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Bayou Blues ~Inna~

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Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
Medea Comucci
Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing

En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Thème : https://www.youtube.com/watch?v=EUY2kJE0AZE
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Pseudo : Mea
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Date d'inscription : 16/06/2021
Crédits : Carm/Kaidan
Dim 11 Juil - 11:20 (#)




Medea est assise à l’une des tables du jardin de l'hôtel, profitant de la fin d’après-midi de ce samedi. Sa cigarette se consume lentement dans le cendrier, devant elle une assiette d’huitres grillées et une portion de beignets  dont la dorure parsemée de sucre glace les rend irrésistible tant à l'œil qu’au palais. La cuisine du restaurant de l'hôtel n’a rien à envier à l’un des établissements select de la ville et c’est l’une des raisons pour le choix de son séjour dans celui-ci en particulier. Ca, et le fait qu’il soit totalement à l’écart du circuit touristique, que les portes ne s’ouvrent que sur une sélection de clients extrêmement stricte. Un verre de vin blanc complete cette collation qui est à la fois trop tardive pour être un goûter et trop tôt pour le diner. L’italienne n’a pas eu le temps de se nourrir convenablement durant le reste de la journée et profite de cette pause méritée. Une troisième coquille vide vient rejoindre l’assiette creuse.

Si elle prend plaisir à ce qu’elle grignote, son esprit n’est pas totalement concentré sur sa nourriture. Plongée dans un article du journal de Shreveport, elle souligne parfois certaines tournures de phrases. Elle compare plusieurs éditions différentes, des sorties plus anciennes. Sur son ordinateur portable, presque en équilibre jusqu’à ce qu’elle finisse par réquisitionner une seconde table, elle s’est connectée au serveur de la police locale pour completer son impression générale. Quand la brune relève la tête, c’est totalement inconsciente de la poudre de sucre glace qui décore ses lèvres. Le problème, c’est qu’elle Sent qu’il pourrait y avoir quelque chose de pas naturel. Ou pas du tout. Une bouffée de cigarette qui s’est a formé un tube de cendre en l’attendant. Il y a de plus en plus de disparitions dans ce coin de bayou, c’est certain. Mais lors de ses quelques appels à la SPD, Shreveport Police Department, les officiers avec qui elle s’est entretenue ne sont pas directement concernés. D’après eux et les rangers de l’Office de la Reserve Sauvage, ces morts ou disparitions, bien qu’en hausse ces derniers mois, ne sont pas totalement hors des statistiques des décès accidentels ou de nature animale.

Elle se frotte les yeux et se renverse sur sa chaise. Inclinant la tête en arrière. Révisant dans sa tête ce qu’elle a compulsé depuis quelques jours. Non, il n’y a pas assez d’éléments pour ouvrir une enquête officielle. Mais pourtant, une grimace, à son niveau à elle, y a un truc de pourri dans ce bayou. Son père utilisait le Mojave pour se débarrasser des corps, il aurait été en Louisiane, il utiliserait les Bayous. L’image, une seconde, l’amuse. Son père dévoré par les moustiques, en juste rétribution de la sangsue qu’il était jusqu’à sa mort il y a quelques années en arrière. Ou alors, c’est juste qu’elle n’aime pas spécialement les crocodiles, ou les alligators, ou les caïmans. Impossible de retenir les différences. Elle a visité une ferme aux crocodiles avec son lycée, il y a une vie, et Medea n’a PAS été impressionné par ces créatures. Non, elle a eu l’impression d'âmes malveillantes derrière ces billes noires impassibles, affleurant à peine à la surface de l’eau. Genre le Diplodocus s’est fait tank par une météorite mais ces sacs à main ambulants, non.

La brune suppose qu’elle sait déjà comment elle va occuper son dimanche. Une hésitation à appeler Duncan ou Wayne. Mais ses coéquipiers ont largement mérité leur week-end de repos et il lui semble qu’ils avaient chacun des occupations personnelles. Joindre Tyler? Un rire intempestif qui la surprend à cette idée. La profiler voit très bien comment le détective privé accueillerait un tel appel :- Hey Tyer, demain je vais faire un tour dans le Bayou Carouge. Tu m’accompagnes? Y a peut être ou peut être pas une Cess qui s’amuse dedans. Y a peut être ou peut être pas un tueur qui se débarrasse de ses victimes dedans?
-Tu es complètement tapée. Arrête de faire une fixette sur les tueurs en série, jamais de la vie je vais dans le bayou. Tu ne me paies pas assez pour ça. Clic. Sans compter qu’elle n’a pas tout à fait éclaircie Pourquoi elle pourrait s'intéresser à de tels faits divers. De plus, elle commence à lui faire confiance. Réellement confiance. Quand bien même ses progrès concernant Carlisle sont lents -elle ne lui en tient pas rigueur-, elle aime bien progresser avec lui, en est venue à apprécier ses intuitions et ses méthodes. Medea commence à lui faire confiance, et cela en devient inquiétant. Chaque fois qu’elle a baissé sa garde, les conséquences ont été aussi sales que brutales. Se reposer davantage sur le jeune homme est un risque que pour le moment, elle n’est plus capable de prendre. Non. Elle va se débrouiller seule. Elle passe néanmoins un appel pour le lendemain, s’assurant les services d’un guide local, qui selon la brochure et le squelette de son site, promet une excursion pittoresque et magique pour les amateurs de nature et de sensations uniques. Yeah. Ca inspire tellement confiance, un guide qui s'appelle Donald Diego, Dédé pour les intimes.

Néanmoins, ca ne change rien au fait qu’elle décolle de Shreveport dès sept heures du matin pour rejoindre Mooringsport et le lac Caddo qui est son point de départ. Après une courte réflexion, elle envoie un court sms à Tyler pour l’informer de ses plans pour la journée, juste pour qu’il y ait au moins une personne qui sache qu’elle est dans le Bayou Carouge et puisse lancer l’alerte si elle donne plus signe de vie. Sa croix d’argent et son entrelacs d’argent ont leur place à son cou et son poignet. Un maquillage léger dissimulé derrière de larges lunettes de soleil aux verres fumés. Une chemise légère et une tonne de citronnelle. Certes, ils sont en hiver, mais tant pis. Un jean noir épais et des boots qui montent le long de ses chevilles. Sur le siège passager, un sac à dos avec les bases, en espérant qu'elle n'ait rien oublié. Mais entre une gourde d’eau et un thermos de café, des barres de céréales, une couverture de survie, un kit de premier secours, et une lampe torche, cela devrait suffire. Elle hésite à prendre son arme. Avant de décider que ce serait une mauvaise idée. Il ne s’agit pas de traquer une Cess quelconque mais de consolider ou invalider une intuition.

La réputation du Bayou Carouge n’a rien de riant ou plaisant.  Et le ponton du lac ne fait rien pour changer cette impression. Quant à son guide, Medea prend garde de ne pas se mettre sous le vent tant les parfums de crasse et de tabac à chiquer sont puissants. Il lui manque au moins une dent et celles qui restent sont jaunies par ses différents abus. Son visage est buriné autant par une vie à l’extérieur que l’alcool nécessaire pour la supporter. Taches de cambouis et autres moins identifiables maculent sa salopette. Ses touffes de cheveux éparses tentent de lutter contre une calvitie qui a gagné la guerre. Tous les a priori citadins de Medea frémissent et elle doit les briser pour ne pas se laisser influencer.  Le délit de faciès est une erreur de débutante. N'empêche qu’elle n’est pas tout à fait rassurée lorsqu' elle s’installe sur son hydroglisseur. Celui-ci est en parfait état, exact opposé de son propriétaire. Elle finit par se détendre et la conversation avec le guide s’avère plus intéressante que ce qu’elle avait craint. Ils quittent le chanel principal une vingtaine de minutes plus tard, source d’eau du Lac pour s’éloigner dans des bras moins larges. La bière à dix heures du matin est une impossibilité pour elle. Le calme et la beauté des lieux est apaisant et l’italienne se surprend à apprécier réellement cette excursion. Il y a un silence dont elle avait oublié la qualité. Le moteur de l’hydroglisseur est à peine plus haut qu’un ronronnement et la faune du bayou est la seule source sonore. Cependant, plus ils s’engagent dans des canaux secondaires, plus la chaleur moite devient oppressante. Une rigole de sueur le long de son dos et sa chemise colle désagréablement à sa peau. Lorsque les bras de rivières s’élargissent, c’est pour laisser place à des iles qui ne sont qu’à peine visible dans la brume montante et la végétation. Le temps est en train de se couvrir rapidement. Une tour de pécheur abandonnée, des casiers à écrevisses vermoulues, l’activité humaine est de plus en plus réduite. Pourtant, Medea insiste pour continuer. Pour aller de plus en plus loin. Son guide est de plus en plus réticent. Il y a quelque chose dans l’endroit qui la fascine et l’inquiète. Quelque chose qui l’attire autant que ca la repousse. Ils ne sont pas encore au coeur du Bayou Carouge, elle en est certaine. Un coassement trop proche la fait presque sursauter alors que du bout des doigts, elle peut effleurer les tiges de roseaux. Pas question de mettre la main dans l’eau trouble. La visibilité est nulle et Medea n’a aucune idée de ce qui peut se dissimuler dans les profondeurs de celle-ci. Les regards de Donald sont pesants, désagréables. Si l’italienne n’a aucune peur de lui, son environnement est aussi inconnu qu’hostile.

Ils finissent par aborder une ile un peu plus étendue que les autres et qui garde encore les ruines d’une structure plus grande. Peut être une petite maison ou un refuge d’une antenne locale des rangers? Il est plus de treize heures et ils ont navigué plus de cinq heures dans le labyrinthe marécageux. L’occasion de se dérouiller un peu les jambes. Surtout que la bande de terre émergée s’étend sur plusieurs centaines de mètres, en faisant un îlot conséquent. Pourquoi n’est il pas répertorié sur les cartes officielles qu’elle a consultées? Elle a quitté l’hydroglisseur avec seulement son portable en main, laissant son sac à dos sur le banc. Simplement le temps de prendre quelques photos de la maison en total délabrement. Des premières gouttes d'eau, grosses comme des larmes, commencent à s’éparpiller sur le sol boueux. Elle secoue la tête. Ce qu’elle espérait trouver n’est pas là. Cette expédition est un plantage. Un soupire qu’elle relâche. Au moins le chemin du retour devrait être plus direct. Pas le temps d’informer son guide de son changement d’opinion. Ce pezzo di merda, ce polentoni fasciti, a déjà fait demi- tour, la laissant planté sur ce petit bout de terre louisianaise, complètement hors des chemins touristiques. Avec simplement son téléphone qui n’a pas de réseau et son paquet de clopes. Ce qui est certain, ce qui est sur et certain, c’est que lorsqu’elle va retrouver ce minchia di puttana troia, et elle VA le retrouver, elle va le pendre avec ses propres tripes. Vivant. Avec du miel et des fourmis.  Mais cazzo, pourquoi est ce qu’elle est venue seule déjà? Et avec la pluie qui s’intensifie de plus en plus, le ciel vient de s’assombrir salement. Rage impuissante. Un rire qui n’a rien de joyeux qui s’étrangle dans sa gorge.
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Dim 18 Juil - 15:21 (#)



La brume avait avalé les lueurs timides de l’aurore. Ses senteurs lourdes et humides avaient endormi Inna, sitôt celle-ci assise contre l’écorce vermoulue d’un cyprès abattu, dont la cime morte et séchée par le soleil, disparaissait désormais dans un tombeau de vase, au-delà de la rive, sous l’eau verdâtre du bayou Carouge. Des coléoptères voletaient et s’accrochaient à ses vêtements amples, un habituel débardeur noir, associé à un pantalon couleur kaki, dont le tissu sale était déjà troué en de nombreux endroits. Entre ses pieds vêtus de sandales fatiguées par les chemins tortueux du bayou, le passage d’un serpent avait laissé un sillage lascif dans la glaise meuble, sans que la métamorphe ne s’éveille, tant celle-ci faisait partie intégrante du décor. Un timide carouge avait ainsi escaladé les branches séchées au-dessus d’elle, pour mieux picorer quelques minuscules insectes remuant dans l’épaisseur sauvage de sa chevelure blonde désordonnée.
Elle rêvait. De chants et de rires disparus. De visages et de montagnes effacés. Des souvenirs d’une autre vie, aux parfums piquants des pins, à la chaleur suffocante du désert. Des contes merveilleux d’une chamane, aux secrets baisers d’une autre. D’une roulotte et de ses frères, dont les existences réconfortantes se confondaient encore, entre passé et présent, à l’intérieur de sa mémoire tout juste retrouvée. Des rêves aux couleurs chatoyantes d’un million d’écailles, de fourrures, de plumes ou de pupilles animales, comme l’échine immense de ce dieu animal, omniprésent dans sa chair, et partout autour d’elle, jusque dans l’air moite gonflant les poumons de chaque minuscule forme de vie.
Comme les cieux s’assombrissaient lentement sous l’assaut des nuages, des minuscules gouttelettes vinrent déchirer les vapeurs irréelles ourlant les eaux calmes des canaux. Des rubans de brume furent emportés au fil de l’averse naissante, tandis qu’une puissante odeur de vase exhalait soudainement d’entre les bancs de roseaux. Une aigrette vint se percher en silence sur la haute branche d’un chêne surplombant la couche de mousse où dormait Inna, en déclenchant la chute d’une myriade de fines gouttes d’eau fraiche. Elle battit lentement des paupières. Sa main droite tâtonna le sol de lichens et de pierres polies par les marais, pour chasser délicatement le crapaud qui venait de trouver un abri dans le creux de sa paume. Sa respiration se fit alors ample, comme une fleur s’éveillant aux lueurs du jour, et la fraicheur vive de la pluie termina de l’éveiller complètement.

