Comment on aborde une fille ? Il ne s’était pas posé cette question depuis le collège, peut-être, et pourtant Dieu sait qu’il n’avait pas cessé de s’interroger sur les mécanismes psychologiques attribués au beau sexe, non sans se ranger derrière les préconceptions rassurantes censées cloisonner son propre genre d’avec le leur, parfois bien mystérieux. Bien des choses aujourd’hui avaient basculé, qu’elles s’apparentent à un bond dans le vide vers l’inconnu ou bien qu’elles aient ce goût des acquis perdus, des expériences invalidées, ou de ce qu’on croyait savoir faire ou dire et qui n’a plus de sens. Comme pour retrouver une partie de ces choses-là sous une masse méphitique de débris de lui-même, il arpente régulièrement les rues où s’épanouissent les belles-de-nuit. Et dès la première fois cette question a resurgi des profondeurs de son adolescence pleine de vaillance, la voix d’un gamin qu’il avait perdu de vue et qu’il s’est étonné de retrouver, alors que tout disparait si vite depuis sa damnation. Alors, comment on aborde une fille ?
Comment fait-on, quand on sait qu’on les aime, qu’on s’est autrefois repu de leurs charmes au point de parfois les froisser, et qu’on voudrait retrouver cette ivresse… mais qu’on sait d’instinct qu’on ne boit plus de ce vin-là parce qu’un autre, infiniment plus fort, nous en a ravi le goût ? En général, il ose à peine les regarder. Ou alors, de loin, avant de décider s’il passe par cette rue ou une autre ; parfois il reste un peu, dans un coin d’ombre avec une clope entre les doigts, juste trahi peut-être par son incandescence intermittente. Pas longtemps, parce qu’il ne veut pas leur donner de fausse impression – bonne ou mauvaise, elles le sont toutes. Fausses, comme cette assurance parfaite qu’il avait jadis de ne jamais, de sa vie, pouvoir se passer de leurs corps. Il stagne, dans le cloaque du mal-vivre, dans un de ces nids de vices tristement ordinaires. Juste le temps de faire une pause dans son errance, et de les voir échanger leurs places ou quelques mots, de se laisser aller à écouter la manière dont les autres hommes s’adressent à elles et qu’il trouve presque toujours gauche voire dégueulasse, sans jamais savoir comment lui, il s’y prendrait. Évidemment que parfois, ça lui fait penser à un rayon boucherie : il y a du frais, du moins frais, du maigre, du gras, du noble ou du bas-morceau. Il se dit que ça lui fait un peu la même chose, au fond ; il voudrait bien consommer mais ça fait un bail qu’il n’en a plus les moyens, en plus de cette inexplicable réticence qui le saisit quand il y pense. Et il s’en veut un peu de penser à elles de cette façon, mais pas autant qu’à ceux qui collent des baffes à leurs gagneuses quand elles n’ont pas assez turbiné. À ceux-là il mettrait volontiers la tête sur un billot, pour voir s’ils courent en cercles ensuite.
Toujours il repart traîner ses guêtres ailleurs, certaines fois en passant devant elles et en déclinant timidement toutes leurs approches, pour que ni lui ni elles ne perde son temps en vaines transactions. Elles ont du courage, ou doivent être déçues de leur soirée, pense-t-il alors, car quelle nana voudrait vraiment se taper un client comme lui, dont la gueule crie un quotidien aux cent violences dépareillées, et tout le reste l’évidence de poches définitivement trouées ? Il hausse les épaules. Après tout, il ne se voit qu’à travers une paire d’yeux qui haïssent profondément ce qu’ils examinent dans le miroir. Un reflet qui le toise avec un mépris vindicatif, comme pour lui seriner qu’il aurait pu être une bénédiction dans la vie de beaucoup, qu’il n’aurait jamais baissé les bras à ce point, avant. Avant tout ça. C’est tout de même fâcheux quand le seul avenir auquel on aspire est derrière soi.
Et puis pour se donner tort, il a fini par s’y essayer. Il rôdait comme d’habitude, et cette fille, blonde, menue, jeune et provocante, elle était seule sur son coin de bitume. Elle avait un parfum de poison comme les fleurs de pavot. Son accent l’avait surpris – elle avait roucoulé quelque chose qu’il n’avait pas retenu parce qu’il ne pensait pas, sur le coup, qu’elle accepterait de lui parler, à lui. Lui pour une fois moins dérouillé que d’habitude, lui qui entamait l’une des nuits les plus mornes, sous la nouvelle lune. Ces nuits-là, il les aimait autant qu’il les subissait : l’Autre s’endormait, désertant le jour en laissant derrière lui une lourdeur de plomb sur les épaules de son hôte, et son œil gardien n’était plus si avide de prétextes à sortir de la torpeur dans les ténèbres. Zach se sentait homme, un homme défait à un degré tel qu’il se reconnaissait à peine, mais déjà tellement plus similaire à ce qu’il songeait avoir été. C’était aussi les nuits du manque. Le manque absolu, le vide intérieur, l’horreur de l’ennui ponctué de quelques soupirs de soulagement.
Il avait donc baissé vers elle des yeux rougis de fatigue où luisait peut-être encore un peu le fond de ses pupilles cocaïnées, et sans aucune idée de ce qu’il voulait vraiment lui dire, il avait hésité comme un gosse qui demande un bonbec. Elle n’avait pas bronché, elle avait enroulé son bras autour du sien, et l’avait entraîné jusqu’à une chambre où la chaleur étouffante était chargée d’un parfum de femme cachant mal les stigmates du stupre. C’est là que la réalité l’avait rattrapé. Il n’était plus un homme, et son corps se chargeait bien de le lui rappeler. Quand le monstre tapi sous sa chair lui fichait la paix, c’était ce qu’il s’infligeait à lui-même pour s’en prémunir qui le condamnait à demeurer cette effigie creuse, résonnant des échos morbides du chant de ses démons. Elle était désirable, mais il ne la désirait pas assez. Elle était douce, mais pas autant qu’un shoot d’héroïne. Elle était belle, mais pas autant que ces paradis de cristal dont la fumée dessine des arabesques létales. Le constat lui fit mal et il la repoussa aussi aimablement qu’il put, incapable d’en parler. Il ne voulait pas partir. Il ne voulait pas qu’elle lui rende son argent. Il aurait voulu savoir comment s’amender de cette grotesque déception, il aurait voulu savoir comment lui rendre ses attentions et quelles caresses lui prodiguer, mais lorsqu’il regardait son corps c’était comme contempler un mannequin dans une vitrine – alors qu’elle était là, bien là, sa peau filant sous ses doigts comme une onde tiède, ses cheveux d’or encadrant un visage qui se souciait de lui alors qu’il l’aurait souhaitée aveugle, garder pour lui cette honte qui signait tout du nom de l’impossible. Une heure s’était ainsi déroulée sans qu’elle ait à esquinter son corps pour lui. D’abord pris dans sa gêne comme dans un piège à ours, il s’était laissé surprendre par la maestria de la jeune femme, dont les gestes moins intrusifs et les mots plus légers étaient parvenus à calmer cette brûlure lancinante. Peut-être, au fond, n’avait-il pas besoin de plus. « T’es parfait pour une fille comme moi : tu payes pour avoir des bisous, et t’as de gros bras pour éloigner les salopards » avait-elle plaisanté, avant qu’il ne rebondisse sérieusement sur ces justes paroles.
Et c’est comme ça que M. De Castro avant fini par lui donner rendez-vous. Pour cette raison que Zach, en cette nuit de décembre, se retrouve au pied d’un immeuble de Stoner Hill, pour une fois pas sapé comme s’il revenait d’une plongée dans un broyeur à ordures. Les fringues sont clean, sans déchirures, et le bonhomme peut presque en dire autant, à une ou deux marques près. Il a attendu cette entrevue comme s’il devait passer devant le juge – quelque part, c’est la première fois depuis des lustres qu’il se pense en mesure de garder un job, probablement parce qu’il se dit qu’il faudra plus qu’une mandale pour qu’il se fasse virer, cette fois-ci. Ou en tout cas, c’est ce qu’il espère, inexplicablement projeté en pensées dans l’exercice de fonctions dont on ne l’a pas encore nanti. La porte grince un peu sur ses gonds quand on l’ouvre devant lui, et il a presque le réflexe de se baisser en passant l’encadrement, sans en avoir réellement besoin. C’est que l’endroit, pourtant pas si exigu, l’oppresse malgré l’éclairage cru et l’espace qui demeure entre lui et la silhouette impeccable de l’homme qu’il imagine tenir dans une main sa chance, et dans l’autre le mépris. Il y a aussi les crampes, encore discrètes, et une légère nausée anticipée par le stress, qui menacent de faire surface – peut-être seulement dans quelques heures, il espère : il s’est refusé à ses muses délétères pour ne pas compromettre le dialogue avec le proxénète, mais il les sait à l’affût, impatientes de le rappeler à leurs charmes toxiques.
On l’invite à prendre place en face du maître, il obéit, déjà soumis au moindre mot. Intérieurement, il a le culot de demander à Dieu de ne pas trop s’amuser à coller des peaux de banane sur le chemin de sa rédemption.
ADMIN ۰ Spirit l'étalon des plaines:crack boom hue!
❂ONLY GOD FORGIVES❂
"It was your doom."
En un mot : Patron du Syndicat du String.
Qui es-tu ? :
"No solo de pan vive el hombre."
❂ Proxénète, tenant en longe les filles mues par la loyauté pour les unes, le besoin de protection pour les autres. Chef d'un cartel restreint mais uni.
❂ Descendant d'un père et homme fou, voué au mauvais sort des griffes d'une sorcière furieuse ; malédiction transmise dans le ventre de la mère : garou-étalon à la robe sombre.
