« Et là je suis ai dit, “darling, if you liked it you should have put a ring on it”. Il m’a accusé d’être une drama queen, et il a probablement raison sur ce point. Mais, comme je lui ai répondu, au moins je sais ce que je vaux, et je vaux clairement mieux que ce crétin. Non mais…tu y crois, sérieux ? J’arrive pas à croire que j’ai perdu mon temps avec ce mec. » Victoria sourit. Elle était au bureau de Jonathan, le réceptionniste de la clinique vétérinaire. Et comme toutes les fins de journée, il faisait un café à la jeune femme. « Déjà que tu n’es pas payée, tu ne vas pas non plus te tuer à la tâche », c’était son argument. Alors il lui offrait un café et un peu de chocolat, c’était leur pause à tous les deux. Souvent, Jonathan racontait ses histoires personnelles, et la jeune femme adorait l’écouter. Jonathan était un personnage à part entière. S’il n’existait pas, personne n’aurait su l’inventer. Il était de ces gens qu’on adore ou qu’on déteste, parce qu’ils n’ont pas de juste milieu. Victoria, en l’occurrence, l’adorait, comme elle adorait la petite pause de fin de journée avant de ranger la clinique et rentrer chez soi. « C’est lui qui est perdant, dans l’histoire », répondit-elle avec un sourire. « Il s’en rendra compte un jour. Et tu seras déjà loin, avec un mec qui sait reconnaitre ta valeur. » Jonathan sourit puis pencha la tête sur le côté, ses longs cheveux cascadant sur ses épaules. « Tu es vraiment gentille, Vicki. Tu sais, si t’étais un mec, je t’aurais passé la bague au doigt depuis longtemps. » La jeune femme rit et adressa un clin d’œil au réceptionniste. Elle savait qu'il disait ça pour lui faire plaisir, et ça fonctionnait. Elle but sa dernière gorgée de café avant de regarder sa montre. « Il faut que je fasse la réserve avant qu’Archie rentre. Merci pour le café, Jonathan. Et pour l’histoire. » Sur ces mots, elle retourna dans la pièce principale de la clinique et alla jusqu’à la réserve. Archimède avait une quantité phénoménale d’outils, produits et compresses en tous genres. Et bien évidemment, il était plus facile de déranger que de ranger. Victoria s’en chargeait, en général, quand elle venait le week end. Recompter les produits, vérifier les stocks, remettre les choses au bon endroit, c’était carré et rigoureux. Elle aimait ce genre de tâches. Elle entreprit donc, les cahiers de stock dans une main, de faire le compte des produits. Archie était parti faire une course, elle voulait avoir fini avant son retour, qu'il n'ait plus à s'en inquiéter.
La porte claqua avant qu’elle n’eut le temps de réagir. Elle sursauta, et se précipita vers la grosse porte en métal. Celle-ci ne s’ouvrait qu’avec la clé. D’habitude, elle la calait avec un truc lourd, pour éviter ce genre de désagrément. Mais elle vit le bidon à l’intérieur ; de toute évidence, elle l’avait mal calé. Victoria chercha dans sa poche avant de se figer. Elle avait laissé les clés à l’extérieur. Bordel. Elle venait de s’enfermer à l’intérieur de la réserve. La jeune femme secoua la tête et lança une flambée de jurons qui auraient fait frémir sa mère, sentant son pouls s’accélérer. Elle n’aimait pas spécialement les espaces clos. Elle frappa à la porte, espérant attirer l’attention de Jonathan, qu’elle appela. Une fois, deux fois. La troisième fois plus fort. A la cinquième, l’ampoule s’éteint une seconde puis se ralluma. Victoria leva les yeux au plafond, une boule dans la gorge. La réserve était éclairée par une unique ampoule. Qui clignota une deuxième fois, puis une troisième. Victoria frappa plus fort à la porte, appela plus fort. Mais la distance entre la réserve et la réception, et l’épaisseur de la porte et des murs, rendait la probabilité que Jonathan l’entende faible.
Et puis, l’ampoule rendit l’âme. Le noir complet se fit. Victoria frappa de toutes ses forces sur la porte, à s’en faire mal aux mains, et hurla après Jonathan. Pas de réponse. Il y avait pire que les endroits exigus. Il y avait l’obscurité. Elle avait passé des mois dans le noir, en Australie. Les seuls moments où elle voyait la lumière, c’était celle, artificielle, de la salle dans laquelle elle se faisait torturer. Elle n’avait jamais dormi sans une source de lumière depuis. Avait déserté les attractions jouant sur la pénombre. N’aimait plus trop les cinémas. L’obscurité lui rappelait trop ce qu’elle avait vécu, la remettait dans un état de détresse qui était difficile à supporter.
La jeune australienne sentit les larmes lui monter aux yeux, la boule grossir dans sa gorge. Elle s’acharna encore un peu sur la porte, puis recula jusqu’à sentir le mur. Elle s’y laissa glisse, remonta ses genoux contre son torse. Elle ne put pas retenir ses larmes plus longtemps, et se mit à pleurer silencieusement. Autour d’elle, ses démons dansaient. Elle revoyait la cave dans laquelle elle avait passé ses mois d’horreur. Le sol froid, le matelas jeté à même le sol, les vieilles couvertures. Les toilettes aménagées dans un coin, où elle devait aller à tâtons. Le robinet à côté, qui ne donnait que dix minutes d’eau froide par jour avant de s’éteindre. Victoria ferma les yeux, tentant de chasser ses souvenirs en visualisant l’endroit réel où elle se trouvait. Mais bientôt les deux endroits se mêlèrent et les produits d’anesthésie se mêlèrent aux murs décrépis de la cave australienne. La jeune femme fut prise de tremblements légers, accompagnant ses larmes silencieuses. Elle avait appris à pleurer en silence, dans la cave. S’il l’entendait, c’était pire, souvent. Entre deux sanglots, elle continuait à appeler faiblement Jonathan.
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Archimède O'Connell
Cannot a Beast be tamed
⩥ BLACKBIRD ⩤
"In order to see birds it is necessary to become a part of the silence."
En un mot : Animal.
Qui es-tu ? : ⩥ Métamorphe. Il a grandi sur le sol de Shreveport, entouré par sa vaste famille et son clan étendu.
⩥ Force tranquille. Il est toujours prêt à servir d'appui à ses proches, ne se reposant sur eux que très rarement.
⩥ Parfois complexé par sa forme totémique, il s'en accommode de mieux en mieux au fil des ans.
⩥ Passionné. Il aime les choses pleinement, entièrement, d'une manière très honnête. Son travail, son chien, ses bécanes, ses amantes.
⩥ Fumeur. Il tente désespérément d'arrêter depuis des années.
⩥ Casanier. Il aime sa maison, il aime sa ville et il est profondément heureux d'avoir pu, enfin, retrouver la Louisiane après des années d'exil dans le Nord.
