Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon : la prochaine extension Pokémon sera EV6.5 Fable ...
Voir le deal
-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

The garden meeting ☽☾ Evangeline

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Anonymous
Invité
Invité
Dim 8 Nov - 18:45 (#)


The garden meeting



Juillet 2020.

Morne ascension dans ce déluge de feuilles verdoyantes, nature redécouverte où il aurait fallut ne jamais remettre vraiment les pieds. Les dangers sont partout désormais, l’esprit l’a bien compris et celle qui porte désormais son joli nom de jeune fille ne pourrait l’ignorer. La grâce perdue dans la mise sobre, elle ne semble pas appartenir à la nature quand bien même son cœur bat pour elle et seulement pour elle à présent. C’est ainsi qu’elle a souvent soigné les blessures qui laminaient son âme meurtrie, douce enfant se laissant avaler par les forêts boisées ou les dédales de bambous à la terre sèche, piétinant les vallées japonaises où elle pouvait croiser de lointains voisins à qui elle offrait un sourire poli et quelques mots sans saveurs. Il y en avait peu qui, à cette époque, pouvait dire que la fille Matsuhime les appréciaient. Son regard semblait haïr l’humain, terrorisant même les gosses du village, sorcière à la réputation morbide et surtout dont le nom sonnait souvent avec arnaque. Elle vomissait ses propres terres tout en les adorant, en plongeant ses doigts dans les pots de terres cuites, en broyant les fleurs pour créer les senteurs qui habillaient sa peau et c’est d’ailleurs ce parfum qui poursuivait l’enfant perdue, signant sa présence comme on sème des pétales pour retrouver le chemin d’un paradis perdu. Elle était en colère, une colère sourde et qui ne piquait jamais vraiment dans les mots mais toujours dans le regard. Elle était de ces enfants qui ne savaient pas communiquer mais qui avaient le talent pour charmer l’autre malgré tout, qui intriguaient et qui réussissaient à attraper les innocents dans leurs filets. Mashiro n’échappa pas à son piège, à la tentation incarnée qu’elle lui secouait sous le nez depuis des mois. Et beaucoup de troncs ont connus leurs baisers adolescents, leurs mains baladeuses, leurs souffles éraflés par un désir naissant. L’esquisse d’un sourire que cache une capuche et les mèches noires de ses cheveux trop longs désormais délivre l’aveu de la joie que ces souvenirs amènent avec eux. Elle a aimé l’adolescent puis l’homme et tout s’est finalement étiolé.

Les branches et feuilles mortes craquent sous le poids de ses pas nonchalants. Elle erre et ne saurait où aller. Il lui semble désormais incroyable de parvenir à poser le pied hors de son appartement devenu prison et huis clos, traversé seulement par la grande ombre protectrice la cueillant dans ses bras lorsqu’elle le lui accorde, sans qu’aucune nausée venant d’elle-même ne lui assaille la gorge, il lui semble étrange que les mois soient passés aussi lentement et aussi vite à la fois. Beaucoup de choses l’ont traversées jusqu’alors, une hystérie qu’elle n’avait plus connue depuis la mort de son fils, une apathie lui succédant, un bout de vie coincée au fond du lit ou du canapé, figeant son regard sur l’écran de télévision sans réellement saisir le sens des images qui s’y dessinaient, la pénombre pour seul habit, ne supportant que peu souvent la lumière, les miroirs évités. La réalité la gifle souvent, lui coupe le souffle lorsque tout la ramène à cette nuit infernale où elle a basculé dans un Enfer dans lequel elle n’a pas mérité de se jeter. Qu’importe, aujourd’hui, le Destin ou ce que les esprits ont voulus pour elle, elle n’en accepte que difficilement le résultat qui lacère désormais son visage. C’est bien sa beauté qui faisait le pain gagné chaque nuit, sa grâce travaillée, ses sourires, sa joie théâtrale, une chimère offerte aux clients pour leur faire croire qu’elle vivait la plus belle des aventures nocturnes à leurs côtés. L’aube qui l’a vu céder à l’interdit lui semble davantage lointaine. Zach n’aurait jamais eu à poser les yeux sur elle si c’était ce visage qui s’était présenté à lui, leur rencontre n’aurait pas eu lieu, le drame ne se serait peut-être pas concrétisé jusqu’à lui déchirer la figure. L’esprit s’égare trop souvent sur des « Et si » n’alimentant que l’amertume qui gangrène déjà son cœur impur, nourrit ses nuits où elle peine à s’endormir concrètement, inspirant l’odeur de l’être adoré ou soufflant quelques histoires à l’oreille de l’enfant prenant de plus en plus de place en son sein. Mais elle ne peut cracher sur le plaisir d’inspirer la nature pour de bon, sur ce besoin viscéral de frôler de ses doigts l’écorche des arbres, ses doigts butant contre les creux, les veines de résine, la mousse, retrouvant l’oxygène bienvenue qu’elle inspire de ses lèvres entrouvertes, les filaments d’encre couvrant la joue lacérée dont la cicatrice manque d’effleurer la commissure droite de sa lèvre qui fut si souvent mutine.

Le monstre se cache pour aspirer la terre, l’humidité, qu’importe les insectes grouillant, les nuées de moustiques, la traversée complexe des branches semblant vouloir ressortir de la terre pour s’échapper, fuir la noirceur qui se cache dans les alcôves verdoyantes d’un bayou effrayant par sa faune et sa flore. Sa paume trouvant un tronc, elle s’arrête, se souvenant de la maison calcinée retrouvée par un hasard incertaine, de cette première aventure douteuse aux côtés de cet homme du bayou ayant voulu la protéger des ombres rôdant dans la nuit qui peignait doucement le décor sauvageon. Une époque où elle ne se serait pas doutée que ce ne serait pas ses transes de plus en plus dangereuses et profondes qui l’achèveraient mais un simple câble, serpentin ayant fouetté violemment son visage de nymphe qui ne se retrouve plus que dans un regard n’ayant rien perdu de ses ombres, de son sourire qui parfois s’esquisse pour l’homme accompagnant sa vie en suspend, pour l’enfant recueillie et blessée par cette même nuit. La fatigue ne tardera pas à lui tomber sur les muscles et les os, sa frêle silhouette cachée sous une veste d’un mauve profond cachant le corps n’ayant rien perdu de ses formes, les côtes visibles que lorsqu’elle s’étire, cambre et s’allonge, s’alanguit dans les draps où l’âme baladeuse la rejoint mais ses doigts ne parviennent jamais à atteindre le cœur sacré de son être pourtant frustré, rattaché à la peur de ne plus être capable de rien, par son dégoût d’elle-même qu’il lui faudra bien surpasser. Souvent, elle demande pardon pour n’être plus celle qu’il a attiré entre ses murs et ses cuisses, souvent, elle voudrait lui demander de la fuir pour ne pas sombrer, à son tour. Car il n’y a pas qu’elle qui baigne dans une marre de souffrance.

Sans accélérer le pas, elle reprend sa marche, profitant de la musique naturelle et parfois effrayante, apaisante, se laissant aller à refermer les yeux pour apprécier sa simple présence en ces lieux, s’étonnant de tout le bruit qui lui avait manqué lorsqu’elle ne traversait pas la ville pour aller d’un huis clos à un autre, de la nature dont elle a fatalement besoin et dont elle s’éloigne. Les lèvres tremblent, la peine venant dessiner ses ridules sur un visage qui n’ose plus tromper quiconque par la douleur qui l’étreint, par le manque de l’enfant en elle malgré la quarantaine d’années qu’elle sent bien dans ses artères, son besoin de retrouver une mère qui pourrait comprendre, un père qui la rabrouerait peut-être de se laisser ainsi aller à une déprime qui s’étend, à une aïeule qui ne prendrait que peu de pincettes pour la pousser à avancer, à souffrir encore s’il le faut mais à ne plus s’enfermer dans la mélasse dans laquelle elle a fondue, ne devenant que l’ombre fragile qu’elle n’a jamais voulu devenir, femme rude et froide, cachant sa sensibilité derrière une indifférence roide.

A l’abri de sa large capuche mauve, elle expire un premier soupir tremblant, un premier sanglot silencieux secouant sa poitrine, crispant son ventre, des pleurs venus des viscères venant traverser sa poitrine pour s’extraire difficilement de sa gorge serrée tandis que le corps se détourne pour se déposer totalement contre l’un des arbres dont elle sent toute la puissance et la vieillesse, le manque d’une famille et d’un pays la percutant aussi sûrement que le filet d’argent ayant déchiré son visage. Elle éructe un sanglot trop bruyant mais se fiche bien de qui pourra l’entendre, refusant de perdre pied face aux yeux des rares proches qu’elle autorise à l’approcher. Les sillons d’iodes ne manquent pas de rejoindre ses joues, de rouler sur la pointe du stigmate laissé sur sa joue, un vertige la saisissant au point qu’elle ne puisse plus que s’appuyer contre l’arbre, béquille de fortune supportant le temps d’un instant, un autre corps ayant besoin de s’échouer contre son récif à la cime aux branches habillées du florilège de feuilles, jaunâtres ou verdâtres, à peine agitées par la brise qui circule. Malgré la chaleur qui l’habille elle n’ose encore se dévêtir, craignant de se présenter à un œil curieux, de se découvrir dans le reflet d’une quelconque flaque. Elle ne peut se résigner, pour l'instant, à s’offrir ainsi à la civilisation.

