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All blood, no tears ♦ Ian & Serguey

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Anonymous
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Mar 4 Mai - 20:42 (#)

ALL BLOOD, NO TEARS.

« Et donc ce connard me percute en plein dans l'aile droite, parce que tu comprends, en Louisiane le clignotant c'est pour les pédés, putains de Sudistes, bref, le gars était clairement en infraction et v'là-t-il pas qu'en plus, à peine j'pose l'pied dehors, il s'tire ! Délit de fuite ! J'ai d'la chance, c'est surtout la carrosserie qui a trinqué, mais j'ai l'poignet un peu d'traviole d'puis trois jours et ma bonne femme s'inquiète, vous savez c'que c'est… Comment qu'vous vous appelez, d'jà ? »
« Euh, Serguey. Et toi ? »
« Moi, c'est Carter. »
Il renifle fièrement et revisse sa casquette de base-ball au sommet de son crâne. Difficile de donner un âge à cet énergumène, qui lui raflait de précieuses heures de son temps. A moins qu'il ne déblatère sa logorrhée que depuis cinq bonnes minutes. Cela aussi, c'était difficile à déterminer.
« Super. Bon écoute euh, Carter, tu veux bien me tenir ça ? »
Préoccupé par tout autre chose que par l'histoire du bougre, l'Estonien lui tend son téléphone de sa main valide, déjà déverrouillé, le mode appareil photo activé. Face au regard éberlué, le géant se justifie sans la moindre gêne.
« Tu parlais de gonzesse, non ? Ben, faut qu'j'envoie des nouvelles à la mienne. Parce que va falloir qu'elle vienne me récupérer ici, quand ce sera fini. »
Prendre le taxi à l'aller lui avait amplement suffi. Et Aliénor conduisait bien plus vite que n'importe quel chauffeur louisianais. Également, il avait une petite idée derrière la tête.
« Mais prends pas ma gueule John, fais pas l'con ! »
« C'est Carter, j'vous ai dit. »
« Ouais, comme ça te chante. J'veux que tu photographies mon omoplate, j'y arrive pas tout seul. Merci. »
Le natif s'exécute sans trop poser de question, et le déclic caractéristique de la prise de vue réjouit l'Estonien, qui s'empare aussitôt de son téléphone pour envoyer la photo de sa blessure de guerre à son amante, accompagné d'un texto grivois « Hé poupée, diner is ready. Bon, j'suis aux urgences, faudrait que tu passes me chercher, j'peux pas conduire. Bisou là où tu sais. »

Le ton détaché et graveleux du message écrit masque en réalité une impatience de plus en plus palpable. Assis contre le mur, à côté de ce type visiblement bien décidé à lui tenir la jambe, ses iris passent nerveusement d'un infirmier à l'autre, du brancard au patient chahuteur qui s'époumone que la 5G a probablement provoqué chez lui un septième cancer et se plaint sans discontinuité à cette pauvre hôtesse d'accueil, heureusement protégée par une vitre en plexiglas. Le rythme effréné du personnel du Shreveport Hospital donnerait le tournis à plus d'une petite nature, tout comme la vue de l'hémoglobine, les cris de douleur, les vomissures et les lamentations. Nul ne va sans dire que trois personnes sur quatre occupaient inutilement les lieux, et que l’hypocondrie étant le mal du siècle, les urgences étaient essentiellement saturées d'américains inquiets ou n'ayant pas la patience d'attendre de décrocher un rendez-vous chez leur médecin de famille. Les rares dont le pronostic vital était engagé passaient évidemment en priorité, entre les gémissements exagérés des quadragénaires en pré-ménopause et les bobos imaginaires des enfants-rois trop chouchoutés par leurs insupportables parents.
Il n'était arrivé que depuis une petite heure et pourtant, il avait déjà l'impression qu'une éternité s'était déroulée depuis qu'il avait posé son séant contre le carrelage froid de la salle d'attente des urgences. Et ce Carter ne l'aidait nullement à ne pas compter les minutes.

« Dites, c'est moche, c'que vous avez… vous d'vez douiller et pourtant, j'vous ai pas entendu vous plaindre une seule fois d'puis qu'vous êtes là. »
« J'ai connu pire. »
« Quoi qu'c'est qui vous est arrivé là ? »
« J'préfère éviter d'en parler. C'est pas glorieux. »
« Allez, soyez sympa. On va probablement jamais s'revoir, alors vous pouvez bien tout m'dire. Et puis, ça passera le temps. »
L'américain renifle, s'essuyant dans la manche de son tee-shirt bordeaux numéroté blanc trop grand pour lui. Barbe mal rasée, grisonnante, chaussures démodées, accent marqué et haleine douteuse, supportant la même équipe de base-ball que tous ses voisins, et flanqué de larges cernes sous les yeux, Carter reflétait le bas du panier de l'américain moyen. L'Estonien s'en voulut immédiatement d'avoir cette pensée, mais il ne pouvait nier l'évidence : il était heureux de ne pas vieillir ainsi. Toutefois, Carter marquait un point : cela ne lui coûtait rien de se confier à un type qu'il ne reverrait plus jamais. Et cela l'aiderait peut-être à peaufiner sa version définitive, lorsqu'un médecin le prendrait enfin en charge.
« J'avais picolé. On m'a chauffé. J'me suis battu. »
De toute façon, les ennuis commençaient souvent ainsi, avec Serguey.
Le regard perplexe et un peu hagard de son interlocuteur l'encourage à poursuivre son récit, malgré la suite des révélations.
« J'me suis battu contre une meuf. Et elle m'a dérouillé. CA VA, JE SAIS. C'est pas ce que tu crois, okay ? »
Il coupe court à l'hilarité de l'autochtone, tandis qu'il tâche de contrôler la couleur de ses pommettes et de les empêcher de virer au cramoisi devant l'humiliation de la défaite.
« C'était une putain de garou, d'accord ? Elle m'a planté les crocs derrière l'épaule, c'était pas des dents humaines bordel. J'ai essayé de me dégager, et la peau est partie avec. Voilà. J'crois que l'os a bougé aussi, parce qu'elle m'a cogné dur quand elle a vu que j'me cassais. Ben quoi ? Elle a pas respecté les règles ! Moi j'joue pas avec des tricheuses ! »
S'il omettait probablement des détails, il refusait d'admettre qu'il avait perdu contre sa provocante adversaire. Qu'importe, il avait de toute façon assez attendu : le tee-shirt beige qu'il applique contre la plaie ouverte a viré au carmin depuis longtemps, et surtout, il ne voulait pas arriver en retard au travail.

D'une poussée formidable, comme si rien ne pouvait le terrasser, ses jambes le propulsent en position debout, colosse parmi les silhouettes tassées et recroquevillées, et il avance sans flancher, malgré les gouttes de sang qu'il sème derrière lui, s'écrasent sur le carrelage en d'indécentes petites flaques de rouge, de ce rouge qu'il ne possède plus. Il voit rouge. Il dépasse bon nombre de personnes, désormais agglutinées autour du comptoir d'accueil, et prend la liberté de se diriger de lui-même dans le premier couloir qui s'offre à sa vision. Puisque la médecine ne vient pas à lui, il ira de lui-même à la médecine.
On l'invective, des phalanges tentent même de s'enrouler autour de son bras mais il repousse la blouse blanche, le tic-tac de l'horloge du hall des urgences retentissant en lui comme une menace inflexible. Jamais de son vivant, il n'arriverait en retard au travail. Jamais il ne manquerait une seule journée. Il n'était pas tombé au combat, il n'abdiquerait certainement pas dans cet hôpital.

C'est le pas décidé qu'il pénètre finalement dans une pièce quelconque, après avoir tourné à droite à une intersection, et se retrouve nez à nez avec un homme d'âge similaire au sien – non, j'suis plus jeune que ce gaillard ! – même blouse blanche, même air concentré, penché par-dessus ce qu'il devine être des bilans ou des rapports. Peu importe.
« Euh dites, ça va ? J'vous dérange pas, là ? Vous voulez pas que j'vous apporte un café, peut-être ? »
Torse nu, l'épaule déchiquetée, l'omoplate déboîtée et la plaie gorgée de sang, il toise l'inconnu avec un aplomb coriace, pas gêné le moins du monde à l'idée de réclamer un service qu'il estime légitime, étant donné l'urgence de la situation.
« Écoutez, j'doute pas que c'que vous faites en ce moment est de la plus haute importance, mais je dois prendre mon poste à l'aéroport dans trois heures, et entre les chiards qui veulent pas aller à l'école demain, les saintes nitouches qui ont leurs chaleurs et Carter le dégénéré qui s'est fait défoncer le pare-choc, y'a pas grand monde qui s'occupe de moi, tout ça parce que j'ai sagement attendu mon tour et j'ai pas gueulé comme un putois sur la pauvre femme qui est à l'accueil. La douleur est supportable, j'vais pas tourner de l’œil, c'est juste que j'veux pas être en retard alors s'il vous plaît, rafistolez-moi vite fait, et si j'peux vous rendre un service en échange j'le ferai sans sourciller, parole d'homme. Mais occupez-vous de ça. »
Son bras libre croisé sur sa poitrine, la main qui tient le linge ensanglanté se décroche légèrement tandis qu'il pivote et s'agenouille pour lui montrer l'étendue des dégâts, clignant des yeux sous la lumière blafarde des néons. Trop de blanc, trop d'acier chirurgical. Il n'aime pas cet endroit. Et il aime encore moins l'idée d'arriver en retard à l'aéroport.
« S'il vous plaît. Vite fait bien fait. J'dirai pas aux autres que vous m'avez laissé passer devant. »

(c) AMIANTE

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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
Ian C. Calloway
ADMIN ۰ Fear is the mind killer
✞ PAINT IT BLACK ✞

All blood, no tears ♦ Ian & Serguey Cel2Mn1 All blood, no tears ♦ Ian & Serguey SxWuaE6 All blood, no tears ♦ Ian & Serguey PCXwL9G

"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

✞LAST MAN STANDING✞

All blood, no tears ♦ Ian & Serguey EossTie All blood, no tears ♦ Ian & Serguey ENSBj8G All blood, no tears ♦ Ian & Serguey DQLsZnr

"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
All blood, no tears ♦ Ian & Serguey S7T3m9m
✞ I AM A GOD ✞

All blood, no tears ♦ Ian & Serguey 1VW7VKf All blood, no tears ♦ Ian & Serguey EvbM8n1 All blood, no tears ♦ Ian & Serguey Dz9ewPr

"That's our cosa nostra."

All blood, no tears ♦ Ian & Serguey ZfltnPn
Pseudo : Nero
Célébrité : Thomas Kretschmann.
Double compte : Eoghan Underwood, Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque & Gautièr Montignac.
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Date d'inscription : 09/06/2019
Crédits : Licorne (ava) ; Amiante (signa)
Ven 28 Mai - 6:38 (#)


Everyday is exactly the same
« Docteur ! »

L’infirmière-chef du service des urgences pédiatriques avait toujours lutté pour faire respecter les règles les plus élémentaires parmi ses recrues. Certaines d’entre elles relevaient du contrat tacite passé entre l’employé américain et l’institution qu’il incarnait, représentait, mais aussi à laquelle il appartenait. D’autres, quant à elles, étaient gravées dans la chair de son éducation à l’ancienne. À quarante-cinq ans passés, elle n’était plus une débutante, et son expérience était respectée par tous les médecins du Shreveport Hospital. L’un des rares ayant encore récemment tenté de la prendre de haut l’avait payé cher, quoique Vanessa Bulger disposât heureusement de l’élégance, de l’éducation et de l’intelligence requises pour que cette vengeance demeure amère sans pour autant porter préjudice à sa carrière quasi sans faute. Pour en revenir aux règles relevant de la deuxième catégorie, elles étaient peu nombreuses, et présentaient une qualité essentielle : demeurer simples.

