Dans cette nouvelle succursale, vous entrez dans un monde que vous aviez cru connaître. Construit de mythes éculés et de sermons de pénitence, les hommes ont tant affabulé sur les Enfers, que leurs terreurs ont pavé les voies menant aux domaines des Princes. Les démons y siègent, au milieu de cités d'une splendeur terrifiante, vivant de plaisirs sadiques et de paysages d'un grandiose visqueux. Visiteur, mêlez-vous aux foules de torturés anonymes qui parcourent nos ruelles sordides. Apprenez notre si belle langue qui percera votre âme d'une pointe de souffrance délicieuse. Allons, nous avons tant de belles choses à vous faire découvrir.
Les Enfers dans l'imaginaire humain
Au commencement, il y eut le feu. Les humains primitifs se blottissaient craintivement autour de ces foyers chétifs, faits de bûches mal dégrossies et de brindilles. Leurs mots n’étaient alors que des sons gutturaux, brutaux et tranchants, tout juste l’ébauche d’un langage, et pourtant ils eurent tôt fait de trouver les rites pour rendre grâce. Car, assurément, ce miracle de lumière et de chaleur qui chassait l’obscurité et les bêtes de la nuit, ne pouvait être que le fait de divinités veillant sur eux. Elles étaient là avec eux, invisibles, assises parmi leurs tribus à les observer d’un œil sage et bienveillant. Alors, ces hommes et ces femmes se mirent à les nommer. Ils décorèrent leurs cavernes de peintures colorées, où apparaissaient des figures tutélaires pour les instruire, des déesses de la fécondité pour leur donner des enfants forts et beaux. Ils furent vite nombreux. Car l’humanité balbutiante avait un besoin vital de réconfort dans ce monde dominé par les bêtes et par l’obscurité. Ils surent bien vite, aussi sûrement que le feu provient des dieux lumineux, que les ténèbres ne pouvaient provenir que d’autres dieux sombres les incitant aux mauvaises actions, les faisant souffrir jour après jour. L’humanité commença aussi à les nommer. Elle dessina sur la roche leurs corps abominables et leurs sourires grimaçants en couleurs sombres et sanglantes. Leurs contes leur créèrent un monde loin de la terre nourricière, dans les profondeurs obscures où ces êtres néfastes devaient habiter. Ils étaient un mal nécessaire, comme le feu de brousse dévore la vie pour mieux la rejeter en un terreau fertile. Pourtant, ils étaient terrifiants. Car, alors qu’ils se rassemblaient tremblants autour du feu, que leur chaman leur racontait ses visions, on entendait ces êtres susurrer des paroles enjôleuses.
Ce que les hommes ignoraient cependant, c’est que les divinités infernales n’avaient aucun scrupule à usurper les habits de leurs dieux adorés, pour répandre leur venin inepte en faussant les divines paraboles. Et les crédules furent nombreux à se méprendre, tandis que leurs prières sincères échouaient dans les oreilles pourries des créatures monstrueuses qui s’empressaient de les conduire à leur ruine.
Ainsi, l’humanité grandit. Le Bien et le Mal demeurèrent des notions fluctuantes que l’on interpréta au fil des Empires, tandis que les mythes infernaux restèrent une constante. Elles furent nombreuses les civilisations humaines à bâtir des panthéons divins, mais aussi à tenter d’apporter un sens et une origine à ces murmures néfastes que les dévots entendaient durant les transes. Ce lieu de résidence du Mal fut nommé de bien des manières à travers les âges et les sociétés, pourtant, les Enfers furent de tout temps et en tout lieu l’objet d’une fascination presque maladive et d’un intérêt mal perçu. L’humanité s’évertua à donner du sens aux Enfers. Un réflexe obsessionnel de classer l’inclassable à l’aide de critères humains qui ne leur correspondaient pas. Ainsi, on se mit à palabrer avec ces voix venues d’un autre plan, on chercha à glaner des miettes d’informations, on sacrifia des vies entières pour essayer de comprendre. Le résultat fut très lacunaire. Aucune mythologie n’a eu entièrement raison, mais toutes conjuguées, elles ébauchent une vérité arrachée aux prix de nombreuses âmes.
Les mythes infernaux furent un élément universel à travers les civilisations. Ils sont étroitement liés aux divers panthéons divins, quand les démons eux-mêmes en tirèrent parti pour mieux tromper ces humains si crédules. Ainsi, les démons se vêtirent des atours des dieux et les Enfers furent alors interprétés d’une multitude de manières, toutes différentes selon l’époque et la civilisation, chacune détenant une minuscule parcelle de vérité sur la réalité des domaines infernaux. Aujourd’hui, même les plus érudits des démonistes sont toujours incapables de distinguer le vrai du faux. Parmi tous les mythes auxquels l’humanité donna naissance, chacun avança une définition différente des Enfers. Tantôt simplement le lieu où résidaient les morts, tantôt un lieu de punition, de jugement ou de passage, ils sont unanimement décrits comme inhospitaliers. Certaines civilisations poussèrent encore plus loin les arts noirs, parvenant à arracher des miettes de vérité aux ténèbres, à s’approcher de la vérité plus que d’autres. Aujourd’hui encore, ces secrets des Enfers résonnent toujours dans les mythes qu’ils ont laissé aux humains, dissimulés dans les rites et les récits de ces anciens peuples.