Les paupières mouvantes, elle laisse échapper quelques dernières larmes que ses phalanges aux ongles nus et acérés effacent en quelques caresses avant de se forcer à reprendre sa route sans but, cueillant çà et là quelques plantes dont elle reconnait sans mal l’origine, heureuse d’avoir eu l’idée d’’emporter avec elle un bocal vide. Aucun chaudron, ni aucune plante particulière n’a plus touché ses doigts depuis longtemps mais elle ne peut résister à l’attrait de certaines plantes, oubliant, le temps de quelques minutes, de quelques pas la menant sur un chemin hasardeux, que son existence est restée coincée dans le cauchemar d’une nuit d’Halloween qu’elle se refusera à célébrer pour longtemps, un sourire osant même venir maquiller ses lèvres dénuées d’artifices. La pâleur de sa peau à découvert, les légères cernes sous ses yeux, la lenteur de ses gestes, tout hurle une fatigue chronique qui lui sert de parure depuis des mois et le sourire bien qu’heureux, demeure mélancolique, les rives de ses yeux noirs n’étant qu’à peine rosées par les larmes qui se sont écoulées. Elle ne prend pas garde au chemin pris, le sens de l’orientation toujours peu alerte concernant les allées prises, se redressant finalement, quelques racines entre ses mains terreuses scrutant les lieux sans bien comprendre où elle a pu se perdre à nouveau. Et l’angoisse manque de lui revenir, abaissant même sa capuche pour laisser respirer son visage en nage, quelques mèches noires se collant à son front, la longueur trop osée de ses cheveux la faisant semblait à ses sorcières d’antan, la folie en moins dans les yeux (pour aujourd’hui), les joues moins creuses, scrutant pourtant les lieux avec inquiétude. Il n’y aura pas de silhouette pour la guider cette fois mais le soleil lui semble encore bien haut dans le ciel pour cette deuxième entrée dans le bayou, souriant à l’idée que l’inconnu lui beuglerait dessus pour avoir osé revenir en ces terres maudites, bien qu’elle ne se trouve pas au même endroit. Prête à se détourner, sa jupe noire frôlant presque ses genoux oscillant lorsqu’elle se fige, mirant la silhouette qui se meut non loin d’elle. D’horreur, ses yeux s’écarquillent, n’osant croire qu’une fois de plus le bayou se joue d’elle pour la mettre, au plus mauvais moment, sur le chemin d’une autre âme. Quel message doit-elle encore en déduire ? L’envie de de s’extraire au plus vite de cette situation qui ne pourrait que la révéler au premier regard inconnu la pousse à reculer précipitamment, ses bottines ripant sur la terre parfois boueuse. Et la semelle s’embourbe dans la fange quasi liquide avant qu’un cri où se mêle la peur et la surprise lui échappe, tombant lourdement sur l’arête insensible d’une racine d’arbre, le coccyx agressé par une souffrance aiguë. Le souffle court, elle ne peut pourtant pas s’empêcher de se détourner au plus vite, rampant pour échapper au regard, effrayée malgré elle, la raison se voyant écraser par la phobie du regard de l’autre, par son propre regard sur elle-même, les longues mèches noires frôlant la terre tandis qu’elle tente de fuir avant que l’inconnue ne se détourne vers elle. Bonne ou mauvaise âme, elle ne veut rien savoir.

Il est trop tôt.
Il est trop tôt pour qu’elle offre son hideux visage à quiconque.
Il est trop tôt pour que le courage lui vienne.

Sortir était une erreur,
une autre de plus à ajouter à une longue liste,
l'ayant mené jusqu'à Shreveport, ville maudite.
 


(c) corvidae
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Lun 9 Nov - 23:31 (#)

The garden meeting
Sumire & Evangeline


Les rayons du soleil percent les nuages grisonnants, caressent ton nez dressé vers l'azur en un délicat effleurement. Allongée dans l'herbe tendre, il te semble que le souffle presque imperceptible d'une brise naissante murmure à ton oreille, t'appelle, te cajole alors qu'elle se faufile à travers les végétaux. Tu gardes les yeux fermées, étendue et abandonnée à ton élément, tentée de te fondre en la terre, encore une fois. Tu l'as promis, tu ne le feras plus, ou du moins plus aussi imprudemment. Cette partie tu l'as passée sous silence, tu n'en as rien dit à Ithan, odieux gobelin du bayou que tu es d'après lui. Tu ne peux pas lui faire comprendre à quel point ce lien avec la terre te complète, t'est vital, absolument et totalement. Tu ne veux pas partager cela en réalité, jalouse de cette relation que tu chéris de tout ton coeur. Sous ta peau, la terre fourmille, s'étend en un réseau complexe et infini. Multitude agitée et immobile, immense tapisserie brodée de vert et de brun, de vie et de mort. La pourriture côtoie les jeunes pousses qui s'épanouissent timidement.

L'énergie vibre sous ton corps et tu es tentée un instant de ne refaire qu'un avec le grand tout, de laisser ton esprit s'effacer à nouveau, de n'être plus Evangeline mais cette créature endormie et éveillée, vindicative et calme. Recouverte de mousse et d'humus, se décomposant avec amour pour retourner à l'essentiel. Un soupir léger et tu te redresses, tes pupilles se rétrecissant alors que la lumière te frappe quand tes paupières daignent se soulever. Ta carcasse se déplie et s'étire vers le ciel : tu ressembles à une fleur retrouvant le jour, gorgée de rosée et d'énergie. Sur tes lèvres flotte un sourire absent alors que tu marches. Tu es là, parcourant les herbes du bayou et cheminant sur des routes invisbles pleines d'énergie. Délicates veines vitales dont le circuit brillant s'imprime dans ton esprit tandis que tes mains écartent tendrement branches et feuilles pour te frayer un discret chemin. Tes pieds nus s'enfoncent dans la boue et tu souris, songeant à l'époque où tu courrais dans la lande. Espiègle fanfaronne toujours en mouvement, toujours à vouloir attraper l'horizon, tu ne t'arrêtais que pour te perdre dans les branches d'un arbre. L'enfant sauvage s'était assagie, avait saisi l'essentiel. Il avait fallu te blesser pour que tu te poses enfin, pour que tu apprennes à écouter, à ressentir vraiment.

Tu pensais il y a encore quelques mois que le monde te manquerait. Que ta vie d'avant, dans la verte Irlande serait un poison nostalgique pour ton âme. Pas que tu trouverais ta place au coeur du bayou, seule. Toi qui aimais tant les gens, qui courrais après la compagnie, te voilà solitaire sur le chemin de la terre. Soignée. Peut être pas guérie non, ton âme dorée se pare désormais de veines sombres, comme des éclats de tourmaline dans un quartz translucide. Comme cette marque infâme qui zèbre ta jambe d'une cicatrice d'une blancheur presque lumineuse environnée de bleu et de violet. Pourtant tu n'es plus prise de nausée lorsque ton regard l'effleures. La douleur sourde qui t'emplissait s'est calmée. Certes les cauchemars t'agitent encore, mais il te suffit désormais de quitter ton lit pour te réfugier entre les racines d'un arbre et te sentir enveloppée. Protégée. Tu n'as pas besoin des autres. Pas besoin de l'humanité. Plus maintenant. L'enfant sauvage s'est muée en farouche amazone qui ne quitte que rarement son refuge désormais. La sorcière s'est parée de solitude, ombre discrète qui hante la jungle de Louisiane, qui murmure son affection et ses secrets à la flore, gratifie la faune de sourires tendres et fuit les quelques rares humains qui osent s'aventurer dans le coin.

Tes doigts courent sur la mousse, s'arrêtent l'espace d'un instant, reprennent leur course en un ballet délicat et familier qui s'accomplit en l'apothéose d'une cueillette contre laquelle tu troques ton énergie afin de rendre aux plantes ce que tu leur as pris. Tiges et feuilles, fleurs et racines se rejoignent dans ta besace élimée, viennent parfois remplir les poches de ta jupe aux bords effilés après avoir effleuré tes lèvres en un intime reccueillement. Tu t'enfonces à travers les arbres qui étendent leurs immenses silhouettes sombres et squelettiques en une supplique muette au ciel. Que t'importe l'immensité de l'azur ? Toi tu rêves de descendre le long de leurs racines infinies, pour t'enfoncer encore et toujours plus loin. Tu t'imagines dotée de griffes d'or qui te permettraient de creuser un refuge enveloppant, réconfortant. Tes ongles recouverts de terre font peine à voir, sans doute que le reste de ta personne est tout aussi peu avenant. Tes cheveux emmêlés, où l'on trouve ici et là brindilles et brins d'herbe, parfois une plume, parfois un petit scarabée perdu que tu te hâtes de rendre à son environnement lorsque tu t'en rends compte. Tes pieds nus et maculés, ton jupon dont tu as déchiré le bord il y a des lunes de cela pour le rendre plus pratique, tes yeux fièvreux et absents... Tu te figes bientôt, les sens en alerte, le coeur battant. Comme une biche sur le point de prendre la fuite, ton regard se fait alerte, tu tends l'oreille et soudain...