- Se montrer digne du secret professionnel.
- Ne pas médire sur ses collègues.
- Ne pas profiter de sa position ni de son savoir médical, quelle que soit la situation.
- Et surtout, ne pas crier ni courir dans les couloirs de l’hôpital public.

En cette fin de matinée estivale, tandis que l’ensemble du personnel bénit les cieux de les faire officier en un pays occidental se fichant peu ou prou de l’impact dévastateur de la climatisation sur l’environnement proche comme lointain, Vanessa Bulger a couru pour venir chercher Ian Calloway dans son bureau. Sa silhouette forte de petite bonne femme enrobée mais foutrement efficace, dynamique et autoritaire a franchi la porte du cabinet qu’elle sait vide, à cette heure-ci. Et pour cause. Il est censé avoir terminé sa matinée de travail pour une pause déjeuner, quelques minutes plus tôt à peine.

« Qu’est-ce qui s… »
« Je suis désolée docteur, on vous demande aux urgences maintenant. On est débordés et un petit vient d’arriver en… il est en très sale état. »

Oh, il manque presque de l’oublier.
La dernière règle.

- Ne jamais se laisser déborder par l’émotionnel quand une vie humaine est en jeu.

Les prunelles terriblement brillantes de la matrone derrière ses verres à double foyer l’empêchent de protester ne serait-ce qu’en pensée contre les heures supp’ non ou mal payées comparées aux cachets qui terminaient dans sa poche. Autrefois. Il se lève, referme les pans de sa blouse blanche qu’il s’apprêtait à raccrocher (mais on ne raccroche jamais vraiment, hein, toubib ?). En dépit de son émotion, Vanessa lui résume brièvement la situation. Boum aux urgences. Un grand classique, en fin de semaine. Tous les docteurs débordés, les chirurgiens en train d’opérer, les infirmières paniquées. Alors on écluse. On racle. On vient chercher les soignants supplémentaires, on s’apprête à envisager d’appeler ceux en congés, pour la nuit. Certains jours, certains soirs, la roue du destin s’écrase plus lourdement sur le chemin pavé d’âmes humaines en perdition, ou encore innocentes de la fatalité qui s’apprête à s’abattre, à les entraîner dans son élan ; inertie incontrôlable. Pendant ce temps-là, le gouvernement joue aux billes, répartissant on ne peut plus mal les crédits alloués à son système de santé défaillant, préférant engraisser le ministère de la guerre au détriment du reste.

Lorsqu’il débouche dans l’une des alcôves réservées, la ruche s’est activée depuis longtemps, déployant des moyens humains et matériels les plus complets possibles. Ils sont loin, loin, enfoncés dans les corridors de l’établissement. Là où la lumière naturelle ne brille pas, là où la mort végète, rôde, toujours prête à s’emparer d’une âme proche de se voir dévorée.

L’enfant qui gît-là est en train de perdre la bataille.
Il n’a rien de particulier, rien de vraiment interpellant. Cheveux bruns. Yeux clairs, c’est du moins ce qu’il croit voir, quand les paupières s’entrouvrent à peine. Son corps n’est qu’une plaie, et l’on s’essaye péniblement à dégager les pans de tissu imbibés de sang, de chair broyée, des béances dégueulant de sang. Un sang noir, ou plus clair. Qu’importe. Il ne doit pas avoir plus de quatorze ans. Accident de voiture. Les premiers secours donnés n’ont permis que de le voir arriver à temps, de franchir les portes de cette bulle d’espoir si prompte à éclater. Il doit l’aider. L’aider à stabiliser son état avant qu’un chirurgien ne vienne les délester de ce poids terrible, ce fardeau sous lequel il n’en peut plus de crouler. « Allez… Allez, tiens le coup. Tiens l’coup, petit… » Ça piaille autour de lui, mais pas tant que ça. Les ordres sont clairs, les actes effectués précis. Il prend sa place dans ce ballet calculé au plus juste. Il n’y a pas grand-chose de l’agitation extrême, exagérée, que les séries et autres shows télévisuels s’essayent à illustrer pour renforcer la tension dramatique d’un personnage blessé. Il n’y a que sa voix, presque chuchotante à l’oreille du gamin, pendant qu’il s’évertue à évaluer les dégâts, à surveiller les signes vitaux. À ne pas le perdre. « Allez, allez, allez… Tiens encore un peu. Juste un p’tit peu… Ça va aller. »

Ça va aller.



L’après-midi touche à sa fin, et le soir approche.
Ses paumes ont cessé de puer les fragrances rouillées typiques de l’hémoglobine. Pourtant, comme mû par un tic, il ne cesse de vérifier sous ses ongles que rien n’a persévéré à en salir les quelques millimètres de blancheur impeccable. Son dos tire, lui fait du mal. Il ne cesse de revoir le visage du gosse. Sa joue, horriblement écorchée, mais surtout le torse encore enfantin, les jambes inertes, les doigts crispés. Le sang, partout. Quelques résultats sont déjà tombés, mais pas ceux du verdict. Pas les plus terribles. S’il ne survit pas à l’opération, alors… Alors ce ne sera qu’une anecdote de plus, consignée dans sa mémoire, et qu’il y laissera jusqu’à ce qu’elle se décide à se désagréger d’elle-même. Il ne la consignera nulle part. Ni sur un carnet, ni sur un blog public ou privé. Cette pudeur, il y tient férocement. Cette sensation de se faire le gardien des suppliciés, des victimes. Il n’a pas envie de tenir cette comptabilité morbide. Il feuillette le maigre compte-rendu, la liste des dégâts constatés en salle d’urgence par l’infirmière préposée à cette tâche. Il a l’habitude de lire ce genre de rapports. Ceux qui concernent la maltraitance infantile sont les pires. Et, en médecin corvéable à merci, à la disposition des urgences bien volontiers, certains détails sont, eux, restés implantés dans son crâne si férocement qu’il n’est pas dupe : il sait que rien ne pourra jamais désagréger ceux-là.

Isolé dans cette petite salle vide, il soupire, adresse une prière à Dieu, comprenant encore mal certains de ses desseins, quoiqu’en respectant le cours : forcément logique. Forcément nécessaire, n’est-ce pas ?

« Euh dites, ça va ? J'vous dérange pas, là ? Vous voulez pas que j'vous apporte un café, peut-être ? »

Il ne réalise pas tout de suite que c’est à lui qu’on s’adresse. Avec son calme et sa dignité habituelles, Ian Calloway redresse la tête, les feuilles en suspens, pour apercevoir l’échalas qui s’est aventuré jusque-là. Il analyse rapidement le cas qui se présente à lui : immense, balèze, amoché. Rien de bien extraordinaire. Mais l’aplomb, l’invasion tenace jusque dans des quartiers où il n’est pas censé se présenter et la gouaille hors du commun de l’homme pourvu d’un léger accent slave, le laissent d’abord, sinon suspicieux, du moins pantois. Le discours qui s’amorce n’est pas plus intelligible, tant il semble en complet décalage avec cette journée interminable, épuisante et pleine de tension que ses collègues et lui-même doivent gérer.

Il n’est pas un homme de colère. Les siennes sont froides, pour ne pas dire gelées. Il hait, voire méprise les hommes qui ne savent que brailler, maudire, conspuer, dont l’agitation brouillonne les propulse dans la gueule de ce qu’ils redoutent et combattent. Il lui est arrivé, plus jeune, de les admirer. De se questionner sur son incapacité à laisser libre cours à ces pulsions fatigantes et rarement constructives. Ce n’est plus le cas, à son âge. Il ne peut que constater avec une hauteur insultante le remue-ménage et les catastrophes provoquées par les énergumènes dans le genre du type blessé. Il n’est pas un homme de colère, mais il ne supporte pas les crétins pareils. Endurer son frère aîné est une chose ; une vieille tradition, une sorte d’obligation de courber l’échine face à celui qui le domine dans de nombreux domaines. Cependant, pour cet illustre inconnu qui s’agenouille, lui offrant la vue de son dos de granit et de son épaule déchirée, il ne ressent pas autre chose qu’un désir violent de le crucifier par les mots comme par les poings, et il manque d’en froisser le dossier maigrelet qu’il tient entre ses phalanges solides. Par précaution, il dépose les papiers sur le bureau contre lui.

« Relevez-vous, vous êtes ridicule. »

L’ordre a claqué. Sec. Glacé. Alors, seulement lorsque le colosse se redresse, il s’approche et lui fait face, certainement pas impressionné par la petite quinzaine de centimètres le surplombant. « Dites-moi… Où est-ce que vous vous croyez, exactement ? À quoi vous pensez ? C’est un hôpital public, ici. Il n’y a pas de passe-droits, d’aucune sorte. Si vous êtes si pressé que vous le dites, il existe une quantité formidable de cliniques privées dans les environs qui n’attendent que votre carte gold pour passer en priorité. » Ce n’est pas bon. Si le ton de sa voix n’est pas monté d’un cran, les limites, elles, viennent tout d’un coup d’être brutalement dépassées. Il n’est pas sûr que cela engendre quoi que ce soit de positif.

« Vous avez l’habitude de faire ça ? Ou plutôt : on vous a donné l’habitude de faire ça ? Croire qu’en gueulant et en exigeant parce que vous en imposez, la file d’attente diminuera plus rapidement ? Laissez-moi deviner : vous faites partie des abrutis qui klaxonnent dans les bouchons en croyant que les bagnoles accidentées seront dégagées dans la seconde ? Vous faites des croche-pattes aux vieilles dames qui n’avancent pas assez vite au passage piéton à cause de leur hanche en plastique ? » De son pouce, il désigne dans son dos les lignes consacrées au jeune adolescent. « À l’heure où on parle, un gosse de même pas quinze ans est en train de passer sur le billard et de lutter pour rester en vie après s’être fait rouler dessus par une Range Rover. Je ne sais pas encore si je vais pouvoir annoncer à ses parents qu’ils doivent préparer la cérémonie funéraire ou prévoir que leur enfant restera handicapé à vie et autres joyeusetés. Ça. C’est ce que je suis en train de me conditionner à leur dire en fonction du déroulé de l’opération, et oui, c’est de la plus haute importance. »

Il éructe. Il le fixe comme s’il allait le bouffer. Lui sauter dessus. Lui arracher les yeux et s’en servir comme de balles de golf : il n’est plus à un cliché près, après tout. Il secoue la tête, bouffi d’un sentiment de révolte prononcé, qu’il ne parvient pas à juguler. « Je commence à en avoir plein le dos des connards comme vous qui ne respectent rien, qui ne pensent qu’à leur tronche et qui sont les premiers à déblatérer que cette société part en sucette en buvant leur bière de merde. Vous êtes en train de me faire un scandale, d’accoster la première blouse blanche qui daigne vous accorder de l’attention PARCE QUE VOUS ALLEZ ETRE EN RETARD AU TRAVAIL ?! »

Vanessa Bulger n’est pas bien loin. Elle entend. Elle s’apprête à intervenir, mais sa main potelée reste finalement immobile. Maline, elle n’est pas décidée à interrompre un discours qui, bien que contraire aux préceptes professionnels aussi bien officiels que officieux, ne la hérisse pas le moins du monde. C’est même plutôt l’inverse, et la matrone savoure, déguste. Elle-même ne s’est pas rendu compte que deux ou trois petites infirmières, curieuses comme des souris, ont ralenti puis se sont arrêtées dans le couloir, pour assister à la scène.

