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Ceci est mon sang | Heidi & Elinor

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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Dim 6 Mar - 18:10 (#)



La luminosité mourrait vite en cette saison.

La saison hivernale. Aux averses et aux couleurs ternies. Aux lambeaux de brume flânant sur la Tamise. Aux cris des matelots sur les quais et aux raclements des premières machines. Aux cadavres ballonnés flottant entre les rubans d’algues verdâtres et aux frimas mordants d’une Londres de jadis.

De tout cela, seule Elinor demeurait encore. Immobile derrière l’immense baie vitrée décorant son bureau, elle était restée un long moment ainsi, suivant des yeux l’averse tiède de Louisiane qui s’écrasait en rythme syncopé sur la vitre. À sa main droite pendait un livre, dont la couverture noire et lisse à l’aspect de cuir tanné, ne mentionnait aucun auteur, ni aucun titre. Loin au-dessus d’elle, un mince filet d’air s’infiltrait au travers des aérations, faisant danser les arabesques de ses cheveux noirs sur son front glacé et lisse. La vampire avait l’allure d’une statue indolente et intemporelle.
Jetée sur le bureau dans son dos, une liasse de feuilles jaunies se déversait depuis un volumineux et antique cahier d’écriture, lui-même extrait d’une toute aussi vieille sacoche de cuir. Des partitions étaient visibles sur la surface des feuillets, et ces affaires semblaient avoir été déposées en désordre, en toute hâte ; leur aspect vieillot jurait alors avec la bureautique moderne agencée avec soin sur le bureau. Elinor se tourna soudainement vers ce dernier, fit pivoter le fauteuil de cuir confortable, et s’y installa avec sa langueur toute particulière, sans lâcher un seul instant l’ouvrage entre ses mains.

Loin au-delà de sa luxueuse demeure des Autumn Woods, la nuit avait enveloppé les rues, tandis que la litanie saccadée de l’averse étouffait toute clameur citadine.

Une mélancolie doucereuse, comme une cuillérée d’absinthe, la berçait alors. Elle croisa ses jambes en se laissant tomber dans le moelleux de son siège, et déposa avec délicatesse l’ouvrage anonyme sur un coin du meuble, loin des partitions éparpillées. Une lumière chaude et tamisée chutait depuis les plafonniers, qui éclairait avec parcimonie ses traits lunaires, tout autant que le mobilier d’aspect ancien qui décorait son intérieur. Toute l’architecture avait été élaborée ainsi. Le moderne y singeait l’ancien, l’antiquité se cachait au milieu du neuf, et seule la vampire savait vraiment la vérité.
C’était un manoir britannique dans un cocon de béton et de métal. Comme son immense pièce de travail, où la moitié de l’espace était occupé par une imposante et magnifique bibliothèque en bois, accolée à son salon de lecture, où reposait un large divan et deux fauteuils de style victorien. Le parquet d’aspect aussi ancien brillait sous les ampoules modernes à demi dissimulées, ainsi que le vieux clavecin posé sur le grand tapis qui apportait à l’ensemble une touche de confort et de chaleur. Des livres par dizaines meublaient les rayonnages, toutes autant de couvertures lisses et neuves que de vieilles reliures effritées, racornies par les usages répétés et les affres du temps.

Elinor examina d’un air absent le vieil instrument. Seul ce dernier était vraiment ancien dans cette pièce. Son bois affichait la patine indéniable des siècles, des nuances défraichies, lisses et passées que des mains délicates ou envieuses avaient laissé sur le bois parfumé. Il était un vieil ami ; le seul objet de ce faux manoir dépassant de loin son propre âge. Un sourire fugace flotta un instant sur son visage. La vampire réajusta machinalement le col roulé de son pull gris, sans fioritures ni luxe, qui enveloppait avec un pantalon noir également modeste sa silhouette sculpturale, dont les fines mains se trouvaient magnifiées de quelques bagues, onyx et faux argent, telle une discrète raillerie.
Quelle heure est-il d’ailleurs, songea-t-elle, comme l’immortelle se tournait vers la comtoise logée dans un recoin de la bibliothèque, laquelle indiquait bientôt vingt-et-une heure. Elinor se redressa alors afin d’ordonner avec un soin évident les feuillets de musique, qu’elle assembla en une liasse aussitôt glissée avec douceur dans la vieille sacoche d’homme. Cette dernière lovée sous son bras et son livre dans sa main, la vampire délaissa le confort du fauteuil pour traverser la pièce silencieuse, au rythme régulier de ses bottines, et des frémissements des gouttes d’eau.

Derrière elle, l’averse s’intensifiait. Les filets d’eau tiède, soulevés par la brise croissante, dévalaient les vitres du manoir en torrents minuscules et iridescents ; ils renvoyaient ainsi les lumières de la pièce, qui imprimaient les mouvements d’Elinor en ombres chinoises, sur le bois immaculé du sol. Celle-ci vint finalement s’arrêter devant les rayonnages exhalant les odeurs suaves des vieux livres, parmi lesquels elle rangea le sien, avant de se détourner et de s’asseoir sans bruit dans le fauteuil adjacent. De nouveau, elle croisa ses jambes, et entrelaça ses doigts, tandis que son regard se porta une fois encore vers l’heure tardive, qui s’affichait en aiguilles torsadées dans un coin de la pièce.
Elle ne devrait plus tarder, estima Elinor, en déposant la sacoche sur le coussin à côté d’elle, et en extirpant de sa poche son smartphone. Ce dernier fut déposé sur la longue table basse, tandis que sa propriétaire s’étirait avec langueur dans le confort moelleux et chaleureux de son ameublement. La mélancolie l’avait déserté, au moins durant quelques instants et, à présent, une légère impatience faisait naitre sur ses traits un sourire malin, le même que toujours, lui aussi apparemment éternel. Son regard revint immanquablement au clavecin, comme un talisman muet et oublié qui semblait lui adresser un antique message au travers d’un siècle d’existence.

Elinor sourit de plus belle. Elle était certaine de sa décision cette nuit-là. Pour elles, l’hiver serait alors la saison du renouveau.

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Dim 6 Mar - 23:28 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



B
ientôt la fin d’un hiver de plus sans voir la neige. Tout ce à quoi tu as droit depuis les sept années et quelques mois que tu ne comptes plus que tu as posé ta valise dans les rues sales des quartiers les moins bien famés de Shreveport, c’est cette pluie tiède et bonne à rien. Tu n’aimes pas cette ville.

Autrefois, la seule raison que tu avais d’y rester était de savoir, dans tes moments de lucidité épars, que tu répèterais les mêmes schémas d’autodestruction peu importe quel bus tu frauderais pour poursuivre un espoir inexistant dans une incessante fuite en avant. Après une vie entière à te persuader toi-même que la solitude et le rejet systématique de toute forme de lien humain était le seul moyen de te protéger des assauts de la vie, réels comme fantasmés par ton esprit déformé par une haine aveugle, il a fallu beaucoup de travail et de douloureuses séances d’introspection pour enfin accepter la présence de l’Autre dans ta vie. Présence dorénavant charnière, le socle inébranlable d’une reconstruction encore précaire, balbutiements d’un être en relayant un autre ayant bien mérité son armistice solitaire.
 
Voilà un an maintenant que les prémices de ce travail ont été posées lors de cette rencontre aussi fortuite que salvatrice. Tu aimerais dire que la rencontrer a tout changé, mais au final, il n’y a que toi qui a changée. Et pourtant, tu as toujours l’impression d’être la même. Les doutes, les insécurités, les hantises restent les mêmes ; peut-être que ce qui a changé est que tu ne les laisses plus te définir.
C’est une question que tu te poses souvent lorsque tu assistes aux réunions d’anonymes sous couvert de bénévolat. Personne ne comprend vraiment les raisons de ta présence, mais elle ne gêne pas, alors on la tolère. Entendre les témoignages de ceux qui sont officiellement là pour se faire aider est un exercice particulièrement éprouvant pour toi : tu jalouses profondément le courage de ceux qui livrent les déboires les plus honteux de leur vie car tu ne saurais pas en faire de même. Parfois, tu te demandes ce que tu dirais si un jour tu avais à t’exprimer à cœur ouvert devant l’assemblée. Bonjour, je m’appelle Heidi et je suis dépendante. Des mots qui rentrent violemment en conflit avec ce renouveau que tu appelles de tous tes vœux. Tu as assez des fatalités et de l’immuable, tu as assez d’être une junkie et tu feras tout pour montrer à tous ceux qui t’accorderont assez d’attention pour le remarquer que rien n’est jamais gravé dans le marbre. Si ce n’est peut-être la silhouette de celle chez qui tu te rends ce soir.
 
Comme à chaque fois que tu vois Elinor, tu as été incapable de tenir en place pendant la journée. La charge de l’anticipation est toujours aussi dure à porter, alors tu as fait en sorte de l’oublier autant que faire se peut. Depuis que tu ne joues plus la boniche juridique pour ta cousine, tu passes le plus clair de ton temps à gratter du papier devant ton piano électrique à canaliser et capturer la moindre de tes pulsions pour l’imprimer entre les portées d’une feuille volante qui finira sans aucun doute avec les autres en vrac sur le sol de ton appartement. Un jour, les notes qui les maculent trouveront leur réalité par la voix d’un orchestre grandiose aux cuivres brillant de mille feux, et elles transporteront toutes les âmes à leur portée dans un endroit nouveau, intrigant et encore inexploré. Tes mélodies feront l’effet de la chaleur d’un brasier et du gel d’une tempête, tes rythmes agiteront les têtes et fronceront les sourcils, tes harmonies provoqueront dégoût et émerveillement dans un vortex hors du temps où la seule réalité sera celle d’une musique dont tu seras fière. Mais en attendant, les feuilles volent encore, et avec elles autant d’idées nerveusement raturées.
 
Bientôt sonne pourtant la fin d’une séance de composition qui aurait pu se prolonger jusqu’aux aurores si tu n’avais pas eu un impératif autrement plus urgent. S’il y a bien quelque chose que tu as gagné ces derniers mois, c’est un sens aiguisé de la planification, et celui-ci te dit maintenant qu’il faut te préparer.
Cette soirée ne sera pas comme les autres, et comme pour tout ce qui revêt une importance capitale à tes yeux, absolument rien ne doit être laissé au hasard. Tu as pensé à mettre la même robe noire que tu avais pour votre première rencontre, pour la beauté du symbole, mais tu t’es vite ravisée. Tu as aussi pensé à t’habiller comme tous les jours, un simple col roulé et un pantalon noirs, mais quel message aurais-tu renvoyé ainsi ? Tu as fini par opter après des heures à essayer de ne pas trop te torturer les méninges pour une des élégantes robes dont tu as dû faire l’acquisition pour travailler au cabinet d’Anna. Lèvres réhaussées d’un carmin subtil et yeux soulignés par un maquillage aussi discret qu’élégant, cheveux attachés en un chignon raffiné : tu es prête. Il ne te reste plus qu’à conduire jusqu’à l’adresse qu’elle t’a donnée. C’est la première fois qu’elle fixe un rendez-vous là-bas et la curiosité te ronge presque autant que ta plus vieille amie l’angoisse.
 
Il ne te reste plus alors qu’à sortir de ton appartement sous la toile de ton parapluie pour ne pas abimer la coiffure que tu as mis tant de temps à réaliser et rentrer dans la voiture que ta marraine t’a aimablement fournie après l’obtention de ton permis – une berline assez commune, noire bien évidemment, pour ne pas attirer l’attention. A cette heure-ci la route se fait sans accro, surtout dans le coin où tu dois te rendre. Tu n’as pas vraiment l’habitude de te rendre dans les beaux quartiers et tu hais toujours autant l’opulence des riches qui semblent regarder la plèbe depuis leur piédestal hérité et bâti à la sueur et au sang des autres, mais tu fermes toujours autant les yeux pour le cas de la vampire qui prend en charge une grande partie de tes dépenses.
Tu finis par arriver à l’adresse indiquée. Vingt-et-une heures précises. Tu vas pour sortir ton téléphone pour avertir Elinor de ta présence, quelque peu galvanisée par la fierté de ta ponctualité, mais le portail s’ouvre avant même que tu n’aies pu déverrouiller l’appareil. Très loin de t’étonner, cela confirme surtout que tu es au bon endroit ; tu connais le goût prononcé de l’immortelle pour la vidéosurveillance, et tu t’amuses alors à chercher les caméras en garant ton véhicule dans l’allée. Après en avoir repéré une paire, tu ouvres enfin la portière et te faufiles dehors en prenant soin d’étendre ton parapluie pour ne pas subir la pluie qui n’a cessé de s’abattre depuis ce matin. La porte d’entrée est quelques mètres plus loin, et après avoir pris une grande inspiration autant pour réprimer tous les sentiments trop envahissants que tu sentais monter dans ta poitrine que pour te donner du courage, tu t’en vas te poster devant. Un sourire irrépressible au coin des lèvres, tu sais qu’elle va s’ouvrir d’un instant un l’autre, et que lorsque tu la franchiras à nouveau, tout sera différent. Tu en es persuadée, tout au fond de toi. 

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- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Dim 13 Mar - 17:57 (#)



Rares étaient les résidences d’Autumn Woods démontrant une véritable identité architecturale. Elles exhibaient toutes les mêmes façades épurées aux dégradés de gris, aux allures rectilignes et nettes ; de l’avis de certains, ce riche quartier était l’exemple à suivre en matière de design moderne. Les jardinets étaient tracés de haies aux lignes géométriques, les branches des arbres respectaient à l’extrême les limites de propriété, et l’on avait ajouté çà et là des balcons supplémentaires pour y installer d’autres éléments de verdure ; une certaine bonne conscience écologique était de mise. De luxueuses berlines alternaient avec des cabriolets rutilants dans les allées aux dalles de béton clair, mieux entretenus que les ascenseurs des Kingston. Même les feuilles mortes s’y faisaient rares.

Sa demeure à elle, se tenait toutefois à l’écart. Elle avait été construite sur le flanc d’une minuscule colline, désormais tassée et imperceptible, et se dressait dans la nuit, solitaire et indifférenciable au premier coup d’œil. Les murs étaient blancs et droits, le toit était propre autant que le jardin et le portail était électrique ; c’était la norme ici, et la résidence d’Elinor ne dérogeait à aucune règle en matière de vidéosurveillance. Une haute clôture avait été montée sur un muret, afin d’interdire tout regard indiscret vers cette habitation qui, la plupart du temps, demeurait silencieuse et déserte. Une seule voiture remontait de temps à autre l’allée, une Jaguar neuve, et nulle autre n’avait été vu.
Aucune fantaisie architecturale n’attirait l’attention ; elle semblait avoir été conçue dans l’intention de passer inaperçue au milieu d’une populace aisée. Pourtant, lorsque les ténèbres de la nuit l’habillaient de leurs atours étouffant, les lumières venant de l’intérieur trahissaient de rares détails discordants. Un vieil et monstrueux orme la couvait de ses branches immenses ; seul témoin muet de la date de construction, bien moins récente que ses voisines. Elle était aussi ancienne que lui. La résidence solitaire se dressait là depuis deux décennies, comme si son concepteur avait eu vingt ans d’avance sur les normes sociales et le design soi-disant avant-gardiste d’une poignée de riches.

Sa demeure à elle, était nimbée de cette aura inhabituelle, indéchiffrable et insaisissable, que ces quelques excentricités architecturales ne pouvaient expliquer à elles seules.

Les fenêtres hautes et sans tain conféraient à la bâtisse un air à la fois scrutateur et aveugle. Un vent frais remontait toujours l’allée nette, en murmurant dans les coins des murs et les branches gémissantes du vieil orme ; le jardinier qui venait tous les mois, outrageusement bien payé, n’aimait guère s’attarder dans son ombre. La pelouse était tondue régulièrement, et cependant, l’herbe y croissait à toute vitesse. Les vrilles des chèvrefeuilles s’accrochaient trop vite aux grillages, les buissons dressaient trop d’épines et les animaux s’y attardaient trop souvent ; une touche sauvage, vivace et solitaire y persistait. L’enceinte de la résidence était enveloppée de cette atmosphère immobile, propre aux vieilles pierres ou aux lieux abandonnés ; des sensations qui juraient alors avec son aspect neuf, au béton lisse et bien assis, aux portes de sécurité étroitement fermées.
Un silence sinistre l’enveloppait durant la journée, et celle qui l’arpentait chaque nuit, y avait vécu toujours seule, aussi solitaire et invisible que sa résidence. Lorsque le moteur de la berline remonta l’allée, le courant d’air fit chahuter les feuilles mortes, craquelées et légères, que le vent emporta bien vite au loin, en les accrochant dans les branches basses de l’orme. Un oiseau nocturne s’exclama d’un cri d’indignation face à cette intrusion inhabituelle et, comme à son signal, le mystère de la nuit étouffa la résidence sous une chape d’ouate épaisse, dans l’attente de la nouvelle venue.

À l’intérieur, Elinor avait déjà abandonné sur le divan son téléphone à côté de la vieille sacoche, pour se lever et traverser les multiples pièces constituant sa demeure. Le plancher résonnait de ses pas, légèrement empressés, tandis que les murs aux boiseries brillantes, aux arabesques travaillées, parfois tortueuses, dessinaient sa silhouette et sa chevelure déliée en ombres élégantes. Elle traversa sans se hâter des pièces à l’ameublement luxueux, ordonné et peu utilisé, qui brillait dans l’éclairage ténu dispersé judicieusement dans les angles. La maison était, pour feindre l’illusion de la normalité, agencée de manière classique ; des chambres, une cuisine, des séjours et des pièces utiles, bien que le cœur de la minuscule colline eût été creusé et secrètement enrichi de bien des manières.
Tout en marchant, l’immortelle lissa son pull d’un revers de main. Cette légère hâte s’était muée en une mince impatience, que son habituel flegme britannique cachait admirablement. Elle attarda çà et là son regard, comme pour s’assurer que chaque pièce était rangée, que chaque chose était à sa place. Aux vitres continuait de marteler l’averse et, aussi bien insonorisés que soient les murs, l’on entendait parfois crépiter les branches de l’orme ou le mugissement du vent sous la carlingue de la berline noire. Elinor rejeta une mèche rebelle de son front, tourna à l’angle du vestibule et appuya sur la commande de déverrouillage électronique de la porte ; malgré la décoration d’aspect ancienne et luxueuse, toute l’architecture avait été conçue et sécurisée à double voire triple tour.

« Bonsoir, Heidi, » dit-elle en ouvrant, et elle ne put retenir le sourire sincère qui naquit sur son visage en voyant son calice. « Bienvenue chez moi. Dépêche-toi d’entrer, ce serait dommage de gâcher cette robe. »

La vampire s’effaça pour l’inviter à s’avancer, tout autant que pour éviter la cascade de gouttelettes dévalant le parapluie d’Heidi. Dehors, l’averse cherchait à s’infiltrer sous le porche de l’entrée, et sa myriade de traits rageurs striait l’obscurité, que la lumière automatique fixée au mur essayait en vain de disperser. Elinor referma le battant derrière l’humaine, coupant aussitôt le vacarme de ce mauvais temps et les gémissements plaintifs du vieil orme. Le calme étonnant du manoir vint alors les envelopper toutes deux, tandis qu’elle observait son calice avec un sourire indéchiffrable.

« Je suis contente que tu sois venue, quasiment sèche qui plus est. Tu vas bien ? Est-ce que tu veux que je te fasse visiter, ou tu préfères aller t’asseoir avec une serviette et une boisson ? »

Aussi rares étaient les moments où Elinor se prévalait du rôle d’hôtesse. Mais aussi particulier que soit cet endroit et sa propriétaire, une chaleur et une douceur mystérieusement accueillante y régnait, à la manière d’un foyer trop longtemps oublié. Telle une créature assoupie, que le passage du temps n’effleurait en aucune manière, la demeure s’éveillait parfois sous l’impulsion d’une visite, d’un cœur qui bat ou d’un murmure soufflé à l’oreille. Elinor quant à elle, se tenait là, attentive et indéchiffrable comme à l’accoutumée, dissimulant à Heidi toutes ses intentions de ce soir.