La mythologie mésopotamienne
Issus de la culture sumérienne, ces mythes ont résonné aussi à travers les civilisations akkadiennes, babyloniennes et assyriennes. Pour ces anciens, il existait un monde souterrain, une version sombre de la terre des hommes et le strict opposé des lieux où vivaient leurs dieux bienveillants. Situé sous la surface terrestre, on l’appelait « le pays du non-retour » ou « la maison dont nul ne revient », où la poussière était l’unique nourriture. Les âmes des morts y chutaient, sans jugement, indifféremment de leurs actes passés, vivant une pâle copie de la vie sur terre, morne et sans espoir de retour, que seules les libations des vivants pouvaient égailler. Loin d’être un désert sans fin, le monde souterrain était bâti d’une immense cité fermée par sept portes verrouillées, gardées par le dieu Bitu, que les âmes des défunts étaient forcées de traverser. Au centre se trouvait le palace d’Ereshkigal, la reine des Enfers, nue sur son trône souterrain. De nombreux divinités sombres et des démons siégeaient dans ces lieux désolés, tels Pazuzu, Nergal ou encore Lamashtu. Les Gallas étaient leurs serviteurs, des démons qui entrainaient les humains dans ce monde souterrain nommé Kur, Irkalla ou encore Kigal. Ils veillaient à ce que ces âmes ne parviennent jamais à en ressortir.
La mythologie maya
Xibalba était le monde souterrain où résidaient les dieux de la mort dans leur vaste cité, aussi appelé Metnal au Yucatan, qui se traduit par « le lieu de la terreur ». Comme décrit dans le Popol Vuh, ce monde infernal possédait sa propre géographie, ses fleuves et ses montagnes. La cour de ces dieux se situait dans une immense cité comprenant neufs niveaux, avec des jardins, des terrains de jeu et six maisons où se déroulaient des épreuves. Car ces lieux étaient remplis d’obstacles sous forme de tests sadiques, dont les âmes des morts devaient venir à bout pour traverser Xibalba et accéder au paradis. Les seigneurs infernaux se distrayaient en humiliant et torturant les défunts, leur faisant traverser des rivières de scorpions, de sang, de pus, ou bien loger à l’intérieur de maisons remplies de lames acérées, de froid glacial, de jaguars, jouant même au jeu de balle avec les têtes coupées. Si les noms de ces divinités infernales variaient selon les cités, ils étaient associés à des maladies ou à des calamités, mais aussi à la renaissance. Les Mayas nommèrent les souverains de Xibalba, 1 Mort et 7 Morts, et d’autres de leurs associés comme le Maître du Pus, le Sceptre d’Os, le Buveur de Sang, etc. Foncièrement néfaste, le dieu Cizin, appelé aussi Ah Puch, était décrit comme un squelette puant, fumant du tabac et portant un collier fait d’yeux humains noués par les nerfs, qui torturait les âmes des hommes mauvais. Certains de ces dieux remontaient parfois les rivières de Xibalba pour semer le chaos sur Terre, et des cultes leur étaient consacrés pour les apaiser à l’aide de sacrifices humains.
La mythologie hindoue
Décrit comme un lieu de punition, le Naraka était un monde souterrain situé au plus profond niveau de l’univers terrestre, où les défunts étaient jugés par le dieu de la mort Yama. Les servants de celui-ci, les Yamadutas, ramenaient et surveillaient les âmes qui purgeaient une véritable peine de prison plus ou moins longue selon l’importance et le nombre de leurs péchés. À la fin de cette période, ils étaient alors autorisés à rejoindre le paradis, ou bien leur nouvelle réincarnation. Naraka est décrit comme une jungle dense, sans ombre, où il n’existe ni eau ni repos, et structurée en 28 Enfers différents. Chaque domaine infernal correspond à des crimes spécifiques, des péchés différents, où les âmes des morts subissent les tortures correspondantes à leur condamnation qui sont exécutées par les Yamadutas, les servants du dieu de la mort. Pourtant un lieu infernal, le Naraka est organisé avec soin : Yama est aidé par le dieu Chitragupta qui liste toutes les bonnes et mauvaises actions, chaque vie passée étant examinée dans les détails, jusqu’à son lieu de décès. Parmi ces 28 Enfers, chacun possède sa propre géographie, elle aussi adaptée pour torturer les condamnés. On retrouve ainsi le Asipatravana, la forêt des épées, où les hérétiques sont battus et forcés à s’enfuir dans une forêt où les feuilles sont des lames tranchantes. Le Vaitarni est la rivière formant les frontières du Naraka ; elle est constituée de fluides répugnants (sang, pus, excréments, etc.), où les nobles ayant négligé leurs devoirs y sont jetés. Les nombreux Enfers portent alors un nom propre, où l’environnement s’adapte en fonction des condamnations prononcées pour mieux châtier ses prisonniers.
