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La déferlante || Zimmer Arise

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Dim 27 Nov - 9:14 (#)

Du bout du doigt, j’essuie la poussière de la tranche du livre usé pour découvrir un titre en rapport avec les anciennes légendes Maya. Je tire l’ouvrage en mauvais état de l’étagère, ce qui soulève un petit nuage de poussière dont les particules viennent briller tels de petits éclats de verre dans la lumière artificielle fade et vieillie du faux lustre sur lequel des ampoules mourantes font office de bougies. La vieille librairie se meurt, tout comme son propriétaire ridé et vouté qui n’a pas su trouver quelqu’un pour reprendre sa boutique. L’échoppe de taille modeste contient plusieurs rangées d’étagères, et si elles furent un jour fringantes et en bon état, il n’en reste plus à présent que des panneaux de bois branlants qui ne tiennent que parce qu’elles furent initialement de bonne facture. Les livres posés dessus sont anciens mais sans être rares ou précieux. La pièce a cette étrange aura de ces endroits sans fenêtres et éclairés de lumières trop jaunies et pas assez fortes. Comme un cadavre lentement en train de se décomposer, cet endroit se délite petit à petit. Le magasin est coincé entre deux bâtiments défraîchis, quelque part entre Mansfield et Stonner Hill, où nul âme ne réside et personne ne pourra entendre ce qu’il se passe ici. Un endroit parfait pour cette nuit, un endroit qui sera bientôt oublié et que l’on peut laisser se faire dévorer par les ombres rampantes.

Je feuillette le livre entre mes mains mais mon attention se trouve ailleurs. Comme un crépitement au fond de mon âme, je les sens. Dans les murs, sous les rainures du parquet, tapies dans les ombres. Les araignées de la ville, de ces quartiers sales et populaires, se sont regroupées peu à peu à mon appel. Elles sont là pour mon expérience. Qu’est-ce que cette masse noire citadine pourrait faire à cette boutique si elles unissaient leurs forces ? Elles feraient sans doute se taire ces trois adolescents bruyants qui bravent leurs couvre-feu pour venir s’enhardir dans cet endroit qu’ils prétendent hanté. Elles transformeraient ce dédale d’étagères en jungle de toiles blanches et en pièges terribles. Une douce pointe d’excitation arachnéenne perce le calme plat qui m’habite et je ne ressens plus que la hâte de voir cet endroit sombrer sous la force de la colonie chitineuse. Je repose le livre sur l’étagère, lançant rapidement un coup d’œil à la ronde, voyant déjà la lumière s’accrocher à une toile à un coin du mur ou dans une étagère un peu vide. Peut être que ces toiles-ci étaient déjà présentes avant même mon arrivée. J’avise les badauds venus en quête d’un ouvrage ou d’un de ces bibelots étranges posés sur le comptoir. Je sais qu’Alexandra est dans les parages sans même la voir. Elle est chargée de verrouiller les portes pour que l’on puisse faire cette expérimentation en huis clos sans interférences extérieures. Le vampire est peut-être ici aussi, au courant de mon expérience. Pour les autres, ils seront mes cobayes.

Je quitte la courte allée de livres et rejoins le centre de la boutique. De là je vois le comptoir avec le vieux libraire appuyé dessus. Il semble usé par la vie et rongé par quelque chose de terrible. Ses traits sont tirés de fatigue, de stress et peut être même d'une douleur insidieuse. Ses vêtements trop larges pourraient laisser croire qu’il a perdu beaucoup de poids ou qu’il a emprunté ceux de quelqu’un d’autres. Se souvient-il de notre dernière rencontre ? Probablement pas, mais il ne fait aucun doute qu’il est toujours en possession de ce que je lui ai offert. Il s’essuie le front d’un geste saccadé, retirant une sueur excessive indiquant qu’il est dans un mauvais état. C’est pour bientôt. Répondant aux trépignements de l’araignée de mon âme, quelques petites arachnides s’hasardent hors de leur cachette. Une petite poignée d’éclaireuses qui sinuent entre les ombres, sur les murs, sur les étagères. Le grouillement s’impatiente. Je me glisse de nouveau dans une allée, faisant mine d’observer les titres des ouvrages mais toute mon attention est pour la masse cachée qui nous entoure. Dès que les portes seront verrouillées, la déferlante s’abattra.


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Dim 27 Nov - 13:48 (#)

I

Voilà plusieurs minutes que mes yeux parcourent les rayons défraichis de la petite librairie. Et ils ne se sont posés que sur de vieux ouvrages empoussiérés qui paraissent tenir tout seuls en un bloc tant les planches censées les maintenir semblent branlantes et prêtes à s’effondrer. Scrutant des hauts d’étagère aux titres usés par les lumières ternes aux bas de ces dernières en courbant l’échine plus bas que terre pour tenter de discerner les titres dans l’obscurité de ma propre ombre, ma curiosité commence à prendre un coup dans l’aile. Je ne trouverai pas ici ce que je suis venu chercher.

Comment donc me suis-je retrouvé là, déjà ? J’avais déjà aperçu la petite enseigne en passant pas loin avec mon pick-up, tentant vainement de trouver des chemins divers et appréciables pour me rendre à Downtown, ou rejoindre le Mad Dog depuis The Corner sans passer par les éternels grands axes aux paysages mille fois parcourus. Je m’étais finalement fait raison : rien n’était vraiment beau, à Mansfield. Et varier mes itinéraires n’y changeait pas grand-chose. Mais si j’avais déjà vu l’endroit, de loin, rien ne laissait présager que je m’y retrouverais un jour. Et pourtant m’y voilà aujourd’hui, sans même un souvenir de qui m’avait conseillé de m’y rendre. John ? Peu de chance : il sait à peine à quoi sert un livre, outre la pratique fonctionnalité de soutenir une armoire branlante. Ethan, Serguey ? Pas bien mieux, je le crains. Et ce n’est pas plus le genre d’endroit fréquenté par Wynonna. Non pas qu’elle n’apprécie pas un bon bouquin de temps en temps, mais elle aime définitivement les endroits plus branchés : que viendrait-elle faire dans un vieux truc comme ça ? Un vampire, alors ? Nico, Salâh ? À moins qu’ils n’aient fréquenté un temps comme amie la poussière du lieu, il y a peu de chance aussi. C’eut pu être m’sieur Tyler, tant l’endroit faisait penser à un polar noir des années 50 dans lequel son métier aurait eu un réel intérêt. Mais non, je doute avoir parlé livre avec lui. Et certainement pas Dana elle-même. Elle est du genre à conseiller une formation en ligne à quelqu’un qui veut apprendre à utiliser un PC. Enfin, c’est pour elle que je suis là, ça au moins je le sais. Enfin, pour elle… Pour moi, mais la concernant : je lui ai promis d’apprendre à manier la souris comme un pro, et peut-être même d’arriver à ouvrir tout seul une page internet. Histoire de ne pas faire appel à ses services H24. Mais non, définitivement non, je ne me rappelle plus qui m’a conseillé de pousser la porte de l’endroit.

Et je lui aurais dit de bien aller se faire voir, sans doute. Enfin non, pas dans ces termes, mais je lui aurais fait comprendre qu’on n’envoie pas dans une librairie moyenâgeuse quelqu’un qui veut en savoir plus sur l’informatique. Je ne m’attendais bien sûr pas à tomber sur LA perle rare du petit apprenti en ordinateurs et autres revues initiatiques de la toile – prémices obscurs ? – mais au moins un truc du genre « l’Informatique pour les Nuls » ou un machin bateau dans le genre. Et non. Définitivement non. Il y a plus de chance de trouver ici une bible manuscrite avec enluminures originelles qu’un quelconque manuel sur la technologie contemporaine. Ou un précis d’architecture romane. Ou un guide pour construire sa propre catapulte.

Je me relève en frottant les pans de ma chemise de lin claire pour la défroisser, secouant la tête d’un air dépréciateur. Et si seulement j’avais trouvé une perle rare de littérature, un grand classique prêt à être dévoré à mes heures perdues. Mais même pas. Pire : il y a davantage là des incongruités dépassées et carrément complotistes, du genre sur l’existence des extra-terrestres. Il m’a même semblé apercevoir un bouquin traitant des thérianthropes, loup-garou et autres trucs poilus légendaires. La source d’inspiration de ces idioties qu’on trouve sur le net en vidéo, montages ridicules pour foutre la frousse aux honnêtes gens. Comme si ça pouvait exister, des humains qui se changent en animaux. Tseuh. Et puis quoi encore ? L’homme a toujours été le seul loup pour lui-même. Même les souris du coin, ou rats gourmands, avaient trouvé l’unique usage de l’ouvrage, en en dévorant une bonne partie des pages.

Une grosse araignée me passe devant les yeux, descendant de sa toile pour aller fureter sur les étagères. On ne devait pas les chasser souvent, par ici. J’apprécie ces petites bêtes à huit pattes : elles aident à débarrasser des autres nuisances insectueuses. Et elles se développent souvent dans les endroits propres, de surcroît. Quand j’en vois une chez moi, dans un coin de plafond, je la laisse bien volontiers s’installer. C’est pas comme si je recevais souvent du monde. Et encore moins des femmes.

Je décide de prendre le taureau par les cornes, donnant une dernière chance à l’endroit : la confrontation directe avec le propriétaire des lieux. S’il m’annonce qu’il n’a rien pour moi, je pourrai quitter les lieux tranquille. Et sans revenir. Réajustant mon chapeau tribly de paille sur mon crâne chauve, je m’approche du comptoir où stagne, comme une statue de cire, le vieux libraire. J’avise un instant une femme d’âge mur, histoire de ne pas lui passer devant, mais elle n’a pas l’air d’avoir envie de parler du vieillard déconfit. Elle semble attendre quelqu’un. Je me dis que c’est beau, les personnes de son âge qui croient encore en l’amour et aux rendez-vous galants. Quand bien même son promis aurait pu choisir un décor plus vivant. Je la salue sobrement d’un signe de tête. J’ai presque du mal à briser le silence des lieux, à peine troublé par une bande de jeunes devant s’esclaffer devant un rayon érotique, entre Sade et E. L. James. Des gamins aux hormones en pleine effervescence, mais à la maturité encore bien peu ancrée. Je décide tout de même de prendre la parole, éclaircissant ma voix d’un raclement de gorge.

« Hrm. Monsieur ? Dites, je parcourais un peu les étagères, et je n’ai pas trouvé ce que je cherchais. Vous pourriez me dire si vous avez des livres parlant d’informatique ? J’veux dire, autre que l’histoire du premier ordinateur. »

Un grand sourire accompagne ma demande. Il ne faudrait pas qu’il le prenne mal.

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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
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Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Lun 28 Nov - 18:15 (#)

La déferlante

La vieille commençait à me courir.
Cinq mois s’étaient écoulés depuis notre rendez-vous dans son coin de cambrousse, au milieu des insectes avortés, des cadavres à demi dévorés et de la boue puante. Cinq mois de silence. Cinq mois à me demander si elle n’était pas finalement crevée, ou repartie dans ses jungles sud-américaines. Et la voilà, soudainement sortie de son sommeil pour me balancer des ordres au téléphone, du jour au lendemain. Bloque ceci qu’elle disait. Prépare cela, qu’elle m’a dit. Et démerde-toi comme tu veux pour ce que soit prêt dans une semaine.

Oui, nous avions conclu un accord. Oui, j’avais accepté de l’aider dans ses élucubrations. Mais merde, pour qui me prenait-elle ? Pour une putain de Jason Bourne au bout d’une laisse ?

