandonner derrière lui. Et, surtout, le bout de son nez frôlant le sien le plongea dans un inconfort dont il ne parvenait même pas à identifier clairement la source. Rien n’allait. Rien n’était normal. Rien n’était okay. Ses prunelles lui lancèrent des éclairs, sans qu’à aucun moment elle ne paraisse éprouver le moindre doute quant à cette entreprise insensée. Sa paume serpentant contre lui le fit frémir, contact incongru dans un tel contexte. Il crut qu’elle l’embrasserait vraiment, et ses mains à lui se saisirent de ses bras, en une menace sans douleur, sans promesse léthale.

Ne fais pas ça.

Dans son regard d’absinthe, il parvint à ne pas se noyer. La contrariété demeura gravée sur son visage, tandis que tourner le dos aux canons des armes portées par les militants ne lui occasionnait rien d’autre qu’un sentiment de révolte prononcé, et qui devait, à terme, se retourner contre elle. Pourquoi ? C’est ce qu’il ne cessa de lui renvoyer en miroir à ce faciès changeant, comme si elle éprouvait un plaisir véritable à se trouver là entre ses bras, étreinte factice en une mise en scène qui ne convaincrait personne, même le plus candide. Agrippé, enlacé, assailli de toutes parts par l’aura de l’Égyptienne, il s’attendait à tout instant à la déferlante, à sentir son corps vrillé de balles tandis qu’elle resterait là, bougresse du diable, responsable de leur mise à mort alors qu’il lui aurait suffi de se taire, de se terrer, de l’écouter, de ne pas boug...

« Hé ! »

Il ferma les yeux, luttant contre la tension naturelle instillée par la peur en lui. Il n’avait plus le choix maintenant. Il devrait jouer le jeu, aussi sûrement qu’une fureur sans nom venait d’éclore, fièvre instable et impossible à juguler. Astaad aurait presque pu souhaiter à ce stade que la situation dégénère : la colère de l’arcaniste ne serait pas plus aisée à fuir ni à empêcher. Elle balbutia ce qui ressemblait à de l’arabe, le plongeant dans une perplexité plus grande encore. Elle le dépossédait de tout champ d’action, le condamnant à subir, et rien d’autre. Ce ne fut que par souci d’éviter un drame de plus qu’il s’empêcha de plonger dans le crâne de sa comparse pour lui arracher sans douceur les résidus de plan idiot ébauchés à la va-vite par son esprit malade. Il dut puiser dans les réserves de sang-froid qu’il lui restait, tant pour ne pas s’en prendre à l’homme qui les avait apostrophés que pour ne pas la cogner, elle, maintenant. Il rouvrit ses paupières pour pivoter, offrant son profil à l’agresseur, sans lui obéir pour autant autrement qu’en fusillant Astaad de ses orbes cuisants. Celle-ci se défit de lui, l’incitant encore une fois à ne pas se reculer d’elle trop vivement afin de préserver ce simulacre imbécile. Il se rapprocha pour la saisir par l’avant-bras (envie de lui broyer les os), tandis qu’il maquilla son air courroucé par une mine de simplet pas difficile à obtenir ; suffisamment de modèles côtoyés depuis son enfance. Derrière son attitude inoffensive, il ne pouvait s’empêcher de chercher à distinguer les traits de ceux qui, à leur tour, s’étaient rapprochés. Certains jouaient la carte de la prudence : cagoulés, leur identité protégée. D’autres, non. Le constat manqua de le rendre instantanément malade, lorsqu’il réalisa qu’il était ainsi incapable de deviner si des trognes connues se planquaient, risquant de mettre un terme à cette scénette affligeante. Il serra les dents à en grimacer, contrôlant ses coups d’œil pour ne pas sembler plus suspect. Toutefois, même s’ils s’en sortaient cette nuit, le mal était fait. Si le sorcier avait pu maudire une seconde fois la fille-serpent à ses côtés, son impulsivité aurait probablement fait passer les mauvais tours de Favashi pour une simple plaisanterie de bas étage.