Un poignard en plein coeur. Une image. Tu te revois pliée en deux par une douleur indicible, trahie par Lui mais surtout par toi. Vomissant cette faiblesse qui t'empêche de te tenir debout, de supporter la présence des autres, te dégoûtant jusqu'à l'os. Un sanglot angoissé et venimeux, qui ne parvient pas à évacuer les toxines de ton chagrin, le deuil de celle que tu étais et que tu aimais tant. Tu reviens à la réalité alors que ton double se redresse, là-bas, tu le sais, tu le sens. Est-ce un mauvais tour de ton esprit ? Est-ce Evangeline qui pleure là-bas, ton ancienne toi ? Prudemment, tu te remets en route, l'inquiétude nouant tes entrailles. Mille fois tu veux faire demi-tour, mais les branches s'accrochent à tes vêtements lorsque tu fais mine de te détourner et ce fil, ce fil invisible te tire en avant. La terre elle-même semble te presser d'avancer, par là, pour te trouver, pour la trouver. Et enfin tu la vois. Ce n'est pas elle, Evangeline. Et pourtant la terre semble vibrer autour d'elle. Comme pour toi. Et elle tremble et dans ses yeux tu lis la panique, l'horreur et encore une fois, ce coup de poignard en plein coeur. Tu la vois chuter et, malgré ta promesse de fuir les tiens et de te complaire dans la solitude, tu la rejoins d'un pas rapide et curieusement assuré. Tu veux la rassurer, lui crier qu'elle n'a rien à craindre de toi, que... que... Tu t'agenouilles, le rideau d'or de tes cheveux glissant sur tes yeux et tu poses ta main sur la sienne pour la saisir doucement, fermement, en une étreinte à la fois délicate et protectrice. Le regard rivé sur vos doigts entrelacés dans la terre, tu ne relèves pas la tête, cherchant désespérément les mots de réconfort que tu aurais voulu entendre. Mais il n'y en avait eu aucun capable de t'apaiser. Alors tu serres sa main et tu laisses se dérouler les fils de cette connexion à la terre autour de vous, comme pour la serrer contre toi de tout ton être, de toute ton âme. "... s..." Ta gorge se serre et les mots ne sortent pas. Soeur. Les brins d'herbe environnants s'enroulent autour de vos serres de chair, tendrement, avec amour. Tu ne peux pas partir. Soeur. Tu ne peux pas la laisser. Parce qu'elle est comme toi. Parce qu'elle est différente. Parce que cette fois, c'est toi qui peut aider. Parce que c'est une soeur.


code by FRIMELDA
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Mar 10 Nov - 4:42 (#)


The garden meeting



La menace approche, glissant vers elle comme les tentacules sont venues la saisir, déguerpissant entre ses cuisses de profanée, suintant de leurs perversités illimitées. Peu importe que la silhouette soit femme ou homme, à la bienveillance certaine ou là, comme le fut l’arcaniste, pour la chasser des terres qu’il ne faudrait pas chercher à découvrir, la faune agressant parfois la flore mais souvent l’humain, de ses alligators croupissant sous l’eau mousseuse, des insectes grouillant de part et d’autres et dans cette vaste plaine les carcasses d’animaux férocement attaqués par l’humain ou par le mystique ne manquent pas, leurs dépouilles frappées par la pourriture. Combien de cadavres de biches et de renards a-t-elle retrouvés en ses forêts de bambous ? Combien en a-t-elle bénie de quelques prières pour que leurs âmes ne se perdent pas en chemin ? Elle a vu la mort de près bien trop de fois pour en avoir encore peur, pour s’autoriser à trembler davantage face à un simple énergumène qu’elle n’a pas eu le temps d’identifier tant l’angoisse l’a brutalement saisie. C’est cette peur vorace de croiser n’importe quel regard qui la rend malade, déraisonnable et l’a faite prisonnière de la geôle de plâtre de son appartement durant des mois. Faire face au regard de l’être aimé fut une bien rude épreuve mais celle de se mirer davantage elle-même dans une psyché au reflet ne renvoyant que la beauté affadie par l’immonde cicatrice dévorant ses traits, ce fut le plus dur, retenir ses larmes, ses cris, son hystérie que personne ne pourrait soupçonner tant le corps semble calme et apaisée, en paix avec autrui et avec elle-même. Il suffit souvent d’un rien pour que le tout s’effondre, d’un souffle, de la pointe d’une aiguille dans une vieille plaie pour faire revenir à la surface tout ce que l’esprit ne déniait pas porter en lui. Fuir la réalité, cette violence, ces cris qui ne cessent de la hanter. Salope, hurlait-il, le jouissait au fond de son oreille tendue et léchée par sa langue de porc avide d’un coït où le oui et le non n’ont plus sa place puisque les billets pleuvent. Un soldat envoyé au front pour baiser la putain qui pourrait sonner la perte de tout un clan de procureurs corrompus. Elle s’est souvenue de tout, de la douleur, de la violence, de sa non-envie de lui, de sa peur, de sa main autour de son cou, lui coupant le souffle quand lui le perdait en la martelant de sa passion putride pour elle, frustré d’être ainsi rejeté par la geisha de fortune qui le recevait depuis des mois.

Il la rattrapera un jour, fera d’elle un être sans âme que rien ne pourrait sauver. Oh, l’aube aux côtés du cerbère au regard égayé lui semble bien loin désormais et son étreinte, dans la panique, lui manque subitement, se haïssant ainsi de s’accrocher à un autre quand elle n’a jamais eu besoin de quiconque pour se relever ni même pour sombrer. Elle l’a toujours fait seule. Toujours. Elle aimerait quémander le pardon pour tout ce qu’elle lui a fait subir, ses baisers refusés, ses caresses qu’elle a fuit, son dos détourné pour des étreintes bien chastes comparées à ce qu’ils ont vécus auparavant, couple fou l’un de l’autre au point qu’elle en oubliait que le temps passe, que l’âge la poursuit, que la société voudrait d’elle qu’elle soit rangée, mère et épouse depuis bien longtemps. Mais elle aimait leur étrangeté, le côté impur et innocent pourtant de cette relation naissante. Zach Solfarelli est devenu un phare dans la mer d’encre agitée d’une vie dont la surface faisait semblant d’être calme. Et la tempête a bien fini par se montrer, sifflant contre tout, avide de destruction, elle n’en avait qu’après elle-même, qu’après l’Autre, peu importe la douceur, il ne persistait que l’aigreur pour se protéger du reste, faire mal pour faire fuir sans le vouloir vraiment, la peur de la solitude crasse et celle de ne se voir accompagnée que dans la pitié. Alors bien sûr, elle fuit. Elle fuit la lumière qui vient vers elle, ayant aperçue la blondeur emmêlées, la silhouette que le soleil fait ombre à ses yeux, aveuglée par la lueur et la chaleur, la capuche depuis longtemps abaissée ne laissant venir que l’évidence effrayante de la violence ayant frappée sa tête. La mort l’a couvée un mois durant et il y a de ces fois où même elle, pleine d’acier et d’espoir, se laisserait aller à vouloir couler pour de bon. Il suffirait d’un rien. Il suffirait de fuir la lueur solaire qui vient tout près d’elle, se détourner d’elle et courir au loin pour abandonner toute envie de vivre. Sa mère la mépriserait peut-être finalement, d’arborer un tel faciès, beauté royale et souveraine en son île minuscule et pourtant si peuplée. Un sanglot désespéré mais sans larmes lui vient alors qu’elle panique sur le sol qui la souille, son jupon trainant dans la vase et la boue, dans l’herbe fraiche et ses genoux percutant les bras de bois s’échappant de la terre précieuse contre laquelle elle pourrait, elle aussi, s’alanguir, profiter de la nature qui ne juge pas mais apaise, qui lui a tant manqué, qui avalerait le sel de ses larmes, purgerait peut-être un peu de cette souffrance maladive.

Les pas s’approchent, elle en entend la musique bruissant dans la douce herbe montante, dans les plantes qui s’accrochent, les orties et autres grandes feuilles où la rosée, quelques fois, s’étend pour pleurer à son tour. C’est quand l’ombre lumineuse se penche vers elle et qu’une main se dépose sur la sienne qu’elle se fige. Des pieds à la tête, tout semble se suspendre sur ces quelques secondes où les doigts inconnus enserre sa main salie de terre qu’elle n’a plus vernis depuis longtemps. Au travers de ses longues mèches noires, elle perçoit l’être féminin qui vient de se déposer, une Eve à laquelle elle ne pourrait croire, sauvageonne dont elle découvre peu à peu le faciès dans un mouvement tremblant, terrorisée à l’idée de se dévoiler, de faire face à quelqu’un d’inconnu pour la première fois depuis cette nuit terrifiante. Dans le tunnel de sa gorge, l’air se voit piégé, découvrant un visage innocent, plus jeune qu’elle ne l’imaginait, les opales croisant celles plus désespérées que les siennes. La paix rencontrant le chaos, le soleil percutant la lune et pourtant, aucune des deux ne s’éclipsent réellement, la fille unique Matsuhime se voyant nimbée par l’ombre de cette femme semblant avoir été enfantée par la nature elle-même, son parfum d’herbe et de terre manquant de la faire sourire d’une joie enfantine, redécouvrant l’essence même de ce qu’elle était venue chercher ici. Les yeux cernés de rouge, elle cille lorsqu’une musique  brève échoue entre elles, sourcillant sans comprendre ce qu’elle voudrait dire, l’étreinte tout contre sa main ne lui faisant rien ressentir d’autre qu’un moment de paix factice, ses lèvres s’entrouvrant pour prononcer un « ... Quoi ? » s’entendant à peine, comme pour inviter à davantage, à ce que la muette relâche ses mots prophétiques. Le noir des yeux hantés se déposent sur ces mains liées et salies de boue, d’une pâleur différente, une étreinte étrange qui ne devrait pas être mais elle n'ose encore s'y arracher, sentant la puissance d'un flux étrange traverser cette première salutation, un bienvenu mystique. Les mèches noires recouvrent à nouveau son visage, rideau bien sage et compatissant l’arrachant alors à la vue de ses yeux qui ne se veulent peut-être pas curieux de la monstruosité exposée. La douceur est présente mais elle craint alors qu’elle ne soit qu’une illusion créée par son esprit fracturé, que les médicaments ingurgités ne lui fassent voir l’impossible. Dans un sursaut, animal sauvage se refusant à la tendresse, elle se dégage de cette main se reculant précipitamment percutant l’arbre derrière elle, son crâne rebondissant contre l’écorce, la position peu confortable, fixant avec surprise cette apparition angélique. Et la honte l’habille à nouveau, comprenant que tout ce temps, ces quelques secondes seulement, ces souffles partagés, ont permis à cette femme qui n’est sûrement qu’une chimère de voir son odieux visage. La nymphe maudite par elle ne sait quel esprit se voit détourner vivement la tête vers le chemin où la naïade s’est engagée, soufflant de sa voix cassée « Pardon je ... Vous … Vous devriez partir. Il n’est pas bon de rester près de moi. » Voilà des mots qui font écho à d’autres, à ceux que l’adolescente prononçait à celle qui devint son amie mais qu’elle perdit de vue quelques années plus tard. Tous ne peuvent l’approcher. « Partez. Partez … » Supplique brisée, elle ne peut que le murmurer en boucle, le chanter sans vraiment le vouloir, le corps se repliant peu à peu sur lui-même, ce qu’elle fut n’étant plus, ses genoux abîmés par ses mouvements de panique, ses mains aux paumes écorchées plongeant dans la brume noire de sa chevelure, l’une d’elle sentant toujours cette étrange chaleur la couver, chaleur humaine et doucereuse, tendre et maternelle, peu inconnue alors que le visage ne lui dit rien. Une chaleur qu’elle ne mérite pas.