⩥ Grand passionné de mécanique, il passe son temps libre à retaper de vieilles motos dans son garage.
⩥ Colérique. Il n'aime pas la colère, se méprise de ne pas être capable de contrôler ses émotions avec plus d’acuité.
⩥ Vétérinaire. Il tient une clinique avec Jonathan, son réceptionniste, qui sert également d'hôpital pour thérianthrope et garou à la nuit tombée.
⩥ Grand Amateur de whisky, il en possède une collection impressionnante.
⩥ Il a récemment adopté un pitbull qu'il a nommé Orion.
"SINGING IN THE DEAD OF NIGHT"
Facultés : ⩥ Totem, Petit-Duc Maculé.
⩥ Première Chasse Sacrée sur un Carcajou.
⩥ Envisage vaguement une seconde Chasse.
⩥ Maîtrise parfaite de nombreuses techniques de combat au corps à corps.
Thème : Blackbird - Boyce Avenue
⩥ TAKE THIS BROKEN WINGS ⩤
"And learn to fly"
Pseudo : Akhmaleone
Célébrité : Keanu Reeves
Double compte : Daphné G. Calabrezzi & Lilas Hirsch & Maria Parado
La petite demande à sortir et je la laisse faire, elle a besoin de prendre l’air, j’ai besoin de frapper dans quelque chose. Le chuintement de la porte de derrière qui se referme sur sa silhouette me fait pousser un soupir. Jonathan pose une main sur mon épaule et je secoue la tête en soupirant. « Ferme la clinique pour la fin de la journée. J’suis pas en état de bosser là. Faut que je m’occupe d’elle. » Il rit doucement avec un sourire de connivence. « Archimède O’Connell, saint sauveur des causes et âmes perdues. » Mon poing s’abat doucement sur son épaule et je lui jette un regard faussement noir. « Va voir ailleurs si j’y suis, connard. Et arrête de m’appeler Archimède pour l’amour de Dieu… » Sa silhouette s’éloigne, les hanches se balançant de gauche à droite et le majeur tendu fièrement en l’air. « JAMAIS ! » Je ris doucement avant de me passer une main sur le visage en soupirant. « Mais quel enfoiré, putain. » Je sors doucement de la pièce, notant mentalement d’en changer la porte pour ne plus que genre d’incident puisse se reproduire. Je tourne en rond dans la clinique pendant quelques minutes, le front plissé d’inquiétude, avant de me décider à rejoindre Victoria dehors. La môme se tient là, le dos contre le mur, des larmes pleins les joues. Leur odeur, salée, est portée par le vent jusqu’à mes narines et bien qu’elle essuie son visage d’une main tremblante, elle ne peut pas me les cacher. Une main indécise vient frotter ma nuque et je m’avance doucement jusqu’à la jeune femme.
Un sourire triste étire mes lèvres quand elle me dit ne pas aimer le noir. Ses yeux pâles se perdent dans le lointain et je reste là, témoin silencieux du poids d’un traumatisme qu’elle n’aurait jamais du vivre. Je l’écoute, la laisse vider une partie de son sac sur mes épaules. Les siennes sont trop fragiles pour ce fardeau et les miennes sont habituées à recevoir la complainte des cœurs brisés des femmes qui me sont chères. Je me pose contre le mur, près d’elle, ma large épaule s’appuyant doucement contre la sienne. Ma main se faufile dans ma poche, à la recherche du paquet de cigarettes qui s’y trouve. Il fait peine à voir, écrasé comme il l’a été plus tôt, mais elles sont toujours fumables. D’une pichenette bien placée, je fais jaillir deux cancéreuses de leur étui et en tend une à la rouquine. L’autre atterri entre mes lèvres et je l’allume rapidement, le craquement de la pierre presque inaudible au travers de ses mots. La flamme vient lécher le bout de la sienne et nos deux nuages se rencontrent et se mêlent au-dessus de nos têtes. Elle évoque ce qu’elle a vécu et je lui jette un regard, qu’elle ne voit pas avant d’ouvrir la bouche. « En partie ouais. » Je ne vais pas mentir, c’était impossible de passer à côté de son histoire, le monde entier en avait parlé. Son accent, encore un peu étrange à mes oreilles, me rappelle constamment qu’elle n’est pas d’ici. Qu’elle est arrivée parce qu’elle a vécu des horreurs qui l’ont poussé loin de chez elle.
Ses yeux d’eau pâle se pose sur moi et comme à chaque fois, je suis cloué sur place, par la force de vie qui s’échappe de cette nana. J’en connais des forces de la nature, des femmes qui se sont relevées après avoir vécu l’enfer. Ma tante, ma cousine, entres autres. Perdre un fils, un frère, n’est pas une épreuve dont on sort indemnes. Pourtant, ce n’est rien en comparaison de ce qu’elle doit avoir vécu. Et elle est toujours là. Une grimace triste déforme mon visage quand elle évoque la résilience des animaux. Celle qui leur permet de continuer à vivre, à avancer, après avoir vécu le pire. Je soupire, évacuant un nuage gris autour de moi. « Ça ne s’arrête pas. » Ma voix s’écrase entre nous, pleine de la dureté de cette vérité que je lui offre. « On apprend à vivre avec, à avancer. Ça devient de moins en moins douloureux, de moins en moins fréquent. Mais ça ne disparaît jamais complètement. » Le souvenir d’Alexander est toujours une plaie béante dans mon histoire, un trou sans fond qui menace d’aspirer les membres de ma famille quand ils y pensent. Louise reste une déchirure dans ma vie, son rejet une écharde qui s’enfonce régulièrement sous ma chair. C’est triste et dur à dire, mais ce qui différencie les animaux des humains, c’est cette résilience. Et c’est là que ma nature ne joue pas en ma faveur. Il m’est venu à l’idée de reste animal après le départ de Louise, après la mort d’Alexander, parce que mon cerveau sous sa forme primaire, n’a pas la place pour se laisser bouffer par le deuil. « C’est ce qui te différencie de moi, ce qui différencie les humains des animaux. » Avec un soupir, je frotte ma barbe, le crissement des poils sous ma paume résonnant trop fort à mes oreilles. « Quand j’ai perdu Alexander… » J’inspire. Son prénom, toujours comme du verre pilé sous ma langue. « Quand on l’a perdu… C’aurait été si facile de passer ma vie sans reprendre forme humaine. La douleur était bien plus simple à supporter comme ça. Mais y avait ma tante, mon oncle et mes cousins. Et il fallait bien que quelqu’un soit là, pour eux. »
