Il vous faudra faire preuve d'encore un peu de patience avant un redoux, qui ne devrait se présenter sur la ville que dans l'après-midi. D’ici là, de nombreuses précipitations sont à prévoir, ainsi qu’une baisse des températures. Nous attendons au plus chaud de la journée 57.2°F*, tandis que la nuit, il ne fera que quelques 50°F**.
Tu éteins le poste radio, recroquevillée sur ton canapé, le regard perdu vers la fenêtre, sur laquelle tambourine doucement les pluies attendues. Le gris du ciel ne permet presque pas de déterminer où s’arrête la tour de l’autre côté de la chaussée. Tu n’aimes pas beaucoup la pluie. Dans le désert, la pluie signifiait de graves problèmes. Tu n’as jamais réussi à te débarrasser de cette croyance. Cela ne t’as pas empêché de dormir, mais cela a éveillé en toi quelques souvenirs. Ta tête repose sur tes genoux, un sourire presque effacé. C’est dans ces moments que tu réalises à quel point ils te manquent, tous.
Tu murmures cette chanson, dont tu as usé le disque jusqu’à ne plus pouvoir rien en faire, à devoir remplacer le diamant du tourne-disque. Un vinyle chiné dans une brocante dans le marais parisien. Les mots t’échappent, chantés d’une voix presque inaudible, à l’attention de ceux qui n’entendent plus, qui te regardent de là où ils sont désormais.
Parlez-moi d'amour Redites-moi des choses tendres Votre beau discours Mon cœur n'est pas las de l'entendre Pourvu que toujours Vous répétiez ces mots suprêmes Je vous aime
Les mots se perdent dans l’espace autour de toi, à la lueur du plafonnier évasé en métal sombre. Les poutres IPN sont peintes du même blanc que le plafond, que les tuyaux, qui serpentent les murs, une tentative désespérée de les dissimuler. Tu as tout repeint en arrivant, nettoyant, récurrent, t’appropriant les lieux. Le parquet du sol est lustré, à la force de tes bras également. Abimé, tordu par endroit, marqué par la vie, comme ceux qui ont foulé les lieux avant toi, comme ceux qui le fouleront par la suite. L’entrée s’ouvre directement sur ce salon, que tu as meublé très sobrement. Un meuble moyen, d’un bois clair un peu pâle, trois tiroirs, trois petites portes en-dessous, qui te sers de vaisselier, de fourre-tout. Un meuble presque vide, décoré de nombreuses photographies, les vrais trésors de cette pièce.
On y voit les photographies de tes parents, le seul réel souvenir que tu aies d’eux, parvenu à rebours, comme un salut du passé. A côté des deux polaroïds, une photo abimé, de ton unité, dans cette tenue kaki que tu n’as jamais supportée, mais nécessaire. Quelques-unes moins formelles, avec Saïd, le vieux sage, et les jumeaux. Une où Faustine et toi, vous dansez, riant. Tu te souviens bien de cette soirée, dont tu chéris régulièrement le souvenir. Il y a aussi ces photos de ta tante et de toi, ce fameux premier « selfie », toi en premier plan, elle au second, surprise, mangeant une gauffre, Marseille en arrière-plan.
Au centre de la pièce, un grand tapis rectangulaire, aux motifs abstraits, qui t’ont rappelé les dunes désertiques, ses variances de rouge et d’orange, de jaune et de bleu. Les couleurs sont passées, certes, et certains endroits portent les marques de pieds de la table qui reposait jadis par-dessus. Mais tu t’en moques, tu aimes ce passé qui jailli de chaque meuble, de chaque habit. Du tapis, on passe à ce canapé dont tu t’en entichée, une vieillerie de plus, au tissu ocre, et aux coussins bleus. Les plaids s’entremêlent sur celui-ci, utilisé chaque soir et chaque matin, te dissimulant dans leur douceur.
Le tapis n’est pas épargné d’une petite table, aux pieds et l’encadrure d’un fer sombre et ouvragé. Le bois sombre de la plaque est épais, solide. Il est taché, par le vin, par les traces des casseroles brulantes posées à même le bois. Eparse par-dessus, nous trouvons des revues d’histoire, les dernières avancées, les études en cours. Ta lecture du moment, un recueil de poésie, d’un célèbre français, vagabond, comme toi.
L’ordinateur, probablement ta seule possession quelque peu onéreuse, traine paresseusement sous les coussins, les écouteurs emmêlés par-dessus. Entre les deux fenêtres, un plus petit meuble, du même ton que le premier, sur lequel tu as dressé ton lieu de culte, simple au possible. La Foi n’a pas besoin d’être grandiloquente, disait toujours Saïd. Elle est discrète, mais toujours là, dans nos cœurs.
Sous la fenêtre de droite, une petite table ronde, et deux chaises, l’une recouverte de tes pulls fétiches, qui se sont installés là, à portée de main. Les chaises sont d’un bois simple, pliante d’origine, de ce style que l’on trouve sur les bords de la Méditerranée dans ces vieux films dont ta tante te bassinait. La table est du même acabit, l’ensemble glané pour quelques malheureux dollars. Une cruche en terre cuite, aux peintures blanche et verte, toujours pleine d’une eau fraîche.