(c) corvidae
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Sam 14 Nov - 22:51 (#)

The garden meeting
Sumire & Evangeline


Ta respiration se suspend, l'espace de cet instant parfait où il te semble que tout s'arrête pour que cette rencontre se fige à jamais dans vos esprits. Sous vos mains liées la terre frémit, délicat ronronnement de satisfaction en sentant deux de ses filles enfin réunies. Les brins d'herbes semblent danser autour de vos corps agenouillés, la brise légère qui faisait trembler les feuilles s'est évanouie pour vous laisser savourer, vous laisser écouter le murmure de votre mère attendrie. Tu te rends compte alors à quel point cela t'avait manqué, d'être avec une semblable, une femme qui comme toi entend les chuchotements d'une nature trop souvent négligée. Ton coven te manque, malgré la solitude que tu chéris et qui te permets de te reconstruire, morceau par morceau. Être entourée de soeurs, de filles de la terre, de danser ensemble sous les étoiles alors que vos pieds nus s'enfoncent dans la boue et que vous riez en tournoyant tandis que le vent vous habille... Tout ceci te semble si lointain. Les froides soirées d'hiver où vous toutes réunies autour d'une infusion brûlante vos voix s'unissent en une parfaite et éclatante mélopée. Et pourtant à nouveau la terre chante ces retrouvailles et ton coeur se gonfle de joie. Toi qui craint tant l'inconnu, toi qui t'es coupée du monde... Ton âme crie sa félicité alors que tes lèvres demeurent closes.

Doucement, tu relèves légèrement la tête pour tenter de happer le regard de cette soeur retrouvée. Tu n'aperçois qu'un regard de tourmaline, brillant et profond, comme hanté l'espace d'un instant avant que des mèches d'un noir de jais ne viennent le dissimuler. Et soudain, la voilà qui s'écarte d'un bond, comme une biche prise dans les phares d'une voiture, heurtant l'arbre derrière elle qui se dresse comme pour l'empêcher de basculer en arrière. Tu relèves la tête, perdue. As-tu fait quelque chose de mal ? Dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Ou bien aurais-tu dû prononcer certaines paroles, comme un banal bonjour qui te semble si peu adéquat à la situation ? Tu happes la honte passant sur son visage de poupée zébré d'une cicatrice que tu devines récente de quelques mois, curieusement semblable à la tienne. Marquée. Aussitôt elle se dissimule derrière ce voile de soie couleur nuit, croasse d'une voix brisée des mots qui te fendent le coeur et résonnent en ton esprit. Eriger des murailles impénétrables. Ne laisser personne approcher. La honte comme armure renforcée d'épines afin de tous les faire fuir. Et se sentir si faible, si nue, privée de ce qui fait d'une fille une fleur séductrice et attirante. Tu comprends. « Pardon je ... Vous … Vous devriez partir. Il n’est pas bon de rester près de moi. »

Tu te redresses, lentement comme pour ne pas l'effrayer. « Partez. Partez … » Elle se replie cette pauvre fleur, elle fane et se meurt, s'enroule sur elle même et se déssèche inéluctablement. Vous vous fanez toutes. C'est inévitable. Sous tes pieds, l'humus se fait doux et humide, parfait berceau pour renaître. Alors tu t'approches prudemment et tu t'agenouilles face à cette créature au supplice, perdue et sur le fil, prête à sombrer. A ton cou se balance un pendentif au délicat châtoiement rosé, rayonnant d'une douce et chaleureuse énergie. L'amulette de quartz rose que tu avais confectionnée au début de l'hiver avait lentement mais sûrement rempli son office de te réapprendre à t'aimer, à te pardonner, à t'apprivoiser à nouveau, parachevant la longue convalescence de ton esprit que tu avais entamée en venant ici. Avec des gestes lents, emprunts de respect pour ce morceau de votre élément, tu retires le collier pour le passer autour du cou de l'âme perdue. Une offrande chargée de ton énergie, un maigre cadeau pour l'apaiser. Ta main glisse le long de ton jupon coloré et maculé de boue, que tu relèves jusqu'à tes genoux, laissant apparaître ta marque d'infamie finalement amadouée, acceptée. « Moi aussi » tu te contentes de déclarer avec un sourire serein. « Je ne pars pas. Toi non plus tu n'es pas obligée, tu es chez toi ici. » Tendrement, tes bras entourent cette femme tremblante et effondrée, ton énergie s'alignant contre la sienne, comme une caresse pleine d'amour et de compréhension. « Bienvenue, soeur. »

Et tu la serres contre ta poitrine. Et la pauvre fleur fanera, tu le sais. Comme toi. Mais les femmes ont-elles réellement besoin d'être des fleurs ? Tu as vécu ta renaissance comme un arbre puissant, enfonçant tes racines loin dans la terre, te connectant à cet organisme plus fort que n'importe quel homme. L'ancienne Evangeline est morte, une nouvelle est née. Tu pressens que cette soeur à peine retrouvée pourrait suivre le même chemin. Tu ressens sa peine, pour l'avoir expérimentée toi aussi il n'y a pas si longtemps. Jetée à terre, laissée pour morte, brisée. Tu as dû recomposer une nouvelle mosaïque avec les fragments de ton être, comme tant d'autres avant toi. Les traumatismes veinant ton être d'ombre, nervures de ténèbres que tu as appris à accepter. Failles et cicatrices ornant ton écorce, tu l'as accepté. Et tu fixes cette créature en morceau, tremblante et presque pourrie de l'intérieur par le chagrin et la peine. Tu aimerais l'ouvrir en deux pour y glisser une graine d'espérance et pourtant tu sais qu'il te faut avancer avec prudence. Alors tu la berces contre toi, accompagnant ses tremblements d'un doux murmure prenant racine dans les profondeurs de ton corps, accordé au frémissement de la terre sous vos corps meurtris.

code by FRIMELDA
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Mar 17 Nov - 6:18 (#)


The garden meeting



La silhouette se délie, habillée de verdures et de soleil, de cette incandescente vitalité qui, jamais, ne pourra l’habiter. Depuis longtemps déjà, l’enfant en elle a compris qu’elle ne serait jamais davantage qu’une femme de la nuit, étoile ayant depuis longtemps implosé, morceaux d’une vie passée, gâchée, piétinée par ses propres erreurs d’humaine faillible. Que ses mains soient noyées d’arcanes, de bienfaits naturels, elle s’est toujours vu détruire ce qui, un jour, l’a entouré. Famille, amis, amants. Ils ont tous finis par disparaître, emportés par le vent froid qu’elle irriguait entre elle et le monde. Il ne fallait jamais être sincèrement touché sous peine de périr. Libre sans l’être, attachée à ses rigides principes, poupée de fer que le temps a fini par faire rouiller. Tout grince depuis cette nuit d’errance, mystique, lui ayant rappelé la monstruosité d’un acte vécu comme une banalité un peu brutale, la strangulation, la poigne sur ses hanches, la torture infligé à un ventre asséché, peu désireuse de l’avoir en elle. Client crachant ses menaces à son oreille malheureusement tendue. Elle s’est souvenu, le coma ayant cessé, de tout ce qui la tourmentait de l’intérieur, rongeant la raison sans qu’elle ne s’en rende compte. Les tremblements reprennent de plus belle, vibrent sous les os et les muscles fragilisés par la faim qui se fait rare, s’enivrant plus que de raisons, ignobles mélanges faisant des pilules avalées de véritable poison. L’Ange s’étend, s’élance lentement et elle ne peut que mirer du coin de l’œil cette avancée vers elle, la lèvre inférieur vibrant des sanglots mal retenus, le dégoût et l’envie de fuir laissant remonter la belliqueuse brûlure des larmes auprès des yeux en amandes abritant des prunelles hantées à jamais par ce qu’elles ont vus et vécus. Elle n’aurait pas dû sortir. Elle doit bien se le répéter des dizaines de fois, jamais vraiment ici, ni tout à fait là. Errante entre un monde et un autre, elle voit le corps s’étendre vers elle, se poser, fleur aux doux pétales s’enracinant à ses pieds. Elle éclot mais finira bien par jaunir, par pourrir, par se faire à son tour dévorer par la pestilence qui habite son corps que l’on ne peut plus vanter objet de désir, de convoitise. N’est-il pas terrible de découvrir à quel point son visage immaculé et épargné par de quelconques stigmates lui plaisait ? Se trouver belle, ne serait-ce qu’un peu, devient un don bien rare, un joyau intérieur que peu de gens peuvent se vanter d’avoir en eux. C’était cette enveloppe sans déchirures apparentes qui lui permettaient même de vivre, laissant filer les feuilles vertes entre ses doigts peu prêteurs car la femme est dépensière.