« Non mais vous vous prenez pour qui ? C’est quoi votre travail ? J’ai affaire au vice-président des États-Unis peut-être ? Ou au frère de Vladimir Poutine, tant qu’on y est ?! Et puis me rendre service comment ?! Vous croyez que j’ai souvent besoin de services émanant de gorilles dans votre genre ?! Vous voulez pas venir chez moi tondre la pelouse ou réparer l’abri de jardin tant que vous y êtes ?! Vous croyez que les gens en salle d’attente n’ont pas un travail ou une famille à gérer, eux aussi ? »

Il n’a pas bougé d’un pouce. Statue vociférante, uniquement faite pour remettre à sa place le grand con qui, malheureusement pour lui, est tombé sur le soignant le moins enclin à lécher le cul du contribuable au nom du sacro-saint service public qui commence à lui taper le système. « … et si c’est en plus pour porter plainte parce qu’on vous aura soigné en deux-deux, juste pour répondre favorablement à la demande de notre bon prince, ce serait le ticket gagnant ! Alors au cas où vous l’auriez pas compris : ma réponse est non. Maintenant, vous n’avez rien à faire ici alors DEHORS et retour en salle d’attente sans discuter, sinon ça va mal se passer pour votre compte. Et collez-moi un procès, j’en ai rien à foutre. » Il pointe l’encadrement : « Vous allez attendre que je vous fasse appeler comme tout le monde, et vous allez vous contenter de prévenir votre patron que vous ne serez pas à votre poste à l’heure, c’est clair ? DE-HORS. Et n’essayez pas de faire le même coup à un autre de mes collègues, j’vous préviens ! »

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Last man standing

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Anonymous
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Mar 15 Juin - 20:21 (#)

ALL BLOOD, NO TEARS.

Fallait bien l'admettre : il l'avait cherché.
S'il ne s'attendait pas à être reçu en grande pompe comme le prince qu'il n'était pas, il ne s'imaginait toutefois pas qu'il serait recadré de la sorte, par cet homme dont le flegme n'avait d'égal que son propre culot. S'il se contente dans un premier temps de hausser le sourcil et de tourner la tête vers le médecin, fasciné malgré lui par une telle tirade, l'instant suivant, il accepte d'obéir à l'injonction et se redresse. Son genou quitte le carrelage froid pour retrouver la posture debout, premier indice de son abdication à venir. En général, il aime gagner les joutes verbales mais pour cette fois, il devait admettre qu'il avait peut-être poussé le bouchon un peu trop loin.
Ses prunelles arctiques fixent calmement la silhouette aux gestes maîtrisés, et si les mots expriment une colère évidente, l'Estonien demeure surpris de l'absence totale de violence dans son attitude, comme si cet individu exerçait un contrôle parfait sur ses propres humeurs, et que même son monologue était contenu et mesuré. Une prouesse, pour celui qui peinait à dompter ses pulsions malgré sa quarantaine entamée.

Si l'envie le démange à plusieurs reprises de répliquer à son interlocuteur, l'arcaniste se mord toutefois la langue, s'empêchant ainsi d'aggraver son cas. Un silence s'étire dans la salle une fois la sentence proférée, et durant un instant, l'attroupement de blouses blanches pourrait croire que l'affrontement reprendra, que les répliques fuseront, qu'une intervention musclée sera exigée. Mais le Slave est bon perdant, et lorsqu'il entrouvre la bouche, sa respiration s'est amoindrie, et une légère honte s'est fichée sous sa poitrine.
« Okay… »
Son regard ne chute pas, il n'est pas homme à ne pas assumer ses torts ou à fuir l'adversité, surtout lorsqu'il a été le premier à taper du pied dans la fourmilière. Il y avait des provocations que l'on regrettait, que l'on souhaitait effacer. Son intrusion en faisait partie.
« Okay, désolé. J'suis… j'm'excuse, d'accord ? Pour votre journée de merde, pour ce gosse, pour mon attitude de connard. »
Il baisse légèrement la tête, hausse sa main libre pour lui témoigner la reconnaissance de son erreur, tandis qu'il effectue déjà un pas en arrière, afin de l'informer de son retrait imminent.
« J'sais bien qu'vous faites c'que vous pouvez, Doc, vous êtes pas le premier que j'rencontre à vous démener comme vous le faites probablement. C'est moi. J'retourne là-bas. Désolé encore pour le dérangement. J'sais pas ce qui m'a pris. »
En réalité, il savait très bien ce qu'il lui avait pris, et c'est cette compréhension sur son comportement odieux qui le fait reculer encore, jusqu'à tourner les talons et quitter la pièce, murmurant quelques pardon, pardon précipités pour disperser les représentants du corps médical aux aguets.

Le front baissé, il rumine entre ses dents serrées tandis qu'il retourne sur ses pas, remonte les couloirs vers la salle d'attente qu'il retrouve, toujours aussi bondée, toujours aussi bruyante, toujours aussi exaspérante. Il échoue contre un mur, diamétralement opposé à celui où le natif lui avait tenu le crachoir, et un soupir las accueille son corps immense et fatigué. Il voudrait dormir. Disposer de cette capacité à pouvoir sombrer dans le sommeil rien qu'en fermant les yeux, peu importe l'endroit, peu importe l'heure. Mais il n'y a pas de repos pour les vétérans. Pas de sursis pour les écorchés vifs.
N'était-il vraiment qu'un gorille bon à réparer les clôtures au fond du jardin ?
Avait-il à ce point atteint un niveau d'orgueil, qu'il en était capable de bafouer jusqu'à la profession qu'il respectait pourtant le plus au monde ?
Il se souvient du front. Il se souvient de leur base militaire.
C'est étrange, car celui qui l'avait opéré à cœur ouvert et sauvé de la mort ressemblait étonnamment à ce médecin qu'il venait d'agresser verbalement.

« Eh mais tu… tu chiales, mec ?! »
Ca c'est Carter qui se tient debout devant lui, le poignet de biais, et qui écarquille les yeux devant cette silhouette de géant prostrée au sol, dont il jurerait voir le coin des yeux scintiller.
« Non, j'suis allergique à la poussière, connard. »
« C'est Carter. Et on est à l'hosto, y'a pas d'pouss… »
« Mais ferme ta gueule, tu veux ? T'as pas compris que j'avais besoin d'rester seul, là ?! DÉGAGE ! »
Deuxième agression gratuite de la soirée, signée Serguey Diatlov.
L'air mauvais, il redresse le visage vers l'américain, que son faciès déconfit suffit à décourager d'insister. Grommelant quelque chose comme quoi deux paires de claques ne serait pas du luxe pour recadrer cet abruti sans éducation, Carter s'éloigne sans demander son reste.
Son radar à emmerdeurs activé, l'Estonien vérifie d'un geste discret la lisière de sa paupière basse. Pas d'humidité, et le contraire l'aurait surpris. Mais pourtant, cet imbécile avait perçu un changement dans son visage, et avait probablement aperçu, l'espace d'un instant fugace, cette tristesse lancinante brouiller la clarté de ses prunelles.

Les yeux mornes, il observe les mouvements précipités, les déplacements de brancards, sans jamais fixer la pendule, sans jamais porter de réelle attention à son environnement proche. Ses billes oscillent sans concentration, désertées. Il s'en veut de s'être adressé à cet inconnu de la sorte, d'avoir à ce point manqué de respect à un représentant de la médecine. Il voudrait demander à ce type de le rafistoler pour de bon, et lui raconter que ce n'est pas l'épaule qui le fait souffrir.
C'est cette incapacité à se réparer seul. A utiliser son don de reconstruction des corps, pour pouvoir restructurer sa chair, sans dépendre de qui que ce soit. Mais le voilà condamné à quémander un service – pas foutu de te rafistoler seul. Maussade, il grince des dents et ferme les yeux, s'efforce d'occulter le tumulte autour de lui pour se concentrer sur ses propres sensations internes, se reconnecter à ce qu'il a perdu depuis trop longtemps, sentir crépiter une étincelle, même la plus infime – cela me sauverait. Mais rien ne répond à l'appel désespéré de l'arcaniste amputé, et le vide dans lequel il se noie le ravage, tant et si bien qu'un poing rageur vient s'écraser dans le mur, faisant sursauter une mère de famille à quelques mètres de lui.
« Ca va pas non ?! Y'a des enfants ici ! »
Une plainte qu'il entend à peine, enlisé sous sa colère, colère envers lui-même, colère envers son impuissance, colère envers sa dépendance à un système qui ne lui correspond pas, ne lui correspond plus. Il s'enfonce le poing dans la bouche pour ne pas hurler, pour ne pas répéter son geste et attirer davantage l'attention sur lui, sans remarquer qu'il s'est mis à suer à grosses gouttes. Les minutes s'écoulent, douloureuses, sans qu'il ne parvienne à endiguer la crise. Le mal de tête le vrille, il tente de ne pas perdre pied, son front échoue dans sa large paume et les doigts entreprennent de masser les tempes palpitantes ; il tremble comme une grenade dégoupillée, la respiration encrassée et sifflante, la mâchoire tétanisée. Garde le contrôle.

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ADMIN ۰ Fear is the mind killer
Ian C. Calloway
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"Tomorrow is another day,
Today is another bomb."

En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
"You never thought we'd go to war,
after all the things we saw."

✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

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"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
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Mer 30 Juin - 3:00 (#)


Everyday is exactly the same
À quoi s’attend-il ? Peut-être à voir l’autre surenchérir. Apparemment, il paraît que la bêtise insiste toujours. Il ne se souvient plus où est-ce qu’il a lu ça. Il est prêt à en découdre, en dépit des apparences. Il sait qu’il ne cédera pas un pouce de terrain à cet énergumène, et qu’importe s’il doit quitter l’hôpital les pommettes bleuies, le contour des yeux noircis. Des blessures, il en a collectionné. Il en a récolté à la pelle. Elles ne lui font plus peur. Déterminé, il écoute le silence, lourd, retomber brièvement dans la pièce, que n’osent troubler les spectatrices regroupées ensemble, de l’autre côté du seuil. Mais rien ne se produit. Pas de gueulante. Pas de menaces physiques. Rien d’autre qu’une capitulation sans concession, qui le laisse lui-même presqu’étonné. Les traits de son visage se décrispent, ses pupilles tremblent, et ses lèvres manquent de s’entrouvrir. Ian Calloway, dressé fier dans cette blouse découpant sans mal ses épaules taillées, n’aura pas besoin d’en rajouter. Le message est passé. Alors seulement, il s’aperçoit qu’il en avait presque oublié de respirer. Il aspire discrètement une bouffée d’oxygène, sans décrocher son attention de l’homme dont il ignore le nom. La lucidité semble lui être revenue, subitement, et c’est bien ce qui ressemble à de la honte qu’il distingue, quelque part entre les prunelles plus si assurées et le menton bas. De son côté, encore électrisé par l’adrénaline, il ne bouge toujours pas, parfaitement immobile, tandis qu’il le voit battre en retraite. Quelque chose ne va pas. Il ne se sent pas désolé d’avoir professé pareille injonction, rappel à l’ordre bienvenu. Toutefois, il comprend très vite qu’il n’a pas eu à faire à un crétin sans cervelle. Un crétin aurait insisté. Il a cru entendre dans les bafouillements maladroits une pointe d’humanité qui le rassure presque, sans adoucir pour autant son jugement. Attitude de connard. L’expression est juste, et s’il n’acquiesce pas, il n’y a aucun doute sur son approbation quant au terme.
Mais le blocage continue. Il devrait se sentir plus satisfait que jamais de cette victoire de coq sur un autre. Pourtant, rien d’autre qu’une tristesse sourde tapisse son esprit, son humeur, son moral définitivement assombri par cette journée de malheur. Il devrait lui répondre. Il devrait prononcer quelques mots, pour ne pas le laisser partir sur une note aussi lapidaire. Trop tard. Le colosse a disparu, éparpillant au passage la volée de blouses pastel venues s’enquérir du conflit. Il n’accorde qu’un coup d’œil gêné à Vanessa Bulger, la rassurant d’un geste de la main léger, se détournant afin d’envoyer un message définitif : non, il n’a pas envie d’en parler.