❂ Né au Mexique, dans la terrible Ciudad Juarez. A grandi parmi ces terres arides, au sable rendu gluant par le sang des sacrifiées massacrées à la frontière. Orphelin abandonné par le père ; Christa Reyes est venue grossir la liste des disparues.
❂ Jeune pousse cultivée par la bonté des hommes et femmes d'un presbytère qui ne le fait pas rêver, bien que sa Foi persiste. Ses songes se tournent vers les terres d'Amérique. La fougue de l'adolescence le pousse à se saigner aux quatre veines pour un voyage sans retour.
❂ Feu bout de chair à canon ; prostitué par les ritals du gang de San Diego : le prix à payer pour la traversée infernale. Retrouvé par Miguel de Castro, chef du cartel de Phoenix et oncle bienfaiteur.
❂ Habitué à vivre parmi les hommes vulgaires, bavards et brailleurs ; parmi les filles impudiques, jalouses et bruyantes. Se sent à l'aise partout et nulle part, capable de se fondre dans la masse comme de s'imposer dans une foule.
❂ La fuite précipitée d'Arizona et la mort du Parrain l'ont conduit à diriger là où il n'aspirait qu'à obéir. Ses ambitions demeurent encore modestes ; recruter cerbères et fleurs des pavés. Reconstruire.
❂ Hanté par le secret qu'il ne partageait avec personne d'autre que Miguel. Se débat jusqu'à l'épuisement à chaque pleine lune sans qu'aucun espoir ne vienne briser cette roue de torture.
❂ Parasite une partie de Stoner Hill et ses ruelles pourries par le stupre et la misère (Phoenix street). QG presque chaleureux, dans un immeuble cédé une bouchée de pain par la ville. Bureau, cantine, lupanar et seconde demeure, quand il ne réside pas à Pinecrest.
❂ Aime la nuit, les balades en moto, partager du temps avec les filles et les hommes autrement que pour aboyer des ordres et prendre les choses en main. Timidité masquée de détermination et d'humour.
❂ Supérieur d'Erynn Driscoll, Sumire Matsuhime, Maria Parado et Zach Solfarelli.
❂ LOS MUERTOS VIVOS ESTAN ❂
"Ay amor me duele tanto."
Facultés : ❂ Il fend l'air depuis tout gosse. Pour les courses les plus innocentes entre les cultures de Ciudad, comme pour attraper un train en marche, filant vers des cieux espérés moins cruels.
❂ Force légèrement accrue de par sa nature de garou, planquée derrière une silhouette haute et longiligne.
❂ Formé à la mécanique par les gars de son oncle ; capable de démonter et remonter un moteur les yeux fermés. Préférence pour les deux-roues, mais amateur de belles bagnoles.
❂ Toujours armé. Répugne à tuer, mais n'hésite pas à se servir d'un flingue. Réputé pour l'élégance étrange de ses meurtres, pendant la "guerre" de Phoenix.
Thème : Land of All ❂ Woodkid
❂ SMOOTH CRIMINAL ❂
"Could I ever call this place home?"
Pseudo : Nero
Célébrité : Jon Kortajarena.
Double compte : Eoghan Underwood, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le basculement d'une année à l'autre provoquait sans cesse l'émoi. Bientôt trois ans que le Cartel avait survécu à sa Chute. Trois ans qu'il s'échinait à les préserver, puisant dans des économies de plus en plus maigres pour assurer aux quelques hommes qu'il lui restait et à la bonne quinzaine de filles de quoi subsister, se loger, se vêtir. Jusqu'alors, il s'en était bien sorti. Maria s'évertuait à lui dire de lever le pied, de respirer et de s'arrêter, rien que pour constater l'évidence : ils avaient réussi. Il avait beau sourire, il avait beau acquiescer et faire preuve de bonhomie – après tout ses filles gagnaient bien et déployaient de beaux efforts pour ne jamais rentrer sans un pécule un tant soit peu honorable – quelque chose ne passait pas. Il n'avait jamais pris le temps de digérer ces trois années d'exil. Quitter Phoenix lui en avait coûté, et pas uniquement parce qu'il s'était attaché à son mur de chaleur sèche, délectable, lui rappelant sans peine les propres contrées de son enfance. Il s'était épris de la hacienda comme de cette bulle de secret perdu, à l'écart de la ville, où tous résidaient dans une harmonie somme tout relative. Évidemment que des engueulades persistaient. Les filles qui se gueulaient dessus en accusant l'une ou l'autre du vol d'un string ou d'un rouge à lèvres, les gars qui pariaient tout et n'importe quoi – parfois jusqu'à une nuit avec leur propre épouse – et les lieutenants qui passaient leur temps à faire la police, à faire taire les gueulantes, à réduire l'électricité et la tension à son strict minimum. Au sein de ce joyeux bordel chapeauté par son oncle, il s'était épanoui, avait trouvé une place digne et avait appris des choses. Des choses concrètes. Il s'était accroché, malgré les moqueries, à la religion, qu'il n'estimait pas contraire à leurs activités illégales. Bien sûr, tout n'était pas rose. Bien sûr qu'il avait déjà vu certaines filles se prendre une trempe. Parce qu'elles étaient allées trop loin. Parce qu'on les avait soupçonnées d'un double-jeu dangereux. Parce qu'elles avaient touché à la came, au point de ne plus y voir bien clair. Mais elles n'étaient pas traitées comme des animaux. Il en avait longtemps parlé avec Marisol, inquiet de trouver la faille dans son discours, de découvrir que son monde était bâti sur la faille immense que dénonçaient tous les bien-pensants de New York ou de Los Angeles. Exploitation, soumission, violence, viols à répétition... Rien de tout ça. Certes, leur existence était difficile. Rigoureuse. Mais combien de fois celle dont il s'était épris lui avait assuré qu'elle serait partie, si les conditions s'étaient avérées cruelles ? Et comment son propre oncle, qui l'avait sorti des griffes italiennes, aurait pu appliquer leur modèle pour celles qu'il côtoyait en tant que protecteur, ami et parfois, confident, sous son nez ? Comme du papier à musique, le rôle de tous était garanti par un respect des règles, une compréhension parfaite de la mission de chacun, de chacune.
Il n'avait jamais pris le temps de faire le deuil. Il n'avait jamais eu le temps de pleurer Marisol. Parce que leur couple trébuchait. Parce que Miguel lui avait mené une guerre sans merci, lui répétant jusqu'à l'écoeurement qu'il ne le laisserait pas épouser et engrosser une prostituée du cartel. Il avait fallu attendre sa mort pour que l'idée, enfin, prenne corps dans sa tête. Quel avenir, pour eux deux ? Quelle progéniture ? Et, par ailleurs, comment aurait-il pu oser transmettre ses gènes maudits à un enfant, lui infligeant les milles sévices et douleurs qui parasitaient ses nuits et ses pensées ? Même Marisol ne savait pas. Même face à elle, la honte s'était avérée trop puissante pour qu'il ne dépose la confession à ses pieds. Miguel était mort en emportant le secret de leur lignée avec lui, et depuis personne n'avait suffisamment trouvé grâce à ses yeux pour qu'il s'évertue à confesser pareil secret. Depuis presque trois ans donc, quoiqu'entouré en permanence de ses gagneuses, il vivait dans une solitude abyssale et supportait de plus en plus difficilement l'environnement principalement féminin dont il s'entourait nuit après nuit. Il était temps de recruter de nouveaux hommes de main. Après les nouveaux locaux dégotés dans Stoner et qui permettaient aux filles de ne pas se cantonner au racolage de rue, il comptait rafraîchir le vivier d'hommes dont il disposait, notamment après le départ prochain de deux d'entre eux. Gabriel avait besoin de soutien. Et lui aussi. Voilà comment Erynn l'avait mis sur la piste du dénommé Zach Solfarelli. Rien que le patronyme lui avait fait froncer les sourcils de méfiance, mais la force de persuasion de la putain l'avait suffisamment convaincu pour le rendre curieux.
Voilà comment, en ce mois de décembre effervescent, il se retrouva à ouvrir à l'énergumène à la tronche burinée. Peu enclin à le juger sur sa seule apparence, il évita de le fixer trop longtemps, l'invitant plutôt à le suivre et à rejoindre le « bureau » aménagé. En silence, il l'incita à s'asseoir, et se laissa glisser de l'autre côté de la table, sans se laisser aller à vautrer son corps fatigué au fond du cuir. Le blazer noir qui taillait ses épaules pour lui donner une carrure plus solide ne rivalisait guère avec celle de son vis-à-vis, malgré son mètre quatre-vingt dix. Il n'était donc pas question de faire preuve de mollesse, ni de le laisser prendre un avantage implicite sur l'échange, avant même que ce dernier n'ait réellement commencé. La pièce était dénuée de tout signe fastueux. Il réservait les frasques et les éléments de décoration kitchs aux chambres de ses filles, qui les aménageaient comme elles l'entendaient. Aucune ne s'appropriait véritablement la leur, étant donné le roulement permanent ; entre celles dont la nuit serait vouée au repos, et celles qui préféraient ramener leur « proie » du soir au bercail, par sécurité. Pour les autres, Gabriel rôdait, le portable chargé et vibrant régulièrement de messages destinés à le tenir au courant du moindre événement suspect ou de circonstances, et le thermos de café rempli à ras-bord. Il lui vouait une confiance totale, et c'est pourquoi il s'attacha enfin à décrire l'homme venu louer ses bras et sa trogne. Une trogne qui avait vécue. Il le lisait sans peine au fond de ses yeux, même s'il n'était pas sûr d'apprécier ce qu'il croyait y distinguer. Ses joues burinées, ces prunelles profondément enfoncées, le rassuraient sur un point : il n'avait pas affaire à un enfant de cœur. Tant mieux. « Solfarelli, hein ? » Une main soutenait sa mâchoire, soulignant sa lèvre inférieure, tandis que la gauche demeurait posée sur le bois, sur lequel il pianotait à peine. « Rital ? Si Rital, je prends pas. C'est non-négociable. J'ignore si elle vous l'a précisé. » Et connaissant Erynn, il y avait peu de chances. « Elle m'a dit peu de choses sur vous, en réalité. Seulement que vous cherchiez du travail. J'vous garantis pas une paye extraordinaire dans les premiers temps. J'ai besoin d'assurer mes arrières. De... budgétiser, si on peut dire. » Mal à l'aise avec cet aspect du recrutement – recrutement dont il n'était lui-même guère un professionnel, il poursuivit : « Parlez-moi de vous. D'où vous venez ? Pourquoi vous pensez pouvoir bosser pour moi ? Qu'est-ce que vous savez déjà ? » Il embrassa d'un geste léger de la paume la pièce autour d'eux. « Si j'vous donne le job, c'est pas pour vous virer du jour au lendemain. Alors vous avez intérêt à être motivé pour nous rejoindre. Notre crédo est simple, mais primordial pour nous. »
D’abord il resta dans cette posture d’évidente soumission qui le menait auprès du maître des lieux. Identifiable sans mal dès le premier regard, le bonhomme n’étais soit pas du genre à se faire précéder par un porte-flingue, soit à court de gars pour soigner le décorum de parrain en devenir auquel on aurait été en droit de s’attendre. Zach, au long de ses errances, en avait croisé plus d’un qui se perchaient sur un trône qu’il ne pouvait lui-même s’empêcher de questionner intérieurement. Prétendue ou factuelle, la puissance inhérente aux codes de tels milieux lui échappait encore en partie, lui qui n’avait jamais souhaité s’en approcher plus que de raison. Lui qui, jusqu’à aujourd’hui, précisément, aurait craché un rire dédaigneux à la face de quiconque lui aurait prédit une carrière si éloignée de ses idéaux premiers.