Il crut qu’il ne parviendrait pas à bouger et à se remettre en marche, se tenant écarté au maximum des miliciens. Le dénommé Jay chercha une approbation masculine qu’il lui offrit spontanément, sans se dérober. Ne pas réfléchir. Agir. Partir. Mettre le plus de distance possible entre eux et ceux qui terrorisaient une partie de la population en toute impunité. Il fulminait, tremblant presque, mais plus d’appréhension, cette fois. C’était la haine, cette bonne vieille haine qui faisait bouillir son sang, et qui le voyait dessiner des fantasmes terribles ; poings fracassant le cartilage d’un nez se fourrant là où il ne fallait pas, les lèvres d’une bouche incapable de la fermer, de savoir quand s’arrêter, exactement comme lorsqu’il avait manqué de la mettre dehors. Et puis les conséquences. Si à cause d’elle, plus tard… Il laissa la rancœur le dominer. Devoir garder dans sa main celle de l’impudente lui fut plus douloureux que la vraie morsure de l’acier. Ils s’évadèrent, rejoignant une rue moins douteuse, plus large, plus rassurante. À la façon dont elle s’arracha à lui, il manqua de la gratifier d’un premier commentaire qui lui monterait cependant bien assez vite. Il frotta sa paume rendue moite par leur contact et leur trouille contre son jean.

Il se sentit flotter.
Ce serait terrible.
Il ne la voyait même pas vraiment, tandis qu’elle, plantée devant lui, bavassait encore interminablement, sans même se rendre compte de ce qu’elle venait de faire. Il resta là, presque fantomatique, ramassant toute l’énergie qu’il lui restait et qu’il sentit grossir, grossir dans son ventre, dans sa gorge nouée, jusque sur sa langue pour qu’enfin…

« Espèce… de sinistre connasse. »

Il se recula, pour ne pas la frapper. Elle était forte. Elle lui rendrait le coup. Et il ne comptait pas achever cette journée merdique par un tour à l’hosto pour y débourser trois cents dollars au bas mot.

« T’es… t’es malade. T’es complètement malade, putain de bordel de... » Enflait, enflait encore. « Putain… Si tu réagis comme ça à chaque fois que tu te trouves dans la merde, bah ça m’étonne pas que tu t’sois retrouvée maudite ! Certains préfèrent que tu la fermes ?! Bah j’comprends mieux pourquoi espèce de dégénérée ! » Ne pouvant plus demeurer immobile, il allait et venait dans l’espace dégagé par la ruelle, sans la quitter des yeux, étouffant de hargne, de cette envie de lui faire mal, de la jeter à terre pour la rouer des coups qu’elle méritait amplement. Lui faire oublier ses sourires abrutis.

« On a eu de la chance… beaucoup de chance de pas s’prendre de la chevrotine ou de l’argent dans la gueule, j’espère que t’en as conscience ?! POURQUOI IL A FALLU QUE TU L’OUVRES ?! Tu pouvais pas JUSTE RESTER LA À ATTENDRE COMME JE TE LE DEMANDAIS ?! » L’envie de balancer son pied dans quelque chose de creux. De jeter à terre une carafe en cristal. D’entendre exploser du verre. De sentir ses phalanges s’enfoncer dans son ventre. Il s’avança de nouveau vers elle, sans la toucher, mais à deux doigts de la frôler d’aussi près qu’ils l’avaient été, précédemment. « C’était… la chose la plus stupide que j’ai jamais pu voir en trente-cinq ans d’existence. Pauvre CONNE. Tu t’es PAS DIT QUE JE POUVAIS CONNAITRE L’UN D’EUX ?! J’EN VIENS, MOI, DE CETTE PUTAIN DE VILLE ! J’Y AI UN COMMERCE ! QU’EST-CE QUE T’AURAIS RÉPONDU SI ON M’AVAIT RECONNU HEIN ?! T’AURAIS BARAGOUINÉ TON ARABE DE MERDE C’EST ÇA ? ÇA AURAIT AIDÉ TU PENSES ?! » Ses paumes retournées vers lui-même, les éclats d’un rire avorté, presque hystérique, couronnant la reprise : « ET S’ILS ME RECROISENT PLUS TARD ? TU PENSES PAS QU’ILS SE DEMANDERONT POURQUOI EST-CE QU’ON LEUR A SERVI UN TRUC PAREIL ? QUE ÇA ME FERA APPARAITRE COMME SUSPECT D’UN TRUC ?! ALORS QU’EST-CE QUE J’EN AI À FOUTRE QUE CE SOIT PAS DANS TES CORDES ?! TU T’ES CRU CHEZ TOI, ICI ?! »

