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Beauty and the beast || Alexandra

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Anonymous
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Sam 26 Nov - 16:36 (#)

D’un geste raffiné, je réajuste le coussin en cuir formant le dossier du large fauteuil couleur crème installé en face de mon bureau. Mes talons claquent sur le parquet clair tandis que je fais le tour de la pièce pour m’assurer que tout soit parfait. Je réajuste un bibelot, repositionne un livre et veille à ce que l’ensemble soit harmonieux, un mélange parfait entre un endroit professionnel, mais malgré tout accueillant. Les tons crème et bois rendent une ambiance calme et ont ça de bien de faire ressortir à la perfection la robe rouge sombre que je porte et le rouge à lèvre assorti.  J’ai toujours mis un point d’honneur à avoir un bureau et des vêtements de bons gouts, mais j’ai particulièrement à cœur d’impressionner mon rendez-vous du jour afin qu’il écrive sur moi des éloges. Depuis l’article paru dans in touch j’ai reçu plusieurs demandes pour des interviews, mais j’ai souhaité sélectionner uniquement les magazines susceptibles d’écrire des articles de bon gouts et ne pas m’étaler dans les torchons sans valeur qui ne se focaliseraient que sur la marque de mon rouge à lèvre. Je n’ai accepté qu’une ou deux interviews seulement pour le moment, afin cultiver un léger mystère pour intriguer les badauds et autres gens du peuple en quête d’idoles, et aujourd’hui a lieu l’une d’entre elle. J’ai poliment proposé à la rédaction du magazine d’accueillir ici même la personne en charge de rédiger l’article, afin qu’elle puisse voir mes bureaux et orienter élégamment les propos vers mon travail. Une telle publicité ne se refuse jamais.

Une dernière fois, je jette un coup d’œil à la ronde d’un air satisfait face à cet environnement élégant et professionnel. Les lumières chaudes du milieu d’après-midi filtrent à travers les fenêtres et emplissent la pièce d’une couleur agréable et chatoyante. Même l’heure du rendez-vous n’a pas été choisie au hasard, tout a été fait pour mettre le plus en valeur ma personne et mon environnement. Il ne reste plus que quelques minutes avant l’arrivée du journaliste, alors je retourne m’assoir dans mon luxueux fauteuil de bureau et sors mon téléphone portable, cliquant sur l’icône de mes réseaux sociaux. Depuis la soirée où j’ai rencontré le sénateur Hamilton, mon nombre de followers a grimpé sur Instagram, et celui de Président Lincoln aussi. J’ignore qui a écrit cet article, mais je lui suis infiniment reconnaissante. Mes DM se remplissent de nouveaux fans, quand bien même quelques misérables se trouvent parmi eux. Je réponds aux quelques messages privés élogieux, like tous les commentaires de mes postes et regarde tous les messages où je suis mentionnée. Plusieurs minutes s’écoulent au rythme du doux tic-tac de la lourde horloge manufacturée accrochée au mur. Constatant que je commence à scroller sur des choses sans intérêt je repose mon téléphone, repensant à l’autre bénéfice de cette soirée en boite de nuit. L’homme sur qui j’avais tenté d’utiliser cet étrange et épuisant pouvoir avait effectivement appelé, comme si cela venait de sa propre idée. Un homme qui traine de lourds casseroles, mais avec des poches bien remplies et peu avare. J’ignore ce qui m’emballe le plus, ma nouvelle notoriété parmi les people de shreveport ou bien ce pouvoir qui me permet d’avoir l’ascendant sur les autres.

Je jette un œil à l’horloge et constate que l’heure du rendez-vous est passé de deux minutes. Mes lèvres se pincent une seconde de mécontentement, n’aimant pas que l’on me fasse attendre. Rapidement mon visage redevient un masque parfaitement plaisant. Je ne souhaiterais tout de même pas que mon invité entre alors que je fais cette tête. Avec le petit miroir présent dans le premier tiroir de mon bureau, je vérifie une dernière fois mon maquillage et ma coiffure. Le reflet ne me renvoie qu’une image parfaite et je range le miroir à sa place originelle. Enfin le son caractéristique de la sonnette du bureau retentit, suivi du son de l’interphone de ma secrétaire qui permet à la porte de s’ouvrir. La voix chantante de l’assistance se fait entendre à l’accueil et se répercute doucement jusqu’à moi.

« Bonjour. Mademoiselle Janowski vous attend, prenez cette porte je vous en prie. »

D’un geste rapide et maitrisé, je croise mes jambes en une position élégante. La porte s’ouvre enfin sur la personne qui n’est là que pour moi aujourd’hui. Espérons que cet entrevue offre au monde un article de qualité et une chance de mieux me découvrir.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
Célébrité : Rooney Mara
Double compte : Elinor V. Lanuit & Inna Archos
Messages : 1559
Date d'inscription : 28/03/2019
Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Dim 27 Nov - 18:39 (#)


Beauty and the beast

J’étais de mauvaise humeur ce matin-là. Le soleil matinal traversait les vitres sales de mon appartement, et faisait briller les enveloppes plastifiées qui traînaient en tas informes sur mon bureau, au milieu du clavier, des blocs notes et d’une tasse de café sale. Il était onze heures. Je n’avais pas pris la peine de m’habiller, et mes vêtements étaient encore étalés en vrac sur le lit, à côté d’un paquet de clopes et d’un briquet. Moi, je déambulais en rond dans cette chambre, en t-shirt et culotte, les cheveux aussi bien ordonnés que le reste de la pièce, et le téléphone à l’oreille, tenant une discussion qui n’améliorait pas mon humeur.

« Écoute, j’veux pas d’une interview, tu sais que ça me casse les couilles d’écouter les gens raconter leur vie, » ai-je déclaré en me frottant la tignasse d’une main absente.

Franck a insisté. Le rédacteur en chef me burinait ses arguments dans le crâne depuis trente minutes déjà, à grands coups de promesses de paies et de compliments sur mon talent de journaliste à mi-temps. Est-ce que ça fonctionnait ? Un peu. Je râlais de moins en moins, et me contentais de rester irritable.

« Allez Alex, je suis sûr que tu n’as rien à faire. Je ne sais pas comment tu payes ton loyer le reste du temps, mais là, c’est l’occasion de le faire dans les délais. Et puis je ne te demande pas ça tous les jours. »

‘Fait chier. Même les démons doivent verser leur loyer. Putain, qui l’aurait cru ? J’ai émis un grognement de résignation en me grattant la fesse gauche, et je me suis laissée tomber sur le fauteuil de bureau comme un sac de pommes de terre. J’avais envie d’une clope. J’avais envie de lire et d’entretenir ma graisse dans le lit.

« Donc, ta gonzesse c’est une avocate c’est ça ? » J’ai allumé mon ordinateur portable, lequel était bien calé entre les factures en retard et les classeurs de notes manuscrites.

« Oui, je t’ai envoyé les infos par e-mail, elle s’appelle Anna Janowski. Elle a fait le buzz dernièrement, je t’ai aussi envoyé l’article, ses réseaux sociaux et les lignes directrices de l’interview. »

J’ai cherché le nom sur Google. Un lien vers son Instagram a été mis en avant, ainsi que quelques photos de l’article en question, publié par l’un de ses journaux à scandales imprimés sur du papier chiotte. Des images ont défilé, champagnes et pintades, et j’ai lu les quelques lignes en diagonale. J’ai soupiré.

« Pourquoi tu m’fais faire ça, sérieusement. J’ai pas envie d’aller conter les aventures d’une pouf dans un club à la con, » ai-je râlé, en faisant défiler les images d’un sénateur cravaté en train de mettre la main au panier d’une blonde peu vêtue. L’ensemble me soulevait l’estomac. De la dinde et du maquereau, super.

« Ce n’est pas pour ça. Écoute, lis les questions de l’interview, tu comprendras mieux. Nous, on veut surtout un article correct sur son métier, sa cause, ses ambitions, ce genre-là. Quelque chose de sérieux, tu vois ? »

Je voyais. Je voyais surtout que j’allais certainement me faire chier pendant une bonne heure à écouter les boniments d’une avocate adepte des soirées pignoles. J’ai cliqué sur son Instagram. Au moins, elle n’est pas dégueu à regarder, ai-je constaté en examinant avec un œil appréciateur les diverses photographies.

« Ok, ok j’vais lire ça. J’prends rendez-vous demain. Elle l’a baisé au moins son sénateur ? »

Franck a soupiré à son tour. Lourdement. « Alex… Ne lui demande pas ça, s’il te plaît. Tu vas représenter le journal, mets-y un peu les formes. »

« C’est bon, j’ai compris, » J’ai fermé Internet et les photos de Miss Chaude du Barreau, et je me suis levée en m’étirant, la motivation toujours au fond des chaussettes que je n’avais pas encore enfilées. «  Je vais le faire. Professionnelle, tout ça. L’année prochaine, je chope le Pullitzer. J’te rappelle, à plus. »

J’allais le faire, correctement. Franck le savait, je le savais. J’avais terriblement besoin de fonds, surtout que mes déboires et mes absences d’humaine avaient creusé mon déficit financier depuis l’année dernière. Les ventes des livres commençaient à décoller, mais rien de faramineux n’était prévu avant un an ou deux. J’ai étouffé un bâillement en consultant l’heure, et je me suis résolue à revêtir une nouvelle fois le costume de journaliste occasionnelle. Putain, ça m’avait pas manqué, ai-je ruminé en allant enfin m’habiller.

Trois jours plus tard, Downtown. Le cabinet de l’avocate était situé dans l’un de ces anciens bâtiments du vieux centre-ville, et faisaient partis de ceux que les humains appelaient des "architectures de caractère". En somme, c’était vieux. Ça grinçait les jours de pluie. Ça sentait la nostalgie de la belle époque coloniale, où l’on pouvait fouetter son esclave et trousser la prostituée du terroir sans préservatif. J’ai vérifié l’heure en m’arrêtant devant le battant massif qui fermait le cabinet, une porte franchement tape à l’œil à mon avis.