La mythologie chrétienne
La chrétienté a vu un foisonnement d’œuvres traitant de l’enfer biblique, chacune proposant une description plus ou moins élaborée de ce monde inhospitalier. À travers ces différents mythes, cet enfer est toutefois unanimement reconnu comme un lieu de punition, de souffrances sans limites, où les démons rivalisent de cruauté pour punir les pécheurs. L’ancien livre de Job décrit l’enfer comme le royaume des ténèbres, enveloppé d’une nuit profonde, où les ténèbres et le désordre règnent. La Bible, elle, décrira l’enfer comme une immense fournaise vibrante d’un feu inextinguible, dont les crocs dépècent les âmes en pleurs. L’enfer est souvent considéré comme un lieu souterrain, où les anges déchus ont été expédiés, et où les âmes des pécheurs devront souffrir jusqu’au jour du Jugement dernier. D’autres œuvres, moins théologiques, ont avancé des mythologies plus élaborées quant à la structure de l’enfer, alors divisé en neuf cercles en fonction des péchés capitaux. On retrouve ainsi dans la Divine Comédie, le cercle des limbes, celui de la luxure, de la gourmandise, de l’avidité, de la colère, de l’hérésie, de la violence, de la fraude et de la traîtrise. D’autres œuvres en démonologie avanceront des classement similaires et stricts pour organiser les démons selon des vices, des cercles ou encore des titres, et bien d’autres critères hiérarchiques parfois très complexes, comme dans le Lemegeton Clavicula Salomonis. Ainsi, l’enfer chrétien est, dans certaines œuvres mystiques, associé étroitement aux démons qui l’habitent selon des strates et des vices que ceux-ci incarnent.
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.
Le rituel fut le fruit d’années de recherches exténuantes et de sacrifices. Quand les dévots vinrent se réunir autour du corps encore chaud de leur camarade sacrifié, éventré sur l’autel de la connaissance impie, ils surent que leur quête touchait enfin à son but. Ils allaient finalement scruter l’interdit. Ils se serrèrent alors autour de l’autel, où les entrailles fumantes de leur frère dévidaient un sang épais et d’un noir intense. Des murmures d’impatience résonnèrent dans les salles de leur temple secret. Les cercles des arcanes noires avaient été tracés sur la terre. Les âmes avaient été consacrées dans le temple du dieu inconnu. Le canal vers les Enfers avait été ouvert. Ils fixèrent avec avidité le trou dans le ventre du cadavre, au centre duquel l’accumulation de fluides noirâtres et puants formaient une bassine de divination inepte ; là auraient dû se deviner les architectures infernales, les reliefs noirs, les trônes des divinités, et les âmes damnées de ce monde souterrain. Au lieu de cela, ils ne virent rien. Au début. Car les boyaux se mirent à remuer d’eux-mêmes, dans un bruit immonde de strangulation, comme si l’on pressait une gorge prise de hoquet. Ces entrailles se mirent à palpiter, à se nouer dans une position fœtale ; alors les dévots prirent peur. Quelle créature cherchait à se frayer ainsi un chemin vers le monde des vivants ? Le rituel devait avoir échoué. Les dévots arrêtèrent tout. Ils étouffèrent le rituel prématurément, brûlèrent les idoles et le temple. Leur société mystique effaça toute trace de cette expérience, et jamais elle ne fut tentée à nouveau ni même évoquée. Les frères se dispersèrent. L’Histoire les oublia. Pourtant, leur rituel avait réussi. Les Enfers avaient été invoqués et s’étaient révélés à eux, durant une fraction de seconde.
La nature des Enfers
Ainsi, aucun humain, aucun érudit des arcanes ne réussit jamais à saisir la nature des Enfers. Comme l’ont deviné les anciens peuples mésopotamiens, le plan démoniaque est, de manière simplifiée, une image en négatif du plan terrestre. Une version inversée, déformée de la Terre, jusqu’au sein même des mécanismes du vivant et de la logique. Il est donc parfaitement vain de chercher à appliquer une logique terrestre à ce monde infernal, à la fois invivable pour le vivant et dont le fonctionnement en lui-même, ses concepts et ses lois, sont difficilement assimilables pour un être fait de chair. Sur Terre, ce sont les lois de la biologie, de la géologie et de la physique qui façonnent l’existence des organismes vivants. À l’inverse, ces lois sont totalement absentes des Enfers. Pire encore, ce monde ne possède aucune des fondations telluriques du plan humain, mais au contraire, existe comme un vaste organisme qui consomme, digère et incorpore à sa propre matière les âmes dont il se nourrit. Ainsi, les démons, ses seuls enfants, seront nourris par leur monde, autant que celui-ci sera influencé par les actes de ces derniers ; une relation symbiotique entre eux, alors sans cesse en évolution.
