La Chasse sacrée
Il existe plusieurs mystères occultes qui entourent les métamorphes et leur capacité à changer de forme. Ceux-ci ont influencé certaines cultures avec tant de force qu'ils ont imprégné l'imaginaire collectif et sont devenus la source de fantasmes aussi farfelus les uns que les autres dans les cultures et traditions. Souvent confondus avec les garous, l'amalgame entre les deux n'a fait que renforcer cette crainte pleine d'incompréhension et les uns comme les autres pâtissent de cette réputation. On retrouve les skinwalkers chez les amérindiens, les nahuals dans les civilisations mésoaméricaines et bien d'autres encore. La dénomination de voleurs de peaux ou de démons de la Lune n'est toutefois pas complètement usurpée et il est des secrets en partie à l'origine de ces croyances.
Il existe un rite, nommé la
Chasse sacrée - ou aussi Chasse du Sang - qui est la véritable force du pouvoir de métamorphose des métamorphes. C'est un processus à mi-chemin entre la cérémonie et la quête initiatique, entre une chasse ritualisée et la violence sauvage d'un combat pour la survie. Là où les garous trouvent leur force dans la puissance brute qu'ils peuvent dégager et dans le développement de formes de combat aux dimensions colossales, le véritable potentiel des métamorphes se situe dans leur adaptabilité et leur capacité à changer de forme. À prendre
n'importe quelle forme.
La découverte de sa véritable forme au cours de l'adolescence n'est que la première étape vers l'accomplissement en tant qu'individu. Très souvent, dans les cultures qui ont conservé les secrets et les traditions mystiques de leur peuple, il est dit au métamorphe qui n'a pas encore effectué sa deuxième naissance ou qui n'a pas atteint une certaine maturité dans la compréhension de sa propre nature qu'il ne pourra jamais plus se transformer en autre chose qu'en l'animal totem qu'il est. C'est un mensonge, et la vérité n'est dévoilée que lorsque le métamorphe est jugé digne par ses pairs de s'engager plus loin sur sa voie. Alors, il lui est donné une nouvelle initiation :
la poursuite du Premier sang. Le métamorphe doit choisir un animal, n'importe lequel peu importe l'espèce mais, en général, plus celui-ci est considéré dangereux et puissant et plus le prestige retiré est grand. Une fois son choix fait, l'individu en cours d'initiation doit passer la prochaine nuit à se concentrer par la méditation, au sein de la nature, à établir une connexion entre lui et l'animal qu'il a choisi. A partir de cette nuit et pour toutes les suivantes jusqu'à ce qu'il réussisse ou échoue, il n'aura de cesse que de de traquer sa proie, la poursuivre, marcher dans ses pas et s'approcher d'elle de plus en plus, aussi bien physiquement que spirituellement, car on ne peut chasser ce qu'on ne comprend pas, et lorsque le métamorphe est en phase avec sa proie, sa façon de penser et de vivre, il peut alors entamer le violent combat qui l'opposera à elle pour mettre un terme à son existence.
C'est une épreuve difficile dans laquelle l'animal sait instinctivement qu'il est poursuivi et il mettra le prétendant à l'épreuve de bien des façons car, si ce dernier réussit, il finit par prendre la vie de l'animal au paroxysme de la lutte. En s'imprégnant alors de son sang, le métamorphe peut voler l'apparence de sa victime et sera, à partir de ce moment,
capable de revêtir cette nouvelle forme animale en plus de celle qu'il avait déjà. L'apparence de cette nouvelle forme est unique et absolument identique à celle de l'animal tué : les formes acquises par ce rite ne peuvent pas être modifiée par le polymorphisme du métamorphe. Si ce dernier souhaite, par exemple, se transformer en chat roux rayé et en chat noir, il devra réaliser deux fois ce rite sur deux chats différents correspondants à ses attentes. En outre,
les humains ne sont pas éligibles à cette chasse.