Quinze heures pile. J’avais quelques minutes de retard, et pas une once de motivation pour rencontrer la donzelle, l’avocate star d’Instagram, apparemment réputée pour la défense des réactionnaires anti-CESS.
Merci Franck, j’vais crever sous l’ironie, ai-je ruminé en sonnant à la porte, le sac sur l’épaule, les écouteurs dans les oreilles et le smartphone à la main. J’ai coupé le punk australien, "Amy and the Sniffers", qui hurlait dans mon crâne, et j’ai dézippé légèrement ma veste de moto qui me donnait chaud dans l’après-midi du printemps Louisianais. Le trottoir était bruyant de monde. Les odeurs de fritures post déjeuner mêlées aux gaz d’échappements me rappelaient combien je détestais les centres saturés d’activités humaines.

Le battant s’est finalement déverrouillé. Je suis rentrée dans un hall climatisé, rempli d’une odeur de cuir, de bois, et d’une propreté immobile typique des vieux bâtiments officiels. En bref, ça sentait la cravate et le parfum Chanel. À priori, raconter sa vie et montrer ses miches sur les réseaux permettait de réussir dans le milieu judiciaire. J’aurais vraiment dû commencer un stream Twitch pour écrire en live, tout en portant des petites culottes et des jarretelles transparentes. Putain, j’suis sûre que ça payerait mieux le loyer.

Je me suis avancée jusqu’au bureau, lui aussi massif et en bois brillant, derrière lequel s’abritait une petite secrétaire affichant un sourire affable, timide, et absolument tête à claques. Un écran plat rutilant brillait à côté d’un ordinateur à l’aspect neuf, de petits pots de cactus aussi communs qu’artificiels, et d’un flacon de désodorisant d’intérieur. Je me sentais aussi déplacée qu’un furoncle sur les fesses de mon interview du jour. J’ai déposé avec fracas mon casque de moto sur le bord du bureau, causant un écho bruyant dans le couloir adjacent, tout recouvert de bois et de tapis bien propres.

« Bonjour, j’viens pour l’interview. J’ai rendez-vous à 15h... » ai-je précisé en consultant d’un air blasé mon smartphone, comme si cela allait faire disparaître mon retard.

Elle a sursauté en conservant son sourire timide.« Bonjour. Mademoiselle Janowski vous attend, prenez cette porte je vous en prie. »

« La gauche ? » ai-je demandé en récupérant bruyamment mon casque, et en traînant mes grosses bottes de moto jusqu’au couloir adjacent.

« La droite, au fond ! »

Quelle plaie. J’ai traversé le fameux corridor, tout en boiseries lustrées, bibelots brillants et tableaux d’art abstrait, où même les ficus décoratifs étaient d’une propreté irréprochable. Déprimant. J’ai remonté mon pantalon de moto, un peu tombant au niveau des hanches, et j’ai frappé lourdement à la porte que la bonniche de service m’avait indiqué. J’ai cru discerner une voix féminine, et je suis entrée sans cérémonie.

« Bonjour, Alexandra Zimmer, je... » J’ai marqué un temps d’arrêt. « … viens pour l’interview. » ai-je très vite complété pour ne pas paraître stupide ou suspecte.

Je délire ou… L’avocate Janowski se tenait en face de moi. Exactement comme sur Instagram, parfaitement droite, ordonnée, maquillée, le portrait lisse et entretenu que les photographies m’avaient dépeintes. Une seule chose clochait. J’ai masqué tant bien que mal mon étonnement en m’avançant jusqu’au fauteuil vide, sans attendre une invitation de sa part. J’y ai jeté mon sac, posé mon casque sur le sol et retiré ma veste de moto en cuir en ébouriffant mes cheveux d’une main pensive, histoire de mieux cacher la surprise initiale.

« ‘Scusez pour le retard, la circulation en ville c’est l’enfer, » ai-je expliqué en m’asseyant aussitôt dans ce fauteuil en cuir, aussi brillant et net que le reste de la pièce.

J’ai lissé les plis de mon t-shirt. Celui-ci faisait tâche dans ce décor chic et cher, avec son chimpanzé en noir et blanc qui hurlait "FUCK OFF" dans une bulle. J’ai extirpé mon vieux bloc note de mon sac, en examinant mon interview du jour avec intérêt. Elle était belle. Elle était aussi impeccablement apprêtée et maquillée. Mais surtout, tous mes instincts se hérissaient à sa vue ; une sensation de familiarité, que je ne connaissais que trop bien pour avoir déjà été en présence d’une autre créature de ma propre race.

Elle était l’une d’entre nous. Eh ben merde, ça s’annonce intéressant finalement.

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Jeu 1 Déc - 8:49 (#)

Mon sourire avenant et professionnel demeure intact, ne laissant en rien paraître qu’il est devenu le simulacre figé présenté en armure pour masquer la surprise désagréable et déceptive provoquée par ce qui vient de passer la porte. Mes sourcils s’arquent quelque peu sous l’étonnement et mon regard parcourt la nouvelle venue et son accoutrement de haut en bas puis de bas en haut en quelques secondes paraissant éternelles tant chaque élément me heurte. L’ensemble lui donne ce look des jeunes marginaux de la décennie passée qui ont vieilli sans lâcher leur mauvais goût et qui, dans une crise de l’âge, ont décidé de se mettre à la moto. Un engin lourd, bruyant et vulgaire, à leur image, mais qui a au moins le mérite de les faire mourir rapidement pour ne pas les laisser errer ainsi dans le paysage. L’espace d’une seconde je me demande s’il ne s’agit pas là d’une quelconque livreuse qui viendrait me remettre une missive de la part d’un client qui choisit bien mal ses coursiers, mais hélas non. Sa présentation sans équivoque anéantit mon dernier espoir de voir passer par l’encadrement de la porte un charmant journaliste habillé élégamment qui aurait pu recueillir mon histoire. Comme figée par le choc, je l’observe jeter sa veste sur mon beau fauteuil de cuir et voit son blouson usé flétrir le coussin rebondi que j’avais pris la peine de réajuster. Elle s’assoit alors que mes espoirs se meurent, m’empêchant pour l’heure la moindre parole tant je crains que mon ton ne trahisse les émotions que cette apparition m’inspire. Elle est assise en face de moi, et j’ai cette drôle de sensation qui m’est familière mais pour laquelle je n’ai aucune pensée tant mon attention est captée par la sérigraphie érigée sur son tee-shirt bon marché. Rien ne va. Les tons noirs de ses guenilles tranchent avec le cadre doux et chaleureux, mais pas comme le ferait un costume élégant qui y serait magnifié. Elle est telle une tâche sombre dans la pièce, décalée, inappropriée, à l’image de ce primate dessiné qu’elle porte fièrement et qui peut être est là pour la représenter. Je pensais trouver un journaliste professionnel et respectueux, et voilà donc ce que l’on m’envoie. La presse est définitivement en perdition.

Mes yeux clignent une seconde et je sais que laisser le silence entre nous un instant de plus serait grossier. Ravalant cette gêne qu’elle suscite par son non-professionnalisme, j’essaie de me focaliser sur l’idée qu’elle est la personne qui a le pouvoir d’écrire un article élogieux ou calamiteux sur moi. Comme revenant à la vie, mon sourire figé retrouve sa mouvance et je lui offre un sourire chaleureux et pas du tout sincère, bien qu’il fasse illusion. D’une voix professionnelle et charmante, je lui réponds :

« Enchantée mademoiselle Zimmer. Je suis ravie que vous soyez ici. » Je ne laisserai pas passer une chance d’avoir un article digne de ce nom uniquement parce qu’un incapable a décidé d’envoyer une journaliste mal habillée pour faire mon portrait. Malgré mes efforts pour balayer dans un recoin de mon âme cette sensation inhabituelle qu’elle m’évoque, un résidu demeure accroché à mes tripes, une réaction viscérale qui me semble connue mais que je ne parviens pas exactement à identifier. Pour aider à laisser de côté cet émoi, j'appuie sur un bouton du téléphone filaire de mon bureau et demande : « Julie, venez voir si notre invitée désire une boisson chaude s’il vous plaît. »

Je n’ai même pas osé juste dire ‘quelque chose à boire’ tant je crains qu’elle réclame une bière. L’idée même de voir la journaliste en train de touiller grossièrement mon bon café en aspergeant mon beau bureau de petites gouttelettes brunes m’est insupportable, mais mon image publique est plus importante que cette considération-là. Une minute n’a pas le temps de passer que déjà la porte s’ouvre sur mon assistante tout sourire qui demande à la sombre journaliste ce qu’elle désire boire. Après qu’elle eut parlé, je demande à mon tour ma boisson habituelle et Julie disparaît poliment et discrètement derrière la porte. Ce petit interlude m’a permis de reprendre contenance et de faire fi de la mauvaise surprise que représente mon hôte. M’appuyant élégamment sur le bureau et me penchant légèrement comme pour signifier mon intérêt poli, je demande :

« Alors mademoiselle Zimmer, comment ces choses-là se passent ? Que voulez-vous savoir ? »