Je relève le menton et plante mes yeux dans les siens. « Ma puce, je n’arrive toujours pas à comprendre comment tu considères que t’es faible face à ce que t’as vécu. Je sais pas comment j’aurais survécu au quart de ce que je sais de ton histoire. » Le surnom affectueux m’a échappé, et je ne me reprends pas. Une main se tend, effleure la courbe de sa mâchoire, essuie une larme solitaire et je lui souris. « Tu es là, t’es en vie, c’est suffisant. Le temps que prend ta guérison ne compte pas. Si tu as besoin de pleurer, si tu as peur parfois, c’est pas grave. » Je tapote le bâtonnet de nicotine, laissant les cendres s’échouer sur le béton sous nos pieds. « Personne n’a le droit de juger le temps qu’il te faut pour te remettre et si tu veux parler, de ce que tu as vécu, de ce que tu vis, de ce que tu veux vivre, tu peux toujours venir me voir. » Mes ongles grattent ma nuque, un sourire un peu gauche sur mes lèvres. « J’sais que j’suis un peu vieux et probablement que t’aurais plutôt envie d’en parler à quelqu’un d’autre, mais si personne n’est disponible, on peut discuter. Quand tu veux. » J’indique d’un hochement de tête la clinique derrière nous. « Jonathan aussi, il t’aime beaucoup, tu sais. » Un sourire attendri étire mes lèvres en pensant à mon réceptionniste, qui ouvre souvent la bouche sans y penser, mais qui est toujours plein des meilleures intentions. « Est-ce que tu veux discuter de ce qui s’est passé ? Ou d’autre chose ? »
Depuis combien de temps était-elle dans le noir ? Victoria avait perdu le compte. Ca pouvait tout aussi bien être deux minutes que deux heures. Elle avait l’impression que ça faisait une éternité. Elle s’entendait sangloter sans réussir à contrôler quoi que ce soit. Autour d’elle, le réel et les souvenirs se mélangeaient dans une image morbide, effrayante, pleine de mort et de souffrance. Alors quand la porte s’ouvrit enfin et que la lumière entra, elle ne réagit pas tout de suite. Elle entendit Archie, elle sentit des bras l’entourer et une présence rassurante s’envelopper autour d’elle. Mais elle sanglotait toujours. La panique l’avait prise et s’était emparée d’elle si profondément qu’elle refusait de la laisser tranquille. Victoria savait qu’elle devait avoir l’air ridicule, recroquevillée sur elle-même, sanglotant comme une enfant. Peu importait.
La voix d’Archie est douce et, peu à peu, atteint le cerveau de la jeune femme. Il lui répète que c’est fini, qu’elle va bien. Quand Orion, le chien d’Archie, vient se poser sur son genou, elle tend la main et le caresse presque machinalement. Le poil doux du chien, son souffle chaud et ses gémissements se combinent aux murmures d’Archie. Au bout d’une bonne minute, les images de la cave en Australie disparaissent. La réserve de la clinique vétérinaire reprend ses droits et sa réalité. Les larmes coulent encore sur les joues de Victoria, mais sa respiration se fait plus douce, moins saccadée, s’accorde sur celle du vétérinaire. Elle sursaute quand la voix d’Archimède s’élève, encore dans un état semi-léthargique, mais elle se rappelle alors que ce n’est qu’Archie. Il est comme Orion. Il ne mord pas. Il est inoffensif. Elle est en sécurité.
Victoria se concentre sur ses sensations, comme on le lui a appris en thérapie, afin de chasser les dernières réminiscences de panique et les dernières images de souffrance qui lui serrent le cœur. Elle a l’impression qu’elle pourrait rester comme ça des heures, enveloppée par Archie, Orion près d’elle. Elle le voudrait, même. Ironique, quand on pense qu’Archimède est un homme bien plus âgé qu’elle, à peu près dans la tranche d’âge de son ravisseur en Australie quand il l’a enlevée. Peut-être était-ce pour ça, au début, qu’elle avait hésité à venir régulièrement à la clinique. Elle était entourée de deux hommes, l’un d’eux avait l’âge de l’homme qui lui avait volé sa vie. Même le chien était un mâle. Et pourtant…avec le temps, elle avait appris qu’aucun de ces trois spécimens masculins ne lui voulaient du mal. Jonathan était drôle et ne ferait pas de mal à une mouche. Orion ne sautait sur les gens que pour leur faire la fête et leur donner des coups de langue. Et Archie était empreint d’une bienveillance sans limite envers elle. Elle avait appris à se sentir en parfaite sécurité ici. Cette sécurité avait volé en éclats, pendant ces longues minutes dans la réserve, mais revenait peu à peu maintenant la lumière revenue.
Jonathan arrive, entendant enfin les appels après que Victoria ait passé ce qui lui a semble être l’éternité à l’appeler sans réponse. Il repart aussi sec, l’air paniqué. « Qu’il est con… », lance doucement Archie, l’air amusé. La jeune femme lâche un petit rire malgré elle. Cette simple phrase finit de la sortir de sa léthargie et de sa panique. Quand Jonathan revient, il a un paquet de mouchoirs à la main, qu’il lui tend avant de s’asseoir face à elle. Il est peut-être con, mais il est adorable. Victoria prend un mouchoir et se mouche bruyamment.
« Vicky… Je suis désolé, je ne t'entendais pas depuis l’accueil, tu me pardonnes, chérie ? » La jeune femme hoche la tête avec un sourire. « C’est pas ta faute », dit-elle dans un souffle, pour rassurer le réceptionniste. Elle ne veut pas qu’il se sente coupable, qu’il s’en veuille. Elle tourne la tête vers Archie en sentant qu’il presse son épaule. « Ça va mieux, Vic ? C’est fini, c’est promis. » Elle hoche la tête à nouveau. La gratitude se lit dans ses yeux, et elle espère qu’Archie saura en saisir l’ampleur. Il l’a sauvée. Mais elle se contente d’un « merci », ne sachant pas bien comment Archimède se sent face aux épanchements sentimentaux. Elle glisse un baiser entre les oreilles d’Orion, qui en profite pour lui filer un coup de langue furtif, puis se relève, hésitante. Ses muscles protestent un peu, eux qui étaient tétanisés en position fœtale pendant trop longtemps, mais ils obéissent. « J’ai…besoin d’air. Je vais derrière. », dit-elle en sortant de la réserve. Pas sûre qu’elle y remette les pieds de sitôt. Elle se dirige rapidement vers la courette située derrière la clinique. L’air frais lui fait l’effet d’un coup de poings dans les tripes, du genre qui remet le corps en marche. Elle inspire à pleins poumons, puis s’adosse contre un mur. Les yeux clos, elle se force à inspire et expirer longuement. Quelques larmes réussissent à couler le long de ses joues, qu’elle essuie rapidement du dos de sa main.