Cette Chasse sacrée possède de nombreuses variantes suivant les lieux et les cultures mais également suivant l'animal à tuer. Parfois, celui-ci est imposé par le folklore ou, au contraire, certains animaux considérés sacrés ne peuvent être pris pour cible par ce rite que par les métamorphes les plus sages et méritants sans briser un tabou. D'aucun s'imprègnent du sang de leur proie en le buvant, d'autres en s'y baignant. Il existe même des cultures dans laquelle il est tabou de réaliser cette Chasse sacrée sans l'aval des esprits ou des anciens, et les contrevenants sont qualifiés de démons du sang et exilés ou chassés à leur tour. D'autres, au contraire, considèrent le rang et le prestige social d'un individu au nombre de formes animales qu'il possède. Dans tous les cas, la réussite de cette chasse n'est pas garantie et il ne suffit pas de tuer l'animal pour en acquérir automatiquement la forme. La nuit de méditation marquant le début de la traque est tout autant symbolique que spirituelle, et la traque est le processus qui doit aider le métamorphe à se rapprocher mentalement et spirituellement de l'animal dont il veut revêtir les traits.
Sans cette compréhension, la chasse échouera. Dans certaines coutumes, le métamorphe n'a qu'une seule chance et s'il échoue, par manque d'implication, par l'abandon ou car l'animal l'a vaincu, il n'aura plus jamais le droit de retenter de tuer cet animal car il a gagné le droit de vie.
Une Chasse sacrée ne possède pas de limite de temps et certains prennent parfois des mois entiers voir des années de préparation pour ne faire plus qu'un mentalement avec l'animal. Il vient donc naturellement qu'il est plus facile de chasser un animal proche de sa véritable forme ou d'une forme animale acquise ultérieurement qu'une bête qui n'a pas de points communs. Un métamorphe panthère aura, par exemple, beaucoup plus de facilité à acquérir la forme d'un chat que celle d'une tortue. Les métamorphes qui n'ont jamais mené à terme au moins une Chasse sacrée sont qualifiés d'
Immaculés, ce qui peut être mélioratif comme péjoratif suivant les cultures. Beaucoup d'individus qui ont perdu le savoir mystique de leur culture, de leur peuple, ou qui sont déracinés et ont choisi de vivre une vie beaucoup plus urbanisée n'ont tout simplement pas conscience qu'ils ont la capacité de réaliser cette initiation et ne la découvrent parfois que très tard au contact d'autres métamorphes ou de chamans, voire jamais.
L'Héritage du Sang
Pour beaucoup de races surnaturelles le sang est une composante extrêmement importante qui charrie un symbolisme et un pouvoir puissants. Les métamorphes n'en font pas exception et c'est une des raisons pour laquelle ils doivent s'imprégner du sang de leur victime au cours de la Chasse sacrée pour obtenir le droit de revêtir la forme animale souhaitée. Il existe une autre capacité dont ceux-ci sont capables de faire preuve, dont le secret est en général conservé et réservé à ceux qui ont au moins mené à terme la chasse du Premier sang et donc acquis plus d'une forme animale. Elle se nomme l'
Héritage du Sang et consiste à
transférer l'une de ces formes à quelqu'un d'autre, temporairement, en prêtant un peu de sa puissance à autrui pour quelques heures.
Pour cela, la personne qui reçoit ce don doit s'imprégner du sang du métamorphe qui lui octroie une partie de son pouvoir, que ce soit en en absorbant un peu ou en le répandant sur sa chair. Il n'y a pas besoin de quantités énormes et le donneur doit le faire volontairement. Ce faisant, celui qui hérite de ce don se voit ainsi capable de
prendre à volonté une des formes animales du métamorphe donneur, choisie par celui-ci parmi les formes auxquelles il a accès, autre que sa véritable forme qui ne peut être prêtée car c'est son identité propre et il ne peut en être dissocié.