Il reprit son souffle, en profitant pour faire volte-face et se détourner d’elle, passant une main nerveuse dans ses cheveux comme pour en effacer le souvenir, la trace, de la dextre féminine ayant osé s’y promener. « C’est pas possible… C’est pas possible, j’y crois pas… » Ses déambulations se firent plus nerveuses encore, prédatrices, panthère acculée. Il souriait devant tant d’audace aveugle, n’en pouvant plus de constater l’irrespect permanent de ceux qui souillaient son territoire. Chaque fois qu’il les fustigeait, venait toujours le temps de la culpabilité, la crainte de l’excès, de l’abus et des emportements. Et chaque fois, il n’avait qu’à attendre… attendre pour qu’eux tous ne lui servent une fois de plus les preuves éclatantes qui confirmaient son opinion. « Connasse… Connasse, connasse, connasse… » Il ne pouvait pas tenir. Il ne pouvait pas contenir. Il aurait voulu balancer son poing dans le mur. À la place, il le porta à ses dents, et mordit la base de son pouce, aliéné, jusqu’à ce qu’à sentir l’épiderme trop meurtri pour rendre la douleur supportable. Les doigts agités de tics, sa main droite pulsant à son tour désormais, il ne cessait de remettre en place les mèches d’ébène pour mieux les redéranger l’instant d’après. Il allait la tuer. Il voulait la tuer. « Des années… Des années que je… et toi, tu… SI JE TE DIS D’ATTENDRE, TU ATTENDS PUTAIN. »

Le battant d’une fenêtre se fit entendre, coulissant péniblement vers le haut.

« Wow, la ferme on veut dormir ! »

Fou, il pointa sa tronche carnassière vers les étages, hurlant de plus belle :

« FERME TA GUEULE ! CASSE-TOI DANS LE MISSOURI OU ÉCRASE SI TU VEUX PAS QU’JE MONTE ! »

Le battant se referma aussi sec, et il pivota vers elle de nouveau pour la pointer du doigt : « Clairement, tu vas cuver dans ton plumard et toute seule, j’te le confirme. Parce qu’à aucun moment j’m’inflige encore de supporter ta putain de présence. Rentre chez toi, descends-toi encore deux bouteilles, finis crevée dans un caniveau j’m’en branle, j’m’en tape, tant que j’ai plus à risquer ma peau pour une PUTAIN DE CHANGE-FORME DANS TON GENRE ! »

Il ne fondit sur elle que pour mieux la contourner, à peine, laissant son épaule percuter la sienne violemment tandis qu’il entreprit de s’éloigner rapidement, rebroussant chemin vers sa boutique auprès de laquelle son pick-up l’attendait toujours, fulminant d’une rage que rien ne pourrait éteindre avant probablement plusieurs heures.

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Louisiana Burning

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Anonymous
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Lun 13 Sep - 21:22 (#)

dark obsessions
We're all tryna be somebody else
You can't hide your tears in wealth
When your heart knows you hate yourself
It's all pain we felt
Just the way that the card's been dealt


Le marbre de la nuit se lézarde en quelques battements de paupières face à son silence et surtout ce visage fermé qu’il lui offre subitement. Elle sourcille, ne s’attend pas à ce grand calme qui se strie aussi sûrement que le béton d’un barrage avant que l’eau n’en jaillisse, monstre dévastateur. « Qu’est-ce qu’il y a ? Tout va b-… » Interrompue en plein vol, elle se tait, sentant son cœur rater un battement quand la première insulte fuse, sourcillant face à l’aigreur qui suinte brutalement de la langue engoncée dans un accent qui ne peut qu’être d’ici. Figée sur l’asphalte, elle le regarde au travers de ses cheveux embrouillés, ses lèvres s’entrouvrant sur un rire cancéreux, raclant le fond de sa poitrine dans un bruit incrédule alors qu’Eoghan semble être épris subitement d’une rage qu’elle peine à comprendre, le sourire venu plus tôt étant mort quelque part entre une commissure amère et une autre. Il gerbe une salve de mots qui la laissent pantoise, giflée par l’idiotie de son propre geste et par la violence viscérale dont il sait faire preuve. En cet instant, même si l’esprit se voit pris au piège d’un brouillard épais de confusion, elle ne peut douter du fait qu’il soit peut-être bien capable d’être un soldat au cœur de plomb égorgeant n’importe qui sur son passage. Mais au-delà de la virulence qui vibre dans les cordes profondes, comme un instrument dont on désaccorde les fils fragiles, déraillant sur quelques notes, elle entend l’amour pour la ville, le cri de guerre d’un natif. Elle aussi alors, autrefois, aurait pu hurler sur n’importe qui en ses terres sableuses où la chaleur assomme. Comme une touriste inconsciente et dotée d’un égoïsme profond, elle n’a pas réfléchi, elle doit se l’avouer.  