Donner l’impression de vouloir tout contrôler est toujours mal vu, à plus forte raison lorsque l’on est une femme jeune. Du moins c’est ce que j’ai appris des quelques interviews données à Chicago à la suite de procès fortement médiatisés. Je sais mieux jouer à ce jeu-là à présent, la laissant choisir le déroulé des choses. Subitement une évidence vrille mon esprit. Un souvenir. Enfin pas tout à fait. Plus une information qui s’impose, comme si ma mémoire se fouillait en arrière-plan et qu’enfin mon cerveau avait trouvé l’information qu’il cherchait pour répondre à cette question irritante. Je sais quelle est cette sensation. Au-delà de ses vêtements inadéquats et de son attitude globale sans professionnalisme. L’image de l’artiste marginal qui m’a appris pour mes pouvoirs s’impose à moi. Il a disparu sans me donner beaucoup de réponses, mais tout ce que je sais c’est que, quoi que je sois, cette femme l’est aussi. Délicatement mes mains quittent mon bureau et se posent sur mes genoux en un geste élégant ayant pour but de masquer les sentiments contradictoires que m’évoquent cette nouvelle. L'excitation d’avoir peut-être des réponses tout en sachant pertinemment que ce n’est ni le lieu ni le moment. La peur d’être découverte comme l’avocate anti-CESS qui pourtant n’est elle-même pas tout à fait exempte de surnaturel. Qu’est-ce que je dois faire ? L’interview. L’important aujourd’hui est l’interview. Pour la suite, nous verrons plus tard. Qui plus est, rien ne me dit qu’elle ait des informations ou soit au courant de quoi que ce soit. Une chose à la fois. Dans tous les cas, je saurais à présent qui chercher pour trouver quelqu’un comme moi.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
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Facultés :
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- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
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Sam 10 Déc - 18:39 (#)

Beauty and the beast

L’avocate a eu un court-circuit. J’en ai profité pour détailler le décor.
Tout fleurait bon le chic et cher, à commencer par le bureau de bois et brillant qui trônait au centre de la pièce, laquelle était meublée avec un cachet aussi raffiné que maniaque. J’ai eu l’impression d’être au milieu d’une scène de théâtre ; tout était d’une propreté aseptisée, comme si l’emplacement de chaque objet avait été déterminé au centimètre près. Les coussins n’affichaient aucun pli, les bibelots ne supportaient aucun grain de poussière, et même les stylos sur le bureau me semblaient d’un parallélisme exceptionnel.

Cela me filait le tournis. J’ai eu la sensation d’être face à une actrice au milieu d’un catalogue pour mobilier de luxe. Même le bois sentait le désodorisant. Même la lumière était strictement mesurée. Celle-ci tombait depuis la seule fenêtre extérieure, avant d’être happée à son tour par la dictature du design supervisant les lieux. À croire que tout l’univers se pliait aux lois du paraître et de l’ostentatoire ici. Même l’air qui entrait dans mes poumons me semblait trop coûteux pour mon modeste portefeuille de journaliste à mi-temps.

J’ai réajusté mon assise dans ce fauteuil. Celui-ci était tellement confortable, tellement moelleux et prêt à accueillir mon postérieur, que cela frisait l’érotisme. Merde Franck, dans quoi tu m’as envoyé sérieux...

L’avocate elle, a finalement rompu le silence. Il était temps. Je commençais à me demander si la sensation de familiarité entre nous avait fini par lui déclencher un AVC, ou bien parce que je lui avais tapé dans l’œil. J’ai baissé les yeux vers mon t-shirt, puis comparé le décor autour de moi, avant de revenir finalement sur mon vêtement ; c’était définitivement l’AVC l’hypothèse la plus probable. Elle a enfin commencé à parler, comme la bande pré-enregistrée d’un répondeur téléphonique ; sa voix était suave à souhait, comme un sorbet industriel sans saveur, bien emballé, mais totalement dépourvu de personnalité.

J’ai hoché machinalement la tête, franchement peu inspirée par cette femme et l’interview à venir. « Hmm, de même. »

Le style de fille qui met un coup d’aérosol après chaque passage aux chiottes, ai-je pensé, tandis qu’elle appelait sa secrétaire, et j’ai senti un fou rire nerveux monter au fond de moi à cette idée. J’ai refoulé cette hilarité de justesse. À la place, j’ai réussi à mimer un faible sourire, tandis que la bonniche de service faisait son entrée dans le bureau pour prendre commande. Je n’avais aucune envie d’une boisson chaude à cette heure de l’après-midi, quand le trajet en moto au travers de la Louisiane inondée de soleil m’avait donné chaud. Le cuir des vêtements n’avait d’ailleurs pas aidé en matière de transpiration.

J’ai haussé les épaules et passé commande sans y réfléchir. « Un coca ça ira, merci, » ai-je lancé en croisant les jambes, sans même remarquer l’air embarrassé de la secrétaire derrière moi.

« Je suis navrée, nous n’avons que de l’eau pétillante. »

J’ai levé les yeux de mon carnet. J’suis bête, ça fait prolo le coca. « De l’eau pétillante, tant pis. »

La secrétaire est ressortie. J’ai écouté le bruit de ses talons diminuer dans le couloir, selon un rythme étudié et certainement mesuré pour ne pas rompre l’ordre bon chic, bon genre, du cabinet. La sensation presque claustrophobique d’être enfermée dans l’une de ses publicités coûteuses qu’affectionnent les marques de parfum de luxe, est revenue m’étouffer. J’ai essayé de chasser ces impressions. Je me suis concentrée sur la créature similaire à moi-même, cachée derrière les atours délicieux et hors de prix d’une avocate maniérée.

J’ai réussi à tirer un sourire ostensiblement forcé, indifférent et insipide. Je n’éprouvais pas le moindre désir de l’écouter raconter ses aventures judiciaires, et comment papa-maman avaient payé ses études.

« Absolument tout. » Je me suis éclaircie la voix en poursuivant. « Non, j’plaisante. J’pensais vous proposer de poser le cadre de votre travail, permettre aux lecteurs de visiter le cabinet à la lecture. Si ça vous va, on fait un tour du propriétaire, j’peux même prendre quelques photos en même temps. »

Je réfléchissais à voix haute. La motivation autour de cette interview était toujours en berne mais, pour une raison que je n’expliquai pas, j’avais soudainement envie de bien faire. De lui faire bonne impression, et de rester aussi professionnelle que possible. J’avais en même temps la brûlante envie de coller mes pompes de moto sur le rebord de son bureau, mais quelque chose dans cet endroit aseptisé m’en empêchait. Bizarre.

« Ensuite, on pourra enchaîner sur vous plus personnellement. Votre travail actuel, vos affaires passées, votre vision du futur, etc. Pas besoin de suivre un plan, je poserai quelques questions pour guider et puis je rédigerai le reste. »

Je me suis passée une main dans mes cheveux désordonnés, pensive. Bizarre comme sensations.

« Soyez naturelle, les lecteurs de… Enfin, les lecteurs aiment l’authentique, » ai-je terminé en ravalant mon propos acide de justesse.

Les Steve Jobs à la con qui lisent ce journal, ils adorent avaler les success story des poufs, ai-je conclu à part moi. Personnellement, je me sentais sale. Déplacée dans cet endroit, forcée de jouer cette comédie. Car je n’avais au final, pas la moindre idée de qui elle était, de ce dont elle était capable, de son affiliation. Je me suis avachie dans ce fauteuil en l’observant, fixe, cherchant à déceler la chose derrière ce masque de pouf trop maquillée. Peut-être ne savait-elle rien. Peut-être savait-elle tout.

Et peut-être essayait-elle de mener un tout autre jeu ? Jouons l’humanité alors.

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Jeu 15 Déc - 8:58 (#)

J’arque un sourcil à sa remarque un brin dramatique qui apparaît être qu’une tentative d’humour avortée par une conscience professionnelle qui semble finalement lui revenir. Ses mots me rassurent quelque peu sur sa compétence et je m’estime satisfaite de ses propositions. Quelque peu rassurée par son nouveau professionnalisme, je m’adosse élégamment au dossier et croise les jambes. Cet article est là pour être une pub gratuite distribuée à large échelle, et je ne peux que me réjouir qu’elle parle d’y ajouter une photo. Ce que je vends, c’est le rêve au milieu de l’orage. Un havre de protection légale face à ce monde devenu fou, rendu malade par les êtres inhumains qui le traversent. Une lueur d’espoir pour les esprits faibles qui ont été embrumés par les propagandes anti-CESS, qui se voient dans une tourmente onirique alors que ce ne sont que leurs propres peurs qui les rongent. Ceux-là mêmes qui glorifient également le mercantilisme et le luxe à l’américaine dont j’ai fait étalage dans mon bureau, le tout sous couvert de bon goût. Tout est pensé pour que cette catégorie de personne ne puisse que me voir comme l’incarnation de ce qu’ils cherchent, ce dont ils pensent avoir besoin. A ses pensées un sourire doux et chaleureux se peint sur mon visage, comme un assentiment à ses propositions. D’une voix enjouée, je la gratifie d’un :

« Formidable. »

La perspective d’une interview bien menée parvient presque à balayer la déconvenue de l’apparence non professionnelle de la journaliste. Cette joie sourde d’enfin obtenir une telle tribune aurait presque étouffé cette sensation tenace me faisant comprendre que l’on appartient à la même espèce, quelle qu’elle soit. Fort heureusement, mes ambitions de grandeurs et l’extase d’être enfin une personnalité intéressant les magazines surpassent ce questionnement personnel lié à mes capacité. Peut-être est-ce une erreur, mais pour l’heure je ne vais pas m’en soucier. D’une voix posée, équilibrée entre l’aimable et le sérieux, je commence :

« Étant spécialisée dans la défense légale des humains contre des CESS inciviles, j’ai décidé de quitter mon cabinet de Chicago afin de venir ici, à Shreveport. Il me semble qu’ici plus qu’ailleurs, les gens ont besoin de défendre leurs intérêts face à toute cette… nouveauté. » Un terme minimisant, qui ne choquera pas les progressistes énervés mais qui fera bien comprendre à mon auditoire cible que je pense comme eux. La révélation ne date que d’une dizaine d’années, cela est suffisamment récent pour que la plupart des gens aient connu le monde d’avant. Ce bon vieux temps que l’on vend comme un paradis perdu, sauveur face à un quotidien actuel d’une tristesse absolue, qu’on ne peut retrouver que dans la rudesse du rejet le plus brutal qu’il soit. Un très bon business, si vous voulez mon avis. « J’ai donc ouvert ce cabinet il y a quelques mois, fin 2020, et très vite les affaires ont affluées. Il semblerait que les gens de cette belle ville ont grand besoin d’une défense légale, c’est pourquoi j’ai décidé de recruter des confrères afin d’aider encore plus de personnes. » Si tant est qu’elles ont les moyens de payer.

