Les fêtes de fin d’année ont toujours été une corvée. Pour le reste du monde, elles sont synonymes de réunions en famille, de temps passé à se relaxer, de fêtes parfois trop arrosées. Pour les Lanuit, elles représentent un incessant festival de serrage de mains, de galas mondains, de réunions stratégiques visant à ressasser les erreurs du passé. Enfin. Les relations sociales relèvent plus d’Alaric.
Le manoir Lanuit est décoré d’un exquis mélange de dorés. Le longs des immenses colonnes bordant la salle de réception s’entrelacent des ornements de mille lumières. Le goût est subtil. De l’autre côté de la pièce, une arche de pierre du long de laquelle grimpent des lierres entretenus offre passage jusqu’à une grande porte à double battants donnant sur le reste du manoir. De majestueux lustres du XVIIIème importés de France glissent du plafond et offrent aux invités une lueur tamisée emplissant les lieux d’un air mystique. Le brouhaha ambiant est absorbé par la mélodie classique abreuvant l’atmosphère. La soirée est un mélange de costumes sombres et de robes vibrantes. La soirée annuelle de fin d’année de la famille Lanuit est synonyme de luxe. D’élégance et volupté. Tous ont répondu à l’invitation. Alaric a déjà eu le plaisir de converser avec plusieurs invités haut placés, s’efforçant de feindre intérêt. Les aprioris de l’Aîné vis-à-vis des autres races ne sont pas un mythe. Au sommet de son égocentrisme et de son excès, le Français n’a tout simplement jamais daigné s’y intéresser. Gabriel a cependant été clair: le but de la soirée est de resserrer les liens des Lanuit et du restant de la communauté. L’invitation a même été étirée jusqu’aux Dalzell. Ainsi qu’aux Coleman.
Alaric aimerait pouvoir se débarrasser de son rôle et cesser d’offrir sourires et grâce à l’ensemble des invités. Cependant ce soir, pour une fois, son esprit est tourné vers son devoir et sa famille. Il ne connait que trop bien la difficulté qu’a son frère à s’épanouir dans les relations mondaines et sociales. Alors il a pris la main, accueillant convives et Lanuit, se promettant de ne commettre aucune frasque. Il s’est même retenu de toute remarque provocatrice en réceptionnant sa soeur. Il savait que si les Coleman répondaient à l’invitation, ce serait Aurore qui se déplacerait. Au delà d’être porte parole du clan, l’envoyer est une mesure de sûreté. Rien ne sera en mesure de lui arriver, ni au sein du manoir, ni en présence de ses frères. Ou du moins d’Alaric. Et, tout sérieux de la mission lui incombant, l’Aîné s’est même retenu de la taquiner par les liens télépathiques les unissant. Un effort méritant généreuse récompense. Après l’avoir froidement salué, sa soeur n’a pas pris la peine de discuter avec lui, ou d’adresser un mot à leur autre frère, qui ne s’est de toute manière pas déplacé jusqu’à eux. Le jeu de regard qui opère entre eux est glacial, depuis le début de la soirée. Alaric est trop absorbé pour s’en préoccuper, encore moins pour les tourmenter.
Forcé de prêter attention à un homme dont le crâne lui tellement que le Français pourrait presque compter les perles de sueur stagnant au sommet de sa tête, il hoche la tête face à une nouvelle de ses observations. Gabriel a longuement insisté pour convier plusieurs dirigeants humains, et ce malgré les nombreuses oppositions de son cadet. Mêler hommes et Lanuit serait abaisser leur réputation au monde des politiques et faux semblants. Là où Alaric voit telle invitation comme la reconnaissance d’un conflit imminent nécessitant pacts et alliances, Gabriel sent le vent d’un changement nécessitant adaptation.
L’homme qui se tient en face de lui est un délégué du SHIELD en déplacement. Désintéressé de la discussion alors que celle qu’Alaric a compris être sa collègue vient de se joindre à eux, il scanne la pièce du regard. L’espace de quelques secondes, il divague. Le Français surfe constamment sur la vague de l’acceptable, et se voit forcé de fabuler quelconque respect à l’égard de la race humaine. Les battements du coeur de son interlocuteur l’insupportent soudainement. Ses yeux trouvent Aurore, à l’autre bout du foyer. Il a tenté de trouver le moment opportun toute la soirée. Il doit lui parler, de manière urgente. Mais sa soeur a semblé mettre un point d’honneur à être absorbée par ses diverses discussions. Elle a également sciemment ignoré ses invitations silencieuses. A plusieurs reprises. Elle est enfin seule, et après s’être excusé après de ses deux convives, il s’élance dans sa direction, évitant soigneusement tout regard posé sur lui. Elle est déjà en train de saluer une nouvelle personne.
Alaric se stoppe net dans ses pas. Son attention n’est plus portée sur la blonde. Par dessus l’épaule de sa soeur, il la voit.
Il lui faut une poignée de secondes pour remettre son visage. Elle est de profil, et pourtant, Alaric sait que lorsqu’ils se tourneront dans son sens, ses yeux seront sombres, emprunts de cette profondeur qui réapparait peu à peu dans sa mémoire, jusqu’à s’ancrer au fer rouge dans ses souvenirs. L’ombre d’un sourire commence à apparaître sur son visage, mais disparaît aussitôt. Le long de son poignet recouvert d’une chemise immaculée et d’une veste de costume au prix exorbitant, une douleur s’éveille. Au long des presque huit-cent longues années qui ont constitué son existence, Alaric a accumulé marques et cicatrices faisant de son corps un livre d’histoire attrayant. Batailles. Conquêtes et victoires. La croix blanche qui occupe cependant la jointure de sa main, au dessus de veines inactives est le seul souvenir d’une défaite.
L’expression détendue de son visage laisse place à une rage sous-jacente accentuée d’une impression de déjà vu. Alaric est irrité. Irrité qu’elle soit ici, irrité qu’elle soit vivante. La soirée qui s’est déroulée trois années plus tôt ne lui a plus jamais traversé l’esprit. Et pourtant, alors que le regard noir du Français est ancré sur son visage hypnotisant, il a l’impression que c’était hier. Elle est la preuve même de sa défaite. Sa poitrine se soulevant et s’abaissant est la preuve qu’elle respire. Qu’il l’a laissée partir. Hanter ses nuits n’est pas suffisant. Mais pire, encore; si elle est ici, elle représente forcément quelque chose. Ou quelqu’un. La façon dont son interlocuteur s’adresse avec elle avec respect ne fait que le lui confirmer. Leur discussion est mondaine, dénuée d’intérêt, mais, à quelques dizaines de mètres, Alaric y prête tout de même attention.
Une serveuse passe à sa hauteur, et sans la lâcher du regard, il tend le bras sur sa droite pour le stopper, enroulant plus fermement que prévu ses phalanges autour du bras de son employée. Entre ses doigts, elle tremble de peur.
- Qui est-ce? - dit-il enfin sur un ton placide.
Mais elle est incapable de balbutier quoi que ce soit. Alaric se sent vaincu, perdu. Après avoir relâcher la petite, qui s’enfuit sans demander son reste, il recherche son frère du regard. Il est introuvable. Il doit agir, vite, avant qu’elle ne prenne la main. Elle est la preuve de ce à quoi il pensait quelques minutes plus tôt. Son constant flirt avec l’immoral, son arrogant penchant pour la débauche. Elle ne le sait pas encore, mais entre eux vient de s’installer un jeu de pouvoir dont le Vampire ressortira forcément gagnant.
Avant de poser la première carte de cette bataille fermée, Alaric a besoin de rassembler ses atouts. Les dernières paroles prononcées quelques années plus tôt hantent ses pensées. "La marque que tu m’as infligée sera ton salvateur". Elle est bien là, dissimulée sous le tissu, constant rappel de cette fatale soirée. Le Français possède une très légère longueur d'avance. Mais il sait que cela ne durera pas. Il n'a jamais reculé devant un duel, encore moins face à celui-là. La marque sera dévoilée ce soir. Les souvenirs couleront à flot. Plutôt que de l’approcher, il a besoin de son frère. Lui seul pourra fournir réponses à ses questions, mais plus encore, lui seul sera en mesure de le raisonner. Gabriel est introuvable, et Alaric sent sa lucidité le quitter au fil des secondes. Un plateau passe à sa hauteur. Il attrape une coupe de champagne, et se dirige vers l’arche de pierre. A côté, un majestueux escalier menant à l’étage.
Arborant un sourire charmant, Alaric attrape le couteau des mains d’un invité, gravit trois marches, et fait face à l’immense salle. Quand l’orchestre le voit, la musique cesse. Le verre de la coupe de champagne tinte et attire l’attention d’une centaine de regards sur lui. L’air nonchalant et charmeur que le monde lui connait les accueille.
- Amis, alliés, Lanuit, - dit-un plaisamment. - Mon frère et moi vous remercions de votre présence. En l’honneur de la nouvelle année, trinquons. A votre réussite qui fera la nôtre.
Son regard parcourt les lieux, offre sourires et plaisances. Sa main tenant la coupe se dresse, et la salle en fait de même.
- Aux anciennes connaissances. - Finalement, ses yeux sombres la trouvent. Et ne la lâchent plus. - Et aux nouvelles rencontres. Santé.
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Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Lorsque l’invitation laminée et d’un velin d’une qualité indécente est arrivée sur le bureau de Deva Parton, la chef de l’antenne de la NRD sait qu’elle ne saurait être ignorée. Quelques soient ses sentiments personnels envers Alaric Lanuit, une cordiale entente doit être observée. Elle n’imposera aucune présence, laissant les agents les plus séniors décider entre eux qui fera partie de la dizaine de mortels qui seront présents au nom de l’Agence Gouvernementale. Medea n’a pas hésité longtemps avant de parapher son nom parmi ceux qui honorent l’invitation. Plusieurs raisons, certaines professionnelles et d’autres beaucoup moins. Elle croise régulièrement des cas impliquant des Fils de la Nuit et si elle n’a pas encore rencontré personnellement le Juge Lanuit, son nom s’est déjà retrouvé sur certains de ses dossiers concernant des affaires en dehors de la ville. Il lui semble important de resserrer ses liens avec l’une des principales figures de l’autorité juridique de Baton-Rouge. Bien qu’il n’exerce pas la Loi à Shreveport, il serait naïf de nier son influence en coulisse. De Sentir aussi quelles sont les relations entre les différents Clans qui régissent ce coin de Louisiane. Nul doute que des représentants ont tous été conviés si le gouvernement séculier l’est aussi. Un tel vivier d’influences et de pouvoirs est une opportunité qu’elle ne laissera pas filer.
Plus personnellement, c’est l’occasion pour elle de libérer certaines facettes de sa personnalité qui n’ont que peu l’occasion de s’exprimer ces derniers mois. Si à New-York et Chicago, l’italienne a exprimé sans complexe ni retenue son goût pour les mondanités et les grands Gala, caritatifs ou non, elle a mis entre parenthèses ces extravagances depuis sa venue dans l'État du Sud. Cette invitation triée sur le volet, aussi politique et codifiée soit elle est l’opportunité rêvée pour une indulgence aussi frivole et la profiler n’a pas l’intention de s’en priver. Si il lui est impossible de faire appel à son couturier favori, elle a appris avec tristesse la mort de Basil Soda au Liban il y a plusieurs années -Comment oublier la robe époustouflante qu’il a créé pour elle lors du Gala du Met en 2004, tout comme le costume que portait Carlisle cette nuit là- plusieurs grands noms se sont présentés à son esprit pour un tel événement. Huit mois de travail acharné peuvent bien lui offrir une nuit de liberté.
Décembre 2020.
Elle a songé à demander à Kaidan Archos d’être son cavalier pour cette soirée, mais s’est rapidement ravisée. Les garous et les Vampires font rarement bon ménage. Rompre l’observation discrète qu’elle exerce sur son collègue pour une telle soirée mondaine n’est pas la bonne opportunité. Non. Sans compter qu’il y a certains parallèles qu’elle n’a pas envie d’établir. Non, elle n’a pas besoin d’un compagnon attitré à son bras.
Depuis la mort de son père en 2016, Medea s’accorde de revenir en Californie passer noël en famille, rarement plus de quelques jours. Juste assez pour couvrir de cadeaux la jeune génération Comucci. Si ses neveux s’affirment déjà, ce n’est rien au regard de la manière dont sa nièce, pourtant la cadette du haut de ses huit ans, mène l’ensemble de ses frères et cousins à la baguette. Que ses frères et belles- sœurs la considèrent responsable d’un caractère aussi sauvage est une source de taquineries sans merci de part et d’autres, Cette année n’y fera pas exception alors qu’elle s’offre un peu de temps avec l’ensemble du Clan, tolérant ses deux aînés. Trois jours plus tard, elle est de retour en Louisiane, juste à temps pour réceptionner son extravagante robe.
