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View on the lake - Dillon

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Fear is the mind killer
Ethan Roman
Ethan Roman
Fear is the mind killer
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En un mot : Humain
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Thème : Ohne Dich / Rammstein
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Mar 7 Juin - 20:35 (#)

Quelle journée de merde ! Enfin non, je devrais plutôt dire fin de journée. Les clients ont déboulé les uns après les autres, dans un rythme infernal, tous de mauvais poil, juste parce que la météo présentait un ciel gris et une atmosphère lourde et pesante. Une moiteur particulièrement dense, faisait coller les vêtements à la peau. Ecouter les plaintes incessantes des gens, jouer l’éponge, compatir, acquiescer et courir pour que le véhicule du prochain bonhomme soit prêt à temps. Jusque-là, rien d’anormal, c’est un peu mon lot quotidien et pour lequel j’ai signé. La nature humaine ne finira jamais par m’étonner, ils ont tout pour être heureux, un toit au-dessus de leur tête, un boulot, de quoi se remplir la panse, mais ça ne leur suffit pas. Que veulent-ils de plus ?

Couché sur mon lit, au Motel The Lucky Star, le regard planté dans le plafond d’un blanc immaculé, un bras en guise d’oreiller, je cherche à comprendre la manière de fonctionner de mes semblables. Mais aucune réponse cohérente ne me vient. Lorsque j’étais ado, nous n’avions pas grand-chose, mais le peu qui était nôtre, nous l’apprécions. La télévision, accrochée en hauteur, murmure des nouvelles qui ne sont pas bonnes. Et si, pour une fois, on parlait des trains qui arrivent à l’heure ? Si on nous montrait le bonheur d’un enfant jouant avec un vieux pneu à le faire rouler dans la terre battue ?

Ma main passe sur mon front, mes doigts frottent mes yeux puis se perdent dans mon cou, là où Il a laissé ses marques de griffures. Sur mon avant-bras flotte encore la trace de ses phalanges, mélange intéressant de bleu et violet. Il me la tellement serré que j’ai cru que mes os allaient se briser. Et au niveau de ma hanche, un magnifique hématome, qui va mettre quelques semaines à disparaitre, ça, c’est quand il m’a bousculé après que je lui ai dit, de manière subtile que les choses n’étaient pas aussi avancées qu’il le souhaitait. Il n’a pas compris pourquoi je n’étais pas dans mon ancien appartement, pourquoi il y avait maintenant un cinquantenaire qui a élu domicile, là où je vivais avant. Du moment où j’étais parti, le proprio a estimé qu’un logement vide n’était pas rentable. Il s’est empressé de me remplacer. De toute façon, je prévoyais de déménager, plus proche du garage, là où je passe le plus clair de mon temps. Après, faudrait que je me renseigne de combien coûte une piaule à l’année dans ce petit motel. Le ménage est fait régulièrement, y’a la clim et surtout, y’a une vraie salle de bain que je suis seul à utiliser. J’ai branché mon écran géant et mes consoles, y’a une cafetière, le parking est gardé et y’a un troquet juste en face, de l’autre côté de la nationale. Et le tout, en bordure de ville. Je peux pas rêver mieux.

J’ai même pas pris de douche encore, trop abasourdi par la présence du vampire que je n’ai pas vu entrer, qui a dû se faufiler dans le garage avant que je referme le lourd rideau métallique. Ce salopiot devait être à l’affut, prêt à me sauter sur le râble pour me soutirer des informations que je ne possède pas. J’ai besoin de temps, ne peut-il pas comprendre cela ? Les choses ne se font pas à la minute, je ne peux pas aller frapper aux portes, me présenter et les inviter à prendre le thé dans ma piaule ! Il va bien falloir qu’il s’y fasse et c’est pas en me bousculant qu’il arrivera à de meilleurs résultats. Je suis en colère, contre Yago, contre les vampires qui jouent de leur supériorité face à laquelle, un simple mortel comme moi, ne peut se défendre. J’aimerai en parler à Nicola, mais je crains les retombées. Il y aurait bien la solution de se mettre sous la protection du vieux caïnite, mais je ne suis pas certain de pouvoir, de vouloir accepter les conséquences que cela implique. La fuite, changer d’état, de pays, recommencer, encore. Non, j’ai des amis ici. Un soupire profond s’extirpe de mes lèvres, apportant une grimace douloureuse sur mon visage. Je relève mon t-shirt, trouvant sur mon flanc un nouvel hématome au niveau des côtes, ravivant ma colère contre cet être de la nuit.