Sur les murs, des cartes, anciennes, d’Europe et du Moyen-Orient. Des trésors que ta tante t’a envoyé sur ta demande. A l’opposé des fenêtres, tes plantes, dont tu t’occupes avec beaucoup de patience. Les feuilles se mêlent des teintes rougeâtres de ton dracaena aux points blancs des fleurs de ton jasmin dans un véritable fouillis de teinte verte. Juste à côté, un tourne-disque, posé à même le sol, les vinyles distribués dans un capharnaüm de style. Beaucoup de rap, quand tu en trouves dans les occasions, et puis de tout, de ce que tu trouves, ça et là dans les échoppes d'occasion, du jazz cubain aux saveurs de la country américaine, des balades françaises au rock anglais. Finalement, une petite bibliothèque, où se baladent tes quelques livres, usagés, recueillis ça et là. Tu en gardes finalement très peu, tu les redonnes après, afin que d’autres profitent des histoires qu’ils contiennent.
D’une porte, sur la droite, au-delà de la table, il y a cette petite cuisine, à peine ordonnée, minuscule mais suffisante. Le petit réfrigérateur émet un ronronnement tendre, tandis que la gazinière ne cliquète que lorsqu’elle est allumée, comme en ce moment, faisant chauffer l’eau pour le thé qui se prépare dans une bouilloire. Au-dessus de ces feux, un petit placard, dont les saveurs parviennent à s’échapper même la porte close. Les épices, tu les as cherchés, longuement, à travers la ville. Au mur, une affiche du vieux Gabin, du gueulard de Ventura, avec ce titre fétiche « Touchez pas au grisbi. »
Le sifflement de la théière t’arrache à ta rêverie, et tu remarques que dans le ciel, les nuages se sont dissipés, suffisamment pour que tu devines le bleu du firmament. Ton sourire, presque éteint, s’élargit à nouveau. En te levant, tu émets une pensée envers le Tout-Miséricordieux, le remerciant pour cette journée calme, pour avoir pu croiser la jeune Anaïs.
Tu ne t’en rends pas compte, mais ton appartement à cette senteur unique, de l’orient, de l’occident, mêlés sans préjugé, une vision optimiste d’un monde auquel peu de personnes ne croient. Un vertige au-dessus de la mer, l’ombre d’un oasis au milieu du désert, une marche à travers les villes chargées d’histoire, un vent du Sud qui tord les pins secs, les cigales chantantes. Chaque recoin de cet appartement, tu te l’es approprié, comme tu t’appropries le regard des autres, comme tu attires les sourires. Un havre de paix, troublé parfois et uniquement par les pas lourds du voisin du dessus, que tu ne peux blâmer à la vue de l’épaisseur du sol.
Voilà plusieurs fois, tu ne te rappelles pas exactement votre première rencontre, que vous vous croisiez, que tu la saluais de la tête, d’un simple bonjour. Puis, Fadia étant Fadia, tu as engagé la discussion, quelques mots d’abords, sur le temps, lui souhaitant de passer une bonne journée, lui tenant la porte pour qu’elle rentre. Tu ne sais pas exactement où elle habite. Dans la tour, c’est certain, mais tu ignores le reste.
Tu coupes l’arrivée de gaz, prépare un petit peu de chaï noomi basra, cette infusion emblématique au citron vert séché et au miel. Tu sais qu’il peut être particulier pour les palais non préparés, alors tu prépares également de l’istikan, remettant ton eau à bouillir, en casserole, complétement l’eau avec une quantité certaine de sucre.
Ce matin, pendant une accalmie d’une averse, tu es tombée sur la petite Anaïs, et, peut-être à cause de la pluie, tu lui proposas de venir passer l’après-midi avec toi. Prise par surprise, elle accepta cependant ton invitation, pour ton plus grand plaisir. L’éclairci vient réchauffer ton dos, à travers le pull épais que tu portes. La voisine ne devrait plus tarder. Tu quittes la cuisine vers la salle de bain, passant une main dans tes cheveux pour les attacher d'une grosse pince noire. Puis tu marches à pas feutrées jusqu’à ta chambre, enfilant une paire de chaussette.
C’est depuis la gauche de ta pièce à vivre, un tout petit couloir, qui s’ouvre sur deux portes. Une salle de bain, plus petite encore que la cuisine, dans laquelle on trouve également les toilettes. Une petite vitre, au-dessus du lavabo. Une panière d’osier sur lesquels trainent tes frusques sales, le sèche-cheveux. Quelques tubes se battent en duel, tu n’as jamais été très coquette, du moins, tu ne l’es plus depuis longtemps. Un fare à paupière, un eyeliner, un rouge à lèvre « et puis basta », comme tu le dis si bien. Sans oublier le nécessaire à la toilette, cela va sans dire, le matériel de voyage a été remplacé, d'une joie douce-amère, par celui de sédentaire, comme en atteste le pot avec cette brosse à dent et son dentifrice Cette salle de bain, aux carreaux bleus et blancs, sent la Provence, la lavande et le thym, les épines et la pomme de pin. Ces odeurs suivent dans la chambre qui lui fait face, une simple commode, rangée de tes quelques possessions vestimentaires, plus utilitaires et confortable qu’autre chose. Trois paires de chaussures qui trainent au pieds de celle-ci, puis ton lit, couvert de plaids, d’une laine épaisse et molletonneuse.