L’essence des Enfers et des démons sont ainsi très similaires. Jamais totalement fixes, celles-ci se nourrissent d’énergie à la manière d’un parasite, et s’influencent l’une envers l’autre. Ce sont alors les démons qui modèlent leur environnement infernal, selon une amplitude variable qui dépend de la puissance du démon. C’est aussi la raison pour laquelle, lorsqu’une âme humaine est avalée par les Enfers, celle-ci sera à jamais changée. Elle n’aura plus de corps physique, car la matière terrestre ne peut pas y survivre, et son énergie sera consommée. L’âme existera encore sous une forme abjecte, une imitation malformée d’elle-même, voire bien pire, qui ne pourra jamais revenir à son état initial. C’est ce concept même de « la maison dont nul ne revient » des mésopotamiens. Une âme déchue deviendra un morceau du plan infernal, l’essence potentielle d’un démon qui sera nourrie par son environnement aussi bien que celui-ci s’en nourrira. C’est une relation d’échange qui rendra donc cette âme totalement inadaptée à la vie sur Terre, tout comme une essence de démon ne peut pas subsister sur le plan humain sans coquille, loin de son berceau infernal. Le plan terrestre fonctionne d’ailleurs d’une manière similaire : lui aussi rejette les démons comme le fait un organisme vivant cherchant à se débarrasser d’une bactérie, et attaque directement leurs essences sans protection.
Les Enfers sont donc un voyage sans retour. Une âme n’aura strictement aucun moyen d’en sortir d’elle-même, à moins de profiter d’une faille créée par un tiers ; comme le font les Légions qui traversent les plans à la suite des Princes. Un être fait d’une essence similaire aux démons pourra en théorie s’y infiltrer en créant un portail ou une faille, mais cette perméabilité est un piège ; celle-ci dépouille aussitôt les êtres physiques de leurs enveloppes, et même ainsi, une essence surnaturelle ne pourra pas y survivre bien longtemps. Celle-ci sera rongée par la matière des Enfers, tels les acides gastriques d’un estomac, avant de devenir à son tour un morceau du plan infernal.
Pourtant, ce dernier demeure étroitement lié au plan terrestre en particulier. Des liens avec d’autres plans existent sans doute, mais bien souvent, seuls les humains intéressent les démons, et donc les Enfers par association. Quand bien même l’accès serait possible, la logique dévorante, inhospitalière du plan démoniaque rendrait ces voyages suicidaires. Seuls les démons sont capables d’aller et venir avec une aisance toute relative, car s’arracher à ce plan demande une quantité colossale d’énergie. Dans l’immense majorité des cas, un démon ne pourra pas sortir de son plan de sa propre initiative et sans aide extérieure. C’est la raison pour laquelle ils utilisent des intermédiaires, des corps de possession ou des rituels les alimentant en énergie pour déchirer le voile entre les mondes et traîner leurs essences au travers. Certains démons séparent ainsi leurs essences, en laissant une partie dans le plan infernal afin de s’économiser ou de simplement réussir à passer : bien souvent ils doivent y laisser une partie de leurs pouvoirs et arrivent alors amputés de leur puissance sur le plan terrestre.
Loin d’être un simple monde physique, les Enfers sont ainsi une impalpable carcasse à l’appétit sans limites, auquel il est extrêmement difficile de s’arracher. Celle-ci s’attache au plan terrestre comme le ferait un parasite à une plaie, aspirant et se nourrissant des vices de l’humanité, prenant sans rien donner. Un tel fonctionnement existe depuis la nuit des temps. C’est cependant aussi une réalité physique, un monde modelé par les innombrables démons et leurs vices qui habitent les lieux.
Géographie infernale
Établir une carte des Enfers au sens humain du terme avec ses reliefs, ses villes, ses fleuves, etc., est alors un exercice difficile, voire impossible. La nature des Enfers ne ressemble en rien à la géologie terrestre et sa réalité physique dépend des démons l’habitant. Sa structure est donc sujette à des bouleversements continuels en fonction des influences infernales, de la croissance ou bien de la décadence des cercles princiers. Pourtant, certains lieux sont restés éternellement les mêmes, dont l’aspect fut évoqué par une poignée de mythologies humaines, quoique superficiellement.