Les yeux se sont depuis longtemps abaissés dans le vide et la mâchoire se tend sous l’émail qui grince à force de serrer les dents, la silhouette tendue sous la nuit des vêtements. Les ongles strient la paume à force de poings serrés alors qu’elle se laisse réprimander, faussement sage, comme une adolescente rétive aux règles face à un adulte à bout de souffle. Ses allers et venus, ses digressions allant dans un sens et un autre, ces « Connasse » fusant comme une chanson qui tambourine aussi vivement que le myocarde aux tendons crispés, elle demeure orpheline de mots face à ce qui vient de se passer, un coup de poing venant contre la tempe, un baiser mortel de l’affreuse réalité à laquelle elle vient de se heurter. Il dégouline d’une rage qui semble vouloir détruire à tout prix, palabres vermeilles écorchées vives par la lame bien affutée d’une langue qui semble bien inspirer pour l’insulter. Le grincement d’une fenêtre à la peinture en lambeaux n’attire qu’à peine son attention et l’intrus fuit, halluciné par le ricochet agressif qu’il se prend. Claquement brutal sonnant comme un cri ulcéré par l’audace du fils de ces terres sur lesquelles elle se fait fusiller, balle après balle, elle ne frémit que d’un battement de paupières, le laissant recracher sa bile jusqu’à la dernière goutte. Affrontant presque trop calmement le regard qui poignarde le sien, elle musèle elle-même tous les crachats qui lui viennent tentant de demeurer plus sage qu’elle ne l’est. L’eau dort et il faut savoir s’en méfier. Gronde quelque chose de semblable au tonnerre qui vient de sombrer sur elle en salves d’éclairs pourfendant sa poitrine et détruite, aliénée à la faveur d’une nuit s’approchant de trop près d’une lune pleine, celle-ci semble lorgner, faussement innocente, le duo qui se déchire et qui n’aurait jamais dû se croiser ni se former.

Le corps s’agrandit d’une inspiration quand il fond sur elle non pas pour la frapper mais la percutant d’une épaule qui pose comme une dernière insulte sur elle. Reculant d’un pas, la tête dodeline à peine, les mèches sombres retombant en voiles ondulant sur le visage qui blêmit de rage alors qu’elle détourne à peine la tête, hésitant à en rester là. Elle sait. Elle se connait trop bien et lâcher les armes avant l’adversaire ne lui a jamais ressemblé, s’attirant les foudres des plus tenaces, finissant dans le sarcophage qui lui servait de chambre fut un temps pour la punir de son insolence. Et désormais, qu’est-ce qui a changé ? Elle est momie sous la peau d’un serpent qui cri à la morsure alors qu’elle se détourne lentement d’une semelle à une autre pour le voir s’éloigner. Un rire l’agite brutalement, semblant folle à lier, ainsi laissée sur le trottoir, unique ombre mouvante, passant une main dans les cheveux qui lui tombent sur le visage alors que la lippe s’élève en un rictus écœuré. C’est à lui alors, sorcier méprisant ce qu’elle n’a jamais demandé à être, qu’elle a donné un bout de son avenir et de son histoire ? Sous la rétine s’inscrit l’image de sa colère noire alors qu’elle fait un premier pas la menant vers le trépas. Foulant le béton d’un pas décidé, elle traverse sans même regarder d’un côté ou d’un autre, respiration saccadée sur un rythme inégale, son sac au bout de ses doigts recourbés, les yeux fixés sur le dos qu’il lui offre et quelle erreur. Une dent mord la chair pour tenter d’apaiser la rage, en vain. Et elle ne prévient de rien, elle, contrairement aux chasseurs qui sillonnaient les longues veines de Shreveport, quand enroule les serpents de lins autour de sa main et lançant son sac comme une arme tranchante contre le dos protégé de cuir. Les clés cliquètent bruyamment et le poids lourds de toutes ses affaires enfermés dedans percutent l’ossature et les muscles, elle l’espère. « Tu penses qu’on a fini ? » jette-t-elle d’une voix profonde, grinçant d’une haine qu’elle ne peut que lui rendre. S’excuser ? Peut-être un jour. Pas ce soir. Pas alors que sous la peau et les eaux cyans, la Bête hurle déjà. « Tu m’craches ta merde à la gueule et tu r’pars comme un amant repu ? Tu t’es pris pour qui, putain ? » La poitrine s’emballe alors qu’elle marche jusqu’à lui, leurs ombres près du pick-up au moteur mutique. Elle espère le voir, qu’il lui fasse face pour qu’elle ait de quoi lui donner d’autres coups, l’impulsivité frissonnant sous la main qui serre trop fort les liens de son sac de fortune. Le dégoût s’affiche ouvertement alors qu’elle secoue la tête « J’ai jamais d’mandé à venir ici et j’ai jamais demandé à être ce que je suis alors la prochaine fois, CONNARD, attaque sur autre chose sur ce qu’ont fait TES semblables, ok ? J’étais humaine et je m’en sortais très bien comme ça ! » Le hurlement lui échappe subitement, un cri du cœur qui pourrait s’étouffer dans les larmes d’un chagrin qu’on ne peut éponger mais rien ne sort. Rien si ce n’est la sécheresse infâme de sa rage immense qu’il a réussit à faire enfler, donnant de quoi se goinfrer à la Bête qui erre et hante les divagations de l’humaine, Et elle ne peut entendre ce qui semble brutalement céder chez elle et mord brutalement la chair d’une gencive. « J’peux comprendre ta rage pour ce que j'viens de faire mais insulte moi encore une fois, juste une fois et je te fous un poing dans la gueule dont tu t’souviendras, si tu peux encore t’relever, évidemment. » Un pas vers lui, un autre encore assez pour que le poing toujours fermé puisse le mordre d’assez près. Le sourire qui s’esquisse ne fait que le moquer, la lueur d’une lune qui achèvera bientôt sa renaissance, posant ses lueurs blafardes sur le visage de la maudite. Un silence s’étend un instant alors même que les rues se sont décidées à se taire. Ils semblent être encore les seuls éveillés dans ce bout de la ville. Et dans le silence, la rouille coule sur la langue et elle cille à peine, poursuivant « J’te crains pas, toi, comme tous les autres. Fut un temps, j’aurais pu être de la milice qu’on vient de croiser. J’aurais pu t’buter si tu t’étais pas si bien caché comme un ver parmi les ordures. Je vous hais pour ce que vous m’avez fait. Je te hais pour avoir l’audace de me regarder de haut, même après ce que j’viens d’te confier, espèce de sale ingrat. » Une pause, un tremblant du corps qui vient, comme un écho, de l’âme mortifiée. « J’ai plus rien à perdre. Rien. Tu sais ce que c’est de ne plus rien avoir à perdre ? Nooon. Toi, t’as ton petit commerce, ta p’tite vie posée, tes amis, tes repères. » Et jusqu’ici, elle ne se rendait pas compte que la jalousie pouvait bouffer à ce point, que la normalité lui manquait aussi profondément. Les lèvres closes, un instant, tremblent alors qu’elle se refuse à le lâcher des yeux, faiblissant peut-être. « Moi aussi, j’voulais… Je-J’voulais… » Un haut-le-corps la surprend et la vue se trouble, la forçant à baisser les yeux sur un point dans le vide, la rouille s’intensifiant sur la langue agitée.