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Lun 14 Mar - 22:50 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



I
l y a quelque chose de particulier autour de cette maison. Une aura, ou peut-être une atmosphère qui donne le chair de poule. C’est un frisson foudroyant qui s’empare du bas de ton dos lorsque tu vois pour la première fois l’édifice se dresser avec majesté au bout de son allée et comme un vent glacé glissant contre ta nuque lorsque tu es humblement acceptée dans l’enceinte de sa barricade de béton et d’acier. Ces sensations singulières sont-elles le reflet de ta sensibilité ou bien le fruit de ton imagination nourrie par l’image mystique de la propriétaire de ce manoir ?

Peut-être est-ce le ballet erratique de l’ombre des branches de cet arbre immense projetée sur la façade par l’éclat argenté de la lune ; ou alors peut-être le sifflement impertinent du vent dont les volutes semblent chargées d’une énergie unique. Peut-être encore le silence surnaturel qui règne autour de toi, seulement troublé par la pluie battant le bitume impeccable de l’allée et la toile de ton parapluie. Le tableau qui se dresse est délicieusement lugubre, un jeu d’apparences trompeuses qui sied à la perfection à la vampire que tu connais.
Tu t’attendrais presque en cette nuit pluvieuse à ce que l’orage finisse par gronder et que les éclairs pâles dessinent pendant quelques fractions de seconde la silhouette géométrique de l’édifice sur l’obscurité insondable de la nuit, comme un clin d’œil à la fois théâtral et subtil, et surtout un brin moqueur. Tu ne serais pas étonnée qu’elle t’ait dit de venir spécifiquement aujourd’hui pour cette raison, mais c’est sans doute lui prêter des intentions un peu trop proches de ton imaginaire.
 
Finalement, la porte s’ouvre devant toi et tu devines sa lourdeur lorsqu’elle dévoile lentement les premières images de l’intérieur de la véritable demeure de ta marraine. Il aura fallu un an pour obtenir le privilège d’y être invitée, mais comme tu le lui as déjà avoué, tu te nourris de symboles et celui-ci en est un particulièrement puissant.
Alors, tu aperçois finalement la stature d’Elinor se détacher de l’encadrement de la porte, toujours un modèle de prestance inégalé. Sur son visage, un fin sourire étire ses lèvres et il appelle le tient aussitôt en réponse qui s’agrandit ensuite un peu plus en remarquant la tenue qu’elle a choisi de porter ce soir. Un simple col roulé, un pantalon et une paire de bottines : un confort élégant que tu es la première à savoir apprécier. Et toi, portant cette robe aux antipodes de la décontraction, c’est comme si les rôles de vos premières rencontres avaient été inversés. Ton sourire sincère se teinte un moment d’une moue à peine vexée trahissant ce sentiment si particulier que celui de devoir reconnaître que tu as été surprise.
Sans plus perdre de temps, tu te presses à l’intérieur comme tu viens d’y être invitée pour épargner à ton maquillage et ta coiffure les déconvenues de l’humidité. Tu prends soin de refermer ton parapluie à l’extérieur et de laisser ensuite la voie libre à la porte pour tracer le chemin inverse. Tu t’es rapidement habituée au bourdonnement incessant des gouttes se jetant sans conscience sur le sol, mais lorsque celui-ci s’est arrêté devant le battant massif de la porte, tu as pu réaliser alors à quel point le calme régnait à l’intérieur. Littéralement frappée par le silence, tu t’extirpes cependant rapidement de ton bref moment d’absence contemplative lorsque Elinor reprend la parole.
 
- Bonsoir Elinor, je vais très bien merci, et toi ?
 
Peut-être à chaque fois que tu ouvres la bouche en ces occasions-là, tu te surprends toi-même. Ces mots, cette intonation, c’est comme si une personne totalement étrangère à la gamine renfrognée que tu sembles être en quasi-permanence s’appropriait ton corps pour le faire agir comme une personne douée de savoir-vivre.
 
- Tu sais la valeur que j’accorde à tes invitations, je ne pouvais pas la refuser.
 
Il y a presque une forme de candeur dans le sourire que tu lui offres à voir après cette confession qui ne la surprendra pas le moins du monde. Te rendant compte que tu as laissé ton expression suivre tes émotions, tu luttes pour ne pas cacher le bas de ton visage contre ton épaule.
 
- Je serai ravie que tu me fasses visiter, ça n’est pas tous les jours que l’on passe une soirée dans la maison d’Elinor Lanuit.
 
Une réponse simple et directe lâchée avec un brin d’espièglerie, voire d’impertinence complice que tu te permets grâce aux maintenant innombrables heures que tu as passées en sa compagnie. En réalité, tu meurs d’envie de visiter les moindres recoins de cette demeure tant tu es persuadée qu’elle regorge de secrets. C’est au final un peu comme si on te donnait à voir une projection tangible de l’esprit si particulier de la vampire. Tu comptes bien profiter de cette occasion pour tenter d’en apprendre un peu plus sur cette femme qui te fascine autant que tu l’apprécies. 

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- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Dim 20 Mar - 22:38 (#)



«C'est vrai. Ces murs connaissent mieux le silence que les rires, » rétorqua-t-elle, non sans un brin de sarcasme adressé envers elle-même, autant qu’à Heidi.

Elle ne dit mot, durant un instant. Ses lèvres closes, lissées de son sourire coutumier, imitèrent alors le silence impénétrable qui régnait à l’intérieur de ce manoir moderne. Elle observa avec attention la tenue de son calice, cette nouvelle robe noire dont elle n’avait encore jamais vu la couleur. Les feux des appliques murales nimbaient ses joues de douces lueurs cuivrées, chaudes et trompeuses, qui lui donnaient brièvement vie. Elinor hocha la tête comme en réponse à une réflexion intérieure et, avec une moue élégante et énigmatique, désigna d’un revers de main l’orée du vestibule.

« Eh bien, allons-y. Je devrais te dire que les murs ont des oreilles, que la maison est vivante et pleine de secrets, comme un roman de vampire, mais ce n’est pas vraiment le cas. »

Comme son timbre détaché résonnait encore dans l’entrée, elle s’avança sur le vaste tapis à l’aspect dru, d’un écarlate sombre, qui encadrait la presque totalité du hall d’entrée. Tel un antique manoir britannique d’époque, les boiseries étaient nombreuses, lustrées avec soin et bien agencées. Celles-ci montaient à l’assaut des cloisons épaisses, elles-mêmes peintes d’une somptueuse teinte lumineuse, à mi-chemin entre un jaune cassé mélangé de blanc, qui s’alliait à merveilleuse avec l’éclairage tamisé. Gothique auraient dit certains, mais toutefois nul tableau ne venait compléter la décoration, et aucun inquiétant portrait de famille à la Bram Stoker n’était visible nulle part.

« J’espère que tu ne seras pas trop déçue, » ajouta-t-elle en se retournant brièvement. « La maison est somme toute assez classique, quoique certaines pièces me sont peu utiles. »

La netteté de l’endroit était toutefois frappante. Comme elles accédaient au majestueux hall central, où un énorme escalier double conduisait aux étages, les lumières innombrables se reflétaient sur les boiseries ; le sol brillait et renvoyait l’éclat des meubles cirés ou des objets métalliques. Montant en spirale vers les étages inconnues, les marches s’envolaient dans l’obscurité et l’absence de lumière en haut conférait à l’ensemble une sensation écrasante. De part et d’autre de celui-ci, d’autres couloirs tout aussi ordonnés s’ouvraient sur le cœur du manoir, où l’obscurité n’était qu’une vague rumeur face à l’opulence du décor et des éclairages. Une odeur douce et discrète flattait les narines, délicate à la manière de fleurs séchées en pot ; pourtant nul dispositif de désodorisant n’était visible.

Elinor emprunta le couloir de droite. « L’escalier conduit à des bureaux inutilisés, un grand grenier bien sûr, et surtout aux chambres. Tu pourras t’en choisir une, si tu veux. »

Si tu veux. Une intonation lourde flotta dans ses quelques mots, qui se dissipèrent dans l’écho de ses talons résonnant contre le bois. Elle n’ajouta rien. Elle laissa sa phrase en suspens et, comme l’allée s’ouvrait vers une nouvelle pièce peu éclairée, la vampire fit basculer l’interrupteur ; aussitôt apparut une petite table central, métallique et moderne, autour de laquelle s’agençait une cuisine moderne. L’assortiment habituel d’instruments s’y trouvait. Tous répondaient aux usages humains, et tous affichaient la même propreté et la même absence d’usure. Devant une immense baie vitrée, qui offrait une vue imprenable sur le jardin endormi, s’alignaient quelques tabourets aux sièges de cuir neuf, lesquels semblaient attendre une réception et des convives qui ne viendraient jamais.

« Je l’utilise peu, » dit-elle simplement en guise d’explication, avant d’éteindre la lumière de la cuisine. « Beaucoup de ces pièces ont peu d’usage, mis à part de la décoration. »

Ainsi, l’immortelle continua d’énumérer nonchalamment les différentes salles au fil de la visite ; ici une petite bibliothèque secondaire, là un salon inutilisé, et d’autres pièces décorées mais sans usage précis. Or, à chaque fois qu’elle ouvrait un battant, enclenchait un interrupteur ou soulevait un rideau, la maison semblait prendre une inspiration ; alors les ombres paraissaient se pencher avec curiosité vers les visiteuses, comme une assemblée scrutatrice et invisible. Dans ces espaces vides, l’air avait la texture immobile et sèche d’un vieux grimoire que l’on n’ouvrait que trop rarement.
L’aile Ouest de la maison formait ainsi une grande boucle, dont l’extrémité était embellie et illuminée durant la journée grâce une vaste assemblée de fenêtres qui donnaient sous le grand orme. Loin au-dehors, l’on voyait encore bruisser et s’agiter les taillis fermant le domaine, qui dansaient sous l’impulsion du vent. Ils formaient un rideau mouvant, dont la texture multiforme évoquait les plis onctueux d’une chevelure, que les phalanges délicates d’une brise hivernale s’amusaient à lisser.
Nombreuses étaient les fenêtres offrant une vue nocturne sur les jardins. À l’extérieur, les ombres de la lune déversaient leurs pigments d’argent sur les hautes herbes et, le long de l’interminable allée rejoignant l’aile opposée, l’averse continuait de marteler les carreaux disposés à intervalles réguliers. La vision se perdait au loin, dans l’obscurité totale créée par les rangées de haies coupant la propriété du reste du monde ; au-delà se devinait une route éteinte et des bois qui donnaient à cette vision un aspect isolée, brusque et achevé. Elinor s’avança alors dans cet immense corridor, en désignant vaguement les portes qui se découpaient à contre-jour dans la cloison intérieure.

« Aucun passage secret, mais des placards ici. Mais je voudrais t’inviter dans l’autre partie, elle va sûrement t’intéresser davantage. »

Elle conduisit Heidi dans l’aile Est du manoir. L’architecture y était alors différente ; on avait aménagé de vastes pièces en sacrifiant le nombre pour le confort, la multitude pour des espaces plus aérés. Tel de vastes poumons, ces nouvelles pièces dégageaient une impression de grandeur, qui inspirait la sérénité, malgré les alcôves sombres où couvait encore une obscurité attentive. Elinor indiqua l’immense salle centrale connectant toutes les autres, et l’escalier qui en faisait le tour grâce à un balcon intérieur encerclant l’étage. Quatre portes donnaient ainsi sur le reste des pièces, ainsi qu’un corridor s’ouvrant sur le hall d’entrée ; le décor était le même ici, cette association atypique d’ancien et de moderne qui offrait à l’œil autant qu’à l’esprit un tendre confort.
Déjà, Elinor ouvrait l’un des battants, lequel cachait une vaste bibliothèque, isolée et nimbée d’un silence feutré propice à la réflexion. Le battant suivant quant à lui, dissimulait une autre salle où s’étalait des décorations, des bibelots étranges à l’image d’un cabinet de curiosités à l’ancienne et une bien plus petite bibliothèque. Des senteurs recluses y affleuraient ; vieille poussière, cuir fané et lavande desséchée, laquelle n’était pourtant visible nulle part. Des objets aux courbes étranges étaient entreposés dans des rayonnages peu éclairés, au milieu de vieilles caisses en bois et de livres attendant d’être classés dans les rayonnages. Le silence y était dense. La chaleur, parfumée.
Mais ce fut devant la dernière porte que la vampire s’arrêta, laissant à Heidi le temps d’y entrer ; celle-ci était la salle située à l’extrémité Est du manoir, qui refermait son bureau de travail, son salon de lecture avec sa cheminée et sa propre bibliothèque. Tout comme le vieux clavecin.

« Je travaille ici, la plupart du temps. Je flâne aussi, » expliqua-t-elle en désignant le divan, où étaient encore posés la sacoche et son téléphone.

Illuminé par les flammes de la cheminée, elle-même fermée par un foyer moderner en dépit de sa décoration de pierres, le clavecin dormait dans un coin. Celui-ci attira alors immanquablement le regard d’Elinor, comme si elle attendait une réflexion de sa protégée à son encontre ; elle ne dit rien toutefois, et se contenta d’avancer dans la pièce, en touchant du bout des doigts le dos du canapé.

« Qu’est-ce que tu en penses ? Je me doute que ce ne sont pas forcément dans tes goûts, et tu n’as aucun besoin de t’attarder ici, si tu n’aimes pas. »

Et, une fois encore, un sourire malin vint s’attarder sur ses lèvres. Elinor hasarda son regard çà et là, depuis les traits de son calice jusqu’au clavecin, de son bureau à l’équipement moderne aux beaux livres éclairés par la lumière chaleureuse du foyer. À l’intérieur de cette salle particulière, régnait une atmosphère délicieusement désuète et confortable, comme une couverture élimée mais chaude, lors d’une soirée d’hiver ; l’esprit y était saisi d’une ivresse mélancolique, un besoin de s’abandonner et de s’attarder en ces lieux, de s’y endormir à tout jamais.

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Mar 22 Mar - 19:01 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



E
t alors, la visite commence. Le bruit des talons résonne avec légèreté contre les boiseries impeccables des longs corridors comme le battement rassurant d’un métronome, seul indice que le temps n’a pas suspendu sa course effrénée dans l’enceinte de ces murs. Et pourtant, il n’y a que pour toi qu’il court encore ; tu es la seule ici à devoir craindre le passage inéluctable de chaque seconde. Parfois, de plus en plus souvent même, tu te demandes comment cela doit être, de finalement passer au travers des mailles de ce filet qui n’est censé épargner personne. Comment est-ce que tu te sentirais, toi, en sachant te sachant enfin contre-nature ? Si la musique est l’art de décorer le temps, que deviendrait la tienne alors que ta toile ne connaîtrait plus de fin ?

Elinor affirme que ces cloisons ne cachent aucun secret ; alors c’est qu’ils doivent être visibles de tous, camouflés juste sous ton nez uniquement grâce à ton ignorance. Un fin sourire ourle tes lèvres élégamment maquillées, avide de percer le voile de mystères que tu ne peux t’empêcher d’imaginer nimber chaque mètre carré de cloison. Il s’agit de ta marraine, tu n’envisages pas une seule seconde que rien ici ne soit placé au moins en tant que clin d’œil narquois et impertinent.
Et pourtant, tout semble presque normal. Pas de portrait suivant tes pas du regard ni d’armure médiévale prête à s’animer pour pourfendre l’intruse que tu serais. A la place, une décoration élégante semblant dater d’une ère que tu n’as connue qu’à travers les récits de la vampire. Les tons sont sombres et chaleureux ; le brun du bois et le carmin des tapis font régner une atmosphère épaisse et intrigante, comme si elle t’appelait à t’enfoncer encore plus dans le dédale des couloirs qui semblent sans fin.
 
La visite vous mène ensuite jusque dans un immense hall dont la hauteur dissimulée dans la pénombre pourrait donner le vertige. L’architecture est grandiose, digne des plus beaux manoirs européens, et surtout en parfaite adéquation avec le reste du décors. Ton regard, attiré inévitablement vers le haut par les courbes élégantes des escaliers, cherche à s’attarder sur le moindre détail de la pièce sans pouvoir y rester plus de quelques secondes, sans cesse accaparé par d’autres.
Alors que ses mots se dissipent calmement dans le volume du hall, les quelques derniers qu’elle prononce restent cependant ancrés fermement dans ta conscience. Choisir une chambre dans cette maison, le symbole que renferme cette proposition est puissant et tellement gratifiant. Elle donne à ton sourire un éclat supplémentaire tandis que celui-ci s’agrandit en silence. Tu hoches la tête, simplement, réprimant en même temps du mieux possible tous les petits gestes nerveux qui trahissent ta joie évidente à songer à passer quelques temps ici pendant que vous vous éloignez pour poursuivre l’exploration jusque dans la cuisine.
 
- Avec plaisir.
 
Vous passez devant encore de nombreuses pièces, toutes aussi décoratives les unes que les autres et parfois plus grandes que ton propre appartement, et tu te demandes comment et surtout pourquoi vivre dans un espace aussi grand. Parce qu’on le peut, tout simplement ? L’occasion ne s’est jamais présentée pour toi alors tu n’y as jamais vraiment réfléchi. Peut-être, enfin tu espères, que tu auras l’occasion de découvrir l’effet que cela fait, ça aussi.
Occasionnellement, tu t’autorises un regard vers l’extérieur lorsque les fenêtres te le permettent. L’agitation muette de la végétation bercée sans délicatesse par le vent te fait te sentir en sécurité à l’intérieur des murs, autant physiquement que mentalement. Un endroit sûr et inconnu de tous ; en d’autres mots : un refuge.
 
Finalement, la visite semble toucher à sa fin après ce qui t’a paru peut-être des heures et des heures de flânerie en perspective. Tu as été impressionnée par la bibliothèque qui s’est dessinée entre les rayons de lumière tamisée des luminaires et tu as été prise de l’envie d’y rester des heures durant pour inspecter la moindre reliure ornant les meubles massifs et pourquoi pas passer une éternité à lire avec l’excitation d’une enfant encore debout après l’heure du coucher le contenu de cette myriade de pages. Le cabinet de curiosité a fait naître un frisson en bas de ton dos puisque c’est là que s’est intensifié le plus ce sentiment étrange de magnétisme, là que la flamme de ta curiosité a le plus brillé.
Seulement, la destination finale de cette balade est le bureau de l’immortelle. Interdite et presque frémissante, tu y rentres en tâchant de te canaliser du mieux possible, en quelque sorte comme un signe de respect et de gratitude envers la confiance que te le montrer représente.
L’atmosphère dans cette pièce est différente de celle de toutes les autres. Peut-être est-ce le feu de cheminée dont le crépitement subtil et la lueur vacillante donnent un chaleur nouvelle à l’endroit ? Ou bien le clavecin auquel est accordé une place particulière, tout comme on l’avait fait pour le grand piano dans son appartement en ville ? La réponse à ces questions est sans doute bien plus complexe et évanescente qu’une simple oui ou non. Chaque élément de décoration, chaque meuble, chaque livre doit avoir un rôle à jouer dans la création de cette aura, et elle ne saurait être la même si l’on négligeait le moindre détail. Comme une mélasse sombre, chaleureuse et profonde. Comme le son moelleux et familier d’une contrebasse en bois massif résonnant dans chaque cellule de ton corps.
Le silence qu’Elinor laisse s’installer quelques instants est bienvenu, à peine assez long pour apprécier les lieux et assez court pour qu’aucun malaise ne naisse et ne vienne troubler le miel de ce moment. Elle t’interroge, scrutatrice, et tu laisses à ton tour planer un silence de velours le temps de faire quelques pas de plus dans la pièce, lents et aériens. D’abord vers le divan, puis vers l’instrument ancien que tu te permets de caresser du bout des doigts avec le plus grand soin. Tu finis par te retourner vers l’immortelle, un sourire serein ornant tes lèvres carmin.
 
- Ne t’en fais pas, j’aime beaucoup.
 
Tu laisses une nouvelle fois tes mots s’évaporer un long moment avant de reprendre. Tes iris s’évadent quelques instants jusque devant le ballet rougeoyant et fascinant du feu de bois tandis que dans ton esprits se tissent et se jouent des mélodies envoutantes au timbre de la contrebasse.
 
- Ca n’est pas si différent de chez moi, au final. Il y a un clavier, un canapé, de quoi écrire…
 
Un sourire à peine plus malin se dessine sur ton visage alors que tu relèves les yeux pour trouver ceux de ta marraine.
 
- J’aurais sans doute accroché un ou deux posters de Chet Baker, mais la décoration est très bien comme ça aussi.
 