31 décembre 2020
Le manoir Lanuit qui se profile dans l’obscurité profonde est à couper le souffle par ses illuminations. Des centaines de lampions délicats et entrelacs lumineux éclairent à peine l’allée principale, suspendus dans les branches des cyprès ou dissimulées dans les herbes rases pour un paysage mouvant, presque féerique. Ils offrent une nuance éthérée à la légère brume qui assourdit le ciel. Elle a accepté les conditions drastiques de sécurité. Jusqu'à autoriser une berline aux vitres teintées de la conduire sur place depuis son hotel. Ses mèches ont été rassemblées en chignon haut dont s'échappent plusieurs mèches corbeau réhaussent souplement l'ovale de son visage et le gracile de sa nuque. Deux épingles à chignon d'inspiration asiatique décorent sa coiffure dont ne dépassent que deux fleurs de lotus ornées de rubis. Bijoux sinueux ne permettant de définir ni les matériaux précis des épines ni leurs tailles. Deux très fines chaînes d’argent, si fines qu’elles en sont presque imperceptibles dans la pénombre, encadrent les deux côtés de sa mâchoire pour s’achever en deux larmes de rubis dont les facettes, elles, captent le moindre éclat. Le collier ne lui appartient pas. C’est un prêt de la Maison Bulgari. Forever Rubis, création aussi sublime que sans égal. Vingt rubis tissés dans le diamant et l’argent qui se rejoignent pour un rubis central, une pièce de joaillerie propre à susciter les convoitises vampiriques. Le collier, qui n’a rien de discret, ne saurait être mis en valeur que par une robe de la même eau. Il est certain qu’il y a une dose de provocation subtile à porter autour de sa gorge un tel cercle de perles carmines, interdisant farouchement à des canines trop gourmandes de faire couler son sang.
Si la couleur d’un gris anthracite profond peut paraître éteinte, l'amarante des pierres lui offre une profondeur nouvelle. En parfaite adéquation avec la coupe de la toilette. Un bustier audacieux qui couvre la rondeur de ses seins sans rien dissimuler vraiment de leur galbe, sans perdre une once de décence. Le décolleté se découpe en un V profond, orné de volant de taffetas avant que le corset ne s’évade en une jupe évanescente autour de ses jambes jusqu’au sol. Dérobant aux yeux curieux la hauteur de ses talons. Arrivée couverte d’argent ne délivrant pas le bon message, Medea a choisi de laisser dans sa chambre d'hôtel ses habituels filigranes de poignet pour des armes tout aussi discrètes qu’efficaces. Elle n’a pas oublié sa rencontre funeste quelques années plus tôt malgré l’absence de ses souvenirs. Si sa prudence n’a jamais été mise à l’épreuve depuis, sa confiance a été sérieusement ébranlée. Non, elle n’anticipe pas une attaque ou une manœuvre déloyale. Pas dans une soirée aussi prestigieuse et aussi publique. Néanmoins, une femme n’est jamais trop armée.
Drapant sur ses épaules dénudées un voile de soie arachnéen d’un gris plus intense qui se fond vers le noir, après de longues secondes de contemplation, Medea remonte enfin l’allée , regrettant presque de ne pas avoir le temps d’explorer les jardins qui s’étendent aux abords du manoir et dont les sentiers bordées de lanternes invitent à la découverte. Un peu plus loin, elle peut presque deviner d'élégantes places d'eau et des fontaines qui murmurent dans la nuit. Plus tard, peut-être. quand la soirée sera plus avancée et qu’elle pourra s’éclipser discrètement après avoir échangé les premières civilités. Son invitation et son nom ont déjà été controlés en sortant de son vehicule, elle entre sans autres atermoiements dans le haut vestibule après avoir passée les colonnades d’un blanc immaculé du porche, sans doute vestiges parfaitement entrenus d’une majestueuse plantation. Sans être dans les derniers invités, elle est loin d’être en avance. Une seconde, elle envisage de fumer une rapide cigarette avant de rejoindre la salle de réception, un paquet de Davidoff et un briquet dans sa minuscule pochette. Deux trois menus autres objets, indispensables. Elle n’a pas remplacé son porte cigarette et son briquet monogrammée, leur perte trop liée aux cauchemars récurrents qui empoissent ses nuits, depuis cette soirée là. A ceux-là s'ajoutent des nouveaux venus ces dernières semaines. L’impression d’une surveillance sournoise. Malveillante.
Les ors de la salle de réception, que ce soit dans les moulures des plafonds, les dorures des lambris ou ceux plus patinés d’un parquet vieillis par les siècles ont cette saveur dont seules les plus anciennes demeures peuvent s' enorgueillir. Un luxe discret et sans imitation possible. Tout en saluant certains des invités prestigieux, les prunelles de Medea sont attirées par les œuvres d’art qui éclairent les murs et offrent à la pièce un cachet de plus. Aucune reproduction. Les lustres distillent un éclat tamisé proche de celui des candélabres d’antan et dotent les teints et les robes de nuances plus douces et mordorées qu’un éclairage moderne aurait assassiné. Les notes harmonieuses d’un orchestre de cordes et de vents n’ont pas l’attention qu’elles méritent, alors que déjà des petits groupes se forment et se déforment au gré des associations et des conversations. C’est un jeu social auquel elle est parfaitement rompue et dont elle retrouve très vite les accents. Les frères Lanuit passent de groupes en groupes, selon leurs affinités et Medea ne cherche pas à leur être présenté à tout prix. Si il est évident qu’elle ira les saluer et les remercier dans les formes de leur hospitalité, la soirée est encore trop jeune pour s’imposer d’une manière aussi disgracieuse. Retenant d’une main les pans fluides de sa robe et sa pochette, l’autre ne tarde pas à se trouver dotée d’une coupe d’un champagne délicieux. Si les Français ne peuvent en savourer les bulles dorées, ils n’ont en rien perdu leur sens du détail et de l’excellence. Si elle échange quelques minutes avec ses collègues de la Nrd qui ne déparent en rien avec la haute société dans laquelle ils évoluent. Sourires et salutations plus détendues que dans le cadre formel de leur position professionnelle se partagent avant qu’ils ne s’égaillent dans la salle. Medea ne connaît pas encore tous les acteurs des différents clans et c’est tout en finesse qu’elle se présente à certains. Plusieurs fois, son intérêt se porte sur l’arche de pierre et les imposantes portes boisées qui marquent les accès privés du Manoir. Si sa curiosité brûle tant sa langue que ses prunelles, l’Italienne ne s’en approche pas. Ce serait une terrible faute de décorum que de se faufiler dans les entrelacs réservés de la demeure des deux frères. Un faux pas diplomatique qu’elle est bien trop aguerrie pour commettre malgré toute la tentation que cela représente. Avant de se faire happer plus longuement avec l’un des envoyés du clan Dalzell. Sa répartie est vive et son intelligence tout autant. L’italienne n’en oublie pas tout à fait les raisons plus pragmatiques de sa présence mais ne boude pas la passe d’arme verbale avec Aaron Dalzell. S' il livre peu de lui-même, il est évident qu’il est à l’aise avec l'âge moderne et n’a pas ce côté parfois trop engoncé des Fils de la Nuit plus âgés. Il est un temps mis sur la défensive lorsqu’elle explique ce qui l'amène à de telles festivités. La NRD est rarement reconnue comme une alliée des Cess alors que la sylphide tend vers l’objectivité. Cacher ses liens officiels n’a pas de sens alors même qu’ils sont la raison pour laquelle elle a été conviée ce soir. Elle n’a aucun doute qu’aucun mortel sans influence n’est présent ce soir. Autres que domestiques et calices. Mais Aaron ne tarde pas à se détendre à son tour, tout en gardant leur conversation sur un ton adapté à la soirée, déviant sur tel artiste ayant surpris la scène musicale de la Louisiane ou tel peintre s’attirant les foudres de ses investisseurs par un comportement bien trop mesquin et agressif. La manière dont le Fils de Caïn le décrit tient moins de l’artiste torturé que de l’homme caractériel et impossible à vivre. Sa description est si vivace que Medea ne retient pas ses sourires.
Une coupe fraîche de champagne remplace la première et elle boit une nouvelle gorgée, qu’elle accompagne d’une fine gourmandise. N’est pas naïve au point de rester à jeun. Ils allaient continuer leurs échanges sur le même ton lorsque les instruments cessèrent de jouer pour la première fois depuis l’heure et demi qu’elle est là. Le retour au brouhaha des convives sans le coussin délicat de la musique est presque trop sonore, trop perceptible dans cette nouvelle absence. La raison de ce silence ne tarde pas à être éclaircie. le son limpide du cristal torturé par un objet bien moins noble. Tous les regards se tournent vers le Fils de la Nuit qui commande l’attention de ses invités par sa seule prestance, par sa seule présence. Il lui a suffit de s’avancer pour que tous ses hôtes soient suspendus à ses lèvres. Medea n’y fait pas exception. Sinon dans sa réaction. C’est une flamme de peur vive qui la traverse avant qu’elle n’ait eu le temps de la contrôler. Une flamme si coruscante, si flamboyante que pendant quelques secondes, les caïnites les plus proches et les plus sensibles aux émotions des mortels ne peuvent que la ressentir. Proie. A ses côtés, Aaron s’est raidi. Bien trop attentif au nouveau rythme cardiaque de l’humaine si proche. La profiler s’en aperçoit rapidement et étouffe son sentiment aussi brutalement que si elle avait mouché la mèche d’une bougie à l’aide d’un éteignoir. Le nom d’Alaric Lanuit court sur toutes les lèvres, levant sans le moindre doute possible l’identité du vampire qui la torture si subtilement depuis près de trois ans.
La Couleuvre n’était absolument pas prête à cette confrontation. Pas dans ces circonstances. Pas avec l’un des vampires les plus influents et les plus puissants de la Louisiane. Toutes illusions qu’elle a le temps de nourrir sur un possible anonymat, oubli de sa part la concernant volent en myriades d’éclats incisifs lorsque le maître des lieux accroche son regard. Ne le relâche pas. Il sait exactement qu’il a déjà joué avec elle. Ses paroles ne paraissent destinées qu’à elle. Présomption déplacée probablement. Alaric Lanuit. Il lui est impensable de chercher une confrontation avec lui ce soir. Pas sur son terrain. Pas alors qu’il a toutes les cartes en mains. Pas quand elle ignore tout de Lui sauf les éléments les plus superficiels le concernant. Quand il lui est impossible de percer le brouillard nébuleux de leur rencontre, sinon qu’il connaît la saveur de son sang. A t’elle pu le lui offrir librement? Non. pas avec cette peur latente qui lui broie le ventre. Pas avec ces rêves obscurs. Pas avec la confuse certitude qu’il lui a laissé la vie sauve sur un simple caprice.
Son choix est évident. Le seul possible.
Une moitié de la Victoire est le choix du champ de bataille, l’autre moitié est dans le choix du moment*
Ce n’est ni l’endroit ni le moment d’entrer en guerre contre Alaric Lanuit. Plus tard. Maintenant qu’elle connaît son identité, Medea ne se précipitera pas. Si elle ira jusqu’au bout pour obtenir réparation personnelle de l’insulte et l’offense qu’il lui a infligée, -sans compter le souvenir dérobé de ses heures- cette nuit, elle lui cède, encore, une victoire éphémère. Ce serait bien trop dangereux pour elle. La Nrd ne peut se permettre un scandale impliquant le numéro du clan. Pas alors que l’organisation a besoin de l'appui de l’Essaim pour continuer à protéger les populations des vampires déviants. Presque imperceptiblement, elle lui adresse un léger signe de tête. Più tardi, Serpente. Un clin d'œil de provocation et de défi, ravalant l’angoisse que sa simple proximité provoque. Puis, sans se douter du miroir passé, très délibérément, elle lui tourne le dos, s’éloigne du demi-cercle le plus proche dans lequel elle était placée. Bruissement liquide de sa robe sur le le sol, claquement assourdi de ses talons, son retrait est si discret que peu sont ceux qui lui prêteront intérêt. De plus, elle n’est qu’une mortelle et le Prince de Caïn est au centre de son propre théâtre. La farouche brune se fond dans les ombres de la pièce, sans se mettre à l’écart du gros des invités, n’attirera pas l’attention par une attitude trop cavalière. Elle ne quittera pas la soirée, certainement pas. Il n’y a qu’une stratégie viable. L’éviter sans concession et si cela ne peut être faisable, ne pas être seule en cas d'interaction sociale.