Quand elle entend des pas la rejoindre, elle rouvre les yeux, et adresse un léger sourire triste à Archie, puis baisse la tête. « Je n’aime pas beaucoup l’obscurité », dit-elle simplement, comme pour donner une excuse à sa réaction. Puis elle relève les yeux, regarde au loin. « Tu sais ce qui m’est arrivé ? En Australie, avant que j’arrive ? », demande-t-elle, hésitante. « On pourrait croire qu’après plus de deux ans, mon esprit ait cicatrisé, que je sois…guérie. Mais j’ai l’impression d’être toujours aussi meurtrie, que le moindre détail me ramène en arrière. Chaque fois, je me dis que ça ne sera pas toujours comme ça, qu’un jour, je reprendrai le dessus sur tout ça. Je ne sais plus si je me le dis par réflexe ou si j’y crois vraiment. » Elle pose enfin les yeux sur Archie. Elle sait qu’il comprend, elle ignore pourquoi, mais elle sent qu’elle peut lui parler. « Des fois, je me dis que les animaux qui viennent ici ont une meilleure résilience que moi. Le chien des Langley, il a été renversé par une voiture, il a failli y passer, et pourtant quand ils sont venus le faire stériliser la semaine dernière, il était…comme avant. Et moi, je sombre dans une réserve parce que l’ampoule a claqué. Quand est-ce que ça s’arrête ? »
Archimède O'Connell
Cannot a Beast be tamed
⩥ BLACKBIRD ⩤
"In order to see birds it is necessary to become a part of the silence."
En un mot : Animal.
Qui es-tu ? : ⩥ Métamorphe. Il a grandi sur le sol de Shreveport, entouré par sa vaste famille et son clan étendu.
⩥ Force tranquille. Il est toujours prêt à servir d'appui à ses proches, ne se reposant sur eux que très rarement.
⩥ Parfois complexé par sa forme totémique, il s'en accommode de mieux en mieux au fil des ans.
⩥ Passionné. Il aime les choses pleinement, entièrement, d'une manière très honnête. Son travail, son chien, ses bécanes, ses amantes.
⩥ Fumeur. Il tente désespérément d'arrêter depuis des années.
⩥ Casanier. Il aime sa maison, il aime sa ville et il est profondément heureux d'avoir pu, enfin, retrouver la Louisiane après des années d'exil dans le Nord.
⩥ Grand passionné de mécanique, il passe son temps libre à retaper de vieilles motos dans son garage.
⩥ Colérique. Il n'aime pas la colère, se méprise de ne pas être capable de contrôler ses émotions avec plus d’acuité.
⩥ Vétérinaire. Il tient une clinique avec Jonathan, son réceptionniste, qui sert également d'hôpital pour thérianthrope et garou à la nuit tombée.
⩥ Grand Amateur de whisky, il en possède une collection impressionnante.
⩥ Il a récemment adopté un pitbull qu'il a nommé Orion.
"SINGING IN THE DEAD OF NIGHT"
Facultés : ⩥ Totem, Petit-Duc Maculé.
⩥ Première Chasse Sacrée sur un Carcajou.
⩥ Envisage vaguement une seconde Chasse.
⩥ Maîtrise parfaite de nombreuses techniques de combat au corps à corps.
Thème : Blackbird - Boyce Avenue
⩥ TAKE THIS BROKEN WINGS ⩤
"And learn to fly"
Pseudo : Akhmaleone
Célébrité : Keanu Reeves
Double compte : Daphné G. Calabrezzi & Lilas Hirsch & Maria Parado
La petite demande à sortir et je la laisse faire, elle a besoin de prendre l’air, j’ai besoin de frapper dans quelque chose. Le chuintement de la porte de derrière qui se referme sur sa silhouette me fait pousser un soupir. Jonathan pose une main sur mon épaule et je secoue la tête en soupirant. « Ferme la clinique pour la fin de la journée. J’suis pas en état de bosser là. Faut que je m’occupe d’elle. » Il rit doucement avec un sourire de connivence. « Archimède O’Connell, saint sauveur des causes et âmes perdues. » Mon poing s’abat doucement sur son épaule et je lui jette un regard faussement noir. « Va voir ailleurs si j’y suis, connard. Et arrête de m’appeler Archimède pour l’amour de Dieu… » Sa silhouette s’éloigne, les hanches se balançant de gauche à droite et le majeur tendu fièrement en l’air. « JAMAIS ! » Je ris doucement avant de me passer une main sur le visage en soupirant. « Mais quel enfoiré, putain. » Je sors doucement de la pièce, notant mentalement d’en changer la porte pour ne plus que genre d’incident puisse se reproduire. Je tourne en rond dans la clinique pendant quelques minutes, le front plissé d’inquiétude, avant de me décider à rejoindre Victoria dehors. La môme se tient là, le dos contre le mur, des larmes pleins les joues. Leur odeur, salée, est portée par le vent jusqu’à mes narines et bien qu’elle essuie son visage d’une main tremblante, elle ne peut pas me les cacher. Une main indécise vient frotter ma nuque et je m’avance doucement jusqu’à la jeune femme.
Un sourire triste étire mes lèvres quand elle me dit ne pas aimer le noir. Ses yeux pâles se perdent dans le lointain et je reste là, témoin silencieux du poids d’un traumatisme qu’elle n’aurait jamais du vivre. Je l’écoute, la laisse vider une partie de son sac sur mes épaules. Les siennes sont trop fragiles pour ce fardeau et les miennes sont habituées à recevoir la complainte des cœurs brisés des femmes qui me sont chères. Je me pose contre le mur, près d’elle, ma large épaule s’appuyant doucement contre la sienne. Ma main se faufile dans ma poche, à la recherche du paquet de cigarettes qui s’y trouve. Il fait peine à voir, écrasé comme il l’a été plus tôt, mais elles sont toujours fumables. D’une pichenette bien placée, je fais jaillir deux cancéreuses de leur étui et en tend une à la rouquine. L’autre atterri entre mes lèvres et je l’allume rapidement, le craquement de la pierre presque inaudible au travers de ses mots. La flamme vient lécher le bout de la sienne et nos deux nuages se rencontrent et se mêlent au-dessus de nos têtes. Elle évoque ce qu’elle a vécu et je lui jette un regard, qu’elle ne voit pas avant d’ouvrir la bouche. « En partie ouais. » Je ne vais pas mentir, c’était impossible de passer à côté de son histoire, le monde entier en avait parlé. Son accent, encore un peu étrange à mes oreilles, me rappelle constamment qu’elle n’est pas d’ici. Qu’elle est arrivée parce qu’elle a vécu des horreurs qui l’ont poussé loin de chez elle.