Au milieu de cette ambiance cosy, tu as l’impression de jurer un peu dans le décors avec ta robe et des hauts talons. Pourtant, même si tu as encore un peu de mal à te l’avouer, tu aimes t’habiller comme ça. Te sentir belle, raffinée, élégante. Ce ne sont que des vêtements, mais ils t’aident d’une certaine manière à gagner en confiance ; pas une confiance agressive et aussi fragile qu’ostentatoire mais cette fois bien une confiance calme et à l’épreuve de la cruauté du monde. 

CODAGE PAR JFB / Contry.
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
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Dim 27 Mar - 22:01 (#)



Le calme du manoir semblait irréel. Comme l’averse redoublait d’intensité, la lumière de la lune se déversait au travers des fenêtres démesurées décorant la salle, et dessinait sur les tapis les formes inconsistantes et brillantes des ruisselets d’eau. Une bûche sèche craqua dans l’âtre. La maison était cet écrin de silence, contre lequel même les hurlements du vent se fracassaient ; seuls les pas des deux femmes, et les doux murmures de leur conversation se faisaient alors entendre.

« Tant mieux dans ce cas si tu apprécies, » compléta la vampire, comme son regard se voilait d’une humeur pensive en observant la cheminée.

La mélancolie s’invita malgré elle. Comme le silence mourrait au fil des mots, s’éveillaient alors les souvenirs ancrés dans les lattes du plancher, ou dans l’obscurité des tiroirs. Elinor les sentait croitre dans les recoins de ses pensées. Celle d’un homme triste aux cheveux déliés, aux yeux gris, qui s’était tenu aussi au milieu de cette même pièce, à contempler un futur qui se dérobait à lui. Celle d’un vieux français, indécent et caustique, qui n’avait jamais mis les pieds en Amérique et qui pourtant se tenait à ses côtés, derrière l’antique clavecin endormi, avec son sourire à la fois rieur et peiné.
Elinor n’aurait su clarifier les sentiments la traversant. Elle était incertaine de leur fondement. Ceux-ci vivaient en son âme, pour peu qu’elle en possédât encore une, ou bien se nichaient dans les creux de la maçonnerie. Des fantômes anciens ou imaginaires que les boiseries auraient absorbés, dont les couloirs auraient conservé les échos. Ils avaient tous la texture floue d’une vieille toile brunie par le temps, recouverte de couches de poussière éteinte, et qu’un cœur battant faisant revivre. Elle eut un sourire à demi-dissimulé derrière l’épaisseur de son col, mais elle resta muette, tandis qu’Heidi découvrait l’antre secrète, interdite à tant, de celle qui l’accompagnait depuis un an déjà.

« Eh bien, pourquoi pas. » Elle laissa planer quelques secondes de doute, et son sourire habituel ne trahissait rien du sérieux de son affirmation. « Si tu choisis une chambre, tu seras libre d’en refaire la décoration. »

Une nouvelle bûche se fendit doucement dans l’âtre. Nonchalamment adossée au divan, ses mains jointes devant elle, l’attention d’Elinor s’attarda à nouveau sur le clavecin endormi. Elle n’en jouait plus depuis quelques années. Elle n’en avait jamais beaucoup joué. L’instrument n’avait jamais été entièrement le sien, seulement une relique d’un autre homme réduit à une silhouette lointaine et une vieille sensation dans sa nuque. Chaque note semblait raviver son souvenir ; leurs mélodies en devenaient cuisantes et tristes, et elle s’interdisait désormais de l’utiliser la plupart du temps.

« Il est authentique. C’est le clavecin de Jean, je l’ai ramené d’Europe. Il date du dix-septième siècle je crois bien. Est-ce que tu sais en jouer ? »

Je n’aime pas en jouer, manqua-t-elle d’ajouter, mais la vampire refréna cette pensée, et l’étouffa au fond d’elle-même, comme un mauvais sort. Un mince soupir filtra simplement d’entre ses lèvres. Elle désigna d’un mouvement délicat l’instrument qui, auréolé par l’obscurité et le fardeau des siècles, semblait à présent triste et solitaire, presque minuscule dans son coin de ténèbres.

« D’ailleurs j’ai autre chose à te donner, » s’empressa-t-elle d’ajouter en se redressant, l’attention de nouveau happé ailleurs.

Elle contourna vivement l’accoudoir, et ses bottines émirent un crissement strident qui stria le calme de la salle d’une note brutale. Au milieu du divan, la vieille sacoche de cuir fatigué et son téléphone avaient chuté dans les replis des coussins. Sur l’écran de ce dernier, le ballet des flammes dessinait des motifs mouvants, tout comme les mouvements sveltes de la vampire créaient des ombres serpentines sur le sol brillant. Mais ce fut la sacoche que sa main chaparda. Entre ses doigts froids, la texture de l’objet lui paraissait brûlante, donnant à Elinor une conscience aiguë de son contenu ; comme si son ancien propriétaire était avec elles ce soir, scrutant leurs faits et gestes.
Guère décontenancée par ses étranges sentiments, elle tourna les talons et s’avança vers Heidi, en lui tendant aussitôt la sacoche. La matière séculaire bruissa délicatement. De celle-ci émanait un parfum subtil, indéfinissable comme possèdent ces vieux objets entreposés avec soin dans un tiroir fermé depuis longtemps. La patine du cuir avait l’aspect de miel et la bouche métallique le fermant avait la couleur d’un ciel d’orage. Une lanière élimée en faisait le tour, dont les anneaux piquetés par les ravages du temps oscillaient et grinçaient de protestation lorsqu’elle l’offrit à son Calice.

« Ouvre-le. Dedans il y a des partitions. J’aimerai que tu me dises ce que tu en penses. »

Elle n’offrit nulle autre explication. Elle tourna presque aussitôt les talons, laissant à Heidi le temps d’examiner cette antiquité ancienne et manifestement usée, sans autre indice que ce mince sourire malicieux sur ses lèvres. Elle s’installa ensuite confortablement au sein du divan, croisa ses jambes habillées de ce jean si inhabituel pour sa personne, et scruta Heidi avec une curiosité redoublée.

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Mar 29 Mar - 13:50 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



D
ans ce bureau à l’atmosphère si particulière et intimiste, il est facile d’oublier que derrière la porte se trouve une immense manoir aux pièces sombres et vides de vie. Le béton et les boiseries de la bâtisse ont beau être froids et stériles, tu pourrais presque sentir, palper ici un cœur qui bat ; une identité qui affirme son existence par un murmure muet et sensible. Cette pièce renferme une âme élégante et discrète, galante mais exigeante.

 
Les flammes captives du foyer de la cheminée rayonnent sur la vampire leur lumière oranger et leur chaleur confortable en donnant à ses traits indéchiffrables un aspect presque solaire. Et pourtant, tu as l’impression ce soir d’y lire quelque chose de différent ; c’est subtil, et peut-être est-ce seulement le fruit de ton imagination, mais il te semble que quelque chose trouble la vivacité sans égale de son esprit.
Est-ce que tout va bien Elinor ?
Tu hésites à prononcer la phrase qui te taraude, mais tu ne sais pas ce qui te retient. Elle qui a été présente pour t’aider à surmonter tes moments de détresse, peut-être est-ce simplement que tu aurais aimé lui rendre la pareille ? C’est étrange, mais jusque maintenant tu n’avais jamais réellement envisagé qu’elle puisse ressentir ce genre d’émotions. Tu n’as aucune idée de ce qui occupe ses pensées, mais tu aimerais être capable de l’aider à ton tour si elle en avait besoin.
 
Or, avant que tu ne hasardes le moindre mot, l’immortelle reprend la parole. Elle dirige à nouveau ton attention sur l’instrument qui trône, solitaire, dans ton coin de la pièce. Vieux de plusieurs siècles et pourtant dans un état parfait de conservation ; il n’y a pas besoin d’être une luthière experte pour deviner que ses propriétaires en ont pris grand soin. Ton regard s’attendrit alors qu’il passe une nouvelle fois sur les courbes baroques du clavecin et que tu imagines un vampire sans visage faire danser ses doigts avec virtuosité sur la nacre des touches du clavier.
Là encore, tu allais répondre à sa question, mais sa remarque suivante te laisse encore quelques instants dans ton mutisme curieux et contemplatif. La question de ce qu’elle souhaite te donner trouve vite sa réponse, mais cela n’empêche pas ton palpitant de battre un allegro sous la direction d’une émotion heureuse.
Avec précaution, tu prends dans tes mains la poche de cuir. Tout comme l’instrument, elle semble avoir été conservée avec soin, et tu te doutes de l’identité de son propriétaire original, ce qui rend le symbole de ce cadeau d’autant plus important. A la demande de la vampire, tu ôtes délicatement la boucle patinée qui protège le contenu de la sacoche et tout aussi délicatement, tu en extrais le feuillet de partitions gondolées et jaunies par les années.
 
En en-tête, pas de titre. Seulement un nom dans le coin supérieur droit : Delaube.
En silence, tu parcours les portées du regard, et bien vite le fin sourire qui ornait ton visage cède sa place à une expression bien plus sérieuse et concernée. Tu finis par t’asseoir sur le tabouret du clavecin pour continuer à inspecter avec minutie le contenu des partitions. Tu ne saurais dire combien de temps tu restes assise là, sans un mot, à t’immerger dans cette œuvre complètement inédite.
De temps en temps, un juron en polonais s’échappe de tes lèvres dans un murmure fasciné. Ta concentration se fait de plus en plus intense à mesure que tu découvres les pages suivantes, et seulement les tremblements nerveux d’une de tes jambes trahissent l’excitation qui te gagne en décortiquant les harmonies consignées depuis des dizaines d’années sur ce papier comme s’il s’agissait d’un sortilège interdit dont il aurait fallu préserver le monde.
Finalement, tu finis par relever les yeux et tourner la tête vers ta marraine confortablement installée sur son divan. Tu alpagues son regard avec le tien et le dirige vers l’instrument devant lequel tu t’es assise.
 
- Je peux.. ?
 
Attendant d’abord l’approbation d’Elinor, tu redresses avec la plus grande précaution le pupitre du clavecin pour y déposer les quelques feuilles que tu as jugées les plus intéressantes. Tu poses ensuite tes mains sur le clavier, et après quelques secondes, tu fais résonner quelques notes aux sonorités tranchantes et métalliques pour t’habituer au retour des touches. Et puis, les yeux rivés sur les lignes de la partition, tu commences en faire sonner le contenu dans le silence calme du bureau.
Les premières notes se font d’abord hésitantes, mais la suite te force au débridage sans autre forme de compromis. Comme si chaque accord qui se dessinait dans l’air chaud et nocturne te forçait à y incorporer un fragment de ton âme pour véritablement donner vie à ces harmonies sombres, sibyllines, rageantes et pourtant étrangement brillantes. Tu grimaces quelques fois sous la tension immense qu’elle provoque, habilement désamorcée par des résolutions intelligentes et audacieuses. Sans même que tu t’en aperçoives, ton cœur s’est mis à battre de plus en plus vite, avide de résonner plus encore avec les rythmes et les mélodies auxquels tes doigts donnent vie.
A la fin de ton bref récital, tu restes muette et interdite quelques secondes devant le clavier du clavecin, comme essoufflée. Tu finis par te retourner vers la vampire et enfin lui donner ton avis sur un ton absolument sérieux, grave, comme s’il s’agissait d’une urgence à ne surtout pas négliger.
 
- Sincèrement, je ne sais pas si la personne qui a écrit ça est un esprit génial ou s’il faudrait l’enfermer sur le champ.
 
Doucement, tu te décroches de l’emprise de la musique et du clavier qui te fait face pour te tourner pleinement vers Elinor en t’efforçant de regagner ton souffle. Tu te sens capable de plonger pendant des heures entre les lignes de cette œuvre et tu as le sentiment d’avoir encore énormément de choses à dévoiler de ces quelques pages, et autant à incorporer à ta propre écriture.
 
- Tu crois que.. je pourrais les garder, un petit moment ?
 
Le regard pétillant et plein d’espoir, tu te vois déjà travailler des jours et des nuits entières sur ces opus, en perdre toute notion de temps en te nourrissant uniquement de cette passion qui elle-même te dévore.
 
- En tous cas, merci beaucoup de mes les avoir montrées. C’est pour ça que tu m’as faite venir ici ?
 
La question est adressée avec une pincée de malice, réapparue au coin de tes lèvres et au fond de tes pupilles. Il peut sans doute s'avérer risqué de transporter des objets d'une si grande valeur. Si la réponse était oui, alors tu serais déjà entièrement satisfaite ; quelque chose te dit pourtant que ce n’est pas tout ce que tu pourrais attendre de cette soirée. Enfin, elle t’a également proposé une chambre dans sa propre maison, alors tu ne préfères même pas formuler intérieurement ce que tu pourrais attendre de plus. 

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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Dim 3 Avr - 18:09 (#)



Les feuilles bruissèrent tendrement entre ces nouvelles mains, chaudes et humaines. Vélin jauni que deux siècles d’existence avaient rendu rêche et cassant, il chuinte en se courbant, et sa couleur danse de l’ocre au vermeil sous la lumière des flammes. Jamais des doigts humains ne l’avaient saisi. Comme une feuille d’automne apprend à connaitre un soleil s’attardant sur sa surface craquelée, le papier semble se tasser et protester, un naufragé des âges qu’une respiration pourrait briser.
Elinor s’en détourna aussitôt. Un court instant, elle fut saisie d’une crainte infondée que ce souvenir s’écroula de lui-même entre les mains d’Heidi. Une myriade de papillons de papier qu’aurait dispersé un vent mauvais ; lui-même en aurait ri, la vampire, elle, s’en blâma de penser ainsi. Elle marcha vers le divan inoccupé, s’installa dans le moelleux des coussins sans attendre, comme l’esprit d’une artiste d’aujourd’hui rencontrait celui d’un autre né voilà six siècles de cela.

« Bien sûr, fais, » lui répondit-elle doucement, en désignant le clavecin d’un revers de la main.

Elle n’aurait su dire d’où lui était venue cette idée. Elle s’était éveillée des nuits de cela, avait ressorti ces vieilles feuilles de leur sacoche, et les avait relues sans y découvrir la moindre parcelle d’intérêt. Il ne les avait jamais publiés d’ailleurs. Jean les lui avait jouées bien sûr, il adorait ça, mais il ne s’était jamais décidé à en faire quoi que ce soit, ni à lui dire ce qu’il comptait en faire. Elles étaient ces harmonies errantes au gré de ses humeurs, des mélodies qu’il avait écrites sur un coin de table.
Puis, ces notes revinrent à la vie. Comme elle s’était appesantie sur ses souvenirs, Elinor leva la tête quand le son lui parvint, ces harmonies métalliques particulières, caractéristiques de ces anciens instruments. Saisissant, songea-t-elle en écoutant Heidi se plonger dans les compositions de son Sire. Et en effet, il y avait bien quelque chose de saisissant dans ce spectacle, ce réveil des antiques notes oubliées de l’univers tout entier, sinon de la mémoire d’Elinor, qui jaillissaient à présent d’entre les mains de sa nouvelle protégée de cette époque. Voilà deux siècles qu’elles n’avaient plus résonné à ses oreilles, ces vieilleries que Jean lui avait abandonné sans mot dire, juste avant sa disparition.
Cadeau ou bien succession. Caprice ou bien intentionnel. La vérité n’était lisible nulle part dans ces prunelles sombres de l’immortelle, qui fixait la joueuse de clavecin avec une curiosité non feinte. Elle se tenait ainsi alanguie dans le divan, immobile comme une statue, que quelques harmonies faisaient craqueler le masque de marbre. Elle aurait presque ri. Car la rencontre avait cela d’amusante qu’elle ne risquait aucune conséquence ; un simple choc entre une culture musicale moderne et les délires iconoclastes d’un vieux vampire s’amusant avec les règles d’un art alors encore embryonnaire.

Elinor ferma les yeux un instant. Elle entendait les sons avec toute l’acuité des immortels, et ceux-là touchaient cette part d’elle-même, la jeune vampire d’autrefois, avide et fascinée, qui subsistait au fond de son être avec les années de sagesse et d’expérience accumulées.  Non cette nostalgie inutile et triste comme les siens sont saisis parfois, mais le plaisir délicieux de s’immerger à nouveau dans la virtuosité des arts, la flamme de vrais artistes qu’elle-même ne possédait aucunement.
Oui, je suppose qu’il aimerait cela, pensa Elinor, alors que la mélodie se tarissait et que le portail vers le passé se refermait lentement, telle une fenêtre poussée par le vent. Elle rouvrit les yeux. Derrière le clavecin se profilait le visage de son Calice, aux joues rougies d’effort, pétillante à la manière des humains ayant absorbés un peu d’alcool. Elle lui sourit en retour. À la réflexion de la jeune femme, le sourire se transforma en un léger rire, étouffé sobrement derrière le revers de sa main.

« Je suppose que c’est approprié pour l’auteur, oui. »

Oui, décidément, elle lui aurait plu, sans doute trop, pensa-t-elle à nouveau. L’analogie lui plaisait à elle, en tout cas, et sa pensée fut émaillée d’un sourire encore plus large. Elle se redressa quelque peu sur les coussins, chassant en même temps la brève ivresse que cette musique avait fait naitre.

« Non, ce n’était pas pour ça. »

Elinor se tut un instant. Son regard errait sur le clavecin patiné, brillant dans la douce lumière de la nuit, et un soupir s’échappa d’entre ses lèvres tandis qu’elle réfléchissait.

« Je préférerai que ces morceaux restent ici, mais tu seras libre de les étudier autant que tu veux. Ce n’est pas une question de confiance, rassure-toi, c’est simplement qu’ils sont trop fragiles pour être transportés souvent. »

Comme il aurait peut-être ri de la valeur que son élève donnait à ses créations. Pourtant, lorsque la vampire posait son regard sur ces feuilles usées, elle ne voyait rien d’autre que ses affaires à lui qu’il pourrait venir reprendre à tout moment. Durant un instant, Elinor fut plongée à nouveau dans ces mélodies tortueuses et dotées d’une flamboyance si particulière ; la quintessence de son mentor.

Toutefois, Jean était loin. Il n’y eut que le silence pour affronter la voix d’Elinor.

« Ils ont deux siècles, au minimum. Jean les avait écrites, j’ignore à quel moment exactement, et je ne sais pas non plus la valeur qu’il leur donnait. Je les considère comme ses affaires. Mais je suis sûre qu’il serait très content de te voir les étudier, ou de t’entendre dire qu’il faudrait l’enfermer. »

Elle s’autorisa un bref éclat de rire moqueur. Puis, comme le silence était revenu se lover dans le vide que la musique avait laissé, le sérieux revint s’installer sur les traits d’Elinor. Elle prit alors une longue inspiration, et la teneur de la conversation changea avec elle.

« Heidi, j’ai vu combien tu avais progressé dans la vie, » commença-t-elle en croisant ses longs doigts sur ses jambes. « Je suis contente que tu aies réussi mes demandes. Je pourrais te dire que ce n’est jamais fini d’évoluer, mais c’est à toi de déterminer si la Heidi d’aujourd’hui est toujours celle que tu veux être demain. »

Elinor chassa l’air d’un revers de main désinvolte. « Mais quoi qu’il en soit, je considère que tu as accompli ta part. Je reviens donc à ma proposition de départ, celle que je t’avais faite dans cet atroce restaurant. Est-ce que tu voudrais passer à l’étape suivante ? T’investir davantage dans la nuit ? »

Lascivement appuyée contre l’accoudoir, des mèches éparses cachant en majorité son expression, elle observait, indéchiffrable, la réaction d’Heidi. Elle n’avait nul besoin de rappeler les termes de sa proposition ; elle savait que l’humaine s’en souvenait parfaitement.

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Mer 6 Avr - 17:45 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



U
n épais brouillard mauve palpitant comme un cœur humain, voilà ce que t’inspirent les écrits que tu viens de déchiffrer. En fermant les yeux, tu te retrouves plongée dans cette brume étrange au parfum singulier d’aiguilles de pin et de cannelle. Les volutes de fumée dansent sous tes yeux clos et dessinent avec leurs ombres des formes étranges, évoquant le réel sans jamais l’appeler par son nom. Il y a dans ces sensations synesthétiques quelque chose de beau, à la fois brut et raffiné, que la Nature ne saurait créer d’elle-même ; un beau tel que seul l’Homme est capable de produire, s’élevant ainsi pour un temps de toutes ses contraintes matérielles pour faire dialoguer les âmes.