‘Fais chier. La nuit était moite et tiède à Mansfield. Je traînais les semelles sur le trottoir, entre une station service vide et une route toute aussi déserte, dont l’asphalte était strié par les traits colorés des néons. Des sacs en plastiques me suivaient par saccades, au gré du souffle intermittent de la brise qui m’amenait les odeurs des bennes à ordures et de la vieille pisse. J’ai vérifié l’heure sur mon téléphone. Il était temps. À la station service, un poids lourd à l’américaine terminait d’avaler sa ration de pétrole. J’ai traversé la route silencieuse, mes bottes de moto créant le seul écho dans cet espace fait de terrains vides et d’immeubles.

J’ai dézippé ma veste de moto en cuir, tiré un peu mon débardeur vers le bas et ajusté le décolleté, tandis que le routier reposait le pistolet d’essence. Les néons criards de l’enseigne ont tâché mes vêtements de couleurs arc-en-ciel, et j’ai resserré la bretelle de mon vieux sac à dos qui émettait un léger cliquètement métallique. Je n’appréhendai pas vraiment. Depuis la Fièvre, je m’étais réconciliée avec moi-même, acquis une forme d’assurance et la certitude que je suivais ma voie. Que j’étais presque sur les rails, non pas ceux que me destinaient ma mère ou mon père, mais les miens propres, et je me sentais bien.

Bien, au point d’avoir confiance en moi. Et ça, c’est une putain de nouveauté. J’ai fait le tour du camion par l’arrière de la remorque, tandis que le chauffeur remontait pesamment dans sa cabine de l’autre côté. J’ai trottiné jusqu’à l’autre portière passager, l’ai ouverte, et je suis monté à côté du type surpris.

« Hé, salut ! » l’ai-je interpellé en m’asseyant sur le siège en cuir. « T’as dix minutes ? Ou trente ? »

Il m’a examiné avec méfiance en refermant sa porte et en portant une main sur sa radio. « Qu’est-ce que tu fous, j’achète rien. Descends de là. »

« J’ai envie de baiser. » J’ai ouvert ma veste, décolleté en avant, et je me suis collée à lui, le dos cambré. Il a suspendu son geste, à la fois surpris par la proposition, et les yeux happés par une poitrine.

« Attends, tu... » a-t-il commencé, hésitant, et j’ai vu ses joues mal rasées s’empourprer momentanément, les mains tendues vers mes hanches.

C’est tout ce qu’il me fallait. Je l’ai enjambé en m’asseyant sur le haut de ses cuisses, placé mes bras autour de son cou, et j’ai ressenti les picotements familiers remonter dans mes avant-bras. Il a ouvert la bouche pour protester. Durant une seconde, nos lèvres ont été si proches, que j’ai senti son haleine parfumée à la menthe me caresser la peau, juste avant que mes mains ne terminent de muter en serres d’insectes froides et tranchantes. Elles lui ont serré fermement la nuque. Elles ont crocheté sa peau, un réflexe de prédateur démoniaque, et ont violemment dévissé ses cervicales au son d’un petit craquement satisfaisant.

« Une autre fois, » ai-je marmonné en ouvrant mes pinces chitineuses, laissant échapper le corps inerte du routier qui est retombé mollement sur la banquette.

Il était jeune. Dans la trentaine environ, bien bâti, les cheveux bruns et l’air un peu ténébreux, il avait l’air de me fixer avec un vif étonnement. Quel gâchis, j’aurais pas dit non, ai-je pensé, la faute à la vieille. J’ai repoussé le cadavre au pied de la banquette dans un bruit sourd, et j’ai fermé les portières une par une. Le camion datait un peu, mais la cabine avait ce confort rassurant des poids lourds à l’américaine ; j’ai tourné la clé de contact, coupé la radio, et démarré le moteur. J’avais encore du boulot pour cette nuit.

« Bon, voyons si les tutos Youtube fonctionnent... » ai-je marmonné en démarrant tant bien que mal cet énorme tas de métal, que je n’avais jamais conduit de ma vie.

Ça n’a pas été simple. J’ai calé trois fois, monté sur le trottoir deux fois, et écrasé une poubelle avant  de réussir à faire rejoindre le mastodonte sur la route. Direction la librairie, laquelle se situait à environ deux croisements de là, coincée entre deux bâtiments abandonnés, dans les coins miséreux bordant les environs de Stoner Hill. J’ai accéléré. La hauteur et la puissance du moteur vibrant sous mes pieds avaient quelque chose de grisant, presque bestial, qui m’a poussé à fredonner un rythme dont j’avais oublié l’origine.

« Le tout est de pas s’envoyer dans le décor. » J’ai finalement tourné au dernier croisement, complètement désert à cette heure-ci, entre les échoppes abandonnées et les terrains vagues.

Ici, la misère était un décor. Les magasins avaient été estropiés par la crise économique depuis longtemps, et il ne subsistait plus que leurs cadavres éventrés, leurs vitrines béantes, recouvertes de cartons à moitié déchirés par des vandales. Quelques poubelles, la véritable populace des lieux, béaient encore face au ciel indifférent, dont la lumière lunaire n’éclairait que les yeux furtifs des rats peuplant les caniveaux. Le reflet des eaux croupies dans les rigoles de bitume ne renvoyait même plus la clarté des étoiles, avalées par les fumerolles de la gangrène urbaine. Ça sentait la désolation. Je me sentais presque poétesse.

Allez, encore un effort. J’ai fait tourner le colosse sur le terrain déserté, celui qui servait de parking en face de la librairie, en coupant la lumière des phares. Seule la clarté filtrant de l’intérieur éclairait l’espace sur lequel j’ai fait doucement avancer le camion, droit vers les portes de l’entrée, pour l’arrêter devant, collé aux battants de bois. Un petit choc s’est fait entendre. Le pare-choc du camion avait heurté l’ouverture, faisant légèrement plier le bois sous sa force, mais bloquant ainsi efficacement la sortie du magasin.

J’ai coupé le moteur. « J’espère que t’as calculé ton coup et que tes cobayes sont là. » ai-je marmonné en pensant à ma mère, avant de remonter la fermeture de ma veste et de rabattre ma capuche sur ma tête.

Je suis sortie rapidement de la cabine, le sac à la main, et j’ai balancé les clés du camion dans une benne toute proche. Trois jours avant, j’avais repéré le coin. Un vieil endroit à moitié délabré, plutôt bien choisi par la vieille, avec une seule issue de secours desservie par une échelle rouillée. Je me suis dépêchée de faire le tour jusqu’à celle-ci, en trébuchant une fois ou deux sur des cannettes vides dans la clarté chiche. J’ai fini par repérer l’échelle. Elle tenait encore debout, mordue par la rouille et les intempéries qui avaient détaché presque toute la peinture autrefois blanche. J’ai entrepris d’escalader rapidement les barreaux.

Putain, j’aurais jamais cru faire ça, ai-je râlé en arrivant au terme de l’escalade, sur le toit totalement plat de la librairie. Ici, les conduits d’aération perçaient le bitume comme des pierres tombales mal organisées, au milieu des bouts de métaux traînant çà et là. Un vrai panorama sinistre, avec ses ombres grossières et difformes que la lune projetaient sur le sol inégal, faits de vieux gravillons et de tôles déformées, brûlées par le soleil d’été. J’ai récupéré mon sac, duquel j’ai sorti la petite scie à métaux utilisée trois nuits plus tôt pour commencer à scier l’échelle de secours. Celle-ci ne tenait plus qu’à un fil pour ce soir, prête à céder.

Je me suis accroupie contre le rebord, et j’ai terminé le travail. Mes avant-bras étaient revenus à leur état initial, d’une force tristement humaine, si bien que quelques minutes me furent nécessaires pour en venir à bout. L’échelle a fini par céder, en basculant dans le vide dans un fracas de métal tordu. J’espère que ça n’a pas alerté trop de monde, j’y peux rien m’man, ai-je pensé en fermant mon sac, pour courir vers l’issue de secours. Je n’avais pas beaucoup de temps. J’ai ouvert la vieille porte, rouillée elle aussi, et j’ai pénétré en douceur dans la pénombre en suivant la rampe de bois, et la chaleur en provenance de l’intérieur.

J’ai suivi l’escalier dans le noir. Une autre porte fermait l’accès au dernier étage, par laquelle je suis rentrée, le sac à la main, et la main fouillant dans le sac. Des étagères de bibliothèque terminaient de croupir dans une obscurité à peine perturbée par les diodes des issues de secours ; c’était poussiéreux et bordélique à souhait. J’ai extirpé du sac mon brouilleur de téléphone, racheté à une connaissance deux jours plus tôt, merci au libre échange, et je l’ai caché dans un rayonnage au hasard ; un petit boîtier noir indiscernable derrière six vieux livres à moitié pourris. Il devait couvrir la totalité du bâtiment. Juste suffisant.

Ok, tout devrait être bon, j’crois. J’avais repéré des fenêtres condamnées derrière des pans de bibliothèque au rez-de-chaussée, et une ou deux à l’étage, mais je n’y pouvais rien. La vieille n’aurait qu’à y mettre du sien. J’ai épaulé mon sac à dos, retiré ma capuche et ébouriffé mes cheveux en soupirant, puis j’ai cherché l’escalier pour descendre. J’espérais que la vieille allait vite finir ses petites affaires.
Moi, je suis redevenue une visiteuse nocturne comme toutes les autres, innocente et indifférente.



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When witches don't fight, we burn
Odelia di Stasio
Odelia di Stasio
When witches don't fight, we burn
AB UNO DICE OMNES

En un mot : some ghost
Qui es-tu ? : Φ sorcière rouge de 29 ans, constamment en recherche de sensations fortes.
Φ offre son énergie à l'Arch, association ayant pour but d'accompagner les CESS dans leur intégration dans la ville. La fondatrice et chamane Yelena Tehrt, est son mentor.
Φ bien qu'elle l'ignore, fût élevée par des purificateurs. Ceux-ci ont tout fait pour dissimuler la vraie nature de sa magie. Bien que tentant désormais de combler les années perdues, sa maîtrise des arcanes reste instable.
Φ professeure de danse classique, anciennement en tournée avec une compagnie de ballet.
Φ installée à shreveport depuis 2013. habite actuellement mooringsport, à la frontière du triangle de foi.
Facultés : MANIPULATION DES ENERGIES VITALES
Φ Manipulation des émotions. Injection, détection, effacement, remplacement des émotions. maîtrisé
Φ Utilisation des émotions dans sa magie. plutôt bien maîtrisé
Φ Manipulation des auras. Modification, dissimulation de parties d'auras. très peu maîtrisé
______________

Φ Lecture d'auras. Emotion, race, inclinaison, forme d'un thérianthrope.
Φ Capable de sentir les esprits mais mal à l'aise avec tout ce qui y a trait.
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La déferlante || Zimmer Arise Pose-dramatic
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Lun 28 Nov - 23:04 (#)


LA DEFERLANTE

librairie , mansfield
6 juillet 2021



La chaleur qui souffle sur Shreveport est assommante. Une partie de la ville a d’ores et déjà évacué les lieux vers des horizons plus ou moins exotiques, tandis que l’autre reste là, terrassée, se hasardant à peine dans les rues. A Mooringsport, Lia profitait du jardin, dans lequel elle avait installé un bassin gonflable pour se rafraîchir faute de mieux – elle avait parié avec Stan qu’il tiendrait deux étés, lui qu’il ne finirait pas celui-ci. Les visites impromptues qu’il lui avait valu commençaient à la faire se ranger de son côté. Les étés précédents, la chaleur de la forêt lui avait suffi, pourtant sans qu’elle ne se l’explique totalement, elle n’avait plus le même cœur à s’y balader que de coutume. Elle n’était pas la seule touchée, et plusieurs de ses voisins (un peu extrémistes) ne se faisaient pas prier pour offrir leurs opinions élaborées à toute oreille ayant la stupidité de faire montre d’un soupçon d’intérêt. Mme Huntington avait même agité un papier supposé en parler devant elle, la dernière fois, alors qu’elle sortait son courrier. Elle ne les écoutait pas – elle avait cessé de le faire peu après son emménagement, quand elle avait saisi de quel bois ils étaient faits - , mais il fallait bien admettre que les bois de sa ville se mettaient à leur ressembler : vides, ennuyeux, quelque peu lugubres. La nature qui les rendait frissonnants et plein d’éclat s’était tue.