Inna ouvrit les yeux. Une mèche de cheveux se courba sur son front, en laissant couler dans le creux de sa paupière, une perle de pluie, et elle secoua la tête pour l’en chasser. Elle battit des paupières, et bailla à s’en décrocher la mâchoire, manifestement guère dérangée par l’averse qui commençait à tremper ses vêtements. Elle se redressa, en faisant tomber les quelques insectes qui avaient escaladé son corps durant son sommeil, s’assit sur le tronc qui craqua légèrement sous son poids, et empoigna sa tignasse couleur de paille, pour la rejeter en arrière. Autour d’elle, une vie invisible, que cette pluie ravissait alors, s’activait sous les souches et les pierres, dans les tréfonds des algues, et dans l’ombre des futaies épaisses. Le large canal tintait sous l’assaut des gouttes, comme un orchestre merveilleux, qui accompagnait alors la chorale des amphibiens, émerveillés par l’eau du ciel.
Un sourire de bien-être se dessina sur les lèvres d’Inna. Celle-ci s’ébroua en éparpillant toute l’eau imbibant ses cheveux, et rejeta la tête en arrière, pour emplir ses poumons de ces parfums piquants. Ceux de la tourbe et de l’écorce. Ceux des lichens et feuilles gorgées d’eau. Et comme l’ombre d’un mauvais œil, au milieu de ces fragrances naturelles flottait encore une puanteur humaine, aux relents de métal et d’essence âcre. Ainsi qu’une tenace odeur de citronnelle. Du citron ? pensa-t-elle avec perplexité. Inna huma l’air avec méfiance. L’ilot où elle s’était endormie ce matin-là, avait pourtant été déserté des hommes depuis bien avant son arrivée, voilà des années de cela, quand les caprices des tempêtes avaient terminé de noyer les derniers pêcheurs butés du coin. Leurs ruines se dressaient aujourd’hui encore au centre de l’ile, quelques murs chancelants et des poutres rongées par la vermine, des lugubres témoins à moitié avalés par la gueule vorace d’une nature sauvage.
Ceux-là n’apprennent jamais, soupira-t-elle en étouffant un nouveau bâillement. Pêcheurs arrogants, touristes inconscients, et autres parasites humains, refusaient de temps à autre d’écouter la voix de la raison, en s’aventurant dans ces méandres indomptés. Le Bayou Carouge les détestait. Inna sentait cette haine électriser sa chair. Comme un instinct de prédateur qui résonnait en elle, son territoire lui murmurait des envies de chasse et de sang, de violence à la lumière de la lune, et de la saveur de la viande contre ces dents. Elle le laissa de côté. Elle en avait la force désormais. Malgré une lassitude flagrante pour les incursions humaines, elle se força à se lever sous l’averse, en étirant ses muscles noueux, forgés par la vie sauvage. Déjà, la pluie drue commençait à disperser les relents d’essence, même si une légère brise continuait à lui apporter l’odeur étrange de citronnelle.

Des phalènes tardives s’éparpillèrent quand Inna escalada la vieille souche, avant de se couler entre les herbes hautes, en n’éveillant qu’un infime froissement soyeux. Elle faisait suffisamment corps avec le bayou pour se mouvoir en silence. Qui plus est, la métamorphe n’était pas pressée. Les humains isolés dans ce labyrinthe de verdure mourraient rapidement, déshydratés ou affamés, voire bien souvent, victimes d’une morsure venimeuse ou bien d’un des mille autres pièges que le bayou recelait. C’est bien la seule chose qu’ils arrivent à faire naturellement, songea Inna en apercevant les premières ruines de l’ancienne construction. En marchant avec aisance entre les branches brisées et les roches glissantes, elle tâchait de se remémorer le dernier humain à s’être risqué dans les parages, un homme dont les traits commençaient déjà à s’effacer de sa mémoire, tant il lui était insignifiant. Au bout d’une seule nuit, l’inconscient avait été déjà à moitié mort, incapable de survivre sans l’aide des siens, ou de l’artificiel confort urbain, et la métamorphe ne l’avait jamais revu depuis.
Inna haussa les épaules à ce souvenir. Elle contourna un amoncellement de briques moisies, presque entièrement enterrées sous une jungle de lierre, évita une antique poutre brisée, et se cacha derrière les ruines d’un mur croulant. L’odeur de citronnelle était proche. Elle risqua silencieusement un coup d’œil au travers d’une fissure. Presque aussitôt, elle décela la silhouette humaine, enveloppée de ces âcres odeurs artificielles propres aux humains, de métal et de plastique, ajoutées à cette citronnelle aussi incongrue qu’envahissante. Inna chercha à déceler d’autres humains dans les environs, parmi ce paysage de désolation naturelle, à l’ombre des arbres desquels pendaient les filaments de mousse espagnole, par-dessus les restes du bâtiment écroulé. Quant à l’odeur répugnante d’essence, celle-ci s’évaporait rapidement au rythme de la pluie, comme si nul n’était jamais venue déposer l’intruse.

Pourquoi est-elle seule ici ? s’interrogea la métamorphe, perplexe, et pourquoi est-ce qu’elle sent aussi fort le citron ? Les mœurs humaines ne lui étaient jamais apparues aussi obscures. Elle resta un longtemps ainsi, immobile derrière les décombres, hésitant sur le comportement à adopter envers cette intruse. Jamais elle ne se serait posée la moindre question, voilà des mois de cela, quand ses propres instincts la submergeaient entièrement, et commandaient l’élimination systématique des menaces. Aujourd’hui, tout était différent. Le souvenir de ses frères l’effleura brièvement, eux et leur facilité à se fondre parmi les humains, leur présence réconfortante enfin extirpée de sa mémoire en miettes, et qui l’avait enjoint à la prudence. Inna avait promis de l’être. Elle ne l’avait pas oublié.
Toutefois, une foule de questions demeurait. N’était-ce pas, le plus prudent que de laisser le bayou se débarrasser de cette femme ? Ou bien, Inna devait-elle la faire disparaitre elle-même, pour plus de sureté ? Ou encore, ne devrait-elle pas la faire sortir d’ici, sans quoi sa disparition attirerait alors plus d’humains ? Kaidan saurait mieux que moi, songea-t-elle avec résignation. Pour sa plus grande frustration, l’absence de ses frères mettait encore davantage en évidence son incapacité totale à anticiper les mécanismes des humains, la laissant indécise quant à la situation présente. Durant un court instant, elle tâcha de se remémorer le fonctionnement des soi-disant règlements humains, de leurs réactions face aux disparitions, en vain. Ces détails, parfois incompréhensibles, n’avaient pas la moindre importance, aujourd’hui comme hier, et elle les avait depuis longtemps jeté de son esprit.
Une seule solution subsistait alors. Si elle me voit, je l’aiderai peut-être, sinon tant pis, se décida-t-elle en vérifiant la présence de l’inconnue, qui tâchait de se protéger de la pluie. Inna s’avança en silence entre les restes de mortiers et les arbustes envahissant, baissant la tête sous une vieille poutre, sur laquelle courait des plantes grimpantes parfumées, et s’installa ainsi à découvert, assise simplement sur un monticule de pierres érodées. La métamorphe croisa les bras, sans mot dire, en attendant de voir s’il restait suffisamment d’instincts à l’intérieur de cette femme pour remarquer la présence d’un prédateur à l’affut. L’averse suivait les contours de son visage, tandis que ses yeux d’un bleu limpide scrutaient l’inconnue, en tâchant de comprendre la raison de ce parfum de citronnelle.

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Lun 9 Aoû - 13:01 (#)

La rage de Medea ne s’éteint pas. C’est une esquille de glace qui lui ronge le coeur et teinte ses pensées. Si elle avait un doute sur des opérations douteuses au coeur du bayou Carouge, ceux-ci se sont évaporés aussi rapidement qu’une goutte de pluie isolée dans le Mojave. L’attitude suspecte de Donald, son abandon en plein coeur d’une nature hostile et non maîtrisée sont des éléments concrets et précis. Loin des légendes macabres qui se sont accumulées sur ce petit coin marécageux. Elle en vient à soupçonner les locaux eux même d’avoir répandu ces murmures lugubres pour mener leurs petits trafics en toute tranquillité. Une bonne couverture, elle doit l’admettre. L’italienne balaie l’horizon barré par les arbres rongés de mousse, les nuages chargés d’eau qui se confondent avec les eaux saumâtres des canaux, la présence inquiétante des ruines dans son dos. Oui, si Baba Yaga n’était pas russe, sa cabane à pied de poule aurait parfaitement sa place. Il n’est pas difficile d’imaginer que de sombres rituels se soient tissés et que des malédictions dignes des plaies d’Egypte aient été concoctées par des crônes aigries de la civilisation.

Medea relâche un soupire alors qu’elle allume une cigarette. Refoulant sa colère. Elle lui est inutile pour le moment. Ce n’est pas en s’abandonnant à une fureur aveugle qu’elle va trouver un moyen de regagner la ville. Elle lève la tête, offrant son visage à l’ondée qui se drape dans les mouvances d’une averse plus drue.. A cet instant la pluie est la bienvenue. Elle s’impose de ne pas consulter son téléphone toutes les trois secondes. Ce n’est pas comme si elle pouvait faire apparaître des barres de réseaux magiquement.

Les fragrances de la nicotine qui se mêlent à celles plus complexes de la flore humide que l’italienne n’est pas en mesure d’analyser. Son regard se fait plus aigu en apercevant une forme plus sombre dans l’eau qui lèche le débarcadère ruiné où l’hydroglisseur s’est apponté quelques minutes auparavant. Ses épaules se détendent et un petit rire d’autodérision meurtrit ses lèvres. Une simple bûche à demi submergée que le courant a entraîné vers cette portion oubliée de l’homme. Qu’est ce qu’elle croyait? Que c’était une horde de caïmans qui se dirigeait droit vers elle? Elle tend l’oreille pour essayer de saisir des bruits qui la conduiraient à un moment Eureka. Rien. Rien que la pluie qui s’écrase sur la toiture en ardoise à moitié affaissée, rien que les cris agacés de quelques oiseaux locaux. La brune éteint son mégot sur une brique mousseuse avant de le balancer dans son cendrier de poche. La pluie commence à pénétrer les manches de sa chemise et un léger frisson la parcourt. Temps de chercher un abris, au moins le temps que le ciel se dégage. Sans compter qu’il y aura peut être quelque chose d’utile dans la bâtisse délabrée. Un hors-bord dernier cri serait raisonnable, non?

D’un revers de la main, elle chasse ses mèches brunes qui lui collent au visage, évitant que l’eau ne lui dégouline directement dans les yeux. Au moins, elle n’est pas blessée. Et c’est une volée de jurons qui lui échappe lorsque son pied dérape sur une planche vermoulue dissimulée dans les herbes hautes quelques pas plus loin. La faisant atterrir les fesses en premier dans une flaque heureusement peu profonde. Il n’y que sa dignité qui collecte quelques bleus de plus. La mâchoire crispée, elle se relève avant d’atteindre enfin l’abri tout relatif d’un porche qui ne tient encore debout que par le souffle d’un miracle architectural. Néanmoins, l’Italienne décide de partir du principe que si il tient depuis plusieurs années dans cet état précaire, il peut bien continuer quelques heures de plus.

La luminosité à l’intérieur n’est pas beaucoup plus faible qu’à l’extérieur, pas plus d’ailleurs que le volume d’eau qu’elle récolte. Les murs offrent malgré cela une légère protection contre la brise dont Medea n’avait pas réellement conscience avant qu’elle n’en soit coupée. D’une main, elle repousse une porte à moitié dégondée qui ne tient plus sur son cadre  par un coin que  grâce au bois qui s’est gonflé d’humidité. Les vitres ont été brisées depuis des lustres, le mobilier vandalisé ou emporté. Les murs ne sont même pas tagués, prouvant le peu d'intérêt pour un squat quelconque. Ses prunelles sombres balaient le dallage inégale où l’herbe sauvage serpente dans les jointures, avec des touffes de fleurs ci et là. Le silence est total. Tout comme son immobilité soudaine. Car elle vient d’accrocher du regard une silhouette aussi juvénile qu’ incongrue. Elle ne s’approche pas. Pas de gestes brusques ni de cris de surprise bien que cette émotion soit lisible sur son visage. Des méches blondes ébouriffées, des vêtements rapiécés et surtout, surtout des prunelles d’un azur lumineux qui ne la lache pas une seconde.

Il n’émane pas de la jeune femme une menace tangible. Néanmoins, Medea reste à distance. Prudence. Est ce que Donald savait qu’une autre personne était présente sur ce petit îlot en guenilles ou bien est ce une coïncidence? Elle s’assurera de le lui demander. Quand elle va le retrouver. Et le pendre avec ses tripes. Sans oublier de saler les entrailles à vif. S’arrachant à ses douces rêveries, qui ne resteront que cela, le sinistre individu sera remis à la justice locale en une seule pièce, son attention revient pleine et entière sur la naïade sauvageonne. Elle paraît paisible et concentrée, cette étrangère. Si elles se rencontraient une nuit de pleine lune, l’apparition pourrait être l’incarnation d’une sorcière ondine.