Ses yeux d’eau pâle se pose sur moi et comme à chaque fois, je suis cloué sur place, par la force de vie qui s’échappe de cette nana. J’en connais des forces de la nature, des femmes qui se sont relevées après avoir vécu l’enfer. Ma tante, ma cousine, entres autres. Perdre un fils, un frère, n’est pas une épreuve dont on sort indemnes. Pourtant, ce n’est rien en comparaison de ce qu’elle doit avoir vécu. Et elle est toujours là. Une grimace triste déforme mon visage quand elle évoque la résilience des animaux. Celle qui leur permet de continuer à vivre, à avancer, après avoir vécu le pire. Je soupire, évacuant un nuage gris autour de moi. « Ça ne s’arrête pas. » Ma voix s’écrase entre nous, pleine de la dureté de cette vérité que je lui offre. « On apprend à vivre avec, à avancer. Ça devient de moins en moins douloureux, de moins en moins fréquent. Mais ça ne disparaît jamais complètement. » Le souvenir d’Alexander est toujours une plaie béante dans mon histoire, un trou sans fond qui menace d’aspirer les membres de ma famille quand ils y pensent. Louise reste une déchirure dans ma vie, son rejet une écharde qui s’enfonce régulièrement sous ma chair. C’est triste et dur à dire, mais ce qui différencie les animaux des humains, c’est cette résilience. Et c’est là que ma nature ne joue pas en ma faveur. Il m’est venu à l’idée de reste animal après le départ de Louise, après la mort d’Alexander, parce que mon cerveau sous sa forme primaire, n’a pas la place pour se laisser bouffer par le deuil. « C’est ce qui te différencie de moi, ce qui différencie les humains des animaux. » Avec un soupir, je frotte ma barbe, le crissement des poils sous ma paume résonnant trop fort à mes oreilles. « Quand j’ai perdu Alexander… » J’inspire. Son prénom, toujours comme du verre pilé sous ma langue. « Quand on l’a perdu… C’aurait été si facile de passer ma vie sans reprendre forme humaine. La douleur était bien plus simple à supporter comme ça. Mais y avait ma tante, mon oncle et mes cousins. Et il fallait bien que quelqu’un soit là, pour eux. »
Je relève le menton et plante mes yeux dans les siens. « Ma puce, je n’arrive toujours pas à comprendre comment tu considères que t’es faible face à ce que t’as vécu. Je sais pas comment j’aurais survécu au quart de ce que je sais de ton histoire. » Le surnom affectueux m’a échappé, et je ne me reprends pas. Une main se tend, effleure la courbe de sa mâchoire, essuie une larme solitaire et je lui souris. « Tu es là, t’es en vie, c’est suffisant. Le temps que prend ta guérison ne compte pas. Si tu as besoin de pleurer, si tu as peur parfois, c’est pas grave. » Je tapote le bâtonnet de nicotine, laissant les cendres s’échouer sur le béton sous nos pieds. « Personne n’a le droit de juger le temps qu’il te faut pour te remettre et si tu veux parler, de ce que tu as vécu, de ce que tu vis, de ce que tu veux vivre, tu peux toujours venir me voir. » Mes ongles grattent ma nuque, un sourire un peu gauche sur mes lèvres. « J’sais que j’suis un peu vieux et probablement que t’aurais plutôt envie d’en parler à quelqu’un d’autre, mais si personne n’est disponible, on peut discuter. Quand tu veux. » J’indique d’un hochement de tête la clinique derrière nous. « Jonathan aussi, il t’aime beaucoup, tu sais. » Un sourire attendri étire mes lèvres en pensant à mon réceptionniste, qui ouvre souvent la bouche sans y penser, mais qui est toujours plein des meilleures intentions. « Est-ce que tu veux discuter de ce qui s’est passé ? Ou d’autre chose ? »
Il a cette dégaine un peu timide, Archimède. L’homme est empreint d’une douceur qu’on ne soupçonnerait pas forcément en le voyant. Il gère sa clinique d’une main de fer, mais il traite les animaux et les humains avec empathie, patience, gentillesse. Il a embauché Jonathan, et le réceptionniste est ce qu’on peut appeler over the top, fatiguant, frustrant parfois. Dans d’autres environnements, il aurait été rappelé à l’ordre, on lui aurait demandé d’être quelqu’un d’autre. Mais pas Archie. Et c’était pareil avec Victoria. La jeune femme revenait aider ici parce qu’elle s’y sentait bien. Parce qu’elle n’était pas forcée de jouer un rôle, d’être une autre version d’elle-même. Pourtant, elle l’avait rôdée, sa Victoria joyeuse, celle qui avait fait le deuil de la vie qu’on lui avait volée, qui avait pansé ses blessures et avançait. Cette version d’elle-même qui n’était pas cassée de toutes parts, et qu’elle montrait à l’université, en soirée, en société. Pas à la clinique. A la clinique, elle avait le droit d’être gauche, et timide, et de n’avoir jamais vu un Superman de sa vie. Elle avait le droit d’être cassée, parce qu’au fond, Archie était cassé aussi. Il ne parlait pas beaucoup, mais elle le sentait. Il dégageait une tristesse douce-amère comme elle dégageait une peur acide. Peut-être était-ce ça qui lui donnait toute sa douceur, sa dégaine un peu instable, son empathie.
Et alors qu’elle est là, assise contre le mur après s’être retrouvée face à face avec ses pires démons, elle embrasse la douceur et l’empathie. Elle vide son sac, sans même se soucier vraiment de son envie à lui d’entendre tout ce qu’elle dit. Elle ne guette pas sa réaction, elle parle juste. Elle l’entend tout juste confirmer qu’il est au courant de son histoire. Elle n’aurait pas pensé le contraire, de toute façon. Tout le monde finissait par être au courant. Au début, elle avait essayé de masquer, sur internet. De s’effacer. Mais internet était un outil puissant qui ne vous laissait jamais oublier. Quand on tapait « Victoria Osborne » sur Google, les dix premiers liens parlaient d’elle, de son kidnapping, de son retour miraculeux. Pourtant, la jeune femme ne portait pas un prénom ni un nom de famille rare. Il y avait des dizaines de Victoria Osborne par le monde. Mais c’était toujours elle qui ressortait, et c’était toujours parce qu’elle avait été kidnappée et torturée. Elle n’existait que par cela, sur la toile. Une homonyme était même venue la trouver et l’insulter sur les réseaux sociaux parce que la notoriété de l’australienne était « emmerdante » pour trouver un boulot, et que cette inconnue ne voulait pas être confondue avec la victime d’un malade. Si elle savait. Victoria se serait bien passée de cette notoriété. Même à Shreveport, à des milliers de kilomètres de son pays, des camarades de classe avaient fini par se renseigner et connaissaient son histoire. Victoria n’avait pas le droit d’oublier. On finissait toujours par lui rappeler.