Il n’y a rien à dire.

Souvent, la maxime lui est montée en tête. Pendant les pires moments, accompagnant certains de ses plus mauvais souvenirs. Images de cadavres vidés de leur sang, réalisant qui était l’auteur du crime. Dispute d’un père et d’une fille sous une averse new-yorkaise gelée. Draps autrefois blancs désormais imbibés, souillés pour toujours, eux comme le matelas, comme le lit, le sol, l’appartement même.

Parfois, il n’y avait rien à dire.
Il a besoin d’air, et c’est pourquoi il s’échappe, grimpe au plus haut pour parvenir jusqu’à l’une des terrasses réservées à la fois au public et au personnel, déserte à cette heure. En mauvais toubib ne donnant pas l'exemple qu’il est, il se grille une cigarette, et contemple le lointain ; la skyline modeste, le parking aux véhicules rutilants sous les derniers rayons du couchant, et les silhouettes plus ou moins claudiquantes, valides, guillerettes ou abattues qui circulent en contrebas. Il se souvient d’une discussion lointaine, en compagnie d’une jeune ambulancière farouche, encore jeune et vindicative. Pas épargnée par la vie, elle non plus. Veuve depuis peu, une histoire sordide. Une histoire de vampire. Il tire sur le filtre de sa cigarette, longuement, et pour la première fois depuis qu’il s’est levé ce matin, éprouve un semblant de paix, bien que frappée par cette mélancolie qui lui colle à la peau. Elle ne s’en va plus. Il ne se questionne pas à son sujet : il existe tant de raisons à ce mal-être persistant qu’il n’y a plus aucune utilité à les faire défiler, les passer en revue. Il les connaît par cœur. Il se sent enfermé, emprisonné, bloqué dans un schéma voué à se répéter indéfiniment jusqu’à ce qu’on l’ait à l’usure. Jusqu’à ce qu’il meure comme il l’a longtemps redouté : pris entre les pattes des Longue-Vies qu’il combat. Il vieillit. Peut-être que cela l’attriste aussi. Ses articulations tiennent le coup, son mode de vie et l’entretien effectué sur la mécanique du corps l’aident à ne pas tomber en ruines. Pas encore. Les Calloway sont des hommes résistants, solides, et même son frère ne s’est pas encore effondré. Néanmoins, il sait que tout a une fin. Que le jour viendra de la chute de trop. Du cœur trop éprouvé. Des réflexes amoindris. Il n’a pas encore osé aborder cette conversation avec son paternel. Par pudeur, par crainte, aussi. Comment amorce-t-on ce genre de conversation ? Comment pourrait-il lui demander ce qu’il a ressenti, le jour du retrait ? Il suppose qu’il éprouvera une pointe de soulagement. Celui de pouvoir enfin s’accorder le droit de vivre pour lui et pour lui seul, béni par un Dieu protecteur, lui permettant de faire de vieux os sans plus avoir à s’inquiéter de la blessure fatale, du plan mal préparé, de la peur au ventre. Alors pourquoi… ? Pourquoi cette appréhension ?

L’homme de science vient aussitôt à la rescousse de l’homme de foi. C’est normal. Depuis la nuit des temps, l’humain a toujours redouté de voir son crépuscule s’amorcer. Il n’échappe pas à la règle, et c’est avec humilité et résignation qu’il doit se plier, à son tour, à marcher sur la voie tracée par ses ancêtres. Il s’imprègne de ce mantra, conscient que se faire du mouron ne l’aidera pas à bien entamer cette cinquantaine qui se rapproche trop vite à son goût. Dans deux ans (deux ans, bon sang), il ne pourra plus moquer gentiment Sasha. Et ce n’est pas grave. Rien n’est grave. Seule la maladie et la mort valent la peine qu’on se ronge les sangs pour elles.

Fort de cette réflexion solitaire, il écrase son mégot dans le cendrier réservé, expirant une dernière bouffée de fumée grise qui s’évapore dans la brise chaude, devenue à peine plus supportable au fur et à mesure que le soir s’approche. Il accorde une dernière contemplation silencieuse à Shreveport, à Western Hill, doublée d’un sourire étrange, vague et destiné à la ville elle-même. Cette foutue ville qui l’avait kidnappé pour une peine aux contours encore indéfinis.

«  Ian ! »

Le médecin se retourne. Le visage bouffi par la junk food de Vanessa Bulger lui apparaît, étrangement rougi, le menton et les bajoues tremblotantes. Aussitôt, un frisson glacé vient annihiler la moiteur ambiante.

•••

Il se faufile au travers de la foule, un peu moins dense côté urgences. À son passage, les patients s’écartent. Il n’a jamais bien compris ni encaissé le respect conférant parfois à la vénération de certaines personnes à l’égard du corps médical. C’était comme s’il n’existait aucune nuance : paillassons ou dieux vivants, détenant destins et vies entre leurs doigts, par le pouvoir de leur diagnostic, la parole sacrée porteuse de tous les remèdes. Ni l’une ni l’autre de ces considérations ne lui plaisent. Il évite de s’y attarder, et promène ses prunelles en mouvement sur la vaste salle d’attente. Pendant un moment, il craint presque que l’homme ne soit parti, avant de tomber sur sa silhouette, ramassée contre le mur, à même le sol. Cette vision ne lui étreint peut-être pas la poitrine, trop aguerrie, mais elle suscite une émotion qu’il reconnaît sans difficulté. Il sourit de nouveau, cette fois à l’intérieur, invisible. « Ian Clayton Calloway, tu es un putain d’indécrottable. »

Il s’approche, marche d’un pas sûr vers le colosse visiblement éprouvé, et dont la plaie a fini de saigner, il le devine aux filaments cramoisis et séchés le long de son bras. Les deux mains enfoncées dans les poches de sa blouse, il se plante devant lui, de toute sa hauteur, en une attitude enfin délestée de la tension qui l’envahissait précédemment.

« Bonsoir. »

Avec aménité, il contemple le corps blessé, peu rancunier. « Si vous êtes toujours partant pour qu’on soigne cette épaule… je vais vous recevoir, maintenant. » Il ne le fait pas languir, se détourne comme il est venu, s’assurant uniquement de s’être bien fait comprendre, de quelques mots jetés vers l’arrière ; invitation aux allures d’ancre, de roc et de filin indestructible. « Vous venez ? » Sereinement, il le précède, remontant le corridor des urgences pour prendre l’escalier. Deux étages plus haut, et une volée de portes coupe-feu franchies plus tard, c’est dans une autre aile de l’hôpital qu’ils débouchent. Il fouille parmi son trousseau, déverrouille un battant qui n’est pas choisi au hasard : son nom et son prénom figurent sur le socle métallique fixé au mur. Il ouvre, s’écarte pour le laisser entrer à l’intérieur, et referme calmement derrière lui. « Installez-vous. Dites-moi ce qui ne va pas et ce qui vous est arrivé, pour que votre épaule se trouve dans un état pareil. Ce n’est pas très beau à voir. »  

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Last man standing

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Ven 6 Aoû - 20:05 (#)

ALL BLOOD, NO TEARS.

Aliénor détesterait cette respiration saccadée qui déforme sa poitrine.
Sans qu'il ne le sache, il fragiliserait cette image de roc inébranlable qu'elle possède de lui. Serguey, que rien n'érode. Serguey, que personne n'atteint. Serguey, immortel par orgueil et par bravoure illusoire. S'il savait qu'elle le croyait presque indestructible, il en rirait, d'un rire inextinguible, tant cette croyance aussi ridicule qu'attendrissante le secouerait alors. Parfois, il espérait qu'elle l'aperçoive dans des moments comme celui-là. Pour comprendre qu'il ne possédait rien de plus que les autres, que ces hommes qu'elle ne regardait même plus. Sa solidité était un mensonge, conféré par sa carrure imposante, un leurre pour toute âme désireuse de s'accrocher à lui, d'être entraînée dans son sillage. Mais il n'était pas ce colosse qui jamais ne flanche. Il n'était qu'un homme en proie à ses tourments intérieurs, livrant bataille avec ses démons. Écroulé dans ce hall d'hôpital, entre les malades et les blouses blanches, entre le devoir et la souffrance, il réalise cette chose fondamentale : rien ne le sauvera jamais. Il avait amorcé une longue descente aux enfers, et le fil de son existence était déjà bien trop entamé pour espérer inverser la tendance. L'accepter serait une douloureuse prise de conscience, mais paradoxalement, il n'y avait qu'ainsi qu'il pourrait se sauver de lui-même. Accepter d'être friable. Accepter d'être sur le déclin. Accepter qu'il ne guérirait peut-être jamais. Accepter de ne pas toujours gagner.

Car c'était bien cela qui l'avait amené ici, n'est-ce pas ?
Tu devrais le voir, toi dont les yeux sont habitués à décrypter les corps et leurs secrets.
Ce n'est pas la voix du médecin qui l'arrache à ses sombres ruminations, mais cette impression que cet homme pourrait l'ouvrir en deux, juste avec le regard, et lire en lui comme une notice pharmaceutique la liste de tous ses dysfonctionnements. Sans malveillance aucune, uniquement armé de ce professionnalisme inhérent à sa vocation. Presbytie précoce. Poumon atrophié. Alcoolisme notoire. Sevrage tabagique à envisager, compte tenu de la capacité respiratoire limitée. État de stress post-traumatique depuis la guerre. Orgueil déplacé et démesuré, dont j'ai pu effectuer l'observation directe quelques heures auparavant. Nerfs d'acier mais cœur d'argile. Et surtout, cette anomalie fondamentale, que les cursus de médecine ne nous enseignent pas. Navré, M. Diatlov, mais je ne peux rien pour vous. Rentrez chez vous.

Pour seule réponse, le corps éreinté s'arrache à sa position basse et il se redresse, annihilant la différence de hauteur entre sa personne et celui qui paraît ne pas lui en tenir rigueur, pour son comportement irrespectueux déjà effacé des mémoires. Une impressionnante philanthropie, malgré un cynisme évident, se dégage de cet homme. A moins que d'autres urgences n'aient accaparé ce brillant esprit dans le laps de temps écoulé, lui arrachant le souvenir de l'intrusion malvenue. Heureusement, t'as d'autres priorités que moi, Doc. Cette fois, il le suit sans broncher, sans esclandre, étonnamment docile pour quiconque le connaîtrait un tant soit peu. S'il remarque que le soignant l'entraîne dans une partie de l'hôpital qu'il ne lui avait pas encore été donné d'explorer, il n'en découle aucun commentaire de sa part. Pour l'heure, il se contente de marcher à sa suite, sans accorder d'attention particulière à son environnement. Les mouvements sont mécaniques, simple expression d'un corps en fonctionnement. Pas encore mort.