Avec des mouvements souples, sans dévier ses yeux de la donzelle, la profiler se laisse tomber sur ce qui devait être la première marche d’un escalier menant aux étages supérieurs, de manière à être à la même hauteur. Tambourinement de la pluie qui résonne sur la carcasse de la maison avant de tomber sur elles. Une ombre de sourire à ses lèvres, endiguant tout risque de confrontation nerveuse. -Mademoiselle, vous êtes le propriétaire des lieux? -Aussi délétères soient-ils. Peut être se retrouve-t-elle sur une propriété privée dont elle ignorait l’existence. -Croyez bien que cette intrusion est indépendante de ma volonté. Mon guide -Difficile de ne pas cracher ces mots- a eu l’aimable idée de me proposer un séjour prolongé dans le bayou sans me demander mon avis.
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Sam 21 Aoû - 19:07 (#)



L'averse redoublait d’intensité. Comme le bruit constant d’un métronome, l’eau tiède s’écrasait sur les ardoises fissurées du toit croulant, assailli sous une inextricable folie de mousses et de lierres, qui montait à l’assaut des murs ruinés, où s’adossaient des poutres vermoulues. Déjà, des ruisselets se formaient en descendant les échancrures des pierres fendues par l’humidité, éveillant une foultitude d’êtres attirés par les pleurs du ciel, des élytres vrombissantes ou des coquilles trainant derrière elles un filet brillant. Dansant avec eux, silencieuse et douce, une brise timide caressait lentement les herbes hautes, en soulevant l’averse à la manière d’un rideau évanescent, ondulant et flottant dans l’air brumeux du bayou. Des corolles de senteurs nouvelles s’épanouirent sous l’arrivée bienvenue de la pluie, autant de fleurs sauvages mêlées à l’humus tendre, et à la vase âcre, qui muèrent sans bruit les ruines stériles en un cocon fertile, un réceptacle où courait une vie invisible et frémissante.
Inna demeurait toutefois immobile. Malgré la fraicheur des lieux. Malgré l’eau tiède ruisselant dans ses cheveux désordonnés, qui traçait des sillons clairs sur ses joues voilées d’un peu de poussière brune. Adossée à ces briques crayeuses, seul l’ample et lent mouvement de sa respiration trahissait à peine sa présence, et les plissures inconscientes de son nez, quand l’odeur nauséabonde du tabac envahit l’espace autour d’elle. Des gravillons dévalèrent la façade éventrée à côté de laquelle elle s’était appuyée, rebondissant contre ses épaules nues, sans déclencher la moindre réaction chez elle, bien trop attentive, et murée dans ses pensées. Le bleu limpide de ses yeux suivait alors l’évolution de l’inconnue, cette mince silhouette humaine, incongrue dans l’entrelacs des bayous, une vilaine tâche de vêtements synthétiques criards, et d’odeurs tenaces qui s’accrochaient partout.
Une anomalie dans cet endroit. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? La question ne cessait de tournoyer dans son esprit, comme l’indécision continuait de la saisir, éternels tourments d’une humanité fragile, qui se débattait mollement dans l’étau de sa nature. Comme le reflet de cette femme dans un miroir, une ombre suivant les fissures des murs au fil de son avancée, Inna imitait lentement ces pas, en n’éveillant que le timide frémissement des roseaux sur le tissu rapiécé de son pantalon. L’ébauche d’un sourire fit écho à la chute de la femme dans une flaque de boue, un réflexe inconscient qui jetait un rayon de lumière crue sur l’humanité de la métamorphe, bien cachée au fond d’un labyrinthe de vase épaisse. Celle-ci s’arrêta à l’angle biscornu d’un mur extérieur, où les briques morcelées par l’érosion faisaient saillie, et s’accrochaient encore désespérément à l’ombre d’un vieux porche.

L’humaine s’évanouit à l’intérieur. Inna leva les yeux vers la façade assaillie par l’averse, sur laquelle s’ouvraient à intervalles réguliers, des ouvertures aux vitres brisées, à la manière de bouches hurlant les supplices d’une architecture rongée par le bayou. D’un mouvement lent et svelte, elle enjamba les restes de volets disloqués, étouffés par une mousse impitoyable, et suivit l’avancée de la femme, de fenêtre en fenêtre, de pièce en pièce. Elle hésitait encore sur la conduite à tenir. Devait-elle lui adresser la parole ? Devait-elle la saisir à la nuque, ô comme ce serait aisé, et la jeter dans les eaux troubles du fleuve ? Ou bien encore, devait-elle mieux s’évanouir sans bruit, entre les roseaux, et la laisser ainsi, errante au milieu d’un univers qui la dévorerait à coup sûr ?
Comme ces réticences tournoyaient dans son crâne, Inna s’arrêta contre l’appui fissuré d’une fenêtre sur laquelle du lierre s’était accroché, et ses mains se mêlèrent aux feuilles tendres, dans un discret frémissement qui fit chuter quelques morceaux de briques. Une branche craqua sèchement au loin, en même temps qu’une planche vermoulue sous les talons de la femme, qui se retourna alors vers l’endroit où se tenait la métamorphe immobile. Celle-ci n’esquissa aucun geste quand leurs regards se croisèrent. Toutefois, ses instincts se hérissèrent à la vue de cette créature, dont les odeurs et les tressautements musculaires, cette chair si fragile sous ces frêles tissus, qui éveillait un foisonnement de réflexes prédateurs, promesse d’une violente chasse.

Combien de secondes lui faudrait-elle pour franchir cette fenêtre ? La victime, aurait-elle le temps de prendre la fuite ? Ou bien, opposerait-elle une lutte ? Pouvait-elle être dangereuse, sans le bénéfice de sa forme naturelle ? Quelles étaient ses chances d’atteindre directement sa gorge ?

Toutefois, lorsque les mots de la femme résonnèrent entre les murs abimés du lieu, et sur le dallage morcelé par les herbes folles, ces considérations meurtrières furent temporairement balayées de son esprit. Comme les sons humains éveillaient soudainement Inna, ils lui firent l’effet d’une douche froide suivant une transe, ou bien était-ce alors, cette averse tiède qui endormait son métabolisme à sang froid.  Elle secoua instinctivement la tête, ses cheveux en désordre déclenchant une myriade de gouttelettes opaques et, sans répondre aux injonctions de l’inconnue, elle posa ses mains à plat sur le rebord de la fenêtre, et se hissa souplement à l’intérieur. Les dalles chuintèrent à son arrivée, mais elle n’avança pas plus loin, et se contenta de s’appuyer contre le mur, à l’abri de l’averse.
Durant un court instant, Inna ne dit mot. Ses intenses yeux bleus se fixèrent sur la femme assise dans l’escalier, en cherchant une réponse adéquate à ses paroles, dont aucune ne faisait alors sens. Que veut-elle dire ? s’interrogea-t-elle ainsi, propriétaire ? Si le terme ne lui était pourtant pas inconnu, sa définition lui échappait totalement, sans doute disséminée quelque part dans les multiples souvenirs fragmentés, que ses frères avaient tenté de lui inculquer sur les pratiques humaines. La propriété c’est quelque chose d’important, se souvint-elle laborieusement, et ses sourcils se froncèrent, son regard se fixa sur les dalles poussiéreuses, tandis que le concept lui filait entre les doigts. Elle haussa les épaules en guise de réponse, et opta finalement pour la réponse la plus prudente qui soit.

« Non, je ne suis pas propriétaire. » articula-t-elle avec une hésitation manifeste.

Les mots sonnaient toujours aussi faux dans sa bouche. Ces derniers n’étaient qu’une acquisition encore trop récente, sensible et chancelante comme une plaie ouverte, une construction élaborée à partir de souvenirs brisés, et sans doute, d’un reste d’accent européen maladroit. Une misère orale qui faisait alors bien pâle figure face aux tournures vives, tranchantes de cette femme, dont le sens apparaissait des plus obscurs aux oreilles d’Inna. Machinalement, elle rejeta de son front une mèche blonde alourdie d’eau, et examina avec attention l’apparence de cette inconnue, son accoutrement urbain, comme si celui-ci allait lui expliquer cet étrange parfum de citronnelle.

« Il est parti, alors ? » Elle fronça les sourcils face à ce nouveau mystère, en tâchant de son mieux de mener une conversation loin de ses instincts naturels. « Pourquoi ? Pourquoi venir ici ? »

Et comme dépassée par une insaisissable curiosité, Inna ajouta. « Pourquoi tu sens le citron ? »

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Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
Medea Comucci
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Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
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Jeu 16 Sep - 12:44 (#)

Est ce que le petit îlot peut se retrouver submergé en cas de pluie trop violente? Si elle en croit l’affaissement des ruines et la spongiosité du sol, ce n’est pas une possibilité complètement exclue. Pour l’instant, Medea a du mal à déceler la beauté inhérente à cette nature dans laquelle est plongée et qui n’est pas son milieu. Ses pensées sont parasitées par l’inquiétude concernant sa situation présente. Se retrouver coupée d’un moyen de sortir du Bayou. L’humidité qui s’infiltre partout et qui commence à geler son épiderme de ses doigts intangibles. L’invisible qui bouillonne sous les eaux boueuses. Comme s' il était question de nager pour regagner une terre plus ferme. Sa chute n’est qu’une indignité de plus. Désagréable sensation de la toile collante contre son épiderme. Il lui faut cligner régulièrement les paupières pour chasser les gouttes d’eau qui menacent d’envahir sa vision. Le découragement n’est pas loin. Ce qui n’aurait rien de très constructif.

Ses bras croisés étroitement sur son torse pour une chaleur illusoire, Medea progresse vers la sécurité et protection relatives de la maison délabrée. Portant davantage attention à ses pas, de manière à ne pas risquer de tomber une seconde fois. Se tordre la cheville ou se blesser d’une manière ou d’une autre pourrait avoir des conséquences en escalades que l’italienne n’a pas envie de tenter. D’un revers de la main, elle déchire une toile d’araignée aux fils emperlés d'eau et baisse la tête pour pénétrer dans ce qui devait être l’ancien hall d’entrée. Essuyant sur son jean les résidus collants à sa paume pour s’en débarrasser.

Visage inattendu à la fenêtre. Sans s’en alarmer, elle est immédiatement en alerte. Parce qu’elle n’avait pas décelé d’autres présences humaines sur ce petit bout du monde désolé. Parce qu’elle était certaine d’être seule. Cette sensation de surprise et de décalage avec ses instincts l'empêche de se sentir soulagée de ne plus être dans une solitude totale. L’observation est silencieuse, intriguée de la part des deux femmes. Aucune ne s’attendait à l’autre. Le visage surmonté d’une tignasse blonde aux mèches endiablées est difficile à lire.  Sans que transparaisse une hostilité particulière, il n’y a pas non plus une bienveillance marquée. Ce qui, quelque part, rassure Medea. Qu'une inconnue affiche un sourire trop large dans une telle situation lui donnerait envie de compter ses dents.

Parce que c’est dans sa nature, peut être pour ne pas laisser perdurer cet étrange entre deux, c’est elle qui prend la parole en premier, qui esquisse un premier geste en direction de l'apparition. Medea a conscience de la bizarrerie de ses propos. En soit, elle s’en moque que la jeune femme en face d’elle soit la propriétaire ou non des lieux, elle même n’est pas à sa place. Dans un mouvement d’une grâce fluide, la jolie sauvageonne rejoint la pièce au plafond déterminé, à peine mieux protégé des éléments que l’extérieur. Un frisson de froid qui secoue l’italienne. Suivit d’un éternuement qu’elle étouffe du dos de sa main contre ses lèvres. Maintenant qu’elle s’est approchée, son observation première se confirme. La distance entre elles respecte leur espace vital et la brune n’a pas l’intention de se montrer intimidante.. Ses vêtements ne sont pas simplement rapiécés, c’est un patchwork de tissus dont elle ne sait pas très bien comment ils tiennent encore entre eux. Si l’inconnue semble jeune, c’est une information visuelle à laquelle elle a appris à ne pas si fier. Si une Vampire est exclue et qu’il peut s’agir d’une simple mortelle, elle préfère ne pas faire d’assomption qui l’induirait en erreur.

Contrairement à elle, la jeune femme dégage une impression de sérénité. D’être parfaitement à sa place. Medea se détend légèrement. S’adossant à une pierre disjointe. Grands lacs limpides qui épient le moindre de ses mouvements. Un léger hochement de tête qui indique qu’elle a pris en compte sa réponse. S’attachant à la manière dont les mots s’entrechoquent entre eux. Comme si elle avait perdu l’habitude de s’exprimer à haute voix. Les hésitations qui mangent les syllabes. Un accent qu’elle ne situe pas tout à fait -Comment êtes vous arrivé jusqu’ici, si ce n’est pas trop indiscret? Si vous avez un moyen de retrouver la ville, je suis preneuse, ajoute t-elle, modulant sa voix dans des inflexions douces et posées. En guise d’ouverture, elle n’avait pas hésité à lui présenter succinctement les raisons pour lesquelles elle se retrouvait coincée sur ce petit lopin peu hospitalier. Un léger haussement d’épaules. -Oui, il est parti, je n’ai pas trop compris pourquoi. -Si c’était juste un moyen de la dévaliser, le butin est maigre. Sans intérêt. Crispation brutale de ses doigts sur une pierre. Il ne semble pas y avoir de malice dans sa question suivante, néanmoins la retenue naturelle et bien trop enracinée pour qu’elle s’en départisse maintenant, Medea esquisse un geste du poignet. -J’habite à Shreveport depuis quelques mois et je n’avais pas eu le temps d’aller voir les Bayous avant ce week-end. -Comme à son habitude, ce n’est pas un mensonge, pas vraiment. Mais ce n’est pas l’ensemble de la vérité. Très loin de là. -Je regrette un peu, ce n'est pas très rassurant, ici. Il parait qu’il y a plusieurs personnes qui ont disparu dans le Bayou Carrouge. Tu en as entendu parlé?