C'est un processus qui peut cependant être extrêmement déstabilisant pour le novice, qui doit alors gérer en lui un afflux d'instincts et de pulsions auxquels il ne sera peut-être pas habitué. L'individu bénéficie alors des mêmes avantages que les métamorphes - régénération, sens surdéveloppés, force, agilité... - mais dans des proportions moindres et souvent avec une maîtrise moins expérimentée. Une personne ne peut se voir prêter qu'
une seule forme animale à la fois, même si un métamorphe peut faire don de plusieurs de ses formes à plusieurs personnes en même temps.
Cette technique prend place de façons très diverses selon la culture et le folklore des sociétés dans lesquelles elle existe. Elle est souvent vue comme un don spirituel, un apprentissage pour préparer une Chasse sacrée ou une magie guerrière utile en temps de troubles. Elle peut être utilisée sur un autre métamorphe, qui aura de part sa nature plus de facilité à appréhender une telle chose, ou sur un humain, auquel cas s'il n'est pas accompagné par le métamorphe, le receveur de ce don risque d'avoir énormément de mal à se contrôler, à trouver une certaine stabilité précaire ou a gérer ses nouveaux attributs et la subite animalité qui germe en lui. Il peut même en devenir dangereux et se perdre psychologiquement s'il n'est pas habitué.
C'est souvent une technique utilisée sur un humain potentiellement éligible à devenir métamorphe pour le mettre à l'épreuve et servir de transition avant de le juger ou non digne de recevoir le don des esprits. Cependant, ce processus n'est pas sans risques et ne se pratique en général pas sans une certaine confiance entre l'une et l'autre des deux parties car tant que le receveur n'a pas rendu cet héritage, le métamorphe qui lui en a fait don
ne peut plus se transformer en l'animal qu'il a transmis par son sang. Pire encore, cet héritage doit être rendu par le même processus
avant la prochaine aube sous peine d'une sanction terrible. Au moment où le Soleil se lève, si celui qui a reçu l'héritage du sang est un humain, alors
il sera coincé pour toujours sous la forme animale qui lui a été prêtée et le métamorphe qui lui en a fait don
ne pourra définitivement plus l'utiliser. Les métamorphes n'ont, eux, pas ce problème et s'ils n'ont pas rendu une forme prêtée avant le lever du Soleil ils ne pourront simplement plus s'en servir et le métamorphe qui l'a prêtée la récupèrera au prochain coucher du Soleil. L'héritage du sang est considéré comme un processus assez intime et parfois même tabou dans certaines cultures où les métamorphes s'en servent pour punir un humain qu'ils veulent maudire et le laisser ainsi jusqu'au delà de l'aube.
Cette capacité peut marcher sur les outres et arcanistes mais leur nature magique entre souvent en conflit avec le mysticisme des métamorphes,
leurs pouvoirs deviennent très instables durant tout le temps où ils peuvent prendre forme animale et ils ont beaucoup de mal à y faire appel. De plus, les métamorphes ont souvent une méfiance viscérale envers les éveillés dans la mesure où beaucoup croient qu'ils pourraient utiliser ce lien du sang pour les atteindre par magie. Les seuls qui passent à peu près outre ce phénomène sont les chamans qui, de par la nature même de leur magie, peuvent rester en phase avec l'héritage du sang en s'y habituant au bout de quelques essais et ne sont pas soumis au risque de rester coincés pour toujours comme les humains.
Sur les garous, cela fonctionne également mais peut souvent provoquer des
perturbations psychologiques surtout vis à vis de la bête et de la désorientation qu'elle subit à se retrouver dans le corps d'un animal qui n'est pas le sien et est même parfois très différent. Ils bénéficient cependant du même avantage que les métamorphes au lever du Soleil : ils ne peuvent pas rester coincés dans la forme animale prêtée de par leur nature de changeforme.