Les hauteurs de la salle s’emplissent d’applaudissements enthousiastes. La douce musique classique déferle de l’orchestre, alors que le monde se remet petit à petit à tourner. Le regard d’Alaric n’a pas lâché sa proie. Car, en l’espace de quelques secondes, c’est ce qu’elle est redevenue. Ses iris n’ont rien de provocateur, ni le mince sourire que son visage s’est appliqué à dessiner. Du coin de l’oeil, il aperçoit Gabriel. Le Français connait déjà l’étendue de la discussion qu’ils auront. Il n’est plus sûr d’avoir envie d’être raisonné. Il est déjà trop tard. L’Aîné s’attend à voir peur et méfiance teinter son visage anguleux à tout moment, sous le poids de la réalisation. A la place, elle lui offre d’un hochement de tête la férocité à laquelle il aurait dû s’attendre. Son sourire s’allonge, jusqu’à devenir presque amusé. Durant les quelques instants où il est en mesure de savourer sa courte victoire, il l’observe, alors qu’elle lui tourne le dos. Il descend d’une marche, puis de deux. Avant qu’il ne puisse s’engager à sa suite, son frère lui barre la route. Il ne prononce pas un mot. Un simple sourcil haussé suffit à transmettre l’étendue de ses pensées. Alaric répond d’un hochement de tête. Il ne peut rien dire de plus.
- Ne me demande pas de m’expliquer. Pas maintenant, - dit-il alors qu’un serveur passe à leur hauteur. La coupe de champagne restée intacte est déposée sur le plateau.
Plus tard, Alaric sert plus davantage de mains, donne plus d’accolades. Son esprit n’est cependant plus concentré sur ses missions et devoirs. Sa soeur s’est depuis bien longtemps échappée. Durant la soirée, il ne la regarde pas, mais sait pertinemment où elle se trouve. Le timbre impénétrable de sa voix le déconcentre. Alaric attend, patiemment. Il n’est pas pressé. Une heure s’écoule. La soirée, pourtant, ne semble que commencer. A la suite d’une courte entrevue avec un associé, le Juge reprend place aux côtés de son frère. Tous deux au balcon surplombant la pièce, Gabriel a posé sa main sur la balustrade, observant d’un regard avisé l’ensemble de ses convives. Les mains de son cadet sont ancrées dans les poches de son pantalon de costume. Nonchalant, comme à son habitude. Ils ne parlent pas; le dialogue est la plupart du temps inutile. Les siècles passés côte à côte et les liens les unissant ne nécessitent pas de communiquer. Les yeux d’Alaric sont rivés sur l’Italienne. Son frère le sait pertinemment. Mais, comme le lui a demandé Alaric, il ne dira rien. Pas ce soir.
Les deux simples mèches s’échappant de la masse brune de cheveux tirés en arrière ne font qu’accentuer ses traits. Un sourire placardé au visage, elle discute avec Aaron Dalzell. Les hommes et femmes qu’elle croise s’adressent à elle avec respect et diligence. Elle se déplace avec élégance et assurance. Elle ressent la présence du Français, mais connait sa place. Alaric ne sait pas qui elle est. Mais ne peut que spéculer quant à la position qu’elle occupe. Au lieu de quémander confirmation auprès de son frère, il laisse dégringoler son regard sur les courbes que sa robe ne dissimule pas. Il se rappelle les souvenirs laissés au creux de son aine, dans le sillage de son sein. Comme un rappel ardent à la réalité, la croix de son poignet s’éveille. Son sourire disparaît. Peut-être savait-elle pertinemment qui il était. Sans même l’avoir regardé, elle semble avoir volé une nouvelle victoire. L’inconscience de son acte ne le rend que plus percutant. Lors de leur rencontre, Alaric avait laissé de côté l’étrange sensation que lui avait provoqué l’aura entourant la créature italienne. Ce soir, il sait enfin pourquoi.
Alaric pose la main droite sur l’épaule de Gabriel, indiquant son départ. Il descent lentement les escaliers, ignorant les quelques regards tournés dans sa direction. Aaron Dalzell n’est plus dans son champ de vision; à sa place, le délégué du SHIELD a pris position. A quelques mètres d’eux, le sourire éternel reprend place sur son visage. Il s’arrête. L’homme est en face de lui. La brune est sur sa droite. Son regard ne quitte pas le canadien.
- Edmund, j’avais espéré pouvoir terminer notre discussion, - entame-t-il de son ton le plus mélodieux. - Certainement, M. Lanuit, - répond-il aussitôt, une lueur d’admiration virevoltant sous la surface de son regard.
Alaric s’est déjà désintéressé. Cette fois-ci, il la regarde. Droit dans les yeux, noir sur brun, glace sur feu, prédateur sur proie.
- Je ne crois pas avoir été introduit, - énonce-t-il. L’accent français de leur première rencontre s’est envolé; plus nul besoin de prétendre à quoi que ce soit d’autres que la véracité des faits. Ce soir, une bataille s’entame dont Alaric n’acceptera aucune autre issue que la victoire. - Alaric Lanuit. Enchanté. J’espère que la soirée est à la hauteur de vos espérances.
Sa main s’est tendue dans sa direction. Il sait qu’elle ne pourra pas l’éviter. Son autre bras, orné de l'amer rappel de San Francisco, est poliment retranché dans son dos. Le regard d’Edmund fait la navette entre eux tel le spectateur d’un match de tennis. L’Aîné vient tout juste de servir son premier set.
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Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Les applaudissements s’embrasent autour d’eux après cette salutation pourtant des plus conventionnelles. Mais délivrée des lèvres même du sulfureux Alaric Lanuit, chaque intonation en devient bien plus exotique. Medea a la sagesse d’attendre cet instant pour se dérober au regard d’aigle qui promet qu’entre eux, ce n’est qu’un début. Ou plutôt, une suite. Ce qui creuse son inquiétude est l’ignorance de leurs prémisses. Ils se connaissent. Mais à quel point? Porter un masque de défiance sur ses propres doutes lui est aussi naturel que respirer, Medea est rassurée de constater que celui-ci ne lui fait pas défaut. Ce qui la trouble est son absence de colère.
Sur la défensive, oui. Méfiante, absolument. Confuse, il n’y a pas de doute. Angoissée, malheureusement. Mais en colère, non. Il lui manque trop d’informations, tant sur Alaric lui-même que sur ce qui s’est déroulé entre eux. A t'elle provoqué l'intérêt non naturel du vampire à son égard? Ce n'est pas impossible. Elle essaie d’analyser les émotions tempêtes qu’il lui inspire. La crainte est la plus facile à lire. Cependant, est-elle réellement si inattendue? Du dossier sur le Français qu’elle a rapidement lu, il est âgé d’au moins sept siècles. Une frayeur matinée de fascination tient du réflexe de survie, appris par des générations avant elle. La même qu’évoque les Lycans. Secouant la tête, croquant dans un délicieux toast au fois gras relevé d’un peu de piment d’espelette, les notes de l’orchestre reprenant la main sont celles qu’elle attendait. Est ce qu’il a ressenti la flambée de peur incontrôlée qu’elle a éprouvée en découvrant à nouveau les traits trop séduisants de son visage? L’italienne espère sincèrement que non alors qu’une poignée de fumeurs retrouve l’air extérieur le temps d’une cigarette qu’elle partage avec eux. Repoussant le trop présent cainite de ses pensées, elle noue les bases d’un premier lien social avec les autres présents.
Une nouvelle coupe de champagne qui trouve sa place entre ses doigts, prenant garde cette fois à sa consommation. Il est hors de question qu’elle permette à l’alcool d’embrumer son jugement. Bouder une cuillère nacrée d’un des caviars les plus fins qu’elle n’ait jamais dégusté serait une hérésie. La délicatesse du met dessine sa salinité sur ses papilles. Pour des créatures qui n'accèdent au goût que par les sangs qu’ils absorbent, il n’y a pas de fausses notes. Ou leurs Marqués sont incroyablement compétents. Un mélange des deux. La ligne des épaules de Medea se détend à mesure que la soirée se déroule sans anicroches. Elle s’impose de ne pas rechercher la haute silhouette des yeux. Profite de l’atmosphère spectaculaire et de l’intelligence des convives. Son sourire retrouve des accents naturels, loin de toute contrainte. Sans oublier l’épée de Damoclès qui ne la libère pas totalement de sa menace.
Si elle navigue entre les différents groupes, s’attarde parfois à quelques échanges moins mondains avec ses collègues, elle retrouve régulièrement la compagnie d’Aaron. Le jeune vampire, après avoir dépassé ses premières réticences à s’acoquiner avec une agente de la Nrd se révèle le complice parfait pour la soirée. Il parait connaitre la majorité des invités et disposer d'anecdotes savoureuses sur la plupart d'entre eux. Un frisson glacé qui s’attarde en haut de sa nuque. La venimeuse s’interdit de se retourner. Sachant au creux de ses tripes qu’il l’observe. Néanmoins, Aaron Dalzell poursuit les propres intérêts de son clan et il finit par prendre congé quelques minutes plus tard, non sans se fendre d’un baise-main absolument outrageux, l’amusement visible dans ses grands yeux clairs. Avant de louvoyer avec habilité vers un autre groupe dans lequel il s’intègre avec une facilité qui trahit l’habitude.
L’italienne, loin d’être désoeuvrée, s’accorde un peu de répit dans le jeu des mondanités pour examiner de plus près deux magnifiques peintures accrochées non loin l’une de l’autre. C’est absorbée par les œuvres d’art qu’Edmund Levesque la trouve et se présente à elle. Sourire charmant aux lèvres, elle délaisse les tableaux. Pour avoir échangé bien des mails avec son collègue canadien, elle est parfaitement au fait de ses activités, tout comme il est loin de la découvrir. C’est bien la première fois pourtant qu’ils se rencontrent physiquement. Rapidement, ils retrouvent le ton légèrement ironique de leurs correspondances écrites. Bien que desservi par un physique des plus communs et des lunettes bien trop rondes pour son visage poupin, Edmund est un fervent défenseur de la cause Cess dans la société, prônant une plus grande compréhension et intégration.
L’homme se tait soudainement, en milieu de phrase et Medea laisse sa surprise transparaître, avant que le mutisme de son interlocuteur ne s’explique de lui-même. Le canadien est sous le charme immédiat de l’attention privée que lui adresse leur hôte qui se matérialise à sa gauche, se plaçant entre les deux humains. Elle ne fuit pas, ne recule pas, ce serait ridicule. Espère seulement qu’Alaric ne pourra saisir l’envol des battements de son cœur à sa proximité. Elle ressent à nouveau ce mélange ouragan d’émotion, avec davantage d’acuité. Son sourire est le reflet de celui de l’Immortel. Mondain, délicieux, sans âme. Déjà il se tourne vers la profiler qui sent sa respiration s’approfondir. Elle incline le buste, à peine, pas assez pour être qualifiée d’une révérence, mais dont le respect ne peut être nier. Il ne pourra pas y trouver offense. Ses prunelles d’encre s'amarrent à leurs jumelles qui les harponnent avec la même détermination. -Monsieur Lanuit, c’est un plaisir -Accent italien un peu plus prononcé dans cette esquisse de français avant de revenir à l’anglais. Il lui est difficile de se détourner de la beauté de son visage, du charisme magnétique qu’il exsude. Sa peur se mâtine d’un élan qui voudrait la pousser vers lui et qu’elle écrabouille sauvagement, elle n’a pas bougé. Toujours ce trouble et cette absence d’irritation qui devrait être présente. Il lui a causé insulte et tort. Elle le Sait. Cependant, elle ne ploiera pas si aisément- Vous n’avez pas besoin d’introduction pour votre propre soirée. - Réprimande-t-elle presque suavement, niant la crainte qui murmure dans ses veines. Si il n’y avait que la crainte.. Que s’est il passé entre eux pour que sa présence à côté d’elle résonne si limpidement? Medea ne se dérobe pas. Referme sa paume tiède sur la main si froide de son adversaire. La garde contre la sienne peut être deux ou trois secondes de trop dans une étreinte qui n’a rien d’anodine. - Votre réception est absolument divine. Enchanteresse. Je suis conquise. Dites moi.. -Sincérité absolue de ses paroles. Son pouce s’égare sur la saignée morte de son poignet. Caresse irrévérencieuse, interdite et déplacée. Indispensable. Elle le relâche. Elle ne s’est pas présentée, seul Edmund pourrait relever le faux pas social mais il est bien trop fasciné par Alaric pour l’avoir remarqué. Au creux du regard de la brune, le Fils de la Nuit saura que c’était intentionnel. Ne connaît- t- il pas déjà son identité, des années plus tôt? Elle ne jouera pas selon la partition vampirique. Enfin, en même temps qu’elle relâche sa main, folie que de l’avoir gardé à elle si longtemps, ses yeux se détournent vers la peinture qui les surplombe. Il exerce sur elle une attraction trop primitive qui lui déplaît. Il est dangereux, terriblement dangereux. - C’est bien un Botticelli, n’est ce pas? Je crois que c’est la première fois que je vois ce tableau. Il est absolument magnifique. C’est une œuvre unique. Et si je ne me trompe pas, la peinture à côté, n’est ce pas une toile originale d’Eugène Delacroix, reprenant sa “Grèce sur les ruines de Missolonghi”? Je trouve que c’est absolument judicieux d’avoir mis en vis à vis Simonetta Vespucci, la muse de Botticelli avec cette brune flamboyante. Vous êtes responsable de cet arrangement, monsieur Lanuit?