Il fallait se dégourdir les jambes autrement, donc. Ses visites à Shreveport se faisaient plus fréquentes : il n’était jamais difficile de trouver une bonne raison d’y mettre les pieds. Les vacances permettaient toujours à la pile de bouquins à lire de réduire plus drastiquement, plus rapidement. C’était donc une période où elle pouvait palier à son manque de connaissances avec plus de ferveur encore, échafauder des théories dont elle ne percevait pas même une infime partie des enjeux : une période aussi enrichissante que frustrante en somme. Odelia aimait cette librairie pour ses vieux bouquins, l’atmosphère mystique qu’elle associait à ces vieux endroits poussiéreux où les flocons poudreux brillaient tels des paillettes sous un rai de lumière dont on appréciait la rareté, et bien entendu pour sa sélection de livres que beaucoup jugeraient d’illuminés, traitant de sujets divers et variés avec plus ou moins de perspicacité. Elle venait de célébrer ses neuf ans à Shreveport, presque autant à l’Arch, ce qui signait également son retour sur les bancs de l’école arcaniste. Si long et si court, puisqu’elle voguait encore par ici à la recherche de sa voix, d’un déclic, de sa révélation.

L’italienne prend un instant pour jauger le public et l’atmosphère du lieu en cet instant. Elle avait déjà vu l’endroit bien plus vide, on aurait pu même s’étonner d’autant de présence à une telle époque de l’année, quand la moitié des rares lecteurs demeurant avaient choisi un support numérique où gérer leur hobby – plus accessible, plus abordable, les arguments de leurs défenseurs étaient pléthores. Elle avisa… Serguey ?… au loin. Après un haussement de sourcils, elle s’accota à l’une des étagères de l’entrée et évalua la scène. Bien sûr, il s’occupait d’une petite rousse et non des livres. Elle réfréna un gloussement moqueur et s’engouffra plus loin dans la boutique.

Odelia s’était déjà enfoncée dans les rayons lorsque des travaux semblèrent débuter alentour : des bruits divers et variés venaient de tous côtés. Le second, métallique, lui fit redresser la tête, mais il ne lui fallut qu’une demie-seconde avant qu’elle n’estime son importance moindre et retourne sonder les étagères. Là. Métamorphes : les origines. Elle repensa à la discussion qu’elle avait eu avec Eoghan quelques jours plus tôt et fit basculer la reliure vers elle. La sorcière rouge était prête à  certifier peu de choses sur sa connaissance des arcanes, et pourtant, cette question précisément avait trouvé une réponse pour elle il y a bien longtemps. Elle opta pour une page au hasard et s’attarda sur quelques lignes que vint croiser une minuscule araignée. Un léger sourire se dessina sur le visage de la danseuse. « T’as bon goût mais je t’emporte pas avec moi. » murmura-t-elle avant de souffler juste assez fort pour que l’intruse se détache de ces feuilles.


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Anonymous
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Mar 29 Nov - 22:37 (#)

Une vieille librairie, oubliée par les vivants, coincée entre deux immeubles qui ont déjà rendu l’âme depuis longtemps. Les rares passants, à l'esprit embrumé, errant dans le quartier ne voient même plus l'enseigne, elle fait déjà partie du passé. L’endroit est parfait, personne ne se souciera de la disparition de cette petite librairie, ce ne sera qu'un magasin de plus qui succombera à la crise.

Dame Zimmer est une femme intelligente, il le sait et ne la sous-estime nullement, bien au contraire, il s’en méfie même si les accords sont en bonne voie. Il va falloir agir de manière prudente pour l’emmener là où il souhaite, mais cela est musique d’avenir.

Pour l’heure, il quitte le véhicule, conduit par Ashkan qui réitère ses mises en garde. Il était présent lorsqu’elle lui a fait part de ses intentions et a bien entendu les avertissements. Salâh avait pesé le pour et le contre et avait décidé qu’il était prêt à prendre les risques, souhaitant, par-dessus tout, assister à la démonstration. Le sorcier restera dans le véhicule, toute la nuit ou plus, s’il le faut, prêt à intervenir en cas de besoin. De plus, Yago avait également été mis au courant de son entreprise, sans en donner les détails.

A l’intérieur du petit magasin, la poussière semble flotter en suspension. Les odeurs sont fortes, le vieux cuir, le papier sorti d’un autre âge, même le mobilier date d’une époque révolue. Il s’enfonce dans les profondeurs de l’échoppe, trouve un livre sur les montres à gousset, empli de schémas, de figure d’engrenages et d’illustrations, qu’il destine à son Infant et se tapit dans l’ombre, observant les autres clients. Levant les yeux, il aperçoit une belle toile, tissée avec soin, l’architecte campant en son centre. Une congénère court sur les pages jaunies d’un ouvrage ouvert, oublié par un client peu attentionné. Les insectes n’ont jamais rebuté le vampire, au contraire, il les trouve fascinant. Monde miniature, ayant réussi, à l’instar des humains, à vivre en colonie ordonnée.

Dame Zimmer est déjà là, parcourant les allées. Elle semble attendre quelque chose. Il ne l’accoste pas, suivant les consignes. Ce soir, ils ne se connaissent pas. Trois jeunes, au sang chaud, bien trop bruyant pour l’endroit, feuillettent des magazines destinés à un public averti. Une voix profonde, aux accents bien typés de la région, résonne près de la caisse. Il connait l’auteur et sourit dans l’ombre.

Epaule callée contre une étagère encore capable de soutenir son poids, il écoute la demande de l'homme. Monsieur Cooper ne devrait pas se trouver là, cela pourrait être regrettable selon le dénouement de cette nuit. Dommage, car il aime s’abreuver à la gorge de cet être. Sa disparition pourrait troubler ses futures importations, ce qui serait fâcheux pour les affaires et toute l’approche effectuée, serait à recommencer.

Quelque chose heurte la porte d’entrée, quelque chose de lourd et d’imposant, condamnant très certainement cette issue. Le bois proteste puis se tait, laissant échapper quelques arachnides qui s’évadent furtivement pour rejoindre des abris de fortunes. Une jeune femme, humanoïde, au palpitant calme, furète entre les étales, en feuilletant quelques ouvrages. Hasard ou mascarade ?

Un carambolage métallique heurte l’ouïe sensible de l’Immortel. Instinctivement, il localise sa provenance et sourit dans la pénombre. Il s’agit de la rue terne, sale et malodorante, dont les murs sont bardés de squelettes ferreux, bouffé par la rouille. Peu probable que des travaux aient débuté à cette heure-ci.

La jeune fille lève la tête en direction d’un rire que l’Ancien connaît que trop bien. Il suit le regard et tombe sur le Corbeau Rouge aux ailes brisées. Qu’est-ce que l’estonien fiche ici ? L’art de la lecture ne doit pas faire partie de sa culture. Pourtant, fut-ce un temps lointain, il avait bien dû se plonger dans les livres.

Des pas légers résonnent à l’étage, empruntent l’escalier situé au-dessus de lui, dévoilant une fine silhouette. Il écoute, son cœur émet une cadence plus rapide, certainement dû à un effort physique récent.

L’illusion d’un vent chaud entoure Wilson, il est le seul à le sentir. Le zéphyr murmure, pousse et incite le colosse à se diriger vers le coin sombre, où il se tient, sous l’escalier.



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Jeu 1 Déc - 11:00 (#)

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LA DEFERLANTE

Zimmer arise

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Se balader dans les rayons d’une librairie n’était pas une activité qu’Emily effectuait souvent. C’était davantage une relique du passé, synonyme d’apprentissage, d’étude, de la Californie et de ses années d’insouciance. Autre lieu, autre temps, autres enjeux et autres objectifs. L’odeur de la poussière et des vieux livres qui l’avaient accueillis en passant le pas de la porte l’avaient transportée dans un passé qui lui semblait si lointain et pourtant si vivace dans sa mémoire. Elle se mit à parcourir les rayons, effleurant du doigt certains ouvrages, cherchant la petite perle qu’elle espérait y trouver.

Tout ça, c’était un coup de tête initié par Serguey lors de l’une de leurs soirées. Ils étaient allés boire un verre, elle l’avait invité à dîner et, comme les autres fois, la promesse d’une nuit dans les bras de l’Estonien ne s’était pas faite attendre. Elle n’avait même pas hésité une seule seconde avant d’accepter. Ils se voyaient régulièrement et elle ne se lassait pas de leurs rencontres. Si Lilas lui avait ouvert une porte, Serguey lui avait ouvert les yeux. Elle s’était rendue compte qu’elle manquait cruellement d’une relation de ce genre. Simple et intense. Certes, leurs nuits étaient avant tout charnelles, et elle ne se voilait nullement la face, mais il en était conscient lui aussi et c’était ce qui rendait ces moments si particuliers. Il n’y avait pas les prises de tête qu’elle imaginait inhérent à une relation stable. Et pourtant, il y avait une vraie complicité et une vraie alchimie entre eux deux.

Peut-être trop bonne même. La preuve, tout ce passage dans cette librairie n’était qu’une lubie de l’estonien pour répondre à une demande faite par une application qu’il lui avait montré, deux nuits plus tôt. Elle avait ri à l’idée, mais avait décidé de jouer le jeu, intriguée. La première proposition de l’application avait été presque banale et ils s’y étaient plié sans attendre. Cette nuit, en revanche, la demande était plus complexe. Plus excitante aussi. Un lieu plus qu’inapproprié pour une activité de ce genre, tout le monde serait d’accord. Ça n’avait pas empêché la jeune femme de suivre son compagnon jusqu’à cette librairie ouverte étonnamment tard. Il avait bien sûr voulu commencer tout de suite, cet homme était insatiable, mais elle l’avait poussé doucement, murmurant une promesse à son oreille avant de filer entre les rayons pour chercher un livre en particulier. Nul doute que Serguey se vengerait à sa manière, mais elle avait réellement un livre en tête.

- Ah, te voilà…

Récemment, elle tentait de diversifier son art. Lilas, puis Wilson, le gérant du Voodoo Cafe, l’avaient poussée dans de nouvelles directions et elle comptait bien s’y essayer avec ferveur. S’il y avait bien en chose dans laquelle elle mettait toute son énergie, c’était sa peinture, même si Serguey aurait sans doute d’autres réponses en tête. L’histoire de l’art de la Louisianes semblait aussi banal que son titre et sa couverture le laissaient penser, mais il fallait bien commencer quelque part. Elle s’empara du livre qu’elle emporta avec elle. Satisfaite de sa trouvaille, elle chercha son compagnon pour reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Elle le trouva sans peine, à l’étage, feuilletant un épais livre auquel elle ne prêta nullement attention, sa main libre se posant plutôt sur le bras de l’estonien. Elle croisa son regard, un sourire aux lèvres.

- Pas la peine de chercher à m’impressionner en faisant semblant de lire…

Elle ne retint pas vraiment sa réponse, la sensation de son dos plaqué contre les étagères de livres et les lèvres de l’estonien plaquées sur les siennes devenant une distraction plus qu’efficace. Elle ne savait pas si c’était l’endroit, l’idée de s’envoyer en l’air en public ou l’ardeur de Serguey, mais l’instant sembla décupler ses sensations et elle commença à se laisser aller dans ce rayon un peu à l’écart, laissant les mains de l’estonien s’approprier le rythme effréné des caresses qu’ils s’offraient. Surprenamment, il s’arrêta, mais elle connaissait le sourire qu’il arborait. Elle haussa un sourcil lorsqu’il tira un objet de sa poche et leva les yeux au ciel sans pour autant masquer le sourire amusé qui étirait ses lèvres. Elle prit la paire de lunette et l’examina avant de hausser un sourcil vers son compagnon qui la plaquait toujours contre une étagère, ses mains fermement ancrées sur son corps.