Lire le nom du praticien lui arrache enfin une réaction : un temps d'arrêt est marqué devant ce bureau où il est invité à entrer, comprenant qu'il a peut-être droit à un traitement de faveur, malgré la pagaille semée précédemment. Ses sourcils se haussent à peine, par-dessus un regard admiratif, et cette fois sa langue s'éveille et il ne peut s'empêcher de souligner l'événement. L'humour comme éternelle défense.
« Si j'avais su que gueuler de la sorte me donnait droit à une entrée V.I.P… »
Sans considération mielleuse ou déplacée, il se contente de jeter un œil intrigué à la pièce, beaucoup plus chaleureuse que celle dans laquelle il avait déboulé sans crier gare. Ses épaules se relâchent, évacuent une tension encore présente mais qui s'atténue à chaque instant supplémentaire passé dans ce bureau, en tête-à-tête avec celui qui demeure pour l'heure, un inconnu à la patience remarquable.
« Encore désolé, pour tout à l'heure. Même si j'vois bien que vous avez pas l'air rancunier. A votre place, j'aurais pas hésité à employer autre chose que du bon sens pour vous flanquer dehors. »
Il s'avance vers le siège face au bureau massif, sans pour autant oser s'y installer encore, craignant de salir le mobilier ou de tacher le bois ou le cuir. Sans qu'il ne parvienne à l'expliquer, cette idée lui est insupportable.

Alors il effectue quelques pas circulaires, porté par une hésitation évidente quant à la place à occuper parmi cet espace délimité, n'osant pas franchir la ligne invisible qui le conduirait derrière le bureau du médecin et par la même occasion, près de la fenêtre. Ce respect envers sa profession l'empêche de franchir cette limite, malgré son caractère audacieux, et il se cantonne alors à demeurer à côté de la chaise réservée aux patients et visiteurs, sur un sol qu'il piétine presque d'indécision. Debout, le tee-shirt ensanglanté toujours plaqué sur la plaie désormais asséchée, il en tamponne doucement les contours avec le tissu imbibé.
« Pas beau à voir ? Vous affrontez bien pire chaque jour. C'est juste mécanique. C'est chiant, mais c'est réparable. »
Pas comme le reste.
« J'suis obligé de vous raconter ce qu'il s'est passé ? J'veux dire, ça va impacter sur votre prise en charge ? Parce que j'en suis pas très fier. Et j'ai déjà pas brillé lors de mon entrée en scène, j'voudrais pas en rajouter une couche et que vous pensiez que j'suis qu'un… »
Il préfère ne pas achever sa phrase, son orgueil indéracinable jamais tout à fait évincé. C'est qu'il a tendance à écouter aux portes, le fourbe.

Les dents serrées, la mâchoire contractée de ce secret qu'il préférerait taire, il n'a pas besoin d'attendre sa réponse pour deviner qu'il lui doit au moins cela. Qu'il a déjà fait preuve de suffisamment de toupet et que son attitude incorrecte précédente aurait dû suffire à le bannir définitivement de l'hôpital public. Pourtant il se tenait là, face à celui qui avait accepté de le recevoir, malgré ses propos inconvenants. Alors il lui devait la vérité.
« J'me suis battu. »
La plupart de ses blessures, les guerres mises à part, possédaient cette situation initiale commune.
« J'avais picolé. »
Comme souvent, mais cela, il se garde bien de le lui préciser.
« J'suis sorti pour fumer une clope, et y'avait ces deux gars et cette nana qui emmerdaient cette fille. Elle avait l'air si jeune. Ils la houspillaient et ils se foutaient de sa gueule… à cause d'un truc. »
A cause de son pouvoir.
L'alcool aidant son esprit déjà échauffé par les propos des trois gaillards, la situation lui avait évoqué deux choses. Premièrement, ce début de harcèlement lui avait immanquablement rappelé sa première rencontre avec Eoghan Underwood, et l'injustice de la traque à laquelle le sorcier avait échappé de peu. Et il n'avait que peu de scrupule à faire manger la terre à de tels abrutis, tels que ceux qu'ils avaient tous deux mis hors d'état de nuire, dans le cimetière de Western Hill.
Et ensuite, cette fille ressemblait à la gamine qu'avait recueilli Zach. Douce, naïve, pas tout à fait prête à affronter les conneries du genre humain, mais pourtant déjà balancée dès le plus jeune âge dans la cruauté du monde, et qui devait lutter chaque jour pour se creuser une place à cause de sa nature si singulière.
Il n'en fallait pas davantage pour le révolter.

« J'voulais pas spécialement jouer les héros, mais y'a des injustices que je supporte pas, Doc. Ils étaient peut-être plus nombreux, mais j'suis fort. Et, ça va pas vous surprendre, j'ai tendance à ne pas faire les choses à moitié. Alors j'ai décidé d'aller leur coller une rouste. »
Il pose son regard sur la silhouette sereine du médecin. Il imagine mal cet homme sortir de ses gonds davantage que ce qu'il avait entraperçu quelques heures auparavant. Une attitude qu'il jalouse un tant soit peu, lui qui demeure incapable de contrôler son impulsivité, comme si l'âge refusait de lui accorder une sagesse qui lui serait pourtant nécessaire. Cette sagesse dont semblait disposer Ian Calloway.
« Ça s'est pas passé comme prévu. Malgré l'ivresse, j'ai facilement couché les deux types. Mais la gonzesse… »
Ce n'était pas glorieux à raconter, mais à présent qu'il était lancé, difficile de rebrousser chemin.
« Elle m'a éclaté une brique sur l'épaule, ça m'en a coupé la respiration. J'crois qu'elle visait la nuque ou l'arrière du crâne, mais j'l'avais sentie venir alors j'm'étais déjà à moitié retourné. Une force herculéenne. Pas humaine, j'disais à Carter. Et quand elle m'a sauté dessus et que j'ai vacillé, j'ai compris que j'avais aucune chance. J'crois qu'elle était prête à me faire la peau. C'était pas une femme que j'affrontais, c'était un animal territorial qui défendait sa meute. Bref, le gars de la sécurité du bar a rappliqué, alors elle s'est tiré, mais ça m'a quand même valu une défaite cuisante. »
Ce qui le courrouce évidemment, peu satisfait d'avoir manqué de peu de se faire déchiqueter, ou pire, par une probable fille de la Lune. Surnaturelle ou pas, il n'empêche qu'il avait sacrément dégusté.
Avec précaution, il écarte le coton ensanglanté de la blessure encore douloureuse pour la montrer à Calloway, retenant une grimace non pas de souffrance, mais d'orgueil bafoué.
« J'suis tombé sur le bitume quand elle m'a plaqué au sol, c'était dégueulasse, le quartier était pas des plus cleans, alors j'voudrais être sûr de pas avoir chopé une saloperie. J'ai enlevé le plus gros, j'ai viré les débris de verre et de brique, et j'ai désinfecté la plaie à la vodka avant de venir ici en taxi. Russian way. A votre tour maintenant. »

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"You never thought we'd go to war,
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✞ Deuxième fils d'une fratrie de trois. Cadet d'une famille de chasseurs aux traditions transmises par les pères d'aussi loin que la mémoire puisse remonter, dans les forêts d'Europe de l'Est ; racines plantées aux environs de Prague.
✞ Il tue les monstres, et particulièrement les Longue-Vies, Grandes-Dents ou fils de Caïn, qu'importe le nom qu'on leur donne : ennemi des vampires comme des lycanthropes, lorsque son frère aîné requiert son aide.
✞ Naissance à Boston, la cité-bloc balayée par les vents de l'Atlantique. Ville délaissée pour la chaude et discrète Baltimore, dans le giron des brumes de Poe. Ville adoptée, chérie comme Washington D.C.
✞ Sportif de toujours, ancien étudiant modelé par les matchs, les courses et les sauts ; a décroché une bourse pour l'université et n'a jamais cessé de tailler ce corps solide et agile lorsqu'il le faut.
✞ Il a prêté serment : docteur vouant son existence au soin des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants. Confident de tant d'inconnus qu'il en a parfois le tournis, rassure et prescrit, soutient infirmières et collègues. Mains assez robustes pour soutenir un grand gaillard mais assez tendres pour préserver un nouveau-né.
✞ Pilier des Calloway ; homme réputé pour sa dignité, sa réserve et ses colères froides. Gardien de tous les secrets, jusqu'au plus purulent. Cherche à préserver les fondations du clan par tous les moyens, malgré les humeurs des uns et des autres.
✞ Médecin de mort, employé pendant plus de dix ans au WFC, organisme financé par les bourses du PASUA pour expérimenter sur les hommes abandonnés par leur raison, comme sur quelques CESS (les limites de l'esprit et du corps). Vie de fuyard depuis l'effondrement du site et la mort de son collègue et ami, assassiné par leur Némésis.
✞ A recueilli sa nièce Nova Calloway, en conflit permanent avec un père vétéran du 11 septembre et une mère aux abonnés absents. L'a arraché aux gratte-ciel de New York pour Baltimore, et désormais Shreveport. Non-dits, et silences douteux.
✞ Espère trouver anonymat, soutien et protection à Shreveport, entouré d'anti-surnats, et passe sa vie à esquiver les conséquences d'une décennie de péchés, que son Dieu est pourtant censé tolérer. En attente du regroupement des Calloway en Louisiane.
✞ N'aime que la ville. Il hait le soleil et l'humidité permanente qui s'abattent sur tous les États du Sud, pour lesquels il ne voue absolument aucune affection. En recherche de repères, passant d'un quotidien presque insouciant à un bras de fer de tous les instants.
✞ Tempérance et liberté. Aime le genre humain, de ses défauts les plus anodins aux tordus dont il questionne les esprits (poursuivre l'œuvre commune le liant à Carl Weiss). Horrifié par le monde dans lequel il vit, sans se résoudre à lâcher prise sur les démons à combattre.

✞LAST MAN STANDING✞

All blood, no tears ♦ Ian & Serguey EossTie All blood, no tears ♦ Ian & Serguey ENSBj8G All blood, no tears ♦ Ian & Serguey DQLsZnr

"Tomorrow never comes until it's too late."

Facultés : ✞ Formé au maniement des armes à feu en tout genre : armes de poing comme armes lourdes, si les circonstances l'exigent.
✞ Ne craint pas le corps-à-corps ni les combats à l'arme blanche, même s'ils ne suscitent aucune appétence en lui.
✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
✞ Porteur d'une Foi qui guide son bras et protège sa chair vulnérable. Croyant tâchant de ne pas trébucher.
Thème : Unbreakable ✞ James Newton Howard.
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"That's our cosa nostra."