Un appartement dont tu es fière, après ton arrivée dans cette ville sans rien d’autre qu’une valise. En train d’enfiler une chaussette, tu trébuches en voulant te précipiter vers la porte, où tu es persuadée que tu viens d’entre toquer.
« Entre ! Entre ! »
*14°C **10°C
CODAGE PAR AMIANTE
Anaïs Wilhm
Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
A SONG OF BLOOD
En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
*Jeune fille de dix-neuf ans attentionnée envers son grognon de père de substitution, Zach Solfarelli, qui essaie tant bien que mal de surveiller cet aimant à ennui qu'est sa protégée. Recueil de souvenirs de son père, rôle qu'elle remplit avec acharnement, voulant créer autant de souvenirs que possible pour le garder près d'elle à tout prix, terrifiée à l'idée d'être à nouveau abandonnée. Elle vit avec lui dans un appartement des Kingston building.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
Tu as le bonjour de ma mère au fait ! Elle demande si sa future belle-fille voudrait venir passer un week-end à la maison. Apparemment notre famille ne lui suffit plus !
Un léger rire m’échappe en voyant la grimace que me lance Rica à travers la Visio de mon téléphone tandis que la voix de sa mère retentit derrière elle et attire son regard, les deux se chamaillant gentiment pendant que je termine d’emballer les cookies tout juste sortis du mini-four, sentant la légère odeur embaumer l’appartement bien vide malgré la légère rumeur musicale s’échappant de la petite chaîne stéréo posée sur le comptoir. Un coude posé sur le plan de travail , le menton dans la main, j‘observe avec tendresse Rica rire de bon cœur avec sa mère avant de revenir terminer la conversation sur une note légère qui rend mon cœur léger et mon sourire plus facile alors même que mon esprit manque de partir à la dérive si je ne fais pas attention. Elle lorgne sur les biscuits un instant, un air interrogatif et envieux sur le visage. Je roule des yeux en secouant la tête.
- Oui, oui, je t’en ferai en venant ce week-end, contente ?
Très ! Tu seras dûment récompensée.
Son haussement de sourcils suggestif et son sourire en coin m’arrachent un éclat de rire et je lui souffle un baiser avant de couper la communication sur son clin d’œil et son souhait que je passe un bon moment. Le silence s'installe et je fixe un instant le plat de cookies, figée sans raison et me secoue pour me préparer. L’une des occupantes de notre immeuble m’a invitée à prendre un thé chez elle. Juste comme ça, sans raison particulière et, malgré ma surprise et ma légère réticence au début, j’ai fini par dire oui face à son sourire bienveillant. Fadia. Je la croisais, çà et là en partant ou revenant à l’appartement. Toujours un bonjour ou un signe de tête accompagné d’un sourire si franc et rayonnant qu’il était impossible de ne pas lui répondre avec sincérité, même si le sourire n’était pas forcément au rendez-vous. Parfois on échangeait quelques mots et sa voix avait un timbre si apaisant que même parler du beau temps avait quelque chose de relaxant.
C’était une inconnue, Fadia. Pas une enfant du pays selon certains qui pouvaient la regarder de travers sans voir au-delà d’un simple teint plus halé. Louisiane, terre d’intolérance. Je n’avais pas ce genre de pensées. Elle semblait gentille et abordable et peu m’importais le reste à vrai dire. Alors lorsque, en rentrant de petites courses, je l’avais croisé dans le hall, on avait un peu papoté. Trois fois rien à vrai dire, comme à chaque fois, mais la proposition était sortie et je n’avais pas eu le cœur de refuser. Une après-midi comme celle-là allait me changer agréablement. Comme pour m’inviter à en profiter, le ciel couvert se met à s’éclaircir, laissant le soleil, grand absent des derniers jours, irradier sa douce lumière et je termine de me préparer, dénouant mes cheveux avant d’enfiler ballerines et ce léger pull coloré qui me faisait de l’œil au magasin de fringues. Plat dans une main, clés dans la bouche, je gratifie les boules de poils de grattouilles avant de filer dans le couloir. Il ne faut pas longtemps pour rejoindre son appartement. Je frappe à la porte et est accueillie aussitôt par l’autorisation d’entrer alors que la porte s’ouvre sur le visage devenu plus familier au fil du temps. Je lui tends le plat recouvert d’un linge, une fois entrée et la porte refermée.
- J’ai fait des cookies aux noix de pécan et chocolat. Recette familiale.