L’ombre se recule davantage contre l’écorce, oubliant le mal créé par le choc qui hurle derrière son crâne, osant détourner à peine la tête vers cette femme qui semble être sortie de la terre pour rejoindre la surface, esprit de la forêt accueillant les âmes éperdues, comme elle. Leurs regards se déposent l’un sur l’autre car rien ne semble vouloir être violent même si l’être entier s’agite, se gondole de terreur, de honte à l’idée de s’exposer ainsi au visage d’une autre à la beauté loin d’être écœurante. Blondeur couronnée de quelques feuilles, de brindilles que sa main manque de vouloir retirer, ses doigts nerveux s’étirant avant de se refermer brutalement. Tout se fane, oui, même ses mains qu’elle sait si curieuses. Ses yeux se laissent attirer par ce qui brille tout près de la poitrine de l’apparition lumineuse, comme un cœur vibrant, voyant entre ses mèches noires cachant à peine la plaie cicatrisée, la pierre osciller, un médaillon dont elle reconnait la couleur mais sans en percevoir les bienfaits. Elle sourcille, muette, ne pouvant se permettre de parler davantage, épuisée par les quelques phrases qui se sont déliées dans ce silence apaisant. Fermer les yeux, inspirer l’air pur, pleurer, un peu, contre cet arbre plein de vie, une étreinte que la nature lui offre à laquelle elle aimerait s’abandonner toute entière. Mais comme depuis des mois, comme depuis l’éveil où elle s’est découverte monstrueuse, elle ne s’autorise presque aucun plaisir, ne satisfaisant aucun de ces désirs, frustrant l’homme qui échauffe si souvent sa couche et ses draps, accepte de simples étreintes qui, elle le sait, n’ont sûrement pas suffit à le tenir éloigner des cuisses légères qui voulaient bien soulager son mal. La femme flirtant désormais avec l’âge de la sagesse perçoit les moindres mouvements de ce qu’elle croit, un instant, être une apparition divine, un esprit venu lui tendre ses mains tachées et boueuses, lui sourire, lui murmurer que tout ira bien. Elle aimerait croire à ce simple fait, ses traits se plissant d’interdit lorsqu’elle la voit retirer le collier qui ornait son cou, se figeant aussi facilement qu’une enfant face à la main d’une inconnue, sentant la brève caresse de la peau d’un bras contre une joue, les doigts contre son cou quand la chaîne pend enfin à son cou si sensible et que nul n’a osé toucher depuis. Sauf lui. Abaissant les yeux sur le quartz rose, elle entrouvre les lèvres, ouvertement perdue, osant tendre la main vers la pierre précieuse aux reliefs doucereux, acceptant l’offrande sans savoir si elle le devrait. L’acide des larmes jamais bien loin des rives de ses yeux tourmentés, le cœur sursaute quand vient cet aveu simple et sobre, mirant ce jupon relevé pour percevoir la cicatrice marquant la peau, les esquisses ne laissant aucun doute quant à la souffrance qu’elle a dû endurer. Un simple touché pourrait lui avouer ce qui l’a tant frappé mais on ne touche pas au secret des esprits.

Dans un battement de cils, les larmes glissent à nouveau, éprouvée par cette vision douloureuse et surtout par l’impression fugace de faire face à une âme qui pourra la comprendre. Le poing, lentement, se referme sur la pierre offerte tandis qu’elle redresse à peine la tête, offrant son visage marqué et défait, une reconnaissance profonde venant briller dans les fenêtres opaques de ses iris suppliantes, croisant le bleuté et la mine angélique d’une femme de la terre. Un Kodama. Esprit de l’arbre. Sans le vouloir, elle le murmure de sa voix semblant venir d’ailleurs, du bout de ses lèvres qui n’ont rien perdues de ce dessin fin et lisse. Le sourire manque de l’achever, peinant à comprendre la gentillesse que l’esprit lui offre.

« Bienvenue, soeur. »

Les yeux s’écarquillent à peine, bête humaine effarée par la douceur de cette voix qui l’emplie d’une paix qu’elle n’avait jusqu’ici plus connue. La lumière coule vers elle, la laisse fondre dans l’étreinte de ses bras, sentant ses mains glisser contre son dos ayant réchappé au choc d’une longue chute, la pointe de son nez venant s’imprégner de l’odeur des cheveux emmêlés et pourtant bien doux. Terre, eau, mousse, fleurs, la nature l’appelle et s’éprend d’elle la laissant fondre contre une épaule frêle et pourtant assez solide pour tenir toute la tonne de chagrin qui imbibe précipitamment l’opalescence de ses yeux rougis par l’épuisement et le chagrin. Entrouvrant les lèvres pour aspirer l’air pur, elle entend un gémissement venir faire craqueler sa gorge de papier, ce froissement singulier d’une plainte enfantine qui précède l’arrivée d’un sanglot du cœur. Le visage enlaidi se crispe sous la protection du voile d’or du kodama, sortant alors de son immobilité pour étendre instinctivement ses bras autour du corps qui l’enlace. Femme contre esprit de ces plaines vêtues de saules pleureurs, boisées çà et là, tourmentée par le passé et le futur incertain, elle s’éclipse dans la chaleur humaine que son corps a tant réclamé, sorcière rouge, chaman déchue, mère orpheline, elle ressent le besoin d’étreindre un corps qui lui rappelle, le temps de quelques instants, ce qu’elle aurait pu être. Les sanglots secouent brutalement son corps, sa bouche fondant contre le derme pâle pour étouffer ses cris d’une agonie qu’elle a maintes fois fait résonner devant l’amant mais qui sonne comme une libération totale, ici et maintenant.

Sœur.

Elle n’en a jamais eu, n’en a jamais voulu, solitude personnifiée s’empêchant de recueillir en son cercle de quelconques inconnus de peur de les perdre et de les décevoir. Cette fois, les doigts s’étendent et se crispent contre le dos de cette chimère qu’elle refuse de voir s’évaporer. Les kodama viennent puis s’en vont, se défont pour retourner à leurs racines après avoir bénis les Hommes de leur apparition enchanteresse. Les larmes gondolent contre la boursouflure que le câble a dessiné sur son visage, ses pleurs ne faisant que résonner le désespoir dans cet îlot appelant pourtant à la paix. Contre elle, elle se délivre d’un poids retenu qu’elle n’osait déposer totalement dans les bras de Zach, sentant affluer contre elle l’Essence même de la magie qui sillonne l’être lumineux que le soleil lui a laissé toucher. Le brun se marie au blond, la peau pâle rencontrant celle plus hâlée, à peine, deux éclopées s’étendant l’une contre l’autre au pied d’un arbre silencieusement témoin d’une rencontre mystique et peu banale. « Merci. » murmure-t-elle à l’oreille de ce qu’elle croit encore être un don du bayou qui ne se veut pas cruel, les filaments noirs collant à ses joues humides, les pleurs s’apaisant peu à peu, les frissons du ventre se retirant un à un jusqu’à trouver un immobilisme presque total. Elle ne peut entendre que la faune piailler, couiner, hurler au loin, le vent secouer les feuillages éplorés, la vie chatouiller ses jambes. Combien de temps passe pendant cette étreinte qui restera longuement gravée dans l’esprit tuméfié de l’héritière Matsuhime. « Dites … Dites à mon fils que je l’aimerais toujours. Dites lui que sa maman l’implore de lui pardonner de l’avoir laissé périr, de ne pas avoir su le sauver. » Elle ignore pourquoi elle confie l’ignoble secret à cet esprit, si même il pourra porter le message à l’esprit errant qu’elle peine tant à trouver, mère atrophiée de son enfant ayant été dévoré par les flammes mais n’ayant pas eu la chance de vivre, la faucheuse l’ayant pris avant même qu’un adieu ne puisse sonner. Fermant les yeux, elle inspire, appelant la félicité suprême, refusant la faiblesse totale, l’abandon, craignant de ne pas parvenir à se relever si elle se délasse totalement de tout avant de se reculer pour mieux mirer le visage délicat dans cet alcôve où les souffles s’échappent, se rencontrent et s’épousent en une harmonie évidente. Le regard esquisse les moindres plis, la beauté et la rudesse des traits par endroits, errant entre l’enfance et la maturité, elle cille, déglutissant pour apaiser sa gorge sèche. « Moi, je n’ai rien à vous offrir. » avoue-t-elle, abaissant son attention sur le pendentif offert. « Je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme vous. » Elle esquisse un sourire qui brise ce visage mélancolique, abaissant à peine la tête, la chaleur la tuant sous son manteau, divaguant dans ses pensées et ses croyances, dans ce présent précieux « J’ai l’impression d’avoir trouvé un Paradis où je n’ai pas à avoir ma place. » Elle grignote les secondes, oscillant entre l’envie de fuite et celle de profiter de cette pause étrange qu’elle ne pourrait conter à Zach sans le voir serrer les dents. Il n’aime pas le monde des occultes, il n’aime pas ce qu’il lui a fait, ce qu’il a fait à sa fille, ce qu’il a fait à son visage, ce qu’il a fait à la ville en elle-même. Dans un lent mouvement, presque redevenue l’adolescente silencieuse et d’une timidité inquiétante, elle dépose le bout de ses doigts terreux là où la cicatrice pourrait tant lui dire mais elle n’y entre pas, le tissus protégeant les gondoles des stigmates « Qui vous a fait ça ? Est-ce que ça fait encore mal ? »

Sœur.
Sœur, je te guérirai peut-être.
Sœur, je te remercie pour l’étreinte même si je n’ose le dire.
Sœur, je n’ai jamais osé t’espérer.
 