C’est une expérience que l’on pourrait croire difficile pour toi quand on sait à quel point tu abhorres discuter, en grande partie parce que tu ne te sens pas capable de trouver les mots exacts pour exprimer tes pensées, mais elle se révèle pourtant salvatrice. Grâce à la musique, belle et donc aussi laide qu’un esprit peut l’être, tu nourris l’espoir, sinon la certitude que tu peux comprendre aussi bien que te faire comprendre.
Mais le sujet de l’échange entre la vampire et toi n’est pas là, ou du moins plus maintenant que tu l’as délibérément fait dévier, trahissant au passage l’impatience qui te démangeait jusque-là. Vous avez déjà eu l’occasion d’échanger longuement sur la conception que tu as de ton art de cœur, mais les choses s’apprêtent à prendre un tournant bien plus terre à terre.
 
Tu comprends facilement qu’elle ne puisse pas accéder à ta demande, et si une subtile note de déception avait rapidement résonné en toi, elle s’est bien vite évanouie en entendant Elinor en exposer les raisons. Tu t’estimes déjà extrêmement chanceuse et privilégiée qu’elle t’accorde une telle confiance et te laisse pénétrer à petits pas vers des aspects peut-être plus intimes de son esprit. Tu es plus persuadée à chacune de vos rencontres que derrière cette stature impeccable de flegme et de mystère se trouve un spectre empreint d’humanité comme elle t’a dit de ne jamais l’abandonner. Au final, peu importe ce qu’elle fait de ses émotions, l’important est qu’elles existent.
Personne ne conserve avec autant de soin les legs d’un disparu si ce n’est pas pour la valeur que ses émotions leur accordent. Tu te demandes si, si tu venais à disparaître demain, elle garderait le disque que tu lui as offert. Le ferait-elle écouter à une autre protégée en lui parlant de toi ? Ces pensées ne sont pas nouvelles pour toi, et aussi loin que tu puisses te souvenir tu t’es toujours demandé comment on réagirait si tu venais à cesser d’être. Indifférence, soulagement, tu as longtemps été hantée de savoir que tu n’avais pas une seule place à laquelle tu manquerais ; aujourd’hui, la question est bien moins douloureuse et la réponse que tu te formules, teintée d’un véritable espoir. Les âmes dont je pleurerais la disparition pleureraient-elles la mienne ? Tu oses espérer que c’est le cas.
 
Mais là encore, ce n’est pas le sujet de la conversation. Tandis que le silence reprend ses droits sur l’atmosphère de la pièce, tu sens émerger un tout autre type de sérieux de l’attitude de ta marraine ; la même gravité que contient le silence liant deux mouvements d’une symphonie entre lesquels il est proscrit d’applaudir.
Le premier mot à troubler le bruissement rassurant des buches crépitant dans l’âtre est ton prénom. Tu aimes toujours autant l’entendre le prononcer, la manière dont cette courte mélodie sonne comme un air malicieux et complice. Cela te fait toujours quelque chose, une sensation au beau milieu de la poitrine que tu ne troquerais contre rien au monde. Pourtant, la suite flatte encore bien plus ta dépendance à sa reconnaissance. Entendre la personne pour laquelle on a le plus d’estime reconnaître ses efforts, ses progrès et ses réussites, c’est une sensation enivrante, peut-être littéralement pour l’ancienne alcoolique que tu es. C’est une vague de bien-être rare qui se propage dans ton sang, chaude et confortable comme la brûlure de la liqueur traversant ton œsophage, hormis que celle-ci tu l’as méritée. Aucune substance, aucun artifice, seulement le fruit de plusieurs mois d’efforts intenses et à contrecourant de ta vie d’avant enfin pouvoir y gouter.
Elle n’a pas besoin de formuler explicitement sa question, tu sais déjà exactement de quoi elle parle, et tu sais tout aussi bien quelle réponse tu vas lui apporter. Le souvenir du restaurant dans lequel elle t’a amenée ce soir-là pour ton baptême du surnaturel provoque chez toi un ample sourire et empourpre subtilement tes joues en repensant à l’autre baptême de la fin de la soirée. Au-delà de ces pensées tantôt honteuses, tantôt réconfortantes, une véritable émotion te saisit à la gorge et la noue en humidifiant tes yeux.
Tu as encore en tête ses mots lorsqu’elle t’a dit que tu n’étais pas encore prête. Tu te souviens exactement de la mélodie tonitruante qui se jouait en arrière-plan, de l’odeur d’alcool mêlé de sueur qui imbibait l’espace et de cette goutte d’eau glissant lentement le long de la paroi de ton verre. Tu ne vas pas pleurer, mais tu n’as aujourd’hui pas vécu d’accomplissement plus grand que celui-ci. Repasser des mois en arrière et contempler l’état dans lequel tu errais, et admirer celui d’aujourd’hui. Tous les choix que tu as faits ces derniers mois, toutes ces décisions que tu as prises étaient dans l’unique objectif de voir un jour, ou plutôt une nuit, ce moment se produire.
 
Il te faut faire preuve d’un self-contrôle hors du commun pour ne pas laisser échapper le oui qui se pressait contre tes lèvres pour sortir instantanément et accepter avec impatience la proposition d’Elinor. Nerveuse, tes mains se rejoignent sur tes cuisses et tes doigts se lient et se délient avec maladresse pendant que tu cherches quelques mots pour agrémenter une réponse que ton corps tout entier donne déjà à ta place.
 
- Il y a encore beaucoup de choses que j’aimerais changer, mais je n’arrêterai pas de faire des efforts pour ça.
 
Instinctivement, tu tentes de cacher le sourire qui ne cesse de revenir à l’assaut de tes lèvres carmin derrière ton épaule couverte de tissu onéreux. Ton regard se perd dans le vague durant quelques secondes en songeant à toutes les choses qu’il te reste à accomplir pour devenir la personne que tu as réellement envie d’être. Faire la paix avec toi-même, ces mots résonnent encore dans ton esprit comme si elle venait de les prononcer. Tu n’y es pas encore arrivée, mais tu fais tout ce qui est en ton pouvoir et même plus pour atteindre cet objectif.
 
- Je sais que tu connais déjà ma réponse, Elinor. Je sais que tu veux que ce choix soit mesuré, et je peux t’assurer que j’ai passé des heures et des heures à y réfléchir.
 
Un sourire juvénile trahit la présence l’enfant en toi, celle dont tu es en train lentement de réaliser le rêve. Pas seulement celui de devenir une créature de la nuit, mais aussi celui d’enfin se sentir appartenir à une famille. Tes yeux, brillant d’un éclat nouveau et heureux, retrouvent les sombres orbes de l’immortelle scrutant tes réactions.
 
- Je serais vraiment très fière de franchir ce pas. Tu ne le regretteras pas, je te le promets.

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Elinor V. Lanuit
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- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Dim 17 Avr - 11:40 (#)



Une année avait filé en un battement de cils. Comment elle lui semblait loin désormais la soirée de leur rencontre, les effluves de sa chair et la saveur de sa vie. Maintes fois leur relation avait tenu sur le mince fil du rasoir, entre hésitations et imprévus, déceptions et remontrances ; voilà deux âmes qui s’apprivoisent aurait-il estimé lui, et Elinor ne lui aurait pas donné tort. Car elle avait découvert dans ce ballet à deux, le plaisir délicieux et noble de sculpter, de polir une matière brute, humaine, vivace et qui était dans l’air du temps, comme disent les français. Rien n’était le fruit du hasard avec elle, jamais, encore moins dans son art délicat de modeler un être vivant pour l’éternité de la nuit.
Alors, elle le vit bien avant de naitre, ce sourire. Cette délicate courbure des lèvres, que Elinor avait aperçu déjà à plusieurs reprises dans le secret de ses réflexions. Elle avait eu bien assez l’occasion de réfléchir à la mise en scène de cette soirée. Comment traduire, comment symboliser l’importance d’une telle discussion ? Et comment renier, bouleverser et jeter les clichés des humains ? Oh elle le savait, Heidi tout comme les autres devaient écouter et lire les récits fantasques sur sa race, autant d’aspérités que la vampire se devait de lisser sur son chef d’œuvre. Et dans son lot de cartes à jouer, l’intimité du logis et d’une discussion à cœur ouvert lui avait semblé le meilleur atout à utiliser.

Elinor le vit aussi clairement que le jour ce sourire. Elle se montra toutefois de marbre, et laissa courir un silence pensif, qu’elle ne brisa que d’une voix lente.

« Je la connais. Mais je sais aussi que tu n’as pas tous les éléments en main pour décider pleinement, et j’aimerai que tu m’écoutes avant de me donner une réponse définitive. »

Comme à l’accoutumée, elle n’avait trahi aucune émotion, ni aucun mouvement en disant cela. Elle était lascivement installée dans ce divan, autour duquel le décor était resté le même, confortable et chaleureux. Et cependant, l’atmosphère avait subtilement changé. Le vent avait diminué en force, le feu dans la cheminée s’était tu et le manoir tout entier paraissait retenir son souffle ; la vampire était au centre de son univers et celui-ci effectuait sa rotation autour de sa personne. Les ombres mouvantes sur les rayonnages de la bibliothèque se firent courbes et attentives, tandis qu’elle reprenait la parole.

« Ce n’est pas un refus, bien sûr, » continua-t-elle en détachant chaque mot distinctement. « Mais tu dois connaitre certains enjeux avant d’accepter en toute connaissance de cause. »

Cet instant, elle l’avait vécu aussi des siècles de cela. Une autre époque, un autre mentor, d’autres mœurs, et pourtant cette nuit d’aujourd’hui détenait encore le même schéma. Le rideau de la scène avait été tiré, les acteurs étaient en place, et dans leur immense salle s’était lovée cette atmosphère si particulière, ces parfums si pleins d’attente et d’espoir. Elinor se redressa contre le dossier, et son regard se fit distant, comme celui des personnes s’apprêtant à une longue tirade.

« Tout d’abord, si tu acceptes cette étape, tu ne seras plus humaine. Tu ne seras ni entièrement une vampire, ni une humaine, ce qui se traduira par des capacités surnaturelles. Capacités que tu devras, tu t’en doutes, maitriser et être responsable avec. C’est déjà un point extrêmement important. »

L’immortelle s’éclaircit la voix un instant. Comme les flammes jetaient des reflets irisés dans ses yeux, elles laissaient deviner l’intense réflexion derrière cette attitude habituellement indéchiffrable et le rythme posé, toujours un brin mélancolique de sa voix envoûtante.

« Ensuite, » reprit-elle en fixant Heidi. « Tu devras te plier aux mêmes règles que moi, car je devrais te confier des secrets seulement connus des nôtres et tu devras les garder pour la sécurité de tous. Tu feras partie de la famille. À ce titre, tu seras considérée avec les mêmes égards que moi, mais tu auras aussi des obligations pour le bien commun en retour. »

Elinor agita vaguement la main, et esquissa un sourire. « Bien sûr, je t’apprendrai au fur et à mesure. Mais le secret et le respect des règles communes est le plus important de tout. Tu seras tenue pour responsable de tes actes et moi aussi je le serais. Je dois avoir pleinement confiance en toi, car non seulement tu pourras me représenter auprès des nôtres, mais je pourrais te confier des tâches à faire en mon nom. »

Le silence vint envelopper ses derniers mots, leur donner une masse, une densité bien nécessaire à l’importance qu’ils revêtent. Quant à Elinor, elle demeura indéchiffrable, et le sérieux qui habitait à présent ses traits était la parfaite illustration de la nécessité de cette longue discussion.

« Qui plus est, ce nouveau statut va bouleverser notre relation. Tout sera bien plus… Intime, disons. Tu n’auras plus l’obligation de me fournir ton sang, mais pourtant, nous serons davantage liées l’une à l’autre d’une autre manière. Et cela, pendant sans doute très longtemps. »

Nonchalamment, Elinor s’appuya sur l’accoudoir à ses côtés et, tandis que le poids de ses mots, la gravité de son timbre résonnait encore entre ses murs, elle s’autorisa un sourire d’encouragement.

« Tu n’as pas besoin de me donner la réponse ce soir, » ajouta-t-elle rapidement. « Au contraire, je souhaiterai que tu prennes quelques jours de réflexion. Tu peux loger ici en attendant, bien sûr. Je t’encourage à poser des questions aussi, c’est plus que jamais le moment. »

Derrière cette assurance, ce masque indéchiffrable dont elle aimait se vêtir, existait toutefois une chaleur que Elinor s’efforçait de dissimuler. L’attente d’une âme solitaire qui avait erré dans ses couloirs de silence trop longtemps, et qui se doutait d’avance d’une réponse tant attendue.

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Mar 19 Avr - 16:56 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



L
e doute a cela de terrible qu’il ne pourra jamais être absolu, et pourtant il n’en aura jamais besoin. Une seule goutte dans tout un océan pourrait suffire à renverser un empire entier, alors que dire d’un torrent ? Le doute est un monstre qui se nourrit de passion et qui grandit d’autant plus que son hôte est attaché à la cause qu’il parasite.
Dans ton cas, dire que tu es attachée à ton désir de rejoindre le monde de la nuit est un doux euphémisme que tu n’as jusque là jamais partagé avec personne sinon la femme au flegme à toute épreuve qui se tient devant toi. Elle détient sur toi un pouvoir qu’il serait effrayant de réaliser et qui pourrait tirer de toi le meilleur comme le pire ; elle détient le pouvoir de faire de ta vie celle dont tu rêves depuis l’adolescence tout comme celui de te reprendre tous les cadeaux qu’elle t’a déjà faits depuis maintenant un an que vous vous connaissez. Les choses vont bien au-delà du matériel, ça n’est pas à propos de l’appartement, de la voiture ou des robes : c’est à propos de cette humanité que tu as trouvé le long de tout le chemin que tu as parcouru depuis et que tu croyais pourtant inaccessible.
Alors si dans ton esprit ne subsiste aucun doute quant au fait de vouloir t’engager encore plus loin sur cette voie qui t’a déjà tant apporté, ne voir en elle aucun écho de ton propre enthousiasme fait renaître celui de ta légitimité. Cette petite voix qui répète encore et encore la même chose depuis près d’une année : pourquoi toi ?

Le sourire qui s’était approprié les traits de ton visage se dissipe bien vite, un peu comme on aurait dû te mettre dehors lors de cette soirée à laquelle tu n’étais pas invitée. Toujours assise sur le tabouret du clavecin, tu adoptes une posture bien plus réservée comme tu à l’impression de sentir t’échapper l’objet de ton désir le plus revêche alors que tu le touchais enfin du bout des doigts. Quelles informations pourrait-elle t’apporter qui pourraient faire vaciller une conviction bâtie des mois, voire des années durant sans jamais rencontrer la moindre résistance ?
Sans prononcer le moindre mot ni exprimer la moindre objection, tu te rétractes légèrement sur ton siège en laissant un air bleu sculpter son visage. Que voudrais-tu dire, de toutes façons ? Elle sait mieux que toi.
Elle te connaît bien, l’immortelle, puisque la première chose qu’elle fait après avoir remis en question ton choix est tenter de te rassurer. Heureusement qu’elle l’a fait, à vrai dire, puisque cela apaisera suffisamment le trouble apparu dans ta tête pour que tu l’écoutes avec tout le sérieux et l’attention que ses propos méritent.

De la suite de son discours, ton cerveau extrait les mots les plus importants pour le faire tournoyer fugacement dans cet espace mental que tu es la seule à pouvoir voir.
Plus humaine, capacités surnaturelles.
Responsable, important.
       Extrêmement important.
Règles, secret, sécurité.      
Famille, obligations.
Famille.  
Famille.        
Famille.                                

Attentive à l’extrême, tu hoches subtilement la tête en écoutant Elinor te parler sans vraiment t’en rendre compte tandis que tu essaies de défocaliser ton attention des mots qui attirent ta préférence. Tes yeux retrouvent les siens, toujours aussi sombres et sibyllins, et l’espace d’un instant, tu as l’impression que plus rien d’autre autour de vous n’existe. Tu es prise d’un vertige étrange, le même que lorsque tu te concentres sur un livre ou une partition et que tu as l’impression de rapetisser et plonger en leur direction, de te faire happer dans un vortex immobile.

Ton imagination fonctionne à plein régime pour trouver temporairement des réponses à toutes les questions que tu te poses, mais l’une d’entre elles ne saurait en trouver autrement que par les mots de la vampire : de quel genre d’intimité parle-t-elle ? C’est une question que tu devras lui poser, comme elle t’invite à la faire. Une foule d’interrogations se bouscule dans ta tête pendant que tu acquiesces doucement en tâchant de cacher du mieux possible la déception qui suit immédiatement ton élan d’enthousiasme sans doute trop exacerbé.

- D’accord, je vais prendre quelques jours de plus.

Il n’est pas difficile, encore moins pour Elinor, de deviner que tu n’as pas envie d’attendre. L’impatience a toujours été un défaut qui a garni la palette de ton caractère, mais tu as réussi récemment à la tempérer. Avant, tu la gérais tout simplement en donnant tout ce que tu pouvais pour obtenir ce que tu voulais avec une obstination qui frôlait l’absurde. Aujourd’hui, tu prends sur toi, aussi difficile cela soit-il, mais l’espoir que ta marraine constate cette évolution de ton caractère suffit, au moins partiellement, à te consoler.
De toutes les questions qui te viennent, tu ne sais pas lesquelles lui poser. Par où commencer, lesquelles sont vraiment pertinentes ? Il y a toujours dans un recoin de ta conscience une autorité scrutatrice qui examine les moindres mots que tu penses lui adresser, de peur de la décevoir ou de paraître illégitime à partager son temps. Doucement, tu finis par baisser les yeux pour réfléchir quelques instants et te détacher de ce vertige si étrange.  Les secondes filent, libérées du carcan de votre discussion pour le temps de ta réflexion. Tes doigts s’agitent nerveusement sur tes cuisses, signe que tu ne fais pas semblant de songer à ses propos seulement pour lui faire plaisir mais bien que tu considères ses mots avec autant de sérieux que tu en es capable.
Finalement, tu relèves les yeux vers l’immortelle qui n’a pas bougé de son assise de velours.

- C’est bête comme question, mais même si je refuse, on pourra toujours continuer à se voir ..?

Question bête, peut-être, mais essentielle à tes yeux. Tu as besoin de cette confirmation, car tu te sais capable d’accepter de franchir ce pas uniquement pour rester aux côtés de ta marraine, et tu sais que cette raison ne saurait être valable à ses yeux. Tu essaies malgré tout de garder la face en lui offrant un sourire désolé avant de reprendre.

- Je me doutais un peu qu’il y aurait plus de règles et de contraintes. Je.. mh. Je sais que j’ai jamais vraiment très forte pour suivre les règles. Je peux pas vraiment dire que je regrette, sans ça je t’aurais jamais connue, mais je crois que j’ai changé. Je suis plus la même qu’il y a un an, et ça me tient vraiment à cœur que tu me fasses confiance.

Avant, tu n’avais aucune raison de suivre les règles que l’on t’imposait. Les conséquences de tes actes n’étaient qu’un vague concept avec lequel on t’avait assommée en pensant que c’est cette répétition qui allait venir à bout de ton insolence. Aujourd’hui, tu as une raison de suivre les normes que l’on t’imposerait ; tu as beaucoup à perdre, et tu réalises soudain l’utilité des règles et leur nécessité.

- Quand tu parles d’intimité.. qu’est-ce que tu veux dire exactement ?

Tu t’estimes déjà extrêmement honnête avec Elinor et rares sont les choses que tu lui caches, mais elles ne sont pas inexistantes. Serais-tu contrainte de lui livrer jusqu’aux plus basses de tes pensées et tes pulsions les plus sombres ? Tes bouffées de violence extrêmes et tes fantasmes déviants ? C’est une perspective inquiétante et tu as peur qu’elle décide de mettre fin à votre relation si elle venait à connaître le moindre recoin obscur de tes pensées.

- Et ces capacités surnaturelles, tu veux dire comme des.. pouvoirs magiques ?