De manière générale, comme était décrit le Xibalba des Mayas, les Enfers n’ont rien d’un chaos fait de flammes et de laves. C’est un monde vaste, tristement stérile, majoritairement construit de cités énormes aux architectures terrifiantes, éructées des profondeurs infernales. Un véritable labyrinthe à la géométrie et à l’ampleur cyclopéenne qui, aussi étrange que cela puisse paraître, n’est jamais fixe mais croît et décroît au fil de l’influence de ses résidents. Ce sont les vastes domaines des Princes qui occupent la majorité du panorama, bien qu’il n’existe aucune limite physique à leur expansion. Autour de ces murs, le sol est désespérément vide ; ce sont les plaines stériles où évoluent les âmes perdues, les déchues et les résidus d’humanité incapables de s’adapter aux Enfers. Ici, il n’y a aucun repère, seulement une infinie immensité donnant sur le vide, et seulement le vide froid, car aucun démon n’est assez fort pour y modeler la matière. Les Légions les parcourent en se nourrissant des âmes égarées. C’est un lieu où le chaos bestial est maître, sans aucune structure ni nuance, où les horreurs sont permanentes. Les démons affaiblis y chutent et se battent entre eux pour tenter de regagner leurs pouvoirs perdus ou s’attirer les faveurs d’un des Princes.
Dépourvu de toute notion de vie terrestre, le monde infernal ne possède pas d’air, et la seule source de lumière provient de nulle part. C’est une luminosité morbide et fluctuante, qui ne provient d’aucun point fixe. Elle est modulée selon l’endroit où l’on se trouve, selon le domaine du Prince. Parfois fixe, parfois palpitante comme un cœur malade, elle peint les plaines stériles d’un gris terne et maladif, ajoutant encore au désespoir du paysage. Les murs extérieurs des architectures sont souvent délavés de ces mêmes lueurs grisâtres, contre lesquelles les ombres des âmes se traînent, y supplient avant de s’y noyer, devenant eux-mêmes une part de la maçonnerie infernale. Leurs spasmes crispés dessinent alors des motifs mouvants qui semblent hurler et se mouvoir si l’on s’attarde à les fixer.
Ciel et sol se ressemblent. Terre stérile et sans espoir, aussi bien en haut qu’en bas, la monotonie du paysage ne sera troublée que par les immenses constructions des domaines princiers. Aucune forme de vie n’existe en dehors des démons. Le sol ne ressemble en rien à la poussière et à la terre du plan des humains, mais possède une texture membraneuse, recouverte d’une couche de gravillons noirâtres, lisse et froide au toucher comme une peau de reptile. L’intérieur des cités sont les seuls endroits de ce monde où un semblant de logique règne, car les profondeurs extérieures entre les domaines sont infinies, et n’ont aucun ordre. Là-bas, des âmes aussi vieilles que la Terre elle-même errent dans la terreur depuis bien avant la naissance de toute civilisation humaine. Même les démons ignorent ce que les confins des Enfers ont pu avaler et faire naître depuis tout ce temps.
Les domaines des Princes
Quand Hornet s’attribua le titre d’aîné des démons, quand il parcouru le plan infernal pour la toute première fois, ce furent ses propres vices et son influence néfaste qui modelèrent la matière primitive des Enfers. Autour de lui crûrent les fondations du plan infernal, avant d’être alimentées à leur tour par les démons qui suivirent le Prince de la mort ; nul ne saura jamais ce qu’aurait pu devenir ce monde si un autre démon avait initié ce processus. Ainsi, chaque Prince possède son propre domaine et son cercle, une manière bien à lui de transformer et d’influencer son environnement. Comme le devinèrent les anciens Mayas, les Enfers n’étaient nullement faits d’une seule et immense étendue, mais de multiples niveaux liés les uns aux autres. Immémoriaux comme leurs maîtres, les domaines des Princes sont des tentaculaires créations labyrinthiques, nées de leurs influences et de leurs méfaits. Chacun a modelé la matière des Enfers selon les méandres tortueux de leurs esprits maléfiques, donnant naissance à une réalité à la fois géographique, politique et spirituelle. Ainsi, cet environnement infernal continuera de se modifier éternellement autour des vices du seigneur de ce domaine, et la physique des lieux illustrera ses penchants par une architecture correspondante.
Toutefois, ces domaines ne ressemblent en rien à un banal palace vide où le Prince esseulé réside seul sur un simple trône. Bien au contraire, l’activité infernale est foisonnante. Les démons, bien entendu, s’y rassemblent en cours nombreuses pour courtiser les faveurs du Prince et recevoir ses directives. Mais c’est aussi un lieu où se distraire avec les siens, souvent aux dépens des humains, marchander, se pavaner, et faire croître sa propre influence. Les âmes victimes des vices attribués au Prince du domaine sont aussi présentes, servant alors de source d’amusement aux démons des lieux. Festins, marchés, arènes et bien d’autres curiosités architecturales existent dans ces labyrinthes qui sont pour la plupart des parodies démentes des activités humaines. Si certains domaines sont bien constitués de cités, il sera naïf de restreindre ces derniers à des murs et des palaces au sens humain du terme. Ainsi, la capitale d’un Prince n’est pas forcément synonyme d’une architecture telle que l’esprit humain la conçoit ; c’est au contraire un univers à part entière, un monde dans un monde, un cercle dans un cercle. Même si ces domaines sont reliés aux autres par des plaines stériles et des chemins usés, ils n’ont pas souvent grand-chose à voir entre eux, tant les personnalités des Princes sont différentes. Chacun possède ses règles, chacun possède son Mal.