Trop de questions, trop d’incertitude et surtout trop de risque pour ma petite vie de mortel.

J’étouffe dans cette chambre, soudain devenue trop petite. J’ai besoin de sortir, de vider mon esprit, de faire autre chose que de ruminer sur ce petit con de Yago. J’attrape ma besace qui contient mon carnet à dessins, crayons et lampe frontale. Après vérification, mon téléphone est chargé à 84%, tout va bien. Clef en poche, je claque la porte, laissant l’écran de la télévision allumé et sors sur la passerelle du premier étage. L’air est doux pour ce début de soirée, une brise légère efface la moiteur de la journée. La vue n’est pas terrible, elle donne sur le parking, les voitures collées près des chambres du bas. L’Amérique dans toute sa splendeur. Une famille décharge justement leurs bagages. Ceux-là ne resteront pas, ils ne sont que de passage. La petite chouine, le môme dort, le chien suit le mouvement. Parfaite petite famille. Pensées jalouses. C’est mal et surtout moche de ma part, qui habituellement vois les choses d’un bel œil.

Sangle en travers du torse, épargnant les contusions douloureuses, je croise une sibylline blonde que je salue d’un sourire chaleureux. Elle est belle, très même. Son regard clair, me rappelle l’eau qui s’échappe de la roche, pure et fraîche. Je lui ai déjà adressé la parole, évasivement, sans consistance, des paroles simples, sans lendemain. Elle doit vivre ici, comme moi, mais je ne connais pas son prénom et encore moins sa vie. Pourquoi je ne l’invite pas à boire un verre, là maintenant tout de suite ? Pas ce soir. Peur d’essuyer un refus ? Peut-être. Je lui glisse toutefois deux mots discrètement.

- Bonne soirée

Mes joues s’empourprent, je remercie intérieurement la nuit qui me protège de cette stupide timidité. Les escaliers sont dévalés, me sentant terriblement ridicule. Contournant le bâtiment, je me retrouve à l’arrière du motel qui fait face à la nature brute. Depuis la minuscule fenêtre de ma salle de bain, j’aperçois une petite mare. J’ai appris à mes dépends, qu’il ne faut pas s’aventurer dans le bayou, la pénombre arrivée. Mais là, je suis juste à côté de la civilisation, il ne peut rien m’arriver.

Au bord de l’eau, les bruits de la route sont effacés, il ne reste que les chuchotis de la nature qui s’éveille. Des lucioles scintillent dans un fin bourdonnement. Les feuilles des arbres, à peine éclosent, bruissent légèrement. Je prie pour que serpents et autres reptiles soient déjà dans les bras de Morphée. Mes pas sont intentionnellement lourds, cherchant à les faire fuir.

J’avise une souche et m’y installe, l’ayant au préalable inspectée, vérifiant que les fourmis ou autres bestioles multipattes ne s’y soient pas implantées. Assis, je sens chaque muscle de mon corps se détendre lentement. Yago est relégué aux oubliettes, la quiétude me gagne. Le carnet et un crayon sont sortis, la page ne demande qu’à être noircie.

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Anonymous
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Sam 25 Juin - 12:25 (#)