Alaric ne pouvait espérer rester seul avec les deux mortels. Pas quand il est l’une des deux personnes les plus puissantes de la pièce. Plusieurs autres personnes se sont jointes à leur groupe. Dont une ravissante vampire rousse, peut être un peu trop criarde dans le choix de sa robe et de son maquillage qui s’insère à la gauche d’Alaric, repoussant sans gène Edmund de son champ de vision, et Aaron qui se retrouve proche Medea. Peut-être sur un signal invisible d’un des Marqués suivant le déroulé planifié de la soirée, l’orchestre débute les mesures plus lentes et plus reconnaissables d’une valse. La rousse, immédiatement, posa sa main aux ongles d’un rouge sang sur l’avant-bras du Fils de la Nuit et se tourna vers lui. -Oh, Alaric, vous m’avez promis la première danse! -Sa voix un peu trop aigue, un peu trop crécelle agresse l'ouïe de Medea. Elle s'assure ainsi que nulle autre prétendante au bras du Fils de Caïn ne puisse ignorer sa prétention. Sans attendre d’entendre la réponse de ce dernier, la Couleuvre a déjà suivi l’invitation murmurée d’Aaron qui la conduit en bordure de la piste de danse qui se dévoile, une main posée sur son poing fermé. Bien sur, aucun couple nouvellement formé ne s’élancera tant qu’un des deux Lanuit n’aura pas formellement ouvert le bal.
Alaric entend les battements instables de son coeur. Leurs mains entrent en contact; au creux de sa paume, il ressent les martèlements de son sang. Son visage, pourtant, est décontracté. Presque accueillant. De la manière dont elle laisse traîner son index sur son poignet de façon effrontée jusqu’à son absence de présentation, Alaric ne manque rien. Il en est presque impressionné. A côté d’eux le canadien semble s’être effacé. Si proche d’elle, il a le plaisir de pouvoir observer la manière dont ses sombres sourcils surplombent ses iris noirs. Son sourire est invitant, son regard menaçant. Le Français comprend qu’il devra travailler pour obtenir son identité, et alors qu’elle relâche sa main, ses yeux semblent porter toutes les promesses d’une bataille sans merci. La main libre de l’Aîné rejoint l’autre placée dans son dos et son attention se détourne sur les tableaux accrochés le long des murs de pierre. Elle tente de gagner du temps. Il la laisse volontiers faire. Alors qu’elle lui décrit l’assortiment d’art déposé sous ses yeux, il hoche la tête, mince sourire au visage, la laisse mener la danse. La façon dont elle s’exprime le force à reposer les yeux sur elle. L’espace de quelques secondes, Alaric se rappelle cette soirée et les mille promesses retenues dans sa voix de velour. Appartenant pourtant à la caste inférieure, elle envoûte, intéresse, discrédite.
- J’ai toujours été émerveillé par les secrets que semblent renfermer les regards emprisonnés dans la peinture. C’est comme s’ils nous hantaient, ne trouvez-vous pas? - Son visage s’est tourné de nouveau vers elle. - Je suis certain que vous auriez affectionné le portrait familial d’ordinaire suspendu au fond de la pièce. J’ai été au regret de devoir l’enlever pour la soirée; ma soeur Aurore n’aurait certainement pas apprécié voir son visage associé à ses frères de la sorte. Un scandal aurait été regrettable, même venant de ma part, ne pensez-vous pas?
Son sourire charmant laisse à penser que le Juge ne connait que trop bien la réputation qui semble le précéder. En réalité, il prend presque un malin plaisir à laisser faire le monde autour de lui. Les siècles ont fait de lui un être n’ayant plus rien à prouver. L’illusion d’un laisser aller à l’excès et l’inconscience lui laisse une longueur d’avance sur son entourage. Ce soir, cependant, c’est pour une toute autre raison qu’Alaric a hésité à laisser trôner le portrait des Lanuit au sommet de l’immense salle de réception. Telle oeuvre est pour tout inconnu le rapport d’une famille à l’apogée du monde. Pour Gabriel, elle est le rappel d’un échec familial. Pour Alaric, elle représente tout ce pourquoi il accepte de se battre contre vents et marées. La diplomatie aura gagné ce soir; demain, l’Aîné reprendra un matin plaisir à rappeler à sa soeur que les liens du sang ne s’effacent pas par un vulgaire changement de nom.
La soirée semble jouer une fois de plus en faveur de l’italienne. Autour d’eux, plusieurs personnes se sont amassées, dans l’espoir de recevoir une once d’attention. Sans regarder autour de lui Alaric sait que Gabriel s’est une fois de plus éclipsé. Son regard tombe sur Dalzell. Comme si la simple appartenance aux renégats ne suffisait pas à le rendre détestable, le sourire arrogant qui semble l’habiter en permanence donne envie à l’Aîné de l’effacer d’un coup de crocs. A ses côtés, le pouls de la brune se calme. Dans le dos d’Alaric, ses poings se serrent. Avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, de fins doigts se posent sur son avant bras et la voix suave de Della Doyle menace de percer son tympan. Sa main recouvre finalement celle de la rousse. Son regard maintient celui de l’italienne quelques secondes de plus, avant de se concentrer sur sa voisine.
Della Doyle. Les quelques centaines d’années d’expérience et ses proches relations avec l’Essaim de New York font d’elle une proche collaboratrice des Lanuit. La diplomatie semble être sa matière de prédilection, et Alaric semble souvent avoir l’entièreté de ses attentions. En temps normal, le Français apprécie sa compagnie autant que son esprit vif; ce soir, il est agacé par sa présence. Son sourire poli ne le lâche pas cependant alors que les premières notes de la vase retentissent. Prestement, il lui offre la main. Les convives attendent patiemment de pouvoir s’avancer pour danser. Alors que son autre main se pose délicatement sur la taille de sa cavalière, Alaric prend mentalement note de tourmenter Gabriel pour les semaines à venir pour l’avoir forcé à ouvrir le bal. Ils ne tardent pas à être rejoints. Enfin, il se concentre sur Della. Dans l’intimité de leur étreinte, le visage de sa cadette s’est délaissé de l’hypocrisie offerte au public. Ses lèvres d’un rouge carmin lui offrent les dernières nouvelles mondaines du clan de New York. Alaric demande ses nouvelles de sa soeur. Della en fait de même. Finalement, les longues notes de valses laissent place à une douce mélodie. Du coin de l’oeil, il l’aperçoit. Ils sont côte à côte. Dalzell semble déterminé à la garder pour une danse de plus. Le regard de Della suit celui d’Alaric et lorsqu’elle comprend l’objet de son expertise, l’alliée se défait soigneusement de son étreinte.
- Aaron Dalzell! - entame-t-elle en alignant son sourire le plus charmeur. Sa main s’est déjà posée sur son bras.
Avant que quiconque ne puisse s’approcher, il fait un pas dans sa direction, lui offre une nouvelle fois sa main, paume tournée vers le ciel. Son sourcil se hausse légèrement.
- Voudriez-vous?
L’aboutissement de cette soirée aurait pu avoir un goût tout à fait différent. Derrière son faciès détendu, Alaric l’observe. Ses premières conclusions tendent vers une quelconque autorité humaine; c’est de toute manière la seule raison qui aurait pu la faire passer les portes du Manoir. Alors qu’elle accepte à contre coeur son invitation, il dépose sa main sur sa taille. Le contact n’a pas la même saveur que la proximité de la rousse. De brefs rappels de la même danse partagée trois années plus tôt lui reviennent à l’esprit. Alaric cligne des yeux pour faire disparaître telle distraction. Noyés au milieu de la masse, il sait pourtant que de nombreuses oreilles indiscrètes sont tournées vers eux. Le masque reste en place, alors qu’il l’entraîne dans une lente danse. Pour le moment, il reste à distance somme toute respectable. Ses yeux détaillent la peau laiteuse de son cou, un mince sourire dessine ses traits en apercevant l’élégant collier l’habillant. L’attention que son décolleté réclame ne lui a pas échappé; il s’en tient écarté. Il continue l’expertise de la brune en distinguant ses bras, puis ses poignets. Aucune visible trace de morsure, même estompée. Elle n’est ni Marquée, ni Calice. L’étau se ressert. S’il était humain, il aurait très certainement chaud. Finalement, il retrouve la profondeur de son regard. Il semble toujours renfermer le même nombre de secrets, peut-être même plus.
- Vous ne m’avez jamais donné votre nom, - entame-t-il d’un air aussi agréable qu’innocent.
Le monde ne remarquera peut-être pas l’anodine tournure de sa phrase, mais Alaric sait pertinemment qu’elle retiendra l’insinuation d’un manquement ne relevant pas seulement de cette soirée.
made by black arrow
Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Medea diverge sur l’Art. Diversion qu’elle agrippe à pleine paume. S’arrachant au Glamour qu’il exerce sur elle sans la moindre retenue ni pitié. Elle le méprise d’utiliser de cet artifice, dans sa propre réception, sur l’une de ses invitées. Il déshonore toutes les traditions qu’un hôte de sa stature devrait respecter en se comportant avec elle de cette manière. Dans les prunelles sombres, une dureté nouvelle maintenant qu’elle réalise la manipulation du caïnite à son égard. Enfin, bienvenue, salvatrice, une pointe d’irritation griffe les parois de son crâne. Elle déteste être sous-estimée à ce point. L’italienne est trop âgée, à trop d'expérience, pour tomber dans le piège d’une attraction aussi visiblement fabriquée.
Sa main coupable de s’être égarée sur le poignet d’Alaric trouve un petit four qu’un serveur offre sur un plateau dans une discrétion si parfaite qu’il s’est déjà effacé. Une nouvelle gorgée de champagne, contrôlée. L’admiration qu’elle éprouve pour les œuvres offertes ce soir à l'intérêt des convives n’est pas feinte. A nouveau, le désir indiscret de se perdre dans les étages ou les profondeurs du manoir pour en découvrir quelles sont les merveilles que les Lanuit dissimulent au monde. Ces peintures appartiennent à des musées. Néanmoins, le marché de l’Art repose aussi sur les collections privées et en tenir rigueur aux vampires pour ces possessions serait d’une hypocrisie qu’elle ne franchit pas.
-Je ne crois pas que seule la peinture ait ce genre de qualité. -Ses prunelles encre de chine reviennent à nouveau confronter les iris noisettes, leur expression plus assassine que ses paroles à peine voilées. -Il me semble que certains visages ont le pouvoir de vous hanter bien après que les circonstances dans lesquelles vous les avez rencontrés aient été avalées par les ténèbres. - Je ne suis pas dupe de ton numéro de charme, vampiro. Il enchaîne sur sa réputation sulfureuse. Medea lui décoche un sourire qui semble percer les apparences dont il s’entoure. -J’avoue ne pas prêter attention aux rumeurs populaires, préférant de loin m’en tenir à mes propres observations. Néanmoins, je vous accorde volontiers qu’un scandale ce soir serait dommageable après les efforts que vous avez mis pour placer cette soirée sous le sceau de la Concorde.
Cette fois, même elle ignore s' il s’agit d’une pique ou d’un avertissement. Edmund les observe, totalement décontenancé par la violence feutrée de l’échange entre eux. Rapidement, néanmoins, ils sont rejoints par d’autres solliciteurs de l’attention d’Alaric. Sans hésitation, la brune se laisse entraîner par Aaron à qui elle vient d’accorder la première valse de la soirée. L’effronterie de son cavalier l’amuse, tout comme l’insolence qui filtre dans ses prunelles. Si il est certain que refuser l’invitation des Lanuit auraient été une erreur stratégique, le Clan Dalzell rappelle aux plus vieux qu’ils ne sont pas sous leur coupe et entendent bien se tailler leur propre Histoire. Il n’est pas là pour courber la nuque devant les Lanuit et toute son attitude à la lisière de l’impertinence en est la marque. Elle regrette presque que les Fils de la Nuit n’aient pas ressuscité, le temps de ce bal, les anciens carnets de danse. Certains étaient des objets ravissants.