En posant cette question, tu regrettes presque instantanément. Tu te revois plus jeune, durant les semaines ayant suivi la révélation de la magie à essayer en vain de te trouver un quelconque talent magique. Tu te souviens à quel point tu aurais voulu en avoir un, et à quel point tu as été et es toujours jalouse en croisant ceux qui ont été choisis par le hasard pour naître avec. Tu trouves ces réflexions puériles, mais tu ne peux pas les contrôler, et surtout, tu ne voudrais pas qu’Elinor puisse penser que tu finiras par outrepasser les limites qui y sont inhérentes.
Cela voudra aussi dire le cacher à Anaïs et lui mentir encore un peu plus alors même que cela pourrait vous rapprocher et enfin faire s’évanouir la jalousie que tu éprouves envers elle et sa nature.

Beaucoup d’autres interrogations restent pour l’instant en suspens, mais tu profiteras du séjour qu’elle te propose en sa demeure pour les lui poser une fois l’esprit un peu plus reposé. De quels égards en particulier parle-t-elle ? Quel genre de tâches te confierait-elle ? Auprès de qui la représenter ? Tu ne crois pas que cela changera ta décision, mais au moins, tu sauras précisément ce qui t’attendra après cette renaissance symbolique.



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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Mar 26 Avr - 23:49 (#)



« Très bien. Quelques jours de réflexion te seront profitables, j’en suis sûre, » fit la vampire, comme son regard se faisait distant, et le timbre de sa voix s’amenuisait lentement.

Un silence méditatif se lova entre elles, où la chaleur intime des lieux, le velours des ombres, tissait un voile de secret qui donnait un poids aux mots d’Elinor. Le temps aurait pu s’arrêter. Le manoir, avec sa décoration d’un autre siècle, accentuait ces sensations, lui qui semblait si déconnecté de la réalité de cette époque. Dehors, auraient pu s’étendre les landes cerclées de brumes de l’Ecosse, ou bien l’isolement sauvage des denses forêts polonaises ; entre ces murs, l’esprit était enveloppé d’un rêve éternel ou bien ciselé dans les pages d’un roman gothique. L’esprit était emporté, trompé.
Et Elinor en était le centre. Cette femme jouant aux jeux des éternels, qui ne semblait appartenir à rien, ni à personne. Elle avait son univers à elle seule. Oh bien sûr, le couperet de Gabriel était tombé pour lui accorder une nouvelle Marque, avec le tranchant habituel dont il faisait preuve. Mais lui aurait-il refusé, à elle ? L’œil scrutant les flammes, l’immortelle les revit alors tous les deux. Lui assis dans son fauteuil de maitre, dans l’un des luxueux salons rococo du manoir français, elle debout, adossée lascivement contre la fenêtre, d’où se déversait le flot argenté de la lune.

La décision avait déjà été prise, se souvint-elle avec un brin d’amusement, mais par qui, n’est-ce pas Gabriel.

L’immortelle chercha à s’en souvenir. Ce soir-là, les chants des insectes et des amphibiens bruissant sous le ciel nocturne, avaient rimé avec le crépitement des flammes. Et à l’intérieur du manoir Lanuit, les senteurs végétales des plantations étaient rendues intenses et pénétrantes par la fraicheur nocturne. Celles-ci s’infiltraient alors dans les rainures des fenêtres, autour d’Elinor, et se mêlaient à la chaleur capiteuse des boiseries réchauffées par les flammes. Les deux immortels avaient eu l’une de leurs conversations habituelles, faites d’idées sous-jacentes et de phrases succinctes.

Oui, cela devenait nécessaire. Oui, c’est entendu. Non, celle-ci sera différente. J’espère, oui. Leurs conversations étaient faites ainsi, et nul autre n’en saisissait mieux le sens qu’eux-mêmes.

L’Anglaise et le Français s’entendaient bien. Elle s’était alors assise à ses côtés, nullement intimidée par son aura écrasante, que chacun craignait avec raison. Ils avaient alors discouru comme deux vieilles âmes similaires. Et lorsque les battants immenses du hall s’étaient fermés sur une dernière étreinte, Elinor était revenue à sa voiture avec une décision fermement ancrée dans son esprit. Ainsi, ils se fortifiaient ensemble régulièrement, bien qu’elle n’ait qu’une fraction de son âge, et nulle autre Lanuit ne savait la teneur du lien entre eux ; Elinor demeurait bien trop secrète à ce sujet.

La voix d’Heidi la ramena toutefois au présent.

Comme le souvenir de son ami demeurait vivace, un sourire absent s’était installé sur le visage de l’immortelle, et lorsqu’elle tourna la tête, celui-ci devint un rire discret et affectueux.

« Bien sûr. Mais tu auras moins accès au clavecin. » répondit-elle en se redressant sur son séant, afin de mieux prêter attention aux interrogations de sa protégée.

L’absence de discussion l’aurait contrarié. Elle n’en dit mot toutefois. Elle s’était attendue, avec un certain plaisir, à une multitude de questions toutes légitimes, venant d’Heidi.

« Ce sont des règlements différents des humains, Heidi. Ils ont pour rôle de préserver la sécurité des nôtres, et non de restreindre des libertés. Tu les suis déjà en partie. Je t’ai confié certaine choses en te demandant de les garder pour toi, c’est déjà respecter les règles du secret. Je suis sûre que tu en verras vite l’utilité. »

Refuser la Mascarade lui avait toujours semblé inconscient. N’était-elle pas elle-même cousu d’un étroit maillage de secrets ? Bien sûr, Elinor avait toujours suivi ses propres règles, sa propre logique, toutes dissimulées dans le sanctuaire de son esprit, et rares étaient les personnes y étant invités. Même Gabriel ne l’avait pas été. Seuls ses propres Marqués à elle, rares eux-aussi, avaient aperçu quelques fragments de ses intentions comme les échardes d’un miroir ; certains avaient été blessés, d’autres n’avaient tout simplement pas supporté. La Marque ne pouvait être donnée à la légère, elle le savait mieux que quiconque.

« Une intimité mentale, » commença-t-elle avant de marquer une pause pensive, car il était bien malaisé d’évoquer la réalité de la Marque sans en révéler le secret trop tôt.

« Au fil du temps, nous n’aurons presque plus de secrets l’une envers l’autre. Si le lien persiste assez longtemps, nos esprits seront alors étroitement liés de plusieurs manières. »

Elle se tut abruptement. Puis, un sourire moqueur se dessina sur les traits d’Elinor, tandis qu’elle se détournait pour masquer ce début d’hilarité.

« Je te rassure, je sais à quoi m’attendre. Je t’ai cerné mieux que tu ne l’imagines. Je ne suis ni idiote, ni prude, encore moins aveugle ou moralisatrice. »

Patiente et bienveillante ce soir-là, l’immortelle s’appuya nonchalamment sur l’accoudoir du divan, et son attitude redevint progressivement sérieuse. De nouveau, le dilemme refit surface dans ses pensées ; elle bataillait avec le délicat exercice de ne rien révéler de secret, tout en laissant à Heidi suffisamment de clés en main pour réfléchir demain. Elinor reprit la parole d’un ton mesuré.

« Oui et non. Ce sera bien différent. Tu auras des talents inhérents à ta nouvelle nature qui, comme je te disais, sera à cheval entre deux états. Je te donnerai en héritage certains de mes traits. »

Lentement, Elinor se leva. Elle fit quelque pas devant l’âtre, et la lumière mouvante dessina son ombre sculpturale sur le divan carmin. Le vent se fit à nouveau entendre. Le bois de la bibliothèque gémit sous les contraintes. Un parfum chaud, indéfinissable flottait dans l’air ; tout le manoir était chaud et palpitant, comme une douce entracte avant de reprendre le cours de l’existence.

« Je dois t’avouer que ce sont déjà des secrets, que je te partage là, » reprit-elle doucement. « Je vais faire de mon mieux durant ces quelques jours pour te donner suffisamment de matière à réfléchir afin de prendre ta décision. Quoique tu décides, sache que je reste là pour toi. »

L’immortelle se tut finalement. Elle resta ainsi, à contempler les flammes vacillantes, une silhouette solitaire entre ces murs affrontant la tempête du temps ; Elinor elle, apparaissait immuable.


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Mer 27 Avr - 21:05 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



A
u fur et à mesure que le temps passait, que la météo prenait ses aises à l’extérieur et que la chaleur de l’âtre rayonnait un peu plus uniformément entre les murs du bureau, la conversation devenait plus acidulée. Avec Elinor, tout finissait par avoir une saveur particulière, subtile et indéfinissable ; la légèreté côtoyait la gravité dans un ballet que l’on croirait répété pendant des siècles. D’indicibles secrets d’une race surnaturelle se mêlent aux sous-entendus narquois et les enjeux cryptiques d’un choix qui bouleverserait ta vie dansent aux travers de ses lèvres immortelles avec les plaisanteries espiègles d’un esprit affuté.
Elinor est une très bonne pianiste, au sens littéral comme au figuré. Elle sait presser les bonnes touches au bon moment pour faire résonner toutes les cordes qu’elle désire. Elle sait s’adapter à son public, et comme elle te le rappelle, tu es pour elle une partition qu’elle a fini par maîtriser sur le bout des doigts.
Sans exprimer le moindre jugement, elle commence par désamorcer tes craintes avec une remarque qui te fait sourire. Et puis, une réponse sérieuse qui ne te prend pas de haut, jamais, parce qu’avec le temps elle doit savoir que le meilleur moyen d’obtenir ta bénédiction est de te parler avec considération. Un encouragement déguisé que tu sais apprécier, et tu la gratifies d’un hochement de tête humble. Une révélation cryptique qui te fait prendre un peu de recul sur ton assise suivie d’une sorte de réponse taquine à des pensées que tu ne lui as même pas confiées. Tu fais d’abord mine de t’offusquer un court instant, ouvrant la bouche pour tenter d’objecter, mais tu te ravises vite en lui adressant un regard qui lui tirerait presque la langue. Et pourtant, tu ne savais pas toi-même que c’était exactement la mélodie que tu avais besoin d’entendre. Une dernière réponse cachant encore bien des mystères qu’elle n’est pas encore en mesure de te révéler, et elle se lève, s’appropriant savamment le rythme de la discussion dans un ritenuto grandiose avant le point d’orgue final : une cadence parfaite achevant le mouvement sur ta note bleue.
Après avoir entendu ce récital tenant place de définition pour la maestria, comment encore douter ? Elle est la personne aux côtés de laquelle tu as envie de grandir, d’évoluer et de t’épanouir. Elle est la personne en qui tu as envie de placer toute ta confiance sans retenue.

- Merci beaucoup.

Dans le confort daté du bureau, tu n’avais pas remarqué que la nuit s’était faite plus dense dehors. La tête légère et pourtant chargée d’émotions et de nouveaux questionnements, tu regardes à travers la fenêtre la végétation s’agiter sous l’effet du vent. Il n’y a aucun signe à y voir, pas le moindre indice quant à la décision que tu dois prendre ou aux mots que tu devrais prononcer, mais ça n’est pas grave. Bien que turlupinée par un faux dilemme, tu es en paix ce soir, et c’est dans cet état d’esprit que tu rejoindras cette nouvelle chambre que tu pourrais appeler tienne au sein de ce manoir unique en son genre.

Le réveil le lendemain matin a été unique lui aussi. Tu as ouvert les yeux tôt, par la force de l’habitude, et tu t’es rapidement étonnée de l’absence du bruit blanc de la ville se réveillant en même temps que toi. A la place, un silence de marbre seulement interrompu à de rares occasions par le craquement rauque du bois qui travaille. Tu as battu des paupières quelques instants pour voir avec netteté les boiseries et la décoration d’un autre temps de la chambre, et tu as souri en pensant à toutes les étapes qui t’ont permise de te réveiller de cette manière. Tu as repensé à la conversation de la veille, et pour la première fois depuis longtemps, tu as commencé ta journée en ayant la conviction qu’elle serait bonne.
Après avoir enfilé ta robe soigneusement pliée sur le dessus de la commode, tu t’es extirpée le plus discrètement possible pour t’en retourner à ton appartement avec une seule chose en tête : décrocher l’une de tes affiches de Chet Baker pour retourner l’exhiber avec une impertinence inoffensive sur le mur de ta chambre. Tu en profiteras aussi pour t’accorder ta séance de sport quotidienne et t’occuper de ton chaton maladroit et dont tu as promis à ta marraine qu’il serait propre et bien élevé pour pouvoir l’amener avec toi lors de ton séjour.
En réalité, la liste de tes affaires à emmener est plutôt longue et ne se limite pas à seulement quelques vêtements de rechange. L’oisiveté n’est pas une option, même nimbée dans le confort gothique et désuet du manoir de ton immortelle préférée ; alors, tu dois prendre avec toi tes cahiers et tes feuillets de pages maculées nerveusement d’encre en motifs étranges, associations bicolores de points et de traits à l’élégance toute relative.

La soirée suivante, bien que toujours teintée par le sentiment d’étrangeté du fait que tu ne sois pas encore accoutumée à ce mode de vie bourgeois, s’est passée à merveille. Bien évidemment, tu ne l’as pas passée en totalité avec Elinor, vous avez toutes les deux du travail ou des affaires à gérer, mais elle a tenu sa promesse en apportant des réponses à toutes les questions que tu as pu lui poser au milieu de discussions plus légères ou personnelles. Et une nouvelle fois, tu es allée dormir pendant qu’elle allait poursuivre sa nuit pendant encore quelques heures.
Il est assez étrange d’habiter avec quelqu’un qui ne partage pas ses horaires. Le réveil de l’une coïncidant avec le coucher de l’autre, c’est une expérience particulière mais pas nécessairement désagréable. Comme seule la journée, livrée à toi-même dans le dédale de couloirs et de pièces de l’immense maison, tu y trouves tes marques à tâtons et tu apprécies même timidement les vertus d’un si grand espace pour y projeter tes réflexions. Et cette réflexion, tu en avais besoin ; c’était d’ailleurs tout l’objet de ta présence entre ces murs modernes et surannés à la fois.
Pendant ces deux jours, la question n’a jamais été de savoir pourquoi accepter, mais plutôt pourquoi refuser. C’est une interrogation que tu n’as pas l’habitude de te poser, puisque d’ordinaire tu sais toujours trouver d’instinct une raison de ne pas aller vers l’Autre. D’ordinaire, tu es une experte pour prôner la négative et te ranger entre la main et la pièce.

Il est à peu près onze heures du soir lorsque tu frappes à la porte du bureau dans lequel travaille l’immortelle. Lorsqu’elle t’invite à entrer, tu en passes l’encadrement et te postes une paire de pas plus loin avec une démarche assurée, aussi élégante que martiale. Tout de noir vêtue, comme au naturel, tu accapares jalousement son regard avec le tien, couvant une subtile étincelle de fierté, comme si tu venais de venir à bout d’une énigme réputée insoluble. Oh, tu sais très bien qu’elle a su ce que tu venais lui dire dès lors que tu as posé la main sur la porte, mais cela ne change rien pour toi. Tu prends une grande inspiration, relèves le menton et les épaules tandis qu’un sourire subtil arque la commissure de tes lèvres, et tu déclames avec confiance :

- Elinor, j’ai réfléchi. Je veux le faire.

Tu aurais pu prendre encore des jours, voire des semaines avant de te dire qu’il en était assez. Après tout, quand décider d’arrêter de chasser ce qui n’existe pas ? C’est une quête sans fin, et rien ne change entre deux moments où l’on pense à laisser tomber parce que l’on ne trouve rien. Tu aimerais dire que tu as eu un déclic, une pensée précise et mémorable qui t’a fait dire qu’enfin, le moment était venu, mais ça n’est pas le cas. Installée dans un canapé du salon à griffonner entre les portées de ta feuille, tu as simplement eu la sensation que c’était le moment. Maintenant ou jamais, comme avant de sauter à l’élastique du haut d’un canyon ; une bouffée de courage ou simplement de détermination émouvante, la plus belle fin qu’un travail puisse connaître et que l’on se doit d’attraper sur le moment.
Tu n’as pas eu de déclic, parce qu’au fond de toi, c’est ce que tu as toujours voulu.




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- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Mer 4 Mai - 23:23 (#)



Trois nuits.
Trois nuits ayant chacune une saveur inédite. Trois nuits détachées du monde, entre ses murs froids et chauds à la fois, où se croisaient la vie et la mort. Trois nuits sous forme d’interdit. Car la trame qui s’ébauchait et se déroulait ici, était le commencement d’une toile future, plus complexe, qui allait à son tour écorcher l’ordre naturel des choses. Elinor le devinait. Elle l’avait anticipé comme de coutume. Et les murs vernissés de son manoir, ces boiseries silencieuses et lisses, ressentaient ce jalon à venir et paraissaient se courber vers ce cœur encore vivant qui arpentait leurs allées.
Trois journées où le silence fut brisé. Comme la reine des lieux dormait d’un sommeil de mort, la vie avait traversé les couloirs, et ceux-ci s’étaient tenus attentifs à ses allées et venues. Ils n’étaient pas habitués à être dérangé. Le bois perclus de sommeil gémissait sous la caresse d’un rayon de soleil, les livres sur les rayonnages exhumaient des senteurs de poussière, et la cuisine hébergeait ainsi les premières odeurs de nourriture depuis longtemps. Le manoir était plein de crampes. Il n’avait plus inspiré et expiré durant la journée depuis des décennies, et sa respiration était laborieuse.
Trois jours à éveiller ce qui dormait seul. Le manoir avait perdu cet air aveugle, que lui donnaient ses fenêtres voilées durant la journée, et les rayons s’infiltrant à l’intérieur révélaient un univers secret ; il se tassait sur lui-même, incertain et méfiant. Et l’orme le couvant de son ombre, semblait lui aussi perdre de son pouvoir gothique sous la clarté solaire, en redevenant un arbre vénérable, parcouru de vieilles branches et d’écorces desséchées. Les lieux baignés de lumière se révélaient frêles, muets et solitaires dans l’attente du pouvoir des ombres, qui leur rendrait leur aura et leurs mystères.

Elinor le ressentait ce bouleversement indéfinissable. Elle le ressentait dans ses os. Dans ces senteurs nouvelles imbibant les tentures, dans les murmures du bois, ou bien les sens de la vampire, ses intuitions prédatrices, ne lui révélaient que trop cette présence humaine dans son refuge. À chacun de ses éveils, elle déambulait quelques instants dans ces allées familières, ces escaliers démesurés, et savourait ce parfum de nouveauté qui flottait partout à la fois. Rares étaient ces occasions pour une immortelle, bien que celle-ci savait se débarrasser de l’ennui avec une facilité déconcertante.
Ces nouveautés, Elinor y avait pris plaisir. Son cœur était fait ainsi : un volte-face entre ses mains, un poignard à double tranchant, une carte de jeu alliant le cœur au pique. Le tendre et l’acéré n’avaient rien d’incompatibles dans son esprit agile, et elle avait ainsi libéré son emploi du temps bien rythmé, pour y lover une affection aussi sincère qu’inhabituelle. Ainsi, les longues discussions avec sa protégée avaient alterné avec des ordres secs et froids distribués dans le sanctuaire de son bureau, comme des empires auraient pu s’abattre au milieu d’une conversation musicale à cœur ouvert.
Rien n’était dû au hasard avec l’immortelle. Trois jours de réflexion pour Heidi, avaient reflété trois autres nuits de réflexion pour Elinor, qui avait alors scruté à la loupe l’évolution de la mortelle, en dressant le bilan de cette dernière année. Le manoir était l’endroit idéal. Il était le prolongement de ses doigts. Ses couloirs étaient autant d’artères charriant les intentions d’Elinor, ses recoins truffés d’yeux, et ses portes dissimulant des murmures attentifs. Oh certes, elle avait eu tout à fait le temps de peser cette lourde décision, et d’anticiper leur avenir avec sa maestria coutumière.

La scène avait été préparée. Les acteurs, attirés. Seule la décision demeurait encore, un acte dont les issues avaient toutes été jouées d’avance, et barrées au besoin.

Le troisième jour, l’avait-elle deviné, fut le bon. Assise dans le confort de son fauteuil de bureau, dont le cuir noir s’alliait à merveille avec la couleur de sa chevelure lourde et brillante, Elinor n’était alors qu’à moitié attentive aux statistiques affichées sur l’écran de son ordinateur. Elle attendait. Elle avait déjà décelé les intonations assurées dans la voix d’Heidi, comme les prémices évidents d’un aveu qui avait été mûrement réfléchi. Elle s’y attendait. Et les chiffres l’ennuyaient cette nuit-là, tandis qu’un évènement autrement plus intéressant que les finances s’apprêtait à se dérouler.