Les Engeances peuvent aussi recevoir ce don mais il provoque en elles
un rejet quasi immédiat qui se manifeste sous la forme de douleurs de plus en plus fortes, de mutations anarchiques jusqu'à en expulser physiquement une réplique infernale et dévoyée du corps de l'animal prêté qui peut constituer ensuite une sérieuse menace. C'est un phénomène assez dégoûtant à observer et extrêmement violent à supporter. Beaucoup de métamorphes le craignent car ils croient que des esprits corrompus peuvent les atteindre de cette façon. Quant aux vampires, leur état de non vivants les empêche tout bonnement de pouvoir recevoir l'héritage du sang. C'est aussi probablement la raison pour laquelle ils trouvent le sang des métamorphes amer et ne peuvent le digérer sans le rendre avant leur premier siècle.
Le dernier Souffle
Il existe une ultime étape à l'héritage de sang, qui est appelée de bien des façons selon les cultures mais qu'on peut généralement retenir sous le terme de
Dernier souffle. Il s'agit du don de soi le plus absolu, d'une pratique mystique qui dépasse de loin le simple emprunt de forme animale et qui n'est plus conditionnée par le cycle du soleil, donnant alors tout son sens au mot
héritage. C'est une tradition très importante de la culture surnaturelle des métamorphes, des clans qu'ils composent et de la tradition orale qu'ils portent. C'est une façon d'honorer les ancêtres, de préserver un lignage, de légitimer un individu pour le désigner héritier, chef ou sage. C'est un devoir à la fois de mémoire et d'accomplissement, dans certains cas une façon de préserver les précieuses reliques d'une espèce éteinte et de continuer à la faire vivre. Le Dernier souffle est en général aussi utilisé par un individu au crépuscule de sa vie, lorsqu'il sent son temps toucher à sa fin, lorsqu'il comprend qu'il a atteint ses limites et qu'il est temps pour lui de se retirer du monde.
Le dernier souffle se pratique comme un héritage de sang ou bien, littéralement, comme le passage d'un souffle mystique,
d'une partie de l'âme, de bouche à bouche. Toutefois, c'est là un sacrifice intime, un adieu à une part de soi-même. C'est un acte sans retour où
la forme transférée l'est définitivement mais où en plus le métamorphe
perd à jamais le pouvoir de réaliser une chasse sacrée sur cette espèce. C'est donc un véritable renoncement où
il abandonne son emprise sur une part de sa propre nature, et c'est quelque chose qu'on ne peut forcer car il faut le vouloir sciemment. Néanmoins, ceci
ne garantit pas la réussite systématique du processus car si celui qui le reçoit n'est pas assez en accord avec sa propre nature alors il y a de grandes chances que cela échoue. Les individus qui évoluent en permanence dans un monde urbanisés et qui ont laissé la société des humains trop s'imprégner en eux n'ont que peu de chance de réussir à absorber une forme animale de cette façon. Encore moins s'ils se pensent en partie humain.
Un tel échec est interprété de bien des manières selon les cultures : certains considèrent que c'est parce que le prétendant a été jugé indigne par les esprits, qu'il n'est pas assez fort ou sage ou tout simplement qu'il n'est pas assez avancé sur la voie de sa propre compréhension. Les limites de ce qui est vrai et de ce qui tient du folklore restent assez floues, même pour les métamorphes. Dans certaines cultures c'est de cette façon que se désignait le prochain chef de clan et que le terme de
lignée prenait tout son sens. Dans d'autres, c'était ainsi qu'on transférait des formes animales sacrées d'élu en élu, et porter la main sur ces choisis garantissait le bannissement du clan car c'était mettre en danger un héritage mystique précieux et fragile porté par l'individu en son sein. Parfois, selon les cultures et les circonstances, le Dernier souffle peut être utilisé par un individu ou un clan en guise d'honneur ou de remerciement : sauver la vie de l'enfant d'un chef de clan, préserver les membres d'une famille d'une menace surnaturelle, etc... Dans tous les cas
ce n'est pas réalisé à la légère et uniquement dans des circonstances extrêmes. À partir de là la personne qui a reçu ce don ferait mieux de continuer à s'en montrer digne car, en cas d'opprobre, ce serait considéré comme une trahison et il ne serait pas rare qu'un clan décide de la chasser et de la mettre à mort pour ne plus lui être lié.