Alaric ne tarde pas à rejoindre le centre de la piste de danse sous les notes cristallines de l’orchestre, bientôt suivi par d’autres couples. Medea, menée par Aaron se trouve aussi à fouler le parquet patiné. Difficile de ne pas imaginer les Belles du Sud et leurs imposantes robes à crinolines s’élancer sur d’autres mélodies, au bras de jeunes planteurs rutilants, avant que la Guerre de Sécession ne fasse éclater ce paradis artificiel créé à la sueur et souffrances d’autres êtres humains. Bien qu’il danse parfaitement bien, la brune ne peut s'empêcher de trouver ses pas légèrement scolaire. Comme s' il s’agissait pour lui d’un exercice obligatoire et non prisé. Cependant, sa langue acérée compense largement cette légère déconvenue. Avant qu’elle n’ait eu le temps d’y réfléchir, la Valse s’éteint pour laisser la place à une nouvelle mélodie, légèrement plus lente. Elle n’a pas le temps de décider si elle souhaite enchainer sur une nouvelle danse que la partenaire d’Alaric, Della Doyle l’a informée Aaron, en précisant qu’elle était de New-York, se matérialise pour captiver l’attention de ce dernier. Dans une inclinaison du buste envers son aînée et un léger sourire en direction de la brune, il referme ses doigts sur la main possessive, la conduisant plus loin. Medea allait se retirer sur le côté lorsque le grand brun en décida autrement. Une main offerte en une invitation des plus formelles, il serait absolument inconscient de la refuser. Elle dépose sa paume dans la sienne. -Vous me faites trop d’honneur. -Il n’y aura eu aucune hésitation de la part de la mortelle, ou si infime que seule une personne attentive aura pu la déceler.
La fraîcheur de ses doigts qu’elle ressent au travers du tissu arachnéen de sa robe dont elle relâche le pan pour presser une main contre son épaule, la deuxième conservée par l’Immortel, elle retrouve une proximité avec lui qu’elle n’a pas choisi. Un frisson, léger mais réel sous le poids de son regard. Il la guide au gré de pas plus lents que la valse précédente, dans des mouvements qu’il contrôle à la perfection. Contrairement à Aaron, danser avec Alaric a un parfum bien plus personnel. Malgré l’évanescence de sa robe, il ne commet aucun faux pas et sa posture est celle d’un homme du monde. Pourtant, malgré son exemplarité, il ne lui permet pas une seconde d’oublier qu’elle danse au bras d’un prédateur. Qui lui a déjà causé du tort, elle en est certaine. Au creux de ses cuisses, son aine se met à pulser violemment, comme si l’ancienne blessure se souvenait de celui qui en est l’origine. Ce n’est pas tout à fait que douloureux, la sensation a un courant sensuel en filigrane qu’elle rejette fermement. Medea s’est souvent interrogée sur sa part de responsabilité. Elle avait bu, son frère lui a confirmé. Aurait-elle pu être consentante? Lui demander d’être un calice éphémère? Elle n’arrive pas à s’en convaincre. Si cette période est l’une des plus sombres de ces dernières années, si elle a pu avoir des comportements qui ne lui correspondaient pas, elle n’arrive pas à croire qu’elle ait pu aller jusque là. Surtout… Pourquoi dérober le souvenir de cette nuit? Pourquoi ce sentiment confus de peur et de malaise? Pourquoi ces cauchemars troubles? Non. Il l’a abusé. Il s’est rendu compte qu’elle était un agent du FBI et a préféré dissimuler les conséquences? Pourquoi ne pas l’avoir tué?
Medea sait qu’il détient ces réponses mais qu’il est peu susceptible de les lui offrir sans rien. Son intérêt n’est pas compréhensible. Il a le choix ce soir d’un nombre de fleurs bien moins froissées, bien moins à l’aube de faner. Elle n’a aucune complaisance quant à la déchéance physique qui pèse sur elle. Qu’espère t’il d’elle alors que son regard sombre ne cesse de courir sur elle, sans même chercher à s’en dissimuler. Il ne peut songer à la mordre, ce serait une folie abominable. Sans compter la dureté du joyau à son cou. Ils dansent, se frôlent sans se dévoiler. Elle relève le menton vers lui. Son timbre devient plus doux, presque vaporeux alors qu’elle évolue avec lui sans s'intéresser à la compagnie extérieure. -En êtes vous sûr? J’ai oublié je crois, vous avez le talent de me faire perdre la tête, je le crains.
Un flirt banal, un échange qui ne peut pas attirer les oreilles indiscrètes. Après tout, les humaines qu’il doit trouver infatuées de lui doivent se compter par centaine. Elle est ligotée par tant de présences autour d’eux. Il est aisée cependant de jouer le rôle de la femme séduite. Trop. C’est une ligne brûlante qu’elle refuse de franchir. Elle n’est pas certaine non plus de comprendre son refus viscéral de lui dévoiler son nom. Il lui suffit de demander à la bonne personne pour qu’il le sache. Ne lui a t’elle pas révélé il y a trois ans? Il insinue que non. Pourquoi un tel jeu masqué? Elle cède. A contre coeur. Sa nuque s’incurve vers lui, comme pour un murmure conspirateur, son souffle tiède s’attendrit sur son cou figé par l’hiver. -Medea, Medea Comucci, Signore Lanuit. -Pas une information de plus. -Votre réception est-elle à la hauteur de vos espérances? On se retrouve parfois contrarié voire vexé par les moments ou les choses que l’on convoite, ne croyez vous pas?
Le calme de sa voix, le désintérêt de son regard ne font qu’ajouter à la violence calfeutrée par leur danse et leurs paroles polies. Au milieu de cette salle de bal se déroule un combat acharné dont personne n’a idée à part les deux gladiateurs engagés dans un combat dont l’issue ne saurait être clémente. Alors que son menton se redresse et qu’elle s’adresse à lui avec toute la confiance qui la caractérise, Alaric resserre très légèrement sa prise sur sa taille. Les sentiments d’agacement, d’intérêt et de colère qui se mélangent en lui ne lui sont pas familiers, et l’Aîné réagit de la seule manière qu’il maîtrise. L’attaque.
- Vous me flattez, mais ne vous entourez pas d’illusions, il se peut que je vous ai réellement fait perdre la tête.
Son ton est léger. Son regard la transperce de part en part alors que tous deux s’attellent à danser, embaumés par un nuage d’attentes et de mensonges. Alaric sait que la plupart des couples tendent l’oreille. Il n’attache pas d’importance à ce que les membres de son clan pourraient entendre mais sait que les autres éternels présents ne sont pas toujours remplis de bonnes intentions. Il effectue un virage serré sur sa droite, tenant fermement la brune dans ses bras pour ne pas la faire basculer. Le Français sait que la situation joue en sa faveur et que les mondanités empêchent son adversaire de faire quoi que ce soit. La danse sera bientôt terminée. Chaque seconde compte, alors qu’elle l’observe, fin sourire dessinant son visage sculpté. Ses yeux, eux, le foudroient. Quand elle cède, un mince sourire vient peindre les traits éternels du Lanuit. Le rictus reste figé quand son identité franchit la barrière de ses lèvres pulpeuses.
Car, si elle n’a rien révélé d’autre qu’un simple nom et prénom à connotations italiennes, Alaric n’a besoin de rien de plus. Rien de plus pour mettre un nom sur un visage, accoler à son histoire un faciès. Il ne s’intéresse pas au monde, mais s’intéresse à ceux qui virevoltent autour de sa famille, de son monde. Medea Comucci. Sa mémoire remet progressivement les faits côte à côte. La femme n’a jamais été menaçante envers les Lanuit. Alors Alaric ne s’y est jamais intéressé. Le peu d’informations qu’il possède sont le fruit de la courte expertise réalisée en vue de l’organisation de cette soirée. Agent de la NRD. Un scandale. Un passage à vide sans plus d’informations. Dans son esprit, les mots raisonnent. Agent de la NRD.
Merde.
Les secondes au cours desquelles l’Aîné s’est empêtré dans ses pensées sont infimes. Son sourire figé s’est détendu, alors que son esprit bouillonne. Alaric a joué trop près du soleil, trop près de son ennemi. Ses iris sombres trouvent la silhouette de Gabriel par dessus l’épaule de Comucci. Merde, merde, merde.
En sortant de cette chambre d’hôtel, trois années plus tôt, Alaric savait qu’il avait merdé. Son erreur se transforme peu à peu en catastrophe. La frustration laisse place à la fureur. Furieux de s’être laissé aller, une fois de plus. Furieux de ne pas été foutu de terminer le travail. Furieux contre elle. Furieux que son aura l’ait épargnée, que son regard l’ait irrigué. Furieux car, alors qu’elle discute de manière innocente, Alaric se demande s’il ne s’est pas fait avoir comme un Nouveau Né.
Son regard se plisse. Que s’est-il passé, durant ces longues années manquant à son pédigrée? Non. Si elle avait été sommée d’une mission quelconque, il l’aurait su. Sa présence prend une toute nouvelle tournure. Elle est ici, au sein de son manoir. Le seul indice traduisant son appréhension sont les battements de son coeur. Trois années se sont écoulées. Si elle avait pu agir, elle l’aurait fait.
Les notes de cette lente valse s’effacent peu à peu. Alaric fait basculer la brune en arrière, accompagnant sa descente, son bras fermement ancré dans son dos. Il approche son visage de quelques infimes centimètres du sien, ses lèvres trouvant le creux de son oreille, et alors que son regard s’écarquille, il joue son coup de poker.
- Il y a une chose que vous devriez savoir à mon sujet, Madame Comucci, c’est que j’obtiens toujours ce que je convoite. C’est pourquoi je vous conseille de réfléchir à deux fois avant de me menacer sur mon territoire.
Ses mots feutrés ne sont prononcés que pour elle. Lentement, il se redresse, fait un pas en arrière. Tout contact physique est rompu, et il hoche le tête dans sa direction. Aaron Dalzell se dirige déjà vers eux, et Alaric se retient de lui faire ravaler ce sourire qui mériterait une ou deux fractures.
- J’espère que la soirée sera à la hauteur de vos attentes, Agent Comucci. Gardez-moi la dernière danse. - Son sourire est délicieux, son regard assassin.
Ignorant les quelques regards tournés dans sa direction et la poignée de voix courageuses lui demandant une danse, le Français traverse la pièce en direction de l’extérieur. Quand les immenses portes vitrées se referment derrière lui, ses mains se posent sur la balustrade, son regard figé au loin. Il doit parler à Gabriel. Mais avant ça, il doit parler à Della.
Ses prières semblent entendues quand quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre, l’odeur de la rousse parvenant jusqu’à lui. Son amie s’immobilise à ses côtés, et les questions restent en suspend entre leurs corps inertes. Nul besoin de paroles. Alaric sait pertinemment ce à quoi pense l’Américaine. Finalement, il se redresse, ses mains s’enfouissant dans les poches de son pantalon. Les deux immortels se retournent, faisant face à la pièce au travers des baies vitrées. Son visage se tourne vers elle, dénué d’émotions quand il reprend la parole.
- J’ai besoin d’un service, - entame-t-il. - Je pensais que tu ne t’en rendrais jamais compte. - J’ai besoin que tu rassembles le plus d’informations possibles sur Medea Comucci. Même celles que tu estimes les plus anodines.
Quelques centaines d’années séparent la rousse de son aîné, mais elle est l’une des rares à posséder le peu de confiance dont Alaric dispose. Elle semble avoir compris que les relations n’étaient qu’un filament de contrats officieux. Alors pour chacune de ses confidences, elle lui offre un secret. A l’abris de toute trahison, Alaric a été en mesure de développer ce qui ressemble à une amitié.
- Qu’as-tu fait, Alaric?
A ses côtés la voix de Della n’est pas anxieuse ni inquiétée mais emprunte d’une curiosité mélangée à la désespérance. Il garde le silence quelques secondes, les yeux rivés sur la salle de bal, et sur elle. Elle ne tarde pas à lui rendre son regard. Lui ne cille pas. Meme les quelques dizaines de mètres et la porte vitrée les séparant ne semblent pas parvenir à contenir la tension qui les anime. Sans la quitter du regard, il répond.