Et pourquoi pas, après tout? Si il s’agit d’une femme à l’aise dans ce milieu, qu’elle connait les eaux locales, elle a peut être des informations dont elle pourra se servir ultérieurement. Sinon, avoir posé la question ne lui coûte rien. La réflexion suivante la surprend à nouveau. Visible dans son regard et le pli de sa bouche, vaguement interrogateur. Comment peut-elle sentir l’odeur de la citronnelle, avec la pluie et tous les parfums que celle-ci remue dans l’atmosphère. Son ventre se crispe d’une tension naissante. Outre ou Thérianthrope est sans doute l’explication la plus logique. Cela ne fait pas de son interlocutrice un danger obligatoire pour elle. Mais ce sera plus prudent de ne pas baisser totalement la garde. Ou Medea se montre paranoiaque et imagine des difficultés là où il n’en y a pas. Un sourire qui s’offre à ses lèvres. Malgré tout, la question l’amuse. -J’ai tendance à me faire dévorer par les moustiques et je trouve que la citronnelle adoucit un peu l’assaut! Bien que sous la pluie, c’est plus très utile.


L’italienne se penche vers l’avant et lui tend la main - Je m’appelle Medea. -Pour le moment, la couleuvre décide de ne pas tester à l’argent la Sauvageonne en face d’elle. Si c’est vraiment une Garou, elle pourrait interpréter ce geste comme une agression. Envenimer une situation déjà instable n’est pas dans son intérêt. -Et toi? -Il y a beaucoup trop d’éléments qui lui échappent pour l’instant.
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Lun 20 Sep - 23:00 (#)



Tout chez cette femme était désaccordé. Une anomalie irritant la vision d’Inna. Un accro minuscule dans un tableau vert et sauvage, qui troquait brutalement les couleurs d’émeraude sombre, de l’ocre et d’azur du bayou, contre celles de l’humanité artificielle, en dégradés de noir, d’argent et de bleu terne. Aux arabesques délicates du lierre et des branches pendantes, ces vêtements industriels opposaient des angles durs, tissés par le métal froid, qui n’illustraient rien de mieux qu’une stérilité repoussante. Ajoutées à tout cela, des senteurs agressives, trop fortes, saupoudraient sa silhouette et se répandaient partout, en submergeant les parfums des fleurs, de la pluie et de la boue.
Inna détourna les yeux durant la conversation. L’œil de celle-ci cherchait instinctivement un endroit où se blottir, loin du fil tranchant de l’humanité, qui blessait sa rétine inaccoutumée ; elle n’avait pas côtoyé d’humains depuis bien trop longtemps. Elle passa une main hésitante dans sa chevelure broussailleuse, comme sa vision errait çà et là, dans ce décor symbole d’un bayou triomphant sur la civilisation. Partout autour d’elles étaient visibles ces signes. Les ronces indomptables escaladaient à présent les vieilles poutres vermoulues de la charpente, quand l’antique carrelage avait été éventré par les racines de la végétation, et les murs s’effritaient lentement dans les mâchoires du lierre.

Pourtant, l’attention d’Inna revenait sans cesse à cette femme. Celle-ci demeurait seule, le dernier vestige de vie humaine dans ces ruines désolées, une ultime déchirure dans une toile sauvage, qui attirait involontairement le regard par ses teintes irrégulières. Aux timbres trop veloutés de sa voix, l’averse opposait son rythme harmonieux, qui résonnait du clapotis de la rivière adjacente, et des stridulations des amphibiens dissimulés dans les taillis. Quelque chose fit frémir les monticules de mortier effrité à côté d’Inna, un son soyeux comme les chuchotis du vent, mais celle-ci l’ignora.
Un bâillement se fraya un chemin jusqu’à ses lèvres. Inna le laissa s’échapper au beau milieu de la conversation, sans égard pour la politesse, et une expression de perplexité se forma sur ses traits. Quelles questions bizarres, j’avais oublié à quel point ils sont compliqués, songea-t-elle, tandis que l’inconnue déblatérait suffisamment de bagou pour entretenir la conversation à elle toute seule.

« Je suis venue en marchant, » répondit-elle simplement en haussant les épaules, comme si c’était là, la chose la plus évidente du monde.

L’intérêt d’Inna vacillait déjà. Comme l’inconnue s’emportait vers des sujets qui ne l’intéressaient pas, le tourisme bucolique en particulier, les yeux de la métamorphe s’attardaient ailleurs, à travers l’ouverture béante des fenêtres. Des arbres incurvés bordaient au loin les rives des canaux aux eaux troubles, au-dessus de troncs à moitié immergés dont la surface, rongée par les éléments, était recouverte d’une végétation basse. Un habit que le bayou commençait à abandonner en faveur des taillis épineux et des rochers couverts de lichens, dès que les cyprès massifs installaient le début de la forêt humide. L’envie de s’évanouir dans ces rideaux inextricables menaçait de submerger Inna.

« Euh non, » lui répondit-elle distraitement. « Ça arrive que des hu-, des gens se perdent quand ils viennent seuls ici, mais je ne sais pas plus. »

Une fois encore, Inna haussa nonchalamment les épaules. Elle scruta l’inconnue, sa gestuelle ciselée dans un marbre de politesse, et un frisson la fit tressaillir quand celle-ci s’avança lentement vers elle, la main tendue. La métamorphe baissa les yeux vers ces doigts manucurés. Durant un court instant, elle ne sut que faire devant cette initiative toute humaine, dont la signification lui était étrangère, et fut forcée de creuser dans ses vieux souvenirs pour en déterrer la signification. Des bijoux étincelants décoraient le poignet tendu, encore d’autres éléments incongrus dans ce décor de bois, de boue et d’os, qui attiraient immanquablement son regard. D’un mouvement méfiant, Inna se redressa de son appui et s’empressa de lui serrer la main en retour, sans doute un peu fort pour la norme.

« Inna. »

Comme embarrassée par ce contact chaud, et devenu légèrement moite sous l’humidité du bayou, Inna retira vivement sa main. Elle les frotta machinalement ensemble. Puis, son regard hésita sur les dalles brisées qui jouxtaient le mur à l’extérieur, entre lesquelles s’accumulait une flaque d’eau alourdie d’une couche de boue vaseuse. Elle désigna l’accumulation d’un geste évasif du menton.

« Contre les moustiques, il faut mettre de la boue sur la peau. »

Inna ne souffrait pas de ce problème. Que ce soit dû à son sang particulier ou bien les bénéfices de son lien fusionnel avec le bayou, ces insectes la fuyaient. Celle-ci se mura dans le silence un court instant, en réfléchissant à la bonne manière de détourner la discussion et d’inciter cette femme à partir le plus tôt possible. Les mots lui étaient toujours aussi peu familiers à manipuler. Au moins, elle veut repartir, pensa-t-elle, quand ses yeux cherchaient une solution, ou bien un conseil, dans les écharpes de pluie que le vent lançait contre les murs croulants. L’averse ne faiblissait pas. Elle se hissa souplement sur le bord effrité de la fenêtre, et entreprit d’assembler une explication crédible.

« C’est facile pour partir, il suffit de traverser vers la berge opposée, » commença-t-elle en désignant la direction dans son dos, au-delà du bras d’eau entourant l’ilot, sur lequel crépitait la pluie.

« Ensuite, il faut suivre la rive en comptant les canaux, franchir le troisième et trouver la très grande souche ; sa pointe indique la bonne direction. Elle va conduire jusqu’au canal principal à travers la forêt, puis ensuite c’est facile, c’est toujours tout droit à travers les tourbières jusqu’au fleuve. »

Elle ponctua son discours d’un sourire, qu’elle estimait suffisamment poli et encourageant pour satisfaire l’humaine. Au-delà du fleuve, Inna les avait vu ces interminables lotissements des humains, leurs bicoques de plastiques ou de bois mort qui avaient survécu par miracle aux dernières tempêtes, s’étalaient à perte de vue comme un sombre présage. Du bout de l’index, la métamorphe désigna l’angle opposé de la maison, où reposaient les vestiges ruinés d’un ancien escalier, de pierre et de bois rongés par l’humidité, sur les marches duquel Medea s’était assise auparavant.

« Ce n’est pas une bonne idée de se reposer ici, les serpents aiment beaucoup ces vieilles pierres et ils cherchent les sources de chaleur. »

Inna la fixa d’un air détaché. Sereine. Comme si, une fois encore, celle-ci venait d’énoncer l’une des notions les plus évidentes du monde, que seule une humaine inconsciente aurait pu ignorer. Dans son dos, le bayou déversait ses ondées translucides et, de temps à autre, des gouttes s’accrochaient dans ses cheveux et cascadaient sur ses joues avec délicatesse. Inna ne semblait s’apercevoir ni de la fraicheur de la pluie, ni de la morsure du vent. Elle n’avait pas froid malgré l’eau omniprésente.

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Sam 16 Oct - 11:01 (#)

Medea aimerait s’illusionner sur les raisons pour lesquelles elle se trouve dans une telle situation. Blâmer des circonstances extérieures. La réalité est bien moins belle. Son arrogance. Son orgueil qu’elle brandit comme un étendard. L’Insolence de croire qu’elle peut mesurer et contrôler tous les paramètres d’un environnement qui lui est totalement étranger. Choisir de taire ses suspicions concernant la possible présence d’un tueur affuté se dissimulant dans cet écosystème unique.  Décider de mener une brève incursion dominicale sans avoir pris le temps d’étudier parfaitement le terrain. S’engager avec un guide en dédaignant la plus enquête sur son caractère. Il n’y a ni complaisance ni indulgence pour les écueils sur lesquels elle se fracasse. Ils affleurent depuis plus de vingt ans et elle ne cesse de s’y achopper. La seule expérience que l'âge lui apporte est le cheminement exact de ses erreurs.

Plus tard, peut-être parviendra t’elle à sourire de cette aventure burlesque. Pour l’heure, elle n’en a pas le recul nécessaire. Ses prunelles détaillent la ravissante sauvageonne, ondine dont l’Italienne ne peut occulter le potentiel danger. Le regard bleu, lui, la fuit, comme pour éviter de se confronter trop longuement à une femme qui empiète sur sondomaine ou qui consitue une anomalie trop grande pour être aisément comprise. Le langage corporel de la profiler est volontairement dénué de menace, ses mouvements sont ronds et amples. Désarmante. Le bâillement de l’inconnue, ponctuant leur échange maladroit, fait naître un léger sourire aux lèvres de l’Italienne. Il est impossible d’en prendre offense tant le réflexe semble innocent et sans calculs. Machinalement, elle sèche une goutte de pluie qui s'évade d’une mèche contre sa nuque. Perle fraîche. Elle n’a pas encore froid, mais l’humidité ambiante, l’impossibilité de faire un feu promet des heures qui n’auront rien d’agréable si le temps s’éternise dans les brumes.

Le silence, Medea décide pour le moment de ne pas lui laisser place. Plus tard, ce sera intéressant. Pour l’heure, elle choisit le visage d’une touriste paumée et trop volubile. Qui préfère s’écouter parler plutôt que de devoir réfléchir à ce qui se trouve devant elle. Dans son dos, à ses côtés, elle a l'impression d’une faune fourmillante et invisible. Qui rampe et fouille. Qui l’écoute aussi. Ici, les petites bêtes peuvent manger les grosses. Ce n’est qu’une question de temps de digestion. Une question, qui elle, n’est pas innocente. Une réponse qui travestit la vérité. Une crispation de la mâchoire est la seule réaction physique de la brune dont le faciès garde ce masque avenant. Ho… Petite.

Ses yeux, en effet, sont tombés sur les les mollets, les chevilles et les pieds à peine entravés par des sandales de mauvaise facture. Si il y a certes une couche importante de poussière qui paraît avoir fait son nid contre l’épiderme féminin, aucune boue fraîche. Aucune croûte de vase ne déforme la délicatesse des orteils. Ondine vient de lui mentir. De lui mentir dans la plus grande des nonchalances. La Méfiance de la Vipère qui n’est jamais tout à fait endormie pointe à nouveau ses crocs. Aimable, elle commente. - Vous ne craignez pas les animaux qui vivent dans le bayou? Il y a beaucoup de serpents vénimeux. -Comme le précise plusieurs panneaux d’ordre éducatifs aux départs des circuits aménagés par les Rangers. Quoique… pas Ce bayou en particulier. Celui-ci est déconseillé dans tous les guides touristiques malgré sa “remarquable concentration d’oiseaux endémiques à la Louisiane”.

En douceur, elle dévie la conversation sur les disparitions qui commencent à alerter la curiosité des journalistes. Qui ont piqué la sienne. Malheureusement. Un fourchelangue qu’elle ne peut ignorer. Pas avec l’attention qu’elle prête au moindre mot, à l’inverse de la demoiselle en face d’elle. Les prunelles sombres se contractent et son sentiment d’étrange ne fait que se concentrer. Une Cess. La question est de quel type. Vampire est facile à exclure. Dans un tel environnement, une Thérianthrope serait le plus logique. Les Outre se considèrent généralement comme humains avec des dons plus ou moins avantageux. Il n’y aurait pas eu cette erreur. Une arcaniste? Peut être. Mais elle paraît si distraite. Si peu concentrée. Il lui manque cette intensité que la pratique des Arts insuffle.  

Babillante, elle réfléchit derrière ce paravent d’insouciance. L’indolence de celle qui finit par accepter une poignée de main. Ferme et puissante. A quel point puissante? Qui livre son prénom. Inna. Le contact est bref et il parait déplaire à la jeune femme. Medea quitte sa position immobile. Commençant à sentir le froid s’infiltrer. Pas au point d’en trembler, assez pour en saisir les incisives. Le conseil contre les moustiques, bien que donné sans contrepartie, lui arrache une grimace qui n’a rien surjoué, elle. -Peut- être plus tard, répond-elle, délibérément évasive. L’idée d’un bain de boue venue tout droit de la fange qui les entoure ne la tente absolument pas.