Mais il était impossible de se tromper sur le rôle du latino lui faisant face, quoi qu’il en soit, et pour cette raison l’ancien soldat, qui souvent ne témoignait plus de cette appellation que par le flux d’une veine presque éteinte, avait courbé l’échine avec la déférence du condamné qui passe devant le juge de la dernière chance. Il ne se formaliserait pas de l’examen auquel il se sentait soumis. Il se savait lui-même bien plus inquisiteur lorsqu’il s’agissait de faire peser sur autrui un tel regard, ne serait-ce que pour chercher la limite qui déclenchait une perte de contrôle, une brèche dans l’impassibilité souvent feinte de qui se voit ainsi disséqué sans vergogne. Il aime ça, forcer la porte d’une indifférence ou d’une défiance affichées. Il se sait doué pour y parvenir. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il daigne consentir à l’exercice à son tour, docilement, côtoyé par cet homme qui ne le dépasserait qu’à peine, si le militaire déchu s’autorisait à déployer cette posture d’implacable hauteur qui érige encore parfois ses vertèbres jusqu’à la dernière.
C’est avec d’autant plus de contraste que la donne change, à peine la première condition édictée. Piqué par le questionnement muet et vain provoqué par l’énonciation d’une telle discrimination, il se redresse avec une lenteur calculée, s’adossant et, les coudes posés de part et d’autre de ses flancs, joint ses doigts en un entrelacs faussement calme, ses yeux sombres sous les sourcils froncés désormais plantés dans ceux du proxénète avec une résolution interrogative, peut-être provocante. « Calme-toi, Pépito », feule-t-il en pensée, incapable de réagir avec plus de mesure et de patience à ce qu’il ne peut comprendre véritablement et qu’il prend, fatalement, pour une insulte à l’égard d’origines pour lesquelles il éprouve, sinon de la fierté, au moins un attachement non rationnel. Il n’a sans doute jamais connu l’Italie, ne se remémore plus la langue de cette terre lointaine que lorsqu’il en lit ou entend quelques mots jamais écrits ni prononcés par lui. Malgré tout, il lui reste peu de choses d’un passé plus doux dont il peut encore songer qu’elles demeureront avec lui pour toujours, et dans un mode de vie comme le sien où peu de choses ont encore une fixité, ces maigres restes forment les points cardinaux qui maintiennent l’univers en ordre.
L’orage passe toutefois avant même d’avoir soufflé ses prémices, et tandis qu’il laisse De Castro égrener le prologue de leur échange, Zach se fait attentif, rappelé par on ne sait quelle main salvatrice à l’importance de l’enjeu. Tout en sachant qu’il l’oubliera certainement avant d’en avoir l’occasion, il se promet intérieurement d’élucider le mystère des réticences annoncées, un jour où une telle demande ne risquerait plus de lui coûter son maigre espoir d’empocher quelque pécule que ce soit à la fin du mois.
Déglutissant dans l’espace laissé par quelques secondes de silence, il délibère avec lui-même. Inutile qu’il se mente à lui-même : il ne se sent pas en mesure de jouer la comédie. Pas de manière suffisamment persuasive en tout cas. Un interlocuteur pareil ne s’y laisserait jamais prendre, ce serait comme charger le bord d’une falaise à bord d’un semi-remorque avec l’intention de s’envoler. Non, Zach n’a jamais cru qu’il était de cette engeance à la langue si bien pendue qu’elle vendrait sans problème sa propre merde en barquette, ou troquerait un bête gravillon contre un diamant gros comme le poing. Il ne s’essaye aux énormes bobards que lorsqu’il n’a pas peur des conséquences, et ce n’est pas le cas cette fois. Baissant les yeux, il répond.
« J’suis Américain. De Chicago. »
Et difficile, en effet, de s’y tromper lorsque l’on vit dans une région où un accent comme le sien, typique du Midwest urbain, tranche franchement avec les inflexions locales. Une distinction flagrante même pour l’oreille profane. Avançant un peu son large buste en une attitude moins raide, il ne remarque pas que ce retour à une disposition plus humble engendre le tressautement nerveux d’une de ses jambes. Le mouvement n’est presque pas sensible mais, même s’il le voulait, il ne se trouverait pas en état de l’arrêter pour de bon. Et puis, le pile ou face retombe, et le garou décide de jouer la partie la plus honnête possible.
« Elle m’a pas franchement parlé de vous non plus, ni du job. J’étais pas sûr de son sérieux alors j’lui en ai pas trop demandé, faut dire. C’que j’sais – enfin, c’qu’elle m’a laissé entendre – c’est qu’il vous faut quelqu’un qui sache dissuader les clients de déconner. Que ce soit aimablement ou pas, j’suis opérationnel à ce niveau. Quelqu’un en qui les filles puissent avoir confiance, aussi. J’force personne, pour ça. J’dirai juste que tant qu’on reste à sa place et qu’on fait c’qu’on a à faire, j’fais pareil, et on a pas de raison d’avoir de problème avec moi. »
Il s’arrête, ses prunelles furetant de ci, de là, dans l’une des expressions les plus courantes d’une gêne que son timbre n’exprime pas.
« Pour le reste, autant être franc, votre commerce globalement j’y avais jamais vraiment foutu les pieds. »
Mieux vaut le dire ainsi que d’avouer qu’il n’en a, en vérité, pas la moindre certitude. Tout au plus peut-il se figurer qu’il ne fréquentait pas assez les prostituées auparavant pour que le désir de leur compagnie lui revienne, avec la même étrange impression d’habitude qu’un nombre encore incertain d’activités.
« Et puisque j’y suis j’vous dirai aussi que j’suis à la rue, tout en ayant une gamine à m’occuper. Elle est pas dehors avec moi, mais voilà… Dans l’genre motivé, j’pense que j’me qualifie pas mal. J’suis pas là dans l’idée que j’vais pouvoir mater des petits culs toute la journée ou toute la nuit sans qu’personne trouve rien à y redire, et m’casser quand j’en aurai assez vu ou au moindre truc qui m’tape sur les nerfs. Et si la paye est maigre au départ ce sera toujours mieux qu’une bulle. »
À nouveau, il osa un regard plus direct.
« J’aime quand c’est carré. Si c’est vous le boss, c’est vous le boss, je cherche pas. J’sais pas bien quel âge vous pouvez avoir, mais j’me fous de prendre mes ordres d’un type plus jeune que moi, pour c’que ça vaut. J’étais militaire et j’ai vu du pays, mais je sais que j’suis pas en terrain connu ici. Vous avez qu’ma parole pour ça, mais j’suis loyal. C’est dans mon intérêt, et c’est là-dessus que j’suis bâti. Vous, vous voulez quoi ? À quoi j'dois m'attendre ? »
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❂ Né au Mexique, dans la terrible Ciudad Juarez. A grandi parmi ces terres arides, au sable rendu gluant par le sang des sacrifiées massacrées à la frontière. Orphelin abandonné par le père ; Christa Reyes est venue grossir la liste des disparues.
❂ Jeune pousse cultivée par la bonté des hommes et femmes d'un presbytère qui ne le fait pas rêver, bien que sa Foi persiste. Ses songes se tournent vers les terres d'Amérique. La fougue de l'adolescence le pousse à se saigner aux quatre veines pour un voyage sans retour.
❂ Feu bout de chair à canon ; prostitué par les ritals du gang de San Diego : le prix à payer pour la traversée infernale. Retrouvé par Miguel de Castro, chef du cartel de Phoenix et oncle bienfaiteur.
❂ Habitué à vivre parmi les hommes vulgaires, bavards et brailleurs ; parmi les filles impudiques, jalouses et bruyantes. Se sent à l'aise partout et nulle part, capable de se fondre dans la masse comme de s'imposer dans une foule.
❂ La fuite précipitée d'Arizona et la mort du Parrain l'ont conduit à diriger là où il n'aspirait qu'à obéir. Ses ambitions demeurent encore modestes ; recruter cerbères et fleurs des pavés. Reconstruire.
❂ Hanté par le secret qu'il ne partageait avec personne d'autre que Miguel. Se débat jusqu'à l'épuisement à chaque pleine lune sans qu'aucun espoir ne vienne briser cette roue de torture.