Ainsi, le visiteur damné retrouvera les invraisemblables constructions telles que les hommes purent parfois les ébaucher dans leurs visions, sans vraiment parvenir à les comprendre pleinement. Car ce sont chaque fois des créations issues de l’impossible, resplendissantes d’une beauté démente, d’une grâce visqueuse ou d’un grandiose complètement répugnant. Elles n’ont de cesse que de provoquer un émerveillement dangereux, une fascination suicidaire qui infecte et détruit tout résidu d’humanité, car de telles abominations ne sont pas faites pour être vues par les yeux des hommes.
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À la fin, tous chutaient. Dépouillés de leurs atours humains, rois et serfs, dames et servantes, soldats et amiraux, dans les ténèbres des Enfers tous étaient nus. Tous écorchés. Arrachés leurs titres, leurs statuts, leurs légendes ou leurs exploits ; ils n’étaient plus que des âmes anonymes sans libre arbitre. Des jouets entre les paumes des puissances infernales. La fatalité était l’horloge de leur existence à jamais sans espoir de retour, et ils erraient, leur raison lentement dévorée par l’appétit vorace des Enfers. Certains héritaient d’un sort pire que les autres. Car les ténèbres sont vastes et le destin des âmes dépend de subtils critères, du sadisme des démons, mais surtout, d’une dose de malchance.
Les prémices
Cependant en comparaison de la multitude des êtres humains, les âmes vouées aux Enfers sont rares. La majorité d’entre elles échappent à ce destin, en rejoignant naturellement le plan astral comme tout esprit détaché de son enveloppe terrestre. Quant au reste, malchanceuses victimes du Grand Jeu ou déviants volontaires, leurs âmes alourdies par le vice sont irrésistiblement attirées vers les Enfers. Un processus lent qui dépend des décisions humaines plus ou moins conscientes. Contrairement aux doctrines religieuses, le plan infernal n’est cependant pas un lieu de pénitence.
Ainsi, le libre arbitre est la clé de la liberté d’une âme. Une forme de Foi innée, une conscience propre, que même les démons aussi puissants soient-ils ne peuvent outrepasser. Aucun d’entre eux ne peut forcer une âme à leur obéir ou à les suivre. C’est la raison pour laquelle ils rivalisent d’ingéniosité pour mettre au point des tromperies pernicieuses afin d’obtenir, souvent par traîtrise, ce précieux accord de consentement. C’est par ce seul biais, parfois tordu par les mensonges, que les démons peuvent emporter une âme. Celles-ci sont nombreuses à être tombées dans ces pièges tendus, en acceptant des marchés, en signant des Pactes sans le savoir, en écoutant les conseils des voix dans l’obscurité. Que ce soit via des Pactes conclus avec le malin, l’adoration dévote d’un Prince ou la victime d’une possession, c’est par l’acception du Mal, consciemment ou non, et par l’abandon de son libre arbitre que l’âme peut sombrer. L’intervention d’un démon n’est pas toujours nécessaire. Dans le cas d’un accord avec le démon, il arrive bien souvent que cet acte soit involontaire, que la victime ne réalise son erreur que trop tard ; le résultat sera le même. Les démons sont d’ailleurs des experts en marchés trompeurs, en contrats dont les termes à double sens se retournent contre les humains trop crédules. L’âme deviendra alors la propriété littérale du démon et, si celui-ci est affilié à un cercle d’influence princier, elle aura de fortes chances d’être aspirée vers le domaine correspondant.
À l’inverse, une âme peut aussi être attirée vers les Enfers sans l’intervention d’un démon. C’est un processus subtil que les croyances ont eu trop souvent tendance à interpréter de travers, en fonction de doctrines manichéennes. En réalité, une âme peut effectivement chuter à cause de ses vices, mais seulement car cela revient à abandonner son libre arbitre. De son vivant, l’humain sera attaché à une telle dépendance, une telle addiction envers un vice, que celui-ci aura dicté la majorité de ses actes, voire sa vie entière. L’âme n’a plus de volonté propre : elle suit ses vices, bien souvent un domaine appartenant à l’un des Princes. Les vices peuvent être matériels, autant que mentaux : la drogue, le jeu, la luxure, mais aussi la folie ou la peur sont autant d’acides rongeant la liberté d’une âme.
Le destin des condamnés
Pour les démons, c’est une manne d’amusement sadique et de nourriture. Une âme abandonnant sa volonté propre, volontairement ou non, dégagera une énergie nourricière dont se régalent les Enfers et donc les démons par extension. Ces derniers absorbent ainsi les savoirs, les expériences et toute la vie passée de l’âme anciennement humaine. Selon la nature de l’âme, son état ou sa force, elle peut aussi venir grossir les rangs des armées infernales, ou devenir elle-même un démon à part entière. Ainsi, le destin des damnés dépendra de nombreux critères subtils, tant au niveau du processus de corruption, que des griffes démoniaques dans lesquelles celle-ci aura fatalement atterri.