Mon petit discours sonne comme naturel et spontané, mais à l’instar de mes plaidoiries il a été pensé en amont. Tout est fait pour laisser transparaître la vraie orientation de mes opinions publiques, mais sans jamais laisser une chose à laquelle s’accrocher pour tous les hystériques pro-CESS qui usent et abusent des réseaux sociaux pour s’égosiller contre les gens comme moi. Qu’ils tweetent donc, ces petits, et je trouverai un autre journal pour aller parler du terrible harcèlement que ces soi-disant progressistes me font vivre. Une tactique simple et efficace. Pourtant, une pointe de doute nait dans mon esprit. Si cette impression familière m’a alarmée sur sa différence, peut-être ressent-elle la même chose. Peut-être croit-elle que mon humanité est vacillante. A-t-elle d’ailleurs plus d’informations que moi ? Ce point n’a jamais été un problème jusqu’ici, mais cette personnes aux goûts vestimentaires inadéquats pourrait-elle représenter un danger pour la réputation et la carrière que je me suis construites ? Avant même que je puisse poursuivre le fil de ces pensées inquiétantes, un doux toquement poli se fait entendre à la porte et mon assistante rentre dans le bureau en souriant avec un petit plateau en argent sur lequel repose une jolie tasse fumante, une petite bouteille d’eau pétillante et un verre. Elle pose le plateau sur un coin du bureau, puis dépose la bouteille et le verre devant la journaliste avant de la servir. Enfin elle place la tasse de café plein de crème devant moi tandis que je la remercie et elle se retire avec un au revoir poli. Saisissant la tasse chaude, je balaye mes doutes et fait comme si de rien n’était. Ce n’est pas qu’une vague impression qui fissurera tout ce que j’ai bâti. Alors, je demande :

« Souhaitez-vous faire le tour de l’office maintenant ou bien préférez-vous d’abord aborder d’autres points ? »

Enchaîner sur d’autres éléments aurait semblé autocentré ou impoli, et il n’est même pas envisageable que je lui laisse une telle impression. Tout cela n’est qu’un jeu d’image, quand bien même mon interlocutrice ne semble pas s’y intéresser. Tout ce que je peux faire, c’est de tirer le meilleur partie de cette entrevue, et espérer que son article ne soit pas semblable à sa personne.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
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Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Ven 16 Déc - 22:52 (#)

Beauty and the beast

Formidable. Formidablement chiant, oui.
Assise dans ce fauteuil trop douillet pour être innocent, je me suis préparée mentalement à subir l’un des moments les plus pénibles de ce travail ; écouter les autres. Une torture. Nous étions enfermées dans une bulle de luxe et d’opulence pincée, et moi j’étais la victime attachée à la potence, forcée d’entendre et de boire les paroles de l’avocate idole des réactionnaires. J’ai sorti mon téléphone, un neuf acheté après la destruction accidentelle du dernier, et je me suis préparée à avaler le torrent de conneries barbantes.

Ad nauseam. Donnez-moi la force de supporter ces conneries.

Ça n’a pas traîné. La pouffiasse a démarré sitôt l’enregistrement lancé, et j’ai calé à la fois mon cul et mon carnet de note, respectivement dans le fauteuil et sur ma cuisse. J’ai entamé ma prise de note en dessinant un petit smiley en train de roupiller sur le haut de la page, à côté du titre de l’interview, avant de gribouiller les quelques termes et mot-clés marquants qu’elle déballait à mesure. La journée allait être longue. Toute mon attention était concentrée sur mes pages blanches, que je couvrais de mots à la volée, suivis de petits pictogrammes symbolisant à la fois mon emmerdement profond et tout ce que je pensais de cette femme.

Je dessinais relativement bien. J’avais pris quelques cours après le lycée, ce qui me permettait de croquer des faces tordues et franchement drôle, à la manière de caricatures. J’ai noté le déménagement de Chicago à Shreveport, flanqué d’une femme surfant sur un bureau avec une plume dépassant du fondement. Outre l’aspect très ludique de mon art, c’était ma méthode mnémotechnique pour conserver l’enchaînement d’une interview dont je me fichais éperdument. Un excellent moyen de ne pas l’oublier durant la nuit. J’ai hoché la tête en ajoutant quelques notes, des mots bateaux dont raffolaient les imbéciles lisant ces journaux.

Défense des communautés, entraide américaine, esprit démocratique, donner les clés d’un monde plein de nouveautés, accompagnement des plus vulnérables…

Un sacré paquet de conneries. « C’est intéressant... » ai-je soufflé en achevant un nouveau dessin d’une femme en costume-cravate tuant un loup-garou à coup de chevrotine.

J’ai senti un éclat de rire monter, lorsque l’avocate a détaillé son credo de défense des humains contre les surnaturels. Je l’ai étouffé in-extremis derrière un sourire moqueur. C’était à crever de rire. J’ai levé les yeux un instant pour essayer de déceler un soupçon de moquerie dans son attitude ; pourtant, elle affichait un sérieux absolu et son faciès de poupée ne trahissait rien. C’est la meilleure de l’année merde, ai-je estimé en retournant à mes notes. Je n’ai rien dit, continuant de noter son petit récit bourré de nobles idéaux et d’un monceau de platitudes à vous faire vomir la bienséance par les trous de nez.

Un monstre qui défend les humains contre les monstres. Je me suis demandée un instant si elle l’avait fait exprès, ou bien si elle était si peu au courant de sa nature que tout cela était dû au hasard. C’était en tout cas d’une ironie absolument remarquable à mes yeux ; au point de redorer un brin son image et de rendre cette interview un tant soit peu moins emmerdante que prévu. J’ai commencé à envisager l’idée d’aborder la question sous couvert d’une conversation professionnelle ; j’allais devoir marcher sur des œufs.

« Eh bien, c’est déjà une excellente introduction... » ai-je débuté en levant pensivement mon stylo, sans quitter mes notes des yeux.

L’affaire était foutrement délicate. Janowski créait chez moi des sentiments ambivalents. J’éprouvais à la fois une furieuse envie d’éclater de rire face au ridicule de la situation, et en même temps celle de lui faire faire fermer sa gueule tant son récit était d’une fadeur dégoulinante à me rendre malade.

« J’voudrais revenir à vos débuts. Qu’est-ce qui vous a décidé de vous spécialiser dans la défense contre les CESS ? Votre première affaire ? Si j’me souviens bien, il s’agissait d’un meurtrier qui a tué son voisin parce qu’il le croyait vampire, non ? »

Merci Franck et Google pour les recherches, ai-je pensé en préparant un nouveau croquis acide. En arrivant, je n’avais pas prévu de poser beaucoup de questions de crainte d’allonger cette torture journalistique. Mais je n’avais pas non plus prévu de me retrouver face à face avec l’une des nôtres, habillée en défenseuse de la veuve et de l’orphelin. J’ai fait osciller mon stylo, machinalement, en enchaînant une seconde question.

« D’ailleurs, ces affaires ne sont pas trop éprouvantes ? » ai-je continué d’un ton détaché. « Vous parliez de recrutement, et justement j’ai cru savoir que des offres pour des assistantes sont souvent publiées pour ce cabinet ? Ce sont des affaires difficiles à mener ? Le climat est tendu ? »

Fouiner. Avancer à tâtons. Chatouiller la bête. Je commençais à ressentir une étonnante envie de savoir ce qui se cachait sous ce vernis de respectabilité et cette face polie. Que savait-elle de sa nature ? Faisait-elle exprès de monter une affaire bourrée d’autant d’ironie ? Si je n’appréciais pas beaucoup l’idée d’avancer en aveugle sur son terrain, cette histoire suscitait peu à peu chez moi un bizarre et malsain intérêt.

« On peut continuer en faisant un tour du propriétaire, ouais. J’vous suis moi, à vous la main. » ai-je achevé d’un ton égal, afin de flatter sa petite personne.

Je n’aimais pas cirer les pompes. Pourtant, toute son attitude, tout son intérieur, puait la suffisance, et moi je commençais à me prendre au jeu des devinettes ; cela valait bien un petit effort. Je me laverai les mains et la bouche plus tard.