De presque mutique, ne répondant que par des phrases très courtes, dès que Medea aborde la volonté d’un départ, c’est Inna qui s’anime et s’élance dans toute une série d’indications. Traverser la berge opposée. Franchir le canal à faible tirant d’eau, bien que celui-ci enfle sous la pluie. Cela lui paraît si naturel. Rien n’est plus étranger à l’italienne que de plonger volontairement dans ce marasme peu engageant. Sagement, elle ne la coupe pas. Lui permettant de dévider le fils de ses explications. Auquel elle n’accorde qu’un crédit très limité. La possibilité d’un piège n’est pas éliminée,  bien que la brune ne décèle pas d’hostilité franche de la part d’Inna. Plutôt une indifférence perplexe. Elle s'apprêtait à lui répondre en revenant vers l’Ondine perchée sur la fenêtre, le dos exposé à une pluie de plus en plus dru quand celle ci la prévient, de son même ton éthéré, de la présence possible de reptile à l’endroit où elle se trouvait quelques minutes plus tôt. Elle pivote et examine  à nouveau les ruines fissurées, tranchées par les racines végétales. Frisson désagréable qui lui remonte l’échine. Cette sortie commence vraiment à accumuler les marqueurs d’un fiasco dans les règles de l’art.

Elle lève une paume quand celle-ci termine ses explications. -Attends, je vais noter ce que tu viens de me dire. Tu sais combien de temps cela prendrait? Et je vais voir si j’ai accès à google maps. -Son téléphone qu’elle sort. Pianote dessus et s’assure que celui-ci soit en mode silencieux, le déclencheur de l’appareil photo n’émettant pas le moindre son. C’est plusieurs clichés d’Inna qu’elle capture. S’assurant de la visibilité de ceux-ci, sous différents angles. Un haussement d’épaule qui se veut défaitiste. -Mince, je n’ai pas de connexion internet. Mon gps ne me sert à rien.

Elle range l’appareil, soigneusement, dans une poche de sa chemise. Bien qu’elle ait pris un modèle étanche après les mésaventures de son précédent téléphone, elle n’a pas l’intention de prendre de risques inutiles. -En tout cas, tu as l’air de connaitre ce bayou comme ta poche. Tu habites dans les parages? -Elle se rapproche de l’étrange demoiselle, le front soucieux, l’oeil inquiet, mal à l’aise. Ses mains volettent devant elle à mesure de ses paroles, comme si ses appendices trahissaient la nervosité qu’elle tente de contenir, si envahissante, malgré tout. -Je… je vais me perdre, je crois. Est ce que tu accepterais de me montrer le chemin, au moins jusqu’à la grande souche dont tu viens de me parler? - Le bracelet d’argent semble être oublié alors qu’il vient barrer  la naissance sa paume, comme si il était mal ajusté. Paume qui trouve l’avant bras d’Inna et se plaque dessus à peine une seconde. Bien assez pour que l’argent morde la peau exposée par le débardeur sombre. Déjà la chaîne d’argent disparaît dans la manche de chemise, elle a reculé, dans une inconscience illusoire de ce qu’elle vient juste de faire. Tous les muscles de Médéa sont en tension et elle est hyper alerte aux expressions d’Inna.

Ce qui est certain, c’est que même si elle retrouve du réseau, jamais Tyler ne viendra la sortir de là. Il a une véritable allergie aux espaces non urbains qui n’a fait que s’amplifier depuis leur catastrophique expédition en forêt. C’est à Kaidan Archos qu’elle aurait dû envoyer un message. Il aurait sans doute apprécié l’ironie de la Nemesis de son ancien compagnon de torture le prévenant d’une excursion hasardeuse dans les bayous “au cas ou”, comme premier contact direct entre eux.
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Sam 23 Oct - 15:39 (#)



Comme des mutilations à ciel ouvert. Les ruines érodées dressaient leur symétrie déchirée vers l’horizon couleur de vase, des formes chancelantes qui semblaient chercher désespérément à se soustraire à l’étau des ronces et du lierre. Tout autour de l’architecture mourante, la terre du bayou exhalait des filaments vaporeux qui serpentaient dans les interstices des vieux murs, et rampaient entre les amoncèlements de pierres croulantes ; les fumeroles paresseuses erraient çà et là, au bord de la conscience, de simples caprices de la météo ou bien des manifestations irréelles. L’averse martelait alors la quiétude des lieux, et cette humidité dévalait les briques usées, leur arrachant silencieusement, patiemment, des lambeaux de poussière sanguinolente. Goutte après goutte.
Dans cet amas putrescent de civilisation humaine, les poutres déformées et vermoulues s’élançaient vers des cieux indifférents, comme la cage thoracique d’un animal mort, au milieu des plaies béantes du sol couturé de dalles morcelées. Inna se méfiait instinctivement de cet endroit. L’humanité haïe suintait entre les fissures comme une vilaine blessure, jamais totalement résorbée, et à l’intérieur de ces murs, le martèlement de la pluie ressemblait aux échos sinistres de leurs anciens habitants. Tout juste audibles. Tout juste réels. Ils effleuraient à peine la lisière de sa conscience, à la manière de murmures sanglotant, de présences invisibles et étrangères qui la hérissaient toute entière.

Aversion instinctive de l’animal. Des sensations froides sur l’épiderme. Des ombres entrevues du coin de l’œil. Inna les ressentait furtivement, à la manière d’un vautour flairant les effluves d’une charogne flottant dans l’air lourd d’humidité. Elle aurait préféré être ailleurs. Tout autour d’elle, les dents de la terre crevaient lentement les constructions abandonnées, un étau sauvage revanchard dont les vrilles végétales et filandreuses arrachaient les filaments de civilisation. Au cœur de cette atmosphère brumeuse, le folklore des pêcheurs prenait un aspect tangible, et les légendes du bayou Carouge se trainaient à la frontière des sens, se faisant fantômes sous le couvert des arbres.
Guère mieux que des intuitions caressant la nuque. Des mouvements entraperçus dans les taillis, et des bruits sourds sous les battements de la pluie ; ils ressemblaient aux râles des égarés, résonnant encore dans l’air lourd. Tout cela créait un malaise sinistre chez les créatures sensibles, comme l’était Inna, comme ses oreilles lui transmettaient ces échos morts. Comme le son étouffé d’une effroyable mastication. Ici, le bayou digérait. Elle ne voulait pas rester là où l’homme mourait dans sa gueule.

« Non, je ne dérange pas les serpents, » répondit-elle distraitement, en écoutant Medea babiller avec aussi peu de concentration.

Elle aussi, il ne voudra jamais la relâcher si elle reste, estima-t-elle, tandis que le besoin de quitter les lieux se faisait de plus en plus pressant. Telle une sueur froide dévalant son échine, Inna ressentait la tension s’accumulant autour d’elles, du fait de cette présence humaine qui déplaisait tant au bayou. Ses yeux scrutaient les troncs arachnéens palpant les ouvertures des fenêtres à demi effondrées, qui laissaient entrer ce vent tiède, au souffle syncopé, apportant les senteurs acres de tourbe et de bois pourri. Elle s’attendait presque à entendre la clameur de sa venue. Cet élan sauvage aux mille cris qui avait tant impressionné son frère, bien loin de là, dans les profondeurs du bayou Carouge.
Un éclair d’inquiétude voila son regard un court instant. Puis, Inna avisa avec curiosité le rectangle brillant que Medea tenait entre ses mains, avec toute la prudence perplexe qui la caractérisait. Elle n’avait jamais vu un tel objet, et le baratin technique de la femme ne l’aidait en rien à comprendre. Elle avait depuis longtemps oublié la technologie, et ne s’y était jamais intéressée de nouveau.

« Ça ne sert à rien de noter, ton papier va être vite trempé ici. »

Elle hésita un court instant, fixant l’objet de métal qui disparut bien vite dans la poche de l’humaine. Des questions sur cet Internet, le GPS ou encore Google traversèrent son esprit, mais elles finirent toutes par mourir sur ses lèvres, comme l’intérêt d’Inna fondait rapidement. Elle haussa finalement les épaules. Des trucs inutiles d’humains, voilà tout.

« Oui, je n’habite pas loin. Ici ce n’est pas un bon endroit pour rester. »

L’attention d’Inna se déroba à nouveau de la conversation et erra parmi les décombres, tandis que les sensations malsaines revenaient au galop dévaler son échine. Avec elles, le besoin impératif de quitter ces lieux désolés se mêlait désormais à cette gêne induite par la proximité croissante avec Medea. Inna esquissa un mouvement de recul, mais derrière elle, les briques s’effritèrent et la poussière chuta contre ses hanches, éveillant les odeurs doucereuses d’une lente déchéance. Et face à celle-ci, les relents chimiques de la modernité attaquèrent son odorat, le souffle trop parfumé de l’humanité, et cette violente émanation de nicotine qui s’accrochait partout aux vêtements.
Un mélange aussi brutal qu’une claque en pleine face. Mais pourquoi les humains sont si tactiles ? Pour la seconde fois, la main de l’inconnue vint rencontrer sa chair, aussi faussement humaine soit-elle, et le contact déclencha un frisson électrique tout au long du bras d’Inna. Aversion instinctive, encore. Une moue embarrassée s’attarda brièvement sur son visage. La sensation froide du bijou métallique subsista quelques secondes supplémentaires sur sa peau, mais elle n’y prêta guère attention, et dirigea pensivement son attention vers l’extérieur.

« D’accord. La pluie va bientôt s’arrêter, ce sera mieux pour toi. » déclara-t-elle pensivement, en chassant une mèche blonde, lourde d’humidité, qui retombait sur son front.

Les cymbales de l’averse chantaient dans sa chair. Que ce soit l’instinct du reptile, ou bien cette étrange symbiose avec le bayou, dans les veines d’Inna résonnaient le rythme de la pluie, et tandis qu’elle se redressait pour traverser l’espace délabré, les gouttes commencèrent à s’espacer lentement. Elle enjamba avec une adresse silencieuse les monticules de briques écrasées, évita les poutres brisées et contourna avec précaution l’amoncellement de vigne vierge qui envahissait l’espace un peu partout. Malgré sa haute stature, la métamorphe ne provoqua guère de bruit, seulement un froissement doux quand ses vêtements rapiécés effleurèrent la pointe des feuilles.

Elle se retourna spontanément à mi-chemin, dans l’encadrement du pallier donnant sur l’extérieur, et observa la femme égarée derrière. Elle fronça les sourcils, en cherchant les mots justes.

« Tu devrais faire attention par contre, c’est dangereux de toucher à tout ici, » lui lança-t-elle, et aussitôt elle tourna les talons, sans explication, pour rejoindre l’extérieur de l’habitation.

Dans l’étau détrempé du bayou, où le soleil n’était qu’une rumeur délavée et floue, la pluie chutait encore çà et là, faisant luire les feuilles des glycines et noircir les troncs des cyprès immergés. Une fois à l’extérieur, Inna prit une longue inspiration. Partout autour des ruines humaines, une clameur sauvage émergeait des plantes aquatiques ; l’air était lourd, quand son souffle laissait une sensation piquante mais vivifiante à l’intérieur de la poitrine. La métamorphe se retourna vers l’intérieur de la maison, tandis que les dernières gouttes d’eau terminaient de dévaler sa crinière folle.

« On va devoir quitter l’ilot. Tu arriveras à nager ou je devrais te porter ? Tu sens la fumée, elle doit diminuer ton souffle. »

Je crois me souvenir de ces poisons que les humains aiment tant, pensa-t-elle en hochant la tête pour elle-même. Inna s’avança sans attendre sous le porche écroulé. Ses sandales dérapèrent une fois sur les dalles brisées, mais sitôt arrivée dans la boue, sa démarche se fit leste, silencieuse et élégante. Elle ne faisait quasiment aucun bruit. Elle essora machinalement sa tignasse en attendant la décision de Medea, mais déjà, ses mouvements trahissaient une impatience contenue, ce besoin insatiable de s’éloigner de cet endroit maudit ; ce cimetière à ciel ouvert où mourait éternellement la dernière tentative humaine de conquérir un bayou prédateur.

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Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
Medea Comucci
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I will stop at Nothing

En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
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Ven 5 Nov - 11:24 (#)

Le rôle de l’inconsciente idiote commence à peser à Medea, mais les mensonges, les absences d’explications, le flou qui entourent Inna et brouillent les limites claires de sa personnalité ne l’engage pas à se montrer plus sincère. Il y a trop d’éléments qui se contredisent. Une nonchalance et une absence de surprise. Pour éviter de poser un regard trop pesant, trop inquisiteur sur la sylphide blonde, l’italienne s’épanche à nouveau sur cette nature obscurcie par les cieux orageux. Sentiment profond d’isolation, de perdition bien au-delà d’un simple positionnement géographique. Il y a un avertissement sinistre dans ces ruines qui souffrent chaque heure d’une décomposition que rien n’entrave. L’Homme, la civilisation a déjà tenté de creuser une enclave au cœur de ces territoires végétaux et a rencontré un échec sans compromis. Elle n’est pas à sa place. Les corps échoués dont les rumeurs sont grapillés par les journalistes prennent une toute autre ampleur maintenant qu’elle est abandonnée dans ces enchevêtrements de mangrove et marécages.