Nouvel acte. Nouvelle actrice. On toqua à son bureau et, par mimétisme, un sourire naquit aussitôt sur les traits pensifs d’Elinor. Elle fut tentée de se montrer taquine un instant, mais n’en fit rien.

« Entre. »

Elle était là. La mortelle, sa protégée. Sa future pupille, sans doute. Une nouvelle assurance dans une robe noire, une femme remplaçant une adolescente en rébellion, voilà où les conseils de la vampire l’avait mené. Heidi avait bien mûri. Elinor observa cette démarche fière, presque impérieuse comme sa mentor, avec un certain amusement ; une fois encore, elle l’avait prévu. Alors Elinor, que cette arrivée remplissait de curiosité, se redressa sur son siège, s’accouda sur le bord du bureau et croisa ses mains sous son menton. Elle affichait un air aimable, quoique non dénué d’un brin d’espièglerie.

« Je vois. Tu as réfléchi, » répéta-t-elle, sans doute par jeu maintenant que la décision était actée. « J’ai bien vu que tu avais réfléchi durant ces quelques jours. Je suppose que tu n’as pas trouvé de bonnes raisons pour refuser ? »

Une étincelle de joie la poussait à se conduire ainsi. Celle d’avoir accompli son œuvre, d’avoir donné à Heidi toutes les clés pour apercevoir ce monde de la nuit et la rejoindre ; et bien plus loin encore, le sentiment de satisfaction d’avoir modelé une âme de la manière dont elle voulait. Car Heidi, n’était-elle pas le résultat de ce début d’éducation ? Le bouleversement total d’une force révoltée, en une charmante jeune femme digne et assurée. Jean aurait parlé d’un écrasement de la personnalité, mais pour elle, cela allait au-delà d’une quelconque manipulation ou d’un jeu pervers.
Elle avait toujours été ainsi. Elle le resterait. Comme toujours, ses actes allaient au-delà des mots, des apparences, et des idées convenues. Oui, il est temps maintenant, songea-t-elle.

« Alors, que veux-tu faire exactement, Heidi ? Est-ce que je dois comprendre que tu veux boire mon sang ? »

Le verdict était tombé. Lâché d’un ton nonchalant, d’une moue détachée, par la vampire qui se jouait souvent de tout, et surtout de son Calice. Elinor scrutait sa réaction avec attention. Elle ne semblait pas avoir la moindre intention de clarifier sa pensée, ce secret qu’elle n’avait pas encore expliqué à Heidi et qu’elle venait de laisser tomber là, dans l’intimité du bureau. Il était tard, et les lumières de la cheminée faisaient luire ses lourdes boucles d’ébènes encadrant son visage élégant et pâle, non dépourvu d’un fin sourire. Sa tenue décontractée, un chemisier légèrement ouvert sur sa peau froide et un jean simple, ajoutait encore une tonalité déconcertante à cette mise en scène.

Le rideau était levé. Les secrets allaient enfin être révélés. Le nouvel acte pouvait commencer. Mais une fois encore, c’était à Elinor et nulle autre d’imposer le tempo.

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Dim 8 Mai - 16:07 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



T
u n’as pas de journal intime. Pourtant, l’idée t’a déjà effleuré l’esprit ; plus d’une fois même, et ce depuis que tu as eu l’âge de savoir aligner quelques mots dans une grammaire plus ou moins correcte. Tu as toujours trouvé une raison de ne pas consigner tes pensées les plus intimes sur les pages d’un carnet qui n’aurait rien demandé à personne. Pauvre carnet, aurait-on pu dire ; il aurait pu appartenir à un écrivain de génie qui y aurait gravé le brouillon d’un chef d’œuvre, mais il n’aurait été que le réceptacle maudit d’une psyché déprimante. Qu’il aurait été mal né, ce carnet.

Au début cependant, ça n’est pas cette pitié transposée pour un objet inanimé qui t’a persuadé de ne pas te livrer par l’écriture : tu étais simplement terrifiée que ta cousine puisse y avoir accès d’une manière ou d’une autre. Et puis, avec le temps et tes gains successifs d’indépendance, tu as trouvé d’autres raisons de ne pas le faire. Au lycée tu trouvais ça stupide, tu pensais – sans aucun doute à tort – que tu n'avais pas besoin de cet exutoire ; jeune adulte, tu ne voulais pas ressembler à tous les autres jeunes du foyer, pleurnichards et en quête incessante d’attention, et quelques années après, tu te jugeais trop vieille pour le scrapbooking, d’autant plus que tes talents de musicienne et de compositrice commençaient à mûrir, lentement mais sûrement.
La vérité qui se cache derrière ces excuses, et dont tu as conscience malgré tous les efforts que tu as pu employer à tenter de l’ignorer, c’est que tu étais toujours plus effrayée par ce que tu aurais écrit que par n’importe quoi d’autre.
Ces trois derniers jours, alors que tu as laissé l’atmosphère du manoir t’envelopper d’une aura de sérénité, tu t’es, peut-être pour la première fois de ta vie, dit que cela pouvait être une bonne idée de confier au papier quelques-unes de tes pensées. Tu ne l’as finalement pas fait, mais voici ce à quoi ça aurait pu ressembler.
 
Cher journal, parce que tu ne te voyais pas commencer autrement qu’en pastichant le cliché, un fin sourire amusé au coin des lèvres, ça fait longtemps qu’on devait discuter toi et moi, et je suis vraiment désolée du retard que j’ai pris. Vingt-cinq ans c’est un peu long, mais mieux vaut tard que jamais, j’imagine.
J’ai passé ma première nuit chez Elinor hier, dans sa vraie maison. Elle est immense, et quand je m’y balade j’ai l’impression d’être seule au monde. J’adore cette sensation, et j’aimerais vraiment pouvoir rester plus souvent chez elle. Ça me fait vraiment bizarre de vivre à nouveau dans une maison, et ça m’arrive d’angoisser un moment parce que j’imagine trouver papa et maman dans une des pièces. C’est chiant, mais ça passera sans doute quand j’aurai pris un peu plus mes marques. Je lui ai dit que j’avais réussi à passer au-dessus de ma vie à Chicago, mais elle doit sans doute se douter que c’est pas encore vraiment le cas, mais je fais des efforts pour, et je pense qu’elle le sait aussi et que c’est pour ça qu’elle ne m’en parle pas plus que ça.
De toutes façons, Elinor se doute toujours de tout. Je sais pas si c’est un truc de vampire, si c’est l’âge ou si c’est juste elle, mais peu importe. J’aime bien pouvoir lui parler en me disant qu’elle comprendra ce que je veux dire, et qu’elle lira aussi tout ce que je n’arrive pas à dire. Ça me fait un bien fou, j’ai l’impression que tout est si simple comme ça, que ça ne sert à rien que j’essaie de paraître puisque dans tous les cas elle devinera le jeu que je cache. Peut-être qu’avec elle je suis moi-même, si ça veut vraiment dire quelque chose. J’ai pas à me forcer, et si je veux faire un effort ça sera parce que j’en ai vraiment envie, pas parce que j’en ai besoin pour ne pas passer pour une psychopathe.
Hier, c’était enfin le grand jour. Enfin c’est ce que je pensais au début. Elle m’a enfin proposé de faire la Transition, ou du moins proposé d’y réfléchir encore. Comme si j’y avais pas déjà assez réfléchi comme ça. Je pouvais pas insister et lui dire que peu importe ce qu’elle me dirait je changerais pas d’avis, alors je dois attendre encore quelques jours et m’occuper l’esprit pour pas trop y penser. C’est tentant de juste attendre deux ou trois jours histoire de dire, mais je lui ai promis d’y réfléchir alors je me sentirais trop mal de pas au moins faire cet effort-là. Quand elle m’a dit que j’avais progressé j’ai tellement eu envie de la serrer dans mes bras, je sais pas si c’est normal. J’ai l’impression que c’est un comportement d’enfant, et que je devrais pas si je veux devenir une vraie adulte, mais des fois j’ai pas envie d’être une adulte. J’ai l’impression de l’avoir connue trop tard, et c’est vraiment frustrant, parce que plus je passe de temps avec elle, plus je réalise que c’est cette vie là que j’aurais aimé avoir petite. Mais bon, je peux pas lui demander d’être ma mère. Je suis une adulte, j’ai plus besoin d’une mère.
 
Tous les volets étaient fermés hier, tu m’étonnes pour une vampire. Du coup je savais pas si je pouvais les ouvrir ou pas, alors dans le doute j’ai ouvert que ceux d’une pièce et j’ai mis un post-it sur la porte pour prévenir, au cas où. Le papier jaune fluo sur sa porte en bois massif en ancien, ça m’a bien faite rire. Même si je suis sortie et que j’ai enlevé le mot avant qu’elle ne le voie, j’avais l’impression de la taquiner à mon tour ; elle me le fait tout le temps, alors j’ai bien le droit de répondre aussi, même si j’avoue que coller un post-il est assez loin du genre de connerie que j’ai l’habitude de faire. Peut-être que la pyromane délinquante est restée sur le pas de la porte. J’aimerais dire qu’elle me manquera pas, mais c’est pas vrai.
On a discuté aussi hier soir. Je lui ai posé quelques questions sur la Transition, pour savoir si ça faisait mal, si j’allais devoir prendre des précautions particulières par rapport à celles que je prenais jusqu’aujourd’hui, mais ses réponses ne m’ont pas faite changer d’avis. On a pas non plus parlé que de ça, et heureusement. J’aime toujours autant discuter avec Elinor, on a des points de vue assez différents, c’est assez peu de le dire, mais au moins elle cherche pas à m’imposer sa vision des choses. En fait, elle cherche même à connaître mon avis. C’est l’angoisse parce que j’ai toujours peur de dire une connerie, mais en même temps ça me fait vraiment plaisir.
 
Je crois que c’est pour ce soir. Je sais pas exactement comment ça va se passer ni combien de temps ça va durer, comment je vais en ressortir, mais j’espère que la prochaine fois que je reviendrai vers toi, je serai différente. Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre, physiquement je veux dire. C’est difficile de se représenter ce que c’est de changer de nature, c’est comme essayer d’imaginer une nouvelle couleur. Ou pas ? Est-ce que c’est plutôt comme essayer de voir le monde avec des couleurs différentes ? Sincèrement j’en sais rien, mais ça ne me fait pas peur, je sais que c’est ce que je veux, plus que jamais. Aujourd’hui, c’est mon corps qui change, mais c’est aussi ma vie, mon quotidien, mon futur. C’est le symbole que j’attendais pour laisser derrière moi tout ce que je ne veux pas et pour ne plus avoir peur de ça. J’espère que j’y arriverai. J’attends tellement de cette soirée, j’espère juste ne pas être déçue au final.
 
Quelque part, tu avais anticipé cette situation. Celle dans laquelle la vampire prenait un malin plaisir à te faire languir et évaluer les limites de ta patience. Oui, tu as réfléchi, et alors qu’elle te le répète, tu plisses subtilement les yeux tandis qu’un fin sourire ourle tes lèvres laissées au naturel, victorieux comme tu as commencé à refléter sans même y penser le goût de ta marraine pour la saveur d’une prévision exacte.
Elle avait refusé de te dévoiler les détails exact de la procédure, alors quand elle te parle de boire son sang, tu doutes un instant du sérieux de ses propos. Déstabilisée dans ta posture théâtrale, tu fais un bref rond d’épaules pour tenter de te débarrasser de l’inconfort de la réflexion et de la subtile vexation qu’a provoqué ce petit coup délibéré. Vous ne jouez pas à armes égales dans ce combat de palabre qui n’a d’enjeu que pour ton souvenir de cette soirée, mais tu le savais depuis le début. Tout ce que tu as à faire, c’est défendre ta position avec le plus de vaillance jusqu’à ce que tombe l’armistice.
Brièvement, tu t’éclaircis la voix et tu ajustes ta posture en croisant les mains dans ton dos. Ta manière de te tenir la défie presque de te mettre à l’épreuve, comme si tu mourrais d’envie de lui prouver que tu étais capable. Capable de quoi ? De tout ce qu’elle voudra, ce soir tu te sens pousser des ailes, et c’est peut-être pour cela que tes épaules n’ont de cesse de te lancer.
 
- Je veux faire la Transition, et tout ce que ça implique.
 
Tu marques un temps de pause pour tenter d’évaluer à ton tour ce que pense l’immortelle de ta réponse. Tu en es fière, autant que l’on peut l’être de quelques éléments de répartie, et tu espères déceler un nouveau et discret sourire sur son visage, mais tu saurais te contenter de simplement ne pas la voir arborer un air déçu.
 
- Si ça veut dire que je dois boire ton sang, alors oui, c’est ce que je veux.
 
Tu retiens ta jambe de trembler d’excitation. Les choses deviennent enfin concrètes, tangibles. Tu pourrais presque les toucher du bout des doigts. Boire le sang d’un vampire, après tout ça pourrait être vrai. Pour sceller une relation intime, qu’y a-t-il de plus symbolique que de faire le don de son propre sang ? C’est un rituel qui flatte les facettes les plus romantiques de ta personnalité, et tu saurais merveilleusement te satisfaire de ça.
Le regard perçant et brillant, ton sourire se fait persistant, sans doute pour camoufler le rythme alarmant de ton palpitant. Il te faut te forcer pour tenir en place et contenir le cocktail d’émotions qui jailli dans tes veines.  Tu as envie d’argumenter face à son masque narquois, de lui faire l’inventaire de tout ce que tu as fait pour te plier à ses exigences, de tout le chemin que tu as parcouru pour remettre ta vie sur de bons rails. Tu aimerais lui raconter une nouvelle fois comme tu as géré toutes les épreuves auxquelles tu as été soumise ces derniers mois, toutes ces fois où tu as dû t’en remettre à la seule force de ta volonté pour ne pas que tout ce que tu as construit de s’effondre. Lui demander d’imaginer celle que tu pourrais être dans un moins, un an, dix ans… Mais celle qu’elle doit vouloir voir ce soir, c’est la toi d’aujourd’hui. Celle qui est capable de se maîtriser alors que son impatience suinte pas tous les pores de sa peau d’albâtre.
Alors tu ne dis pas un mot de plus. Tu restes figée sur place, le regard toujours planté droit dans le sien. Ta poitrine se soulève au rythme lent de tes respirations sous le tissu de ta robe. Respirer, voilà quelque chose qui te plaît. Maintenant que tu as la tête hors de l’eau, tu peux enfin le faire. Ironique pour quelqu’un dont le désir le plus cher est que son cœur cesse de battre, n’est-ce pas ? 



CODAGE PAR JFB / Contry.
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey ; Avatar: littlewildling-rpg
Dim 15 Mai - 22:59 (#)



Même les morts rêvent, de l’avis de certains.
Dans les tréfonds du manoir, au cœur de ce sanctuaire souterrain entrelacé dans les racines du vieil orme, où la rumeur de la ville disparaissait au profit d’un silence de mausolée, elle rêvait. Lovée dans une couche tissée de soie, de mythe et d’un sommeil si profond, si dénué de vie, que rien ne soulevait ses cils délicats, derrière lesquels vivaient des êtres pourtant morts, elle rêvait d’eux. Dans son écrin caché où se mêlaient le secret des siècles et la sécurité de la technologie récente, Elinor avait déserté le monde, et marchait seule, quelque part entre la mort et la vie, où la réalité s’effaçait.

Jean était avec elle. L’œil de la lune dardait son faisceau blafard au travers de l’immense baie vitrée fermant la façade ouest du manoir, devant laquelle se trouvait son bureau de travail. L’intérieur de la vaste pièce était entièrement nimbé de cette lumière pâle, aux nuances veineuses de marbre, et aux ombres mouvantes qui s’étiraient depuis le foyer de la cheminée. Elle était avec lui, bien entendu. Impalpable, comme ce rêve. Adossée lascivement au montant de la bibliothèque, les bras croisés sur sa poitrine, ses cheveux se déroulant follement sur ses épaules, l’attention de l’immortelle était absorbée par les flammes serpentines. Elle ne semblait prêter aucune attention à son mentor, qui la fixait pourtant intensément, confortablement assis dans l’un des fauteuils du salon de lecture.

« Tu vas rester longtemps ainsi ? » lui fit-il, et ses yeux noirs la fixaient, comme si le français cherchait à connaitre les intentions cachées derrière le masque indéchiffrable de sa pupille.

Elle ne répondit rien. Elle ressemblait à une statue antique. Une beauté immortelle, ciselée dans un bloc de marbre pour l’éternité, ou bien le portrait d’une courtisane lascive, aux baisers empoisonnés. Elinor détourna finalement son attention, et la posa sur lui, sur l’artiste français, sur ce génie torturé qu’elle n’avait plus revu depuis un siècle, sinon dans le silence de sa tombe et de ses rêves.

Elle entrouvrit la bouche, une moue sensuelle et lasse. « N’est-ce pas notre lot à tous ? »

« Ne joue pas sur les mots avec moi. Tu sais ce que je veux dire. Tu m’as tué déjà, une deuxième fois, et aujourd’hui, tu joues avec une autre. À quoi joues-tu exactement d’ailleurs ? »

L’immortelle le scruta attentivement. Même elle ne savait dissocier son rêve de la réalité, ni n’était capable de chasser sa torpeur diurne. Jean était ainsi le même que dans ses souvenirs, ses cheveux aussi sombres que les siens, avec son air perpétuellement rieur et ennuyé à la fois. Charmant comme toujours. Elle réfléchit un court instant à sa réflexion, et commença à déambuler nonchalamment sur le tapis épais, aux teintes d’ocres et de carmin, qui étouffait le bruit de ses talons.

« Jouer ? Ce n’est pas ma manière de faire, et tu le sais très bien, » dit-elle en venant s’asseoir dans le moelleux du divan, en face de son mentor. « Tu me poses des questions inutiles. »

L’homme croisa ses mains. Ses élégants doigts de pianiste s’entrelacèrent, quand son regard devint fixe, intense et attentif. Elinor le lui rendit à son tour, insolente à armes égales.

« Tout se classe en utile et inutile avec toi, ces temps-ci. Tu es devenue péniblement indéchiffrable. Fut un temps où tu appréciais les choses inutiles, l’aventure et le déni des conventions. C’est ça que tu veux devenir ? Une vieille femme qui entretient des secrets, juste pour paraitre intéressante ? »

Une fois encore, elle ne dit rien. Une part d’elle-même voulait lui lancer une réplique cinglante, à ce rêve français, qui n’était en réalité qu’un dialogue avec l’envers de sa propre âme.

Jean fronça les sourcils. Il se pencha légèrement en avant, subitement intrigué. « Ou bien, c’est ça ta raison ? Ah, ce serait déjà mieux. Tu la veux parce qu’elle te rappelle une autre facette de toi que tu as enfoui. Ou même que tu cherches désespérément à montrer à quelqu’un ? »

« Je l’aime bien, » fit-elle simplement, et une moue indéfinissable plissa sa bouche.

Jean éclata de rire. Il tapa dans ses mains deux fois, et hocha la tête en masquant son sourire hilare derrière son poing. « Alors, c’est ça. Je te manque tant que ça, que tu as besoin d’un substitut ? Et tu vas en faire quoi, hm ? Tu vas la modeler comme une poupée, l’exhiber à ton ami Gabriel et te dire que tu aurais pu me sauver moi ? C’est une psychanalyse intéressante qui se profile. »

« Je ne vais rien faire de tout ça. » Le ton d’Elinor était resté calme, et ce malgré l’insolence délibéré de cet être factice. « Je vais la laisser s’épanouir, parce que ça m’intéresse davantage. »

Il frappa dans ses mains une nouvelle fois. Le français se leva d’un bond, et vint aussitôt s’accroupir près du fauteuil d’Elinor, en s’appuyant sur l’accoudoir. Celle-ci tourna lentement son visage vers lui, tous deux si proches, qu’elle pouvait voir les flammes de la cheminée briller dans ses yeux.

« Toi, tu vas faire ça ? Mais allons-y. Flanque la table par terre, balance tes habitudes. J’ai envie de te voir faire ça. Qu’est-ce que tu vas faire ensuite, chanter du punk avec elle ? Brûler ton manoir ? Et avec une femme qui plus est. Je suis sûr que tes manies vont te manquer trop vite. »

Alors, Elinor se pencha vers lui, et sa main vint cueillir le menton froid du français, en le relevant vers elle pour le fixer dans les yeux. Leurs souffles se seraient mêlés s’ils avaient été vivants.