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Dim 1 Jan - 9:49 (#)

Elle prend des notes mais même ses mots empreints de professionnalisme ne parviennent pas à balayer l’impact de son image négligée et cette étrange sensation persistante qui paraît me coller à la peau. Concentrée sur mon image, je fais en sorte de ne rien laisser transparaître. Les mains jointes élégamment, un sourire poli appliqué avec maîtrise sur mon visage, une image qui ne dénote en rien de ce cadre pur et élégant. A l’inverse, mon interlocutrice paraît tel un furoncle sur un visage parfait, avec son style dépenaillé et son attitude nonchalante. Il n’y a rien entre nous qui soit semblable. Prenant enfin son rôle de journaliste à cœur, elle pose quelques questions et je suis ravie de voir qu’il s’agit bien d’interrogations sur mon travail et non les habituelles questions intrusives qui se posent depuis cette fameuse soirée. Je bois une première gorgée de mon café chaud et sucrée et commence à répondre calmement, avec une pointe de joie contenue dans ma voix, lui signifiant qu’il s’agit là de bons souvenirs :

« Oui en effet, cette première affaire a été décisive. J’avais été commise d’office à un homme qui, craignant pour sa vie et celle de sa famille, avait eu des mots avec un voisin qu’il pensait être un vampire. Et puis les choses ont mal tournées, et il s’est avéré que le voisin n’était pas un vampire. » Cela dit, pour être pris pour un de ces suceurs de sang, il fallait bien que le voisin en question soit plutôt du genre marginal. Il ne s’agissait pas réellement d’une grande perte. « Puisque le gouvernement ne protégeait plus les humains contre les vampires, mon client a été obligé de prendre les devants, ce qui a mené à cette tragédie. En somme, c’est bien le climat de peur qui est naît de la révélation et de l’inaction des états qui est la cause de cette terrible histoire. » De celle-ci et de bien d’autres. Un filon infini qui nourrit ma carrière en continue depuis. « Les gens ont peur. Et ils se sentent délaissés. Il fallait bien que quelqu’un fasse quelque chose, alors je me suis en effet spécialisée dans la protection de ces personnes-là : les braves américains avec des valeurs qui n’ont à cœur que de défendre leurs familles et leurs proches. » Je marque une pause pour lui laisser le temps de noter cette déclaration qui fera sans doute rosir de plaisir les personnes qui adhèrent à cette idée, en profitant pour faire descendre de nouveau le niveau de ma boisson, puis je reprends : « Oui, vous avez raison, ces affaires sont assez éprouvantes. Pas tant par leur teneur mais surtout par le fait que depuis le début de ma carrière je n’ai pas vu d’évolution dans les lois pour amener davantage de sécurités pour les humains. De mon point de vue, il s’agit là de la vraie tragédie. »

Peut-être aurais-je glissé un mot sur l’importance des politiciens tel que le sénateur Hamilton pour améliorer cela, mais je n’apprécierais guère que mes mots corroborent les allégations lâchées par les articles people qui foisonnent depuis la soirée avec Blanche. Un soutien politique serait pris par certains pour un aveu inepte d’une relation adultère mal dissimulée. Une telle relation ne me déplairait pas, mais j’ai à cœur de maintenir les apparences et je sais très bien quelles sont les opinions de mes soutiens sur de telles choses : tromper à loisir, mais le condamner fermement en public tout en humiliant ardemment la femme impliquée. Je ne suis pas assez stupide pour risquer ce genre de choses. Sa question sur le recrutement de mes assistantes me surprend quelque peu et rapidement je trouve une explication me semblant des plus valables :

« Eh bien, il y a plusieurs raisons à ces annonces. Tout d’abord, il s’agit d’un travail très exigeant, et malheureusement beaucoup de jeunes d’aujourd’hui n’ont plus le goût de l’effort, et tendent à démissionner dès qu’on leur demande de fournir un vrai travail. Aussi, chaque associé à droit à avoir un assistant juridique, alors nous en recruterons autant qu’il le faudra. Enfin, sachez que j’ai à cœur d’aider les assistants juridiques les plus ambitieux à devenir des avocats et je les encourage à aller plus avant dans leurs études en droit. Ma dernière assistante, par exemple, est actuellement en train d’étudier pour elle-même devenir avocate et fera sans doute une bonne collaboratrice pour ce cabinet. » Et me sera éternellement redevable. Quoi de mieux que de loyaux petits soldats pour m’entourer et servir ma cause ? Je me renfonce dans mon fauteuil et poursuis : « Et puis le travail est difficile parce que l’on est amené à rencontrer des gens faisant face à de terribles injustices, tout le monde n’a pas les épaules pour porter ce poids là, vous savez. On se rend compte jour après jour comment les lois actuelles n’ont pas assez pris en compte la défense des humains face à l’invasion CESS et que c’est notre travail de pallier la défaillance du système. Qui plus est, ce que nous faisons ne plait pas à tout le monde et ça inquiète parfois nos employées les plus fragiles. Je ne compte même plus le nombre de lettres de menaces que je reçois de la part des CESS et de leurs sympatisants. Parfois même, je crains pour ma sécurité. Malgré tout, je ne peux pas délaisser mes clients pour si peu. »

Ces derniers mots, dit avec un ton un peu plus grave, n'ont rien de faux ou d'exagérés. Les menaces ne sont pas rares et se trouvent être souvent très explicites, mais il ne s'agit là que du revers de la médaille. D'autant que j'utilise sans honte ces messages pour renforcer la force de l'implication de ma communauté. En les partageant sur mes réseaux, j'hatise la haine de mes followers pour ces monstres, et plus leur haine et leur peur grandissent, plus ils me voient comme la sainte qui se dresse pour eux dans la tempête. Ce n'est finalement pas si mal. Je pense avoir fait le tour de ce que j’avais à dire pour répondre à ses questions. Je termine mon café et me lève, lissant élégamment la jupe de ma robe pour la réajuster. En quelques pas, faisant claquer mes talons haut sur le parquet en un bruit sourd et profond, je contourne le bureau en lui faisant signe de me suivre.

« Venez, je suis ravie de vous montrer le cabinet. » J’attends qu’elle se lève et je reprends ma route vers la porte par laquelle elle était entrée. En la franchissant, nous arrivons dans un corridor avec plusieurs portes. Au fond, le bureau de l’accueil est visible. Il s’agit d’un nouveau local, bien différent de celui où l’on été quand j’avais forcé Heidi à jouer les secrétaires. Maintenant que nous sommes plus nombreux, il nous fallait plus de place. Je marque un temps d’arrêt pour lui indiquer les portes des autres pièces et commence : « Pour l’heure ce n’est pas encore un gros cabinet. Jusqu’à récemment je travaillais uniquement avec mon assistante, mais grâce au succès de mes affaires j’ai pu commencer à recruter des collaborateurs et des associés. Ces deux portes sont les bureaux de mes nouveaux associés, mais je crains qu’ils ne soient actuellement en réunion. » Deux avocats aux tendances anti-CESS ayant à peu près la même expérience professionnelle que moi mais étant impitoyables dans leurs procès. Malins, mais pas suffisamment ambitieux pour me planter un couteau dans le dos pour prendre les rênes à ma place. Seule leur haine profonde des CESS anime leurs actions, je ne serais guère surprise d’apprendre que l’un d’eux traîne avec les Shepherd, mais au moins aucune information vérifiable n’est disponible à ce sujet. Je poursuis : « Mitchell est spécialiste dans les affaires civiles tandis que Lewis s’est spécialisé dans le pénal. Grâce à eux nous pouvons à présent couvrir davantages de dossiers. » J’avance de nouveau dans le couloir et m’approche des deux portes ouvertes. De celle de gauche, un léger brouhaha mêlant voix animées et bruissement de papier se fait entendre. En approchant l’encadrement de la porte, les voix se calment et les yeux se lèvent vers nous. Quatre jeunes avocats fraîchement diplômés semblent affairés derrière des bureaux remplis de paperasse. Leurs costumes impeccables tranchent légèrement avec le fouillis ambiant, signe manifeste qu’ils travaillent ardemment à trouver une solution à un problème juridique. « Bonjour, je vous présente mademoiselle Zimmer, c’est une journaliste qui vient écrire à propos du cabinet. Mademoiselle Zimmer, je vous présente nos jeunes collaborateurs. Ils sont tous très prometteurs et travailleurs. » Ils la saluent poliment, tiquant peut-être un peu sur sa tenue, puis se remettent au travail tandis que je fais quelques pas dans le couloirs pour conclure : « Et la dernière salle est juste notre espace de détente qui nous sert aussi de cuisine. » Je désigne d’un geste nonchalant la dernière porte ouverte mais ne juge pas pertinent de la faire visiter. « Et puis bien sur le hall par lequel vous êtes entrée où se trouve également le bureau des secrétaires. Il y a encore un bureau innoccupé qui sera sans doute celui de notre prochain associé. Cela vous convient-il ? Souhaitez-vous retourner à mon bureau pour échanger sur d’autres sujets qui piqueraient votre curiosité ? »

Mes yeux scrutent ses expressions pour essayer de deviner quel genre de choses elle pourrait bien écrire dans son article. Est-elle satisfaite ? Impressionnée ? Désabusée ? De prime abord il n’est pas difficile de deviner que ce sujet n’est pas quelque chose qui l’intéressait, mais son professionnalisme sera-t-il au niveau de mes attentes ? Je l’espère. Il n’est jamais bon de dénigrer un cabinet d’avocat, c’est le meilleur moyen de se faire attaquer pour diffamation.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
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- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

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Mar 3 Jan - 23:50 (#)

Beauty and the beast

J’étais en train de mourir. J’ai senti mon âme se faufiler par ma bouche entrouverte, se dissoudre dans l’air et flotter lentement, désorientée, morte d’ennui, au-dessus de mon corps réduit à un zombie bafouillant.

Ponctuer pour ne pas sombrer.

« C’est intéressant... »

« Ah oui, bien sûr... »

« Je comprends... »

« Tout à fait... »


Tuez-moi, je souffre trop. Au milieu de cette torture verbale, des pépiements interminables de la donzelle Janowski, une question s’est soudainement imposée dans mon esprit : un ennui mortel pouvait-il provoquer un AVC ? J’ai essayé de percevoir les symptômes avant-coureurs, crampes et paralysie, mais tout mon corps était devenu mou, comme dépourvu de nerfs. Alors, j’ai tout compris. Ça ne pouvait qu’être ça, sa capacité surnaturelle : vous faire mourir d’ennui. J’ai hoché la tête comme je le faisais depuis dix bonnes minutes, de la même manière que ces chiens en plastique moches que l’on place à l’arrière des voitures.