« Ça ne s’arrête pas. », répondit Archie après qu’elle ait fini son monologue. La réponse fit l’effet d’un coup de couteau dans les tripes. Non pas qu’elle attendait une autre réponse. Elle savait, au fond d’elle, qu’on n’arrêtait pas une chose pareille. Mais l’entendre, ça faisait mal quand même. « On apprend à vivre avec, à avancer. Ça devient de moins en moins douloureux, de moins en moins fréquent. Mais ça ne disparaît jamais complètement. » Victoria lâcha un sourire triste. Elle avait l’impression d’avoir mal comme au premier jour. Rationnellement, elle savait que c’était faux. Que les cauchemars n’étaient plus quotidiens. Que la douleur était plus sourde. Qu’elle fonctionnait mieux qu’avant. Mais c’était encore tellement présent. Trop présent. Elle ne guérissait pas assez vite à son goût. « C’est ce qui te différencie de moi, ce qui différencie les humains des animaux. » Elle hoche la tête mécaniquement. Ils ne parlent pas beaucoup, Archie et elle, de leurs natures surnaturelles. Archie savait qu’elle était arcaniste, elle savait qu’il était métamorphe. Elle savait aussi qu’il était loin de la créature dont la vidéo avait fuité, après la Révélation. De ce qu’elle avait compris, Archie n’était pas un prédateur, au grand dam de son ego. Elle ne saisissait pas tout à fait comment tout ça marchait. Elle commençait à peine à saisir comment son don à elle marchait, alors les dons des autres…Et ce n’était pas un sujet facilement abordé. Il y avait, entre arcanistes et métamorphes, une Histoire particulière, des liens particuliers, et elle ne tenait pas spécialement à créer une rupture entre Archie et elle pour une histoire de dons. Il était vétérinaire, elle était son assistante bénévole. C’était bien comme ça.
Pourtant, il se mit à en parler. Comme elle s’était ouverte à lui, il s’ouvrit à elle. Parla de son frère Alexander. Là encore, elle n’avait pas tous les détails. Il était mort jeune, ça avait un lien avec son don, et ça avait beaucoup affecté toute la famille. Victoria se contenta de regarder Archie et de l’écouter. Elle la vit, plus nette, plus tranchante, cette tristesse douce-amère qu’il dégageait. Elle eut une pointe d’affection pour lui. Elle n’imaginait pas la douleur de perdre un frère. Elle pensa à sa propre famille. A ses membres qui, même s’ils l’avaient rejetée, gardaient une place unique dans son cœur. Si elle apprenait qu’un de ses frères et sœurs mourait…elle serait brisée. Mais avant qu’elle ait pu dire quoi que ce soit, Archimède relève la tête, et parle d’elle à nouveau. « Ma puce, je n’arrive toujours pas à comprendre comment tu considères que t’es faible face à ce que t’as vécu. Je sais pas comment j’aurais survécu au quart de ce que je sais de ton histoire. » Ma puce. Jamais Archie ne l’avait appelée comme ça. Et rarement Victoria laisse un homme lui donner des surnoms pareils, surtout quand il a grosso modo l’âge de l’homme qui l’a kidnappée. Mais Archie est une exception. Et parce que c’est lui, elle laisse passer ce « ma puce » avec un sourire. Ca fait presque du bien, d’avoir un homme qui se prend d’affection pour elle. Victoria a vu son propre père la renier, la regarder avec un de ces regards qui vous transpercent de douleur, refuser de lui parler. Ce même père qui, quand elle est partie, l’a serrée dans ses bras en l’appelant « princesse ». Karl a été le premier à remplacer cette figure paternelle qui lui manquait. Archie, à sa manière, remplit le rôle aussi, bien qu’elle n’irait jamais jusqu’à lui manifester. Elle ne réagit pas non plus quand la main du vétérinaire vient attraper une larme rebelle. Les mots qu’il prononce sont douloureux mais nécessaires. Ils arrachent des pansements et viennent y apposer un baume. Oui, elle est en vie. Est-ce suffisant ? Des fois, elle se le demande. Elle vit à 200% pour avoir l’impression de vivre. Elle se lance à corps perdu dans la vie pour oublier qu’elle a perdu celle qu’on lui avait promis. Elle hoche la tête quand Archie lui dit qu’elle peut lui parler si elle veut. Parler, ce n’était pas facile. Même les psychiatres qu’elle avait vus, et le thérapeute qu’elle voyait toujours, devaient parfois se battre. Comment dire l’indicible ? Aucun d’entre eux ne pouvaient comprendre ce qu’elle essayait de raconter.
« J’sais que j’suis un peu vieux et probablement que t’aurais plutôt envie d’en parler à quelqu’un d’autre, mais si personne n’est disponible, on peut discuter. Quand tu veux. Jonathan aussi, il t’aime beaucoup, tu sais. » « Je sais », dit-elle doucement. Elle les aimait beaucoup aussi. Jonathan était un rayon de soleil qui rendait même la pire des journées potable. Il méritait une ou deux baffes, parfois, mais il méritait surtout tout l’amour qu’elle lui portait. Et Archie était un phare dans une vie sinueuse. La clinique était devenue un refuge.
« Est-ce que tu veux discuter de ce qui s’est passé ? Ou d’autre chose ? » Elle haussa les épaules. « Ca va, c’est juste que…. » Elle suivit un oiseau des yeux quelques secondes, avant de revenir sur Archie. Oui, elle voulait en parler. Elle avait tellement de choses à dire. Et elle voulait qu'il comprenne. « Etre enfermée dans le noir, ça m’a….ramenée en arrière. Je n’avais pas de lumière, là-bas. Dans la…cave où j’étais enfermée. La lumière du jour filtrait un peu, mais basiquement, j’étais dans le noir. Sauf quand il ouvrait pour venir me chercher, mais…c’était pas mieux alors. Je n’ai pas su me refaire à l’obscurité depuis. C’est trop…il suffit de ça pour me ramener là-bas. Le souvenir est encore tellement fort que je pourrais te décrire la pièce avec précision. Je pourrais tout te décrire avec précision. Une partie de moi est encore coincée là-bas. Le monstre qui m’a fait ça est encore là. Il a cramé, bordel, je l’ai cramé moi-même, et pourtant, il est toujours là, il a laissé son empreinte partout. Et parfois, c’est…. » Elle sourit tristement. « Parfois, une réserve médicale se transforme en cauchemar. » Elle expire longuement. « J’espère que ça ne va pas te faire reconsidérer ta décision de me prendre comme bénévole. Je sais que j’ai foutu le bordel, et c’était pas cool, mais…cette clinique, c’est important pour moi. Jonathan et toi aussi. Je suis arrivée ici en n’ayant personne, tous ceux que je connaissais en Australie ont décidé que j’étais morte avec les autres dans le désert. Mais vous…enfin tu vois. Et je comprendrais que tu n’aies ni le temps ni l’envie de gérer un cas comme le mien, et si c’est ce que tu étais venu me dire, je peux partir. Mais si tu veux bien…j’aimerais rester. »
Archimède O'Connell
Cannot a Beast be tamed
⩥ BLACKBIRD ⩤
"In order to see birds it is necessary to become a part of the silence."
En un mot : Animal.
Qui es-tu ? : ⩥ Métamorphe. Il a grandi sur le sol de Shreveport, entouré par sa vaste famille et son clan étendu.