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Mars 2021,


Pythie errante. Cadence d’un corps se mouvant lentement dans les ombres, fantôme de l’oubli, elle erre pour ne pas avoir à se déposer dans sa chambre, s’ennuyant de tout, lasse de vivre. Les monticules de ses pensées absorbent sa concentration. Dans les rives d’une forêt touffue, elle se laisse prendre par les divagations de son esprit morcelé de souvenances, ses pas dénudés foulant une terre humide dans laquelle la plante de ses pieds se morfond. Kaleb n’est pas loin, la mirant sans mots, observant cette dame blanche poursuivre son chemin, sans ligne d’arrivée ni ligne de départ, sans chemin, sans objectif. Elle avait besoin de sortir, d’aérer son corps autrement qu’au bord de la rambarde donnant sur le parking du vieux motel dans lequel elle a élue domicile, besoin de découvrir un autre monde, besoin de dévorer la chair surtout. Une main effleure les veines rugueuses d’un arbre, doigts râpant la carne de bois pour s’y alanguir un instant, observant les lieux sans les voir, à la recherche de quelque chose qu’elle ne trouvera pas. Les mois passent et toujours pas d’Ava dans son sillage, rien qui ne puisse l’aider à la retrouver dans la masse des vampires s’agglutinant dans un Shreveport maudit. La teinte d’une profonde tristesse s’empare soudainement du visage de poupée opaline, laissant son regard s’abaisser vers la terre, morsure ignoble du chagrin l’étreignant soudainement. Elle qui pensait toujours vivre à ses côtés, ne jamais perdre sa main même dans une foule agitée, qui s’imaginait crever à son flanc un jour où l’aube viendrait filtrer d’une chambre dans laquelle elles se seraient endormies pour y mourir ensemble. Elle avait promis. Promis de ne jamais l’abandonner mais voilà Dillon Ó Shaugnessy bien seule désormais, perdue, paumée même pourrait-on dire. Sans Sire, sans amante. Sans mère, sans père, sans patrie. Qu’a-t-on à faire d’une errante comme elle qui n’a plus rien à quoi s’attacher ? Ce soir, la mélancolie mord comme une vipère affamée la peau de nacre et les yeux manqueraient de s’embuer d’une virulente tristesse, la faisant pleurer sans larmes. Quelques fils blonds et pâles s’accrochent à l’écorce de l’arbre contre lequel elle s’est appuyée, arquant la nuque pour mirer le ciel au-dessus d’eux en cette nuit qui semble si paisible, si douce mais où le silence est roi. Aucun mot ne s’échange entre eux alors qu’elle aimerait tendre la main vers lui, retrouver un peu de cette chaleur humaine qu’elle sentait en étant encore vivante, se calfeutrer dans le giron d’une étreinte et ne plus jamais en sortir. Quelle infamie que cette vie dans laquelle elle se prélasse sans but. « La lune est belle ce soir. » dit-elle alors de sa voix porteuse de mystères et de prières silencieuses. « Nous la regardions ensemble autrefois. » confie-t-elle en murmures disparates, osant élever une main comme pour décrocher l’obole de cet astre luisant et donnant à son visage la pâleur cadavérique de la morte qu’elle demeure, faisant briller le clair obscur de ses yeux bleus. Ses doigts se recourbent comme pour attraper le ciel et le froisser dans son poing, sans succès évidemment. Une goutte de sang retombe, un rayon lunaire dévoilant alors la trogne maculée de sang, quelques larmes vermeilles pleurant de son menton, tachant son menton et sa bouche large. Elle a dégusté une pauvre fille qui passait par là, la laissant allongée parmi les feuilles mortes et les brindilles, les yeux ouverts et morts sur le même ciel qu’elle continue d’observer, d’admirer. Un sourire délicat s’esquisse, ne dévoilant pas les crocs qui se cachent sous la lèvre supérieure, fermant les yeux comme pour savourer l’odeur du sang, l’odeur de la mort qui rôde tout autour d’elle. « Rentrons. » Et Kaleb demeure silencieux, la regardant avec toute la pitié du monde, voyant en elle cet ange déchu qui n’a plus aucun lieu où aller, qui finira, fatalement, par crever dans un coin, sans personne pour pleurer cette défunte enfant perdue.