« Hm-hm, je vois... »

BLA.BLA.BLA. J’ai dessiné une lame de rasoir à la volée, celle que j’espérai tant pour m’ouvrir les veines, au milieu des notes sur les valeurs américaines à la con et la justice pour demeurés réactionnaires. J’ai levé les yeux vers elle, délaissant un instant l’échappatoire de mon carnet de notes, pour scruter son faciès de présentatrice de talk-show qui n’en finissait plus de se passer de la pommade. Elle avait l’air d’aimer le son de sa voix. Plus elle parlait, plus ses traits semblaient s’illuminer d’auto-suffisance ; plus je fondais misérablement dans ce fauteuil de luxe, comme une fleur mourant en silence sous la pisse d’un alcoolique.

« C’est compréhensible... » ai-je ajouté d’un ton totalement mou et mort, en griffonnant quelque chose à propos des CESS.

J’ai noté en majuscule les mots invasions CESS et défaillance du système, avant de sombrer à nouveau dans une catalepsie approchant la mort. Elle a terminé son discours de masturbation intellectuelle, tandis que je lorgnais placidement vers le verre d’eau pétillante, avec la même énergie molle qu’une vache en fin de carrière. J’ai fixé les bulles un instant. Le verre avait été déposé sur le rebord du bureau, avec un dessous de verre s’il-vous-plait-pas-de-tâches-sur-les-boiseries, mais l’effort pour l’atteindre m’a paru insurmontable.

L’avocate a finalement conclu son discours. Elle s’est levée, lissant les plis de sa jupe avec toute l’arrogance d’un dictateur ordonnant un défilé militaire, et ses talons ont contourné le bureau en résonnant comme un glas annonçant la fin de la torture. Merci petit Jésus dans le ciel, j’peux finir de décéder, ai-je marmonné à moi-même, tandis qu’elle m’invitait à me lever. J’ai mobilisé toute la volonté qui me restait pour saisir mon téléphone d’une main, mon carnet de l’autre ; mon cerveau lui, traînait au bout d’un déambulateur à côté de moi, avec une perfusion de morphine plantée dans les neurones. J’ai fait un effort et je me suis levée.

« J’vous suis. »

Et c’était reparti. Le second AVC arrivait. Je l’ai suivi au fil des couloirs, mon carnet de notes sous le bras et mon téléphone dans les mains pour prendre des photos au fur et à mesure de ses explications. Je n’aurais su décrire les sentiments que m’évoquaient ces lieux. Ils tenaient en quelques mots : cravates, classement, administration, café, boiserie, ficus en pot. Il ne me manquait qu’une corde et un tabouret. J’ai déambulé à la suite de l’avocate, trop amorphe pour rajouter des questions ou reluquer son déhanché, en m’arrêtant de temps en temps pour cadrer les photographies. Automatisme et zombification. Tuez-moi.

« Bonjour. » J’ai levé mollement la main pour saluer le quatuor de cravatés qui jacassaient au milieu des dossiers et des tasses de café.

Je n’ai fait aucun effort pour me tenir droite. Ma colonne vertébrale avait la même allure que ma cervelle, une spaghetti trop cuite contenue dans un bouillon d’emmerdement profond. Nous avons terminé la visite de la souffrance, -dieu-merci-c’est-fini-, par un espace de détente qui m’a semblé complètement déplacé dans cette antre du paraître et du costume-cravate. Je me suis arrêtée en face d’elle, comme émergeant d’un profond sommeil paradoxal, et j’ai essayé de mobiliser mes derniers neurones en vie pour lui répondre.

Qu’est-ce que j’voulais dire déjà ? Foutu bonne question.

« C’était très… exhaustif comme visite. » CHIANT. « Ça vous gêne pas que j’utilise ces photos pour illustrer l’article ? J’en utiliserai que deux ou trois parmi les mieux réussies. »

J’ai passé en revue lesdites photos. Bureau, costards et ficus. Trépidant. Elles transmettaient exactement l’univers de ce cabinet : luxueux et d’une platitude professionnel à vous faire crever d’ennui. Mes souvenirs ont commencé à refaire surface pendant ce temps. J’ai commencé à me rappeler les questions notées tout à l’heure, comme si son pouvoir surnaturel s’atténuait une fois qu’elle la bouclait. Enfin.

« D’ailleurs, » ai-je continué en claquant des doigts. « J’voulais encore aborder les sujets qui fâchent. Je pense que les lecteurs voudront savoir votre opinion sur les CESS, puisque vous avez abordé le sujet. »

J’ai fourré mon téléphone dans ma poche et récupéré mon carnet, en dissimulant mes notes et mes croquis artistiques sous la paume de ma main. La donzelle Janowski n’était clairement pas prête pour mon art. J’ai relu en diagonale mes notes sur les CESS, lesquelles étaient décorées d’une enluminure en forme de gibet.

« Vous aviez parlé d’une invasion CESS et d’une défaillance du système, en évoquant les menaces que vous receviez, » ai-je récité. « Vous pensez donc que le système est laxiste vis-à-vis des CESS ? »

J’ai senti mon cerveau se réanimer. Tousser, recracher. Des étincelles souffreteuses d’un moteur que l’on rallume. J’ai commencé à rassembler mes réflexions et récupéré tant bien que mal le fil de l’interview. Ça n’a pas été simple. J’avais l’impression d’entendre encore dans ma tête son insupportable caquetage.

« Concrètement, qu’est-ce que vous proposeriez ? Vous suivez les débats sur ces sujets ? Par exemple, le fichage de tous les CESS, vous en pensez quoi ? Qu’il faudrait moins de droits pour les CESS? »

Tant bien que mal, ça commençait à devenir drôle. J’ai ressenti un sourire s’épanouir au fond de moi face à l’ironie de ces questionnements. Nous monstres, débattant des craintes humaines que nous-mêmes nous déclenchions. À crever de rire. J’ai senti l’envie irrépressible de pousser le bouchon encore plus loin.

« Il y a eu l’affaire de la rave party au Gilbert Drive, par exemple. Si vous étiez une décideuse politique, vous prendriez des mesures face à ça ? C’est quelque chose que vous imaginez faire dans le futur ? »

J’ai rebranché l’enregistrement audio du téléphone. Le crayon à la main, j’ai appuyé mon postérieur contre un meuble quelconque, lui-même adossé au mur impeccable. Cette femme créait plus que jamais chez moi des sentiments ambivalents. D’un côté, toute cette situation contenait une ironie bien trop mordante pour être abandonnée de si tôt. D’un autre côté… Par pitié, pas de grand discours patriotique.

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Mar 10 Jan - 8:13 (#)

La journaliste me suit dans ma visite telle une ombre sombre et fatiguée. Je crois même déceler dans ses ponctuations polies un arrière-ton peu engageant, des réponses automatiques masquant mal un profond manque d’enthousiasme. A son allure générale, je me doutais bien que ce monde n'était pas le sien et je maudis intérieurement l’abruti qui me l’a envoyé, elle, plutôt qu’un journaliste plus adéquat. Ne lui laissant rien paraître de mes impressions à son sujet, je lui fais un geste aimable pour lui signifier qu’elle peut prendre des photos et patiente tandis qu’elle immortalise mes locaux. L’espace d’un instant, en observant mon cabinet, j’entrevois le chemin parcouru depuis la fin de mes études de droit et ressens une bouffée de fierté d’avoir construit quelque chose à force de travail et d’ambition. Contre toute attente, elle reprend sur quelques questions plus précises sur le sujet des CESS. Quel est son but ? Fait-elle partie de ces pro-CESS qui ne cherchent qu’à pousser les gens comme moi au mot de trop ? Souhait-elle au contraire voir s’affirmer dans la presse le fait que les CESS soient des monstres ? Étant donné le sentiment tenace et collant que je ressens à son contact, je doute qu’elle soit du camp que je défends. Mais cela importe peu, ce n’est pas elle le public que je vise. Je la laisse exposer ses interrogations et des brides de réponses naissent et s’articulent dans mon esprit pour préparer mes répliques. Elle termine ses questions et je lui suggère avec un sourire :

« Retournons dans mon bureau pour en discuter tranquillement, si vous voulez bien. »

Lui faisant le geste de me suivre, je tourne les talons et remonte le couloirs pour retourner là où notre entrevue avait débutée. Je la laisse entrer puis ferme la porte derrière elle avant de retourner m'asseoir à ma place, attendant qu’elle en fasse de même. Je lisse la jupe de ma robe en m’asseyant pour que le vêtement ne fasse pas un pli et mon esprit s’active déjà pour peaufiner ma réponse à venir. L’article est pour le Shreveport Times, un public large et une ligne éditoriale peu orientée politiquement. Il faut que je garde en tête qui est la cible de cette interview. Mon but n’est pas de convertir les pro-CESS à ma cause, cela ne fonctionnerait pas, mais d’instiller encore plus de peur et de doutes chez les indécis tout en renforçant mon soutien aux anti-CESS qui sont le fondement même de ma réussite. Il me faut émettre des avis assez clairs et tranchés pour être reconnus et salués par mes pairs, mais dit avec suffisamment de finesse pour que n’importe quel pro-CESS s’énervant dessus passe pour un hystérique. Une fois bien installée, je pose mes mains sur le bureau, les doigts croisés, et reprends :