⩥ Force tranquille. Il est toujours prêt à servir d'appui à ses proches, ne se reposant sur eux que très rarement.
⩥ Parfois complexé par sa forme totémique, il s'en accommode de mieux en mieux au fil des ans.
⩥ Passionné. Il aime les choses pleinement, entièrement, d'une manière très honnête. Son travail, son chien, ses bécanes, ses amantes.
⩥ Fumeur. Il tente désespérément d'arrêter depuis des années.
⩥ Casanier. Il aime sa maison, il aime sa ville et il est profondément heureux d'avoir pu, enfin, retrouver la Louisiane après des années d'exil dans le Nord.
⩥ Grand passionné de mécanique, il passe son temps libre à retaper de vieilles motos dans son garage.
⩥ Colérique. Il n'aime pas la colère, se méprise de ne pas être capable de contrôler ses émotions avec plus d’acuité.
⩥ Vétérinaire. Il tient une clinique avec Jonathan, son réceptionniste, qui sert également d'hôpital pour thérianthrope et garou à la nuit tombée.
⩥ Grand Amateur de whisky, il en possède une collection impressionnante.
⩥ Il a récemment adopté un pitbull qu'il a nommé Orion.
"SINGING IN THE DEAD OF NIGHT"
Facultés : ⩥ Totem, Petit-Duc Maculé.
⩥ Première Chasse Sacrée sur un Carcajou.
⩥ Envisage vaguement une seconde Chasse.
⩥ Maîtrise parfaite de nombreuses techniques de combat au corps à corps.
Thème : Blackbird - Boyce Avenue
⩥ TAKE THIS BROKEN WINGS ⩤
"And learn to fly"
Pseudo : Akhmaleone
Célébrité : Keanu Reeves
Double compte : Daphné G. Calabrezzi & Lilas Hirsch & Maria Parado
Les yeux mi-clos, afin d’échapper aux rayons ardents d’un soleil de fin de journée encore bien en forme, j’inspire une grande bouffée de nicotine, laissant la fumée âcre emplir mes poumons. Dans un soupir, je relâche le nuage, suis des yeux le même oiseau qu’elle, la jalousie embrasant mes entrailles. D’ici quelques heures, juste encore un peu plus longtemps, patience. Encore quelques heures et je pourrais enfin revêtir mes ailes, planer au-dessus des eaux calmes du bayou et me laisser porter par les vents chauds qui parcourent sans cesse la Louisiane. Je ferme les yeux et délasse, d’un mouvement souple, mes épaules tendues par l’envie. Le mégot rencontre le sol, la cendre s’écrasant en un chuintement que moi seul peut percevoir. Tout comme j’entends le rythme cardiaque enfin apaisé de la jeune femme à mes côtés, le sifflement de l’air qui pénètre ses poumons et le parfum délicat du gel douche qu’elle utilise chaque jour. Mon ouïe s’affine encore davantage, capte les bruits de Jonathan qui range sans doute sa paperasse dans un des tiroirs de son bureau, avant qu’elle ne se concentre à nouveau sur la voix de Victoria. Elle me raconte les horreurs de sa captivité, l’absence de lumière qui l'a renvoyée là-bas, auprès de son bourreau. Cette sensation qu’elle a parfois, d’être catapulté à nouveau à cette époque, de revivre cette période abjecte de sa vie. Je me rends compte de la rage qui bout en moi quand je perçois le crissement de mes dents, ma mâchoire trop crispée grinçant sa douleur. Dans une profonde inspiration, je me force à me détendre, oblige les muscles de mes mains à se relâcher, ouvre la bouche légèrement pour soulager la pression sur mes dents.
Dans un soupir, je cligne des yeux, découvrant au passage que ma vision s’est affinée, je détourne la tête en espérant qu’elle n’a pas remarqué le changement qui n’a probablement pas manqué de se produire au niveau de mes prunelles. Le brun sombre qui les habille d’ordinaire sûrement remplacé par l’ocre doré des yeux du carcajou. J’ai des envies de meurtres, des envies de mordre, une personne qui, comme elle le dit si bien, n’existe pourtant déjà plus. Je grince des dents en me concentrant pour apaiser les instincts mortifères du prédateur qui se régale de ma colère. Il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’impliquait l’arrivée de la lumière dans sa prison. Le brun sombre qui les habille d’ordinaire sûrement remplacé par l’ocre doré des yeux du carcajou. Pauvre gamine. Je tends une main et attrape la sienne, enserrant doucement sa paume, lui transmettant silencieusement mon soutien. « Un jour, ça passera, j’en suis sûr. P’tet que t’auras toujours peur du noir, mais je suis sûr qu’un jour t’auras plus tous ces flash-backs qui viennent te pourrir à chaque fois que tu te retrouves dans l’obscurité. » D’un geste maladroit, je repose sa main sur son genou avant d’y assener une petite tape que j’espère rassurante.