Tue.
Tue-le.
TUE.

MASSACRE.
SAIGNE.
CRÈVE.

Un gémissement plaintif et piteux lui échappe alors qu’elle recule, titubant vers l’arrière, la paume s’accrochant à ce qui vient, l’arrête de l’arrière du pick-up alors que le buste s’épanche face à lui, comme un salut ironique que la Bête la force à esquisser, encaissant une vague de douleur dans les entrailles. La soumission est malvenue mais un long sifflement lui bouche l’ouïe, l’empêchant d’entendre la plainte plus rude et sèche qui lui échappe quand un filet pourpre s’étend hors de ses lèvres entrouvertes, l’émail d’un croc voulant se forge une place dans la chair de ses gencives. La peur, soudaine, l’étreint plus qu’autre chose. « Non, non, non… » Des murmures qu’elle soupire sans le savoir, ses jambes manquant de ne plus la porter totalement, le Taïpan fait de haine, de jalousie et d’envies sulfureuses ne pouvant que vouloir se montrer en cet instant, nécrosant la peau et arrachant un cri de détresse alors qu’un sursaut de conscience la pousse à s’éloigner d’un pas. La cheville se tord sans qu’elle ne sente une quelconque douleur, la laissant tomber sur son séant. L’humiliation est telle qu’elle n’ose regarder l’ombre du sorcier et bientôt, elle n’y pense plus, les ongles raclant bientôt le sol alors qu’elle se détourne vers l’avant, les fils épais de sa chevelure cachant son visage crispé de souffrance, ses lèvres maquillées du sang qui s’écoule alors que tente la Bête tente, par tous les moyens les plus ignobles, de se frayer un chemin sous les os, les muscles, remontant comme un impact de bombe sous les côtes et la gorge. Craintive, elle peine à comprendre ce qu’Elle veut lui dire, ce qu’Elle veut voir naître. Combattant contre les secousses de douleurs qui lui font serrer les dents plus forts encore, elle reste ainsi quelques minutes avant de se souvenir qu’Il est encore là.