« Vous me demandiez donc mon avis sur les CESS. » Mon air est sérieux, presque grave. Mon côté professionnel reprend le pas sur le côté enjôleur et elle peut alors voir l’avocate impitoyable sous le vernis. D’une voix déterminée mais sans emportement, je poursuis : « J’estime en effet que le système actuel ne protège pas assez les humains. Les lois ne sont plus adaptées, c’est ce que j’observe dans les tribunaux jour après jour. Le manque de protection entraine un climat délétère. Les gens ont peur de sortir de chez eux la nuit et de se faire attaquer voire même transformer par des vampires. Depuis Halloween, tous craignent que cela ne recommence. Et comme les gens se sentent menacés et abandonnés par l'État, ils prennent les devants pour se défendre eux-mêmes et puis ils sont traités comme de criminels pour ça, alors qu’ils n’avaient qu’à cœur de défendre leur vie ou celles de leurs proches. Vous n’imaginez pas le nombre de cas de ce genre que je dois défendre jour après jour, et cela est la conséquence directe d’un système laxiste qui refuse de protéger ses citoyens. » Je marque une pause, cherchant à me rappeler plus précisément sa question. Il y a en a forcément que je vais oublier dans tout ce qu’elle a demandé, mais peu importe. « Vous me demandiez ce que je pourrais proposer ? Eh bien déjà je pense qu’il est primordial de montrer que l’on soutient les politiques pro-humains actuelles. » Je n’apprécie guère utiliser le terme anti-CESS en public, c’est un terme choisi par nos opposants pour nous rabaisser et nous traiter de fascistes. Le concept de pro-humain se rachète une conduite, mettant en avant la défense des humains plutôt que l’attaque des CESS. Une jolie manœuvre lexicale pour dissimuler la vérité sous une couche de respectabilité. « Il faut soutenir les politiciens tel que le sénateur Hamilton qui cherche vraiment à faire bouger les choses. Je pense également qu’avoir une visibilité sur quelle personne est une CESS ou non est primordial, sans cela les gens auront peur de tout le monde et il n’y aura que le chaos qui puisse en résulter. »

Cette idée de fichage des créatures surnaturelles est une mesure qui peut encore espérer faire son chemin dans l’esprit des indécis. Les pro-CESS crient déjà au scandale, mais les gens lambda pourraient encore se laisser convaincre qu’il s’agit d’une bonne idée, si on arrive à tourner les choses correctement. Pour le reste, il vaut mieux ne pas s’avancer. J’ignore encore comment elle formulera tout cela dans son article, et celui-ci est là pour me servir, pas pour me mettre dans l’embarras. Je cherche un instant pour tenter de me rappeler de ses autres questions, mais le torrent d’interrogations qu’elle avait déversé était bien trop dense pour que je puisse toutes les garder en mémoire tout en répondant. poliment, je lui demande :

« Pardonnez-moi, je ne suis pas sûre d’avoir répondu à toutes les questions que vous aviez posées, aurais-je oublié quelque chose ? »
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
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En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
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His red right hand

Pseudo : Achab
Célébrité : Rooney Mara
Double compte : Elinor V. Lanuit & Inna Archos
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Date d'inscription : 28/03/2019
Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Lun 16 Jan - 18:03 (#)

Beauty and the beast

C’était ma faute. J’avais réanimé le démon.
À peine ma dernière salve de questions s’est-elle terminée, que le couloir aseptisé de cette antichambre de la justice d’apparat et du fondement bouché, a résonné de sa voix haute perchée. Mon timbre flegmatique s’est éteint sous la directive du bourreau Janowski, dont l’invitation à rejoindre son bureau a sonné comme une sentence d’exécution. Je n’aurais pas dû la relancer ainsi. Parfois, je m’estimais masochiste. Je me suis résignée à subir une nouvelle séance de flagellations mentales et je l’ai suivi, la mort dans l’âme, et les pieds traînant sur le tapis duveteux du couloir qui sentait le même désodorisant que tout l’ameublement.

Tout cela manquait salement de désordre. En lui emboîtant le pas, j’ai ressenti le vif besoin de renverser tout ce beau mobilier, flanquer les bibelots par terre, et arracher les ficus artificiels. Enfoncer les portes et déchirer les tapisseries. Lui renverser la fontaine d’eau sur la tête, et lui déchirer cette foutu jupe dont elle lissait sans arrêt les plis. La tête m’a tourné. Comme un réflexe respiratoire, j’avais envie d’exploser sa belle vitrine, de briser sa maîtrise pompeuse ; de balancer une belle pelletée de mazout sur la toile de sa vie.

Je reconnaissais ce sentiment. Ruiner quelque chose de beau, voilà bien un désir qui m’appartenait depuis bien avant l’expérience fatidique avec Morgane, et qui revenait souvent me hanter. Jeter un pot de pétrole sur une œuvre d’art hors de prix. Déformer un sourire adorable en cri d’horreur. Brûler un manuscrit. Tout cela déclenchait une forme de plénitude, une délicieuse euphorie désinhibée, un abandon cruel et si bon. Je n’en comprenais pas encore pleinement les tenants et les aboutissants ; cela viendrait avec le temps.

Nous sommes ainsi retournées dans son bureau, moi ruminant ces violents desseins, et elle, trémoussant sa croupe pour, une putain de fois encore, lisser les plis de sa putain de jupe. J’vais devenir tarée à ce train, ai-je hurlé à l’intérieur de moi-même. Le simple bruit, en apparence innocent, de ce bout de tissu que l’on caressait du plat de la main, cristallisait en lui-même toute l’horreur de ce cloaque du clinquant outrancier. Je n’avais aucun scrupule ni ressentiment contre l’opportunisme cruel dont l’avocate devait certainement user au quotidien, mais seulement le besoin vital de respirer autre chose que le formol administratif.

Comme je disais, ô mes frères, foutre en l’air toute sa vitrine. Rien de plus, rien de moins. J’ai donc pris mon mal en patience et mon stylo en main, pour noter avec application les dires de la Janowski coincée.

« Hm-hm. » J’ai commencé à dessiner une file de petits bonhommes qui défilaient, un jerrican d’essence à la main, devant un bureau de bois luxueux pour y jeter, chacun à leur tour, une rasade de carburant.

« J’vois. Compréhensible, » ai-je marmonné en hochant la tête et ajoutant une allumette sur le coin de ma feuille de notes.

La Janowski a continué à déblatérer sa prose creuse, dénuée d’intérêt, le même discours que l’on entend dégueuler à longueur de journée de la bouche des politiciens cravatés à l’écran. Rien de nouveau dans le système des hommes qui n’était là que pour entretenir la mainmise et la richesse des mêmes. Je m’en foutais éperdument. En ce qui me concernait, les réactionnaires tout comme les CESS étaient la merde issue de la même fosse, plus ou moins puants pour certains, plus ou moins velus pour d’autres.

J’ai continué à noter et évité de la fixer. Son faciès de mannequin couplé à sa politesse lissée et une nature que je devinais sous-jacente, avaient quelque chose de profondément irritant. Comme un animal bien difforme et sale habillé d’une belle robe de soie ; je me suis amusée à me demander au bout de combien de temps les premiers symptômes physiques allaient apparaître. Cela promettait d’être hilarant. L’horreur en devenir a terminé son petit discours de prêchi-prêcha par une nouvelle question à mon encontre.

Je me suis dépêchée de prévenir un nouvel accès de démagogie. « Non, j’pense que ça répond à tout. Très honnêtement, j’ai bien assez de matière pour un seul article. J’suis pas censée rendre une interview fleuve non plus, car c’est pas la ligne éditoriale du journal. »

Ouais, tu parles PUTAIN de trop, ai-je hurlé en moi-même, en levant les yeux vers elle. Maintenant, c’était à mon tour. Maintenant, c’était à moi de jeter une vilaine tâche huileuse sur ses beaux vêtements. J’ai coupé ostensiblement l’enregistrement audio de mon téléphone, et j’ai croisé les jambes, le carnet sur la cuisse.

Et j’ai balancé le mazout, ô mes frères, d’un bon lancé bien subtil. « Oh, et sinon, mettons qu’un jour vous vous découvriez CESS. Imaginons, hein. Vous iriez vous faire officiellement ficher ? »

Je me suis accoudée contre le fauteuil, le menton dans la paume de la main, nonchalante, mais impatiente de gratter l’allumette qui enflammerait cette belle tâche d’huile. J’ai ajouté d’une voix morne, parfaitement insipide à côté du chaos de sentiments destructeurs qui se fracassaient à l’intérieur de mon âme.

« ‘Parait que ça peut arriver à tout le monde. On sait jamais hein, contamination, génétique... », ai-je conclu, un petit sourire narquois et insolent sur mes lèvres, le visage calé dans ma main.

Bien sûr, tout cela pouvait passer pour une menace. Je renversais tables et classeurs dans un business basé sur la crédulité de l’américain patriotique de base, à l’intellect d’abruti congénital ; ça n’allait certainement pas lui plaire. Pourtant, je n’avais rien contre ça. C’était elle qui m’intéressait. Le petit être difforme sous la couche de vernis et de parfums, qui couvait et attendait d’éclore ; qui était-il et avec qui marchait-il ? Pour le savoir, j’étais prête à lui faire fondre au lance-flamme la couche de cire qui recouvrait cette poupée.
Ça allait puer la chair brûlée, ô mes frères, mais qu’est-ce que j’allais m’éclater.

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Mer 1 Fév - 8:00 (#)

Un léger silence emplit la pièce après mes réponses, très promptement brisé par la journaliste qui affirme avec vigueur qu’elle a ce qui lui faut. Un sourire satisfait glisse sur mes lèvres, trahissant mon contentement de peut être les voir, elle et sa dégaine de pauvresse rebelle, enfin quitter des lieux qui ne leur ressemblent pas. En soi, c’est déjà une performance d’avoir maintenu un ton poli face à une personne si peu respectueuse qu’elle ne prend même pas la peine de s’habiller ou de se tenir convenablement. Une fois que l’article sera sorti, je ne manquerai pas de passer un coup de téléphone à son chef pour souligner ce manque de professionnalisme, mais pour l’heure je ne peux pas prendre le risque de froisser l’écrivaine qui rédigera un pamphlet sur ma personne. Dans cette situation, la tâche sombre assise en face de moi a le pouvoir, et je déteste ça.