Une âme alourdie de vices sera irrémédiablement attirée vers les Enfers, où elle subira un processus de transformation : une lente digestion dans l’estomac du plan infernal. Viciée, elle deviendra pour toujours un morceau des Enfers. Son essence sera métamorphosée en profondeur sous une forme nouvelle qui n’aura presque plus de rapport avec son état premier. Peu d’entre elles sont en effet capable de préserver des souvenirs de leur ancienne vie. Celles qui y parviennent sont souvent des Engeances, dont l’essence est déjà en partie souillée par une présence infernale dès la naissance. C'est un horrible et irréversible mécanisme que l'humanité d'une âme a du mal à comprendre ou à accepter face à un univers si différent du plan terrestre. C’est la raison pour laquelle beaucoup ont sombré dans la terreur et la folie, formant des essences tellement déformées, tellement désaxées, qu’elles ne ressemblent plus à rien. Pour beaucoup d’entre elles, ce sera une épreuve insurmontable qui se traduira par une errance sans fin dans un état d’hébétement dément, sans la moindre volonté propre. Elles deviennent des proies faciles pour les démons, un bétail pour leurs cruelles distractions.
Les immenses terres désolées des Enfers en regorgent. Des essences informes, coincées entre deux états, anonymes et incapables de conserver leur conscience intacte. Elles transitent à l’intérieur des domaines des Princes, parfois laissées à l’abandon, parfois capturées pour servir de cobayes, de victimes pour leurs jeux sadiques ou comme pions. Un véritable cheptel dans lequel ils piochent. Plus ce troupeau est nombreux, plus la puissance et le prestige du Prince en ressortent grandis. Car ces essences anciennement humaines sont autant d’énergie, d’alimentation, qui sustentent les armées infernales. D’ailleurs, de nombreux soldats obéissants des Princes étaient jadis des âmes humaines. Les Légions portent bien leurs noms. D’anciens humains si déformés, rendus si méconnaissables par la nature des Enfers, que ceux-ci ont formé des démons inférieurs ; formes abjectes et voraces, ils ne chercheront qu’à dévorer inlassablement. Ils viennent grossir les armées des Princes en les suivant à la manière de nuées d’apocalypse, leur obéissant servilement s’ils sont suffisamment intelligents pour le faire. Bien des Légions ne sont que des innombrables parasites sans volonté qui causent des ravages aveugles.
Enfin, d’autres âmes échappent à ces destins. Pourtant, leur sort n’est pas plus enviable. Après tant d’errances, elles se perdent dans les méandres et les profondeurs des Enfers, oubliées de tous, même des démons. Nul ne sait vraiment ce qu’elles deviennent après tout ce temps. Certaines continuent le même lent processus où elles s'entre-dévorent, enflent en se nourrissant de l’énergie des Enfers, au point de ne plus se mouvoir et de faire partie intégrante du décor. D’autres continuent à errer depuis la nuit des temps, des monstres sans conscience ; nombre d’entre eux sont les premiers humains, si anciens qu’ils ont tout oublié de l’intelligence ou du langage et dont la conscience est trop atrophiée pour renaître sous une autre forme. Nombre de ces choses anciennes rôdent dans les boyaux vides des Enfers, des créatures dont même les Princes ont omis l’existence.
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.
Quand les dévots entonnèrent en chœur les lettres de ce nom caché, ils furent lentement saisis d’un effroi croissant et insidieux. Fiers d’eux-mêmes et de leur savoir, ils n’en soufflèrent mot et chacun psalmodia sans fléchir. Pourtant, tous ressentaient leurs âmes se courber de souffrance, écorchée par le tranchant de ce nom aux accents rudes, bestiaux et inhumains. Alors, quand les ténèbres ouvrirent enfin leurs yeux jaunes à l’intérieur du cercle, une voix profonde et lointaine entonna à son tour d’un ton moqueur, les syllabes de son vrai nom dans toute sa pureté. Celles qui ne pouvaient être prononcées correctement par les gorges humaines. Ainsi les dévots surent dans leur for intérieur que ces verbes et ces sons n’étaient pas une véritable langue. Mais une volonté implacable, la quintessence oratoire de meurtrir, d’avilir, de dominer, de souiller…
Prononcer l'innommable
Comment, au sens humain, cerner l’identité des démons ? Comment attribuer des lettres, des noms, des mots, sur l’inexplicable et le bizarre ? Le vocabulaire des hommes a toujours été un atout leur permettant d’appréhender le monde, de concrétiser des concepts et de se défendre en stockant les informations, y compris contre les démons. Ainsi, la Goétie s’est essayée à classifier les démons par nécessité pratique et par sécurité, et même à dresser de véritables dictionnaires infernaux afin d’ordonner ce que les hommes ont perçu comme une authentique langue infernale. Il n’en est rien. Comme toujours, la nature retorse des démons ne peut pas rentrer dans les cadres humains, et il serait vain de chercher à ordonner leurs noms ou leur manière de s’exprimer selon des normes humaines.