Le Dernier souffle est également la seule façon qu'ont les métamorphes de faire le don de leur
véritable forme à un des leurs autrement qu'en passant par le meurtre d'une chasse sacrée. C'est le don ultime de soi car l'individu offre l'essence même de ce qu'il est pour continuer à exister en partie au travers de celui qui l'absorbe. Cette pratique induit
la mort inévitable de celui qui la réalise car alors le corps du métamorphe n'est plus qu'une enveloppe qui s'éteint. Quelques anciens héros ont ainsi été conservés comme des reliques dans plusieurs cultures et la perte de leurs véritables formes serait un dommage culturel et historique irréparable.
Cette pratique est
un rite avancé de l'accomplissement mystique des métamorphes et elle exige de celui qui veut la pratiquer une grande expérience et sagesse, mais surtout une compréhension poussée de sa propre nature.
On ne peut la pratiquer sans savoir réaliser l'héritage de sang avec assurance. Ce fut souvent l'apanage des sages, des anciens ou des individus capables de porter un regard d'équilibre sur le monde et les secrets de leurs origines. Un métamorphe qui n'a jamais reçu l'enseignement de l'héritage de sang
ne pourra pas pratiquer le Dernier souffle, de la même façon que ceux qui sont touchés par le Chimérisme n'ont presque aucune chance d'y arriver. C'est, hélas, ce qui risque aujourd'hui de faire s'éteindre cette pratique. Ce savoir se morcèle de plus en plus, comme beaucoup des autres traditions métamorphes. Les clans porteurs des savoirs et des secrets de la nature sont de plus en plus rares et les lignées autrefois veillées d'une protection infaillible tendent à s'effriter peu à peu face à un monde moderne qui dilue et détruit tout.
Le Chimérisme
S'il est tabou dans certaines cultures de tuer un animal pour se vêtir de sa peau ou si la Chasse sacrée n'est pas dévoilée avant un certain âge et une certaine maturité aux jeunes métamorphes, c'est que se cache derrière la plupart de ces coutumes, croyances et interdits une hantise qui est la source de bien des craintes et des peurs :
le Chimérisme. Les métamorphes ont un incroyable potentiel d'adaptation de par leur capacité à changer de forme, à en apprendre de nouvelles et à élargir leur horizon des possibles. En termes de survie et d'imprévisibilité, ils peuvent être très forts et de fait très difficiles à traquer.
Cependant, cette malléabilité de la chair ne vient pas sans un certain prix. Il n'y a pas de limite théorique au nombre de formes animales d'espèces différentes que peut prendre un métamorphe. Néanmoins, c'est quelque chose qu'il faut savoir appliquer avec parcimonie. Chasser rituellement un animal d'une espèce nouvelle à laquelle n'est pas habitué le métamorphe n'est pas qu'une question de domination physique mais aussi de compréhension instinctive et de sagesse. Une fois la Chasse sacrée réalisée, il faut encore beaucoup de temps pour maîtriser complètement les nouveaux instincts acquis, être à l'aise avec ce nouveau corps et s'y mouvoir dedans comme une seconde nature.
En général, une bonne continuité d'apprentissage de sa nouvelle forme est de réussir à se mêler à d'autres bêtes du même type et à se faire accepter, ce qui peut s'avérer parfois très compliqué ou être très long. Les animaux ressentent un quelque chose d'instinctif envers le métamorphe, ce qui peut être un atout comme un désavantage. Un individu déphasé spirituellement avec ceux-ci pourrait avoir beaucoup de mal à se faire intégrer sans problèmes car il y a une certaine harmonie à atteindre avec chaque forme animale, un équilibre, le savoir d'où est sa place dans le cycle de prédation, la relation avec les autres espèces et son environnement. Chaque nouvelle forme d'espèce est un nouvel apprentissage, sans compter les capacités propres à chacune.