La voix de la journaliste se répand de nouveau dans la salle et une expression surprise m’échappe quand elle pose une nouvelle question au lieu de déclarer qu’elle a le nécessaire pour son article avant de s’en aller dans un pas balourd et disgracieux. Cette question se veut piégeuse, insidieuse, un appât empoisonné qui en quelques mots me révèle qu’elle n’est absolument pas de mon avis. Toutes les personnes contre le fichage des CESS brandissent cette question. Par conséquent, toutes les personnes défendant le fichage des CESS ont une réponse toute préparée. Malgré tout, une chose différente se joue ici. Je n’oublie pas ce sentiment étrange et bizarre, le même qu’avec le peintre, celui qui pourrait laisser croire qu’il y a quelque chose de pas très humain en ce lieu. Pour gagner une seconde ou deux de plus pour réfléchir, je lui réponds avec un ton et un sourire taquin :

« Mais je croyais que vous aviez déjà assez de matière. »

Mes neurones s’activent à toute vitesse dans mon crane, comme lorsqu’un un avocat de la partie adverse avance des éléments épineux ou quand je constate que je suis en train de perdre l’assentiment du jury. Mes pensées filent pour évaluer la situation. Peut être que ce sentiment que je ressens est aussi présent dans les entrailles de cette punk à deux balles. Peut être sait-elle ce qu’il signifie et que tout est en lien avec cette question qu’elle me pose. Cette possibilité résonne avec cette terrible inquiétude de peut-être moi-même faire partie de cette catégorie que je prétends combattre. Que diraient les gens ? Cela ruinerait ma réputation et ma carrière. Ou peut être qu’elle ne sait rien, qu’elle ne sent rien, ou que je me trompe moi-même sur toute la ligne. Mais à dire vrai, cela a-t-il ne serait-ce que la moindre importance ? Non. Je dois me recentrer sur mon objectif : une interview claire et nette, sans contradiction. Je ne dois pas me laisser submerger par des considérations hasardeuses basées sur des choses intangibles. Le silence n’a duré qu’une demie seconde, mais déjà je braque mon regard dans le sien, reprenant la parole, faisant défiler d’une voix claire mais assurée une réponse déjà tant préparée et tant répétée :

« Bien évidemment que j’irai. Il en va de mon devoir de citoyenne des Etats Unis d’Amérique de protéger mes concitoyens. » Je marque une pause, volontairement incluse dans cette réponse. Pour être crédible, il en faut un peu plus. Je reprends : « Je ne dis pas que ce serait facile, ou que ça ne ferait pas peur, mais il faut avoir confiance en les autorités de notre pays. Des refuges ont été mis en place pour veiller à la sécurité des malheureux qui ont été contaminés et les éloigner des autres. Si toutes les personnes contaminées se rendaient volontairement dans ces refuges, il n’y aurait plus de drames comme on en voit souvent. Si l’épidémie CESS continue c’est justement à cause de l’irresponsabilité et l’égoïsme de quelques-uns. Chacun doit prendre ses responsabilités. »

Et c’est maintenant que les choses pourraient devenir intéressantes, bien au-delà de l’interview. J’ai cru déceler dans cette question une provocation, mais pas uniquement une de celle que ferait un pro-CESS à un argument qui lui déplait. Je ne peux me sortir de la tête et du cœur cette impression bizarre qui me tord les entrailles. Cette questions serait-elle un moyen de me faire savoir qu’elle sait quelque chose sur ce que je pourrais être ? Ou bien est-ce que je me pose juste beaucoup trop de questions ? Vas-tu m’annoncer avec brutalité et raillerie que je ne vaux pas mieux que les CESS ou bien vas-tu enfin lâcher ton stylo et disparaitre ?

J’ignore peut-être tout de ce que je suis ou de ce que je pourrais être depuis qu’Ozios ne me répond plus, mais j’ai sans doute trouvé une autre personne qui pourrait m’aider à trouver des réponses. En silence, je maudis l’univers que cette personne soit aussi peu enviable.
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Alexandra Zimmer
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Dim 5 Fév - 22:51 (#)

Beauty and the beast

Enfin, cette conversation éveillait ma curiosité.
À la manière d’une vilaine bulle d’huile sale, ma question a flotté dans le silence constipé du bureau, oscillé mollement devant le nez de l’avocate, avant de se déposer lentement sur sa vitrine sans tâche. Derrière son verre trop lisse, quelque chose de laid et de vil se cachait, quelque chose bien au-delà des banales querelles des tribunaux humains ; c’est tout ce qui m’intéressait. J’ai alors attendu avec une curiosité mal réprimée le résultat de mon affront délibéré. Pour moi, la politique était oubliée, l’interview bidon était terminée, et les questions étaient devenues officieuses. Seules les fissures dans les masques m’attiraient désormais.

Qu’elle continue sa masturbation intellectuelle sans moi. Seule la chose hideuse derrière la cire lisse, l’âme immonde cachée sous ce tailleur, avait une valeur à mes yeux et non ses exploits hypocrites auprès des réactionnaires crédules. Tout ce bourbier CESS et humains, pro-CESS et pro-humains, anti-humains et anti-CESS, se trouvait à l’intérieur de la même fosse sceptique. J’en avais marre de remuer tout ça. J’ai tapoté impatiemment mon carnet du bout de mon stylo, sans répondre à sa question rhétorique, qui n’apportait rien de plus qu’une fausse complicité, comme tout le reste ici. Même les parfums donnaient l’impression d’avoir un balai dans le cul.

J’ai assez de matière pour avoir la nausée, ouais.

Heureusement, il était quinze heures. Mon repas de midi était loin derrière moi, et mes boyaux faisaient de leur mieux pour encaisser la tartine de conneries qu’elle m’avait faite avaler. Autant l’ironie de son business avait une prestance sans scrupules admirable, que je ne pouvais contester, autant sa soupe politique avait un goût de chiottes qui me filait des aigreurs d’estomac. J’ai patienté durant une seconde de silence, tandis qu’elle se préparait sans doute à une nouvelle sérénade outrée, ou fielleuse à souhait, contre mon audace.

Ce fut ni l’une, ni l’autre. J’ai senti mon petit sourire narquois d’alors, fondre derechef face à ce nouveau torrent d’immondices politiquement correctes que la donzelle m’a déballé d’une traite. Toutes mes forces m’ont lâché. Je me suis laissée tomber contre le dos du fauteuil, en échappant un long râle d’agonie, de la même manière qu’une phoque se traînant sur la banquise, mais moins grassouillette m’voyez, et je me suis cachée le visage dans ma paume droite. À croire qu’elle était encore plus obsédée que la vieille ne l’était avec ses bestioles.

« Ouais, ouais, c’est bon, c’était pas la réponse attendu, » ai-je marmonné, la main sur la tronche. « J’sais même plus ce que j’allais dire à force. »

Je me suis massée les tempes. Un mal de crâne carabiné était en train de méthodiquement défoncer toutes mes pensées. Tout ce qui résonnait à présent dans ma tête, c’était la voix nasillarde de l’avocate Janowski et son vomi bienséant. J’ai repris d’une voix lasse, démotivée face à tant d’imperméabilité rigide.

« J’pensais avoir été claire, mais à priori non. L’article sera bon, valorisant, etc. J’ferai mon boulot correctement, j’passerai la pommade là où il faut. Pour le reste... »

J’ai soupiré. De lassitude surtout, car les forces m’ont manqué, après la succion systématique de toutes mes tentatives de sortir de cette ornière du politiquement correcte. M’étais-je trompée sur son compte finalement ? L’avocate Janowski était-elle une sorte de vampire énergique, vous assommant à coups de discours interminables ? J’ai fermé mon carnet de notes brusquement, coincé mon stylo à l’intérieur et coupé l’écran de mon téléphone. L’envie brûlante de sortir d’ici m’a tenaillé, mais je me suis retenue.

« … Pour le reste, » ai-je répété pensivement. « J’pensais qu’officieusement, » J’ai insisté lourdement sur le mot officieusement. « Vous saviez des choses au-delà de l’interview, des CESS, de l’avocate même. Mais à priori, non, j’me suis trompée. »

Je n’avais aucune envie de révéler la vérité. Aucun besoin de dévoiler mes cartes. Je n’avais pas la moindre raison de lui faire confiance, encore moins après son petit numéro de défense de la veuve et de l’orphelin.

« Tant pis. » J’ai déchiré un petit coin de papier de mon carnet, sur lequel j’ai inscris de travers mon numéro de portable. « Tenez, ça pourrait servir. »

Que son intention soit de se débarrasser de moi, elle avait réussi. Les discours moralistes avaient toujours eu le don de me faire fuir, comme un répulsif industriel sur un cafard. À croire que c’était ça, ma faiblesse. Je me suis levée aussitôt, et l’ai fixé un court instant. Ne savait-elle rien finalement ? C’était fort possible, car j’avais moi-même été dans cette situation d’ignorance ; quelque part, si c’était bien le cas, j’ai eu pitié d’elle. Je l’ai observé une seconde avec condescendance, comme une pauvre chose pitoyable marchant vers un échafaud dont elle ignorait tout, armée de ses convictions inventées et de son assurance qui finirait par s’écrouler.

« Juste un conseil. Quand ça commencera, que vos aspirations s’écrouleront, appelez-moi, » ai-je placé en prenant mon carnet sous le bras, le sac à la main, et la lassitude dans les chaussettes.

Ces mots auraient pu signifier n’importe quoi. Une menace, pour celle qui n’aurait en tête que le matériel, et ses fausses prétentions humanistes. Une aide, pour celle qui se tenait encore au bord de l’abîme invisible menaçant tous ceux des nôtres. Au final, ce n’était ni l’un ni l’autre. Juste une goutte de pétrole dans son eau pétillante. Et l’envie de me barrer de cette putain de vitrine aseptisée.

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