« Je sais innover, moi aussi. J’ai bien retenu ta leçon, » murmura-t-elle, et son tour, Jean chuchota en retour, mais elle ne l’entendit pas.

La réalité brouilla le rêve de l’immortelle. Il s’effaça lentement, et avec lui, la voix de Jean à son tour devint un écho lointain, qui se mêla étroitement avec celle d’Heidi, et les crépitements du foyer cette nuit-là. Elle avait fait ce rêve durant le jour, et cette nuit, les paroles du français résonnaient encore en elle, comme sa protégée venait sceller leur nouvel accord. Elinor demeura silencieuse un instant.

J’ai tant à te dire, pensa-t-elle, et lui aurait raison, tu as tant à m’apprendre. Et ses yeux se voilèrent, tandis que la vampire cherchait les mots adéquats pour débuter cet acte important.

« Viens avec moi, » fit-elle en repoussant sa chaise de bureau, et indiqua le salon de lecture, devant la cheminée. « Mettons-nous à l’aise. »

Elle contourna son bureau et, comme Elinor dépassait Heidi, la vampire s’arrêta pour l’observer un instant, non sans un sourire fugace. « Ton cœur bat tellement vite. »

Un discret rire. L’une de ses œillades habituelles, taquines et indéchiffrables, dont même Jean à son époque avait du mal à discerner l’intention derrière. Sans concéder d’autres explications, Elinor vint s’asseoir sur le divan, comme elle l’avait fait lors de ce rêve, et tapota le coussin à côté d’elle.

« Assis-toi, car j’ai beaucoup à te dire, » dit-elle avec un sourire qui ne la quittait plus. « Ensuite, nous passerons au concret, plus question de faire machine arrière, n’est-ce pas. »

La nuit était claire ce soir. Un instant, son attention fut captée par les ombres filiformes des branches du vieil arbre, qui effleuraient les vitres, comme si celui-ci cherchait à écouter la conversation. Une lune ronde et attentive filtrait au travers des carreaux, et la solitude du manoir, ses chambres et ses allées désertes, s’imposèrent plus que jamais à son esprit. Tout était trop vide. Tout était silencieux. Elle ne tarda pourtant pas à tourner à nouveau son attention vers Heidi, désormais à ses côtés.

« Écoute-moi bien attentivement, tout ce qui suit est très important, car ce sont les secrets des nôtres. Or, tu sais déjà ce que ça implique. » Elle marqua une brève pause avant de poursuivre.

« Cette transition s’appelle une Marque, Heidi, et cela passe en effet par un échange de sang. Tout comme tu m’as donné le tien, je te donnerai le mien, et avec lui une partie de ma force, mais bien plus encore. Comme je te l’ai dit, tout deviendra… Intime. »

Un instant, elle hésita. L’immortelle s’affaissa dans le confort des coussins et contre l’accoudoir, alors qu’un pli soucieux barrait son front. Comme il était malaisé de mettre des mots sur des sensations, sur cet acte mystique qui touchait à l’essence même des êtres, et au pouvoir de la nuit. Quand bien même, la vampire l’avait déjà fait, les années n’avaient en rien rendu l’exercice plus aisé.

« Nous serons liées bien au-delà de notre simple relation actuelle, et avec le temps, ce lien se fera de plus en plus puissant. Nous finirons par partager nos pensées, nos secrets et nos rêves, une véritable télépathie à terme. C’est un lien encore difficile à décrire sans le vivre soi-même. »

Elle entrelaça ses mains sur son ventre, comme le faisait autrefois un vampire français, et poursuivit sans hésitation. « Néanmoins, pour revenir à quelque chose de concret, » commença-t-elle.

« Tu auras toi-même des avantages physiques. Un fragment de notre puissance, en quelque sorte. Plus forte, plus rapide, plus endurante, tu les découvriras facilement toi-même. Aucun autre vampire ne pourra se nourrir de ton sang, et tu hériteras d’une part de mes pouvoirs. »

Un silence. Un sourire se dessina au coin de sa bouche. « L’idée te plait ? Nous avons tous des pouvoirs en réalité, c’est un secret encore bien gardé. Une sorte de magie qui nous est propre. Nous en avons tous trois, et toi, tu vas hériter un des miens. C’est celui-ci que tu devras apprendre à contrôler. »

Elinor se redressa. Elle s’accouda contre le dossier du divan, tout près d’Heidi, alors que son sourire indéchiffrable habituel revenait nimber ses traits d’un air cachotier.

« Qu’est-ce que tu en penses ? » ajouta-t-elle avec indolence. « J’espère que cette intimité avec moi ne t’inquiète pas trop, quant au reste, je t’apprendrai à t’y habituer, bien sûr. »

À quoi joues-tu ? La question revint la hanter. Comme un oiseau irritant, elle jacassait dans le creux de son oreille, sans y trouver de réponse adéquate, car Elinor ne les donnait jamais entièrement. Je rebats les cartes, voilà tout, pensa-t-elle, et cela la contenta amplement pour l’instant.

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Anonymous
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Invité
Mar 17 Mai - 14:21 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



A
vec le temps, tes fantasmes ont perdu en ambition. Tu te souviens que petite, tu allais trouver refuge aussi loin que tu le pouvais. Tantôt au sommet de la plus haute tour d’un château majestueux vêtu d’une ample jupe de nuages, pour contempler l’immensité du monde et l’insignifiance de tous ceux qui le peuplent, tantôt dans le confort austère d’un cabanon aux planches drapées de mousse émeraude perdu en pleine forêt, pour apprendre la chaleur presque tangible d’un foyer. Tantôt en princesse aimée de tous, tantôt en aventurière au courage sans limite. Les mondes fantastiques se sont succédé, mélangé, intriqué et influencé dans ton esprit juvénile avec toujours au centre un rôle héroïque que tu usurperas avec obstination.

Plus les journées étaient dures, plus les nuits étaient tendres, et plus il devenait dur de quitter ton lit le matin venu. Autant que de tes rêves, tu te souviens de ces caprices que tu faisais pour rester enfermée dans ta chambre. Tu étais si en colère d’être forcée à troquer un conte de ta propre écriture contre l’histoire d’une vie dans laquelle tu étais investie d’un rôle que tu détestais, et encore plus ivre de rage que personne ne semblait vouloir le comprendre.
Devant la cruauté chaque jour renouvelée de ce geste, tu as fini par abandonner les escapades oniriques au profit d’une lassitude moins douloureuse. Tu te consolais comme tu pouvais en te disant qu’il n’y avait que toi pour refuser de rêver et qu’en ça, au moins, tu étais unique. Mais c’est une fierté difficile à revendiquer, encore aujourd’hui.
Et puis un soir, allongée dans tes draps monochromes et fixant le plafond en laissant se diffuser dans ton corps la sensation délicate émanant de ton cou, après des années et des années à refouler le conditionnel, tu as fini par te surprendre à faire ce que tu t’étais jurée de ne plus jamais faire : commencer une phrase par « et si ? ».
 
Et si j’y arrivais ? Et si j’en étais capable ? Et si je me faisais transformer ? Et si je la rendais fière ? Et si je pouvais être fière moi-même ?
 
Une fenêtre ouverte sur la mélasse de désirs rôdant recluse au fin fond de ton esprit, une boîte de Pandore que tu n’as aucune envie de refermer.
Pourtant, les choses sont différentes. Plus de princesse, plus de magicienne, plus de mondes fantastiques ou d’îles vierges et verdoyantes ; l’héroïne a ton visage et tes vêtements, elle a le même appartement et les mêmes connaissances que toi. Elle a ta voix, ta taille, ton allure et ton caractère. Elle a tes qualités et tes défauts, mais elle a aussi au fond des yeux un éclat qu’elle ne laisserait personne lui retirer. Après des années de nuits sans rêves, fantasme et fiction semblent avoir subi un schisme. Depuis ces quelques mois que tu conjugues l’aspiration à la première personne, tu te rends peu à peu compte que tu as ce qu’il faut en toi pour devenir cette héroïne.
En réalité, ce n’est pas revoir tes ambitions à la baisse que de rêver à toi. Plus l’on rêve proche de soi, plus l’on a besoin de courage pour ne pas laisser tomber.
 
Une question subsiste alors : où as-tu trouvé tout ce courage ?
 
Devant toi, l’immortelle se lève, et tout autour d’elle semble retenir sa respiration. Du bruit du bois travaillant avec la chaleur de l’âtre jusqu’au bruissement du tissu de ses vêtements, tout semble interdit devant la solennité de ses manières et seul le crépitement insolent d’un feu pourtant maintenu en cage ne vient troubler le silence qui occupe l’espace entre les phrases de la vampire. Tu la suis du regard, et au fond de tes pupilles les braises d’un autre feu qu’elle a elle-même nourri. Sa remarque t’arrache une moue souriante, et tu lâches à ton tour quelques mots dans l’air avant de t’asseoir à ses côtés, comme tu entendais la mélodie de sa taquinerie appeler une réponse.
 
- Et le tien si lentement.
 
La réunion de deux extrêmes dans un équilibre presque surnaturel, qui normalement devrait fatalement terminer dans une gerbe dramatique d’étincelles qui s’éteindront aussi vite qu’elles sont apparues. Mais pas là. Pas avec vous. Pas avec ce feu et pas avec cette glace.
Son sourire appelle le tien et il grandit à mesure que la bulle de ta représentation du monde se résorbe pour ne plus contenir que vos deux souffles s’entremêlant et s’évanouissant en petites volutes sauvages et invisibles, et la texture du velours cramoisi du divan, comme un écho visuel de la couleur de sang qui constitue votre dénominateur commun. Ton cœur, celui qui battait si vite, calme subtilement le rythme de sa marche alors que les lèvres de l’immortelle délivrent enfin sans filtre les secrets promis. Tes yeux s’arrondissent à mesure que tu réalises le sens et le poids de ses mots.
Elle le dit, plus question de faire machine arrière, et plus tu y penses, plus il t’est difficile de maitriser la largeur de ton sourire. La Marque, un lien aussi intime qu’indéfinissable, un pouvoir magique à maîtriser, n’est-ce pas là tout ce dont tu as jamais eu envie ? Est-ce que l’idée te plaît ? Le hochement de tête enthousiaste que tu adresses à Elinor devrait être amplement suffisant pour répondre à cette question dont elle devait déjà avoir la réponse de toutes manières.
Tu es en train de vivre l’aboutissement de longs mois d’efforts incessants, et peut-être pour la première fois de ta vie, tu peux dire que tu accomplis l’un de tes rêves. Comment savoir que c’est bien le cas et que tu n’es pas endormie et encore en train d’imaginer malgré toi une réalité qui s’évaporera peu après que tu ouvriras les yeux ? La réponse est dans ton cœur, ou plutôt ton cœur en lui-même. Ce foutu cœur qui bat si vite qu’il pourrait presque s’échapper de ta poitrine : c’est la première fois que tu le sens ainsi, et tu sais que ce que tu vis est réel.
Voici donc venu le moment de ta renaissance.
 
- Je…
 
Quel comble de rester sans mots dans un moments comment celui-ci. Les lèvres entrouvertes et les yeux fixés droit dans les orbes bruns de l’immortelle, tu restes figée quelques secondes sans trouver le moindre mot pour exprimer le fond de ta pensée.
Une scène illuminées de mille feux et des douches de lumière dorées se reflétant sur une légion de cuivres aux pavillons fièrement dressés. C’est ton palpitant qui bat la mesure, et tout l’orchestre suit. Les trompettes infatigables chantent leur contre-ut, les trombones ronflent et font vrombir les lames du plancher d’ébène, le piano délivre des torrents de notes qui comblent tous les vides que l’on pouvait encore imaginer et la batterie comme une locomotive empêche que le moindre d’entre eux ne reste en arrière. Et toi, au milieu de tout ça, tu es muette. Tu laisses la musique parler pour toi parce qu’elle te suffit, et tu espères que cette intimité nouvelle permettra à Elinor de l’entendre elle aussi.
 
- Oui, enfin, je veux dire, non ! Ça ne m’inquiète pas, je sais que c’est ce que je veux. Tu as toute ma confiance, Elinor.
 
Malgré la glorieuse symphonie qui se joue sans retenue là où toi seule peux l’entendre, ta voix elle est feutrée et délicate, comme si tu craignais de percer cette bulle hors de l’espace et du temps en parlant trop fort.
 
- Plus question de faire machine arrière.
 
Ce ne sont pas tes mots, mais tu ne saurais en trouver de meilleurs. Tu anticipes déjà avec alégresse cet apprentissage du monde de la nuit et ton sourire ne grandit que plus, résumant finalement avec une simplicité flagrante le fond de ta pensée. 



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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Dim 22 Mai - 15:58 (#)



Et maintenant ? Le silence. La nuit s’était tue elle-même.
L’obscurité était dense au-dehors du manoir, où le vent maintenait ses lèvres closes, tout comme le manoir retenait son souffle, et la lune détournait son œil de la scène à venir. Car l’ordre naturel des choses s’apprêtait à nouveau à être bouleversé, tandis que les ténèbres allaient bientôt accueillir en leur sein une nouvelle âme. Un sang maudit serait versé. Un blasphème ancien se préparait dans cette bâtisse à l’allure moderne, et l’on eut dit que le monde refusait d’assister une seconde fois à cette entorse à la nature. La lumière ne venait que de cette cheminée, nichée au cœur du salon, où terminaient de se consumer d’énormes bûches, qui rythmaient l’air de murmures crépitants.
Et maintenant, le silence. Elinor le laissait s’étirer entre elles, comme sa désormais ancienne Calice absorbait ses mots, les soupesait et découvrait toute l’étendue du don offert. En ces lieux précis, en ce même salon, l’immortelle l’avait déjà offert à maint reprises ; une autre époque, une autre âme, d’autres lèvres avaient bu son sang. Les souvenirs en demeuraient vivaces, bien que rendus diffus par ce chagrin persistant, qu’elle s’évertuait à enterrer sans le reconnaitre. L’homme avait fait ce choix, et il était parti, voilà tout, n’est-ce pas là suffisant pour une femme aussi pragmatique qu’Elinor ?

Pourtant, son âme le percevait encore. Lorsque la tonnerre roulait entre les boiseries, et que la pluie cinglait les carreaux, elle ressentait toujours sa présence, ses mots d’adieux, et sa silhouette dessinée en négatif dans les scintillement des éclairs. Quelque part entre ces murs, elle retrouvait encore son odeur, dans les objets qu’il avait utilisés et laissés ici ou là, comme autant de restes de ses habitudes reconnaissables entre mille. Comme un fantôme que l’évocation de la Marque éveillait à nouveau.
C’est malavisé de ma part, pensa-t-elle, en faisant de son mieux pour se consacrer à la réalité de cet instant, à cette époque, et non à sombrer dans une mélancolie inutile. Elinor hocha lentement la tête aux derniers propos d’Heidi, machinalement presque, car ses pensées s’étaient déjà tournées toutes entières vers cet avenir commun, que ce rite allait bientôt sceller pour les siècles à venir.

« Très bien, » commença-t-elle, en souriant largement. « Alors scellons cet accord, je suis toute aussi impatiente que toi de commencer. »

Elle ne mentait aucunement. Aussi rares étaient ces moments où elle ne dissimulait rien, ou presque, son sourire était à ce moment dépourvu de son intonation malicieuse et narquoise. Elle demeura un instant ainsi, à scruter pensivement Heidi, comme si elle cherchait à déceler quelque chose dans ces traits humains. Un potentiel. L’ombre de la femme que la polonaise deviendrait, sans doute, un jour ou bien quelque chose de plus, que seule Elinor était capable d’anticiper à ce moment-là.

Elle se détourna finalement. Les secrets seraient dévoilés en temps voulu.

« Laisse-moi juste emprunter quelque chose, » déclara finalement la vampire en se levant du canapé, avant de se diriger vers son bureau.

Elle fit le tour du meuble, dont elle ouvrit le dernier tiroir du côté droit d’un tour de clé ; le bureau de bois lourd était fait à l’ancienne mode, comme un secrétaire d’antan aux nombreuses serrures. À l’intérieur de celui-ci, dormaient de vieux documents inclassables, et surtout la forme reconnaissable d’un long couteau dans son étui de cuir noir. Une fine pellicule de poussière le recouvrait. Elle le prit entre ses mains délicates, et souffla brièvement dessus ; aussitôt, l’air fut piqueté des senteurs du vieux cuir et du métal ancien, autant d’arômes qui détenaient la nostalgie d’un autre temps.
Avec lui, Elinor récupéra un mouchoir de tissu blanc, propre et dépourvu de tout motif, qui avait été laissé là, dans le tiroir à côté de l’arme. Sa lame brilla d’un éclat neuf, lorsque la vampire l’extirpa de son étui ; le métal n’avait aucune usure de visible et, tout comme le reste de cette demeure, il était sans âge, ancien et nouveau à la fois. En retournant lentement vers Heidi, elle inspecta l’état de la lame, en passant consciencieusement le mouchoir contre le tranchant du métal.

« Je l’ai acheté lors d’un séjour en France… Oh, ça doit bien faire un siècle, juste avant mon départ pour l’Amérique. J’y ai sympathisé avec un forgeron qui avait l’habitude de travailler de nuit. C’était un cadeau. »

Un cadeau qui n’a servi qu’à me faire saigner, songea-t-elle avec amusement, en retournant à côté d’Heidi. Car la paume de l’immortelle connaissait fort bien la morsure dudit couteau qui, à l’image d’Elinor, semblait immunisé aux outrages du temps tant son tranchant demeurait vif et aiguisé.
Un symbole, sans doute. Elle le soupesa en s’avançant devant Heidi, son sourire se parant à nouveau de cet air de malice coutumier. Debout, haute silhouette harmonieuse, aux contours délicatement soulignés par la lumière des flammes, elle remonta les manches de sa chemise, qui dévoilait alors sa peau satinée et pâle. Aussitôt, elle rangea l’étui dans sa poche. Le mouchoir de tissu logé dans sa main tenant le vieux couteau, elle en suivit lentement le fil effilé du bout de l’index.

« Je ne te demande pas si tu es prête, » déclara-t-elle avec une lenteur délibérée, presque théâtrale. « Je crois qu’un livre a une excellente formule consacrée, celui qui relate la vie d’un personnage très important pour les humains. Il faudrait que je retrouve le nom. »

En disant ses mots, l’immortelle lova la lame dans le creux de sa paume, la serra fortement et, d’un mouvement sec et rapide propre aux siens, elle le tira sans hésitation, entaillant sa chair d’une plaie suffisamment profonde pour rester ouverte quelques instants. Un rictus de douleur trahit sa stature d’habitude impeccable. Elle se força à reprendre contenance. L’ancienne routine des échanges avec son Marqué d’alors avait émoussé l’hésitation réflexe, mais non l’affreuse sensation dans sa main.

« Bois, car ceci est mon sang. Je crois que ce sont les bons mots, » fit-elle en reposant le couteau désormais ensanglanté sur la table base, et en plaçant le mouchoir sa main blessée.

Le tissu se teinta de carmin. Elinor tendit sa main dans laquelle perlait le liquide maudit, qui imbibait lentement le mouchoir. Une bûche craqua dans l’âtre. Ce fut le seul bruit que le manoir renfermait, tant le temps semblait avoir suspendu son cours, alors que le blasphème venait d’être offert. Au-delà des murs, la nature détournait son regard face à la déchirure de l’ordre, face à cette entaille qui dégorgeait une immortelle impie, et la nuit demeurait silencieuse, horrifiée et sans voix.
Le don des ténèbres était là, dans le creux de la paume d’Elinor. Toute son attention était rivée aux réactions d’Heidi, comme ses yeux sombres, prédateurs, scrutaient le moindre de ses mouvements. Un air solennel avait remplacé son sourire malicieux et, sans doute était-ce dû à l’odeur de sang qui se répandait, sa stature irradiait d’une aura intimidante. Pupilles d’onyx aux cheveux sombres, une peau pâle comme un fantôme ressortant sous sa chemise volatile, en cet instant plus que jamais, sa nature d’immortelle affleurait toute autour d’elle, comme une couronne.

Celle d’une créature de la nuit, offrant une damnation taboue.