Il n’y a pas de rive, un cadavre de ponton qui s’enlise irrémédiablement dans la vase saumâtre que la lumière ne pénètre pas. Encore moins cette après-midi gris linceul. Inhospitalier. Elle croise ses bras sur sa poitrine. Sous les manches de sa chemise, ses bras se sont hérissés d’une chair de poule qui trahit le froid humide qui s’insinue jusqu’à ses os et le malaise ambiant qui se dégage de ce lieu moribond. Les traits de son visage ne reflètent pas l’aversion qu’elle commence à ressentir pour l’endroit. Butinant les mots et les questions, comme si elles se croisaient dans l’un de ces thés dont sont friands les Belles du Sud. Elle n’est pas inquiétée par les reptiles, comme c’est charmant. Parce qu’elle est elle même plus venimeuse qu’un mocassin d’eau? Sans oublier les alligators. Ils pullulent dans cet écosystème hostile. Si dans son aller en hydroglisseur, Medea n’en a pas vu, elle n’y était pas forcement attentive. Bien qu’elle se fera un plaisir tout particulier à nourrir les sacs à main en devenir des morceaux de chair qu’elle aura arraché encore pulsant aux os de Donald.

Il lui faut un effort considérable pour s’arracher à ces contemplations sanglantes, nul doute nourrie par les émanations saumuroises de l’onde dérangée par la pluie. Rien de plus. Son téléphone, un nouveau prétexte de touriste paumée, qui se replie sur la technologie comme une béquille. Son attention se reporte sur la distraite demoiselle. Elle paraît si détachée, si absente. Comme si son attention était retenue par une symphonie dont Medea etait incapable de saisir la moindre note. Inna n’est pas menaçante. Perchée, flottante. L’italienne s’attend presque à ce qu’elle se désincarne sous ses yeux en une cascatelle liquide. Les traits fins de la Sylphide marquent une curiosité en avisant l’appareil entre les mains. Une curiosité sans ancre, remplacée par l’indifférence. Les sourcils de la psychologue se froncent légèrement. Son papier? Elle n’a pas fait le lien entre le mobile et la soi- disant prise de note? Sans relever la nouvelle incohérence, elle lui répond, -Merci, je vais faire attention.

Elle n’habite pas loin. Mais elle n’a pas une seule éclaboussure boueuse sur ses jambes ou ses vêtements. Trempée par la pluie, certes, mais rien qui ne puisse indiquer la moindre traversée des canaux. Medea aurait entendu les bruissements d’une rame ou le ronronnement d’un moteur. Elle a marché, a-t-elle affirmé. Les mâchoires qui se crispent. La déclaration finale est peut être celle qui fait le plus de sens pour la profiler. Elle hoche la tête. Pression désagréable sur ses épaules, sur sa nuque. Quelque chose de primal qui met ses sens à vif. -Il y a quelque chose de.. désagréable, ici. Admet t’elle, bien qu’elle ne puisse pas s’appuyer sur des éléments concrets pour expliquer son malaise.

Un contact d’apparence accidentel, absolument mesuré par la mortelle. Une réaction sans étincelle. Inna montre un certain déplaisir mais sa peau n’a pas réagi. Aucune rougeur agressive vient teindre son épiderme. Ce n’est pas une thérianthrope. Néanmoins, cela ne rassure pas réellement Medea. Son test exclut simplement une branche du surnaturel. Ce n’est pas suffisant. Il y a encore tant de possibilités. Pourquoi, POURQUOI elle a décidé que de ne pas être armée était une bonne idée ce matin? Inna accepte sa proposition de la guider hors du bayou, au moins sur une partie du chemin. Aucune confiance mais une absolue nécessité. Parce qu’un début de théorie issue de lectures anciennes, de légendes non confirmées, de quelques travaux scientifiques obscurs est en train d'émerger. Depuis des années, elle sait qu’à l’instant où elle s’imagine tout savoir sur les Cess, qu’elle pense avoir rencontré tous les types de mystères existants, elle est morte. Aussi sûrement que si elle s’était tirée une balle en pleine tête. Pour ceux du Surnaturels qui ont décidé de s’avancer dans la lumière cinglante du monde moderne, combien d’autres espèces ont décidé de rester dans les ombres protectrices? C’est l’un de ses piliers fondamentaux, cette nécessité de ne jamais fermer son esprit à l’Inconnu. L’idée qui prend forme est terrifiante et mords son ventre d’une inquiétude concrète. Ce qu’elle a lu sur le Bayou Carrouge, ce qu’elle ressent dans ses tripes, cette atmosphère pesante. Il pourrait s’agir d’un Genuis Loci **. L’esprit élémentaire d’un Lieu, conscient, omniscient sur son territoire. Généralement malveillant, particulièrement envers des humains envahissant. Est ce qu’il y a une Ley Line qui traverse ce bayou? Il lui sera possible de le confirmer, assez facilement. Ces lignes d’énergies magiques sont cartographiées, bien que rarement diffusées au grand public. Ca tombe bien, c’est aussi une partie de son boulot de se tenir au courant de ces informations.

Si, si, si sa théorie est correcte, alors il est tout à fait possible qu’Inna soit une Construction de l’Esprit Élémentaire, sa Voix, s’exprimant par des moyens accessibles à sa psychée. Si c’est le cas, si celui-ci lui intime de se barrer de son territoire, il n’y a qu’une seule chose à faire, c’est d’écouter. Et de plier bagage. Avant que la patience limitée du Genius Loci arrive à son terme vis-à -vis de l’insecte qui foule ses frontières. La pluie va bientôt s’arrêter. Soit la Sauvageonne sait parfaitement lire les signes météorologiques, science qui n’est pas celle de l’italienne, soit c’est une manifestation supplémentaire de l'Élémentaire. Les rares avis documentés sont sans ambiguïtés. S’attaquer à un Genius Loci coûte bien plus cher que le résultat. Il est plus sage de les laisser en paix et d’effacer leurs présences des cadastres et plans officiels.  Demonreach, Une île au large du lac Michigan semblerait avoir connu ce sort. Un haussement d’épaule, alors qu’elle espère avoir pu conserver un visage à peu neutre pendant qu’elle réfléchissait aux différentes conséquences. Sans être tout à fait certaine d’y être parvenue. -La pluie ne me dérange pas vraiment, mais c’est vrai que je commence à avoir froid.

Inna peut aussi être simplement humaine, totalement éloignée de la civilisation et Medea fait preuve d’une arrogance sans fond pour assumer avoir soulevé une nouvelle pierre des mystères du monde magique. Elle avait l’habitude d’avoir une confiance aveugle dans ses intuitions, le poignard trahison que lui a planté dans le dos Carlisle n’a pas qu’ébranlé que sa carrière. Il a mis à mal ses propres fondations, révélé une abîme de doutes concernant ses propres facultés. Bastardo. Quoique, si le Bayou Carrouge, ou Inna deviennent l’instrument de sa destruction, il n’aura pas le plaisir d’être celui qui l'achèvera. Peccato!

La sauvageonne bouge avec une grâce et une souplesse qui sont un ballet pour les yeux. Il y a en elle quelque chose d’une danseuse. Elle est belle, dans cette simplicité de l’essentiel et dans ses mouvements éthérés. -Je te suis, Inna. Je n’ai pas l’intention de déranger quoique ce soit. -Entre les serpents, les araignées, et elle ignore quoi d’autres, non. Aucune envie de créer un remue ménage dans la faune foisonnante. Elle s’efforce d’expulser toutes tensions, toute projection de ce qu’elle va vivre d’ici quelques minutes. Nager dans ces eaux presque stagnantes. Disgustoso. Pourtant, un rayon de soleil. Inna n’est définitivement pas Humaine. Cette fois, il n’y a plus rien de chancelant  à ce sujet chez Medea. La blonde ne doit pas faire plus de cinquante kilos toute mouillée, et elle lui propose de la porter? Pendant qu’elle nage? Non. Elle ne devrait pas en avoir les capacités physiques. -C’est gentil mais non. Je ne voudrais pas trop te fatiguer. Je sais nager. -Sans compter l'entraînement physique auquel elle continue de s’astreindre plusieurs fois par semaine pour ne pas faillir aux standards du FBI et ceux de la NRD. Si son âge commence à lui peser, si elle sent ses muscles et ses articulations grincer et se raidir plus rapidement, elle refuse que cela soit un obstacle. -Je devrais pouvoir te suivre. -Si Inna ne se transforme pas en poisson ou sirène dès qu’elle touche l’onde. Option qu’elle n’écarte pas totalement. Le corps de la jeune femme est raidie d’une tension que Medea reconnait. Le besoin de bouger. D’agir. De partir. La brune retire ses chaussures. Ce sera un poids qui risque d’entraver l’efficacité de ses mouvements. Elle ignore la puissance des différents courants. Hôte ses chaussettes. Glisse son portable dans celles-ci avant de le remettre dans sa poche poitrine. Il est censé être étanche, elle a l’intention de le protéger au maximum. Pas question de laisser ses boots sur la rive. Elles devront marcher après l’épisode dans les canaux. Les lacets sont noués et l’ensemble passé autour du cou, équilibrant de manière à ce que les semelles reposent sur ses épaules. Rien à faire pour ses vêtements, elle en sortira trempée et gelée. Vulnérable. Le froid, l’humidité, Medea peut les gérer. C’est de faire confiance à Inna pour la sortir de là qui est plus compliqué. Retient l’absence danger émanant de l’étrange créature. Pieds nus, elle s’avance dans la vase. Tente de retenir le dégoût primaire à sentir la substance fraîche et visqueuse s’infiltrer entre ses orteils puis recouvrir ses chevilles dans un squish squish squish écoeurant. Sans compter l’odeur du liquide elle-même. Néanmoins elle ne recule pas. Ce n’est pas la première fois qu’elle se retrouve dans un environnement qui n’est pas le sien et elle fait front. toujours. A quel point est ce que cela peut être pire que se retrouver dans une mine de cuivre désaffectée et manquer de se faire arracher la gorge par un vampire en guise d’amuse gueule? Sauf que cette fois-là, elle n’était pas seule, et le Loup avait ses arrières. Un pas. Puis un second. Se forçant à garder son calme. Il faut qu’elles s’éloignent. Avant de se faire avaler par une gueule aussi invisible que concrète. Ses orteils se sont repliés sur eux-même, recroquevillés. Dans l’espoir vain de limiter le contact avec le marécage. Ne pas imaginer quelles créatures amphibies s'y dissimulent. -Je suis prête. Passe devant, je serais juste derrière.




** Théorie reprise des Dresden Files, de Jim Butcher.
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Mar 16 Nov - 22:51 (#)



Un froid moite, une douce insomnie. Un besoin d’abandon. La sensation enivrante d’errer dans une rêverie verte, lourde et confortable, où le souffle du vent racontait un secret en syllabes parfumées.

« Je comprends, » répondit Inna à la femme moderne, distraitement, sans avoir réellement entendu ses derniers propos.

Elle écoutait autre chose, en marchant. Un pas suivant l’autre, svelte et silencieuse, n’éveillant qu’à peine les bruits de succions de la boue, les minuscules craquements des brindilles, et le chuintement tendre des vrilles acrobatiques de mousses espagnoles, suspendues aux arbres scrutateurs. Elle se laissait bercer. Par les frémissements des joncs courbés au-dessus des flots, qui se transformaient en murmures soufflés sur le bout de lèvres invisibles. Par le doux frôlement des insectes sur les feuilles mortes et détrempées, et le glissement lent de la vie grouillante dans la fange. Elle se faisait happer à nouveau dans cet univers mouvant et caché, un reflet de sa propre facette secrète.
Inna s’arrêta sur la rive. Elle huma lentement les senteurs fraiches, pénétrantes et vivifiantes des lieux ; ici tout était beau, au point d’en oublier l’humaine intruse cheminant derrière elle.
Les eaux l’attiraient inexorablement à elles. Ses sandales usées jusqu’à la corde s’enfonçaient dans une vase avide, qui happait ses orteils dans son étroite glaciale, et tout autour d’elle, les taillis aux rameaux nus ou bien encore verts, se courbaient pour effleurer ses hanches. Quelque chose remua sous le rideau d’un banc de roseaux en éveillant brièvement des ridules sur la surface noire, qui captèrent son attention. Déjà, l’averse avait cessé comme l’avait prédit Inna, et les arbres au-dessus d’elle jetaient leurs branches alourdies vers le sol, lequel tintait doucement du rythme inégal des gouttelettes isolées martelant les flaques de boue. Elle prit une autre longue inspiration.

Elle ne dit rien toutefois. Elle était ailleurs. Dans cette douce insomnie mêlée de rêves fiévreux, des appels avides et des murmures sauvages. Le bayou était vivant, comme toujours, à tous les niveaux.

Partir, l’abandonner ; l’envie irrésistible traversa Inna en un éclair, comme l’eau caressait ses pieds, et que les senteurs âcres du limon inondaient ses sens d’un bienfait familier. Elle embrassa les lieux du regard. À quelques mètres de là, les canaux aux flots verdâtres avalaient lentement les planches vermoulues, dévorées de lichens et de lierres, d’un ponton en ruine. Contre ses pilotis creusés de sillons pourris comme des membres gangrénés, les veines du fleuve aspiraient les esquilles du bois, et ses clapotis minuscules répétaient une litanie ensorcelante, que seule Inna semblait percevoir.
Un frisson de bien-être remonta l’échine de cette dernière. Un frémissement venu des profondeurs de son être, ce mouvement reptilien, la respiration d’un ventre d’écailles. Elle repoussa doucement son enthousiasme. L’humeur froide flottant dans ces lieux enveloppait ses pensées d’une langueur cotonneuse, comme le voile capiteux d’une lampée d’alcool chaud. La métamorphe, ainsi revenue à la réalité, jeta un regard désintéressé vers l’humaine derrière elle, qui venait de se déchausser.