- Pervers…

Cela le fit rire. Elle aimait ce rire, contre toute attente. Pas le genre de rire qu’on retenait, plutôt le genre qui attirait l’attention sur lui, peu importe l’endroit. Ce qui, à cet instant précis, avec ses mains sous sa chemise et sur ses fesses, étaient tous sauf idéal. Pas besoin que tout le monde les observe. Elle plaqua ses lèvres sur les siennes pour le faire taire, enfila les lunettes avec un clin d’œil et la soirée aurait pu les voir devenir tous deux coupables d’un acte que peu approuverait dans un tel endroit, mais la vie en décida autrement. Le son des portes brutalement fermées ne l’inquiéta pas vraiment, ralentissant tout au plus la rapidité avec laquelle elle déboutonnait le haut de Serguey pendant une brève seconde d’inattention. Le crash métallique à l’extérieur attira en revanche son attention et elle écarta ses lèvres de la gorge de son complice de péchés et tourna la tête vers la source du bruit, les sourcils froncés. Elle frissonna et se serait sans doute laissée aller à la sensation de la main de Serguey, désormais installée sous son jean, mais un mauvais pressentiment s’empara d’elle et elle bloqua son poignet à contrecœur.

- Attends…. Il y a un truc pas normal.

Et elle ne parlait même pas de l’araignée qui avait décidé de s’approcher depuis une étagère sans y avoir été invitée. Elle jeta un œil vers la porte et fronça les sourcils. Pourquoi un camion était-il collé aux portes ? Il les bloquait… volontairement ? Elle se tourna vers Serguey.

- Il y a vraiment un truc qui cloche. Quelqu'un a bloqué les portes...

Et si elle trouvait qui en était responsable, il allait passer un sale moment. Il venait de créer une sacrée frustration en interrompant un début de soirée des plus intéressants.



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Dim 4 Déc - 15:17 (#)

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« Le seul truc bloqué en ce moment, c'est ma main dans ton putain de slim… Tu pouvais pas mettre un fute encore plus serré ? T'as vu la taille de mes pognes ?! J'vais me choper une tendinite avant que t'aies joui à ce train-là ! »
S'il avait parlé discrètement ? Pas vraiment. Tant et si bien que tandis qu'Emily interrompt ces délicieux préliminaires, il croit intercepter le regard d'une anonyme, une autre âme errante qui vagabonde parmi les rayonnages du premier étage. Oups.
« Allez, rince-toi l’œil si ça t'chante, mais ce sera plus cher, t'es prévenue. » Glisse-t-il à l'intention de la silhouette féminine qui avait pourtant tout fait pour passer inaperçue. Mais pouvait-il l'en blâmer ? C'est vrai qu'ils étaient sexy, tous les deux, à se peloter entre les étagères comme deux adolescents à l'épicentre ardent, brûlant des premiers émois de leur vie sentimentale.
Aussi puéril que cela puisse paraître, c'était en réalité tout ce dont il avait besoin. D'une relation simple où, bercé par la complicité et la confiance qui orchestraient leur duo, il n'avait qu'à songer au moment présent. Et se laisser éclabousser par… l'enthousiasme d'Emily, dont le ravissement de partager une soirée ensemble paraissait ne jamais tarir. Derrière son air assuré et ses épaules carrées, l'Estonien appréciait aussi la chaleur rassurante et ronronnante d'une affection sincère.

S'il avait voulu pimenter l'une de leurs nombreuses soirées, c'était avant tout pour l'entendre rire de ses écarts de conduite, observer la façon malicieuse avec laquelle elle cèderait à l'indécente proposition, et se régaler de ses yeux pétillants d'une joie contagieuse, lorsqu'elle était avec lui. Il n'avait pas osé questionner Lilas sur l'état de la vie sentimentale de la jeune femme avant leur rencontre. Cela ne le regardait pas. Malgré tout, il croyait deviner, sous les bourgeons de leur passion sensuelle, le cimetière d'une solitude passée et les cadavres d'anciennes relations tumultueuses. Il ne posait pas de question. Car il ne souhaitait pas davantage développer son propre passé, assumer ses propres démons. Tous les deux, c'était simple. Il se sentait vivant lorsqu'il la retrouvait, après une journée harassante au travail. C'était tout ce qui comptait.

Avec regret, il délaisse sa gorge qu'il baisait avec ardeur et extirpe tant bien que mal ses phalanges de son pantalon, tout en lui jetant un regard faussement accusateur.
« Tu te dégonfles ? Y'a rien, j'suis sûr… »
Un soupir s'échappe de sa poitrine, tandis qu'il tente de la rassurer maladroitement, sans réellement y croire lui-même. Le fracas, il l'avait lui aussi entendu. Bruit de chute d'un objet lourd et métallique. Sa vigilance d'ancien soldat s'était aussitôt mise en branle. Mais que pouvait-il leur arriver ici ? C'était sûrement un morceau de tôle provenant d'une toiture ou une parcelle de porte de garage mal conçue qui s'était détachée. Pas de quoi s'alarmer et interrompre leurs préliminaires. Mais le regard appuyé de sa conquête lui confirme qu'il avait tout intérêt à prendre la situation en main, s'il espérait poursuivre ses aventures lubriques.
« Ça va, j'ai compris… Si j'descends pas voir, j'peux me gratter pour avoir plus, c'est ça ? »
Il feint de lever les yeux au ciel, plus amusé que réellement agacé. Si elle cherchait à le faire languir, elle s'y prenait de la meilleure des façons.

D'un geste habitué, il reboutonne le haut de sa chemise et délaisse sa compagne pour descendre les escaliers et jeter un œil par la fenêtre. L'éclairage artificiel de la ruelle, malgré sa qualité médiocre, suffit à le renseigner sur la cause des inquiétudes d'Emily. Il soupire – lourdement, cette fois. Il s'agissait d'un problème qu'il n'avait aucune envie de gérer, et qui ne faisait que retarder l'union tant espérée. Alors, il allait le régler de la manière la plus expéditive possible, sans faire dans la dentelle, pour pouvoir rejoindre au plus vite la jolie rousse qui l'attendait sagement à l'étage.

Les épaules carrées, sa haute stature s'avance vers le comptoir, déterminée à en imposer de la voix, lorsqu'il aperçoit une silhouette familière. Même de dos, il le reconnaîtrait entre mille.
« … Nounours ? »
Surnom viril pour le plus puissant des colosses du Mad Dog. Une franche accolade s'abat aussitôt sur l'épaule du géant qu'il salue d'un éclat de rire et d'un amical hochement de tête. C'est tout juste s'il n'en oublie pas sa conquête à l'étage.
« Mais qu'est-ce que tu fous là, tu t'es perdu ? Me prends pas pour un con, j'me doute bien que t'es pas venu ici pour entamer une collection d'encyclopédies, hum ? »
Il baisse légèrement la voix lorsqu'il s'accoude au comptoir à ses côtés, comme s'ils se trouvaient ni plus ni moins dans un bar et s'échangeaient des anecdotes croustillantes sur leurs dernières galipettes.
« Toi aussi t'as un rencard, pas vrai mon vieux ? Ah, ce brave Wil, toujours là où on ne l'attend pas ! Non, parce que moi… »
Et, d'un coup de tête qu'il espère discret mais qui alerterait n'importe quel observateur, il désigne la mezzanine à son compère ainsi que le rayonnage approximatif où l'attendait Emily.

Puis, comme s'il se remémorait soudain pourquoi il s'était arraché à cette si plaisante compagnie, il pose ses deux larges paumes à plat sur le comptoir et interpelle le vieux libraire, d'une voix égale à lui-même : forte, grave, franche.
« Dites, j'crois qu'y a votre livreur qui a manqué sa manœuvre et qui s'est planté dans votre porte d'entrée. Encore un qui a appris à conduire au bled, j'parie. Bon, c'est pas qu'moi ça m'inquiète particulièrement, mais ma zouz est claustro alors si vous pouviez lui demander de décarrer, ça nous éviterait d'avoir à gérer une crise d'angoisse. Et si c'est pas vous qui vous y collez, c'est moi qui sors lui expliquer comment on pilote dans c'pays, et j'vous assure que ce sera pas le même son de cloches. »
Et, pour joindre le geste à la parole, et avec toute la délicatesse qui le caractérise, il s'écarte du comptoir pour tambouriner contre la porte de bois, légèrement pliée sous le poids du véhicule qui l'avait enfoncée quelques instants auparavant.
« Eh oh, tu la bouges ta merde, ou faut qu'je vienne t'apprendre à faire un créneau ?! »

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Dim 4 Déc - 15:45 (#)

Un pas après l’autre, j’arpente l’allée enserrée de vieux livres, abandonnant à peine un regard à leur titres. Les petites taches noires et mouvantes font vibrer l’ombre derrière les ouvrages et accompagnent mes pas. Les araignées impatientes de la ville s’insinuent dans cette antre sombre aux odeurs de poussière et d’humidité et arpentent vivement les murs et les étagères. Il y en a déjà trop pour un endroit lambda, mais si peu par rapport à ce qui va venir. La voix d’un homme s’élève dans le silence, posant une question sans doute adressée au vieillard mourant derrière son comptoir. Je peux entendre d’ici les balbutiements du propriétaire de l’endroit qui lui demande de patienter le temps qu’il cherche dans ses fichiers. Un espace d’à peine deux centimètres entre deux étagères défraîchies me permet de voir le vieil homme rechercher d’une main tremblante parmi des fichettes dans un casier quelque chose pour contenter son client. Aux vues de son système de rangement, je suis presque étonnée de le voir tirer un petite fiche pas encore jaunie pour la poser sur le comptoir et commencer à indiquer au client où trouver ce qu’il cherche.

Un regard discret à la ronde pendant mes déambulations me permet de mieux entrevoir les différents cobayes de ce jour. Mes prunelles prédatrices accrochent une seconde une silhouette connue que j’identifie rapidement comme étant le vampire qui m’aide tant dans mes expérimentations. Ainsi donc il a décidé de venir quand bien même je l’ai prévenu du risque de la manœuvre. Ainsi soit-il. Une jeune femme s’intéresse à un livre dans une allée et quelques bruits facilement identifiables semblent indiquer qu’un couple s’encanaille à l’étage. Les trois adolescents sont de nouveau silencieux entre deux étagères, parlant à voix basses de choses qui leur sont sans doute interdites. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est mieux que rien. Ne voyant toujours pas Alexandra, je me noie dans ma patience en jetant un œil distrait aux livres, arpentant les rayons, tirant un livre pour en parcourir le résumé, le reposant et reprenant cette lente déambulation. Un bruit étouffé et sourd vient de la porte, puis quelques minutes plus tard un fracas métallique. Peut-être est-ce là mon indésirable fille qui enfin se rend utile. Rejoignant l’allée centrale menant au comptoir, je lève un instant les yeux vers la mezzanine en entendant les propos grivois et peu délicats et y aperçoit partiellement un bout de silhouette d’Alexandra. Tout est en place.