L’entrée mène directement sur un petit salon au parquet ayant autant vécu que le nôtre mais aux murs à la peinture bien plus récente. Mes yeux observent un instant le décor nouveau. Les photographies que lesquelles je ne m’attarde pas, ne voulant pas entrer dans sa vie privée. J’aperçois l’imposant tapis coloré aux motifs chaleureux tandis que je renifle une senteur agréable. Inconnue mais ressemblant à un mélange d’épice et d’un parfum que je n’identifie pas malgré mes recherches alors que je fouille le reste des yeux. Du canapé ocre avec ses étonnants coussins bleus à la chaise recouverte de pulls qui m’ont l’air divinement confortables. Contrairement à chez nous, il y a davantage de portes, comme pour la cuisine que je peux apercevoir brièvement. Tout ça semble chaleureux et accueillant. C’est décoré pour lui ressembler, selon moi. On dirait une sorte de nid duquel on ne voudrait jamais sortir et simplement rester là à profiter d’une tasse de boisson chaude. Rien à voir avec la décoration sommaire de notre appartement, mais les comparer n’a pas de sens et le nôtre a d’autres avantages.
- J’aime beaucoup la déco. On ne se croirait pas dans le même immeuble.
À quelques détails près comme le gris terne des bâtiments que l’on aperçoit par les fenêtres ou les tuyaux et poutres apparentes, à peine masqués par la peinture. Un peu intimidée de pénétrer ainsi dans un lieu nouveau malgré l’invitation de la propriétaire, je me contente de suivre les pas de cette dernière, sentant rapidement l’odeur caractéristique de l’eau chaude d’un thé en préparation, ainsi que d’autres senteurs que je ne parviens pas à identifier provenant de la théière qui fume légèrement. Je hume le parfum, intriguée, sans mettre un simple nom sur ce que je sens, incapable de reconnaître le mélange qui attise mes sens et mes questions que je garde muselées pour le moment. À vrai dire je ne sais pas trop pourquoi elle a spontanément décidé de m’inviter ainsi chez elle. J’en sais bien peu sur elle. Ce qu’elle fait, ce qu’elle aime, ni même son nom de famille que je n’ai pas pensé à regarder sur la sonnette en arrivant, ayant stupidement décidé de frapper à la porte.
- C’est… C’est gentil de m’avoir invité. Il y a une raison ? On n’est pas.. ‘fin On ne se connaît pas vraiment, alors je me demandais…
C’est un peu tard pour avoir une quelconque once de méfiance maintenant. J’ai accepté très vite, peut-être trop, mais je n’arrive pas à me sentir mal à l’aise en sa présence. C’est difficile de décrire cela. Comme si je savais instinctivement qu’elle était digne de confiance, qu’on pouvait s’entendre et que je ne risquais rien. Stupide de penser ça après tout ce qui est arrivé, après toute la souffrance la peur et la colère qui ont élu domicile dans mes pensées et mon corps depuis deux ans. Je repousse ces pensées en m’enfonçant violemment les ongles dans la paume de ma main cachée dans mon dos, la douleur me permettant de garder l’esprit plus clair, focalisé sur le présent et non pas sur les pensées noircies par le sang, la mort et l’horreur. Respire Anaïs, tu ne crains rien. Et je la crois, cette petite voix intérieure. Je ne sais pas pourquoi, mais la certitude d’être au calme et sauve prend le dessus sur le reste et je relâche doucement la tension qui avait jailli, détendant mes épaules que je ne pensais pas avoir crispé.
Tu manques de trébucher et te redresse rapidement quand la porte s’ouvre doucement, laissant pénétrer dans l’appartement la jeune voisine. Tu ne sais pas si elle a vu ta cabriole, mais cela ne t’empêche pas d’arborer ce sourire qui t’es coutumier. Tu n’as jamais reçu personne ici. C’est peut-être pour ça que tu as saisi l’occasion en croisant Anaïs ce matin. La simple envie de partager un moment calme, un moment d’échange. Tu lui fais un petit signe de tête et attrape des deux mains le plat qu’elle te tend. Un regard gourmand quand elle t’annonce avoir préparé des cookies.
« J’ai hâte d’y goûter, mais je ne promets pas d’en laisser un seul ! Surtout si c’est une recette familiale ! » Tu ries doucement, tandis que ton accent accompagne ta voix chantante. Laissant le linge dessus, tu les déposes sur la table basse, poussant les revues et les feuilles volantes. « Ne fait pas attention au désordre, j’ai toujours été terriblement mauvaise pour ranger. »
Tu sens que la petite n’est pas spécialement à l’aise. C’est normal, penses-tu, elle découvre ; tu es exactement pareil quand tu découvres un nouvel endroit. Il faut le temps que tu t’imprègnes des lieux, que tu cernes ce qu’il t’est possible ou pas de faire.
« Je t’en prie, fait comme chez toi. » Ton sourire ne disparaît pas, tandis que tu te redresses, t’essuyant les mains par réflexe sur les hanches. Un geste hérité de ta tante, accompagnée de son fidèle tablier, tandis qu’elle te regardait, du haut de tes huit ans, ruiner ses plats en soupirant que tu ne serais jamais une bonne cuisinière.
Tu repars vers la cuisine, pour finir de préparer ce qu’il faut pour le thé. Les tasses ne sont pas assorties pour deux sous, chinées sur un vide-maison dans une petite ville à l’extrémité de la ville, quasiment en campagne. L’une, aux allures de fanfare, représente le drapeau américain, délavé, une tasse qui a dû être beaucoup utilisée. L’autre, à peine plus simple, est recouverte de fleurs de différentes couleurs.