Les pas les mènent jusqu’à la voiture et l’oriental ressert ses doigts autour du volant, prenant la route jusqu’au motel où ils rentrent, tendant une lingette pour bébé à la passagère qui accepte bon gré mal gré d’essuyer son menton, ses lèvres, son visage où quelques billes de sang se sont dispersées. Admirant son reflet dans le rétroviseur, ses cheveux balayés par le vent nocturne, elle se poinçonne de son regard harassé de tristesse, caressant un instant sa bouche, comme si elle se découvrait pour la première fois dans la psyché salie de poussières. La peau est douce, les lèvres pleines, le regard étoilés de larmes qui ne couleront pas. Ce soir, Dillon est faite de la plus pure des afflictions. Les bordures du motel s’offrent bientôt à eux et elle dépose un pied nu et sale sur le béton crasseux pour mieux virevolter jusqu’à sa chambre. En chemin, une ombre s’esquisse devant eux, croisant leur chemin. Les salutations la frôlent et elle cille, sentant une odeur bien particulière coller à cet humain qu’elle n’a vu que rarement par ici. Son flair est chatouillé par le parfum de l’antique qu’elle ne connait trop bien et tandis que l’homme passe près d’elle, elle se détourne pour le regarder s’éloigner, descendant les escaliers menant à l’endroit qu’ils viennent de quitter. Les yeux qui étaient alors luisants de larmes ne coulant pas se mettent à briller d’intérêt, cillant encore tandis que la voix de Kaleb résonne enfin « Tu le connais ? » L’œillade qu’elle lui offre est pleine de curiosité. « Non. Mais il porte l’odeur de Yago. C’est étrange. Est-ce un de ses calices ? » Kaleb lui-même détourne la tête pour regarder la silhouette s’éloigner mais il finit par se retourner vers elle, déposant sur ses épaules une veste en laine bien désuète, inutile pour un corps ne ressentant plus le froid. Les yeux se plissent sous son toucher et elle se recule, laissant retomber la main mate qui s’était déposée sur elle. « Je n’ai pas froid, idiot. » « Je sais. Mais cette veste te va bien. » Elle le mire, l’affronte de son regard froid avant qu’un ricanement ne lui échappe, vicieuse et amère. « Ne fais pas ça, je t’ai dit. » « Quoi ? » Il la défie du regard, ose à nouveau l’affronter sans plus que la peur ne sillonne la mer noire de ses prunelles. Elle s’en étonne et reste un instant muette, le pendentif offert de ses mains oscillant sous son mouvement. « Je ne suis pas ton amante. » Le visage du fils de l’Orient de froisse, fronçant les sourcils, contrarié. « Nul besoin d’être mon amante, Dillon. Tu es bien plus pour moi. » Son cœur aurait raté un battement s’il avait été encore capable de combattre sous ses seins frêles mais rien ne bouge si ce n’est ses paupières, le carillon d’un chant mortel montant dans les ombres. Elle panique, brutalement incapable de le regarder, passant près de lui en le percutant de son épaule, ne le faisant valser d’à peine quelques centimètres, poursuivant le chemin emprunté par l’humain. Rassasiée, elle n’y va pas pour la chasse, simplement pour la curiosité.

Elle le découvre devant un point d’eau, assis, un calepin sorti, le fusain s’agitant lentement sur le papier. Enfant curieuse, elle se penche à peine pour saisir ce qu’il dessine avant de s’avancer encore pour observer les lieux, les mains nouées sur ses reins, gamine n’ayant rien à faire là se présentant pourtant à ses côtés. « Bonsoir. » dit-elle, comme avec un temps de retard depuis qu’il le lui a dit tout à l’heure. « La nuit est belle ce soir, n’est-ce pas ? » Toujours cette odeur, effluves de celui qui devint, un soir, un allié mais il n’est plus celui d’Aliénor, plus réellement, ayant rejoint le flanc de son Sire. Que fait-il ici ? Qu’a-t-il fait à cet homme pour qu’il sente son odeur ? Sa tête se détourne à peine vers lui tandis qu’elle avance encore, trempe un premier pied boueux dans l’eau, l’ourlet de sa robe se mouillant avant qu’elle ne plonge le deuxième, danseuse à la chorégraphie délicate esquissant quelques pas dans l’eau avant qu’elle ne lui fasse à nouveau face, croisant le bleu céruléen de ses prunelles. Deux lunes qui vrillent son regard et un sourire manque de revenir sur ses lèvres, amusé par cet air innocent que l’homme a sans le vouloir. La veste retombe au creux de ses coudes, dénudant ses épaules où les fines bretelles de sa robe tiennent à peine, son corps famélique flottant toujours dans ses habits. Et lentement, elle se laisse choir dans l’eau, déposant ses coudes sur ses cuisses, délaissant son menton dans le cocon de ses mains, l’admirant comme un esprit de l’eau venu pour le hanter tandis que l'eau imbibe le jupon de sa robe s'étalant en corolle blanche autour d'elle. « Quel est ton nom ? » La tête se penche à peine en un mouvement effrayant, loin d’être humain, prouvant qu’elle n’appartient déjà plus à ce monde. « Que fais-tu ici ? » Et il ne comprendra sûrement pas la question dans le bon sens mais toutes les réponses l’intéressent, ses yeux suivant ses mouvements sur le calepin sorti sans plus voir les esquisses qu’il y grave, plus curieuse que jamais.  