Je saisis un épais livre qui porte sur le jardinage, fait mine d’y jeter un œil, puis l’emmène jusqu’au comptoir d’un pas calme. Le vieil homme est toujours en train d’expliquer à son client où trouver un livre sur l’informatique, avec une lenteur douloureuse et des mouvements un peu désordonnés. Il ne fait aucun doute que le vieillard est en grande souffrance, comme fiévreux. Le pull infiniment trop large pour sa vieille carcasse décharnée le rendrait presque pitoyable. A grandes enjambés, un homme massif et bruyant rejoint l’homme du comptoir et ils commencent à discuter comme de vieux amis. Sans un mot, je me place derrière eux comme pour attendre mon tour pour acheter le livre que je tiens. Je donne l’air d’attendre patiemment, mais mon objectif n’était que de me rapprocher du comptoir, et plus précisément de l’ouverture qui se trouve derrière et qui donne sur une arrière-salle sombre dans laquelle se sont accumulées des araignées patientes et avides. Le blond a fini de saluer son ami et s’adresse au vendeur, attirant son attention sur la porte bloquée, mais il est déjà trop tard. Sans bouger un muscle, je m’ouvre à cette partie terrible de mon âme qui n’est qu’un esprit glacé empli de prédation. L’arachnide du fond de mon cœur semble s’éveiller et s’étendre à cette invitation. Son instinct furieux d’une colonie m’arracherait presque un frisson d’effroi tant ce besoin est impérieux. Ce n’est pas pour me transformer que je fais ça aujourd’hui, mais pour les attirer. Un appel muet, une plainte silencieuse. Je sais qu’elles l’entendent. Comme mues par un seul esprit, elles arrivent, elles déferlent au rythmes des tambourinements du grand blond sur la porte, comme si ses coups étaient les tambours de guerre que ma masse chitineuse avait attendu pour se déverser.

Sortant des fissures et des craquelures, d’endroits où nul n’aurait pu penser qu’elles puissent se faufiler, elles s’infiltrent. Des dizaines de petites araignées noires semblent couler du plafond, dévaler les murs. Pendant au bout de fils blancs, elles glissent vers les étagères, vers le sol, vers les gens, commencent à tisser leurs toiles, parfois seules, parfois à plusieurs. Mais celles-ci ne sont que les dissidentes sans patience. Certains cobayes s’agitent, repérant ces premières manifestations inhabituelles, mais ce sont les cris du vieil homme tourné vers son arrière-salle pour vérifier s’il attendait bien un livreur qui résonnent dans la librairie. L’ombre de l’arrière-boutique semble mouvante et tangible, et en l’espace d’une seconde ou deux c’est un déferlement d’araignées qui s’abat. Une masse grouillante indistincte, si large et imposante que nul ne peut réellement comprendre comment elles parviennent à avancer ainsi. Tel un mur d’obscurité, elles entrent dans la pièce. Face à ce colosse friable, le libraire recule avec un cri pitoyable de proie désespéré et cogne le comptoir en bois. Il met ses bras devant lui pour essayer de se protéger, mais déjà il disparaît dans l’obscurité grouillante. Je me force à m’éloigner pour ne pas attirer les soupçons, je fais quelques pas en arrière, essayant de ne pas avoir l’air trop fascinée par ce spectacle rêvé. La vague noire se répand dans la pièce depuis l’arrière-salle comme une flaque de pétrole, coulant en toutes directions sur le sol, les murs et le plafond. L’homme immense devant moi est en premières lignes, le géant blond aux prises avec la porte n’est pas si loin non plus. Je continue de reculer, les attirant toujours plus dans mon sillage, serrant machinalement le livre de jardinage qui me servait d’alibi pour approcher. A peine un œil aux alentours pour voir que déjà les araignées éclaireuses ont tissé entre les étagères des filaments argentés et que les fenêtres sont noircies par de nouvelles colonies y tissant des toiles robustes. Il suffira de quelques minutes de plus pour que l’endroit soit transfiguré. Juste quelques minutes pour transformer ce lieu banal en un dédale d’étagères et de toiles.
Un rêve devenu réalité.


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Lun 5 Déc - 14:30 (#)


II

Le vieil homme derrière le comptoir, même s’il apparait encore plus mal en point que ce que je n’ai d’abord pensé, semble s’enjouer à l’idée de m’indiquer où trouver le bouquin que je cherche. M’arrachant un haussement de sourcil surpris, j’apprends donc qu’il est plausible qu’un tel ouvrage puisse exister dans ce capharnaüm de vieilleries aux pages jaunies. S’armant d’un caisson contenant mille et une fiches cartonnées de dessous son bureau, il le plaque devant-moi d’un air maladivement fier, dévoilant presque l’esquisse d’un sourire qui eut pu être agréable s’il ne possédait pas cet air moribond de ceux qui approchent par trop de l’heure de leur mort. Il commence à m’expliquer longuement cet avantageux système de classement, sortant çà et là ses petites cartes annotées en indiquant les mots-clés y figurant, et renvoyant à telle ou telle partie de sa boutique. Contrairement aux apparences négligées et vieillottes de l’endroit, ça a l’air efficacement bien rangé. Surprenant. Mais j’ai du mal à me concentrer sur l’intégralité de ses mots : sur le sol et autour de sa boite, des créatures sombres à huit pattes commencent à affluer en nombre curieusement élevé. Abriterait-il une colonie d’araignées, seules compagnes de ses vieux jours ? Il me fait un peu de peine, ce papy rongé jusqu’à l’os par sa passion livresque. Rendu hâve de services rendus au bénéfice de la culture, du savoir et de la littérature.

Un bruit sourd, choc lourd et craquement de bois me sort définitivement de ses explications et me fais tourner la tête vers la porte d’entrée de la librairie. Qu’est-ce qui se passe là-dehors ? Un client maladroit qui aurait raté une marche-arrière et aurait sans le vouloir embouti l’entrée ? C’est l’hypothèse la plus plausible que je vois, et décide de m’en détourner, essayant vainement de replonger dans le discours du vieux libraire. Rien n’y fait, mon attention est décidément attirée vers d’autres cieux. Une curieuse sensation s’empare de mon être. Comme si autour de moi une sèche chaleur, et néanmoins réconfortante, s’installait. Des parfums sablés d’un Moyen-Orient par trop inconnu de mes sens inondent ma perception en de fugaces et pourtant irrémédiablement présents murmures du désert. Ma tête se tourne vers l’escalier. Il m’appelle à lui. Enfin, pas l’escalier, mais… quelqu’un. Et l’acte est signé, j’en mettrais ma main à couper : Salâh Ad-dïn Amjad. Le maître vampire que j’abreuve régulièrement. Ce partenaire commercial incisif et créatif, opportuniste. Je me demande un instant si mon imagination ne me joue pas des tours, comme si l’air vicié de la librairie me retournait l’esprit, mais la magie de la créature nocturne est reconnaissable entre mille. Que fait-il ici ? S’il l’est bien. Et en tout cas, pourquoi se fait-il connaître ? Pourquoi m’attirerait-il vers ces marches ?

Je n’ai guère le temps de me poser plus avant la question : une nouvelle irruption débarque desdites marches comme un ouragan dans une fabrique de confettis. Une silhouette massive déboule des escaliers d’un pas décidé. La voix qui s’écrie un surnom dont j’aurais préféré qu’il soit gardé pour notre intimité m’est familière : Serguey. Il avoue sa surprise de me trouver ici, pariant davantage sur un rencard avec une inconnue qu’une entreprise intellectuelle de recherche de savoir. Il est culoté, le bougre. Lui, m’accuser de ça ? Enfin pas surprenant, au vu de la suite de ses dires : il est lui-même là pour le plaisir de la chair et de la sensualité plutôt que pour s’intellectualiser. Ça m’aurait surpris, aussi. Il n’est pas celui que je placerais en premier dans les amoureux des mots couchés sur le papier. Un sourire complice s’affiche sur ma trogne alors qu’il sous-entend être déjà en train d’emballer de la demoiselle à l’étage. Il n’en rate pas une. Enfin de là à penser que tout le monde œuvre comme lui… Je ne prétends pas être plus sage, mais quand même un peu moins volage. Je précise tout de même mon intention, posant ma large main sur son épaule pour répondre à son accolade :

« Hé non, vieux. C’est bien un bouquin que je cherche. »

Inutile de mettre trop en avant ma méconnaissance des secrets de l’informatique. Mes proches ne les connaissent que trop bien, et aiment à me charrier sur le sujet. Je ne vais pas lui donner le bâton avec lequel me battre. Il se désintéresse d’ailleurs vite de ma personne pour prendre à parti le vioque derrière son comptoir, qui avait inlassablement poursuivi son infinie explication jusqu’ici. Serguey est sans doute la seule personne présente ici à être capable d’y mettre fin, visiblement. Il attire le regard désolé derrière les lunettes du grison alors qu’il se plaint avec fracas de la situation bruyante à l’extérieur, craignant que nous soyons coincés ici. Je reconnais là le flamboyant, l’impatient, le véhément estonien, à la délicatesse légendairement absente. Amusé par cet esprit bourru, je vais pour lui dire de se calmer, d’attendre patiemment que le chauffard précité se rende compte tout seul de sa bourde, mais une fois encore je suis interrompu dans mon élan : les araignées déjà nombreuses coulent désormais des murs comme si ces derniers suintaient d’un épais liquide noir. Fileuses expertes, elles tissent et tissent frénétiquement des toiles partout où leurs trop nombreuses pattes se posent. Quel est l’actuel fuck ? Je tapote l’épaule du colosse pour attirer son attention :

« Heu… Serg’… »

Mais pas un mot de plus ne sort de ma bouche : le propriétaire gâteux vient de hurler, attirant mon regard paniqué vers une horreur sans nom : une vague noire vient de s’abattre sur lui, le renversant au sol. Tsunami vivant de milliers d’arachnées, il en tombe en arrière, se faisant presque instantanément recouvrir de cette masse grouillante. Bordel de merde, c’est quoi ce délire ? Encore une illusion de l’ancêtre au corps froid, vexé de n’avoir que trop peu réussi à attirer mon attention ? J’ai comme un doute : il a beau être fier, je l’ai connu plus subtil. Puis, ça a l’air tellement… vrai. Incroyablement vrai. Je recule d’un pas, commençant un demi-tour de retraite face à cette horreur, cet être unique composé d’une multitude, et aperçois dans mon regard périphérique la présence de la dame aperçue plus tôt. Celle qui attendait son rencard. La promise de Serguey ? Elle aussi semble fuir la vague en reculant vivement. Mon sang ne fait qu’un tour, je me dresse entre elle et les bestioles, saisissant son avant-bras dans ma grosse paluche d’un geste protecteur.

« Restez derrière moi ! »

Je joue des pieds pour écrabouiller les ressacs de cette foultitude invasive. J'aime pas tuer les arachnides gratuitement, mais là, l'urgence fait acte. Ma semelle se gorge de chair chitineuse, alors que de ma bouche, une voix rocailleuse hurle à l’attention du boxeur-séducteur :

« Ouvre cette putain de porte ! »





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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

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Jeu 8 Déc - 18:05 (#)

La déferlante

Sous couvert d’obscurité, la librairie ressemblait à un musée.
Ses vieilles lattes couinaient sous mes semelles, soulevant un air saturé des odeurs de papier moisi et de bois poussiéreux, que des années d’oubli et de modernité avaient laissé pourrir. La nostalgie d’un temps révolu faisait parti du décor ici, accrochée entre les rayonnages et les boiseries sculptées, comme les toiles d’araignées suspendues un peu partout. J’ai arpenté les lieux sans conviction. Des silhouettes furtives aux dizaines de pattes filaient à la lisière de ma vision, dans la pénombre des bibliothèques encombrées.

Je me suis demandée si celles-ci avaient suivi la vieille. Peut-être. J’ai réajusté mon sac sur l’épaule, et j’ai récupéré mon téléphone dans ma poche. L’écran a jeté un halo blanchâtre autour de moi. Parfait, pas de réseau, le machin fonctionne, ai-je estimé me servant de l’appareil comme d’une torche pour parcourir le dos de couverture des livres entreposés. La vieille n’avait sûrement pas pensé aux communications. Elle me semblait ne jurer que par les bouquins et les cadavres depuis nos retrouvailles, comme si mes révélations avaient atteint leur objectifs ; éveiller ses obsessions à la manière d’un ver creusant une pomme mûre.