❂ Parasite une partie de Stoner Hill et ses ruelles pourries par le stupre et la misère (Phoenix street). QG presque chaleureux, dans un immeuble cédé une bouchée de pain par la ville. Bureau, cantine, lupanar et seconde demeure, quand il ne réside pas à Pinecrest.
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Facultés : ❂ Il fend l'air depuis tout gosse. Pour les courses les plus innocentes entre les cultures de Ciudad, comme pour attraper un train en marche, filant vers des cieux espérés moins cruels.
❂ Force légèrement accrue de par sa nature de garou, planquée derrière une silhouette haute et longiligne.
❂ Formé à la mécanique par les gars de son oncle ; capable de démonter et remonter un moteur les yeux fermés. Préférence pour les deux-roues, mais amateur de belles bagnoles.
❂ Toujours armé. Répugne à tuer, mais n'hésite pas à se servir d'un flingue. Réputé pour l'élégance étrange de ses meurtres, pendant la "guerre" de Phoenix.
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Célébrité : Jon Kortajarena.
Double compte : Eoghan Underwood, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
C’était plus fort que lui. Encore pétri de haine à l’égard de vieux ennemis dont il rêvait souvent de voir la mâchoire écrasée par les poings, les roues ou tout autre objet capable de concasser et défigurer le visage de ses anciens bourreaux, il ne pardonnait pas à la communauté italienne. Il s’en sentait incapable. Ce désir de tourner la page, il le mettait pourtant au premier plan de ses rencontres avec Dieu, attendant vainement qu’une bouffée de pardon, une pincée de commisération et une bonne dose d’humilité ne l’aident à atteindre ce commandement proféré par le seul vrai prophète lui-même. Il n’était qu’un homme. Il ne parvenait pas à s’élever au point de céder. Non pas que le pardon lui serait apparu alors comme une faiblesse, mais trop de colère en lui. C’était l’un de ses désaccords profonds avec le religieux : certains pardons demeureraient impossibles. Il l’acceptait, lentement. Il espérait que seules les années passant apaiseraient un peu le feu bouillant sous les plaies couturées, encore à vif. En attendant… La réaction de l’homme face à lui était tout aussi intéressante à observer. Si le bonhomme pétait un plomb, la question ne se poserait même pas : ce serait la porte. Avec un coup de pied dans le derche de la part de Gabriel en prime, s’il le fallait. Ce genre de type, des bombes à retardement, des grenades dégoupillées. Il ne pouvait s’offrir le luxe de se tromper. C’est pourquoi il se contenta de le fixer avec une acuité dérangeante, un calme olympien dissimulant la hargne, la tension collée au corps. Il n’avait aucune oreille pour les accents américains. Il ne pouvait que le croire sur parole ; une parole qui ne valait pas toujours grand-chose, dans le monde de la nuit. Un tic nerveux attira l’œil du garou qui baissa les yeux brièvement sur cette cuisse agitée. Aussitôt, un déclencheur « popa » dans sa tête, et là où l’autre s’avançait, le parrain se recula, ses omoplates frôlant le dossier du cuir, tandis qu’il faisait tourner un stylo entre ses doigts, augmentant l’intensité de son analyse. Il but aux lèvres de son interlocuteur, sans jamais détourner le regard, ni faire montre de cette fausse indifférence que certains chefs de gangs affectionnaient. Ce n’était pas lui. Ce ne serait jamais lui. « Mon âge n’a absolument aucune importance. » Mal à l’aise avec l’immobilisme, il se leva souplement, étirant son mètre quatre-vingt-dix longiligne pour s’écarter du bureau et décrire un arc-de-cercle vers ce possible futur employé. « J’aime quand les choses sont claires, moi aussi. Et je ne serai jamais derrière votre dos. Vous serez en contact avec Gabriel, la plupart du temps. Je le connais depuis plus de dix ans, et c’est probablement le gars le plus fiable qu’il m’ait été donné de voir dans le milieu. Dans ma bouche, ce n’est pas rien. Les ordres viennent de moi, et de moi uniquement. Vous n’avez de comptes à rendre à personne d’autre. Pas aux filles. Pas aux clients : à personne. Juste à moi. » Il enfouit ses mains dans ses poches avec élégance, s’appuyant légèrement contre le bois, affaissant à peine sa silhouette. Le regarder de haut n’avait pas la connotation méprisante qu’elle aurait pu adopter, s’il l’avait voulu. Ce parler, cette attitude, l’intriguaient et lui inspiraient au moins un peu de bon, même si les doutes le taraudaient largement. S’il marchait à l’instinct, il tentait de se remémorer en permanence les leçons de son oncle et ancien guide, pour ne pas en oublier l’intellect. « Où est-ce que vous avez combattu ? » Militaire. Il avait au moins appris à obéir, ce qui était un bon point supplémentaire. « Ne pas connaître le milieu n’est pas une tare. Vous apprendrez vite. Les règles sont simples. Élémentaires. Une fois acquises, c’est pour la vie. » Un étrange sourire étira les lèvres du natif de la Ciudad. L’un de ces sourires à la fois adulte, mais au fond duquel luisait un dernier reste d’enfance piétiné. Cette philosophie de vie, cette lucidité et cette résignation heureuse, cette certitude que les affaires resteraient éternellement les affaires, que le sang coulerait toujours pour rien, que les putes ouvriraient toujours leurs cuisses, et qu’il ne servait à rien de déplorer la laideur du métier. Il reprit son sérieux au fur et à mesure qu’il édictait, tranquillement : « Ce que j’attends de vous, c’est cette loyauté que vous revendiquez. J’ai été trahi une fois. Pas deux. Vous comprenez ? » Bas, le murmure, et cette détermination aux bases fragiles ; parler de la Chute à un étranger dérangeait ses entrailles. Des flashbacks de cette dernière nuit le hantaient : les motos vrombissantes, les prostituées juchées derrière le dos des survivants, les valises bringuebalantes sur la plateforme des pick-ups. Toute une chevauchée fonçant vers l’Est, fuyant le désert devenu inhospitalier, et la hacienda en flammes. Les bras d’Erynn, broyant sa cage thoracique. Elle avait eu si peur, cette nuit-là. Ses prunelles se voilèrent, le temps du souvenir. Une seconde. Une éternité. « Nous sommes en train de nous installer pour un petit moment, ici. Je ne veux pas de concurrence. La concurrence, elle doit s’arrêter aux deux ou trois établissements folkloriques réservés aux tarés de cette ville, ou de passage. Elle doit s’arrêter à ces bouges du Nord de Shreveport, le genre de bordel où passent les camionneurs. Moi, je veux m’implanter dans le cœur. Dans le centre. Touristes ou péquenauds de ce bled, je les veux tous, chez moi. Et je ne laisserai pas un autre grignoter du terrain sur mon territoire. Vous y veillerez, avec l’aide de Gabriel, et vous assurerez la protection des filles qui bossent dehors. Elles ne rentrent pas forcément toutes ici, parfois, elles préfèrent suivre les clients chez eux, s’ils les réservent pour la nuit. Elles conservent toujours leur téléphone, et ont un code rigoureux à suivre pour vous contacter en cas de pépin. Elles vous auront précédemment envoyé l’adresse. À vous de demeurer organisé. De vous répartir les rôles avec Gabriel. Maintenant qu’elles ne sont plus obligées d’errer dans la rue comme des sans-abris, qu’elles disposent de ce pied-à-terre, il sera de votre devoir qu’elles y rentrent toutes. Vivantes. » Un bruit de talons aiguilles au-dessus de leur tête résonna un instant. « Discrétion et efficacité, voilà ce que je vous demande. Vous pouvez discuter avec elles, si vous ne les empêchez pas de travailler. Tant que vous conservez votre discernement. » Il appuya sur ces mots et souffrit d’un contrecoup aussi violent qu’inattendu. Il entendait Miguel. Il entendait son propre oncle, furieux d’apprendre ce qu’il en était de sa relation avec Marisol. Il revoyait sa stupeur, son effarement, sa colère, terrible. Si à l’époque il n’avait pas compris l’objet d’une telle fureur, pensant que son oncle ne chercherait qu’à le voir épanoui, même au bras d’une prostituée, cette nuit, ce moment, ce face à face avec Zach Solfarelli fut la première pierre posée sur l’autel d’une révélation. D’autres suivraient, précédant l’acceptation, finissant l’achèvement complet du sanctuaire voué à celle que le temps oublierait vite, plus vite encore que les disparues de Juarez. Déstabilisé, il mobilisa un effort surhumain pour ne pas perdre le fil. Pour ne pas vaciller. Impérial jusqu’au bout, il le fallait.
« Vous arriverez à gérer avec votre fille ? Vous bosserez très souvent la nuit. Cela ne posera pas de problème ? » Il ne voulait pas avoir d'emmerdes à ce sujet. « Réfléchissez bien avant de répondre. Si je suis satisfait, vous grimperez vite en termes de salaire. Je récompense toujours au mérite. Pas de fausse pudeur, vous pouvez parler fric avec Gabriel, si vous vous entendez bien, ce que je souhaite. Il vous dira ce qu’il en pense. Pas de sujet tabou, bien sûr. Si vous avez un problème, quel qu’il soit, je ne veux pas l’apprendre deux semaines plus tard. » Il s’interrompit enfin, inspirant profondément, se sentant d’humeur plus amène au fur et à mesure que la prise de contact s’étalait. « Vous avez des questions ? Quelque chose qui vous chiffonne et que vous aimeriez évacuer maintenant ? C’est le bon moment, pour ça. »
Jusque là, ça se passe bien, se hasarde-t-il à se rassurer du bout de lèvres scellées pour ne pas rater une miette de chaque syllabe prononcée à son adresse. Par-delà les mots, il surveille le ton, ce qui peut poindre d’une disposition ou d’une autre. Il ne se décontracte pas pour autant. Suivant le mouvement du latino du coin des yeux, hésitant à les lever vers lui, il patiente, s’imprègne. Ingère chaque son disponible pour ses sens portés à vif par toutes les circonstances présentes. La Bête demeure tapie, ensommeillée par la période des nuits les plus sombres, mais reste néanmoins alerte par la faute de la tension causée par ce qui se joue. Le manque, toujours au second plan et toujours en latence, reste lui aussi planté là comme un motif supplémentaire de se tenir aux aguets. Il faut demeurer stoïque, le plus possible. Mais si son visage n’exprime pas tant ce qui se trame sous son crâne quasiment rasé selon la vieille habitude de son ancien métier, le tic nerveux, lui, ne cède pas.