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Célébrité : Thomas Kretschmann.
Double compte : Eoghan Underwood, Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque & Gautièr Montignac.
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Crédits : Licorne (ava) ; Amiante (signa)
Ven 24 Sep - 4:33 (#)


Everyday is exactly the same
Pas de commentaires déplacés ou malveillants. Pas de bravades inutiles. Rien pour en rajouter une couche et s’enterrer dans une posture de sale con. L’homme l’a suivi, et c’est tout ce qu’il demandait. Le silence qui les a accompagnés ne lui a posé aucun problème, au contraire. Il n’était pas gênant. Plutôt paisible. Les épaules du praticien se sont détendues. Son sourire un peu moqueur, un peu taquin, tout en conservant une posture parfaitement professionnelle, est revenu adoucir les traits de son visage. Il pardonne bien volontiers à son nouveau patient un brin de gouaille à leur entrée dans le bureau. Il l’a mérité. Il s’est bien comporté, en attendant, même s’il ne se prive pas de lever les yeux au ciel pour la forme. Il remarque la prudence du colosse. La diatribe a produit son effet, ne peut-il s’empêcher de remarquer. L’homme l’aurait déçu, s’il s’était comporté avec une attitude de propriétaire. À la place, il se rassure en constatant qu’il avait raison : il ne semble pas foncièrement être un abruti. Seulement le genre de type à réfléchir après avoir ouvert sa gueule. Un mal trop répandu pour qu’il en conserve une rancœur éternelle. Pour sa part, il contourne son bureau et se laisse tomber sur son siège, réveillant l’écran de son ordinateur en secouant la souris, comme s’il s’agissait d’un rendez-vous pris de longue date, régulier. Il écoute les réticences du géant, lui accordant un bref coup d’œil en l’incitant d’un hochement de tête à lui conter bel et bien ce qu’il s’est passé. Il s’attend à quelque chose d’épique ou de complètement ridicule. Voire à un subtil mélange des deux. Les mains jointes près de son clavier, le toubib s’est tourné pleinement vers celui qui n’a pas encore décidé de s’asseoir, l’écoutant avec attention. Il contient un sourire. Là non plus, il ne s’est pas trompé. Épique. Un héros des temps modernes, sauveur de la veuve et de l’orphelin, rien que ça. Du style à foncer tête baissée dans les emmerdes si cela peut défendre les valeurs solidement ancrées. Ian Calloway respecte cela. Il ne moque pas le récit qui s’écoule entre eux deux, presque sensible à l’accent de l’Estonien qui insiste sur la fragilité de la victime défendue.

Malgré les détails susceptibles de dépiter profondément le médecin qu’il est, il parvient à rester superbement neutre, secouant toutefois la tête, abasourdi. « Et on se demande pourquoi les femmes vivent plus longtemps que les hommes… » Il se relève ; l’administratif attendra, et de toute façon, son interlocuteur ne souhaite visiblement pas s’asseoir en face de lui. Autant passer aux choses sérieuses directes. Il lui pointe la table d’auscultation sur laquelle il l’incite à s’asseoir, et entreprend aussitôt de se laver les mains avec un soin tout particulier.

« Vous aviez picolé, hein. Ça explique l’attitude de tout à l’heure en partie, j’imagine. Au moins avez-vous eu le temps de dessaouler un peu plus… monsieur ? » Un regard par-dessus son épaule. « Moi, vous le savez déjà. Je suis le docteur Ian Calloway. Et… il ne s’agit pas d’une entrée V.I.P. J’évite simplement à mes collègues de vous prendre en charge non seulement pour leur alléger le travail mais pour leur éviter une petite frayeur. Et puis, quitte à avoir échangé si plaisamment avec vous tout à l’heure, autant reprendre là où nous nous étions arrêtés. » Il essuie ses paumes, ne cachant plus son élan un peu moqueur. Il pointe l’épaule du doigt. « Mécanique ou pas, si vous ne souhaitez pas que le petit désagrément se transforme en gros tracas, on va regarder ça de plus près. » Il s’approche, allume une lampe dispensant la lumière froide mais absolument nécessaire pour lui permettre d’analyser la plaie de plus près. Si de prime abord elle ne semble pas sale, il sait qu’un examen plus minutieux sera nécessaire. « Vos vaccins sont à jour ? Vous avez un médecin traitant sur Shreveport ? Si non, je peux devenir le vôtre. Visiblement, ce genre de mésaventures vous arrive régulièrement ? » Pas de jugement. Jamais. Le constat est toujours neutre et péremptoire, mais rarement franchement cassant, surtout gratuitement. Après avoir enfilé une paire de gants chirurgicaux et un masque du même acabit, il se munit d’une pince fine, écarte à peine les bords fragiles de la plaie et se penche au-dessus de la béance. Il tique discrètement et entreprend de dégager les quelques gravillons qui se nichent toujours entre les chairs abîmées. Il œuvre avec une délicatesse coutumière.

« Vous avez sûrement dû avoir à faire à une CESS, en effet. Vous devriez vous montrer plus prudent. Ç’aurait pu être fatal pour vous. Même si le geste était noble, je le reconnais. » Le calme du bureau lui est plaisant, lui permettant de se concentrer parfaitement sur son travail, s’habituant sans trop de mal à la proximité de cet homme au physique impressionnant, et sur lequel il hurlait sa colère il y a encore peu. « C’est pas grave, pour tout à l’heure. C’était la journée de personne, aujourd’hui. Y’a des fois, comme ça. » Il humecte ses lèvres, serre les dents en peinant à retirer un minuscule éclat plus mouvant que d’autres. « Le gamin va s’en sortir. Je suppose que cela m’a rendu plus enclin à vous pardonner. » Il a du mal à ne pas sourire franchement, à cette pensée. Normalement, il ne devrait pas y avoir de séquelles. « Et sinon, vous m’avez toujours pas dit, finalement. C’est quoi votre boulot ? J’veux dire, à part vous la jouer Batman ou Superman dans les rues pour défendre les opprimés et vous prendre des briques sur la tronche ? C’était si important que ça pour vous mettre dans un état pareil ? » L’odeur d’alcool qui émane de la plaie est perceptible même au travers du tissu entravant son souffle. « De la vodka sur la plaie… Je rêve. Vous savez que c’est la pire chose à faire ? L’alcool a peut-être un effet antiseptique, mais on nettoie toujours une plaie à l’eau en premier. Là, vous avez juste brûlé un peu plus votre peau et j’pense que ça a pas dû faire du bien, en prime. »

Il prend tout le temps qu’il faut. Lorsqu’il se redresse après avoir enfin traité les risques d’infection en bonne et due forme, la blessure est enfin pansée dans les règles de l’art. Il jette masque et gants dans la poubelle tout en ponctuant : « Je vais vous prescrire de quoi vous traiter pendant quelques jours, au cas où. Vous semblez résistant, la cicatrisation devrait s’opérer sans problème, mais on ne sait jamais. » Il n’en a en outre pas terminé avec lui. Se plantant en face du bonhomme, il le toise de cet air scrutateur si reconnaissable : « Bon. Au-delà d’ça, vous n’aviez pas vu un Doc’ depuis combien de temps ? Besoin d’un check-up ? Autre chose à déclarer, peut-être ? »

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Last man standing

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Anonymous
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Jeu 17 Mar - 18:50 (#)

ALL BLOOD, NO TEARS.

Au point où il en était, il ne craignait plus le jugement, surtout de la part de celui qui avait accepté de l'examiner malgré ses écarts de conduite.
Et puis, qu'est-ce que cela changerait ?
Une claque dans la gueule, voilà ce qu'il méritait. Parce que ça faisait toujours son petit effet, autant que des mots cinglants qui recadrent ou qu'une vérité un peu trop précise. Car il en avait besoin, parfois, pour se recentrer et cesser de flirter avec les dangereuses limites nappant son existence, qui le séparaient encore d'un anéantissement définitif. Mais peut-être était-il déjà trop tard pour s'en soucier.
Peut-être avait-il déjà franchi le gouffre.

Étrangement, il avait vite oublié le lieu exact où il se situait. Non pas qu'il abhorre particulièrement les hôpitaux – bien qu'il évitait en général d'y foutre les pieds, mais là encore, c'était davantage l'orgueil qui parlait – mais plutôt qu'il se sentait mieux à s'imaginer dans un cabinet, sans toutes ces chambres avoisinantes, accueillant malade au repos ou mourants, sans ces salles opératoires qu'ils surplombaient, sans cette détresse et ces diagnostics parfois sans issue. S'il avait été un bon soldat, il aurait certainement fait un très mauvais médecin. Trop extrême, trop brusque, peut-être même trop empathe, au fond de lui. Tout le contraire de l'homme qui avait déjà compris qu'il ne prendrait pas place face à lui, de l'autre côté du bureau. Une pertinence qu'il saluait mentalement, en réalité soulagé d'échapper à certaines questions ou à certaines conventions – une perte de temps. Et Calloway était visiblement le genre d'homme à trier les informations nécessaires ou non, probablement pour se concentrer sur l'essentiel. Malgré l'épuisement, l'Estonien devinait qu'il avait face à lui quelqu'un de mesuré et dont il paraissait même émaner une certaine sagesse.
Ou alors, trop secoué par le choc, il délirait complètement.

Reprends-toi, Diatlov.
Un nom qu'il répète tandis qu'il s'installe sur la table d'auscultation, satisfait d'entrer dans le vif du sujet.
« Diatlov. Serguey Diatlov. »
Il l'observe se laver les mains avant de s'approcher de lui, puis s'installer, presque à son chevet, s'il avait été allongé. Il avait toujours aimé cette expression. Être au chevet des patients. C'était une image qui le touchait particulièrement, celle d'un homme penché sur un autre, à chérir sa vie comme s'il s'agissait de la sienne propre. Une dévotion à l'humanité qui l'avait toujours profondément ému, peut-être même bouleversé. Il n'en montrait toutefois rien, même s'il avait du mal à dissimuler sa fascination pour les gestes minutieux, découpés par une patience infinie. Malgré son tempérament fonceur, il était certain que s'il se posait là, dans un coin de la pièce, à observer Calloway travailler, soigner et rassurer toute une journée, il ne s'ennuierait pas une seule seconde.

La vue du sang ne le dérange pas, tout comme la sensation de brûlure qui crépite dans son épaule lorsque la plaie est écartée et assainie. Il tique légèrement, le visage parfois se trouble d'une discrète grimace qu'il ne cherche pas à réfréner. Aucune plainte. Difficile de ne pas deviner qu'il avait déjà dû endurer pire, à l'image du faciès imperturbable de Calloway qui menait la conversation avec une neutralité bienveillante, ce qui conforte le Colosse dans une idée qui s'installe de plus en plus solidement. Une certitude.
Toi, t'es un bon.
« Oui pour les vaccins, non pour le médecin traitant. Mais j'suis sûr que vous l'aviez déjà deviné, Doc. »
Perspicacité, bonté d'âme. Décidément, ce gars lui plaisait.
« C'est une bonne nouvelle, pour le gosse. J'suppose qu'on est soulagé quand tout se finit bien. Parce qu'on se détache jamais vraiment, hein ? C'est pas un boulot qu'on choisit au hasard. C'est une vocation. »
Un léger hochement de tête appuie ses propos. Il en est persuadé. Mais il enchaîne aussitôt, comme s'il ne souhaitait pas mettre son interlocuteur mal à l'aise.
« J'suis chef de la sécurité à l'aéroport. J'ai jamais manqué un putain de jour de taf, ni dans celui-ci, ni avant. Pas un seul retard, même un lendemain de cuite. Jamais. »
Autant dire que déroger à son code de l'honneur l'horripilait particulièrement, mais il s'y était résigné. Il préfère toutefois ne pas remuer le couteau dans la plaie et occulter sa contrariété par une pointe d'humour que le médecin n'appréciera pas forcément à sa juste valeur.
« Et vous seriez surpris de voir tout ce qu'on peut faire avec de la vodka, de là d'où j'viens. »

Il délasse légèrement ses épaules lorsque le praticien s'éloigne après avoir posé le pansement. Lentement, il expire entre ses lèvres entrouvertes. Les résidus de pression qui logeaient encore dans sa poitrine se décrochent lentement, comme des retombées nucléaires. Qui n'auraient nulle part où aller. Qui saliront ses entrailles, son bas-ventre. Il cligne des yeux pour chasser cette image morbide, relève la tête lorsque Calloway se plante de nouveau face à lui, avec ce regard qui en dit long.
Putain, il recommence. C'est pas le moment de flancher.
De son côté, il l'ausculte également, à nouveau sur la défensive, se sachant plus vulnérable que d'ordinaire – une sensation qu'il déteste, évidemment. Sans arrogance, il le jauge néanmoins, peut-être animé par une prudence primitive, celle de ne pas présenter le flanc blessé à un homme qui possède le pouvoir de réparer comme d'engendrer la douleur, de conserver comme de dévoiler les secrets les plus enfouis. Mais c'était aussi pour cela qu'il admirait les médecins. Parce qu'ils avaient ce choix, cette responsabilité, et qu'ils agissaient, pour la plupart, de la manière qui leur semblait la plus juste possible.