(c) corvidae
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Jeu 19 Nov - 18:34 (#)

The garden meeting
Sumire & Evangeline


Des mots que tu ne comprends pas résonnent, délicats murmures emprunts d’une ferveur que tu ne mérites pas, et déjà la créature se blottit au creux de tes bras. Dans une étreinte douce et protectrice, tu l’enserres tandis que les pleurs se métamorphosent en une mélopée libératrice que tu accompagnes d’un léger mouvement de balancier, tes doigts venant effleurer le dos de ta compagne éplorée. Ta joue chatouillée par des fils de soie d’un noir profond, tu berces cette sœur retrouvée contre ton sein, ta présence l’enveloppant comme une couverture tissée de vert et d’or. Le corps se tord, s’arc-boute, tourmenté par des sanglots nécessaires et tu accompagnes chaque instant, te remémorant que cette peine immense était tienne il y avait encore quelques mois, quelques années. Alors tu lui offres ce que tu aurais aimé trouver : une semblable capable d’écouter, de comprendre cette détresse terrifiante et la solitude glacée qui l’accompagne. Cette honte et cette culpabilité étouffantes et cette interdiction que tu t’étais faite de seulement penser à aller mieux. Ce n’était pas des mots de vengeance ou bien de pitié que tu avais voulu entendre, juste de la compréhension. Et la preuve que cela pouvait aller mieux. Sœur. Tes mains caressent la chevelure de jais que tes lèvres effleurent parfois, baiser chaste qui devient une amulette pour conjurer le mauvais sort et appeler la protection sur ta semblable. Tu te veux forte et solide, un arbre aux racines profondes et infinies. Pour la soutenir, pour la protéger, pour lui apprendre à renaître comme tu l’as fait.

Aux pleurs de la fleur de jais, la nature s’était éveillée à nouveau, accompagnant ses litanies esseulées de bruissements et de cris emplis de vie. Comme pour lui dire que rien ne s’arrêtait vraiment. A ton oreille résonne un désespoir qui se répand au sol, s’enfonce dans la terre pour enfin trouver un repos réparateur. A travers ce chagrin libérateur, tu perçois un doux remerciement auquel tu réponds en serrant davantage ta sœur contre ta frêle carcasse. Qui murmure à ton oreille ce secret terrible, cette tumeur qui s’enroule autour de son être, te laissant voir une peine tissée d’un millier de fils. Tu observes cette tapisserie terrible, souhaitant plus que tout lui offrir non pas l’absolution mais le repos. Tu te contentes de la garder dans tes bras, hochant la tête avec gravité. Les morts depuis longtemps ne te parlent plus. Depuis lui. Ou du moins tu ne laisses plus leurs voix t’atteindre, de peur d’entendre la sienne. Encore brisée par son souvenir et la terreur qu’il t’inspire. Pourtant cette fois, alors que cette supplique t’emplit de tristesse, tu sens que quelque chose a changé. Et si… ? Ce « et si » tournoie dans ton esprit encore et encore. Et si tu n’entendais pas sa voix ? Et si tu étais prête à l’entendre ? Et si c’était cela qui te manquait afin de parachever ta guérison et ne plus craindre de croiser le regard mâle de tes semblables ? Sœur. Et si pour une sœur tu affrontais cet ultime fantôme ? Ta réflexion s’interrompt et enfin vos visages dévoilés se font face à face. Tu graves chaque trait de cette peinture dramatique et merveilleuse, une beauté austère et mystérieuse à laquelle cette marque à vif confère davantage de rudesse et de profondeur. Oseras-tu dire à haute voix que tu la trouves belle ? Que derrière l’infamie tu perçois ce qui pourrait être, magnificence complexe comme un quartz aux inclusions de ténèbres ?

« Moi, je n’ai rien à vous offrir. » Tu souris et secoues la tête. « Un don n’en appelle pas forcément un autre. » Oseras-tu murmurer que sa présence seule te ravit au plus haut point ? Toi non plus tu n’avais jamais rencontrer une pareille créature, si semblable à ton être le plus profond qu’il te semble avoir enfin touché du doigt une perfection dont tu n’osais rêver. « J’ai l’impression d’avoir trouvé un Paradis où je n’ai pas à avoir ma place. » Doucement, tes mains viennent saisir les siennes et tu plantes ton regard dans le sien. « Tu es ici chez toi, sœur. C’est un bon endroit pour se guérir. Tu es et resteras la bienvenue. » Tu jettes un coup d’œil sur le côté et souris à nouveau. A vos pieds ont déjà fleuri de minuscules fleurs d’or et de neige, délicates promesses de la terre à ses filles. Et puis soudain, ses doigts s’égarent sur la marque d’infamie, masquée par le jupon coloré et maculé de boue, t’interrogeant avec une candeur presque enfantine. Ton regard se charge alors de douleur, mélange d’angoisse et de tristesse, de terreur et de regrets. La colère vient enserrer le tout de ses anneaux rougeoyants et tu fermes un instant tes paupières, un soupir défait t’échappant. « Un homme. » Tes paroles tombent comme un couperet, sentence empoisonnée qui te coupe du monde. Lequel trouvera suffisamment grâce à tes yeux pour qu’enfin tu leur pardonnes ? Ithan n’avait pas suffit et était comme toi un enfant de la terre, pas un humain, pas tout à fait. Pas suffisamment en tous cas pour racheter cette faute impardonnable, cette violence coupable qui t’avait emprisonnée des semaines durant avant de s’élever en une apothéose presque mortelle.

Lorsque tu ouvres les yeux, tu es à peine surprise de sentir une larme rouler sur ta joue. La douleur est là, lovée dans ton corps et ton esprit, prête à fondre sur toi à la moindre occasion. Mais de moins en moins fort. Chaque jour plus faible, chaque jour moins brûlante. « Ça fait encore mal. Mais moins. Un jour peut être plus du tout, ou si peu pour l’oublier. » Un sourire vient à nouveau éclairer ton visage, douloureux certes, mais empli d’espérance. Tu recules, gardant la main de ta sœur dans la tienne, l’entraînant sur le chemin de ton refuge. « Viens. » L’étreinte est légère, délicate, si facile à briser et pourtant tu l’entraînes sur cette route désormais presque invisible qui mène à ta demeure. Si il y a quelques mois le sentier était encore visible, il n’en est plus rien désormais. La nature, répondant à ce souhait muet de te cacher, a étendu son manteau vert sur la voie, l’encadrant d’arbres qui étendent leurs branchages protecteurs. Et soudain, au détour d’un bosquet la voilà qui apparaît. Cette demeure modeste et ancienne, à moitié recouverte de lierre et entourée d’une jungle luxuriante, aux hortensias colorés se balançant doucement dans la brise. Chez toi. Comme à chaque fois ce curieux sentiment d’être à ta place surgit, te surprenant encore. Vos pas vous conduisent sur le perron où tu surprends, encore et toujours, un raton-laveur somnolent qui lève à peine une paupière paresseuse en vous entendant. Tu entraînes ta compagne à l’intérieur, dans l’antre de la sorcière. En réalité, un salon aux meubles anciens et dépareillés se dévoilent sous ses yeux, surmontés d’un tas de couvertures colorées et de coussins aux étoffes lumineuses et chatoyantes, aux étagères ployant sous les plantes et les cristaux brillants. Du coin de l’œil, elle verra ta cuisine, colonisée par les fioles d’épices et de plantes séchées, par les bocaux de fruits et de champignons. Tu te hâtes de mettre ta bouilloire sur l’antique cuisinière et d’allumer un feu de brindilles, pour préparer un thé odorant que tu verses dans deux tasses fleuries. « Bienvenue, sœur. » Bienvenue dans le royaume d’Evangeline.

code by FRIMELDA
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Ven 12 Fév - 6:19 (#)


The garden meeting



Cernées par la nature étincelante de sa vie éternelle, au cycle vertueux, mourant pour mieux renaître, elles ne sont que deux âmes s’étant emmêlées pour ne former qu’une forme d’ombre et de lumière, guérison face au mal-être encore trop persistant dans les orbes où le brouillard de la douleur, du dégoût, d’un désespoir crasseux se fait voir. Il ne luit plus grand chose de la candeur alors qu’elle pouvait exposer aux yeux des autres, de ces sourires réservés, de ses rires hantant le couloir où un jour Zach l’emmena pour la porter vers des cieux bien moins douloureux que la terre ferme où elle ne se sent plus de voguer. Ce soir-là, elle avoie tout, elle avoie ce qu’elle était et sera toujours. Pourquoi tu ne me quittes pas ? Souvent, cette question lui revient, souvent elle traverse ces grands moments de silence, souvent elle l’interrompt dans des palabres qui l’enchantent mais les démons des pensées prennent le pas sur tout et alors la voilà, femme en verre brisé, demandant pourquoi l’amant demeure à son flanc calciné. Personne n’a que faire de gens comme elle en son pays. Laideur, perdition, mort. Elle ne pourrait supporter de lui apporter une énième perte sur sa conscience ayant déjà tant connu l’odeur du pourpre qui s’écoule dans le sang de tous les êtres marchants, rampants, saluant la vie d’un souffle, d’un soupir, d’une inspiration aussi sifflante que celle qu’elle prend lorsqu’elle ose à nouveau plonger dans le présent au travers des orbes claires qui la mirent alors, oubliant la monstruosité qui orne le faciès oriental, sonnée par ce paisible instant qui poursuit l’orage de ses sanglots qu’il fallait bien lâcher, comme un trop plein dégoulinant, un effondrement intérieur qui ne pouvait demeurer silencieux après tant de mois à ne rien faire d’autres que laisser couler les larmes sans gémir, sans se plaindre, à ne pas hurler sa douleur, à rester dans le carcan de cette sidération qui s’allonge.