(c) corvidae
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Mar 16 Aoû - 16:32 (#)

Une petite lampe frontale éclaire le papier immaculé. Rien que le fait d’être là, entouré de cette nature vierge m’apaise. Les insectes s’en donnent à cœur joie, vrombissant à qui mieux mieux. Quelques grenouilles croassent et se font un festin de tout ce qui passe à portée de leur langue. Manger ou être manger, le cycle de la vie, tout simplement. Je n’ai pas de pitié pour ce fait, personne n’est éternel, même pas Nicola qui, un jour viendra, verra également son trépas. Une luciole, plus courageuse que ses comparses, vient se poser sur ma main, étirant mes lèvres dans un infime sourire. L’extrémité de son abdomen luit, éclairant faiblement mon doigt de cette étrange clarté verdâtre. Ephémère, son existence se tarira comme sa lumière dans peu de temps. J’agite mon index, elle s’envole, je la suis des yeux puis la perds parmi sa multitude de congénère. Noyée dans la masse, avalée par les siens, la rendant anonyme, alors qu’une minute plus tôt, elle était l’unique effrontée à oser explorer mon derme.

La colère bouillonnante fait partiellement place à la mélancolie devant ce triste état de fait. Un jour nous brillons sous les feux de la rampe et l’autre nous pataugeons dans la fange de l’humanité. Bien que, en ce qui me concerne, je n’ai vu le bonheur que furtivement. Garance, tu étais ma luciole, celle qui s’est introduite dans ma vie, lui donnant un sens. Mais c’était trop court, beaucoup trop court. Je soupire, il me reste que les souvenirs et la joie caustique qui agresse sans cesse mon cœur, de t’avoir connue. Mon chemin n’est pas fini, je dois continuer sans toi, même si tu hantes perpétuellement mes pensées.

Des traits sombrent naissent sous ma main, une mare éclot, les racines de la mangrove se perdent dans l’ondine, les saules trempent leurs branchages langoureux dans les eaux sombres qui bordent les troncs imposants. Mes pensées sont focalisées sur la création de cet univers que seuls mes yeux voient. L’inanimé prend vie sous les crissements du crayon grattant le papier. Absorbé par le réel et sa reproduction, je ne vois pas, je n’entends pas.

Voix humaine et féminine, l’écran se fissure. La flore ou la faune me salue, auraient-elles appris le langage des humains ? Je retombe sur terre, pressent une présence, vois une ombre, bien plus immobile que les jeunes pousses s’agitant sur la berge poussée par la brise nocturne. La solitude m’a abandonné. Je sursaute, mon cœur s’emballe et ma respiration rate une inspiration. De peu, je manque de tomber de mon siège improvisé et me lève rapidement. Hébété, je la regarde en battant des paupières avec une vague impression d’avoir déjà vu son visage d’opaline quelque part, braquant ma lumière sur son faciès. Crétin, tu l’aveugles ! Précipitamment, j’éteins ma petite lampe, rendant à la nuit son obscurité, nimbée de ses éclats argentés. Le ballet des insectes semble s’intensifier à l’abri des veloutes d’ombre mais il a perdu tout son charme. Bêtement, je réponds d’une voix lointaine, me demandant si c’est bien moi qui parle.

- Oui, superbe nuit.

Ma phrase est conne, tout comme moi qui reste planté là, comme si je venais de voir apparaître un fantôme. Les rouages de mon cerveau se remettent lentement à tourner et je tends instinctivement la main vers la demoiselle, cherchant à la retenir pour qu’elle ne tombe pas. Mais c’est peine perdue, elle pénètre dans la mare, intentionnellement. Je grimace, imaginant toutes les bestioles qui peuvent s’y trouver.

- Tu devrais peut-être pas… on sait pas…

Le son de ma voix flotte, reste en suspension puis se meurt dans l’oubli. Je me tais, son regard est posé sur moi, impérial. Je me sens tout petit face à cette nénette qui rafraîchit ses petons. C’est quoi encore que cette illuminée ? Sauf qu’elle ne s’arrête pas là et qu’elle continue à avancer dans l’eau brunâtre. J’ose même pas imaginer ses pieds s’enfoncer dans la vase, puis jaillir entre ses orteils.

- T’es sûre que tu veux te baigner là ? C’est plein d’insectes, peut-être même plus, genre de grosses bêtes avec pleins de dents. Tu veux pas sortir s’il te plaît.