- Rien qui ne puisse être solutionné.
Un Lanuit les interrompt en demandant la présence d’Alaric à l’intérieur. Un dernier regard à sa voisine, et tous deux se dirigent vers l’immense escalier duquel le Français a effectué ses paroles d’ouverture plus tôt dans la soirée. Cette fois-ci, c’est son frère qui se tient sur les marches. Alaric prend place à ses côtés pour son discours. Gabriel est plus rigide, moins détendu, mais prend la parole avec assurance. L’attention des l’entièreté de la salle est captée dans un mélange de crainte et d’admiration. Alaric, lui, se tient droit, offrant silencieusement son soutien et sa dévotion à son frère. Son allocution se conclut par une horse d’applaudissements. Le bal reprend son cours, champagne coulant à flot. Du coin de l’oeil, il l’aperçoit s’échapper par les portes fenêtres.
Les deux frères ont descendu les marches et ne tardent pas à être rejoints par plusieurs Lanuit et invités. Après quelques brèves paroles, Alaric se détache de la foule. Sur le balcon, elle est à quelques mètres à peine, éclairée par les immenses lustres de la pièce mais en même temps dissimulée par la pénombre. Quand la porte s’ouvre sur le vampire, elle ne bouge pas. Son dos lui fait face et il reste immobile. La brise fait voler une de ses mèches et la tension est à couper au couteau.
Une minute s’écoule avant qu’il ne prenne finalement la parole. Le timbre de sa voix est détaché. Mais menaçant.
- Vous n’auriez finalement peut-être pas dû venir ce soir.
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Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Un refus était impossible. Pas après une invitation aussi publique. Insulter de cette manière le second du clan Lanuit aurait créé un précédent risquant la fragile entente entre les vampires et les autorités mortelles. Sa position au sein de la NRD lui impose d’agir diplomatiquement. Ce qui ne restreint pas l’acidité de ses paroles tant qu’elles sont voilées. Cette danse lui pèse plus qu’elle n’aime le reconnaître. Il déclenche en elle une sensation violente loin de l’indifférence affichée sur son visage. Medea bat les cartes à sa manière et il ne tarde pas à relever le gant. Subtilement, dans un premier temps. Son bras s’enroule plus étroitement autour de ses hanches. Rappel glacial qu’elle ne saurait se libérer de son emprise physique qu’à son bon vouloir. Non qu’elle envisage de le planter sur le parquet ciré, mais cette possibilité lui est dérobée par son geste. Sur ses épaules, ses doigts demeurent légers, sans marquer la tension qui bouillonne en elle. Son visage est un masque adorablement civil, un sourire des plus courtois. Sa réponse entraîne un rire si léger qui n’atteint pas les prunelles charbon. -Ho, aucune illusion, je vous assure. Je sais que c’est le cas. J’en oublie le passage des heures, en votre compagnie.
Elle pique. Durement. Lui rappelant sans ambages que le peu dont elle se souvient de leur soirée à San Francisco, elle le tient pour directement responsable. Il souhaite revendiquer l’emprise qu’il impose sur certains de ses cauchemars? C’est un plaisir dont il va regretter le sucre, elle le lui promet de toutes ses fibres. Il impose sa volonté par sous le couvert de pas de danse, guidant une volte du bout de des bras avant de la faire revenir à lui, impulsion qu’elle suit gracieusement. Il est très bon danseur, dommage qu’il ne puisse pas simplement se taire, elle aurait pu profiter de ces quelques minutes. Néanmoins, la brune est dans une impasse, il est temps de révéler cette identité qu’il pourrait découvrir seul en quelques secondes avec la bonne personne. Elle est bien trop attentive à lui pour ne pas boire chacun des signes qu’il trahit. Sa colère flambe dans ses yeux noisettes. Le sourire de Medea est insolent et non dénué d’une sauvagerie agressive. Elle n’est ni secrétaire ni la compagne d’un des invités. Il a dû se renseigner sur quels membres de la Nrd allaient fouler les portes du Manoir. Elle n’en attendait pas moins. C’est une chatte qui vient de mettre la patte sur un serpent et n’a pas l’intention de le relâcher. Elle plante ses griffes dans le tableau de cette soirée passée, des conséquences qu’il n’avait pas envisagées. Son regard la quitte quelques instants et par curiosité, elle détourne la tête pour suivre la course de son attention. La silhouette plus austère de son Frère. Hoho. Comment? Gabriel n’apprécierait pas qu’il s’amuse à manipuler des agents du Gouvernement après la Révélation? Pépite qu'elle retient soigneusement.
La profiler ne rompt pas le silence qui s’est établi entre eux. Savourant chacune des secondes qui s’écoulent. Laissant son cavalier boire la lie après s'être autorisé la coupe de son sang. Si légère dans son étreinte qu’il pourrait lui briser la colonne vertébrale sans avoir besoin d’user de l’ampleur de la puissance que lui confère son âge. Il a les mains liées. Pris à son propre jeu. Délicieuse, délectable ironie. Au point qu’elle ne résiste pas l’envie de plonger une épine brûlante dans le flanc de son arrogance malmenée. Il est déjà contrarié, après tout. -Un problème, Monsieur? Vous saviez que j’étais du FBI et de la Nrd, n’est ce pas? -Non. Il ne savait pas. C’est inscrit dans la rage qu’il maîtrise. Pourquoi avait-elle tue son nom et ce qu’elle faisait il y a trois ans? Dans quelles circonstances leurs pas se sont-ils croisés? Sa voix s’élève, claire comme du cristal, comme une rebuffade complice. Portant plus loin que la seule attention d’Alaric. -Vous me faites mal au poignet, je vous trouble au point que vous oubliez votre force? -Non. Il ne lui occasionne aucune douleur. Il n’a pas même imprimé la moindre contrainte sur la paume qu’il maintient dans la sienne. Cependant, c’est un manque total de discipline de la part d’un vampire que d’oublier la fragilité des mortels. Medea n’est absolument pas adverse à une mesquine manipulation de leur auditoire.
Elle aurait pu trébucher quand il force une cambrure de son dos qu’elle n’a pas eu le temps de choisir. Il la maintient bien trop étroitement pour qu’il lui permette de succomber aux lois de la gravité. Sensualité de sa robe qui se révèle plus encore, bustier seconde peau sur sa poitrine. Sa surprise et l’embrasement de son anxiété ne peuvent être dissimulées à sa soudaine proximité. Ses prunelles s’arrondissent fugitivement, perte de contrôle qu’il doit sentir. Son visage frôle le sien et il délivre un message absolument inacceptable. Dans ce bref instant où leurs corps sont presque figés en une étreinte à la limite de l'indécence, elle réplique sur le même ton. -Peut-être devriez vous réfléchir à ce que cela peut vous couter dans ce cas précis! -Il va trop loin. Colère qui embrase sa prudence, miroir de celle qui couve chez le Fils de Caïn. -Ne m’insultez pas en renversant la situation, siffle-t-elle. -Vous êtes celui qui menace! Pas moi!
Déjà il la redresse, souplement, image parfaite d’un gentilhomme. A cet instant, elle pourrait lui arracher les yeux. Il est allé trop loin. Medea ne souhaitait pas de confrontation ce soir. Ne cherchait pas à envenimer ce qui est déjà pourri entre eux. Ce n’était pas son moment. Qu’il ose agir comme s’il était la partie lésée la met hors d’elle. C’est exactement pour cette impunité de comportement des cess les plus puissantes que Medea ne quittera pas le NRD, qu’elle sera fidèle à son propre crédo. Il a relâché sa taille et ses doigts et elle esquisse à son tour un pas en arrière. -Je vois que vous tenez particulièrement à ma satisfaction ce soir pour appuyer une nouvelle fois sur ce point. -Coup venimeux en guise du rappel qu’il vient de prononcer ces mêmes mots quelques minutes plus tôt à peine. Sa tessiture est de diamant et son regard tout aussi dur. Il perd le contrôle de son tempérament et de son attitude policée. Parfait. -Je n’y manquerais pas. -Une brève inclinaison du buste et elle prend congé, trouvant Aaron à ses cotés qui semble avoir décidé qu’il était son cavalier attitré pour la soirée. Pourquoi pas. Elle peut sentir la curiosité qui vibre autour d’eux, allant de l'Aîné à la Mortelle. Leur éclat et l'intérêt d’Alaric à son égard commencent à manquer de discrétion.
Medea se détourne, récupère sa minuscule pochette abandonnée sur une chaise. Une coupe de champagne trouve son chemin au creux de sa paume. Sans un regard en arrière, ni sur les murmures que son passage provoque, elle guide Aaron sur le grand porche. C’est lui qui lui allume sa cigarette. Un temps de silence. -J’ignore ce qui se passe entre Alaric Lanuit et vous, mais soyez prudente. Il est bien plus dangereux que ce que vous ne l’imaginez. -Je n’en doute pas une seconde. -Est ce que vous voulez que je demande à l’un des serviteurs de faire amener une voiture? -Pas encore. Mais je vous remercie de votre sollicitude. -Vous commencez à attirer l’attention sur vous deux, Medea. Et vous êtes celle qui a le plus à perdre. -Je ne l’oublie pas. Il n'en dira pas plus sur le sujet, sachant en reconnaître l’inutilité. La coupe vide est abandonnée sur un plateau. La nicotine l’aide quelques instants, tout comme l’air plus frais, à reprendre son calme. L’hostilité de son hôte à son égard n’est pas non plus passée inaperçue mais il n’a pas l’intention de changer quoique ce soit dans son attitude. Etre un irritant est dans sa nature, il serait dommage de ne pas en profiter. Il doit admettre que cette soirée est la plus divertissante à laquelle il a assisté depuis un ou deux décennies.
La chaleur de la grande salle qu’ils retrouvent lui est désagréable, presque moite. Elle aurait préféré rester dehors. Saisir l’occasion d’explorer les jardins. Néanmoins, il est plus sage pour elle de ne pas trop s’aventurer en dehors des endroits lumineux ou non loin des autres invités. Dès le seuil franchi, malgré la distance qui les sépare, ses épaules et sa nuque la brûlent en une sensation familière. Se tournant à peine de profil, elle n’est qu’à peine surprise de croiser l’inexorable du regard brun. Sa posture s'altère à peine. Rigidité impertinente de son dos. Medea ne cédera pas un pouce. Pourtant, elle ne sourit plus. Devine qu’ils se dirigent vers un duel sanglant. Il l’aura voulu ainsi. Il semble murmurer la même chose. Peut-il saisir les battements sourds de son cœur? Bien sûr qu’elle n’est pas sereine. La première, elle se détourne. Offre un sourire saccarine à la femme élégante qui vient de se joindre à eux, échangant avec aisance avec Aaron. Les deux frères reviennent au centre, prennent la place d’honneur et Gabriel captive son audience. Charisme indéniable. Elle ne s’est pas avancée en première ligne, se fondant dans le fond de la pièce. Sous les approbations des convives, Medea s’éclipse. Elle a besoin de respirer. Elle a pu repérer les grands balcons en demi-lune qui s’avancent sur les jardins. Elle se glisse sur le premier qu’elle trouve à sa droite. C’est plus qu’un simple balcon, presque une terrasse. La nuit clémente permet une vision assez aisée et elle n’a pas tiré derrière elle les lourds drapages qui permettent de clore les percées lumineuses en journée. Avec la lune et les éclairages de la salle, c’est bien assez pour une semi pénombre à laquelle ses iris s’habituent aisément. Se rapprochant de la balustrade en fer forgée, elle découvre un charmant labyrinthe à la française, au centre, une fontaine éclairée de lumières changeantes, une statue de Diane assise sur le bord de celle ci en fait partie intégrale, donnant l’impression de puiser l’eau, son carquois sur l’épaule.
Le souffle léger de la porte qui s’ouvre une seconde fois. Medea refuse de se tourner vers lui. Elle sait qui est venu la trouver au prix de toute prudence. Son ventre se noue sous le poids des non dit entre eux. Sa mâchoire se contracte. Une fois. Deux fois. Sous ses paumes, la froideur du fer. Elle s’impose de ne pas les crisper. Il parle. Enfin. Son souffle lui paraît si audible, traitre à ses propres oreilles. Le regard fixé sur cette Diane Chasseresse immortalisée dans la sérénité. Elle ne lui répondra pas. Si elle se retourne, c’est pour le contourner, à peine. Le balcon est assez large pour ne pas avoir besoin de le frôler. Elle referme les doigts sur la poignée et referme la porte vitrée. Les isolants pour la première fois depuis qu’elle s’est retrouvée face à lui quelques heures plus tôt.
Ce n’est qu’alors qu’elle prendra la parole. Mais seulement après de longues secondes supplémentaires. Ne le quittant pas des yeux. Le Regarde vraiment, au cœur de cette nuit qui annonce une nouvelle année. Medea lui fait face, le dos appuyé contre la balustrade ouvragée, n’entrant pas dans son espace vitale, maintenant autant d'espace entre eux que le permet l’arrondi. -Je l’aurais regretté, cette soirée est pleine de surprise. Je n’aurais jamais cru qu’elle répondrait à l’une des questions qui me poursuit depuis près de trois ans. -Elle cesse de feindre l’indifférence. Une absence de sourire qui apparaît plus sincère que tous les ronds de jambes précédents. Elle croise les bras sous sa poitrine, prête pourtant à s’emparer de l’une ou l’autre des aiguilles chinoises qui ornent son chignon. -Vous me devez des réponses, Alaric. Vous avez choisi de me placer en adversaire, cette nuit. Soit. J’imagine que c’est votre droit. Le mien est de savoir exactement pourquoi une telle animosité à mon égard. Je devine que l’origine se trouve à San Francisco. Qu’est ce qui s’est passé?- taisant ce entre nous qui trahirait une intimité trop grande, fossé qu’elle ne peut se résoudre à franchir si vite. Elle se hait autant qu’elle le hait pour la manière dont elle chancelle à cet instant. Ce Besoin de savoir qu’elle lui révèle si facilement et qui trahit combien la perte de ces quelques heures lui est insoutenable. Ligne de faille dans son armure de ronces. Pour le moment, elle ne menace pas. N’exige pas. Pas encore. L’italienne y viendra, si besoin.
Alaric ne devrait pas s’adonner à de tels jeux mais ne peut empêcher le terrible sentiment amer qui s’empare des moindres parcelles de son corps. S’il était capable de sentir quoi que ce soit, les fourmillements de colère stagnant à la surface de sa peau le feraient frissonner. Elle lui tourne toujours le dos, mais il sait que son regard ne sera pas accueillant. Toute mondanité a été délaissée aux portes de ce balcon, et alors que les échos de violon donnent à la scène une atmosphère presque religieuse, la réalité en est tout autre. Les mains du français sont fermement ancrées dans ses poches. Il ne provoquera pas de scandale ce soir.
Quand finalement, la nemesis se retourne, ce n’est pas la colère mélangée de terreur attendue qui virevolte dans son regard. Elle plonge ses iris sombres dans les siennes et ne cille pas, dans un vain espoir de se montrer menaçante. Alaric a dépassé le stade du contrôle et ne cache pas la fureur qui couvre son visage. Furieux de la voir sur son territoire. Furieux qu’elle soit détentrice d’un secret dont l’immortel se serait passé. Furieux qu’elle est été témoin de son dernier faux pas. Mais plus que tout, il est furieux contre lui, de la voir là, les poumons emplis d’air, le coeur battant. Il aurait dû achever le travail, trois ans plus tôt, et ne pas laisser son jugement voilé par cette aura teintée de mystère.
Voilà un mystère qu’Alaric est à présent déterminé à révéler.
Il reste immobile quand elle s’approche de lui et le contourne. Si elle tente d’échapper à cette situation en rejoignant la sécurité de la pièce se trouvant de l’autre côté de ces portes vitrées, il lui faudra la moitié d’une seconde pour l’en empêcher. Pourtant, comme si tout sens de préservation l’avait abandonnée, elle les isole définitivement, sur cette terrasse surplombant d’immenses jardins autrefois champs de cotons. S’il se concentre, Alaric peut presque sentir l’odeur fleurie qui embaumait autrefois les lieux. A présent, l’endroit semble comme hanté. Venimeux.
Trois ans, hm? J’espère ne pas avoir hanté chacune de vos nuits, - répond-il finalement quand son regard la trouve une nouvelle fois, l’ombre de ce sourire provoquant dansant sur ses lèvres.
Car il sait. Il sait que ses nuits ont été habitées par sa présence, invisible et intouchable. Pour la première fois depuis trois ans, le regard qu’elle pose sur lui semble sincère, dénué de toute attention et faux-semblant. Elle le toise dans toute sa sévérité. Ses intentions sont limpides. Elle le déteste autant qu’il la dédaigne. L’ombre qui danse sur ses traits quand elle reprend la parole ne fait que confirmer que l’issue de cette guerre sera fatale à l’un d’entre eux.
Alaric rompt le mince silence installé entre leurs deux corps en faisant un pas en avant. Puis un autre. Sa main fermement enfouie dans la poche de son costume ne s’en extirpe que lorsqu’il sont si proches qu’elle aurait certainement pu sentir son souffle effleurer son front, si ses poumons avaient été vivants. Le vampire respire par habitude. Ses yeux, eux, ont cessé de cligner. Sa main se dresse lentement vers elle, comme s’il se trouvait face à un animal blessé sans vouloir l’effrayer. Son pouce se dépose le plus délicatement du monde à la base de son cou, au creux de sa trachée. Ses autres doigts enveloppement lentement sa gorge, son index juste au dessus de sa carotide.
- L’origine de mon animosité se trouve juste ici, Agent Comucci. En ce pouls qui ne devrait plus être.
Puis sans attendre, il rompt tout contact et fait un pas en arrière, la libérant du poids de son regard. Sa main se range soigneusement à ses côtés, non sans se contracter pour se défaire de la sensation de sa peau.
Seuls sur cette terrasse, les masques tombent, et le Lanuit ne joue plus le jeu mondain des paroles déguisées.
- Vous possédez quelque chose qui scelle votre destin et dont nul ne pourra vous libérer. Le savoir.
Il se penche très lentement vers elle, et, les lèvres au niveau de son oreille, murmure:
- Si seulement vous vous étiez gentiment laissée faire, nous n’en serions pas là, comprenez-vous?
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Medea Comucci
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Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Être seule avec le maître des lieux est probablement une erreur qui va lui couter cher. Néanmoins, rester dans l’ignorance est insupportable pour l’Italienne. Il y a trop d’éléments qui lui échappent, hors de sa conscience, pourtant si proches, au bout de ses doigts. La nuit est magnifique. Douce avec des parfums floraux qui remontent vers eux sans qu’elle ne s’y intéresse. La peur qu’elle éprouve en la présence du Vampire est une mélodie qui murmure en permanence, parfois plus intense, parfois plus étouffée. Le sentiment de reconnaissance ne s’est pas tari. Au frimat de l’attirance. C’est dérangeant. Ne devrait pas exister. Il lui est plus aisé de prendre des risques, de bousculer le statu quo que d’accepter cette situation la nuque baissée.
Elle déchire les voiles de la mondanité. Relève avec impertinence, peut-être, la manière dont Alaric se comporte avec elle depuis qu’ils se sont reconnus. Medea le regrette fugacement lorsque la colère s’affiche librement sur les traits trop séduisants du cainite. Pourquoi cette rage à son égard? Pour oser le placer devant son attitude déplacée? Leur échange moucheté durant la valse n’a rien expliqué. Elle peint son visage d’un masque neutre qui dissimule, elle l’espère, la profondeur de sa perplexité. L’italienne souligne les failles qu’elle navigue depuis près de trois ans, et Alaric s’en empare sans pitié. Un sourire presque cruel, à l’insolence féline retrousse sa bouche écarlate. -Ne soyez pas prétentieux, vous n’êtes certainement pas le seul monstre à vivre dans mes cauchemars. Pas même le premier.
Est ce une réponse à ses paroles ou une autre pensée qui motive son geste suivant, Medea l’ignore. Il lui est impossible de reculer quand il déchire toute distance respectable entre eux. La lenteur, la délicatesse de ses gestes n'adoucit pas la tension qui l’envahit. Son ventre se creuse presque douloureusement, et ses jambes lui paraissent moins solides que les minutes précédentes. Prédateur. Infiniment prédateur carnivore. Il prouve combien il joue avec elle. Sa paume trouve sa gorge, son pouce se presse contre son pouls. Elle est figée. N’ignore rien de sa force qui lui permettrait de l’étrangler si aisément. ses paupières se closent. L’Italienne tente d’ignorer les battements de son cœur qui se précipitent et son sang qui semble répondre à l’appel muet du vampire. Traître à sa volonté. Il a la peau si froide, ho, si froide contre la sienne. Quand elle rouvre les yeux une paire de secondes plus tard, c’est pour être happée par les abîmes de ses prunelles. -Vous avez essayé de me tuer et vous avez échoué? Et vous me reprochez votre propre échec? Vous n’êtes pas le premier non plus.. -La provocation est dénuée de force. Un mécanisme de défense éculé. Ses mains sont crispées dans l’étoffe fluide de sa robe, l’étreignant avec une force inutile.
Il la relache de lui même, elle aurait été incapable de l’y contraindre. Sa respiration se libère à nouveau. Medea tente d’assimiler ce qu’il vient de lui apprendre. Pourquoi avoir tenté de la tuer? Elle n’était plus une agente de la NRD cette année-là. Elle n’était pas une menace. Pas certaine de vouloir un ennemi aussi puissant que lui. -La question qui se pose est pourquoi m’avoir laissé en vie si cela vous offense à ce point, et pourquoi avoir voulu me tuer en premier lieu, ne croyez vous pas?
Il a les réponses. C’est une évidence. La profiler pourrait se montrer plus subtile mais la pression de ses doigts contre sa peau l'a secoué plus que de raison. Son contact avait une nuance familière, électrique. Un seul pas les separe. Il lui est impossible de fuir le balconnet si elle le désirait. Il lui interdit toute fuite. Il est d’une beauté poignante. Une beauté dans laquelle elle n’a aucune confiance. Il ose. Encore. Il la quitte du regard en se penchant vers elle pour délivrer un nouveau message. Qui, lui, est parfaitement limpide. -Demander à une femme de se laisser faire pendant que vous l’abusez est beaucoup trop 15ieme siècle, Alaric. -Cette fois, elle constate avec plaisir que son timbre a retrouvé tous ses accents belligérants. Une de ses paumes se pose sur le revers de sa veste. Pour l’attirer ou le repousser, l’intention n’est pas claire. Mais déjà celle-ci continue sa course. Avec une vivacité que sa précédente docilité ne permettait pas de prévoir, elle agrippe l’une de ses épines à cheveu et l'extrait de la masse chatoyante de ses mèches. La pointe d’argent est vicieusement acérée alors qu’elle la presse contre l’ouverture de sa chemise. A un souffle de sa peau vulnérable. Elle ne plaisante pas. Appuie avec une force suffisante pour faire perler une unique goutte de sang qui viendra tacher la blancheur de sa tenue. -Reculez. Je ne vous permet pas de me toucher. Posez encore une fois la main sur moi sans que je vous l’autorise et vous le regretterez vraiment. Croyez- vous que votre frère apprécierait que vous agressiez une agente de la NRD sous son toit? Peut être devrais je aller lui demander audience et exiger réparation pour votre comportement? Présent et Passé?!
Une moitié de son visage est voilée par sa coiffure à demi défaite mais elle ne le quitte pas du regard. Rayon de lune qui les effleure et les éclaire dans cet échange dangereux. -Est-ce que c’est assez gentil pour vous?
La bataille qu’Alaric s’est promis de mener ne l’oppose pas à la délicieuse brune mais à sa conscience. Le souvenir de leur rencontre est soigneusement dissimulé sous la manche de sa chemise et empêche la brune de récupérer la seule chose que le français ne lui offrira jamais. Elle ne se rappelle pas, et pourtant, elle en sait déjà trop. Elle est la preuve de sa faiblesse et l’objet de sa frustration. Son regard sombre la scrute. Ses répliques acerbes cacheraient presque le semblant de peur qui danse dans ses prunelles; le vampire n’est que trop habitué à voir ce reflet dans les regards de ceux qu’il menace. Mais malgré la menace et leur proximité, elle ne perd rien de son attitude.
Sa répartie force un sourire sur le visage de l’éternel. Elle ne fait que rallonger le processus de sa vengeance, le pousse à l’imaginer respirer un peu plus longtemps. Car l’issue de cette bataille ne laisse aucun doute; Alaric est simplement un chat ayant décidé de jouer avec la souris un peu plus longtemps.
- Les choses étaient pourtant beaucoup plus simple, au quinzième siècle, - répond-il en penchant légèrement la tête sur le côté.
Le sourire carnassier qui tire ses lèvres éclaire son regard de manière effrayante. La colère vibre toujours sous la surface de sa peau, le forcer à cesser de respirer pour ne pas perdre une fois de plus le contrôle. Alaric devra être patient. Les choses n’en seront après tout que plus appréciables. Quand elle fait soudainement un pas dans sa direction, l'Aîné ne masque pas sa surprise de la voir sortir de sa torpeur. Il la laisse venir à lui, et l’agent Comucci le prend une fois de plus par surprise en lui montrant l’étendue de sa détermination. L’épingle se pose contre son torse, appuie légèrement. Alaric accueille la mince douleur avec plaisir, rare sensation physique qu’il est en mesure d’éprouver. Depuis des centaines d’années, personne n’a eu l’audace de le provoquer de la sorte. Encore moins de le marquer. En trois ans, elle l’a fait à deux reprises. Elle se trouve sur la pente glissante de son obsession sans même s’en rendre compte, trop omnibulée par la rage et le dégout qu’il semble lui procurer.
Le regard rivé dans ses yeux sombres, il fait un très léger pas en avant, appuyant d’autant plus la pointe argentée au creux de son abdomen, tirant un mince filet rouge qui perle le long de l’épine. Tachant ses doigts fins, créant un contraste qui attrape l’attention d’Alaric quelques instants. Puis, il penche la tête vers elle.
- Voilà la deuxième fois que vous me marquez de la sorte, agent Comucci. Nous sommes enfin quittes, qu’en pensez-vous?
Leurs regards sont à la même hauteur. Lentement, Alaric s’humecte les lèvres, alors que ses yeux tombent quelques secondes sur la bouche charnue de l’italienne. Délaissant la lenteur passée de ses gestes, sa main se dresse rapidement entre eux et attrape son cou, de manière cette fois-ci bien moins sensuelle. Il n’aurait qu’à serrer pour oppresser sa trachée. Entre eux, la pointe est toujours là, mais faiblit. Le sourire qui n’a pas quitté le visage du Lanuit se fait menaçant.
- La prochaine fois que vous me menacez, agent Comucci, le sang qui coulera sur vos mains sera celui provenant de votre carotide. Comprenez-vous?
Alaric appuie ses propos en serrant la main encerclant sa gorge quelques secondes, jusqu’à ce que son regard ait perdu sa noirceur. Alors, une nouvelle fois, il la relâche brusquement, fait un pas en arrière. Ses doigts quelques secondes appliqués à un dessein létal attrape les pans de sa veste de costume pour en fermer le bouton, dissimulant la mince trace écarlate présente sur son torse.
- Profitez du reste de votre soirée. Nous nous reverrons très vite, je n’en doute pas.
Sans un autre mot, il se tourne et quitte la terrasse, délaissant l’objet de sa frustration derrière lui. Les portes vitrées se referment dans son dos alors qu’il retrouve l’atmosphère chargée de cette soirée. Le regard de Gabriel est rivé sur lui, alors qu’il reprend place à ses cotés, au pied de l’escalier. Alaric n’a soudainement plus goût à la fête. La main solide de son frère se pose sur son épaule. Le visage inquiet de Della, à quelques mètres de là, n’arrange rien à la situation. Ses pensées sont concentrées dans une seule et même direction et il sait pertinemment que rien ne parviendra à le dévier de cette obsession naissante; celle de voir l’agent souffrir.
Longuement.
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Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
La situation s’envenime trop vite, trop profondément. et elle en a perdu le contrôle. Cela plus que tout montre à quel point Alaric la déstabilise. Elle ne devrait pas lui permettre d’avoir autant d’influence sur elle. Il est loin d’être le premier vampire à vouloir user de son charisme sur elle. Les autres ont pathétiquement échoué. Pourquoi est-ce que c’est différent avec lui? Même Nicola, qui ne lui doit rien en termes d'âge et de puissance, ne provoque pas une réaction aussi intense. Une réaction viscérale. Nourri par les mystère qui entourent leur première rencontre et dont il se refuse à lui révéler les détails. L’insolence dont elle fait preuve en bouclier ne paraît pas l’agacer plus que cela. Il continue d’envahir son espace vital avec une arrogance sans faille.
Il va trop loin. Medea réagit. Non pas tant pour l’offense que pour la défense. Il est indispensable qu’il comprenne qu’elle n’a pas l’intention de lui céder ou de ployer devant ses manières indécentes. Chanceler maintenant est un trop gros risque. La flèche d’argent s’interpose entre eux. Le défiant sur son propre terrain. L’italienne la presse contre sa peau mais ne l’enfonce pas. Il s’agit d’un avertissement, pas d’un acte de guerre. Elle tressaille quand le grand brun force contre l’épine. L’enfonçant davantage contre sa peau, piquant sa chair de lui-même. Ce n’est pas la réaction qu’elle attendait. Il aurait dû reculer. Point. Pourquoi doit-il être vexant à ce point?
Les prunelles charbons s’agrandissent sous la surprise que provoquent ses paroles. L’italienne n’a pas le réflexe de la dissimuler. Elle l’a marqué? Lors de cette nuit de brume? Cela ne pouvait être qu’en réaction à son comportement à lui. Elle se souvient avoir délaissé son hôtel pour une soirée dans un bar. Pas dans l’idée de chasser un vampire renégat. Est ce qu’elle aurait pu l’attaquer la première? Improbable. Très improbable. Quitte? -Vous m’avez mordu deux fois? - une cicatrice. Une seule. Dont l’emplacement à l’intérieur de sa cuisse n’avait rien d’anodin. Une autre morsure? Ou? Battement de son cœur qui s'accélèrent. son calme s’effrite. -Non. Définitivement pas quitte. -Elle raffermit sa voix et l’acier imprime sa colonne vertébrale. Jusqu’à ce qu’elle suive la course de son regard vers sa bouche. Attirant le sien vers ses lèvres masculines. Quel goût aurait son baiser de glace? Quelles voluptés empoisonnées pourrait-il lui distiller? L’art du boudoir n’est il pas de ceux que l'âge bonifie à la manière des plus grands cépages? N’est il pas francais. Traître francais. Ce que la brutalité de sa main agrippant sa gorge lui rappelle de la plus concrète des manières. L’arrachant à des pensées aussi distrayantes que malvenues. -Lachez moi, Alaric - siffle-t-elle entre ses dents serrées. Pas de lutte. Les doigts accrochant son cou sont trop durs, trop inflexibles Pourtant, la brune ne craint pas qu’il la tue. Pas ce soir. Les conséquences en seraient bien trop graves, même pour cette créature qui s’imagine au-dessus de toutes lois. Tout comme le crucifier de l’épine d’argent signerait sa propre mise à mort. Échec mat pour tous les deux. Sa main tremble contre lui à mesure que ses doigts resserrent leur prise sur elle. Assez pour que respirer devienne un acte conscient. Assez pour qu’il puisse sentir sous la pulpe de ses dextres lorsqu’elle avale sa salive. Un rire dénué de joie, la badine métallique s’abaisse et son bras retombe le long de sa cuisse -Rappelez vous que vous êtes celui qui avez créé cette situation entre nous, pas moi. -déclare t’elle avec plus d’assurance qu’elle ne le ressent vraiment. -Vous cultivez cette violence entre nous. Ne vous étonnez pas que j’y réponde de la même manière.
Il y a encore une chance d’armistice. A condition qu’Alaric ait une once de raison. Dont elle n’a pas vu l’ombre jusqu’ici. Enfin il la relâche. Medea s’interdit de porter la main à son cou pour masser l’épiderme agressé. Il se rajuste, cachant aux yeux du monde l’écarlate témoin de leur altercation. -Ce serait une erreur, Monsieur Lanuit. -Il prend congé. Medea ne le suit pas. Au lieu de cela, elle agrippe la pierre qui surplombe les jardins et inspire plusieurs grandes goulées d’air, les jambes vacillantes. Elle vient d’hériter d’un ennemi puissant et elle n’est pas certaine de réellement comprendre pourquoi. Ni ce que le Prince de Caïn attend d’elle, au final. Avec un soin exquis elle essuie de sa baguette le sang d’Alaric qui y adhère avant de redonner forme à sa coiffure. Retouche de fond de teint pour cacher les empreintes pâles qui commencent à se dessiner. Effaçant de sa personne, attitude miroir de celle du vampire, les minutes qui viennent de s’écouler. Le masque mondain reprend sa place. Un quart d’heure plus tard, elle s’impose de revenir dans la salle principale. Restera une heure de plus. Retrouvant le bras d’Aaron pour quelques danses. Celui d’autres partenaires au gré de ses échanges mondains. Ignorant volontairement la haute silhouette d’Alaric.
Medea rentre, épuisée. Nerveusement et physiquement. Rien dans cette soirée ne s’est tout à fait déroulé comme elle l’avait envisagé. Certainement pas cette confrontation inattendue et éreintante avec l’un des Fils de la Nuit les plus puissants de Louisiane. Le choc subi sur le balcon commence à peine à résonner de toute sa sévérité. maintenant qu’elle est de retour dans un cadre à la sécurité toute relative. Elle abandonne sur le sol du salon de sa suite la robe de prix qu’elle portait avant de se glisser sous la douche. Repoussant les nausées qui la submergent. Elle n’aime guère que les chauffeurs employés des Lanuit savent exactement où elle réside. Il lui faudra réfléchir à changer d’endroit.
4h du matin.
Impossible de dormir. Il est six heures du matin en Californie. Peu probable que Vittorio soit encore debout. Cendrier plein. Bouteille de vin rouge vide. Sur le balcon, vêtue d’un simple pull beaucoup trop grand, recroquevillée sur un fauteuil, les jambes repliées sous elle, elle attend que l’aube de cette nouvelle année se lève enfin. Il faudra près de cinq essais pour que son frère décroche, la voix pâteuse d’un trop peu de sommeil. -Buon anno anche a te e buona notte! -Vitto, per favore… Est ce que c’est la note inhabituelle dans le timbre de sa sœur ou son instinct, toujours est il qu’elle peut l’entendre sortir de son lit et changer de pièce. -Qu’est ce qui se passe? -Je suis retombée sur le vampire… celui de san-francisco. -sei sicuro? parce que tes souvenirs de cette nuit là.. Tu vas bien? -Aucun doute. C’est pire que tout ce que je pouvais imaginer. Alaric Lanuit. Juste le second du clan le plus puissant de la Louisiane. No. Non sto bene. Francamente no. -Puissant à quel point? -Au point qu'après avoir passé la soirée dans leur manoir, je serai incapable, meme sous la torture d'en déterminer l'endroit ni même simplement l'environnement! Tout est déjà flou! -Qu’est ce que tu vas faire? -Rien. Je ne peux rien faire. Il est intouchable. Je ne peux même pas me risquer à demander à mes informateurs de creuser son passé, les risques sont trop grands qu’ils terminent dans un caniveau. Utiliser les ressources de la Nrd? Non. Ce serait attirer d’autres attentions et sincèrement, je serais pas étonnée qu’il ait des sources dans l'institution. C’est ce que je ferais à sa place. sono solo. Le silence. Réel. Pesant. Il finit par articuler, presque avec douceur. -Il te fait peur. Je vais en parler à Cesare. Au moins pour avoir plus d'informations sur lui et sa famille. Manipuler un autre vampire? Un autre clan? -Tu ne te rends pas compte de son influence. Ne pas avoir peur n’est pas une option. Un autre vampire? Non plus. Il est l’un des Juges. se placer en travers de sa route est s’attirer les foudres de la société vampirique. Aucun ne se mettra en danger pour un humain. Pas face à un Lanuit. Pas en Louisiane. Elle se rallume une cigarette, entend son frère lancer sa cafetière. Première dose matinale de nicotine. Medea incline la tête en arrière, fait jouer les muscles crispés de ses épaules et de sa nuque. -A part l’éviter et faire en sorte qu’il m’oublie, j’ai pas de solutions immédiates. surtout qu’il n’a rien dit sur ce qui s’était passé entre nous la première fois. -Toi? Capable de laisser couler? -Haha. Pour le moment, j’ai les mains liées. Lanuit n’est pas la raison pour laquelle je suis en Louisiane. -Nouvelle année, nouvelle traque? Ou Nouvelle année et remise à zéro de tes obsessions? Ça, ce serait une vraie surprise! -siocco. -Protège toi. Tu as besoin d’armes? On peut t'envoyer un garde du corps. Cette fois, elle rit. -Ce serait tellement pratique pour continuer à travailler. Et absolument discret. No. J’ai ce qu'il faut en armes. -Je vois Cesare et Felice demain. Je leur parlerai et ils décideront pour un homme de main. -J’ai dit Non! Certainement pas! J’ai pas besoin d’une Ombre qui va reporter mes faits et gestes à Cesare! -Pas ta décision, Carina. Ciao Bella.