« J'ai l'impression que vous me disséquez. »
L'espace d'un instant, il est tenté d'analyser son aura, de le sonder à son tour pour déterminer la nature réelle de l'auscultation visuelle plus que soutenue qu'il subissait. Mais, par pudeur et par respect par sa profession, ou en réponse à la compréhension que le praticien avait eue à son égard, il décide de ne rien en faire.
Un soupir gonfle sa poitrine, il l'y cadenasse. Après tout, il fallait jouer le jeu, c'était bien pour cela qu'il était ici.
« J'ai pas vu de toubib depuis… »
Les images fugaces de la destruction de la base militaire tentent de se frayer un chemin jusqu'à sa conscience. Il se force à ne surtout pas clore les paupières.
« Longtemps. »
Une inspiration lente, un peu plus faible que les autres. La voix se refroidit, les sourcils se froncent. Il s'emmure derrière lui-même.
« J'suis un peu fragile des poumons. J'ai été opéré, y'a dix ans. J'ai une moitié de poumon qui doit dormir quelque part dans le désert irakien. »
Il ajoute aussitôt, anormalement verrouillé.
« J'ai pas envie d'en parler, c'est juste pour que vous le sachiez. »
Un regret, celui de s'exprimer si sèchement. Mais il sait qu'il n'est pas capable de se livrer à cœur ouvert. Un jour, peut-être. Et probablement pas dans un hôpital.
« J'devrais réduire le tabac, à cause de ça. J'y arrive un peu. J'picole, beaucoup. Mais ça, j'vais pas réduire. Et j'ai une presbytie précoce. J'vais être honnête, Doc, j'en ai sacrément honte, même ma zouz n'est pas au courant. J'étais tireur d'élite avant. Alors, vous comprenez… quand j'ai commencé à tendre les bras pour lire le journal, ça m'a foutu un coup. »

Conscient que ce dernier point sonne plus léger que le reste, il consent finalement à hausser légèrement les épaules et à décocher un semblant de sourire. Enfin, il se déride à nouveau.
« J'veux bien que vous deveniez mon toubib, Doc, mais j'aurais une question un peu indiscrète à vous poser. A vrai dire, ça m'a toujours torturé l'esprit. »
Parfaitement stable sur la table d'auscultation, le dos droit, il s'autorise à observer à son tour le visage étonnamment serein, malgré les horreurs dont sa mémoire devait être saturée.
« Vous, les toubibs, vous veillez sur nous comme des gardiens. J'me souviens, là-bas. D'ailleurs, celui qui m'a opéré, vous m'faites un peu penser à lui. »
Un sourire, sincère et attendri, cette fois.
« McKennitt. C'était son nom. »
Ses pensées ne s'égarent qu'un court instant avant qu'il ne reprenne, le bleu à nouveau fiché dans le bleu.
« Mais, vous ? Qui prend soin de vous, Doc ? Est-ce qu'il y a une femme, ou un homme de l'ombre, qui panse les blessures de l'âme, une fois que vous rentrez à la maison ? Est-ce qu'on se serre les coudes, entre toubibs ? Les médecins, c'est comme les soldats, on croit qu'ils sont inébranlables. Et puis un jour, ils se prennent le coup de trop, ils flanchent, et personne l'avait vu venir. Parce que tous les autres se sont toujours reposés sur eux, sans se soucier de ce qui soutenait la base sur laquelle ils s'appuyaient en toute confiance, pendant toutes ces années. »
Peut-être que lui-même n'était pas assez solide pour endurer cette réponse. S'il en existait une.

(c) AMIANTE

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Ian C. Calloway
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En un mot : Chasseur et Fils d'Abraham. Foi, Ferveur, Fardeau.
Qui es-tu ? :
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✞ Chasseur respectueux des traditions de son clan. Arme traditionnelle : arbalète aux carreaux d'argent. Terrain de prédilection via les chasses en hauteur et les pérégrinations casse-gueules sur les toits.
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Lun 2 Mai - 2:17 (#)


Everyday is exactly the same
Le Doc a remis les mains dans ses poches. Il faut dire qu’il s’agit de la posture la plus naturelle, pour lui. La seconde, c’est peut-être cette indéfectible attitude, quand il s’agit de soutenir le poids d’une arme lourde. Passer de la placidité à l’agressivité latente n’a rien de difficile pour lui. Cela fait partie de sa nature presque profonde. Ian Calloway est un animal sociable, tout en restant doté de formidables capacités d’adaptation, et d’une souplesse à toute épreuve, qu’il s’agisse de passer d’un État à un autre, de changer de boulot, de crapahuter sur des toits, ou même simplement dans un plumard. La souplesse est d’autant plus étonnante, au vu de la silhouette comme du tempérament, en apparence rigides comme la glace, de l’homme qui se tient toujours immobile devant son nouveau patient. Ce dernier s’ouvre enfin. Après avoir amadoué la tranche du livre au cuir pas assez fait, voilà qu’il consent à s’épanouir dans un craquement sonore, une décharge verbale posée, presque hypnotique, et à laquelle il ne s’attendait pas. Il écoute tout. Il entend tout. Il ne bronche pas, face à l’enchaînement de remarques, constats, observations et évocations qui planent désormais dans son cabinet. Il se passe quelque chose. Il se passe quelque chose de profondément humain, l’un de ces face à face qu’il sera incapable d’oublier, il le devine. Craignant d’interrompre le flux, de le voir se raviser, se refermer dans un claquement de pages résolu, il n’ouvre pas la bouche, le fixant presque sans discontinuer. Vriller un autre regard du sien ne l’a jamais dérangé. Il n’a jamais compris pourquoi sa mère trouvait cela impoli. Lui y a toujours vu la manifestation d’une volonté sincère : celle d’établir un contact qui ne se verra pas rompu à tout bout de champ, pour le premier prétexte qui passera.

Il prend le temps de gonfler ses poumons de l’air empreint de cette odeur de matériel médical, de produits qu’on ne trouve jamais ailleurs qu’à l’hôpital. L’éther n’est pas loin. Il ne trouve pas ces fragrances désagréables. Au contraire, avec le temps, elles sont devenues partie intégrante de son quotidien. Il n’y a que Nova pour lui rappeler que ce n’est pas normal. Que ces senteurs-là sont rattachées à trop de souffrance, à la peur de la mort, de la déchéance qui guette tous les hommes. Y compris des forces de la nature comme Serguey Diatlov. « Oui, vous avez raison. Je suis soulagé. Ça ne se finit pas toujours comme ça. » Il aimerait fumer. Il ne sait plus depuis combien d’heures il a pris son service. Il ne sait plus quel était son dernier repas, ni quand est-ce qu’il l’a pris. Il ne sait plus depuis quand il n’a pas fermé les yeux. Une profonde lassitude, pas désagréable elle non plus, lui tombe sur les épaules, remplaçant la tension et l’adrénaline l’ayant aidé à tenir debout jusque-là. « Il faut apprendre le détachement. Le plus vite possible selon moi, puisque vous me demandez mon avis. Certains toubibs l’apprennent trop tard, ou jamais. Pour ceux-là, je crois que c’est le plus difficile. » Cette posture le dérange. Il ne se sent pas vraiment légitime pour pérorer sur les états d’âme de ses confrères. Car qui est-il, lui ? Qui est-il pour estimer que les larmes d’un docteur demeurent futiles, handicapantes ? Peut-être est-ce lui qui n’est pas normal. Nombreux sont ceux qui lui ont reproché cette dureté parfois incompréhensible aux yeux des profanes. Ceux qui ne connaissent le monde médical que par le prisme d’une poignée de séries débiles dont il ne pourrait se résoudre à regarder un seul épisode. Tellement de mensonges. Tellement d’illusions, toutes créées pour berner la ménagère de moins de cinquante ans, pour rassurer la retraitée de soixante-quinze ans, pour habituer le gosse de moins de dix ans à croire que tous les médecins sont gentils. On naît, on soigne, on meurt bien dans les hôpitaux américains. À condition que vous ayez de quoi payer vos soins, cela va sans dire. « Certains choisissent ce métier pour l’argent. Le pire, c’est que ce ne sont pas forcément les plus mauvais. » Il pense aux chirurgiens. Il ne s’étale pas. Il ne débinera pas ses « collègues » gratuitement. Pas sans gasoil balancé sur une mèche.

Il lui sourit, sensible à ne pas les enfermer dans une atmosphère trop intime, ni étrangement douloureuse. Ils n’apprécieraient pas, cela. Ni l’un, ni l’autre, le devine-t-il. Il pointe son index dans sa direction. « J’vais faire mon Doc pénible, tiens. Votre « zouz », comme vous l’appelez… Je ne pense pas qu’elle aimerait savoir que vous êtes largement en train de vous bousiller les rétines. Vous n’êtes pas obligé de porter des lunettes. Si vous portez des lentilles, ça ne changera rien à votre charme de cador, et on continuera de vous admirer en train de rouler des mécaniques sans pouvoir se douter qu’un tel héros des temps modernes souffre en réalité lui aussi de son talon d’Achille. » Il ne le gronde pas vraiment. Il est le genre de soignant qui laisse les humains prendre leur destin en main. Certains y voient un manque de rigueur. Lui préfère le considérer comme une marge de manœuvre plus encline à convaincre que la simple menace de la baguette. « Plus sérieusement… vous devriez prendre soin de vous. Serguey Diatlov. » C’est un beau nom, pour un beau gaillard. Il se demande si cet homme lui aurait plu, rencontré dans un cadre on ne peut plus différent. C’est qu’il ne se pose plus guère ce genre de questions. Plus le temps. Moins l’occasion. Peut-être moins le cœur, aussi. « Je ne vous dissèque pas. Je vous observe. Et il y en a, des choses à observer. » Le Slave est une masse étonnante de muscles, de cœur et de fougue dont la mécanique, en l’absence de soins réguliers, doit probablement souffrir de quelques manques, çà et là. Un peu d’huile de coude, peut-être, pour graisser tout cela ? Il pourrait se retourner son propre conseil. Lui, c’est dans les rouages de ses sentiments, de son rapport à l’autre, qu’il y aurait besoin de graisser les engrenages. La clairvoyance étonnante du colosse le déstabilise un peu. Il ne peut blâmer sa curiosité. L’homme a l’air profondément entier. Le détachement doit lui être impossible, la plupart du temps. Comment a-t-il fait alors, en tant que soldat ? Il a dû souffrir, et pas uniquement par le biais des armes. Il pourrait contourner la question. Jouer à se planquer, à botter en touche. Mais s’il tente d’inverser les rôles, de se mettre à sa place, il songe qu’il n’aurait pas aimé voir son interlocuteur dévier la discussion. Alors, comme s’il était de toute façon beaucoup trop tard pour éprouver le moindre regret et tenter de maintenir en place des barrières inutiles, il lâche avec une simplicité toute personnelle : « Pas de femme ni d’homme de l’ombre, non. » Pas de vraie maison non plus. Mais ça, c’est une autre histoire. Il ne demeure pas insensible à la figure fantomatique d’un autre praticien, lui dévoué à la santé des militaires. Aurait-il été capable d’officier sur une base, lui ? Il l’ignore. Il trouve néanmoins touchant la manière de raconter de Serguey. Non pas enfantine, et cependant possédant ce brin minuscule d’une candeur juvénile qu’on ne s’attend pas à trouver, de la part d’un colosse pareil.