« Oh, merci. » Réponds-tu depuis la cuisine à la remarque de ton invité. « Ça n’a pas été facile, mais je suis contente du résultat. Quand je suis arrivée, il n’y avait rien ! » Tu amènes les tasses que tu déposes sur la table, et juste à côté, un petit torchon plié, sur lequel tu déposes la théière contenant le chaï noomi basra, en attendant que le second thé soit prêt.
Le regard de l’adolescente parcourt la pièce, pleine de curiosité. Tu peux la voir se retenir de poser ses questions. Cette timidité t’amuse, comme un baume au cœur. Dans son regard, l’envie de savoir, sans une once de préjugé. Tu ne l’as pas mal jugé, du peu que vous vous êtes croisée : cette gamine a un bon fond, quelque soit son histoire, qui la pousse à se renfermer comme elle se renferme, à réprimer les questions. C’est l’instant que la théière choisit pour se remettre à utiliser son strident sifflet.
« Oh mince ! Attends ! » Sans t’en rendre compte, dans la précipitation, tu parles en français, d’un mouvement de la main en direction d’Anaïs, pour lui indiquer de ne pas bouger, comme si elle risquait de prendre la fuite pendant que tu t’occupes du thé sucré, l’istikan.
Tandis que tu retires la théière de la gazinière, un torchon épais pour tenir l’anse, tu tournes la tête en direction du salon, depuis lequel te viens la question de la voisine. Surprise, tu arques les sourcils. Parfois, tu oublies que tout le monde n’est pas comme toi. Tu as grandi la porte ouverte, accueillant sans attendre rien en retour, en étant accueillie sans avoir rien demandée. Peut-être, en voyant Anaïs, tu t’es surprise à penser à Marseille et à ta jeunesse, à vouloir adoucir la vie de cette étudiante, dont le visage te semble parfois si maussade.
« Il faut une raison pour boire du thé ? » Tu parles doucement, d’un ton interrogateur amusé. La théière entre les mains, tu viens lui faire une place sur le torchon déjà présent sur la petite table. « Là où j’ai grandi, on n’a pas besoin de raisons pour inviter quelqu’un, si ce n’est de bien aimer sa compagnie. » Tu te redresses, les mains sur les hanches, une véritable copie maigrichonne de ta tante. Un sourire aussi large que ton visage, tu te tournes vers Anaïs. « Alors je suppose que c’est ça ma raison. » Faisant mine de lui confier un secret, tu te penches vers elle, la main sur le coin des lèvres « et aussi, mes plantes en peuvent pu de m’écouter parler, elles voulaient voir une autre tête. » Un clin d’œil, et tu prends place dans le canapé, dans ton coin favori, déposant par la même occasion l’ordinateur sur le sol, invitant ton hôte à prendre place à tes côtés.
« Je suppose que tu n’as jamais bu ni d’istikan ni de chaï noomi basra. Le premier, c’est celui-là, c’est du thé noir très sucré. L’autre, c’est une tisane à base de citron vert bouilli dans de l’eau salé et de miel. C’est très amer, alors comme je ne savais pas ce que tu aimais, je t’ai fait des deux. » Tu attends qu’elle décide pour servir, sans la presser. Les jambes recroquevillés avec toi sur le canapé, tu guettes de plus en plus les cookies, dont l’odeur te donne de plus en plus envie.
CODAGE PAR AMIANTE
Anaïs Wilhm
Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
A SONG OF BLOOD
En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
*Jeune fille de dix-neuf ans attentionnée envers son grognon de père de substitution, Zach Solfarelli, qui essaie tant bien que mal de surveiller cet aimant à ennui qu'est sa protégée. Recueil de souvenirs de son père, rôle qu'elle remplit avec acharnement, voulant créer autant de souvenirs que possible pour le garder près d'elle à tout prix, terrifiée à l'idée d'être à nouveau abandonnée. Elle vit avec lui dans un appartement des Kingston building.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
Je ne peux empêcher mes yeux de fouiller les lieux du regard, intriguée. C’est si coloré et doux que la sensation d’être dans une oasis de calme bariolé au milieu de ce désert de gris. Une sensation agréable que l’occupante des lieux accentue à sa manière en parlant de cette voix aux accents chantants. Je me retrouve au milieu du salon sans même m’en rendre compte tandis qu’elle vadrouille vers sa cuisine d’où s’échappe les senteurs parfumées de ce qui est en train de bouillir et qui va accompagner les cookies qui ont eu l’air de la faire saliver. Je n’ose pas trop m’asseoir, parce que je ne sais pas vraiment où m’installer. Elle m’a bien dit de faire comme chez moi, mais je ne me sens jamais suffisamment à l’aise quand je rentre chez quelqu’un pour faire ça. Faute de mieux, je fais au moins en sorte de ne pas gêner ses allées et venues. Les cookies sont déjà sur la table quand elle ramène les tasses et la théière fumante aux odeurs sucrées. Je n’ai aucune idée du genre de thé qu’elle a pu préparer, je ne m’y connais pas suffisamment malgré le fait que j’en boive énormément ces temps-ci. Sumire m’en a fait découvrir quelques-uns, ma curiosité a fait le reste et les boites de thé commencent à s’accumuler dans le placard, du plus simple thé à la vanille au thé au poivre et au nougat. Ça a tendance à me détendre, ces infusions. Je regarde une nouvelle fois Fadia filer vers la cuisine en se précipitant vers le son sifflant d’une autre théière. Combien de thé a-t-elle prévu exactement ? Cela m’arrache un sourire en voyant l’occupante si pressée.