Son soupir me parvient aux oreilles avec la même force que s’il s’était échappé de ma propre poitrine. Une grimace incrédule déforme mes traits quand elle s’exprime ensuite. Lui demande de partir ? Mais en quel honneur ? « Attends, attends, jamais j’te demanderai de partir Vic’. » Je ris doucement, en secouant la tête, choqué du fait qu’elle est simplement pu penser que je serais capable de lui demander de ne plus se joindre à notre équipe bancale. « Tu ne peux pas décemment croire que j’vais te demander de plus venir nous filer un coup de main ? Tu te rappelles de l’état de la réserve avant que tu viennes !? » Je secoue la tête à nouveau et me penche vers elle, attrapant son regard du mien. « Victoria, tu es une perle. Cette clinique, Jonathan et moi, et tous les p’tits patients qu’on a, on a tous besoin de toi. Ok ? Et peu importe que tu craques, que tu fasses une crise d’angoisse, qui tu veuilles casser des trucs, tu seras toujours la bienvenue ici. » Je me redresse et lui tend la main, l’aidant à se relever d’un mouvement souple. « On va faire deux trois trucs toi et moi. »
Je l’entraîne à ma suite, récupère une ampoule dans un tiroir à l’accueil et la guide jusqu’à la porte de la réserve, toujours maintenue ouverte pas une chaise. « On va commencer par changer cette ampoule toi et moi. » Je traîne une seconde chaise dans la pièce et lui indique d’y grimper, ignorant son rythme cardiaque qui s’accélère et l’odeur de la peur qui s’échappe d'elle en petite bouffée. Hors de question qu’elle reste traumatisée par la moindre pièce de cet endroit qui était, comme elle le dit si bien, son havre de paix. « Grimpe là-dessus, change-moi cette ampoule et après, on va aller s’occuper des pensionnaires. Puis, si t’es sage, je t’emmène manger un morceau en ville après. » Je la regarde prendre son courage à deux mains avec un sourire pleine de fierté. « Allez, ma grande. » L’ampoule est changée, et j’appuie sur l’interrupteur. La lumière se fait de nouveau dans la pièce et mon bras se tend dans sa direction, lui offrant une main si elle en a besoin de descendre de son promontoire. « Ça, c’est fait. Dès demain, je fais changer la porte de sorte que tu ne te retrouves plus jamais coincée à l’intérieur de la pièce. Tu veux aller voir les pensionnaires où tu veux qu’on aille manger un truc ? »
« Un jour, ça passera, j’en suis sûr. » Victoria sourit doucement. Il était gentil, Archie, il voulait rassurer, et quelque part, ça marchait. Il ne fallait pas grand-chose pour la rassurer. Elle ne demandait pas vraiment ça, d’ailleurs. Elle voulait simplement que quelqu’un l’écoute. Elle voulait pouvoir sortir ce poids de son cœur, et revenir à sa vie. Elle ne savait pas si ça passerait, elle ne savait pas si elle croyait Archie, si même elle voulait le croire. L’espoir, c’est bien, mais c’est aussi terrible. Quand il se retrouve déçu, il fait encore plus mal. Pourtant, elle s’accrocha, ne serait-ce qu’un peu, aux mots du vétérinaire. Un jour, elle ne verrait plus la cave chaque fois que l’obscurité tomberait. Un jour. Ce n’était pas un espoir, c’était plutôt une promesse. Un jour, l’homme qui l’avait kidnappée n’aurait plus d’emprise sur sa vie. Elle avait survécu, elle se devait au moins ça. La main d’Archie englobe la sienne et sa chaleur vient réchauffer les doigts de la jeune femme, presque glacés. Elle rit presque lorsqu’il la repose rapidement sur elle et assène une petite tape. Victoria n’est pas nécessairement tactile, sauf avec de beaux garçons en soirée. Archie ne semble pas non plus être du genre à faire des câlins aux gens qu’il croise. Ils ont tous les deux cette pudeur maladroite, et peut-être est-elle exacerbée entre eux. Victoria ressent beaucoup d’affection pour Archimède, mais il reste un homme et son patron ; elle a parfois du mal à tracer les limites. Elle voudrait parfois se loger dans ses bras pour reprendre du courage face à la vie, mais ce genre de comportement n’est pas professionnel, et Archie n’est pas son père.
« Attends, attends, jamais j’te demanderai de partir Vic’. » Le cœur de Victoria se regonfle à ces mots. Elle avait eu peur, ces quelques secondes. Mais elle peut rester ici. Archie ne va pas la virer. C’est drôle, au début, la clinique n’était qu’un moyen parmi d’autres pour elle de faire quelque chose de son temps libre hormis étudier la magie, et de rendre service. Son besoin de générosité avait rencontré son hyperactivité et elles s’étaient rendues main dans la main jusqu’à Archie. Vicki n’était même pas sûre de vouloir que ça dure, au départ. Après tout, elle voulait soigner des gens, pas des animaux. Mais au fur et à mesure, la clinique était devenue un refuge, un foyer. Elle était tombée amoureuse des pensionnaires à poils et à plumes. Il fallait avouer qu’ils étaient pour la plupart moins compliqués que des humains. Elle en arrivait presque à revoir son plan de carrière. Et puis, bien sûr, elle s’était attachée à Jonathan et à Archie. La bonne humeur du premier, la douceur de l’autre. Elle se sentait appréciée ici. Utile. A sa place. L’ironie voulait qu’elle se sentît plus chez elle ici, à Shreveport, entre l’Eglise Wiccane, l’université et la clinique, que sur ses terres australiennes natales au sein de sa propre famille. Enfin, famille. Famille biologique.
« Tu te rappelles de l’état de la réserve avant que tu viennes !? » La jeune femme haussa les épaules. Lamentable, c’était l’état de la réserve quand elle était arrivée. Une des premières choses qu’elle avait faites était d’ailleurs de la remettre en ordre, mettre des étiquettes pour assigner des places aux produits, et rendre ça un peu plus fonctionnel. Les mots d’Archie, une fois encore, viennent gonfler d’affection et, osons le dire, de fierté, le cœur de Vicki. Cela faisait longtemps qu’on ne lui avait pas dit avoir besoin d’elle. Quand elle était gamine, on lui avait répété, les anciens de la communauté surtout. Ca remontait à loin, trop loin.
Elle saisit la main d’Archie et se releva, puis le suivit. Jonathan ne les attendait pas derrière la porte, ce qui était surprenant de sa part. Une ampoule dans la main du vétérinaire, ils se dirigèrent vers la réserve. Victoria ne put s’empêcher de frissonner en approchant de la porte, comme si elle était maudite. Stupide, et irrationnel, mais elle avait appris depuis son entrée chez les arcanistes que les malédictions étaient réelles. Même si aucun arcaniste n’aurait vraiment d’intérêt à maudire cette porte en particulier. Archie la fait monter sur une chaise pour changer l’ampoule, et bien qu’elle tente de donner le change, la jeune femme sent sa peur prendre possession d’elle. Son corps tout entier lui ordonne de descendre de cette chaise et de sortir de cette pièce. Mais il n’est pas question de reculer. Déjà parce qu’Archie est là, et qu’elle ne se ridiculisera pas une seconde fois en si peu de temps devant lui. Elle a 21 ans, elle peut affronter une ampoule et une chaise. Normalement.
Le changement prend plus de temps que la normale, en grande partie à cause des tremblements de l’australienne, mais bientôt l’ampoule luit doucement dans la réserve. Pas si effrayante, finalement, dans la lumière. Victoria jette un coup d’œil circulaire à la petite pièce. Pas de cave à l’horizon. Elle se retourne et sourit à Archie. Il semble aussi fier qu’elle. D’avoir changé une ampoule. Elle se garde bien de souligner le ridicule de cette situation ; sa mère lui avait dit un jour qu’il n’y avait pas de petite victoire. Victoria redescend même de la chaise toute seule, son ego lui interdisant de prendre la main tendue du vétérinaire.
« Ça, c’est fait. Dès demain, je fais changer la porte de sorte que tu ne te retrouves plus jamais coincée à l’intérieur de la pièce. Tu veux aller voir les pensionnaires où tu veux qu’on aille manger un truc ? » Elle sourit. « Les deux ? » Parfois, Victoria se rappelle qu’elle a 21 ans. Que techniquement, ici, elle vient tout juste d’être majeure. Qu’elle a le droit d’être une gamine. Que le poids qu’elle a constamment sur ses épaules, le sérieux qui l’accompagne partout, n’est pas une fatalité, ni une normalité. « J’aimerais faire un tour voir Rookie, il avait l’air un peu triste ce matin. Et après, on peut aller manger avec Jonathan ? Si ça te va bien sûr. Il mérite un peu de réconfort, lui aussi. »