En général, cette sagesse ne s'acquiert qu'avec l'âge et beaucoup de jeunes individus considèrent ces radoteries d'anciens comme étant composées d'une part de vérité, certes, mais surtout de beaucoup trop de pinaillage philosophique et d'une certaine prétention destinée à conserver un ascendant sur eux. Beaucoup délaissent la rigueur de cet enseignement ou ne s'impliquent que superficiellement et ont hâte d'acquérir une nouvelle forme pour essayer de nouvelles expériences. Qui n'a jamais rêvé de voler, de chasser à toute vitesse, d'explorer les fonds marins ou simplement de passer la moitié de sa vie sous la forme d'un chat à se faire nourrir et gratter le ventre ? La triste réalité, c'est qu'acquérir trop rapidement de nouvelles formes animales sans les maîtriser complètement conduit peu à peu à
une instabilité des instincts et des humeurs, premièrement, puis de la
capacité à changer de forme.
Psychologiquement, le métamorphe se sentira moins serein, moins stable, et il glissera lentement vers un état de
mal-être de plus en plus flagrant. Souvent, c'est un processus insidieux et qui ne se remarque que sur le moyen terme, que le métamorphe nie lui même dans les premiers temps mais qui peut amener à des troubles psychologiques graves. Ses émotions impacteront de plus en plus facilement son corps pour entamer un changement de forme. Une colère ou une grande souffrance peuvent même le forcer à se transformer complètement. Mais, pire encore, c'est comme si les formes animales non maîtrisées luttaient les unes contres les autres dans sa chair et son esprit pour y semer une pagaille sans nom et se manifester
en même temps. Sans cohérence ni équilibre, hors de tout ce qui est naturel et provoquant une perte d'identité et de repères.
Le métamorphe devient alors de plus en plus le siège d'une dissonance dangereuse, il ne se souvient plus de ce qu'il a fait pendant les phases où il était transformé, il tend à être de plus en plus agressif et régresse doucement vers quelque chose de plus primitif. Dans les pires des cas il ne parvient même plus à forcer son corps à rester humain et il mute, progressivement, en
quelque chose qui n'est plus ni homme ni animal mais une espèce d'entre deux difforme et horrible. Une
chimère, au sein de laquelle fait rage une tempête d'instincts incontrôlés. Souvent à ce stade il est déjà trop tard et l'individu perd de plus en plus sa lucidité. Sans métamorphes pour l'encadrer, le gérer et le maîtriser il devient alors un danger pour lui-même et le monde qui l'entoure. Un chaman peut, parfois, aider à retrouver le chemin de la cohérence, mais cela signifie devoir s'affronter soi-même et s'opposer à ce tumulte primordial qui fait rage en son propre sein.
Un tel phénomène - tabou à tous les niveaux - survient de plus en plus depuis les deux derniers siècles et le mode de vie urbanisé à l'extrême et coupé de la nature de l'humanité, sans compter tous les métamorphes dispersés un peu partout et qui n'ont pas de mentor pour leur transmettre savoir et coutumes. Sans conteste, les villes sont un fléau et une source propice au chimérisme. C'est quelque chose qui se soigne très difficilement et qui laisse des marques profondes et, dans nombre de cas, il faut hélas abattre la victime avant qu'elle ne se transforme en monstre. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les métamorphes les plus anciens ont souvent à cœur de servir de
mentor aux plus jeunes et à ceux qui n'ont pas eu la chance de recevoir l'éducation des secrets de leur race. De mentors mais aussi de garde-fous.
Certains le font par compassion, d'autres par devoir ou conviction et même si ce n'est pas toujours facile, savoir que l'on peut compter sur un métamorphe plus âgé et maître de lui-même est quelque chose de précieux car le chimérisme est très stigmatisé. Dans certaines parties du monde les individus qui en souffrent ou montrent les premiers signes sont systématiquement chassés et tués pour éviter toute contamination spirituelle ou colère des esprits de la nature. C'est quelque chose qui est perçu comme une honte et une faiblesse, un opprobre, et qui macère en général dans le secret le plus profond. C'est quelque chose qui ne s'évoque que très difficilement, même au sein des métamorphes, et qui n'est jamais partagé avec les étrangers.