La plupart des voisins se contentent d’un salut de loin, voire ne disent même pas bonjour, mais Fadia a toujours cette espèce d’aura qui donne envie de lui répondre ou de lui rendre son sourire, peu importe l’heure de la journée où l’état dans lequel on est lorsqu’on la croise. Je pouvais être lessivée après une nuit trop courte et une journée d’enfer à l’université et me ficher royalement des autres, mais c’était impossible de ne pas lui rendre ce simple geste de la main ou ce sourire. Je ne savais pas pourquoi. Peut-être parce que je sentais que ce n’était pas juste par politesse, mais parce qu’elle était sincère et que c’était juste sa façon d’être. Je la suis du regard quand elle s’engouffre dans la cuisine et fait cesser le sifflement strident. Il m’a bien semblé l’avoir entendu parler français pour me demander de l’attendre. Craint-elle que je ne saute par la fenêtre si elle a le dos tourné ?
Alors quand je lui demande pourquoi elle m’a invité, sa réponse ne me surprend pas tant que ça. Je ne sais pas trop quoi répondre, à vrai dire. Est-ce que j’apprécie sa compagnie ? Oui, sans doute. Est-ce que je l’aurai invité chez moi ? Probablement pas. Pourquoi ? Je me pose encore la question quand elle affirme qu’elle n’a pas besoin d’une autre raison. Peut-être que les deux dernières années m’ont rendue trop méfiante, peut-être que je considère l’appartement comme un refuge sûr et que laisser une presqu’inconnue y entrer c’est au-delà de mes forces. Peut-être que je me prends trop la tête, tout simplement. Je fixe un instant les plantes dont elle parle, laisse échapper un léger rire face à son expression et son clin d’œil. De quoi ai-je peur exactement ? Je deviens simplement parano. J’inspire et prend place à ses côtés, observant les thés qu’elle nomme en expliquant ce qu’ils sont. J’hésite un peu.
- Je dirai le chaï…. Le deuxième. Si c’est trop amer je compenserai avec le premier. En tout cas ils sentent bon. Et tu as le droit de manger les cookies, ils sont là pour ça.
Si je ne bois pas de café, c’est que l’amertume a tendance à me repousser quand il s’agit de boisson. Je peux manger les choses les plus amères ou acides qui soient, mais en termes de boisson, le sucré a une place prédominante sur tout le reste, raison pour laquelle j’en suis encore à boire du chocolat et à me faire charrier à ce propos par à peu près tout le monde. Le thé c’est le maximum d’amertume que je puisse supporter, à condition d’y ajouter du sucre, du sirop d’érable ou du miel.
- Là où j’ai grandi on m’a surtout appris à ne pas accepter d’invitations d’inconnus. J’étais surprise par ton invitation.
Mais je ne l’ai pas refusé. Je ne sais même pas vraiment pourquoi. Je dois en avoir marre de regarder par-dessus mon épaule en permanence, de me demander si ce type qui me regarde me veut du mal où est juste perdu dans ses pensées ou si ce groupe d’étudiant qui rit non loin s’apprête à me faire quelque chose. Ça en devient difficile de se détendre quand on a l’esprit qui craint en permanence que quelque chose nous tombe dessus. Chaque jour je me lève avec la boule au ventre, à me demander si tout va bien se passer, si je pourrais rentrer à la maison saine et sauve, si ceux auxquels je tiens vont bien, me retenant de les harceler de messages pour ne pas passer pour une névrosée. Peut-être que je devrais aller voir un psy, parce que je sais que je ne peux pas continuer comme ça indéfiniment, ça me ronge beaucoup trop. Il y en a qui travaille à l’université, peut-être que je devrais franchir pas pour essayer de recommencer à vivre une vie avec un peu plus de normalité. Je secoue la tête pour ne pas y penser. Pas ici, pas maintenant.
- Tu viens d’où ?
je marque une pause en me rendant compte que ça peut être très mal interprété et ajoute précipitamment.
- Enfin je…Tu as parlé français tout l’heure et comme ma mère est française je le parle aussi et j’ai pensé que tu venais peut-être de France tu vois ? Et comme je n’ai jamais quitté la Louisiane, je suis curieuse de savoir où les gens ont vécu, avant.
Je sais que c’est ridicule d’être mal à l’aise alors qu’on est juste en train de prendre le thé, qu’elle a été plus que gentille et m’a invitée. C’est ça mon problème. Je sais que tout va bien, que c’est juste mon cerveau et mon corps qui craignent encore que quelque chose n’arrive. J’ai beau le savoir, la tension dans mes épaules ne s’affaisse pas, pas une seule seconde. Je suis fatiguée de lutter contre moi-même. Je voudrais juste pouvoir me détendre un peu, pour une fois.
Tu souris quand elle choisit le chaï. Sa curiosité prend le pas sur ses goûts ; toujours un bon signe chez quelqu’un. Doucement, tu te saisis de la théière, encore chaude de son passage sur la gazinière, et tu sers lentement l’infusion dans l’une des deux tasses à disposition.