Au sens physique, les Enfers sont impropres à l’expression orale. L’air n’est pas présent, si bien que les démons ont naturellement eu recours à d’autres manières de communiquer entre eux. C’est aussi la raison pour laquelle les humains sont incapables de comprendre la langue des Enfers dans sa forme la plus pure, puisqu’elle n’est pas un enchaînement de sons créés par des mécanismes physiques, mais un dialogue mental. C’est une résonance entre les essences des démons qui n’a nul besoin d’un alphabet ou de normes linguistiques, ni même de sons. Elle puise ainsi directement dans les intentions et la psyché profonde des essences des interlocuteurs. Un concept aberrant aux yeux des hommes, mais qui est naturel pour les résidents des Enfers. Ils n’ont d’ailleurs pas besoin d’apprendre ce vocabulaire, car il fait partie d’eux. C’est l’expression de leur essence, une vibration et une reconnaissance mutuelle que seuls des êtres d’une même nature sont capables de comprendre. L’âme humaine peut, quoique d’une façon très amoindrie, percevoir ce dialogue d’essence à essence, mais elle est incompatible pour les comprendre. Qui plus est, une telle communication suppose une ouverture adéquate entre les deux partis, si bien qu’une âme humaine se verra souillée en s’ouvrant aux rythmes de cette résonance.
Ainsi, les démons ont bien des noms. Non pas les qualificatifs que leur ont attribué les hommes, car leurs noms véritables ne peuvent se prononcer qu’en langage infernale : ils sont l’expression verbale de leur propre essence. Appeler un démon par son vrai nom, c’est faire résonner deux essences entre elles, et plus la prononciation sera fidèle, plus la communication sera puissante. Les traductions utilisées par les invocations sont des imitations plus ou moins fidèles de la langue infernale, qui créent alors un pont ténu entre l’âme humaine et l’essence du démon appelé. Un jeu extrêmement risqué. Car plus l’humain cherchera à articuler le vrai nom du démon, plus il va ouvrir son âme à ce dernier, et plus celle-ci sera abîmée par le rapprochement avec l’essence infernale. Bien sûr, les démons y trouvent un grand intérêt. Établir une communication avec une âme humaine, c’est ouvrir une porte dérobée pour s’accrocher, s’attacher, voire même posséder l’infortuné. Fort heureusement pour l’humanité, tout ceci est seulement théorique. La langue des démons n’étant pas une langue orale, il est donc impossible de la prononcer parfaitement avec des cordes vocales humaines ; les traductions de la Goétie ne sont au final que des pâles copies.
Pourtant, les hommes ont traduit les noms de certains démons. Quoique ces qualificatifs varient en fonction de la culture humaine, leurs grimoires en foisonnent ; toutefois, ceux-là ne sont que des imitations plus ou moins fidèles. S’il est bien nécessaire d’appeler le démon par son vrai nom pour attirer son attention, la Goétie ne parvient, au mieux, qu’à se rapprocher maladroitement de l’expression infernale. Ce sont souvent des noms péniblement traduits à partir de ceux que les démons ont bien voulu laisser filtrer, et que les initiés ont essayé de rentrer dans les moules des langages humains. Le résultat ne ressemble qu’en de faibles proportions à la langue infernale. C’est toutefois bien suffisant. Quand un démon parle dans une langue humaine, ou lorsqu’un humain lit ces traductions infernales, des bribes de ces sons prononcés détiennent tout de même une once de vérité. Ainsi, lire le nom d’un démon à haute voix est toujours risqué, car on ne peut jamais être entièrement sûr du degré de fidélité de la traduction, et si elle risque de générer un appel audible à travers les plans. Ces noms sont souvent gutturaux, tranchants, des associations de syllabes anormales qui ne ressemblent en rien aux langues humaines. L’âme en ressent un malaise instinctif, comme un avertissement silencieux envers l’infortuné exposé au danger.
Toutefois, la Goétie implique aussi l’utilisation de la magie noire. Ces noms démoniaques sont en effet, heureusement pour l’humanité, insuffisants pour invoquer les démons dans la plupart des cas. La magie ajoutera ainsi une puissance toute autre à cet appel, qui sera comme une flèche capable de déchirer les voiles entre les plans ; c’est la base de la Goétie. Dans tous les cas, nul ne sait quels effets dévastateurs aurait la prononciation fidèle du nom d’un démon depuis le plan terrestre. Le démon serait-il appelé immédiatement, en violation de toutes les lois naturelles ? Ou encore l’invocateur se transformerait-il en un véritable portail béant pour les démons ?...
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.