« Dégage… » recrache-t-elle dans un balbutiement piteux. Un grognement. Une suffocation. Une tentative d’avancée en rampant. Un échec dans un soupir désemparé. Une seconde avant l’éclat. « DÉGAGE ! » Et elle se détourne brutalement vers lui si vivement que sa nuque craque, lui offrant ses traits en nage où se collent quelques serpentins bruns de ses cheveux sur une joue, lèvre inférieur où le pourpre s’écoule jusque sur le menton. Image pathétique peinte d’horreur, d’humanité brisée et ombragée de monstruosité. C’est un nectar de peur qui s’écoule sous les muscles qui tremblent sous l’effort de la résistance alors qu’elle le supplie d’un regard toujours humain de ne pas l’humilier davantage, la punition pour sa bavure n’ayant pas tardé à venir. Il peut partir sans se détourner, elle ne lui en voudra pas, pas maintenant. Jamais alors, elle n’oserait demander de l’aide. Pas après le sermon véhément qui lui a rappelé ce qu’elle tente d’oublier au jour le jour, pas après le venin qui a coulé de ses propres lèvres aussi sûrement que le sang s’y épanche désormais, sans bruit. Comme si la résignation venait, elle s’épuise sur le ciel gris en détournant lentement la tête pour laisser son nez pointer vers le sol, son sac abandonné à ses côtés en lin froissé, ses épaules tremblants comme si un rire violent venait la secouer, comme si la folie la guettait. Peut-être est-ce vrai.

Et on raconta que la princesse d’émeraude pria.
Pria plus qu’elle ne le pouvait, face contre le sol,
Piégée dans sa position de pythie torturée par les esprits.
Elle pria bien des noms pour que la guerre en elle cesse.

Un soir. Juste un soir.

Assez pour la laisser rentrer sans heurts.
Mais on raconta, encore, que peu importa la force de sa Foi
Rien ne suffit à empêcher ses cris, ses sanglots sans larmes, ses frémissements
Qu’elle demeura dans sa juste position de soumise face à un homme, l’échine courbée.
Qu’elle se souvienne à jamais qu’elle était plus maudite qu’humaine désormais.
  


@Eoghan Underwood — @made by ice and fire. icons by non uccidere.
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ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
Eoghan Underwood
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"This is not the right way."

En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."

⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques.
38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.

⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤

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"I put a spell on you."

Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
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Mar 14 Sep - 3:48 (#)