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Jeu 26 Mai - 22:11 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



Q
u’est-ce que l’impatience lorsque l’on s’est extrait de la course du temps ? Sa remarque te fait sourire tandis que tu te demandes à quel point sa perception du temps diffère de la tienne. Pour toi, cette année a été longue et éprouvante, et tu as cru qu’elle ne connaîtrait jamais de fin, mais il ne s’agissait que de la vingt-quatrième. Comment une personne ayant vécu assez pour remplir plusieurs vies perçoit-elle une année ? En un battement de cils ou bien avec la longueur distordue d’une éternité sans jalons ? Une chose te paraît pourtant sûre : l’impatience doit se faire de plus en plus rare à mesure que l’on écume les époques sans en subir les affres. Au final, c’est un compliment bien plus profond qu’il n’y paraît, et tu t’estimes heureuse d’être capable de le comprendre.

Ton cœur bat vite alors que tu te fais témoin des mouvements hypnotiques de la vampire. Tu restes interdite face à son allure tant tu as l’impression de revoir la femme mystique qui t’a interpelée ce soir-là à ce gala où tu n’avais pas ta place. Ce frisson, cette sensation asphyxiante d’être en présence de plus grand que soi, cette volonté active de placer ta vie au creux des mains froides d’un être qui pourrait y mettre fin en une fraction de seconde. C’était un coup de foudre froid comme la glace qui t’a longtemps laissé des sueurs froides et des vertiges, et à quelques instants à peine avant que l’on t’offre le premier pas vers la non-vie qui t’obsède depuis quinze ans, la foudre frappe à nouveau.
Ton regard silencieux se porte sur la lame prête à mordre la peau nacrée d’Elinor et ne s’en déloge que pour observer avec une fascination angoissée les perles cramoisies fleurir contre sa main.
La scène est théâtrale, presque biblique, et ta marraine le souligne avec toute la douceur acerbe de sa langue. L’ironie de la situation est palpable, et tu ne pouvais pas espérer meilleur sentiment avant de franchir ce pas que celui d’envoyer se faire voir la société à laquelle tu n’as jamais eu l’impression d’appartenir. Assise sur le bord du divan, muette, tu attends un signe. Une approbation. Un symbole. Quelque chose pour te dire qu’enfin, il est temps de le faire. Tu lèves les yeux mais tu ne vois qu’une statue figée attendant que tu agisses enfin. Qu’il en soit ainsi, tu étires donc ton cou pour que ton visage ne soit plus qu’à quelques centimètres de sa main entaillée.

Une grande inspiration, et ton souffle laisse s’envoler hors de ta tête toutes les pensées qui s’y trouvent comme une volée de colombes s’échapperaient de leur cage.
A cette distance, tu peux sentir ton souffle te revenir après avoir rencontré la peau froide et indolente de celle qui a fini par devenir un véritable mentor.

Une dernière inspiration avant de te lancer, purgeant la dernière de tes craintes pour ne laisser qu’un vide reposant.


Et alors, tes lèvres se sont enfin posées contre cette paume offerte, et goutte par goutte, le sang de l’immortelle s’est mêlé au tien.


Les premières secondes, tu n’as rien senti sinon le goût métallique du carmin sur ta langue. Une simple mesure de sang coulant maintenant lentement dans ta gorge et laissant derrière elle une trainée froide et épaisse. Lentement, tu as regagné une position normale sur le divan, à peine renfermée sur toi-même. Tu as ensuite dégluti, puis fermé les yeux, et c’est à l’instant qui a suivi que tu as fait pour la toute première fois l’expérience de la nouvelle mutation de ta nature.
Cette respiration a été assourdissante ; mieux que tu ne l’as jamais entendue auparavant, plus nette, plus précise, plus entière, elle a rempli toute l’obscurité que tes paupières avaient jeté sur ta conscience. Elle a brillé comme mille étoiles au milieu de la nuit noire puis s’est consumée tout aussi vite qu’elle est arrivée. Tu décides de garder les yeux clos et d’affronter le plus grand vertige que tu as connu, et après toute une éternité s’étant rassemblée en un seul instant, une nouvelle inspiration. Un nouvel éclat de lumière aveuglant, subjuguant chacun de tes sens et laissant le long de ton dos un frisson comme le seul rappel de l’existence de ton corps, puis il s’éteint dans un unisson négatif et sans appel. Ton cœur devrait s’emballer mais c’est tout le contraire : à chaque nouvelle respiration, il s’apaise et ralentit jusqu’à entrer en résonnance avec le mouvement de l’air entrant et sortant de tes poumons.

Tu n’arrives pas à savoir combien de temps il s’est écoulé avant que tu ne rouvres les yeux. Sur ton visage, aucun sourire ni aucune grimace, seulement les yeux grands ouverts et écarquillés portant un regard hagard. Tu clignes une fois, puis une seconde, et tes orbes de jade se posent sur la silhouette qui te surplombe sans que tu n’émettes le moindre son. Tu détailles longuement ses yeux, comme si tu les redécouvrais, comme si tu cherchais à savoir si elle pouvait voir dans les tiens la même familiarité que tu observes dans les siens. Pendant ce temps, la musique de ta propre respiration continue à jalonner le temps, et l’univers tout entier qui avait jusque là retenu la sienne commence à souffler de nouveau. Tu redécouvres le crépitement du feu, le bruissement des feuilles, les gémissements du vent, et un sourire incrédule finit par étirer tes lèvres : tu ne regrettes rien.
C’est comme si grâce à son sang, tu découvrais enfin les couleurs d’un monde que tu ne voyais qu’en nuances de gris. Au milieu de cette immense fresque qu’il te reste alors à découvrir et redécouvrir, les teintes qui te parviennent d’Elinor te paraissent encore plus vraies, uniques, nouvelles.

Quelques battements de cils suivent en même temps que tu réajustes ta position sur le canapé drapé de velours rouge, devenue tout à coup inconfortable. Tu t’enfonces un peu plus dans l’assise et croises les bras devant toi avec une sorte de pudeur juvénile. Il va falloir finir par parler, mais tu as peur ; tu ne veux pas gâcher tes premiers mots dans cette nouvelle condition. Tu fermes encore les yeux en tentant de trouver un indice dans ce nouveau paysage sonore ; en vain. Les nouvelles mélodies du feu et du vent sont envoutantes mais ne te soufflent rien de plus que ta propre plénitude.
Un frisson soudain parcourt ton corps et te fait sortir de ton état de stase de junkie, et tu rouvres les yeux une fois de plus.

- Le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés.

Ta voix est douce, faible puisque tu sembles l’entendre avec une intensité inouïe. A nouveau, tu prends une grande inspiration, et tu expires lentement pour détendre tes épaules. Ces paroles, prononcées avec ce sang contre-nature tapissant ta langue, lui donnent le goût de la revanche et de la victoire. Tu as grandi dans la tradition juive, mais après avoir passé quelques années dans un internat chrétien, tu as mémorisé bien malgré toi quelques vers particulièrement célères.
Finalement, ils sont peut-être plus adaptés que ce que vos intentions blasphématoires le laissent penser. Ce soir, tu renais. Tu te purges et te laves de la précédente pour enfin te permettre de devenir celle que tu te destines réellement à être.

- Je ne crois pas avoir déjà dit ça avant mais… j’ai hâte que l’on commence les leçons.



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- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Sam 28 Mai - 23:42 (#)



L'Autre s’était éveillée. L’immortelle ressentait ses mouvements reptiliens s’enrouler autour de son âme, se délier voluptueusement dans le réseau de ses veines, et étirer ses sens au-delà de son corps telle une malveillance à l’affût. Une Bête enchainée, que l’Appel du sang avait ranimé. Ce violent désir qui appelait à une violente noirceur ; elle tâtonnait et fouillait l’obscurité du salon, des serres invisibles cherchant à attirer entre leurs crocs la raison de cet éveil. Car ce liquide noirâtre s’écoulant entre les doigts d’Elinor, ne pouvait que provenir de sa nature cachée, sa facette maudite, domptée pour la plupart du temps derrière cet air indéchiffrable et mystique de femme fatale.
Elinor ressentit la laisse se tendre. Comme de sa paume tranchée s’écoulait le don de la nuit, dans l’épaisseur du liquide voyageait aussi les pulsions de l’Autre, la force et le tranchant de ses crocs. Ils ne seraient jamais émoussés. Aussi froide et maitrisée était la façade de la vampire, ses violents désirs demeuraient là, enfouis dans les tréfonds de sa chair, qu’elle le veuille ou non ; à chacun de les conserver enchainés. Et pourtant, Elinor Lanuit les percevait plus que jamais à cet instant, alors que l’humaine tendait sa main vers la sienne, que son souffle chaud venait caresser ses doigts.

Fielleux filaments maudits s’étirant entre elles. Un lien distendu et mouvant, des serres charriées par un ruisselet noir que des lèvres chaudes et humaines buvaient en silence. L’immortelle ressentit cette douleur électrisante traverser sa chair, comme si une part de sa vie lui avait été arraché ; elle sentit sa mort investir la vie, et l’Autre fouailler ce terrain nouveau. Elle aimait cela. Elle la refoulait au fond d’elle-même, comme de coutume, mais nul n’est capable de se soustraire entièrement à sa nature. Une violente noirceur et de violents désirs. L’ardeur de l’Autre qui palpe et flaire l’odeur du Sang et le battement de ce cœur si proche, si fort, que son martèlement résonnait à ses oreilles.
Un instant, l’Autre se montra. Une ombre s’insinuant sous la peau blafarde d’Elinor, dont les traits se firent durs et intimidants, et qui irradia ses crocs d’une soif démesurée, à mesure que son sang se faufilait dans les veines d’Heidi. Elle eut l’impression d’en percevoir le cheminement. Un ruisselet de ténèbres écarlates, qui s’infiltrait partout, damnant et souillant une chair humaine ; le cœur d’Elinor fut traversé d’un frisson électrique et, durant ces quelques secondes, son rythme fut calqué sur celui d’Heidi. Le monde s’effaça autour d’elle. Une toile de fond, étouffé par ces battements syncopés.

Le fracas d’un tambour. Le tonnerre enfermé dans la chair. Elle n’entendait plus que ça.

Glissement délicieux. Un tourbillon étourdissant, ne laissant que les désirs, la violence contenue de cet Autre, qu’elle sait parfaitement exister au fond d’elle. Sa chaine s’étira, l’Autre s’impatienta ; elle lui laissa s’approprier un peu de liberté, opportunément. Elle contrôle. À ses oreilles résonnèrent les mots d’Heidi, autant de notes de velours accrochées sur la partition de leurs rythmes cardiaques qui se mêlaient dans le silence de ce moment hors du temps. Elle ne dit mot. Elinor resserra sa prise sur le mouchoir de tissu, désormais teinté de pourpre, alors que l’entaille de sa paume se refermait déjà.

« Il reste bien des péchés à accomplir, » murmura-t-elle en s’approchant de sa nouvelle Marquée, et les crocs effleurant sa langue lui donnèrent un timbre suave et reptilien.

Le murmure se délita dans l’air, comme une mauvaise prophétie. Elle s’assit ainsi à côté d’Heidi, alors que ses pupilles brillaient d’une fièvre aux mille sentiments entremêlés ; une fierté plaisante, et une impatience dissimulée, aux côtés des désirs dévorants de l’Autre. Sa main autrefois blessée vint se lover dans le creux du cou d’Heidi, quitte à en tâcher la peau claire, et releva son menton pour dévoiler la chair offerte ; aussitôt, sans discussion, elle la mordit. Ce furent les crocs de l’Autre qui percèrent cette gorge déjà visitée. Ce fut Elinor qui but ce sang, où s’était auparavant mêlé le sien.
Durant cette fraction de seconde, des visions défilèrent devant ses yeux clos, tandis que la main de la vampire maintenait avec autorité la mâchoire d’Heidi. Voilà une siècle de cela, elle aurait refusé un tel acte. Cette Elinor de jadis, vieille d’une poignée de décennies ; elle se promettait d’évoluer, et pourtant répugnait à se nourrir des femmes, à mordre leurs chairs. Comme Jean s’était moquée d’elle, de cette véritable pudibonderie à l’anglaise, et comme elle avait mis du temps à l’outrepasser.

Et la voilà, un siècle et demi plus tard, apposant une Marque sur une femme, pour la toute première fois. À mordre sa chair et à savourer la texture de son sang. Délicieusement troublant, pensa-t-elle.

Comme les violents désirs de l’Autre s’atténuaient lentement, aussi les lèvres d’Elinor se détachèrent du cou de l’humaine, n’y laissant que l’empreinte de ses crocs. Elle déposa un baiser appuyé sur cette minuscule plaie, et ses bras vinrent entourer Heidi, l’attirant contre elle et nichant son menton dans le creux de son épaule, en une étreinte affectueuse. Une chaleur soudaine courait dans les veines de la vampire, quand leurs deux cœurs battraient encore au même rythme, au moins quelques minutes.

« Bienvenue chez toi, Heidi. »

Elinor n’ajouta rien. Elle tint ainsi sa nouvelle Marquée contre elle durant une minute, jusqu’à ce que l’Autre retourna dans la tombe de son apparence humaine, dormant de son sommeil damné. Alors, le monde redevint bruyant peu à peu. Elle perçut à nouveau le crépitement de la cheminée, le souffle du vent et le gémissement assourdi des boiseries. L’immortelle s’écarta de l’humaine, dont le pouls l’assourdissait presque et, dans un geste affectueux, elle chassa une mèche blonde qui avait glissé dans le creux de ce cou délicat. Un sourire complice naquit lentement sur ses lèvres rougies.

« Eh bien, nous commencerons les leçons demain. Tu peux rester quelques jours, je t’enseignerai au moins la teneur de mes pouvoirs. »

Un air malicieux ponctua sa déclaration. Une ivresse, quasiment. La voilà fière d’elle, pour une piètre raison, celle d’avoir outrepassé ses objections de jadis qui n’étaient autre qu’un résidu de sa propre éducation humaine. Ainsi, je grandis encore, se dit-elle, alors que la chaleur de sa Marquée l’irradiait toute entière ; un confort délectable réveillant des sensations endormies, comme à chaque fois.

« L’invisibilité, l’hypnose, ces choses-là, » fit-elle sur ton narquois. « Je suis sûre que ça te plaira. À ce propos, comment te sens-tu ? Je sais l’effet que cela fait la première fois, j’étais à ta place il y a bien longtemps. C’est plutôt troublant comme sensation. »

Elle aussi, la ressentait à cet instant, au centuple. Le manoir s’était revêtit d’un nouvel habit hors du commun, un tissu de sensations merveilleuses, comme l’obscurité du bois et les lumières scintillantes de la cheminée se teintaient de nouvelles nuances resplendissantes. La nuit était belle. Avec la clarté lunaire entrant à flot par la vitre, une tenture d’argent courait à présent dans le salon, et celui-ci était illuminé de gouttelettes cristallines qui miroitaient sur les reliures brillantes des livres. Le vent crissait contre les fenêtres et, sans doute était-ce dû à l’ivresse d’Elinor, les bourrasques semblaient contenir des syllabes chantantes, qui se mêlaient crescendo au cris sinistres des oiseaux nocturnes.

« La nuit est belle, tu verras, » déclara-t-elle dans un souffle, laissant sa propre pensée éclore tout haut.

Elinor demeura immobile ainsi, confortablement assise à côté d’Heidi, dans le creux du canapé, et de ce salon détaché du monde. Parce qu’il n’y avait rien de mieux à faire. Parce que la nuit méritait d’être admirée, aussi maudite et solitaire soit-elle.

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Lun 30 Mai - 12:05 (#)



Ceci est mon sang
Autumn woods, Février 2021
ft. Eli-chan



D
e toutes les substances que tu as pu essayer dans ta vie – et elles sont tristement nombreuses – tu n’as jamais rien ressenti de tel. L’effervescence des sens et le repos de l’esprit, la pleine possession de tes moyens et la sensation de pouvoir gravir n’importe quel obstacle : un bien-être comme tu n’en as jamais connu avant. Est-ce le sang, sa nature ou bien ta propre perception qui rend l’immortelle aussi captivante ? Sa voix accapare ton attention dans sa totalité, et ses mots te font frissonner comme les sifflements d’un serpent primordial t’invitant à savourer la pomme qu’il vient de t’offrir. Une invitation en bonne et due forme à outrepasser l’ordre naturel et se défaire de la bride de l’humanité.
Dans ce moment unique, tu sens sa main glisser contre ta peau et faire se dresser la chair de poule. Avant même qu’elle ne vienne immobiliser ton menton par l’étreinte de ses doigts fins, tu sais ce qu’il va se passer. Ta tête suit docilement le mouvement qu’on lui impose et l’opaline de ton cou rencontre l’éclat lunaire aux ombres jalousées par la lumière opiniâtre du feu de cheminée. Cette gorge lui appartient, et les crocs qu’elle y plante en sont les seuls gardiens que tu y admets. Tu aimes cette délicatesse tranchante, et particulièrement ce soir ; le geste est si expert, si précis qu’elle pourrait voler ta vie sans même que tu t’en aperçoives, et te faire l’en remercier avec ton dernier souffle.

Cette relation ne ressemble à aucune autre. Rien dans ton vécu ou les livres que tu as lu n’aurait pu te préparer à elle. C’est intimement charnel et pourtant purement platonique, Elinor est à la fois ta meilleure amie et cette mère dont tu avais toujours rêvé. Mais une mère ne se nourrit pas de ses enfants, et toutes les comparaisons que tu pourrais trouver atteignent vite leurs limites et ne mènent qu’à une seule évidence : il n’y a pas de mot pour qualifier votre lien. Aucune case dans laquelle vous ranger. Pas de marraine, pas de mère, pas de mécène, simplement Elinor, et la simple évocation de son nom te permet de savoir exactement quels sentiments tu y rattaches. Ni une simple amie, ni une amante, elle est Elinor.
Les quelques jours de réflexion ayant précédé ce moment, pinacle de votre relation, t’ont aussi permis cette réflexion. Aucune étiquette implique aucune limite, aucune borne traditionnellement convenue qu’il serait possible de dépasser, aucun comportement juste ou faux. Il va te falloir peut-être encore quelques temps avant de pleinement maturer cette idée, mais tu l’aimes déjà.

Lentement, tu te laisses guider par l’étreinte nouvelle que t’offre la vampire. C’est la première fois qu’elle te prend ainsi dans ses bras, et la chaleur qui t’irradie perce directement ta peau et des côtes pour aller toucher ton cœur. Inévitablement, tu fermes les yeux alors que tu les sentais rougir sous l’émotion.
Chez toi, c’est un peu un rêve qui devient réalité. C’est peut-être au final le nom de ce sentiment si singulier. Comme un aventurier découvrant finalement son eldorado après des années d’expédition, ta quête touche à sa fin. C’est une larme unique qui coule le long d’une de tes joues, concentrant en une seule gouttelette l’intense bonheur qui te nimbe. Il est encore trop tôt pour penser à la prochaine expédition, et à cet instant précis tout ce à quoi tu penses est que tu voudrais t’endormir chaque soir enivrée de la même allégresse.

Son sourire appelle le tien sans même que tu n’aies à le voir, dans un mimétisme presque complémentaire. Tu as hâte que ces leçons débutent, mais tu aimerais en même temps que ce moment ne s’arrête jamais. Comment te sens-tu ? La réponse est tellement simple malgré tous les mots que tu pourrais tenter d’y greffer :

- Je me sens bien. Je me sens… en phase.


Comme une dissonance trouvant enfin sa résolution dans une cadence parfaite qui semble maintenant évidente, la conclusion absolue d’une pièce aux harmonies mouvementées s’achevant dans l’écho du souffle de deux notes en parfait unisson.

Tu gardes les yeux clos. La nuit est belle, et ce soir tu n’as pas besoin de tes yeux pour en profiter. Tu restes doucettement appuyée contre l’épaule de l’immortelle et tu laisses les sensations venir à toi, te traverser et embaumer l’air que tu respires.
Pour l’une des premières fois de ta vie, tu cesses totalement de lutter. Contre tes propres émotions, contre ton propre corps, contre le sommeil. Tu t’autorises enfin à vivre, dorénavant engagée sur le chemin de la mort. C’est peut-être là le premier péché de cette nouvelle vie, et tu espères que la promesse de tous les autres sera de la même teneur.

- Je me sens... chez moi.



CODAGE PAR JFB / Contry.
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