Il écoute, intègre les pièces du puzzle. D’une certaine façon il est déjà encouragé par l’énumération des conditions. D’apprendre un prénom, des habitudes, de se voir assigner une place dans la pyramide même si ce n’est que pour la représentation de ce qui demeure encore une hypothèse au complet. Entendre édicter clairement les bases d’une relation la rend possible. Envisageable. Tangible. Il s’agrippe à cela immédiatement et avec force, avant de se heurter à la question qui tombe, forcément attendue, mais jamais assez bien anticipée.
Sa colonne se dresse avec une raideur mirant étrangement le poids de souvenirs encore intacts – les seuls qui refusent de le quitter. C’est comme si chaque vertèbre était lestée d’une balle de plomb, et ses iris de tourbe ne quittent pas encore la surface du bureau, quand bien même sa stature se devine à nouveau, trace indélébile d’une figure du passé. Les mâchoires serrées peinent à se désolidariser quand sa voix d’outre-tombe grommelle :
« Irak et Afghanistan. »
Il ne veut pas en dire davantage. Quelquefois la simple évocation de la terre rouge suffit à le plonger dans un état proche de la transe, assailli de plus de sensations et d’émotions confondues que les mots peuvent exprimer, mélange goudronneux et corrosif qui dévale du cerveau vers le cœur puis vers les tripes pour revenir en arrière et repartir de plus belle, hypnotique et étouffant comme une marée noire où se mélange le beau et l’abject, la nostalgie et l’horreur. Il ne veut pas perdre pied. Sûrement son interlocuteur le sent-il ou, probable également, n’y prête-t-il pas un intérêt plus grand que cela. D’ailleurs, c’est un fait : bien souvent le nom seul de l’Enfer se suffit à lui-même, quel qu’il soit. Il n’est pas besoin de plus de formules et de tableaux pour que tout soit dit. Sûrement, pour De Castro, porte-t-il un autre nom.
C’est ce que le vétéran décèle, subrepticement, à travers les inflexions changées de la voix qui lui parle. À la question plus rhétorique qu’autre chose, il répond par un regard qui cette fois-ci se fait franc. Il lui semble la percevoir dans ses yeux, l’expression d’une mémoire douloureuse, voilée, remisée derrière une porte qui ne sait pas rester close. Des démons dans le placard maudit. Il reconnaît cela.
Les plans sont énoncés, faisant vibrer de très loin le son caractéristique d’un briefing en bonne et due forme. Il y a un projet à porter avec celui qui hésite peut-être encore à lui tendre sa main. Des ambitions. Une conquête. Là aussi, quelque chose de familier remue dans le fond des orbites soulignées autant par les cernes que par une détermination lisible sur la ligne assurée des sourcils résolus. Et puis surtout, il y a la protection. Celle des filles, celle du domaine. Se faire chien de garde à la voix du maître, molosse placide ou menaçant selon qui se présente. C’est simple, en apparence, mais il sait que c’est le genre de job qui peut coûter des vies s’il est pris trop à la légère. C’est ancré en lui depuis trop d’années pour que même une psyché lézardée le lave de leçons si durement apprises.
L’avertissement qui vient plus tard, il s’y attendait là encore sans avoir étudié la question plus que cela. Cependant, les devants ont été pris : il lui semble avoir déjà exprimé sa lucidité quant au cloisonnement censé exister entre les filles et hommes qui les encadrent. Le commerce du sexe reste un commerce. On ne se sert pas dans sa propre marchandise, c’est à peu près l’essentiel du principe qu’il en retire. Et pourtant, il ne peut manquer de remarquer à nouveau quelque chose qui ne colle pas avec la stature impériale du proxénète. Il ne sait pas discerner exactement de quoi il s’agit. C’est peut-être son langage corporel, mais il lui serait impossible de mettre le doigt sur ce qui l’a interpellé. Le sentiment qu’il subodore, c’est celui d’une cassure. Il ne peut lui-même réprimer un léger froncement de sourcils, l’ombre d’un questionnement qui jamais ne franchira le seuil de sa pensée. Pourquoi y a-t-il une telle insistance dans la mise en garde ? Pourquoi précisément là-dessus ? Pourquoi la régularité sans faille du souffle de celui qui domine l’échange a-t-elle tremblé ?
Intrigué un peu malgré lui – et surtout, malgré son assurance de ne pouvoir jamais s’enquérir de la vérité, en tout cas pas auprès de lui – il reste muet mais c’est non sans une pointe de trouble qu’il s’accroche, lui aussi, à la suite de l’échange. Le sujet est d’importance, en effet. Il sait qu’il ne s’agit pas de sollicitude. De Castro n’a aucun besoin de s’assurer du bien-être privé d’un type qu’il ne reverra peut-être jamais, si la fin de l’entretien devait lui être défavorable. Il note cependant cette même assurance de ton déjà remarquée plus tôt. Cette manière de formuler les choses comme si elles étaient déjà convenues. Et il songe que si c’est une manœuvre du langage, elle est salement bâtarde, mais cela ne l’empêche pas d’en accuser l’influence sur sa jauge s’optimisme.
« J’me débrouillerai. Comme j’disais, elle vit pas avec moi pour le moment. Et assez indépendante pour qu’on trouve une solution, si jamais ça devait s’faire. »
Et puis, il s’est un peu avancé. Pour l’heure, la gamine doit encore demeurer au motel médiocre où il l’a rencontrée, mais il n’en a pas la preuve. Peut-être a-t-elle décampé, ou peut-être a-t-elle décidé finalement que cette vie solitaire qui ne lui apportait que des emmerdes ne vaudrait jamais celle qu’elle avait, bien au chaud chez ses parents. Traumatisme ou pas traumatisme. S’il en a parlé plus tôt, omettant les détails sans ciller, c’est parce qu’il espère, égoïstement, qu’elle est bien encore dans sa petite piaule du quartier du Corner, et que c’est lui, et non l’adversité, qui la tirera de là. Pour lui offrir mieux. Pour qu’elle s’en sorte. Et parce qu’il a besoin d’elle pour se prouver qu’il est encore capable de faire de belles choses de sa lamentable vie. Il n’épilogue pas. Nul besoin. Il se sent suffisamment sûr de lui pour ne pas donner plus de justifications.
Alors que la parole lui revient, il s’en saisit, non sans prendre une seconde au préalable pour essayer de calibrer au mieux ce qu’il en fait.
« J’ai besoin de savoir combien vous avez de gagneuses pour me faire un idée du job. Dans quels rues elles tapinent, pour comprendre comment ça se passe au niveau des contrôles. Et jusqu’où ira ma voix par rapport à elles, pour savoir comment les protéger. Ce que vous mettez à la disposition de Gabriel, si j’en aurai l’usage aussi. Et euh… »
Un index distrait vient frotter sa tempe un instant, alors que son regard direct s’égare une seconde, avant de revenir, moins brave, vers le visage de De Castro.
« Si jamais ça passe … Si j’pourrais me poser dans un coin, même juste une fois ou deux. J’ai pas besoin d’un vrai coin, c’juste… Au tout début. »
Il ne voudrait surtout pas lui mettre dans la tête qu’il est là pour squatter. Les mots sortent mal, ils lui esquintent la langue et lui laissent le goût écœurant de la honte. D'être comme un chien errant qui quémande quelques restes à l'homme qui prétend à sa domestication. Mais il fallait bien qu’il les prononce. Même pour un refus. Il fallait qu’il tente le coup.
ADMIN ۰ Spirit l'étalon des plaines:crack boom hue!
❂ONLY GOD FORGIVES❂
"It was your doom."
En un mot : Patron du Syndicat du String.
Qui es-tu ? :
"No solo de pan vive el hombre."
❂ Proxénète, tenant en longe les filles mues par la loyauté pour les unes, le besoin de protection pour les autres. Chef d'un cartel restreint mais uni.
❂ Descendant d'un père et homme fou, voué au mauvais sort des griffes d'une sorcière furieuse ; malédiction transmise dans le ventre de la mère : garou-étalon à la robe sombre.
❂ Né au Mexique, dans la terrible Ciudad Juarez. A grandi parmi ces terres arides, au sable rendu gluant par le sang des sacrifiées massacrées à la frontière. Orphelin abandonné par le père ; Christa Reyes est venue grossir la liste des disparues.
❂ Jeune pousse cultivée par la bonté des hommes et femmes d'un presbytère qui ne le fait pas rêver, bien que sa Foi persiste. Ses songes se tournent vers les terres d'Amérique. La fougue de l'adolescence le pousse à se saigner aux quatre veines pour un voyage sans retour.
❂ Feu bout de chair à canon ; prostitué par les ritals du gang de San Diego : le prix à payer pour la traversée infernale. Retrouvé par Miguel de Castro, chef du cartel de Phoenix et oncle bienfaiteur.
❂ Habitué à vivre parmi les hommes vulgaires, bavards et brailleurs ; parmi les filles impudiques, jalouses et bruyantes. Se sent à l'aise partout et nulle part, capable de se fondre dans la masse comme de s'imposer dans une foule.