« Tu vas devoir nager différemment, » expliqua-t-elle d’un air entendu, comme si cela avait un sens.

Elle-même aurait volontiers ôté tous ses vêtements, les abandonnant dans un coin abrité au milieu des ruines, pour les utiliser plus tard, comme elle le faisait bien souvent durant la journée. Bien des caches de ses habits élimés moisissaient ainsi çà et là, dans des recoins dissimulés, parfois oubliés. Abandonnant alors son hideux habit humain, elle aurait aimé se recouvrir d’un vêtement de belles écailles d’émeraudes luisantes, qui se hérissaient vainement sous le mensonge de sa peau rose.
La métamorphe y renonça. Pas maintenant, songea-t-elle, et un vent âcre tel un ricanement joua dans sa chevelure ternie de boue, lui rapportant les senteurs humaines flottant à ses côtés.

« Tu dois te laisser porter par le courant, » continua-t-elle en se retournant vers Medea, l’index pointé vers les eaux verdâtres. « Le fond est plein de branches et de rochers, alors tu dois éviter les grands mouvements rapides. Laisse-le soulever tes jambes, et guide-toi avec les bras. »

Comme un crocodile le ferait, voulut-elle conclure, mais celle-ci se retint, et se pencha pour détacher à son tour ses vieilles sandales. Elle avait déjà soupesé ce choix. L’eau froide allait transir tous les os de son corps faible après la traversée, elle le devinait, mais Inna n’avait d’autres choix que de nager toute habillée ; une vision de normalité qui allait peut-être satisfaire l’humaine avec elle. L’épaisseur de glaise avala aussitôt la chaleur de ses pieds nus, si frêles en comparaison des vrais, tandis qu’elle coinçait ses médiocres chaussures contre ses hanches, sous la ceinture lâche de son pantalon.

Elle ajouta distraitement, en s’avançant dans l’eau jusqu’aux chevilles. « Les mouvements brusques attirent l’attention, en plus. »

Le canal ouvrit ses bras devant elle. Lorsque Inna s’enfonça jusqu’aux cuisses sous la surface marbrée d’algues, sans hésitation, un frisson de plaisir courut sur ses bras ballants, et résonna à l’unisson sous les flots troubles, de fines ridules évanescentes comme une réponse bienvenue. Les clapotis diffus imitèrent les spasmes d’une ample respiration sous les rares gouttelettes rescapées de l’averse ; elle souriait alors, absorbée, en avançant sur le fond vaseux. Ses mains caressaient l’étendue des eaux, les écartaient comme un rideau entre ses doigts, tandis qu’elle s’y plongeait jusqu’aux épaules.

Étreinte.

Inna ferma les yeux. Son corps svelte disparut entièrement sous l’onde verdâtre. Le sang du bayou imbiba instantanément sa chevelure, la colorant de noir et de jade, tandis qu’elle sombrait et se laissait flotter parmi les débris de bois, les souches pourrissantes, et les éclats de terre. Elle poussa instinctivement sur ses jambes, ses orteils agrippant aussitôt les galets, fluide et économe de ses efforts comme le ferait un esprit marin. Des algues errantes cajolèrent ses épaules, se lovant entre ses doigts ; elle se laissa aller ainsi sur quelques mètres encore, en profitant du faible courant.
Quand Inna rouvrit les yeux, l’univers était bleu. Non d’un azur lisse et noyé d’un soleil de Louisiane, mais de la brillance éclatante du béryl, tavelé de nuances mordorées et mouvantes telles de l’or. Elle était totalement submergée. Par un réflexe animale, ses yeux avaient adopté leur forme reptilienne, l’iris fendu et les pupilles couleur de l’ambre, lui conférant une vision de crocodile, aux innombrables nuances de bleu. L’eau trouble ne l’empêchait plus de voir. Elle était unie avec le fleuve. Elle esquissa quelques mouvements plus avant, avant de pivoter sur elle-même pour chercher l’humaine.
Une bulle s’échappa d’entre ses lèvres, dériva entre ses prunelles de crocodile, et se coinça entre ses cheveux éparpillés. Le tableau autour d’elle était piqueté de limon et de débris flottants, de souches enfoncées çà et là dans la tourbe épaisse, comme les crevasses du terrain offraient des milliers de cachettes pour la vie aquatique. Inna battit lentement des mains. Elle s’accrocha avec agilité aux vieilles branches d’un tronc noyé, poussa sur ses pieds, en déclenchant à peine quelques remous de vase, et reprit son chemin, avec l’aisance élégante et rapide d’un reptile. Elle éluda adroitement les obstacles, effleurant la surface, en vérifiant parfois la présence de Medea derrière elle.

Elle est si évidente à voir, songea-t-elle, en remarquant cette vilaine tâche dans cette merveilleuse perfection aquatique, qui frappait le courant avec la délicatesse d’une hélice de bateau. Inna haussa les épaules et se détourna. Elle ne prit même pas la peine de refaire surface ; elle préférait éviter que l’humaine trop curieuse ne remarque l’étrangeté de ses yeux. Bientôt, aidée de cette vision idéale, elle rejoignit la rive opposée où des bancs de roseaux barraient la terre ferme, qu’elle repoussa sans bruit, tout juste un mince clapotis humide, tandis que le voile de sa seconde paupière s’effaçait.
Une froideur moite l’enveloppa. Une brusque insomnie. Inna frictionna ses bras nus, en forçant ses pupilles à reprendre leur forme humaine, malgré l’envie fiévreuse qui la tenaillait de retourner dans l’étreinte des flots. Elle attendit l’arrivée de la femme égarée, le souffle paisible, malgré sa traversée rapide, et le froid qui cisaillait ses muscles de reptile. Une brise âcre s’insinua dans la masse trempée de ses cheveux, sous ses vêtements imbibés d’eau vaseuse, une morsure tendre et attentive.

Un tiraillement familier était lové dans le creux de ses entrailles. Le fleuve lui manquait déjà.

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Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
Medea Comucci
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I will stop at Nothing

En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Thème : https://www.youtube.com/watch?v=EUY2kJE0AZE
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Mer 8 Déc - 11:29 (#)

Ce qu'Inna comprend, la psychologue n’est pas certaine de le définir clairement. Plus que jamais l’impression d’un esprit fluvial qui s’est incarné à ses côtés le temps de quelques heures avant de se dissiper avec la brume à venir. Pourtant, ses pas laissent des empreintes dans la lourde boue. Présence corporelle bien réelle. Les pieds nus dans la vase, elle s’est immobilisée, attendant que son étrange compagne la rejoigne. Aucune trace d’inconfort ne grime ses traits elfiques. Elle est parfaitement intégrée dans cet environnement aussi sauvage qu’hostile. Quelques conseils qui lui sont distillés avec la voix du vent. Que Medea n’aura pas l’arrogance de balayer d’un revers de la main. Nager autrement. Un vague signe d'acquiescement. Cette fois, c’est elle qui n’est pas certaine de saisir pleinement le sens caché derrière les mots.

Des explications plus concrètes, qui vont lui demander d’être presque passive une fois emprisonnée par les bras liquides. Des mouvements trop amples des jambes et des pieds peuvent la conduire à heurter des couches insaisissables à l'œil. A errafler sa peau. Les égratignures, le risque de se couper, la douleur superficielle qui peut en résulter, l’italienne est loin de s’en préoccuper. Son sang. Son sang qui se diffuse dans le canal, c’est différent. Les bestioles que pourraient attirer la tiédeur écarlate dans son sillage, Medea n’a pas envie de les rencontrer. L’autre avantage immédiat qu’elle constate à cette méthode est l'économie d'énergie. Sortir de l’eau après avoir été totalement  immergé ou presque va être une horreur qu’elle ne souhaite pas devancer.

-Le moins de mouvements  brusques possibles, je me laisse porter par le courant avec les jambes  pour éviter de me blesser sur les fonds et ne pas troubler la visibilité déjà très faible. -Cette habitude toute humaine de paraphraser des instructions pour signifier qu’elles ont été comprises

Un dernière précision, qui n’était peut-être pas nécessaire du point de vue de Medea. Malgré tout, un demi sourire. Non qu’elle ne se moque, mais cette précision ressemble si parfaitement à Inna, à ce qu’elle en comprend qu’elle n’en est pas tout à fait surprise. Attirer l’attention lui semble être le chemin le plus rapide pour finir dans un estomac affamé. Un simple signe de tête cette fois. Elle emboîte le pas de la Sylphide. C’est en la voyant entrer dans l’eau que son opinion se forme. Une opinion qui n’est pas suffisamment étayée pour qu’elle la formule ni même qu’elle ne la verbalise mentalement. Elle n’est pas Humaine. Pas totalement humaine. Les vingts dernières années de la Profiler où elle a  étudié de manière officielle ou non le monde Surnaturel se cristallisent dans cette évidence. Elle sinue dans l’eau comme si l’eau ne faisait plus qu’un avec elle. Il n’y a pas un seul frisson de froid lorsqu’elle rejoint le canal saumâtre. Aucune hésitation en se plongeant dans le liquide trouble. Elle en devient presque immédiatement invisible, une fois qu’elle plonge sa chevelure blonde sous la surface. Machinalement, Medea compte les secondes avant que sa tête éclose à nouveau hors de l’eau.

Le temps pour l’observation n’est plus. Si elle ne décide pas à suivre l’ondine, il y a un risque très concret pour qu’elle ne s’attarde pas après sa traversée. Avec un soupire, elle doit admettre qu’elle est à court de prétexte. Un pas. Puis un autre. L’eau qui monte de ses chevilles jusqu’au mollet. Puis les cuisses. Les enserrant dans un étau glacé, flasque, presque visqueux. Le froid remonte en langue de fouet jusqu’à son ventre puis sa cage thoracique qui se contractent sauvagement. Ce n’est même pas SI froid. Pas après les hivers passés à New-York à Chicago. Sa peau est hérissée de chair de poule. Un pas. Puis encore un autre. Jusqu’à ce qu’elle se force à basculer sur le ventre. Elle Hisssse lorsque les bras d’eau enserrent sa poitrine. La sensation est telle qu’elle en a mal aux seins, froid qui gèle son sang dans ses veines. Déplier ses bras. Les projeter en avant en essayant de faire des mouvements les plus souples possibles. Battre à peine des jambes et attendre de percevoir le roulement du courant.

Elle se perd dans les gestes corporels. Nage en faisant abstraction des lames de couteaux gelées qui remontent le long de ses cotes, membres alourdis par ses vêtements. Elle aurait peut-être dû les retirer. Non. Medea souffle par le nez. Son regard charbon de bois harponné à la silhouette gracile d’Inna. Il lui faut mettre la tête sous l’eau quelques mètres pour passer sous une racine luxuriante qui entrave le travers du canal. Passer au-dessus lui demanderait de s’extraire de cette gargouille méphitique, escalader les multiples branchages et mousses traitresses, retourner dans cette vasque. Elle n’en a tout simplement pas le courage. Medea autorise la flotte à l’ensevelir après avoir pris quelques respirations profondes. Soudain, elle sait.  Elle sait ce qu’a ressenti Georgie Denbrough en suivant le sourire hypnotisant de Pennywise. Elle a seize ans, roulée en boule sur le lit de Vittorio, dévorant les premiers chapitres,  pendant que son frère est allongé par terre sur le sol de sa chambre en train de feuilleter ses derniers comics. It vient de sortir et bien sûr, comme tous les autres livres de cet auteur populiste et de mauvais genre, il est absolument interdit de le lire pour les cinq enfants Comucci. Pour autant, elle a déjà dévoré plusieurs autres de ses titres que Vittorio et Amadeo lui ont trouvés, les deux plus proches  de ses frères, tant en âge qu’en affinités,  toujours prêt à la suivre à devancer ses envies. Tout en sachant, un peu lâche, qu’elle sera la seule à supporter les conséquences de ces transgressions. Elle n’a plus la moindre illusion, en ce qui la concerne, son monstre n’est pas habillé d’un masque de clown grimaçant. Il a le visage aux traits aussi séduisants que cruels de son père lorsqu’il la “recevra” dans son bureau quelques heures plus tard pour lui faire répondre de son insolence. Le Patriarche n’a pas plus apprécié la présence des ouvrages dans la chambre de sa fille que sa remarque acide concernant la “bonne éducation d’une famille qui amasse son fric dans le sang, les putes et la poudre”.  Pas une expression sur le visage lorsque son preferito du moment abattra son ceinturon sur les omoplates dénudées de sa benjamine. Pas assez pour la marquer plus de quelques jours. ll ne faudrait pas abîmer la marchandise. Bien assez pour que sa peau cède et se déchire. Bien assez pour les rigoles de sang jusqu’au bas de ses reins.

Rigoles d’eau jusqu’au bas de ses reins. Medea émerge de l’autre côté, laissant derrière elle les remugles poisseuses d’un passé dévoré par les vers. D’un revers de paume, elle écarte ses cheveux collant à son visage pour dégager sa vision. Inna a pris pied sur la rive à quelques crawls de distance. Elle la rejoint et se dégage du canal, l’expression sur son visage peut être plus fermée que lorsqu’elle n’a posé un pied dans l’eau. En sortant, elle remarquera, distraitement, que quelques estafilades peignent sa peau d’écarlate. Elle n’a pas dû suivre totalement les recommandations d’Inna. Elle n’a même pas la respiration altérée par cette nage si particulière, note-t-elle. Ne réalisant qu’avec un temps de retard que la sienne est plus courte, plus oppressée. Medea commence à en avoir sa claque du Bayou Carouge. Salement. Elle passe ses deux mains dans ses cheveux, les rejetant en arrière et tentant de les essorer au mieux. Après cette plongée dans l'Achéron, l’air extérieur à moins de prise sur elle. Elle a conscience que cela ne durera pas. Après avoir essuyé au mieux ses mains sur son jean détrempé, elle chasse de ses joues et de son front la boue qui y adhérait. Une profonde inspiration. L’italienne n’a certainement pas l’intention de râler. Elle s’est foutue toute seule dans cette situation à la con, elle ne va certainement pas pleurnicher auprès de l’aide qui s’est proposée à elle. Quelque soit la forme que celle ci incarne.