Maybe it just needed a little push.
La colère lui donnait des ailes.
Débarrassé de la peur insufflée par la Milice, le sorcier marchait vite, remontait les rues à grandes enjambées, se retenant de courir pour ne pas se donner l’allure d’un suspect, ne pas tenter le diable. Le diable, c’était bien cette garou imbécile qu’il avait pénétrée. Il s’en voulait. Non pas pour cette avalanche logorrhéique à son encontre, mais pour avoir cru que passer du temps avec une fille qui n’était pas de sa race pouvait faire pencher cette soirée étrange du bon côté. Il s’était fourvoyé. Maintenant, une menace invisible se balançait au-dessus de sa tête, au gré des courants d’air, prête à lui tomber sur la tronche n’importe quand. Il ne faisait pas chaud cette nuit, et pourtant une sueur froide immonde parasitait son dos et ses tempes, aidée par la vitesse avec laquelle il rebroussait chemin, sans se douter qu’il était suivi. Les rues n’étaient pas beaucoup plus vivantes qu’à l’aller, mais il ressentait moins le poids de cette désertion, alors même que plus personne ne marchait à ses côtés. Le besoin urgent de rentrer, de s’abriter chez lui, de tourner le dos non seulement à la jeune femme mais également à toute vie sociale, tout contact avec l’extérieur, le démangeait comme rarement avant cela. Tout à sa fureur, il plongea la main dans la poche de son jean pour en extirper ses clefs de bagnole, n’entendant qu’au dernier moment les pas précipités enfin rapprochés de sa propre silhouette. Le coup lui arracha une gueulante furieuse, le projetant directement en avant contre son pick-up, et il manqua de se tordre le poignet en se raccrochant au bord de la plateforme. Un juron éclata dans l’air tandis qu’il se retourna, découvrant le visage déformé par une rage jumelle d’Astaad. Qu’elle ait osé le poursuivre jusque devant son commerce dénotait non seulement d’un manque d’intelligence persistant, mais d’une volonté de provoquer et de chercher les emmerdes à un point qu’il n’imaginait guère possible. Il crut qu’ils en viendraient aux mains. Il était prêt à lui décrocher une gifle magistrale, tout en redoutant d’affronter une créature pouvant le surpasser en force. La douleur qu’il éprouvait dans les reins et au niveau de son articulation en était une preuve détestable : elle était puissante. Peut-être même plus que lui, sur le simple plan de la robustesse physique. Ce rapport de force déséquilibré l’effrayait sans qu’il ne cherche toutefois à tourner les talons au premier abord. Maintes et maintes fois il s’était battu, à tout âge, affrontant des adversaires faisant parfois deux fois sa taille. Gamin, tel un chaton furieux face à un rottweiler, ou adulte, seul contre quatre ou cinq armoires à glace, il n’envisageait la fuite que lorsque toute autre potentialité se voyait écartée. Ce qui n’était pas le cas avec elle. Pas encore. Remonté comme un cobra à la collerette déployée, il s’attendait à une rebuffade telle que celle-là. Simplement, pas maintenant. Astaad faisait preuve d’une ténacité vissée à un tempérament volcanique, mais qu’il n’était pas d’humeur à affronter maintenant. L’heure des joutes verbales était passée depuis longtemps. Il n’était pas armé pour une fois, et ne tenait heureusement pas à l’être. Il userait de ses poings s’il le fallait, dans une posture tendue, marquée par l’envie d’en découdre si elle osait franchir la ligne rouge entre eux deux. La comparaison étrange avec l’amant enfui trop vite manqua presque de briser son armure tant il fut surpris de cette image incongrue. Il secoua la tête, atterré et agacé, mais par-dessus tout avide qu’elle finisse de cracher son venin revanchard. Juste pour pouvoir grimper dans sa putain de Ford et rentrer chez lui. L’oublier, jusqu’à la prochaine fois qui la verrait se pointer sous son nez, lorsque l’envie lui en prendrait. On n’échappait jamais totalement à ce genre de femmes versatiles. Les revers qu’elle subissait d’autant plus à cause de la malédiction qui lui collait à la peau ne devait pas l’aider à trouver un équilibre plus stable. Cependant, ce n’était pas son problème. Elle venait de lui coller une potentielle cible sur le front, avait manqué de mettre sa vie en danger, à vouloir jouer les héroïnes. Ce n’était plus son problème. Il n’y aurait pas de pardon à cela.

Il aurait voulu lui balancer quelques horreurs de plus. Qu’elle ne s’en sortait visiblement pas si bien que ça, sous forme humaine, déjà. Qu’il n’avait ensuite pas à prendre pour tous les arcanistes de l’humanité qui envoyaient des mauvais sorts à leurs Némésis comme on envoyait un majeur dressé dans un rétro à la bagnole devant soi. Ce n’était pas sa faute à lui, si elle était polluée par une magie retorse et animale. Ses hurlements ne lui donnèrent pas envie de surenchérir pour autant, même s’il demeurait insensible à ses menaces. Il devina qu’entre les cris, quelque chose d’inhumain dansait, déjà à l’œuvre. Soudain attentif, ce ne fut plus seulement l’homme qui se dressait devant elle, mais bel et bien l’Éveillé lucide et croyant entendre autre chose que la frustration de l’Égyptienne. Il vit le sang. Le sang tâchait la commissure de cette bouche pleine et vociférante. Il le fascina et l’horrifia autant que les propos révélateurs, confession hideuse faite au pire moment.

Fut un temps, j’aurais pu être de la milice qu’on vient de croiser. J’aurais pu t’buter si tu t’étais pas si bien caché comme un ver parmi les ordures.