❂ La fuite précipitée d'Arizona et la mort du Parrain l'ont conduit à diriger là où il n'aspirait qu'à obéir. Ses ambitions demeurent encore modestes ; recruter cerbères et fleurs des pavés. Reconstruire.
❂ Hanté par le secret qu'il ne partageait avec personne d'autre que Miguel. Se débat jusqu'à l'épuisement à chaque pleine lune sans qu'aucun espoir ne vienne briser cette roue de torture.
❂ Parasite une partie de Stoner Hill et ses ruelles pourries par le stupre et la misère (Phoenix street). QG presque chaleureux, dans un immeuble cédé une bouchée de pain par la ville. Bureau, cantine, lupanar et seconde demeure, quand il ne réside pas à Pinecrest.
❂ Aime la nuit, les balades en moto, partager du temps avec les filles et les hommes autrement que pour aboyer des ordres et prendre les choses en main. Timidité masquée de détermination et d'humour.
❂ Supérieur d'Erynn Driscoll, Sumire Matsuhime, Maria Parado et Zach Solfarelli.
❂ LOS MUERTOS VIVOS ESTAN ❂
"Ay amor me duele tanto."
Facultés : ❂ Il fend l'air depuis tout gosse. Pour les courses les plus innocentes entre les cultures de Ciudad, comme pour attraper un train en marche, filant vers des cieux espérés moins cruels.
❂ Force légèrement accrue de par sa nature de garou, planquée derrière une silhouette haute et longiligne.
❂ Formé à la mécanique par les gars de son oncle ; capable de démonter et remonter un moteur les yeux fermés. Préférence pour les deux-roues, mais amateur de belles bagnoles.
❂ Toujours armé. Répugne à tuer, mais n'hésite pas à se servir d'un flingue. Réputé pour l'élégance étrange de ses meurtres, pendant la "guerre" de Phoenix.
Thème : Land of All ❂ Woodkid
❂ SMOOTH CRIMINAL ❂
"Could I ever call this place home?"
Pseudo : Nero
Célébrité : Jon Kortajarena.
Double compte : Eoghan Underwood, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Une gueule de boxer. Une gueule que le terme d’«écorché » ne suffirait pas à décrire pour demeurer dans le vrai. Des yeux sombres, un nez peut-être mille fois brisé, une mâchoire serrée et des poings faits pour fracasser le cartilage, cogner les os, secouer les crinières et se mutiler contre des murs. Il les connaissait, ces hommes-là. Il ne leur ressemblait pas. Il n’avait jamais possédé leur hargne, leur bagou, leur talent pour parler au bon moment, au bon endroit. Ils attiraient les femmes autant qu’ils les effrayaient. Elles leur tombaient dans les bras et leur peau devenait marbrée, au bout de quelques nuits. Certains étaient fidèles. D’autres devenaient dangereux. Ils pouvaient être d’excellents chiens de garde, comme les pires traîtres, plus veules que le dernier clébard de la ville la plus pauvre du Mexique. Qu’en serait-il de lui ? Il lui confierait son cheptel sans hésitation, rien que sur le plan physique. Mais d’autres éléments entraient en jeu, fragilisant sa décision, le rendant tour à tour convaincu, puis sceptique. Irak et Afghanistan. Il soupira. Sa connaissance des enjeux internationaux avait beau être limitée, il en savait suffisamment pour redouter d’éventuels symptômes et autres troubles post-traumatiques comme les médias aimaient à en parler, régulièrement. Une autre raison pour craindre de recruter cette possible bombe à retardement. Il ne chercha pas en tout cas à creuser la piste familiale pour obscurcir son jugement. « Hum. Tant que votre vie privée n’impacte en rien notre collaboration, je ne vous embêterai pas à ce sujet. Je tiens à ce que les choses soient cloisonnées de part et d’autre. » Il ne réitérerait pas l’erreur, cette fois commise par le patriarche. S’il souhaitait bien recréer une famille au sein de ce cartel en (re)devenir, il ne s’immiscerait pas dans les affaires de famille comme Miguel pouvait le faire, allant jusqu’à régler les problèmes d’argent, quelques disputes conjugales, voire à veiller à ce que les enfants nés des unions de ses gars avec leur concubine du moment reçoivent une éducation correcte. Il avait traité les mômes exactement comme il l’avait fait avec son propre neveu. Une telle générosité se payait au prix fort, lorsque la mécanique bien huilée du système manifestait des signaux alarmants de dysfonctionnement.
Il se releva, contournant le bureau pour ouvrir un tiroir et en sortir un classeur souple et bien fourni. Il le laissa tomber dans un bruit mat sous le nez du cerbère. Il contenait toutes les informations sur ses gagneuses. Leurs photos s’étalaient sous les couvertures de plastique, dissimulant des centaines de données invisibles, pour l’heure, au vétéran. Numéros de sécurité sociale, de comptes bancaires et autres documents rendaient plus épaisses chaque page tournée. « Je suis arrivé d’Arizona avec une dizaine de filles, au bas mot. Elles sont plus d’une vingtaine, maintenant. Et nous sommes en plein processus de recrutement, là encore. » Il pivota pour lui désigner une carte de la ville, épinglée au mur. Vaste, occupant tout un pan de la paroi, il était impossible d’occulter les lignes rouges mettant en exergue rues et avenues. « Nous nous concentrons dans Stoner Hill, pour le moment. C’est plus sûr, pour elles. » Son index pointa la rivière. « Elles vont jusqu’à la Red River, et les plus expérimentées se rendent parfois jusqu’au Canal. Si une novice tente de les imiter, vous devrez l’en empêcher. Je ne tiens pas à en retrouver une égorgée parce qu’elles seront tombées sur un vicelard… Le Freak-show, ici… et Dalzell Street. Toutes les filles « à pied », vous les trouverez là. Une bonne partie n’hésite pas à rester dans le périmètre de l’immeuble, le temps qu’elles prennent confiance et s’habituent aux lieux et à ce qui y traîne la nuit. » Il recula d’un pas, contemplant le panorama urbain, avant de relancer, soulignant désormais la légende orangée. « Là, ce sont les principaux quartiers d’où proviennent les clients qui récupèrent certaines d’entre elles. Principalement Mansfield. Ils sont peu nombreux, mais pour ceux que ça concerne, vigilance accrue. Vous aiderez Gabriel pour les piqûres de rappel : à partir de 17 heures, je veux tous les portables et les batteries en train de charger. La zone que vous aurez à couvrir n’est donc pas trop extensible, en théorie. » Il sortit du même tiroir que le classeur un jeu de clefs. « Je mets deux véhicules à votre disposition pour les patrouilles. Gabriel possède le premier évidemment, et vous aurez le second. Si vous merdez avec, les réparations sont à votre charge. Pour le reste : essence, nourriture, arme et munitions, c’est moi qui offre. Vous aurez un budget établi par semaine : à vous de le gérer. Je vous laisse voir avec Gabriel pour les roulements en fonction des nuits. Pour le moment, vous devrez vous débrouiller à deux, mais si tout se passe bien, et que les bénéfices grimpent, je recruterai pour vous permettre de souffler un peu plus. » Tout en jouant à faire cliqueter le métal, il éluda enfin le problème de logement de son vis-à-vis d’un mouvement dérisoire. « L’immeuble n’est occupé que par nous. C’est un ancien hôtel dont la démolition coûterait trop cher à la ville pour l’heure. Nous avons obtenu un tarif avantageux pour la location à condition de maintenir les locaux à peu près à flot. Ce ne sont pas les chambres qui manquent : trouvez-en une à votre goût et installez-vous si ça vous chante. Je prélèverai une part symbolique de votre salaire sur le loyer bien sûr, mais vous gagnerez au change. » Satisfait. Questions intelligentes, et il espérait y avoir répondu de son mieux. Toutefois, Solfarelli n’était pas le seul à s’interroger quant à un dernier point.
C’est après avoir laissé planer un silence en apparence destiné à lui permettre d’ingérer toutes ces informations qu’il demanda enfin, sans que sa voix ne baisse ou ne grimpe d’un ton : « Vous êtes camé à un truc ? »
Alors qu’il acquiesce à nouveau, affectant sa résolution par une moue de dénégation, il se rengorge un peu en lui-même : pas de risque. S’il devait réellement prendre sa place dans la pyramide du cartel, hors de question qu’Anaïs soit au courant. Du moins, pas tant qu’il pourrait éviter les questions trop pointues, contourner celles qui le permettraient. Il mentirait, s’il le fallait. Un chapelet de justifications vendraient appuyer cette décision et il n’y voit pour l’heure aucun chaînon manquant. Là encore, c’était en partie une question de vieux réflexes qui ne s’étaient jamais égarés dans les limbes de l’oubli. La nécessité du secret, inculqué par la confidentialité de ses missions les plus pointues, il en avait appris la valeur jusqu’à s’en faire un blindage impénétrable, coûte que coûte. Il y a des choses qu’on traîne avec soi pour toute une vie et qu’on emporte dans sa tombe sans jamais avoir fléchi, il en est encore aujourd’hui persuadé et son expérience personnelle ne l’a jamais détrompé. Alors, élever une barrière entre sa vie privée et le boulot aujourd’hui, c’est presque un euphémisme. Cet impératif le renvoie à sa situation présente, aux récents événements, et il songe subrepticement que même si les deux univers devaient se rencontrer – si une nouvelle catastrophe devait se produire, touchant à la fois ce qui n’est qu’à lui et ce qu’il partagerait avec le latino et sa suite – il ne lui serait pas le moins du monde impossible de faire face en n’ayant pas à choisir entre l’un et l’autre des antipodes. La jolie Erynn s’invite dans le tableau, suggérant une autre interrogation comme un écho au précédent sujet. Bien sûr qu’il fait la part des choses. Pour lui, c’était un élan impersonnel ; pour elle, c’était le turbin. Toutefois il comprend que le proxénète ait des réserves : ramené dans ses pattes par une des filles avec qui il pensait passer du bon temps, le garou pourrait s’en enticher, dans l’envers du décor, si une réelle sympathie s’y mêlait jusqu’à donner du sens à un premier contact apparemment sans conséquences. Zach n’est pas si stupide, ou du moins se pense-t-il suffisamment discipliné, sinon pour éviter une telle évolution, au moins pour respecter ce mur entre privé et professionnel, se tenir à sa place et ne pas chercher à déloger la donzelle de la sienne sans l’assentiment de De Castro. Assentiment visiblement annoncé comme utopique. Bien reçu, élude-t-il mentalement comme d’un revers de main, plus préoccupé pour l’heure par les réalités de son rôle potentiel que par la théorie d’attachements qu’il demeure très loin d’espérer, justement parce que s’assurer un revenu pour mettre Anaïs à l’abri vaudra toujours qu’il sacrifie une promesse de fuite sentimentale arrachée à l’autorité du maître. De toute façon, il ne se voit pas promettre une meilleure vie à une fille comme celles-là.