« Pas de problème, ne t’en fais pas. C’est déjà bien de goûter même si tu n’aimes pas trop l’amertume. » Dans le même mouvement, tu te sers également une tasse de l’amère boisson. Si tu apprécies beaucoup l’istikan, tu accompagnes ton hôte dans son choix. Les odeurs de citrons emplissent la pièce et ton sourire s’étend encore un peu plus.
Le temps de l’extérieur, oscillant entre soleil et pluie, semble se dissiper, tandis que tu retournes dans la petite maison de Saïd, et de sa femme, qui t’expliqua comment réussir cette boisson. Tu te souviens en avoir bu plus jeune, chez ta tante, mais celle-ci n’a jamais pris le soin de partager la recette avec toi. Tu te rappelles la première fois que tu lui en as fait, son expression de surprise, de joie, à partager ce moment avec toi. Une joie renouvelée, tandis que tu partages ce moment avec la jeune voisine.
« Puisque c’est ainsi alors ! » Tu saisis un cookie sans attendre, et l’enfourne dans ta bouche. Encore tiède, les saveurs se répandent sur tes papilles. Le choix et les noix de pécans se mélangent à merveille, tandis que la pâte du cookie, très justement cuite, est croquante à l’extérieure et fondante à l’intérieur. Tu portes ta main à la bouche, pour rattraper le petit bout qui voulait s’échapper, et cacher ta gourmandise effarante. « Ils sont délicieux, vraiment. Merci d’avoir pris le temps d’en faire. » Un instant, tu hésites, puis commente. « Par contre, essaye l’infusion avant… ça risque d’être encore plus amer sinon. Ça risque d’être violent sinon ! »
Tu laisses à la jeune femme tout son temps pour goûter les thés, sans la brusquer. Sa remarque suivante te laisse un petit peu perplexe. La question qui te vient directement est « où as-tu grandi ? », mais tu la retiens, pour ne pas la brusquer.
« Il y a des invitations qui ne s’acceptent pas, partout… » Tu réponds à moitié pour toi, à moitié pour elle ; tu n’as pas le temps de développer plus ta pensée, que la question fuse sans préambule, te faisant hausser un sourcil. Tu émets un petit rire. Anaïs se contenait de poser des questions depuis son arrivée, tu te doutes que te demander tes origines est simplement l’excès de curiosité, qui ne peut plus être retenue derrière les manières. Sa précipitation et sa gêne transforme ton rictus en rire. Ce genre de rire, où il n’y a aucune moquerie, simplement de l’amusement.
« Tu n’as pas à être gêné, ne t’en fais pas. C’est une question légitime. Tu parles français un petit peu du coup ? » Posant ta tasse, et avalant le petit bout de cookie qu’il te reste, tu passes tes mains sur le jean, levant les yeux aux ciel. Tu réfléchis au meilleur moyen de résumé ta situation. « J’ai grandi en France avec ma tante, mais je suis née à Sarajevo, en Bosnie. C’est le pays de mon père. Ma mère était irakienne. J’y ai vécu quelques années, après la France. Je peux t’en parler, j’ai même des photos si tu veux. »
Tu as un sourire tendre envers Anaïs, pour lui montrer, une nouvelle fois, qu’il n’y a aucune gêne à avoir. Ces moments d’échanges, ils sont également là pour partager, pas seulement le savoir, mais également les expériences, voyager grâce aux mots, aux rires et aux souvenirs.
« D’où venait ta mère en France ? » Tu saisis un autre cookie, légèrement plus froid que le premier, mais toujours aussi délicieux. Tu as de nombreuses questions, mais tu sais qu’il peut être alarmant de se faire arroser par celles-ci.
CODAGE PAR AMIANTE
Anaïs Wilhm
Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
A SONG OF BLOOD
En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
*Jeune fille de dix-neuf ans attentionnée envers son grognon de père de substitution, Zach Solfarelli, qui essaie tant bien que mal de surveiller cet aimant à ennui qu'est sa protégée. Recueil de souvenirs de son père, rôle qu'elle remplit avec acharnement, voulant créer autant de souvenirs que possible pour le garder près d'elle à tout prix, terrifiée à l'idée d'être à nouveau abandonnée. Elle vit avec lui dans un appartement des Kingston building.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
Je ne sais pas si c’est son sourire doux et sincère, l’odeur du thé ou celle des cookies, le temps dehors et l’atmosphère de cet appartement qui me donne envie de me pelotonner dans un plaid et d’observer l’extérieur avec une tasse chaude entre les mains, mais je sens mes épaules se décrisper un peu lorsqu’elle nous sert à chacune une tasse fumante et s’installe avec douceur. La douce odeur du citron me chatouille les narines et j’en respire les effluves en souriant doucement. Suivant l’hôte, je prends moi aussi un cookie et attend sa réaction lorsqu’elle se décide à manger l’un d’eux. Je ne peux m’empêcher de sentir une certaine satisfaction poindre en la voyant apprécier le biscuit.
- Recette maison, je te la donnerai si tu veux.