Le cycle du Soleil et de la Lune
A l'instar des garous, les métamorphes ont un rythme de vie influencé par le cycle des astres et en particulier par celui de la Lune. La journée, il leur est extrêmement difficile d'entamer le processus de transformation et, en général, c'est quelque chose qui n'est accessible qu'aux plus âgés ou plus forts, ou sous le coup d'une émotion extrême qui ferait sortir la personne hors de ses gonds. C'est quelque chose que peu s'essaient à faire dans la mesure où c'est
très douloureux voire
dangereux pour la santé physique, le métamorphe peut sombrer dans l'inconscience très facilement s'il tente de forcer. La nuit, la chose en est rendue beaucoup plus facile et les métamorphes sont d'autant plus proches de leur véritable nature que la Lune est pleine. Quand c'est le cas, ainsi que le jour avant et le jour après, le métamorphe ressent une force puissante naître de ses entrailles qui l'incite presque irrésistiblement à revêtir sa forme animale. On peut lutter contre cette ivresse mais ce refus est en général mal perçu dans les traditions et il faut faire preuve d'une grande force de volonté pour ne pas y céder. Souvent les plus jeunes ou ceux qui se maîtrisent le moins ne peuvent lutter contre.
Le fait est qu'au lever du Soleil les métamorphes encore sous forme animale ressentent le besoin de plus en plus pressant de
reprendre forme humaine à mesure que l'aube pointe, comme une panique pleine d'adrénaline, et ils n'ont presque aucun contrôle là-dessus. Y résister est très difficile mais moins que de se transformer en plein jour et, si le métamorphe fait montre d'une volonté de fer jusqu'au bout, cette pression surnaturelle redescend au moment où le Soleil quitte l'horizon et il a alors gagné le droit de conserver sa forme animale durant le jour à venir. Cela dit, il ne pourra pas la quitter jusqu'au coucher du Soleil, ou en tout cas reprendre forme humaine lui sera aussi
dangereux et éprouvant que s'il tentait de prendre forme animale en pleine journée.
C'est souvent cette méthode qu'utilisent les métamorphes qui ne sont pas assez puissants pour changer de forme la journée afin de conserver leur corps animal de jour. D'autres le font pour diverses raisons : pour se cacher lorsqu'ils sont traqués, parce que le monde des humains leur provoque un certain malaise, par réaction instinctive à la suite d'un traumatisme, etc... Mais ceci ne vient pas sans un prix à payer. Certains affirment qu'il est tabou de présenter sa forme animale au Soleil ou que la Lune, à l'origine du monde, s'est éprise des homme-bêtes et fait preuve d'une jalousie excessive s'ils se montrent au grand jour. Toujours est-il que passer du temps sous l'une de ses formes animales pendant le jour
laisse des traces sur le corps humain au retour dans celui-ci : yeux anormaux, canines protubérantes, pilosité développée, posture étrange, etc...
Si le métamorphe n'abuse pas et n'utilise cette pratique que rarement, ces traces n'apparaissent pas tout de suite ou ne sont pas difficiles à faire disparaître par la force. Néanmoins, s'il pratique cette transgression du cycle du jour et de la nuit trop régulièrement, ces symptômes physiques se montreront
de plus en plus souvent, restant visible autant de temps qu'il y a eu transgression. C'est une dérive souvent très mal perçue par les métamorphes eux-mêmes car beaucoup croient que ces traces d'animalité résiduelles sont une perte de contrôle qui peut mener plus rapidement au chimérisme. Certains d'entre eux qui restent des semaines sans reprendre forme humaine émergent alors en ressemblant à de véritables monstres hybrides et il leur faut très longtemps pour redevenir normaux.