Plus détendu qu’auparavant, il s’empare assez vite du porte-vues, constatant principalement la stérilité de cette première inquisition innocente. La liste des gagneuses est assez vite passée en revue : il n’ose pas encore s’imprégner de leurs portraits, hésitant encore sur son droit à le faire. Sur l’attitude à adopter, globalement. Ce qu’il peut prendre d’informations, il l’ingère avec appétit, plus pour nourrir sa curiosité sur le moment et par un travers inconscient de sa sociabilité que pour réellement se l’inscrire dans le crâne : aujourd’hui, de simples photos et des mots sur un bout de papier qu’il ne peut pas conserver ne sont plus d’une si grande utilité. Le sommeil lui en dérobera la plus grande part pour ne laisser que des miettes, bientôt éparpillées par des jours sans rencontrer les concernées, sans leur parler, sans leur présence empirique. Ce qu’il retire de tout ça, ce ne sont ni les traits, ni les chiffres, ni les caractères, mais des impressions – plus fiables que n’importe quel texte – faites de pièces de puzzle octroyées par tout le reste, et forgées par l’imagination. Quand les pages concernant Erynn apparaissent, il y passe peut-être une seconde de plus : ces bribes-là, il sait qu’il peut déjà les associer aux sensations qui lui reviennent en bonne partie, alors qu’il détaille les lignes de son visage avec plus de concentration. Le toucher engageant de son bras autour du sien, le parfum qui inondait l’atmosphère, la douceur de son timbre. Fille de l’Est européen. Il n’y en a pas tant dans ce tas de vies projetées en deux dimensions. À part elle, ainsi qu’une japonaise, l’entourage est essentiellement issu du continent américain. Il détaille les lieux occupés et s’aperçoit qu’il a dû certainement croiser nombre de ces filles durant ses nuits de vagabondage, sans jamais s’attarder sur leurs visages ou leurs attitudes. Elles ont dû le voir, elles aussi, plusieurs fois, et il espère qu’elles l’ont aussi vite oublié, qu’elles n’ont pas prêté attention. Il ambitionne déjà de se familiariser avec elles sous un autre visage : quelque part en lui, l’identité du moins que rien est peu à peu grignotée par une nouvelle, plus droite, plus forte, qui pourrait arpenter ces mêmes veines urbaines sans porter sur ses épaules le poids de la honte la plus crasse. Il écoute l’état fait des moyens dont dispose un homme de main comme Gabriel et s’il aurait pu afficher l’étonnement ravi qu’une part de lui ressent face à l’énonciation de ce qu’il considère comme un traitement royal, une autre l’en empêche. Il y a forcément un loup, c’est trop beau. Trop facile. Et alors qu’il le guette en silence, le loup ne tarde pas à se montrer sous la forme d’une question, somme toute simple et radicale, qui a tout l’air d’un platane en plein milieu de l’autoroute.
Il se retient de cracher le rire le plus aigre du monde. S’il mentait, aurait-il seulement une chance de ne pas avoir l’air de se foutre ouvertement de lui ? Ses mains jointes s’écartent puis se lient à nouveau dans un geste équivoque alors qu’il reluque le plat du bureau, comme s’il y détaillait tout un échantillonnage des produits qui lui étaient déjà passés dans le corps au moins une fois. En réalité il n’a aucune idée de ce à quoi cela ressemblerait, mais il est certain que l’aire du bureau serait tout juste assez vaste. Que devrait-il dire ? Choisir un top 3 ? Choisir en fonction de certaines connotations, des effets associés à telle ou telle substance ? Lui faudrait-il justifier les raisons pour lesquelles il y a recours ? Non sans un discret sarcasme accroché à la commissure des lèvres, il conserve un ton égal pour tenter de répondre.
« Qu’est-ce que j’peux vous dire ? Vous connaissez le coin. Et c’est partout pareil : montrez-moi un seul SDF qui galère depuis plusieurs années sans jamais avoir touché à quoi que ce soit, ni alcool, ni dope, ni rien, et j’lui file une médaille. Voire deux si ce même type a mis sa vie au service des autres et du pays. Quand ton existence a plus d’sens t’essayes d’aller en trouver un ailleurs, c’est comme ça qu’on s’paume. »
Il l’a assez vu pour en rester marqué. L’entraide est rare sur le bitume, sauf quand il s’agit de faire tourner le business des palliatifs. Là, les oreilles se tendent et les langues s’agitent. Sans attendre il relève vers le proxénète une mine tenant étrangement l’assurance accordée un peu plus tôt, malgré l’esprit en arrière-plan qui s’agite, sûr que l’échec prédit est sur le point de se révéler pour de bon.
« Encore une fois, j’fais ça pour ma gosse. J’ai jamais dit qu’j’étais le gars parfait, mais j’veux sortir du merdier, et protéger les autres, c’était toute ma vie. J’prends pas ça à la légère, j’ferai c’qu’il faut, les filles auront rien à craindre et l’affaire roulera comme vous l’direz. Le rebut, c’est pas pour moi, j’ai besoin de servir, j’ai besoin de rigueur, et même si j’dois toucher le quart de c’que se fait votre gars, jamais j’prendrai le job par-dessus la jambe. Du jour où vous m’prenez, j’entame la purge, j’arrête ces conneries. Vous venez d'aussi loin que l'Arizona ? Vous prenez un nouveau départ, vous aussi... J'ai pas plus envie d'me planter qu'vous. »
Le pari est gros, mais l’élan produit par le détail de la conversation le propulse vers plus de hardiesse et, en quelque sorte, vers la verbalisation de ce souhait qu’il traîne depuis un moment sans parvenir à se projeter. Il lui revient quelque chose de ce qu’il a vécu le jour où Jeremiah O’Connell l’a reçu : alors, il était bien moins résolu, et sans doute l’impeccable chef d’entreprise au grand cœur avait-il misé sur une rédemption par la bonté, qui n’était pas prête à venir. Les choses ne se sont pas déroulées comme il l’espérait, mais Zach en a au moins retiré une chose : la volonté, cette fois, de défendre sa place. Il sait à ce moment qu’il n’a que peu d’arguments pour convaincre De Castro. Il se doute que la dernière vérité qu’il lui a livrée a tout le poids nécessaire à annihiler les précédents efforts. Et toutefois, c’est De Castro lui-même qui lui a donné l’aplomb qu’il affiche désormais. Il n’ose pas se lever, mais il la sent dans ses jambes, cette volonté de se tenir debout, droit et sûr, de s’affirmer dans l’espace appartenant au maître des lieux, d’en faire partie. Il attend, veut se voir offrir une chance. Mais il sait qu’il ne pourra pas la provoquer.
ADMIN ۰ Spirit l'étalon des plaines:crack boom hue!
❂ONLY GOD FORGIVES❂
"It was your doom."
En un mot : Patron du Syndicat du String.
Qui es-tu ? :
"No solo de pan vive el hombre."
❂ Proxénète, tenant en longe les filles mues par la loyauté pour les unes, le besoin de protection pour les autres. Chef d'un cartel restreint mais uni.
❂ Descendant d'un père et homme fou, voué au mauvais sort des griffes d'une sorcière furieuse ; malédiction transmise dans le ventre de la mère : garou-étalon à la robe sombre.
❂ Né au Mexique, dans la terrible Ciudad Juarez. A grandi parmi ces terres arides, au sable rendu gluant par le sang des sacrifiées massacrées à la frontière. Orphelin abandonné par le père ; Christa Reyes est venue grossir la liste des disparues.
❂ Jeune pousse cultivée par la bonté des hommes et femmes d'un presbytère qui ne le fait pas rêver, bien que sa Foi persiste. Ses songes se tournent vers les terres d'Amérique. La fougue de l'adolescence le pousse à se saigner aux quatre veines pour un voyage sans retour.
❂ Feu bout de chair à canon ; prostitué par les ritals du gang de San Diego : le prix à payer pour la traversée infernale. Retrouvé par Miguel de Castro, chef du cartel de Phoenix et oncle bienfaiteur.
❂ Habitué à vivre parmi les hommes vulgaires, bavards et brailleurs ; parmi les filles impudiques, jalouses et bruyantes. Se sent à l'aise partout et nulle part, capable de se fondre dans la masse comme de s'imposer dans une foule.
❂ La fuite précipitée d'Arizona et la mort du Parrain l'ont conduit à diriger là où il n'aspirait qu'à obéir. Ses ambitions demeurent encore modestes ; recruter cerbères et fleurs des pavés. Reconstruire.
❂ Hanté par le secret qu'il ne partageait avec personne d'autre que Miguel. Se débat jusqu'à l'épuisement à chaque pleine lune sans qu'aucun espoir ne vienne briser cette roue de torture.
❂ Parasite une partie de Stoner Hill et ses ruelles pourries par le stupre et la misère (Phoenix street). QG presque chaleureux, dans un immeuble cédé une bouchée de pain par la ville. Bureau, cantine, lupanar et seconde demeure, quand il ne réside pas à Pinecrest.