Son conseil arrive juste à temps et je porte donc le thé à mes lèvres, soufflant un peu dessus pour ne pas me brûler la langue. Je sens aussitôt l’amertume à la première gorgée. Elle avait prévenu après tout, mais je suis tout de même surpris de la sentir à ce point. Ce n’est pas si désagréable que le café, cela dit et peut-être qu’avec un peu d’habitude j’en viendrai à apprécier, mais c’est une première expérience un peu mitigée à ce niveau. Je lui adresse une grimace d’excuse.
- C’est… amer en effet. Pas mauvais, mais je n’en ferai pas mon thé quotidien. Et l'autre c'est sucré tu disais ?
Commencer la journée par de l’amertume ça me semblait être la pire idée possible. Rien de mieux que quelque chose de doux pour se sentir bien et démarrer la journée avec le bon sentiment. Je reprends tout de même une gorgée de thé, parce que malgré tout, il n’est pas désagréable et je ne vais certainement pas jeter quelque chose d’offert, même une chose aussi triviale que du thé. Un cookie suit rapidement et compense un peu l’amertume qui semble assécher un peu me lèvres et ma langue. Chaque fois que j’en mange c’est le souvenir de ma mère quand elle les préparait et j’ai un léger pincement au cœur en me rappelant avec précision ces moments qui semblent maintenant si loin et presque étranger tant tout est devenu différent.
Je hoche vaguement la tête quand elle semble plus se parler à elle-même qu’à moi. Si elle savait… C’est de toute façon si rare qu’on m’invite à entrer chez quelqu’un juste pour prendre un thé, que c’est surtout l’incompréhension qui m’a d’abord frappée. Puis la méfiance et je me suis rendue compte à quel point tout ça m’avait changé et je n’aimais pas cela du tout. Je commence à me méfier de tout et tout le monde et j’ai peur de ce que ma vie pourrait devenir si je continue dans cette voie. Paranoïaque incapable de faire confiance une seule seconde à qui que ce soit ? je n’aime pas l’idée de regarder derrière mon épaule en permanence seulement parce que je pense que quelque chose pourrait m’arriver. Ici, dans cet appartement, j’ai l’impression de redécouvrir ce que cela fait d’être au calme.
- Oh, oui. Ma mère a tenu à ce que je parle français avant même de savoir correctement écrire. Elle voulait vraiment qu’on puisse parler avec nos grands-parents restés en France
Tout me ramène à elle en permanence. C’est mon plus grand regret, l’avoir quitté elle, plus que mon père. Mon frère a repris contact et on discute souvent, mais avec ma mère les choses sont bien plus tendues, elles semblent forcées et ça a presque été une torture de la voir afficher ce sourire crispé. Je chasse ces pensées en soupirant, masquant el tout en buvant une autre gorgée amère. J’ai vraiment du mal à m’y faire. Quand Fadia m’expose tous les pays d’où elle vient, je me dresse une carte dans ma tête. La France, c’est facile. L’irak, je situe, les médias se sont allègrement chargés de nous dépeindre ce pays de diverses manières, rarement encourageante. La Bosnie, parc contre, j’ai aucune idée d’où cela peut bien se situer. Je peux imaginer que ça se situe en Europe, probablement à l’est, mas c’est tout. La géographie mondiale reste un sujet auquel je ne me suis guère intéressée en dehors de quelques fulgurances suivant les informations du moment ou les rencontres comme Daphné qui m’a donné envie d’en savoir plus sur l’Italie. Alors quand elle propose de montrer quelques photos.
- Je ne connais pas la Bosnie, mais j’adorerais voir des photos ! Je n’ai jamais voyagé, hélas, alors je suis curieuse de voir à quoi ça ressemble.
Zach m’a déjà dressé son portrait à lui de ce qu’il avait vu, dans ces pays qui semblent si loin. Il a occulté la raison de sa présence et ce qu’il y a fait, mais la façon dont il a dépeint les paysages et la vie des gens a largement suffit à remplir mon imaginaire sur ces pays aussi lointains qu’intrigants pour moi. J’ai envie d’en savoir tellement plus sur ces pays. Fadia, elle aussi, semble curieuse.
- Elle vient de Reims. Elle disait toujours qu’elle aimait cette ville mais qu’elle s’y ennuyait furieusement. Elle a fait un voyage ici, en Louisiane, pour ses études et elle n’est jamais repartie. On aurait dû aller visiter la France à mes dix-huit ans, mais…
Mais la vie a fait que le seul moyen que j’aille en France soit de payer moi-même le billet et de me débrouiller pour cela. J’aurai aimé y aller plus tôt, rencontrer cette famille de l’autre côté de l’Atlantique qu’on n’a pu voir que par écrans interposés. Ce sera probablement la première chose que je ferai une fois diplômée. Voir autre chose que le climat chaud et humide de la Louisiane qui me donne parfois envi de m’exiler sur la banquise.
- Et ça ressemble à quoi, la Bosnie ? Ou l’Irak ?
Si je ne peux pas voyager par moi-même, peut-être que Fadia peut m’emmener à travers ses histoires. Peut-être qu’un jour je ferai un tour du monde, juste pour voir autant de choses que possible. Ce sera forcément génial.