« Je fais ce que j’ai à faire. Un jour après l’autre. Tel est mon adage. » Son sourire se fait plus franc. Plus humain. Sous la blouse du Doc, c’est l’ancien habitant de Baltimore qui parle. Cet homme qu’il aimerait retrouver, plus que jamais. Il éprouve tant la sensation insupportable de flotter plutôt que de tenir, de survivre sans pouvoir profiter de ses dernières belles années. « Je ne fréquente plus aucun de mes confrères. Ce fut le cas, pendant très longtemps. Désormais, je tends à éviter de mélanger vie privée et vie professionnelle. Cela ne m’a pas vraiment porté chance, par le passé. » Il entend l’un des insupportables sifflements de Carl résonner dans un coin de sa tête. Il voudrait que le timbre grave de Diatlov fasse disparaître cette réminiscence malvenue. Il ne s’y habitue pas, malgré la profusion de souvenirs et de symboles qui le ramènent inlassablement au visage de son amant défunt. « Disons que comme dans tous les milieux, il y a de la rivalité. Surtout dans la recherche. Quant aux couloirs des hôpitaux… Je ne sais pas. Je ne me vois pas devenir ami avec mes semblables. Ça ne veut pas dire que je ne vous recommanderai pas à un ou deux spécialistes de ma connaissance. Vous ne pouvez pas rester sans surveillance ni soin. Vos fragilités, comme vous dites, nécessitent un suivi régulier. Et si vous devenez mon patient, je ne vous lâcherai pas avec ça. Vous êtes prévenu.  »

Sa mine presque narquoise vient démentir le rédhibitoire des paroles. « Parce que j’suppose qu’on ne soigne pas un poumon opéré à grands renforts de vodka, même là d’où vous venez. Puis d’ailleurs, c’est d’où que vous venez ? Je m’étais pas trompé, alors… Avec votre petit accent, vous êtes vraiment un parent éloigné de Vladimir Poutine ? » La boutade lui fait du bien. Elle tend à effacer les écorchures de leur accrochage précédent. Elle lui permet de renouer, même s’il ne s’agit que de quelques secondes, avec celui qu’il n’aurait jamais voulu cessé d’être. « Ça expliquerait aussi votre poste. Responsable de sécurité aéroportuaire, ce n’est pas rien. En tant que vétéran, vous devez être très respecté dans votre milieu. Ça explique beaucoup de choses, sur votre peur de faillir. »

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Last man standing

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Anonymous
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Mar 21 Juin - 14:37 (#)

ALL BLOOD, NO TEARS.

L'échange l'avait détendu. Malgré les odeurs propres à tout hôpital, malgré la nature de la discussion, qui d'ordinaire l'aurait retranché derrière de puissants mécanismes de défense. Même en compagnie d'Aliénor, il ne se serait probablement pas livré à de telles confessions. Et il savait qu'exposer ainsi certaines de ses fragilités, sans craindre que son interlocuteur n'identifie ses points faibles pour mieux les utiliser contre lui, n'était pas que lié à la profession de Ian Calloway. Car malgré une apparente imperméabilité, l'Estonien percevait quelque chose de foncièrement bon chez cet homme. Une sensibilité qu'il identifiait rarement chez ses pairs, surtout du côté masculin de l'humanité. Une qualité qui n'entachait en rien sa solidité ou, il le devinait, sa force de caractère. Car il fallait être robuste pour tenir, pour que les nerfs ne cèdent pas face à la détresse, pour que l'esprit ne se disloque pas lorsque les mains et les connaissances ne suffisaient pas à empêcher la Mort de faucher les âmes. Parfois si jeunes. Il repense à ce gamin qu'avait mentionné Calloway. Il en avait vu, des gosses tomber sur les champs de bataille. Il en avait imaginé, des veuves et des orphelins éplorés à l'annonce du trépas du pilier masculin de la famille. Désintégration de l'avenir. Morcellement de la sécurité et de la stabilité du foyer. Vivre avec un fantôme pour l'éternité. Etait-ce pour cela qu'il ne s'était jamais marié ? Pour ne pas faire subir cette éventuelle atrocité à ses proches ? Parfois, il aimait s'en persuader.

Mais en réalité, il n'avait rien d'un héros.
C'était elle qui l'avait quitté.

Faire ce qu'on peut, un jour après l'autre.
Pour tenir face aux atrocités et aux injustices, et ne pas se les prendre en pleine gueule.

Même s'il n'était pas surpris par les propos du toubib, il s'étonnerait toujours de la rivalité qui sévissait dans le milieu médical. Parfois, il aimait se borner à une certaine naïveté, s'imaginer que toutes celles et ceux qui se lançaient dans cette voie s'illustraient par des qualités profondément humaines et altruistes. Peut-être était-ce d'avoir surtout côtoyé les médecins du front, ou les détachements d'associations humanitaires qui le faisait percevoir préférentiellement les choses de cette manière, même s'il n'était pas dupe. Les énonciations de Calloway ne font que lui rappeler ce qu'il sait déjà, mais décide d'ignorer parfois. Aucun milieu n'échappe à la gangrène de l'orgueil et de la cupidité. Et surtout pas le corps médical.

Est-ce qu'il l'avait imaginé sympathiser avec ses confrères, trinquer après le service, s'illustrer en bande dans une activité sportive commune, côtoyer un même club entre diplômés de médecine ? Peut-être. En réalité, sans le discours sincère du docteur, il aurait eu bien de la peine à projeter quoi que ce soit sur lui. S'il percevait une forme de bonté d'âme, il peinait à l'imaginer dans son quotidien, ailleurs qu'entre les murs de l'hôpital. Encore une fois, sa curiosité d'arcaniste prenait le dessus et il souhaitait pousser la discussion plus loin. Tant qu'aucune barrière ne l'arrêterait, il pourrait converser des heures avec cet homme. Jusqu'à ce qu'il ne froisse sa susceptibilité ou sa pudeur.

Un soupir tandis qu'il lui étale toute sa mauvaise foi, à la mention de la solution pourtant idéale à sa fierté mal placée.
« Ouais mais moi j'le saurai, si j'porte des lentilles. Puis vous savez, parfois on est proches elle et moi hein, si vous voyez c'que j'veux dire. Vous êtes sûr qu'elle va pas le voir ? »
Il évite de mentionner que la nature de son amoureuse lui confère une acuité visuelle acérée. Ce n'est pas le genre d'information que l'on délivre lors d'une première rencontre. Et puis, il existe une pluralité de réactions envisageables face à une telle découverte, et il ne voulait pas prendre le risque de modifier la tonalité de l'échange.
Il opine du chef à la mention de son accent. Sur ce point-là, aucune raison de lui faire des cachotteries.
« Estonie. »
Il se sent obligé de préciser, ayant l'habitude des réactions perplexes des Américains face à ce pays inconnu au bataillon.
« C'est à l'Ouest de la Russie. J'y ai vécu un peu aussi, d'ailleurs. »
Un léger raclement de gorge tandis qu'il carre les épaules d'orgueil. C'est qu'il ne pouvait pas s'en empêcher, Serguey Diatlov, d'ériger sa fierté dès que l'on mentionnait une potentielle fêlure. Même si, dans le fond, il était parfaitement lucide quant à ses propres faiblesses.
« Et j'ai pas peur de faillir, Doc. J'suis comme le soleil : personne ne peut m'éteindre. »

Finalement, cela l'amuse d'être ainsi observé. Il s'habitue à ce bleu profond et insistant, qui paraît ne jamais relâcher son attention. Ce regard le flatte. Peut-être que Calloway partageait sa curiosité insatiable à l'égard des hommes. Peut-être qu'il était lui-même arcaniste. Mais le vétéran était trop fatigué pour se concentrer et effectuer une lecture d'aura. Une autre fois, peut-être. Même si, selon lui, cela violait bien davantage l'intimité qu'une discussion accoudés à un comptoir de bar quelconque. Et puisque, malgré les recommandations de son interlocuteur, il ne risquait pas de se repointer dans un cabinet médical de sitôt…
« Ça vous dirait pas qu'on aille se jeter un godet ou deux à l'occasion, vous et moi ? »
Il s'empresse de rajouter, tout en se penchant légèrement vers lui et en levant les mains à son attention.
« Pas aujourd'hui, évidemment ! Mais genre, la semaine prochaine, après le taf… Parce qu'on papote, on papote, mais l'heure tourne et vous avez peut-être envie de rentrer chez vous. Puis comme j'viendrai pas vous serrer la pince ici toutes les semaines, on s'verra pas souvent et ça m'attristerait. Vous allez l'air d'être un chic type. Puis vous m'donnez l'impression de passer votre vie ici. Faut qu'j'vous emmène vous aérer un peu l'esprit si j'veux que vous m'soigniez bien, pas vrai Doc ? Donnant donnant ? »

C'était sa façon à lui de le remercier. Pour sa patience, son tact, sa bienveillance. Peut-être que Calloway prendrait cette invitation comme une tentative de drague. Cela ne le dérangeait pas le moins du monde : au contraire, il s'amusait d'avance de la réaction que l'audacieuse proposition provoquerait chez son interlocuteur. Il ne serait pas surpris que ce dernier ait élargi ses horizons amoureux depuis bien longtemps, puisqu'il n'avait pas rechigné à aborder la possibilité qu'un homme puisse partager sa vie.
My gaydar is pinging.
Finalement, et ayant conscience que l'entretien médical s'était achevé depuis un moment et que la discussion prenait une toute autre tournure, il se lève afin de lui montrer qu'il n'a nullement l'intention de lui tenir la jambe plus longtemps, ni de lui forcer la main.
« Vous m'griffonnez vot' numéro sur un coin d'ordonnance pour des lentilles et on s'dit à la prochaine devant une binouze ? »
Œillade prononcée. Parce qu'il n'avait peur de rien. Parce qu'ils avaient tous deux besoin de cette légèreté. Parce qu'ils cherchaient tous deux à échapper aux pires tourments.
Parce qu'ils avaient bien le droit à un peu de répit, eux aussi.

(c) AMIANTE

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