Guérir. Guérir de quoi ? Ses paupières fondent sur ses prunelles alors qu’elle saisit leurs mains liées, voyant ce lien se tisser comme du lierre viendrait enlacer leurs poignets pour habiller leurs poignes de femmes solitaires ayant derrière elles les plaies de leurs ancêtres et de leurs propres vies. Elle imagine sans mal cette plante rampante grimper sur elles, les attacher l’une à l’autre pour souder un contrat plus doux que tous ceux qu’elle aurait pu signer jusque là, ses phalanges manquant de renforcer leur ténacité sur celles de cet esprit bienfaisant qui semble lui ouvrir les bras de la forêt. N’est-ce qu’une apparition que le bayou lui donne ? Elle aimerait croire, épuisée, que rien de malveillant ne se cache derrière la douceur, derrière la chaleur de cette poigne qui s’échauffe davantage contre la sienne comme si deux essences se rencontraient, le rouge effleurant le blanc vertueux, la verdure qui pourrait pousser autour de la femme semblant ne faire qu’un avec ce décor de lieu désuet, abandonné et beau à contempler, apportant une paix certaine. Détournant la tête, offrant sans le vouloir, son odieux visage au soleil, le front luisant par la chaleur que lui apporte son manteau, mourant d’envie de s’en délester, elle perçoit au travers de ses longues mèches noires la candeur de la nature lui souriant, lui soufflant au travers d’un souffle de vent, d’un piaillement d’oiseau, de chuchotis lui murmurant « bienvenue » comme ses forêts le faisaient alors, qu’elle peut rester. Rester. Ne plus partir. Elle se laisse un instant aller à se dire qu’ici, elle pourra s’apaiser, mourir sans avoir à dire au revoir, sans avoir à faire face au visage de l’amant, de celui qui aurait pu être époux, qu’elle dévastera par son absence. Elle pense à Anaïs, à sa mine sombre, à ses sourires qui ne reviennent qu’à peine, à elle qui se sent parfois bien incapable de faire autre chose que lui chanter quelques contines d’enfants pour apaiser la douleur sur l’âme adolescente qui ne méritait point de vivre l’infernal nuit qu’ils ont tous traversés. Les étreintes chaude d’un corps vivant contre le sien lui manquent mais combien de fois a-t-elle fuit les bras qui s’ouvraient à peine pour elle ? Combien de fois a-t-elle esquiver les lèvres qui n’ont trouvés que la commissure des siennes ? Combien de fois a-t-elle senti le besoin de l’aimer en lui et elle qui ne pouvait se laisser surprendre que par le dégoût de ressentir encore le désir, viscéral, démangeant le ventre que rien n’a plus fouillé depuis longtemps ? Elle n’est plus digne de retourner ici bas, de fouler le béton gris, de se cacher dans la ville morne se remettant peu à peu du cauchemar vécu. Les lèvres tremblent et une larme solitaire trompe son apaisement en tombant sur une pommette, ses yeux mirant toujours arbres, fleurs, grandes feuilles, insectes, la faune et la flore s’embrassant en pensant à ce qu’elle se sent peu prête à abandonner. Mais que faire d’autre avec ce visage qui n’est plus bon à être aimé ? Fermant les yeux, elle dessine les traits des seuls proches qui sont demeurés près d’elle ces derniers mois, elle sent le vertige que la chaleur lui inflige, le corps vivant encore, désireux de contact humain et la main enserre bien davantage celle de l’inconnue, génie des arbres et des fleurs, rouvrant ses yeux quand l’aveu tombe.

Frottements de soie contre le plancher de maille,
Grognements infernaux,
Gorge étranglée par la poigne du Diable,
Salope.


Elle frémit, manquant de s’écarter, son passif se percutant à celui de cette femme qu’un être masculin a lui aussi abîmé, flétrissant les pétales d’une fleur encore pure, venant peut-être de naître, naïve et oscillant sous les flots d’un vent amoureux, elle l’espère, elle le dénigre, s’imaginant sans mal les sévisses que l’homme a laissé en elle comme l’ont fait tant d’autres auprès d’elle. Elle ne saurait quoi dire, préfère toujours se taire face à ce qui ne semble pas attendre de mots, un « Je suis désolée » morne qui ne pourrait être que vrai mais pas assez pour elle. Alors elle resserre simplement sa poigne sur celle de l’esprit du Bayou, résiste à plonger au cœur des meurtrissures ingrates mais qui font pourtant d’elle ce qu’elle est : esprit ayant vécu, traversé le temps, s’étant piqué contre les épines d’une vie que l’on nomme putain bien trop souvent. Et en cet instant, si elle n’est pas reine d’amertume ou de cynisme de nature, la voilà qui ne pourrait être que plus d’accord avec l’expression. « J'espère que tu ne sentiras plus rien ... car je comprends. Moi aussi, j’ai encore mal. » Elle le murmure de ce timbre morne, un hiver ayant élu domicile dans sa gorge, ne parlant toujours qu’avec douceur mais cette pointe de mort gelée dans la voix, ne saisissant pas si elle parle de ce qui scarifie son visage ou de tout ce qui a fait d’elle une femme qui aurait trop à dire en quelques secondes. Elle a nommé son fils quelques instants plus tôt, voilà quelque chose de bien suffisant, refusant si souvent d’en parler, de se souvenir qu’on lui a pris sa chair, l’enfant porté pendant neuf mois au creux d’un ventre qui cri famine mais qu’elle n’emplit plus de grand chose. Qui n’enfantera plus jamais. Ses yeux noirs s’élèvent pour parcourir le visage qui offre la douceur et la paix, un Paradis vivant qui lui sourit, qui lui offre alors de venir. Elle a peur, elle n’ose le dire mais elle vient tout de même, s’élève dans un craquement de feuilles, dans un pas incertain, les yeux nerveux, la tête toujours un peu abaissé, portant le plomb de la honte, de la laideur qui a gangrené la beauté d’antan. Sa mère la haïrait de la savoir ainsi. Son père n’oserait plus la regarder en face. On lui offrirait peut-être un masque, de quoi couvrir sa laideur qui fait d’elle une femme indigne d’être désormais aimé. Qui voudrait d’elle à part un homme qu’elle se sent prête à laisser, pour qu’il soit plus heureux, aux côtés de sa fille ? Loin du roseau cassé qu’elle demeure et qu’il désespère, elle le sent, à réparer. Elle a senti sa colère sous les rares étreintes, elle a senti ce noir profond, ce rejet viscéral du monde des arcanes dans les mains qui se sont liées comme à cet instant où elle détient la main du kodama, ce poing ferme qui pourrait la briser s’il l’avait voulu. De ses paumes, elle a tenté de défroisser les traits qui tentaient de lui cacher la vérité de sa colère, de ses envies vengeresses mais elle ne pouvait nier qu’à son tour, la magie, parfois, l’effrayait à présent. Capable de lui avoir offert l’inévitable, sa marque, son baiser, s’exposant à la vue de tous.

Elle piétine le chemin qui n’en est pas un, n’osant se retourner, pensant et pensant encore à Zach et Anaïs, à ceux qu’elle délaisse, les yeux hantés de larmes comme si un adieu venait de sonner. Elle aimerait pouvoir leur écrire et prévenir que demain, elle ne sera plus. Mais au fil des pas, la paix s’immisce dans ses entrailles bouleversés, son cœur s’apaise et même si d’autres larmes viennent, tachant le chagrin d’une joie étrange, inexplicable, elle ne recule pas, mire le dos de l’esprit au pas inégal avant qu’elle ne voit les haies de feuilles, de branchages, d’épines s’ouvrir sur un hall au grand air, écarquillant à peine les yeux face à la demeure bien modeste qui s’offre à elle. Est-ce ici que l’on mène les esprits qui errent, perdus et transis par le froid qui la transperce ? Sa grand-mère n’en parlait que rarement et la voilà bien novice, chaman inexpérimenté, n’ayant guérit que peu de gens, n’ayant guidé que peu d’âmes jusqu’au ponton menant les âmes jusqu’à leur dernière maison. De sous ses trop longs cheveux, les paupières lourdes et les yeux cernés, elle observe la beauté, pensant à ces dessins animés provenant de chez elle offrant les mêmes décors, souriant comme une enfant émue par la nature, l’entendant parler, l’entendant lui murmurer qu’elle est la bienvenue.  

Sœur.