La violence de la déclaration toucha juste. Elle agita les déclencheurs si nombreux, en lui, disséminés au fil des ans par Sylia Mulligan, descendante des persécutées, ne fuyant pas uniquement la famine et les brimades britanniques. De telles paroles provenant d’une étrangère comme elle avaient de quoi provoquer une décharge électrique telle qu’elle en tua une part de son agressivité. Il se revit, jeune et cogné, moqué et craint pour ce qu’ils étaient, sa mère et lui, ou du moins ce qu’on se plaisait à en dire sans parvenir à y croire tout à fait. La nuit, certains regards et une aura pourtant invisible aux yeux des cowans maintenaient leur méfiance alerte. Ça ne s’arrêterait jamais. Même ceux qui étaient prêts à se prosterner auprès des sorciers pour détisser les maux surnaturels les affligeant étaient toujours pétris de cette haine, cette bonne vieille haine à leur endroit. Une pluie de frissons s’abattit sur lui, et il se sentit soudainement faible, sous le choc de cette intolérance qu’elle n’avait visiblement guère à lui envier. Il se représentait le tableau sans mal. Une arme automatique dans les bras, balançant un flot de balles sur les murs de sa baraque, de sa bagnole, de sa vitrine. Cette image, même projetée, lui fit presque autant d'effet que si l’illusion était devenue réelle. Et pendant tout ce temps, il n’avait cessé de la fixer droit dans les yeux. Il voulait voir le Mal en face. Cette forme de Mal, dissimulée dans une enveloppe toute en courbes, en rondeurs et en voiles séducteurs qu’elle avait essayé de déposer tout autour de lui.
Il se sentit proche de Yago, tout d’un coup. Il se souvint de l’empathie et de la solidarité qui l’avaient uni non seulement à Johanna, mais à tous ceux de la communauté noire qu’il fréquentait, dans le temps. Avant qu’il ne se parjure. S’il avait pu maudire Astaad Sayegh, il l’aurait fait encore. Il lui aurait fait amèrement regretter ce qu’elle estimait probablement être un retour justifié, légitime. Folle. Folle de ne pas saisir la dangerosité de tels propos.

Il aurait pu croire que toute l’énergie vengeresse accumulée autour de lui, la même que celle qui avait bousillée une bonne partie de Shreveport, s’était amassée au point de se jeter sur le corps de la change-forme, exactement comme les esprits avaient assassiné, sur son ordre, l’un des miliciens venus dézinguer du CESS dans le Mall en octobre. Elle s’était mise à gémir. À souffrir. Le sang s’écoula, plus perceptible. La Bête était là. Pétri d’émotions multiples, il ne sut dire celle qui prédominait au-dessus de toutes les autres. Entre cette même attirance malsaine pour cette torsion visiblement douloureuse, ce plaisir vicieux de la voir souffrir et la pitié qui le taraudait toujours, accompagnée du soulagement de ne pas être comme elle. Il ne s’approcha que d’un pas. À la fois pour mieux la voir, mais surtout en réaction à la chute d’Astaad, réveillant là encore des sentiments paradoxaux. Elle ne pouvait pas se transformer à même le boulevard, en plein Downtown. Une part de lui savait qu’il ne pouvait pas la laisser là. Qu’il devrait la protéger en une forme de soutien qu’il ne s’expliquait pas, pour ne pas la livrer à la nuit froide, ni au danger des patrouilles qui s’attarderaient dans le secteur.

Il n’eut même pas à peser le pour et le contre.

« DÉGAGE ! »

Il la toisa de toute sa hauteur, toute compassion brutalement arrachée. Son omoplate douloureuse, le bout de ses doigts échauffé de magie défensive, son souffle haletant et ses maxillaires contractés révélaient par trop bien l’impasse dans laquelle ils se trouvaient. Il ne servait à rien de rester là. Il aurait pu lui offrir une ultime salve. Il aurait même pu cracher près d’elle en guise d'insulte finale. Il n’en fit rien. Il ne sourit même pas, les épaules subitement écrasées par le poids d’une fatalité trop lourde pour lui. La haine. L’abomination. Les guerres intestines déchirant les races entre elles, n’ayant même pas besoin des chasseurs et des tueurs de leur espèce pour réduire leur population. La Révélation n’avait fait que mettre le feu aux poudres, mais d’autres brasiers brûlaient déjà, bien avant cela. Il n’éteindrait pas celui-ci, ce soir. Il recula, tant par humilité que par la volonté de s’extraire de cette atmosphère nocive. Il ne pouvait rien faire pour elle. Il bondit dans la cabine de son pick-up sans s’attarder outre mesure et démarra le moteur. Les roues pivotèrent brutalement pour rejoindre la chaussée, et il appuya avec véhémence contre l’accélérateur. Il avait hâte de rejoindre Stoner Hill, protégé au sein de l'habitacle, cette fois. Il s’empêcha de jeter un coup d’œil en arrière. Il ne voulait pas voir ce qu’il n’imaginait que trop bien. Il ne voulait pas la voir à même le sol comme la maudite qu’elle était, livrée à elle-même. Eoghan savait que cette vision l’aurait hanté pendant des lustres.

Quant à ses doigts roides sur le cuir, ils restèrent crantés au volant longtemps.
Bien longtemps après qu’il se soit arrêté devant son immeuble de Dalzell Street.

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