Mûr, elle l’était. Je supposais. C’était son idée à lui, après tout. Moi, je n’étais que la modeste travailleuse dans l’ombre, celle qui se cherchait à présent un quelconque bouquin pour s’occuper l’esprit en attendant que la vieille fasse ses petites affaires. J’ai traversé une allée en m’orientant vers la rambarde qui séparait la mezzanine du reste du rez-de-chaussée, modestement éclairé par des lampes tamisées. J’ai tourné à l’angle en cherchant mes écouteurs dans mes poches, tout ça pour tomber nez-à-nez avec un couple en plein ébat.

Sérieusement, pourquoi ici...Moment de silence embarrassant. Ils avaient les mains enfoncées dans les frocs l’un de l’autre, et moi, je me suis retrouvée bêtement en plein milieu de l’allée, dans leur champ de vision. Je me suis vite détournée au moment où le mec lançait une vanne grasse ; j’ai haussé les épaules sans me retourner, suivi d’un geste irrité du revers de la main pour toute réponse.

« J’suis plus active que passive, ça ira, » ai-je ronchonné en retournant sur mes pas, dans la semi-obscurité des allées poussiéreuses.

Il aura le drapeau en berne dans cinq minutes, ce con, ai-je songé en retournant à mes recherches factices d’un livre capable de me distraire. J’ai parcouru les titres des bouquins encore épargnés par les mites. Des recettes de cuisine, des guides locaux sur la faune et la flore, les annales de la mairie de Shreveport, et un recueil des mythes cajuns de Louisiane. J’ai tiré ce dernier livre. Un petit nuage de poussière s’est soulevé, me faisant froncer le nez, et j’ai reculé pour récupérer une vieille chaise en bois repérée auparavant.

Je n’avais rien de mieux à faire. Simplement attendre que la vieille ait terminé ses expérimentations sur ses cobayes du soir. Je la supposais capable de se débrouiller sans moi pour se dépêtrer de quelques humains en panique, y compris d’un couple d’exhibitionnistes. J’ai poussé la chaise contre le mur, déposé mon sac à mes pieds, et je me suis calée dedans, les jambes croisées. Le livre empestait le moisi. Je l’ai ouvert quand même sur mes genoux, faute d’avoir mieux à faire, et j’ai sorti mes écouteurs de l’intérieur de ma veste.

En réalité, j’avais aussi prévu de quoi m’occuper en attendant. Je n’avais aucune envie d’entendre la suite. Ni de m’en mêler plus que nécessaire. Je pouvais déjà dépeindre le tableau à venir.

La porte est bloquée, que se passe-t-il.
Olala, il y a plein d’araignées.
Oh mon dieu, elles viennent de bouffer ma jambe.
Mais que fait la police.
J’ai pas de réseau, que quelqu’un fasse quelque chose.
Oh non, l’échelle de secours n’existe plus.
On va tous mourir, au secours.
C’est quoi ces horreurs, c’est dégueulasse.
Jésus, j’en ai avalé une, aidez-moi.
Hurlements et autres crises de terreur.
Etc., etc.


Classique. Un vrai roman d’horreur à deux dollars. J’ai soupiré en chaussant mes écouteurs. Au-dessus de moi, une vieille lampe oscillait dans un courant d’air, suspendue au plafond, éclairant chichement les pages jaunies de mon bouquin. La chaise a couiné quand je me suis avachie dedans, après avoir lancé la musique depuis mon téléphone. Des voix commençaient juste à s’élever en bas, au rez-de-chaussée, quand IDLES a commencé à résonner dans mes oreilles. La fête avait dû démarrer en dessous. Tant mieux.
Qu’elle fasse vite, je n’avais aucune d’y passer la nuit.



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When witches don't fight, we burn
Odelia di Stasio
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En un mot : some ghost
Qui es-tu ? : Φ sorcière rouge de 29 ans, constamment en recherche de sensations fortes.
Φ offre son énergie à l'Arch, association ayant pour but d'accompagner les CESS dans leur intégration dans la ville. La fondatrice et chamane Yelena Tehrt, est son mentor.
Φ bien qu'elle l'ignore, fût élevée par des purificateurs. Ceux-ci ont tout fait pour dissimuler la vraie nature de sa magie. Bien que tentant désormais de combler les années perdues, sa maîtrise des arcanes reste instable.
Φ professeure de danse classique, anciennement en tournée avec une compagnie de ballet.
Φ installée à shreveport depuis 2013. habite actuellement mooringsport, à la frontière du triangle de foi.
Facultés : MANIPULATION DES ENERGIES VITALES
Φ Manipulation des émotions. Injection, détection, effacement, remplacement des émotions. maîtrisé
Φ Utilisation des émotions dans sa magie. plutôt bien maîtrisé
Φ Manipulation des auras. Modification, dissimulation de parties d'auras. très peu maîtrisé
______________

Φ Lecture d'auras. Emotion, race, inclinaison, forme d'un thérianthrope.
Φ Capable de sentir les esprits mais mal à l'aise avec tout ce qui y a trait.
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Sam 10 Déc - 22:19 (#)


LA DEFERLANTE

librairie , mansfield
6 juillet 2021



Odelia continuait son avancée dans les rayons à la recherche d’une seconde lecture plus légère lorsque le lieu se mit à prendre vie : déjà encombré ça et là par des rires juvéniles et un timbre monotone qui se mêlaient à ses oreilles sans trop la perturber, la voix tonitruante de Serguey brisa l’atmosphère, détournant son attention. Elle leva tout d’abord les yeux au ciel, sans bien comprendre ce qui se disait d’où elle était. Jamais lasse pourtant de voir son ami se donner en spectacle, elle songea à se rapprocher, et s’y décida peu après. Le ton commençait à monter alors qu’elle quittait le rayon pour s’approcher du comptoir d’où venait l’activité. Elle se rapprocha juste à temps pour voir son ami tambouriner contre la porte, sans saisir tout de suite ce qu’il se passait. Elle n’aurait pas le temps d’analyser la situation : une masse noire grouillante venait de faire s’effondrer le vieux tenant des lieux, la surprise lui fit lâcher le bouquin entre ses mains, et ses sens se mirent à hurler. Elle savait déjà ce qu’elle cherchait à repérer lorsque ses yeux glissèrent sur les protagonistes autour d’elle : deux qu’elle n’avait pas besoin de sonder – Serguey et Wilson - , ce qui lui laissait… Elle eût tout juste le temps de se concentrer pour voir l’aura éclatée de huit branches de la thérianthrope avant que les choses ne se précipitent et que l’avant-bras colossal du patron du Voodoo Cafe ne l’écarte de son champ de vision.

« Écartez-vous d’elle ! Serguey ! »

La douleur du libraire brûle le bout des tentacules et instinctivement, elle charge sa magie. Durant quelques secondes, elle est en proie à la panique, ne sachant pour quel sort opter, de préférence un qu’elle ait assez pratiqué (ce qui ne lui laissait pas tant de choix que cela). L’idée de blesser cette femme alors qu’elle ne savait pas si cette manifestation était volontaire s’éteignit presque aussitôt. Un sort de répulsion lui vient, mais l’homme était piégé, et elle n’était certainement pas assez téméraire pour les attirer à elle – certaines de ces tisseuses étaient pour le moins dissuasives. Les brûler ? Elle incendierait le vieil homme et probablement la librairie avec – il n’y avait probablement pas pire idée. Elle conclut à regret sur ce qu’elle avait à faire, mais elle savait aussi combien son entraînement bien qu’intensif de ces dernières années avait trop peu porté de fruits, et que le temps que prendrait l’action ne serait probablement pas suffisant au vieillard. Elle lança un dernier regard à la masse sombre qui dégoulinait vers sa maîtresse, partagée entre le dégoût de l’image qu’elle se faisait de la scène là-dessous et une colère infinie contre elle-même à l’idée de ne rien pouvoir faire de plus pour l’homme qu’elle recouvrait. La sorcière entreprit donc de remonter les allées par le coin opposé. Les adolescents s’écartaient vers le fond en hurlant alors que les aranéides envahissaient les rayons, grimpaient les murs, recouvraient les fenêtres. Tout allait trop vite. Bien trop vite pour qu’elle ne comprenne réellement les enjeux de ce qu’il se passait. Il lui sembla finalement trouver un angle de vue qui la protégeait assez tout en lui laissant un visuel sur la femme-araignée.

Comme elle l’a tant de fois répété, elle commence à manipuler l’aura chitineuse de la métamorphe.  Peu à peu, elle voit les huit stries se rétracter, jusqu’à s’effacer, et doucement, elle commence à se concentrer sur l’essence même de celle-ci. Autant qu’elle peut, elle tente de faire le vide, elle prie pour que ses capacités soient à la hauteur de son grand projet. Comme toujours, pourtant, elle n’était qu’arrogance. Derrière elle, les hurlements reprennent de plus belle. Sous ses yeux, les modifications s’effondrent et se perdent. Elle hurle et fait basculer au sol les livres les plus proches de son bras droit. Jamais, jamais assez bonne. Toujours, toujours, médiocre. « Qu’est-ce que vous foutez, bordel ? » finit-elle par lancer agressivement à la détentrice de la Bête au loin, redirigeant vers elle la rage provoquée par un ego une fois de trop mis à mal et une impuissance terriblement frustrante.

Une suite de mauvais choix ? Classique.


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Dim 11 Déc - 17:36 (#)

Une voix féminine répond à l'esthète, bravache et emplie d'un rire clair qui se transforme rapidement en inquiétude, encourageant l'estonien à quitter la mezzanine. Brèves retrouvailles, affublant le Calice d'un surnom ridicule, perturbant l'illusion, contrariant le vampire. Ce crétin sera donc toujours au mauvais endroit, au mauvais moment ? Tout laisse à penser. Il s'installe en maître, cherche la démonstration en haussant le ton, insultant le vieillard, stupide entreprise. Un soupire futile s'échappe des lèvres du caïnite devant le ridicule. Le libraire est abandonné pour s’attaquer à la porte. Pense t’il véritablement pouvoir déloger ce qui se trouve de l’autre côté ? La bêtise de cet homme le surprendra toujours. En d’autres circonstances, il serait presque divertissant. C’est peut-être ce qui a séduit la mégère.

Sortant de l’ombre, au moment même où l’Appel est donné, lui arrachant un léger rictus, il avance vers le comptoir afin de mieux contempler les vagues sombres sortant de la réserve. Cette vue est délicieusement cauchemardesque. Une lame d’encre submerge le vieil homme, devenant plus qu’une masse secouée par quelques vains soubresauts. Délaissant à contrecœur cette vision, il se tourne vers l’estonien, toujours dans la certitude, de pouvoir faire céder le battant. Le ton est impérieux, lors de l’interpellation, devenant terriblement railleur pour la fin de sa phrase.

- Serguey ! Bouge… ou utilise ta magie…

Abandonnant le sorcier déchu à son sort, il recule, prend connaissance de l’avancée des arachnides et rejoint rapidement Wilson. Son regard sombre et empli d’admiration croise furtivement celui de Emma, Maîtresse de Cérémonie. Avec force, il agrippe le bras du barman et l’entraîne, ne lui laissant pas le choix.

- On monte !

Il le pousse dans les marches, la sortie est là-haut, il en est sûr. L’Immortel peut s’enfuir, les toits ont toujours été un fabuleux terrain de jeu. Concernant l’humain, c’est moins certain. Mais il peut toujours tenter une extraction de son associé et si goûteux Calice. La main courante est infestée et semble onduler sous l’affluence des araignées.

- Plus vite ! Grimpe !