Le mot revient et elle le murmure sans qu’on ne puisse l’entendre, enlacée par une transe bien profonde, se laissant guider jusqu’au perron, voyant le raton-laveur qui ne bouge pas, ne cherchant pas à échapper à l’humain. Un être appartenant peut-être au kodama lui offrant son toit. Sa jupe longue oscille sur ses jambes faiblardes alors qu’elle entre, le parquet craquant sous ses pas, découvrant encore bien d’autres choses, se croyant en plein rêve, aspirant à toucher et découvrir, voyant en premier les bocaux de feuilles, de fleurs, de poudres, semblables à ce qu’elle utilisait alors pour les soins qu’elle donnait aux autres par chez elle, que Zach n’aurait jamais voulu sur lui pour soigner les plaies avec lesquelles il revenait parfois à la maison. Le prénom percute le cœur et elle lâche la main presque trop sèchement du joli fantôme, plantant sa paume sur sa poitrine, là où il pouvait déposer sa tête, craignant de ne jamais revoir l’être aimé, d’y trouver son refuge et rempart contre le monde. Son parfum de nicotine, d’alcool, de savon, de lessive, de simple humain sans fioritures romanesques, les nuits d’amour où qu’elle ne pensait pas revivre, les baisers évités et parfois abandonnés car l’envie se faisait trop pressante, la saveur de la peau et celle des lèvres, la voix profonde à l'accent parfois aussi mâché que le sien qui réconfortait ses silences. Et la solitude intérieur qui ne cessait pourtant jamais. Le souffle court, elle craque de nouveau, lèvres closes, observant l’endroit avec la crainte d’une enfant perdue, avec le soulagement d’une vieille dame ayant trop vécue pour en supporter davantage, avec le désespoir d’une femme et d’une presque mère qui laisse derrière mari et enfant. Et la femme ne portant encore aucun nom lui offre à nouveau ses mots, faisant cesser les sanglots discrets, lui faisant relever son regard, se rendant compte qu’elle n’a pas osé s’aventurer plus loin que la porte close. Elle la fixe, laissant l’iode couler sur ses joues rosées par la chaleur, espérant pouvoir lui sourire sans y parvenir. « Est-ce terminé ? » demande-t-elle alors de sa voix brisée, ayant alors le courage de demander si la mort viendra bientôt pour elle. Détournant légèrement la tête comme pour observer la porte qu’elle ne pourra peut-être rouvrir, elle poursuit « Suis-je morte ? Est-ce que tu es un esprit ? »

Suis-je devenue folle, définitivement ?

« J’ai … J’ai un homme qui m’attend à la maison. Je veux l’épouser et rester auprès de lui jusqu’à ce que je n’ai plus de souffle, même si je sais ... Je sais que je ne suis plus digne de lui. J’ai aussi … une fille, pas de mon sang, mais qui ne pourra pas supporter de ne plus avoir ma présence, qui est perdue et qui souffre tellement. Je n’ai qu’eux. Je ne peux pas mourir aujourd’hui. » murmure-t-elle battant des paupières, abaissant ses prunelles, apeurée avant qu’un éclat de désespoir ne la pousse à s’avancer juste de quelques pas alors que l’eau chauffe, que sifflement se fait doucement entendre berçant ses paroles, s’avançant encore alors pour retrouver la silhouette qui a vécu le mal, tendant ses mains, osant prendre le visage entre ses paumes qui pourraient lire en elle mais elle ne le fera pas. Chaude et vivante, les cheveux où feuilles et pétales se dispersent s’emmêlant à ses phalanges, osant l’intimité d’une caresse délicate comme on voudrait apaiser une enfant. « Tu me mènes à mon fils ? Je vais pouvoir le revoir ? » Les lèvres esquissent un sourire de mère qui n’y croyait plus, espérant sans oser, car la part la plus lucide d’elle-même comprend. Comprend que ce qu’elle touche n’est pas qu’un simple esprit, comprend qu’elle est une femme comme elle en est une, comprend que si elle descendait sa main, elle trouverait un cœur battant, se mouvant aussi facilement que le sien. Mais les kodama ne sont pas des êtres vivants. Ils sont là pour hanter les forêts, pour guider les âmes. Leurs poitrines ne se soulèvent pas, leurs peaux n’est pas chaude et rien dans leurs yeux ne laissent penser à une humanité aussi pure que ce qu’elle peut alors y croiser. Pourtant, elle ne la lâche pas, le sifflement de la bouilloire continuant de chanter comme pour accompagner la scène de ces deux femmes qui fêlées qui se sont trouvées sans le vouloir, la femme venue d’ailleurs ne pouvant que pleurer encore, quittant le nid douillet de sa transe, ignorant alors si elle pleure de soulagement, de dégoût, de peur, d’amour, de tendresse, fermant les yeux pour se laisser aller à ce contact humain, découvrant la texture d’une autre peau, d’une autre vie, elle, qui n’a jamais pu se vanter d’avoir ni sœur ni amie, ni confidente. Elle qui vivait pour eux, seulement pour eux.

Sœur, aide moi.
Aide moi à trouver la paix.
Et je t’aiderai à trouver la tienne.
 


(c) corvidae
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Sam 16 Oct - 12:55 (#)

The garden meeting
Sumire & Evangeline


Les auras s’entremêlent, nuances émeraudes, vert d’eau, terre brûlée morte et renaissant à jamais. Dans ton antre vivante, demeure verdoyante aux murs envahis de lierre, les pierres scintillent doucement, miroitement curieux de cette invitée inattendue. Ce chatoiement est comme un murmure, chuchotement échangé entre les cristaux. Tes compagnes végétales agitent délicatement leurs feuilles, leurs tiges se tendent imperceptiblement vers vous, les deux sœurs enfin réunies. Les murs paraissent frémir, bruissement presque silencieux et enthousiaste à la fois, le logis s’éveille et semble avoir déjà adopté cette nouvelle arrivante. Une autre, une autre, chante un quartz dissimulé sur une poutre. Comme elle, comme elle, lui répond la citrine qui se gorge de soleil près de la fenêtre, rayonnant de plus belle de son énergie chaleureuse et puissante. Douce, bâille l’agate mousse qui paresse dans le pot d’une orchidée se plaisant dans l’ombre. Fragile. Protéger. Accueillir. Les voix se mélangent en un bourdonnement familier tandis que tu t’affaires dans ta cuisine, jetant une poignée de feuilles dans la théière, sauge, aubépine, pétales de bleuets. Herbes de sorcière et de fée, pour apaiser les cœurs affligés comme les vôtres, pour accompagner les larmes thérapeutiques qui doivent couler. Passiflore, lavande, un bouton de rose, pour réconforter, envelopper de chaleur et de douceur. Camomille enfin. Tu tends ta main vers le pot de miel mais tu te figes, frappée par le questionnement  de ta compagne. Tu l’observes sans rien dire, figée, frappée par une peine qui n’est pas tienne et que pourtant tu accueilles sans hésiter.

Tu n’es pas un esprit et pourtant à cet instant, tu donnerais tout pour l’être, pour apaiser ce cœur aux plaies béantes, cette chair à vif. Rien ne saurait te faire bouger, pas même le sifflement de la bouilloire, pas même l’agitation de tes amies verdoyantes et scintillantes. Famille. Le mot s’inscrit en lettres de feu dans ton esprit. Tu te rappelles l’Irlande, tu te rappelles le coven et tes tantes t’entourant de leur énergie bienveillante. De ta grand-mère et de sa présence puissante et tranquille à la fois, matriarche implacable et malicieuse régnant sur l’assemblée des treize sorcières. Tu te rends compte que cette solitude à laquelle tu t’accroches, endroit parfait pour tes errances magiques et les tentations de la terre, n’a pas pour autant effacé ce besoin de rassembler, de partager avec tes semblables. Avec une sœur. Ses mains sur ton visage te font fermer les yeux et parcourue d’un frémissement, les larmes commencent à couleur le long de tes joues. Contact physique, besoin assouvi. Rêve d’une étreinte et de pleurs ininterrompus jusqu’à ce que le poids qui vous habite en soit allégé. Alors tes mains viennent chercher sa taille et tu te blottis contre elle, te laissant aller à ces sanglots que nulle autre que toi n’entendait alors. Tes doigts se crispent et se détendent alors que tu t’accroches à cette sœur, pleurant pour elle, pleurant pour toi, tu ne sais plus. Pleurant pour vous, celles marquées par l’infamie, par la cruauté et la douleur, par la perte de quelque chose d’infiniment précieux que rien ni personne ne pourra vous ramener.

C’est douloureux et nécessaire, c’est terrible et magnifique ces larmes qui vous échappent, cette étreinte emplie de compassion, de souffrance, de compréhension, ce contact avec l’Autre qui vous ressemble, comme un miroir de l’âme. Ton front vient se poser contre le sien et après de longues minutes, enfin tu ouvres les yeux. Sœur. Le sifflement strident de la bouilloire te fait reprendre tes esprits et tu te hâtes de la retirer du feu. Tu répugnes à mettre fin à votre étreinte. Tu voudrais rester blottie contre ta semblable encore et encore, te sentir toujours à ta place, comprise. Tu t’écartes pourtant, pudique, souhaitant ne pas t’imposer davantage. Toujours silencieuse, tu prépares les infusions puis, invitant ta sœur à te rejoindre, lui tends une tasse odorante avec un sourire timide, tes yeux encore rougis par vos pleurs. « Evangeline » tu lâches soudain avec un petit hochement de tête destiné à te présenter. « Evangeline O’Callaghan. Et je ne suis pas un esprit. » Désolée, as-tu envie d’ajouter, plus pour toi-même que pour elle. Tu n’es que toi, parfois tu rêves que tu n’es plus une. Parfois tu sens qu’il te manque quelque chose, une chose qui se construit lentement, une connexion, une… Tu interromps le flot de tes pensées, dépose le pot de miel sur la table et t’assieds en grimaçant, ta carcasse éprouvée te faisant comprendre qu’il est temps de te reposer un peu. Un sourire plus franc cette fois, un petit rire alors tu essuies les dernières larmes de tes joues. « … ça fait du bien non ? De vraiment pleurer, je crois qu’on en avait toutes les deux besoin. »


code by FRIMELDA
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
(#)

Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» And now, the fall [Pv : Evangeline]
» The Rains & the Willows • Evangeline
» Distorted Angels • Evangeline & Serguey
» Warm Stone - Evangeline & Anaïs
» Nature to be commanded must be obeyed // Ft Evangeline O'callaghan

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-
Sauter vers: