(F) Ranni Sabba - Arcaniste noire/Engeance - Élue d'Ahriman (Libre)

I turn to right and left, in all the earth
I see no signs of justice, sense or worth :
A man does evil deeds, and all his days
Are filled with luck and universal praise ;
Another's good in all he does - he dies
A wretched, broken man whom all despise.

1992-1996Comment nait le Mal ? Trouve-t-il son origine dans des rituels horrifiques complexes, des crimes odieux, voire pire encore ? Ou bien son terreau fertile est-il d’une banalité effarante, de celle que les hommes commettent sans même y penser ? L’humain sème-t-il ces mauvaises graines au fil de son quotidien, par de minuscules germes qui éclosent en fleurs du Mal ? Ce fut durant cette période de guerres incessantes, qu’une femme découvrit que le destin n’est pas un ensemble de fils tissés, mais une chute lente, anodine et funeste comme une suite de dominos.

1995Ayahonnathi Sabba devient subitement veuve et perd son fils unique en même temps. Les deux hommes, partis acheter des vivres et du matériel pour leur communauté isolée, sont tués dans le bombardement d’une ville voisine. Le choc est immense pour cette femme, arcaniste et croyante, qui perd également un pan entier de sa culture magique : son fils et son mari étaient aussi des arcanistes pratiquants. Elle sombre dans un chagrin ivre de vengeance aveugle.

Début 1996La guerre est éprouvante pour les petites villes de montagne, comme celle où vit Ayahonnathi Sabba. Celle-ci est toujours aussi inconsolable, s’isole de plus en plus, et refuse toute aide de la petite communauté d’arcanistes qui l’entoure. Les rumeurs autant que les inquiétudes vont alors bon train. On dit que la femme rumine des idées de vengeance, on la soupçonne de se tourner vers des arts meurtriers et noirs ; on la dit folle. Certains jurent l’avoir entendu invoquer le nom d’Ahriman, cette divinité malfaisante du panthéon perse. Personne ne détient pourtant une preuve formelle, tant chacun tient secrètes ses pratiques magiques.

Octobre 1996Une nuit plus que toute autre resta dans les mémoires de cette communauté. Des témoins racontent avoir vu des lumières dans la maison de Ayahonnathi Sabba au beau milieu de la nuit. Les récits divergent cependant. Certains disent avoir aperçu des ombres inhumaines, des courbes étranges, tentaculaires. D’autres jurent avoir vu son défunt mari se tenir sur le seuil de sa demeure ou à l’intérieur. Quand les arcanistes interrogent la veuve, elle nie tout en bloc et leur montre une maison parfaitement propre. Pourtant, elle est désormais enceinte.

1997Naissance d’une fille, Ranni Sabba. Si les racontars vont bon train parmi les humains du voisinage, elles sont bien plus soucieuses au sein des arcanistes de la région, d’autant plus que Ayahonnathi refuse de divulguer l’identité du père. Celle-ci meurt sept mois après, d’une intense fatigue physique, morale et de chagrin. Au sein des arcanistes, des voix commencent à s’élever contre l’aberration qu’on soupçonne avoir été commise ; certains certifient que la magie de la veuve était souillée au moment de sa mort, mais une fois encore, personne n’en a la preuve.

1998-2002La communauté d’arcanistes locaux décide de surveiller l’enfant sans père, la plupart avec une extrême méfiance. Bien que certains sont partisans de décisions plus radicales, aucun ne se résout à abandonner un bébé somme toute parfaitement normale et innocente en apparence. Étrangement sage et silencieuse, la fillette grandit sous l’œil vigilant de la communauté, en passant de nourrice en nourrice, sans qu’aucun incident ne soit jamais signalé.

2003La fillette découvre dans les affaires de sa mère un pendentif qui l’attire inexorablement. Il ne ressemble pourtant à rien : sa forme est une masse indistincte de membres agglutinés les uns aux autres. Des ailes d’oiseaux, comme dans les sculptures de dieux perses, sont collés en désordre avec des yeux, des narines, des bouches ou encore des cornes ; le bijou est fait d’une pierre dure et noire comme de l’onyx. Elle portera ce pendentif de manière quasiment permanente.

2003-2007La nature de Ranni Sabba est finalement confirmée : elle est bien une Éveillée. Mais mystérieusement, ses dons s’éveillent très tardivement et ce détail suscite de nombreux débats parmi ses pairs. On a alors du mal à discerner la réalité profonde de sa magie, mais plutôt que de laisser un potentiel sans cadre et hors de contrôle, on décide de l’éduquer comme un membre à part entière de la communauté. Ranni devient une apprentie très calme et studieuse, qui apprend très vite.

2008-2009Les premières fêlures apparaissent, la graine se fendille. Alors que la grande majorité de ses mentors pratiquent une magie rouge peu agressive celle de Ranni tend indiscutablement vers le noir. On la surveille alors davantage, on lui impose une discipline sévère, on la sermonne sans arrêt et on fouille ses affaires à la recherche d’objets coupables ; rien n’y fait pourtant. Le pendentif que porte toujours l’enfant n’éveille même pas l’attention : aux yeux des autres, ce n’est qu’un bijou tout à fait banal qui ne suinte d’aucune magie et semble inoffensif.

2009-2010Ranni nourrit un ressentiment croissant envers ses mentors qui la briment sans raison apparente. N’est-elle pas une élève exemplaire ? Et talentueuse, qui plus est. Dans son âme, se forge le sentiment d’être incomprise, une fille douée injustement traitée, et son narcissisme commence à croitre en même temps que sa magie. Quand l’enfant rêve, ce sont toujours des murmures tendres d’encouragement qu’elle entend et qu’elle estime être à sa mère. Parfois à son réveil, les éléments de son pendentif semblent s’être réagencés entre eux ; un détail qu’elle n’explique pas.