Être une entité changeforme d'essence surnaturelle demande un certain
équilibre dans son existence : trop plonger vers sa véritable forme, c'est risquer de ne pas en revenir. Certains individus trouvent une forme de réconfort ou d'addiction dans cette pratique et restent de plus en plus longtemps sous leur forme première. Parfois des jours, voire des semaines. Une telle pratique est néanmoins dangereuse car en plus de marquer le corps du métamorphe pendant un temps considérable par la suite, celui-ci perd peu à peu sa lucidité et il commence à
lentement régresser psychologiquement, à un stade plus primitif, où la raison cède du terrain à l'instinct. Certains s'y perdent et frôlent la perte définitive de leur humanité. Trouver suffisamment de lucidité pour reprendre forme humaine devient alors très difficile sans aide extérieure et, au-delà de plusieurs mois, le métamorphe reste coincé pour toujours sous forme animale, de corps comme d'esprit. De tels êtres sont appelés les
Perdus, les
Sauvages ou encore les
Innocents et on ne peut plus rien faire pour eux.
L'emprise de la magie
Les métamorphes ne sont ni sensibles à l'argent ni sensibles à l'aconit, qui sont les deux grandes hantises des garous. Cependant ils ont eux aussi leur faiblesse et leur nature mystique les laisse
particulièrement vulnérables à toute forme de magie et encore plus à celle des chamans et autres arcanistes de la nature. C'est une crainte qui se meut parfois en une peur irrationnelle, pleine de superstitions et de méfiance. Énormément de contes et légendes relient les thérianthropes - garous comme métamorphes - aux arcanistes, souvent dans des histoires qui mettent en scène la façon dont ces derniers sont capables d'exercer une emprise très forte sur les premiers, que ce soit dans les malédictions qu'ils sont supposés lancer ou dans la façon dont ils tentent parfois de s'emparer du pouvoir des esprits et des bêtes qui coule dans le sang des métamorphes.
Ces croyances ne sont pas que des racontards et possèdent un fond de vérité. Le sang de métamorphe est un
catalyseur à certaines formes de magie et peut être utilisé notamment par des mages rouges, noirs ou proches de la nature pour servir de
focus à leurs rituels ou pour renforcer certains enchantements. Ce n'est pas toujours utilisé à des fins néfastes et les chamans, élémentalistes et autres éveillés de la terre ont souvent des rapports d'entraide ou de guides spirituels avec le peuple des hommes-bêtes. Il n'est pas rare de trouver un tel individu gravitant autour des clans de métamorphes et autres pards, nécessaire pour la communication avec les forces de la nature, les esprits des métamorphes défunts ou pour conduire diverses pratiques cérémoniales. Mais si les uns comme les autres partagent un intérêt en partie commun dans les choses de la nature, la plupart du temps cela reste toutefois des relations farouches à cause de l'influence très forte que peut avoir la magie sur les métamorphes.
La magie a en effet tendance à persister plus facilement sur l'essence de ces derniers et si cela ne se manifeste pas toujours de la manière la plus évidente il est très facile de leur accrocher certains enchantements ou rituels dont il sera malaisé de se débarrasser. De fait,
se lier à un métamorphe même contre sa volonté est plus facile qu'avec n'importe qui d'autre et c'est quelque chose qui est parfois utilisé à mauvais escient. C'est une de leurs plus grandes peurs : voir leur liberté assujettie et exploitée par un arcaniste comme un vulgaire familier ou une source de pouvoir. C'est souvent pour cette raison d'ailleurs qu'ils ne démentent pas lorsqu'on les confond avec des garous, même si l'on a déjà vu dans de rares cas des liens mystiques volontaires se former entre un métamorphe et un arcaniste. Mais c'est quelque chose qui demande du temps pour que la confiance et une certaine intimité s'installent. Toutefois, la plupart des métamorphes ignorent complètement la véritable raison de la méfiance qu'ils entretiennent envers la magie.