Empoignant, le vêtement de Wilson entre les omoplates, il force l’homme à gravir les marches bien plus rapidement que sa forte carrure le lui permet. Parvenu sur la mezzanine, il découvre une jeune femme, les joues encore rosies par les ébats interrompus. Joli petit morceau, l’estonien a toujours eu bon goût pour ses conquêtes, qu’elles soient durables ou pas.

- Ferme la bouche et reboutonne ton chemisier si tu ne veux pas que les araignées se nichent entre tes mamelles, femme !

Sur le balcon intérieur, la scène se déroulant en contre-bas reste un émerveillement pour le vampire. La nuée d’arachnide se mouvant comme un seul homme est fascinante. Au-dessus de leurs têtes, elles glissent sur leurs fils et envahissent également leur promontoire de fortune. La masse grouillante semble suspendre sa progression durant une infime seconde, faisant froncer les sourcils au caïnite. Dans le coin, les trois jeunes gens, hurlent et se trémoussent, cherchant à se débarrasser des milliers de pattes cavalant sur leur corps. Emma est dans sa coursive, à l’abri grâce à son armée.

Un fracas de livres, accompagné d’un hurlement de frustration, englouti les autres cris. Il ne voit pas la source mais devine qu’ils appartiennent à la gente féminine. Une mage ? Capable de faire capoter les plans de Dame Zimmer ? Il ne le permettrait pas. Se retournant vers Wil et la compagne de Serguey, il donne des ordres rapidement.

- Il y a une sortie, cherchez au fond, certainement une fenêtre ou porte de secours. Partez !

Qu’ils suivent ou non ses conseils, il s’en fiche. Leurs destins n’est pas entre ses mains. Redescendant dans la mer d’arachnide, il se faufile sous la balustrade rapidement et trouve la fauteuse de trouble, prostrée et frustrée, dans un coin.

- Tu n’es pas assez puissante pour faire face à ça, petite. N’essaie même pas et laisse les venir à toi. Il dépose une main féroce sur sa nuque, attrape les cheveux et remonte l’allée avec son fardeau tout en évinçant les bestioles courant sur son visage. Regarde les, admire les, vénère les, elles sont tellement belles !

Il marche rapidement, cherchant à rallier les escaliers. A mi-hauteur, il relâche enfin son étreinte, la dépasse et remonte, estimant avoir une meilleure vue de l'ensemble du Chaos.



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Jeu 15 Déc - 21:29 (#)

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LA DEFERLANTE

Zimmer arise

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Difficile pour Emily de ne pas ricaner malgré la chaleur qui remontait dans son corps sous les attentions de Serguey, toujours collée à elle. Elle frissonna avant qu’un sourire mutin n’étire ses lèvres suite à sa remarque. Le pauvre chou.

- Oooooh…. C’est pourtant toi qui disais adorer la façon dont ça moule mes fesses, non ? Faut bien que tu batailles un peu, sinon où est le fun, mmh ?

Derrière les fausses lunettes, elle lui offrit un clin d’œil suivit par un haussement de sourcil lorsqu’il accepta finalement, de mauvaise grâce. Elle soupira en le sentant extirper sa main et cligna des yeux, regrettant déjà sa demande. Mais elle avait bien d’autres plans pour la suite.

- Promis, je saurais me faire pardonner…

Elle l’observa s’éloigner avec regret et en profita pour expirer et jeter un œil à la personne que Serguey avait interpelé juste avant. Elle l’aperçut vaguement, devinant la forme d’un casque sur les oreilles. Au moins elle n’allait pas crier au scandale, ils n’avaient pas besoin de se faire choper en plein acte au beau milieu de la librairie. Elle entendit sans mal la voix de Serguey provenir du rez-de-chaussée et, poussée par la curiosité, s’approcha de la balustrade. Elle referma en vitesse son jean, histoire que tout le monde ne soit pas en train d’admirer les sous-vêtements réservés pour l’Estonien.

Lorsque le ton sembla monter, elle cessa d’arranger ses fringues pour se diriger vers la balustrade, inquiète. Elle n’avait pas aimé l’enchainement de bruit et de sensations qu’elle avait perçues, mais elle n’imaginait pas un quelconque danger. Rien que la carrure de Serguey ne saurait régler si vraiment il y avait un problème en tout cas. Elle avait l’intention de descendre jeter un œil. Mais au lieu de ça, elle tomba nez à nez avec Wilson et un type qu’elle n’avait jamais vu qui lui parut aussitôt antipathique. Elle le vit redescendre en vitesse sans avoir le temps de lui répondre et tiqua. Certes, elle n’avait pas refermé les boutons de son chemisier qui, horreur, dévoilait son décolleté, mais rien qui ne choquerait autre chose qu’un putain de mormon coincé du cul. Juste par esprit de contradiction, elle le laissa ainsi, s’attardant plutôt sur Wilson.

- Drôle de coïncidence de se voir ici. L’enfoiré entendait quoi par « araignées » ?

Elle eut la réponse en jetant un simple coup d’œil au rez-de-chaussée. La vision d’horreur qui s’étalait sous ses yeux la fit grimacer et elle plissa aussitôt les yeux. C’était tout sauf normal comme comportement, il y avait forcément quelque chose de magique là-dedans. L’aura de Serguey fut la plus facile à repérer, elle commençait à la connaître. Elle en aperçut d’autres. Celle d’une femme, clairement une arcaniste et une autre qu’elle identifia comme celle d’une thérianthrope. Une d’elle était-elle responsable de ce qu’il se passait ? Ou bien c’é l’aura absolument horrifique du type qui lui avait fait grincer des dents juste avant. Elle coupa aussitôt sa lecture des auras. Elle avait eu la sensation d’être aspiré dans un puit d’obscurité sans fond. C’était quoi ce bordel ?

- Serguey, reste pas là !

Elle annonçait l’évidence, mais elle n’avait pas envie de voir l’estonien finir en casse-croute pour arachnide. Les saloperies grouillaient de manière répugnante, se répandant partout sur le sol et les murs. Il y en avait tellement… Et elles avaient apparemment fait une première victime, à voir le truc qui flottait au milieu du rez-de-chaussée. Super… Elle détourna vite le regard, n’ayant aucune envie de voir à quoi ressemblait l’esprit d’un type dévoré vivant par des araignées. Manquerait plus que ce type devienne un esprit hantant les lieux, ce serait vraiment l’apogée des situations merdiques.

C’était dans ce genre de moment que l’idée de cracher du feu ou expulser de la glace par les narines auraient été sacrément plus utile que de juste voir les morts. Mais Emily n’avait pas survécu à des reetres avec des esprits en restant bouche bée dans un coin. Heins l’avait formé à réagir à toutes sortes de situations. Certes une vague d’araignées ne faisait clairement pas partie du cursus Esprit&Co, mais son cerveau ne resta pas planté à observer la situation et une idée lui vint. Elle abandonna Wilson et rasa les murs avant de dénicher ce qu’elle voulait. Après avoir ignoré soigneusement les consignes, elle l’arracha du mur, grognant sous le poids. Elle avait l’habitude de porter des pinceaux, certainement pas des tubes de métal remplis de gaz et de produits chimiques.

- Tout le monde en haut !

Elle avait essayé d’attirer l’attention de tout le monde, patientant avec son extincteur en haut des marches. Ce n’était pas aussi efficace qu’un lance-flammes, mais elle avait au moins la certitude d’ensevelir une belle portion des araignées si ces dernières venaient essayer de lui chatouiller les orteils. Restait à espérer qu’il y en ait un autre à l’étage, parce que vu la quantité d’arachnides qui déferlaient, un seul n’allait clairement pas suffire. En partant du principe qu’il allait être efficace.



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Mer 21 Déc - 15:15 (#)

Une éruption de chaos. Il se répand comme une maladie inique à mesure que la nuée d’arachnides gagne la salle. L’attaque d’un silence tranchant est à peine accompagnée de quelques glapissements terrifiés. Une ombre massive me masque subitement le spectacle et une lourde main me saisit l’avant-bras, accompagnée d’une voix aussi imposante que son propriétaire qui m’enjoint à l’utiliser comme bouclier. Même si aucun sourire ne vient casser mon visage, je saisis tout de même toute l’ironie de cette situation. Je sens la pesanteur de la masse grouillante qui s’approche, qui me rejoint, telle une bête bien dressée qui n’hésitera pas à dévorer tout ce qui se trouve sur son chemin pour retrouver son maître. Des cris aux tonalités incertaines dues à des voix qui muent s’élèvent sur le côté, provenant du groupe d’adolescents qui enfin découvre ce qui va mettre un terme à leurs vies. Les yeux exorbités, les membres tremblants, ils sont bien incapables de faire quoi que ce soit face à cette situation bien trop inattendue pour leur petits cerveaux encore en formation. La voix de Salah vient railler l’homme bruyant qui cognait à la porte, puis le vampire vient curieusement saisir le bon samaritain voulant me protéger pour l'entraîner vers la mezzanine. Que fait-il ? Je pensais qu’il agirait tel un spectateur silencieux demeurant dans l’ombre. L’immortel emporte le géant qui m’emmène à son tour et je le laisse faire, souhaitant entraîner mes enfants dans mon sillage. Malgré tout, je ne comprends pas bien pourquoi le fils du chaos cherche ainsi à éloigner cet homme du carnage qui se prépare. J’abandonne un œil perplexe à l’immortel qui ne se soucie que de nous entraîner loin de la terrible vague grouillante. Des tâches sombres tombant du plafond ont rejoint la horde noire et la paisible librairie est déjà en train de devenir notre royaume. Le gros de la troupe chitineuse nous suit, me suit, mais une partie colonise déjà les étagères du rez-de-chaussée, transformant peu à peu cet espace où l’on circulait facilement en un dédale de livres et de toiles immaculées et poisseuses parcourus de minuscules corps noirs mouvants.

Nous grimpons vivement les marches et le bois vétuste qui les compose grince douloureusement sous nos poids combinés. Dans le chaos, une voix féminine s’élève, mettant en garde les gens contre… Moi ? Mon regard se tourne vers la femme et mes prunelles la décortique. Sait-elle ? Comment ? Vivement, elle disparait dans les rayons et son image se fait dévorer par les étagères. Cette femme sera sans doute un problème. L’espace d’une seconde la vague noire de chitine ralentit, mais reprend de plus belle sitôt après. Curieux. La voix s’élève de nouveau en exigeant des explications. Je tourne la tête vers ses cris et la toise. Définitivement un problème, mais tant qu’elle reste en bas, ce problème se règlera tout seul sous les mandibules de ma nuée. De son côté, le vampire donne des indications au colosse et à une jeune fille présente sur la mezzanine pour leur indiquer comment trouver une sortie. Un sentiment brutal de trahison transperce le vide de mon âme. Comment ose-t-il extirper mes cobayes de ma toile ? Pourquoi est-il du côté de mes proies ? L’instinct primal et meurtrier de l’arachnide s’éveille l’espace d’une seconde dans cette colère brûlante à en fracasser la raison avant de se faire dévorer par le cœur froid et glacé de l’araignée dans mon cœur. Chaque chose en son temps. Déjà il disparaît au bas des marches alors que la jeune fille entame la discussion avec le géant qui ne m’a pas lâché. Visiblement elle n’est pas très au fait de ce qui est en train de se passer. Le vampire réapparait une minute ou deux plus tard en traînant mon accusatrice et l’abandonnant dans les escaliers. Cherche-t-il encore à sauver un autre de ces pitoyables primates ? Je leur abandonne à peine un regard et recule quand la petite rousse hurle à tout le monde de monter. Que compte-elle faire avec cet extincteur au juste ? N’a-t-elle pas vu que déjà une multitude d’araignées ont colonisé l’étage pour le transformer peu à peu en forêt blanche et visqueuse de toiles ?