2010-2011L’enfant est une adolescente dont la magie croit trop vite. Elle est d’un noir profond qui ne souffre d’aucune nuance, et son cas est le sujet d’âpres discussions parmi les arcanistes : que doit-on faire d’elle ? Comment peut-on avoir une essence aussi noire à ce jeune âge ? Ranni est secrètement imbue d’elle-même, et supporte de moins en moins les enseignements de ses pairs, qu’elle trouve sans envergure. Pourtant, elle est aussi une excellente menteuse qui tisse sa toile dans l’ombre. En secret, elle réunit d’autres jeunes autour d’elle, alors tous attirés par son charisme naissant et son talent, formant ainsi les prémices d’une petite secte

2011-2012Le pendentif de Ranni lui chuchote de plus en plus durant son sommeil. Parfois, elle semble même l’entendre durant son éveil. Pourtant, elle ne s’en inquiète pas, car toutes ces voix l’inspirent, la complimentent et lui confirment qu’elle est une élue. La jeune femme répète et confie à sa petite secte les formules et les litanies qu’elle croit entendre en provenance du bijou. Toutes sont des prières adressées aux diverses divinités persanes ; en réalité elles ne s’adressent qu’à une seule entité portant un nom bien différent.

2012Son embryon de secte est vite découvert. C’est la preuve irréfutable que Ranni est bien une cause perdue et elle est bannie à vie de sa communauté d’origine. On l’abandonne au milieu d’un coin sauvage des montagnes, sans eau et ni vivres, seulement des insultes contre l’enfant maudite. On a d’autant moins de remords que les jeunes membres de sa secte ont tous été souillés par la magie qu’elle leur a susurré, sans qu’on ne sache vraiment comment.
Ranni est choquée et apeurée, mais une rage froide la remplace peu à peu. Il y a quelque chose de biblique dans cette errance au milieu d’un environnement hostile, où la jeune femme n’a plus que ses vêtements, sa Foi, et son éternel pendentif. L’apparence de celui-ci a changé : les contours d’une silhouette ailée se dessinent en même temps que ses pouvoirs se renforcent. Le bijou lui murmure encore et toujours des encouragements, nourrit ses désirs de revanche et l’aide à ne pas désespérer.
Plusieurs semaines après, Ranni croise le chemin d’une équipe de SEAL en reconnaissance dans la région. Elle est amaigrie par la déshydratation et la faim, mais ses yeux ont toujours un éclat féroce. C’est une soldat du nom de Selma Weiss qui la prend sous son aile, l’aide à se revitaliser, à s’habiller et lui apprend quelques rudiments d’anglais. Le pendentif de Ranni continue ainsi de la guider.

I shall not sleep or rest
until I have taken my revenge ;
the rivers flow with less water
than my eyes flow with tears.

2012-2013Grâce à Selma, qui n’a pas la moindre idée de la nature réelle de Ranni, la jeune femme se remet sur pied. Elle cache son propre bannissement derrière une histoire de violence familiale, se montre affable et reconnaissante envers ses sauveurs. Elle joue le jeu de la parfaite victime, apprend la langue anglaise grâce à Selma, et nourrit lentement sa revanche. La voix du pendentif est toujours là pour la soutenir dans ses desseins et, après sa survie dans le désert, la conforte plus que jamais dans l’idée d’être bénie des dieux, d’avoir un destin grandiose qui l’attend.

2013-2018 Après le départ de Selma, qui sera devenue sa seule véritable amie et dont elle a tenté en vain d’empêcher la séparation, Ranni met son plan à exécution. Nul besoin de magie quand elle a maintenant des contacts dans l’armée américaine. Elle sait que certains clans arcanistes sont impliqués dans la lutte armée contre les USA, comme en témoignent les blessures de certains soldats. Méthodiquement, un par un, elle dénonce les caches secrètes et les identités de ceux qui lui ont causé du tort par le passé ; elle devient une indic et une interprète pour les américains. Quand elle ignore certaines identités ou des cachettes, c’est son pendentif qui se charge de lui murmurer.
Durant toutes années, Ranni perfectionne son art. Désormais sans aucun mentor pour la guider ou encore la brider, l’apprentie arcaniste verse sans vergogne dans l’art dangereux de la magie noire. Même si ces pratiques ne sont pas sans risques, elle bénéficie des conseils avisés provenant de son pendentif, qui ou quoi que puisse être l’entité derrière cet objet maudit… Elle se pose beaucoup de questions au sujet de ce dernier mais elle est fermement persuadée d’être toujours cette fille bénie des divinités de son peuple, d’être une Élue.

2019Quelque chose a changé. Le fouillis de motifs décorant le collier de Ranni s’est changé en une seule silhouette aux ailes de divinité et à la bouche hurlante, telle une gravure déformée d’Ahriman. La jeune femme sent que sa vie va changer, sans vraiment savoir pourquoi, et son regard se tourne de plus en plus vers l’Ouest. Parmi les voix qui l’ont toujours guidé, quelque chose l’appelle par-delà l’océan.

2020-2021En profitant du retrait américain en catastrophe de l’Afghanistan, Ranni décroche son ticket pour sortir du pays et répondre à l’Appel. C’est avec le statut de réfugiée qu’elle vole vers les États-Unis et vers ce destin qui l’attend ; elle en est certaine. Ahriman est réel. Il lui a parlé depuis sa plus lointaine enfance, l’a guidé dans ses épreuves, et sa Foi envers Lui surmontera toute épreuve.