Inquiet et nullement l’envie de voir son petit corps déchiqueté par des mâchoires puissantes, teintant l’ondine en lie de vin, je dépose mes effets sur ma sacoche et lui tends la main, l’encourageant de mes doigts. Sans oublier qu’une confrontation directe avec les forces de l’ordre, devant leur expliquer pourquoi il ne reste que le… la… hum… (comment qualifier le vêtement qu’elle porte ?) chemise de nuit, de la miss, me pose un gros problème. J’ai déjà vécu cette scène, dans un autre monde, un autre temps, hors de question que je remettre ça.

- Viens, s’il te plaît. Je pense avoir gagné mais c’est tout le contraire qui se produit, elle s’agenouille. Non ! Viens, sors de là, je t’en prie.

Ce n’est pas tant l’incongruité de la situation qui me préoccupe mais bien les prédateurs qui louvoient dans le bayou. Mon regard vole aux quatre coins cardinaux, cherchant désespérément à percer l’obscurité. J’ai appris, depuis peu, à décrypter le vagissement de l’alligator, son que je n’entends pas, mais qui pourrait bien surgir dans mon imagination débordante.

- C’est pas un endroit pour faire trempette… Tu veux bien sortir ?

Mon ton est implorant, frôlant la litanie. Mon cœur se contracte à un rythme rapide, je sens mes battements bourdonner dans mes oreilles et frapper mes tempes. Pourquoi fait-elle cela ? Les lucioles affolées par l’intrusion humaine forment un large rayon autour de la baigneuse, signifiant que l’intruse n’est pas la bienvenue.

Et malgré l’inquiétude grandissante, je la trouve belle, magnifique même. Naïade perdue dans les marécages boueux. Sa chevelure dorée formant une corole presque lumineuse sous les rayons argentés de l’astre nocturne.

Deux questions s’échouent, me laissant plus perplexe que jamais. Bouche légèrement ouverte, dans une mimique faciale certainement idiote, je lui rends son regard en m’immobilisant.

- Hein ?

C’est une sirène ! Elle souhaite m’emmener dans les profondeurs du bayou afin de m’y dévorer. Je pince les lèvres à cette stupide pensée, m’empêchant de rire. Ce n’est pas le moment. C’est une de mes voisines, qui comme moi, a échoué au Motel. Je l’ai croisée, y’a moins d’une voir deux heures et elle était bien sur ses deux jambes. Elle ne se dandinait pas sur des nageoires.

Un moustique vrombit dans le creux de mon oreille, mettant fin à ce besoin irrépressible de la sortir de l’eau. D’un geste de la main, je chasse l’insecte en battant l’air avec que peu de résultat. Je passe finalement mes doigts sur mon crâne, tout en cherchant d’apaiser mon palpitant qui retrouve un semblant de quiétude. Toutefois, l’appréhension reste présente.

- Heu, je m’appelle Ethan et j’étais venu me changer les idées.

L’air s’emplit de ma voix, endormant les tourments qui hantent mon esprit. La confiance gagne du terrain et je m’enhardis.

- Je griffonne, ça me fait oublier les soucis du quotidien, même s’ils sont insignifiants. J’ai un toit au-dessus de ma tête, j’ai de quoi remplir ma panse et j’ai un taff qui me plaît, donc bon, j’peux pas m’plaindre.

Sourire minime. Excuse ou ponctuation terminant ma tirade ? Je ne saurai le dire. Je passe d’un pied à l’autre, ne sachant pas trop si je dois l’encourager, une nouvelle fois, à se mettre au sec. Bien que, vu la couleur de la tenue, je me dis que c’est peut-être pas si mal, si elle reste dans la flotte.

- Et toi ? C’est quoi ton prénom ? Tu vis au Motel, non ? On s’est croisé tout à l’heure, tu t’en souviens ?

Pas que je la prenne pour une demeurée, je remets juste les choses en place.

- Tu viens souvent faire trempette dans cette… mare ? Tu sais, y’a des endroits vachement plus beaux pour se baigner. Bon ok, c’est plus loin, mais là… enfin je sais pas si l’eau est vraiment propre, ici. Tu veux pas sortir, ça serait idiot qu’un croco grignote une de tes gambettes.

Nouvelle tentative. L’idée qu’un prédateur somnole non loin, ne me quitte pas. Un sourire plus franc anime mes traits.

- Si tu veux, je t’emmène dans un endroit beaucoup plus approprié pour un bain de minuit. Ca te tente ?

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