La brune croise les bras sur son torse. Balaie du regard les environs. Ne remarque pas de réels changements dans la végétation. La seule différence notable est qu’elles ne sont plus abandonnées sur l'îlot. Cependant, elle n’accroche aucune marque de présence humaine, sinon quelques ruines de pontons et des cadavres de bateaux qui pourrissent dans l’indifférence générale. Le calme serein de l’ondine est tel qu’elle se demande ce qui serait capable de la troubler. Medea finit par se tourner vers elle. -Est-ce que tu peux me guider encore un peu plus loin? Tu en as déjà fait beaucoup, Inna -son prénom, comme pour l’accrocher à l’instant présent - mais je ne suis pas sûre d’être capable de me repérer totalement.
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Dim 2 Jan - 22:57 (#)



Le bayou avait frémi sur lui-même, mais rien ne s’était manifesté.
Ainsi, Inna ne vit ni tâche sombre croitre sur la surface opaque, ni n’entendit de cri de détresse avalé par les remous. Elle s’en était sortie, finalement. La femme humaine, l’étrangère, jadis parfumée de modernité que le bayou semblait refuser d’avaler. Inna l’avait observé de loin. Immobile et apaisée entre les rideaux de roseaux exhalant la glaise épaisse, elle l’avait suivi des yeux fendre la surface émeraude des flots, sans une once de délicatesse ; la femme était ce défaut tenace dans un rideau de vert délavé, un accro bruyant et si aisément repérable au milieu de cette harmonie liquide.
Inna se détourna un instant de cette vision surprenante. Elle ressentait les muscles visqueux des lieux frémir de rejet face à cette intruse, et s’était attendue à une réaction qui ne vint toutefois jamais. Que les flots s’ouvrent en une mâchoire terrible. Que les os des marais se craquèlent et broient cette chose chaude, vulnérable et humaine qui n’avait rien à faire là. La métamorphe ne savait quoi en penser. Était-ce à cet instant, l’illustration d’une fracture entre ses propres visions, ses murmures instinctifs qui couraient dans sa chair, face à une réalité triste, impuissante et décevante ?

Elle n’aurait su le dire. Elle n’était ni May, ni Kaidan. Inna récupéra les sentiments dans son cœur, et ne sut en distinguer la surprise de la déception, le soulagement de l’aigreur. Alors, elle continua simplement à vivre, car il n’y avait rien de mieux à faire ; l’humaine allait la rejoindre et rien de plus.

Le froid suivant la traversée la ramena soudainement aux réalités. Les poumons du bayou s’étaient gonflés d’un souffle frais et humide, qui transformait les gouttelettes ruisselantes sur sa peau en une myriade d’aiguilles douloureuses. Ces frusques synthétiques collaient à son corps d’emprunt, comme une seconde peau sale et désagréable, tandis que ses cheveux couleur de la paille étaient désormais imbibés d’un mélange de poussières d’écorces, de boue et d’algues. Une vase épaisse enveloppait ses pieds nus d’une gangue rassurante, dont elle rechignait désormais à se débarrasser.

Elle va trouver ça anormal, songea Inna, comme de vagues normes humaines refaisaient surface dans le bourbier de son esprit, autant d’échos du passé qui n’avaient ni queue ni tête à ses yeux.

Alors que Medea comblait les derniers mètres les séparant, Inna libéra sans entrain ses pieds de la boue, dans un bruit de succion, en débarrassa distraitement les fragments collants, et récupéra les vieilles sandales coincées à sa ceinture. Un frisson désagréable remonta le long de son échine quand elle les chaussa ; un sentiment malsain de séparation et d’agression. Leur texture industrielle raclait désagréablement sa peau, tout comme ses habits enduisaient sa silhouette d’une sensation glaciale et poisseuse dont elle aurait eu hâte de se débarrasser en temps normal.
Inna s’étira au milieu des fumerolles brumeuses, qui ourlaient les taillis d’une touche de mystère, et commença à retirer ses vêtements détrempés. Elle n’en avait que deux pièces, somme toute : un débardeur et un pantalon de toile, aussi élimés et troués l’un que l’autre. Un tressaillement de bien-être fit rouler les muscles sous sa peau lorsqu’elle se retrouva ainsi nue, débarrassée des artifices inutiles des humains. À quelques mètres de là, de bruyantes vaguelettes marquèrent l’arrivée de la femme étrange sur la rive, laquelle sentait bon l’eau fraiche et le limon odorant désormais.

Le contraste entre elles était criant, Inna le remarqua brièvement. L’étrangère se tenait à ses côtés, pantelante et ruisselante, couturée de minuscules blessures et tâchée de boue ; un sourire discret illuminait à l’inverse les traits de la métamorphe, trempée elle-aussi, mais calme et confiante.

« Tu es blessée, » fit-elle, un banal constat qui n’appelait aucune réponse.

Elle-même ne souffrait de rien. Ni de blessure, ni d’une apparente pudeur. Inna essora calmement ses vêtements par des torsions successives, qui faisaient ressortir les muscles de ses bras, bien plus prononcés que sa silhouette agile n’avait laissé présager. Aucune cicatrice ne striait sa peau lisse, qui guérissait si vite une fois immergée, seulement couverte de subtils frissons de froid. Elle empoigna sa chevelure boueuse, en retira la vase collée, et les essora méticuleusement ; ses yeux d’un bleu de glace scrutaient attentivement l’humaine, qui énumérait une fois encore les mêmes requêtes.

« Pourquoi tu me redemandes encore une deuxième fois ? Je t’ai déjà dit que je te guiderai jusqu’au bout. Je le ferai. »

Quelle femme étrange. Une brève lueur d’incompréhension sincère flotta sur les traits d’Inna, tandis qu’elle embrassait d’un regard distrait les environs, encore nimbés de cette brume mollasse suivant une averse. Mille parfums saturaient l’air. De l’odeur pénétrante de l’humus fraichement imbibé de pluie, à l’écorce friable des pins, jusqu’aux fleurs sauvages lovées dans un creux secret. Toute la vie grouillante des marais remuait sous leurs pieds ; minuscules êtres ondulants, lisses et moites, qui jonchaient les crevasses des souches ou les rigoles d’eau creusées entre les galets.
La touffeur mauvaise de l’ilot flottait désormais au loin. Autour d’elles, apparaissaient alors les restes vides d’anciennes cabanes de pêcheurs, avec leurs tas d’ustensiles décrépits et leurs bateaux squelettiques. Des restes de toiles de tentes pendaient aux branches des chênes tordues, telles les imitations des mousses sauvages, alors que le sol craquait encore des résidus de consommations : autant de morceaux de conserves et de bouts indéfinissables de bois. Le bayou avait avalé le plastique dans son étreinte suffocante de ronces et des racines inextricables, gorgées d’eau noire.

Pourtant, Inna se sentait mieux ici, malgré l’oppressante obscurité que créaient les nids de branches suspendues par-dessus cet endroit. Celui-ci n’avait ni ruines malveillantes, ni béton mordant, mais seulement des cabanons de bois torsadés, que le bayou déchirait lentement de ses crocs.

« Tu devrais au moins essorer tes habits, » fit-elle en se retournant vers Medea. « Il n’y a rien de pire pour avoir froid que du tissu mouillé. »

D’un mouvement sec, Inna jeta son débardeur froissé sur son épaule, et essora son pantalon à son tour. Elle ne semblait tenir aucun compte de sa nudité, ni même s’en apercevoir. Quelques gouttes chutèrent du haut des arbres, dévalèrent ses formes sculptées par la vie sauvage, que l’effort faisait ressortir ; ses abdominaux ondulèrent sous son ventre, qui avait paru si fragile auparavant. Autour du sentier presque disparu à l’intérieur duquel elle se tenait, des rangées de buissons épineux faisaient cercle autour d’elle sans qu’elle ne cherchât à s’écarter de leurs branches acérées.
Les feuilles luisantes de pluie répandaient un parfum enivrant, profond et presque sucré. Aux sens d’Inna, celui-ci était bien plus délicieux que tout autre chose et ces senteurs entouraient Medea de leurs faveurs : elle était devenue bien moins incommodante qu’à son arrivée. Finalement, non sans une moue dégoûtée, Inna enfila de nouveau les guenilles lui servant d’habits, les brossa rapidement dans un effort maladroit de paraitre humaine. Sa chevelure devint un chaos d’or. Des perles d’eau y avaient fait leur nid, donnant à ses mèches un aspect scintillant, comme de la soie tissé de vermeil.

Elle interrogea alors du regard l’étrangère. « Tu es prête ? Fais attention où tu marches, il y a des déchets sur une partie du chemin, c’est coupant. »

Ainsi, Inna entreprit de suivre les vestiges du sentier local, qui louvoyait entre les troncs courbés des jeunes saules et les tapis de roseaux épais. Des flaques boueuses, traitreusement calmes couvaient çà et là, entre les rochers rares qui affleuraient dans l’ombre des arbres à la manière de vertèbres immenses et sèches. Elle se fraya adroitement un chemin entre les épines, qui accrochaient parfois un lambeau de ses vêtements sans qu’elle n’y prêtât attention, le regard rivé au sol afin d’éviter les restes d’activités humaines ; les clous et cannettes sales l’inquiétaient davantage que les serpents.
L’endroit était à demi étouffé sous une avalanche de végétation. Dans cet ancien rendez-vous de pêcheurs, le bayou avait broyé dans ses griffes tout espoir de retour : les barques avaient toutes été percées, les maisonnettes toutes trouées par des racines ou des troncs effondrés. Des vieux filets de pêche émergeaient encore çà et là, comme des mains suppliantes vers des cieux n’ayant aucun pouvoir. La boue et l’humidité régnait ici. Des cohortes d’insectes saturaient l’atmosphère de ces ruines, couvrant le bruit des dernières gouttelettes de leurs vrombissements incessants.
L’oreille en était vite assourdie. On n’entendait que le choc sourd et spongieux des chaussures se hissant hors de la boue, les crissements lointains d’amphibiens et quelques cris d’oiseaux aquatiques. Tout le reste n’était qu’ailes et chitines de moustiques. Aucun ne s’intéressait à Inna. Celle-ci avançait à un bon rythme de cette démarche fluide et silencieuse qui lui était propre. Elle escaladait les souches effondrées en travers du chemin, laissait les mousses espagnoles caresser ses cheveux, et inspirait avec une nette aisance l’air empoissé d’humidité de ce lieux hors du monde.

Au bout de minutes ressemblant à des heures, la métamorphe se retourna vers la femme la suivant tant bien que mal. Rien ne l’avait effleuré : aucune estafilade de ronce n’était visible sur sa peau, aucune rougeur n’indiquait la moindre piqure d’insectes. Inna n’était même pas essoufflée.

« La souche dont je t’ai parlé n’est plus très loin. Mais la marche est plus difficile par-là, est-ce que ça ira ? Tu devrais te mettre de la boue, ça devrait soulager tes coupures et éviter les piqures. »

Loin au-devant d’elles, le chemin avait disparu, englouti dans un enchevêtrement de bosquets et de branches brisées. D’énormes taillis de ronces s’accrochaient contre les silhouettes droites des cyprès, qui abreuvaient leurs racines dans des mares devenues presque invisibles sous l’épaisseur de la forêt marécageuse. Des bancs de mousses flottantes dissimulaient les trous d’eaux et les souches immergées, de même que les pierres rendues glissantes et traitres sous la couche de boue. Un calme relatif régnait aux alentours, subtilement rythmé par l’écoulement lointain d’une source invisible.

Le paysage s’offrant à leurs yeux n’était pas sans rappeler les mangroves du Sud, où Inna avait jadis vécu une partie de sa vie. Un tiraillement nostalgique piqueta son âme. Pourtant, l’omniprésence de l’eau qui atteignait à cet instant leurs mollets, voire davantage, l’aida à revenir à la réalité.

« Il faut être habituée pour avancer ici, » déclara-t-elle d’un ton détaché, où elle s’efforçait mal de cacher un léger enthousiasme. « Il y a beaucoup de mares cachées sous les feuilles et les racines, il faut que tu fasses attention à ce qui se cache dessous. Appelle-moi si tu as besoin d’aide. »

C’était l’endroit rêvé des reptiles. La civilisation n’y était qu’une lointaine rumeur, dans cet univers humide et vert, fait de vastes étendues de lentilles d’eau flottant paresseusement sur les tourbières instables, sous le chapiteau des arbres. La canopée formait alors une voûte merveilleuse très loin au-dessus du sol, faite de milliers de nuances d’émeraude, qui se reflétaient dans les flaques d’eau et fractionnaient la lumière du soleil, en créant une pénombre mouvante. Des remous au loin, des minuscules bruits furtifs dans les creux immergés, témoignaient de la vie grouillante sous l’épaisseur de la vase, et l’éclat de plumes colorées attiraient parfois l’œil dans la jungle des branches.

Inna inspira lentement l’air vivifiant. Il n’y avait nulle ruines humaines, nulle racines ou branches d’un bayou vengeur qui broyait les cadavres des hommes ; elles étaient dans une cathédrale immense où les arbres voluptueux étaient les piliers, où la surface de l’eau reflétait les vitraux scintillants du ciel.

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