❂ Aime la nuit, les balades en moto, partager du temps avec les filles et les hommes autrement que pour aboyer des ordres et prendre les choses en main. Timidité masquée de détermination et d'humour.
❂ Supérieur d'Erynn Driscoll, Sumire Matsuhime, Maria Parado et Zach Solfarelli.
❂ LOS MUERTOS VIVOS ESTAN ❂
"Ay amor me duele tanto."
Facultés : ❂ Il fend l'air depuis tout gosse. Pour les courses les plus innocentes entre les cultures de Ciudad, comme pour attraper un train en marche, filant vers des cieux espérés moins cruels.
❂ Force légèrement accrue de par sa nature de garou, planquée derrière une silhouette haute et longiligne.
❂ Formé à la mécanique par les gars de son oncle ; capable de démonter et remonter un moteur les yeux fermés. Préférence pour les deux-roues, mais amateur de belles bagnoles.
❂ Toujours armé. Répugne à tuer, mais n'hésite pas à se servir d'un flingue. Réputé pour l'élégance étrange de ses meurtres, pendant la "guerre" de Phoenix.
Thème : Land of All ❂ Woodkid
❂ SMOOTH CRIMINAL ❂
"Could I ever call this place home?"
Pseudo : Nero
Célébrité : Jon Kortajarena.
Double compte : Eoghan Underwood, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
La question la plus sensible. La question capable de mettre fin à tous les projets d’embauche. Le pire cauchemar d’un mac, dont le commerce repose essentiellement sur la sécurité des filles qu’il emploie. Il ne pouvait pas passer à côté. Il ne pouvait pas ne pas poser cette foutue question. Il ne jouait plus avec le trousseau de métal, les clefs fermement coincées dans sa paume, et il se tenait là, silhouette impavide, droite dans son habituel blazer, à attendre la réponse qui lui permettrait de rajouter une pièce de plus à l’échaudage. Le tableau de l’homme devant lui demeurerait incomplet pendant longtemps, même s’il acceptait de lui ouvrir les portes de ce cartel de fortune. Une part de lui peinait encore à accepter l’évidence, à savoir devoir se résoudre à prêter sa confiance, au risque de se tromper, une fois de plus. Hanté par ses erreurs, toutes celles qui avaient tenté de saper son assurance, de le convaincre qu’il n’était pas à sa place, il demeurait persuadé qu’on ne lui accorderait pas une deuxième chance. C’est qu’il les avait emmenés si loin, tous. Il leur avait demandé de rester vigilants et de ne pas perdre espoir, d’errer de ville en ville, le temps de retrouver un repaire tangible, solide, pour leur permettre de repartir à zéro. Enfin. Tant que le voyage était de mise, que l’installation demandait précautions, usages et de nombreuses voies administratives, il n’avait pas le souci de recruter d’autres visages inconnus que des filles qu’il aurait pu virer sans état d’âme, du jour au lendemain. C’était peut-être maintenant, le plus dur. Le plus difficile. Rebâtir, mais pas seul. Lui qui n’acceptait que difficilement de déléguer tâches et corvées, il devait encore apprendre à se fier à autrui, et si le colosse sous ses yeux présentait des failles trop conséquentes, alors… Il n’était en effet pas dupe. Même si sa mine demeurait fermée et ses membres tendus d’un stress qui, lui semblait-il, ne lui lâchait jamais complètement la grappe, il demeurait suffisamment humain pour comprendre ce qui pouvait pousser quelqu’un à tomber dans la dope. N’importe laquelle. Les comparaisons évoquées avaient de quoi lui faire grincer les dents ; moins par agacement que par le constat délicat de leur pertinence. Il poussa un soupir à l’issue d’une déclaration qui en aurait fait doucement marrer certains. Pas lui. Pesant le pour et le contre, et plutôt réceptif à l’argumentaire déclamé, il comprit qu’il ne pouvait pas congédier une fois de plus un homme semblant compétent sur le seul motif de ses zones d’ombre somme toutes tristement banales. Il espérait que Gabriel l’aiderait à déceler l’indice mettant à mal sa décision, si cela devait s'avérer nécessaire. « Très bien… »
De son poing fermé, il tapota par deux fois la surface du bureau, peinant à articuler. Le silence, cette fois subi plutôt que lâché entre eux deux, devint lourd. Il poussa un soupir, invoqua en son for intérieur la mémoire de son oncle, tous les hommes de main qu’il avait vu défiler (les pires comme les véritables anges gardiens) et tenta de positionner Zach Solfarelli sur l’échelle de valeur de ces gaillards indispensables. Jouant de ses dents contre sa lèvre inférieure quelques secondes, il marmonna : « Sachez que je vous ai reçu ici, dans cet immeuble, car je me suis fié à Erynn. Elle vous pense parfait pour ce poste. C’est une fille qui roule sa bosse depuis suffisamment longtemps pour déceler les types impropres à ce genre de boulot, et elle a fortement pesé en faveur de votre candidature. Votre expérience est intéressante. Et vous avez la carrure. Je suppose que je ne perds pas grand-chose à vous laisser l’occasion d’une période d’essai, n’est-ce pas ? » La trouille au ventre, malgré tout. La peur de tout perdre, si, justement. Il prit cependant sur lui et, d’un geste large destiné à lui laisser le temps de réagir, lança les clefs en direction du nouveau Cerbère. « Vous avez quinze jours. Après cela, nous parlerons. Je vous rémunère au tarif habituel, et si cette collaboration s’annonce fructueuse, que vous avez l’aval des filles comme celui de Gabriel, alors… vous ferez partie des nôtres. Officiellement. » Pourquoi se sentit-il plus léger à l’idée de grossir les rangs des protecteurs ? Pourquoi lui ? Il crut bon de s’accrocher à l’instinct, présageant de bonnes augures, et se remit à contourner le bureau, pour se rapprocher de lui. « Juste une chose… » Il chercha ses mots un moment. « Comme vous le dites, j’en ai connu plus d’un accro à telle ou telle merde. Je ne juge pas. En revanche… le moindre impact sur le travail, et tout s’arrête. Vous commettez une erreur ? Ce sont des choses qui arrivent. La plupart du temps, elles sont réparables. Mais dissimulez-moi ou mentez-moi pour quoi que ce soit qui concerne les affaires, et nous aurons un souci. Je précise que ce n’est ni une menace, ni un avertissement. Juste un fait. Nous sommes bien d’accord ? » Verrouiller, toujours. Il voulait encore croire en une parole donnée, élevé par un homme motivé par un code d’honneur auquel il n’avait jamais fait défaut. Il l’incita à se relever et à lui emboîter le pas. « Si une fois embauché pour de bon vous avez besoin de documents quels qu’ils soient, n’hésitez pas à me les demander. Je vous établirai une sorte de contrat sous le statut de vigile ou de garde du corps, selon. Venez, je vais vous montrer les locaux. » Ils sortirent dans le couloir animé, et quelques pas suffirent pour les conduire dans la zone des chambres, bruissant du son des conversations, de la musique provenant de ces dizaines d’espaces de vie occupés ou non, préparés ou pas, attribuées individuellement ou laissées vacantes pour les passes de la nuit à venir. « Comme vous l’avez remarqué, nous sommes au sixième. Voici les chambres. Nous occupons les trois derniers étages sur les sept, ce qui nous laisse de la place. Au moins, cela limite les problèmes d’espace, et les crêpages de chignon. En cas de problème, référez-vous à Maria. C’est elle qui s’occupe de la vie quotidienne des gagneuses, et elle vous aidera à en savoir plus sur leurs habitudes, leur manie, ou si elles doivent être surveillées pour telle ou telle raison. » Plutôt que de prendre l’ascenseur vétuste mais encore en état de marche, il préféra les escaliers de service, dont les cages résonnèrent sous les claquements de porte, les semelles des deux hommes, et la voix du proxénète. « Si je ne suis pas là, Gabriel ou vous devrez rester dans l’immeuble. Pensez à tourner dans les cages d’escalier de temps en temps, histoire de vérifier qu’aucun péquenaud ne se planque dans les parages. » Une fois revenus au rez-de-chaussée, il le conduisit vers l’intérieur du bâtiment, désignant l’ancienne salle à manger de l’hôtel, devenue une gigantesque pièce à vivre, meublée de fauteuils, de canapés et autres divans, où les filles pouvaient parfois conduire les clients aimant profiter des mêmes ambiances de bordel qu’autrefois. Puis la cuisine, aménagée chaleureusement, permettant aux filles logeant là quotidiennement de préparer leurs repas. « N’hésitez pas à en profiter, bien sûr… » Il lui montra jusqu’à la petite cour intérieure, vaguement aménagée et décorée par les filles qui en avaient eu le courage. D’en bas, il leva les yeux vers la façade et les derniers étages en particulier, toujours surpris d’en voir les fenêtres éclairées, et d’en connaître les fourmillements de vie, derrière leurs remparts. « Ce n’est pas le grand luxe, mais c’est confortable… » Calant ses mains contre ses hanches, il murmura, presque autant pour lui-même que pour Solfarelli. « Je me rappelle encore quand nous avons débarqué ici pour de bon. Ce n’était pas beau à voir. On a eu de la chance de pouvoir négocier cet endroit. Vous serez bien ici, si vous choisissez d’y résider. Pas trop d’emmerdeurs. Veillez simplement à vous montrer correct avec les flics un peu tatillons, et tout se passera bien. Ici comme ailleurs, tout s’achète toujours, de toute manière… » Il reposa les yeux sur lui, l’enveloppant d’un regard destiné à jauger de son choix pour la dernière fois. Puis il sourit, un peu désabusé. « Cela fait pas mal d’informations à engranger, j’en ai conscience. J’espère que votre motivation n’en prendra pas un coup. »