En contre bas, nous pouvons voir que la masse grouillante s’est enfin totalement écoulée dans la pièce, laissant derrière elle la silhouette inerte du vieux bouquiniste. Il est allongé au sol, à plat ventre, une partie de son visage semble être manquante et ses vieux doigts décharnés ne sont plus que de vieux os. Le reste de la peau encore en place est rougie des morsures des bêtes et l’on jurerait que des araignées sont encore en train de s’affairer dans ses oreilles et ses cheveux. Ainsi effondré, son vieux pull trop large moule sa silhouette malingre et grotesque, pleine d’énormes difformités sphériques, comme s’il avait caché sous ses vêtements des balles bien massives. Elles ont bien grandi depuis la dernière fois, et maintenant que l’hôte est mort, mes enfants vont pouvoir naître. L’étole frémit puis soubresaute. Brusquement l’épais tissu se tord et se teinte d’un rouge sombre presque noir tandis qu’une patte sombre, fine, affutée et brillante traverse le vêtement et le déchire en un mouvement cauchemardesque. Une seconde patte puis une troisième passe par le vêtement éventré, le réduisant en lambeau. Une araignée à l’abdomen hypertrophié et aux pattes bien trop longues s’extirpe du cadavre, laissant y voir l’ouverture béante dans la chaire qui l’a portée. Une patte est trop courte par rapport aux autres, ses yeux semblent placés aux mauvais endroits et son corps semble d’une forme inhabituelle. Malgré sa difformité et sa démarche claudiquante, sa taille équivalente à un petit chien de grand-mère et ses mandibules acérées et claquantes ne laissent aucun doute sur sa dangerosité. La peau du vieil homme tressaute de nouveau et par l’ouverture dans son pull on peut observer ce ravissant phénomène de nouveau. La peau s’étire comme si on essayait de la couper au scalpel depuis l’intérieur, elle est percée puis se fend, libérant une nouvelle araignée difforme qui s’extirpe du cadavre comme pendant un macabre accouchement. Qu’il est dommage qu’il soit déjà mort, cette scène manque cruellement de souffrance et de hurlements. La vie ne se donne que dans la plus totale des douleurs, pas dans cette platitude. Le processus se répète, encore et encore, jusqu'à ce que son cadavre explosé demeure enfin inerte. Quatre énormes araignées toutes déformées de différentes manières font leur premiers pas en ce monde. Leur taille n’a rien à voir avec celles qui ont grandi dans des animaux ou dans des cadavres, celles-ci sont larges et robustes, mais ont toutes cette chose étrange et inconfortable, un claudiquement, un drôle d’assemblage. Mais malgré cet aspect grotesque, leurs larges mandibules acérées n’ont rien de risible. Mues d’un instinct de nid terrible, elles se mettent en route pour rejoindre les leurs. Pour me rejoindre. Enfin, ma famille est au complet.

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Mar 27 Déc - 13:49 (#)

III

Je n’ai qu’à peine le temps de me dresser pour protéger la pâle célibataire en manque d’attention qu’un ouragan vient me saisir par le bras. Et pas n’importe quel ouragan : Salâh Ad-Dîn Amjad, le maître vampire, celui qui se nourrit occasionnellement de mon sang de géant. Il me semblait bien avoir perçu son inimitable aura des sables chauds. Sans trop me laisser le choix, il m’embarque à sa suite en m’intimant de le suivre… en haut. Contraint de céder à sa force surnaturelle, je n’ai d’autre solution que de le suivre, alors qu’un cri féminin nous somme de nous écarter d’ « elles ». Sans rire : personne ne voudrait rester proche de cette horde immonde. Je ne dégage pas mon emprise sur la dame que j’ai décidé de protéger corps et âme, l’emmenant dans mon sillage. Sans forcer cependant, mais elle parait suivre le mouvement. Vite, très vite, me faisant presque trébucher, il nous fait grimper les escaliers menant à la coursive supérieure du magasin.

Quelle n’est pas ma surprise d’y découvrir un visage connu : Emily Morrisson. La petite peintre au génie artistique surdéveloppé. Enfin. Je lui découvre surtout un visage que je ne lui connaissais guère : toute déboutonnée, exhibant ses féminins attributs sans pudeur. Au point même que le vampire lui indiqua de masquer ce sein qu’il ne saurait voir. D’une manière un peu cavalière, d’ailleurs. Dédaigne-t-il autant la gent féminine pour ne pas saisir l’occasion de se rincer un peu l’œil. C’est loin d’être désagréable, ma foi. Même si mon éducation me pousse à n’y attarder que trop peu le regard, de crainte de l’offenser. Et elle, que fait-elle là ainsi dénudée ? Comme une adolescente désireuse de satisfaire une envie intime dans un coin sombre d’une bibliothèque. Un fantasme inassouvi ? Elle ferait presque penser à cette bande de jeunes rigolards à l’étage inférieur. Des jeunes dont j’entends subitement les cris apeurés. Douloureux. Terrifiés. Je m’exclame, brièvement :

« Emily ?! »

Je me tourne vers Salâh qui nous somme de fuir l’établissement par une fenêtre, mais n’ai guère le temps de répondre qu’il file déjà, tel le vent, au rez-de-chaussée. Un vampire qui panique, c’est impressionnant. S’il panique bien : ces créatures sont-elles capables de ressentir la peur ? En tout cas, il est pressé d’agir. Et Emily de même : sommant Serguey de ramener sa fraise (et là le lien se fait dans mon esprit : elle le connait, l’appelant par son prénom. C’est elle son rencard. Et ça explique sa tenue débraillée. Il a bon goût, le salaud.), elle court s’emparer d’un estincteur, menaçant la horde arachnéenne de la couvrir de mousse carbonique. Une tentative… un peu vaine, je le crains. Enfin, c’est toujours mieux que d’y aller au pied, sans doute.

Tout se passe décidément trop vite : le vampire est bientôt de retour, saisissant une jeune femme pour la faire grimper, lui sommant d’admirer la masse d’araignées. De la vénérer. Qu’est-ce qui lui passe par la tête ? Il est en train de délirer complètement, l’immortel. Il s’est fait piquer ou bien ?

« Qu’est-ce que… »

Mais là encore, impossible de finir ma phrase, mes yeux se portent en contrebas avec horreur. Le corps du vieux libraire, délaissé par la marée noire qui se rue désormais vers les escaliers, apparaît. Mort. Grignoté de toutes parts, sanguinolent. Et explosant désormais de l’intérieur, comme une couveuse répugnante : de grosses bestioles difformes en sortent, répugnantes. Des araignées, aussi, mais qui semblent être le résultat d’une sale manipulation génétique qui a à moitié foiré. Qu’est-ce que c’est que ce putain de cauchemar ? Relâchant la mure pour aller chercher la verte beauté dans les escaliers, celle qui criait plus tôt de nous carapater, je me saisis d’elle et la pousse vers l’étage, faisant mur de mon corps pour la protéger des sales bêtes qui se ruent vers nous. Shootant dans les premières pour les expulser loin de moi, tout en grimpant les marches à reculons. Elles sont sacrément hargneuses, s’attaquant à mes pompes sans l’ombre d’une hésitation. Je balance mes pieds dans tous les sens pour les dégager, m’écriant :

« M’sieur Salâh, c’est quoi ce bordel ?! »

Il a l’air plus au courant que les autres ce ce qui se passe ici. Curieusement, ça ne m’étonne qu’à moitié. Je ne le savais pas amant des araignées. Il a vraiment des goûts étranges. Et avec tout ça, je ne sais pas où en est Serguey. J’espère qu’il a bougé son cul, qu’il a réussi à ouvrir la porte pour se frayer un chemin vers l’extérieur. Sans quoi il devra traverser la marée noire pour nous rejoindre. Avisant Emily en la dépassant, je lui gueule :

»Vas-y, balance la sauce ! »

De mon côté, je m’approche des rayons d’étagères englués de toiles soyeuses. Hors de question de se jeter là-dedans et de risquer de s’engluer comme une connerie de mouche. Je repousse une étagère à droite, l’autre à gauche, me servant de mes larges épaules pour dégager un chemin vers le fond de l’étage. Tant pis pour les bouquins : on n’a plus le temps de badiner, là.

« Par ici ! »

Une porte de secours. Trouver une porte de secours. Je l’aperçois, au loin. Atteignable : ce n’est pas des sales bestioles qui vont nous empêcher de l’atteindre, fussent-elles des milliers. Et j’avance, bousculant les étagères sur mon passage sans ménagement, ouvrant la marche pour celles qui, j’espère, me suivent.




Quéquifait ?:
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

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Ven 30 Déc - 17:52 (#)

La déferlante

Le livre s’est avéré barbant. Aussi barbant que l’attente.
J’ai feuilleté sans conviction les illustrations en noir et blanc, des anciennes gravures aux motifs éculés, des croquis de guingois et des tableaux d’amateurs qui décoraient les textes sur les racontars des bayous. Entre sorcières des marais et change-formes, striges et nécrophages, les récits s’enchaînaient dans la pénombre du plafonnier moribond. Je commençais à m’ennuyer ferme. Ces histoires d’horreur n’éveillaient rien chez moi, sinon un ennui constant, entretenu par des mots remâchés par des siècles d’occupation humaine.

À quoi bon lire des récits horrifiques avec la vieille à mes côtés ? Avec la mère Zimmer, c’était tous les jours Halloween. Tu peux parler elle me dirait, ai-je pensé ironiquement, en chassant une araignée escaladant ma jambe. Sa propriétaire devait dépecer dans la joie et la bonne humeur ses expériences vivantes, avec toute l’expressivité dont elle était capable ; c’est-à-dire, aucune. Mon aspirateur était plus charismatique. J’ai de nouveau chassé une araignée qui me chatouillait le dessus de la main, en soupirant avec irritation.

Même dans un coin sombre, je n’étais pas seule. Il fallait que les bestioles de la vieille viennent se multiplier sur et à côté de moi, m’escalader les cheveux et les vêtements ; elles devenaient envahissantes. J’ai regardé avec mauvaise humeur les alentours, où murs et rayonnages se couvraient lentement de mouvements furtifs et velus. Quelques-unes de ces bestioles escaladaient mes chaussures en se hâtant dans l’allée, et certaines se blottissaient dans les creux de mes manches pour essayer de mordiller ma viande.

Pas très malins ces trucs, ai-je râlé en bousculant l’une d’entre elles qui s’était faufilée dans le creux de mon cou. Ça chatouillait. Ça remuait et ça commençait sérieusement à m’agacer de poireauter et de servir d’accrobranche aux bestioles de la vieille. J’ai enfoncé de plus belle mes écouteurs pour tâcher de couvrir le vacarme de vociférations en provenance du rez-de-chaussée, avant de prendre mon mal en patience et ma lecture indigeste. Le sol a vibré sous mes pieds, et je me suis interrogée une seconde sur l’origine du bruit.

La réponse m’est tombée sur le crâne. Les yeux encore fixés sur les minuscules caractères d’imprimerie du bouquin de l’ennui, j’ai perçu trop tard l’écho d’une dégringolade, avant de ressentir un violent choc sur la tête. Un genre de bonk. L’impact m’a fait plier le cou en avant en poussant un petit cri de surprise, un peu trop suraiguë pour ma dignité,  tandis que l’énorme encyclopédie des annales de la mairie Shreveport me retombait directement sur le bout du pied. Un genre de bam. J’ai porté une main à mon crâne par réflexe.

J’ai craché entre mes dents, plus vexée et énervée que réellement souffrante. « Putain de fils de merde à la con de putain de connard… »

J’ai lâché mon livre des mythes et des conneries des bouseux de Louisiane, et je me suis frottée vivement le cuir chevelu. Ça ne faisait pas si mal, mais tout de même, mille pages sur la tronche. Je me suis levée d’un bond, l’œil injecté de colère, prête à balancer les annales dans la tronche du premier débile qui pointerait son nez entre les rayonnages. J’ai défait mes écouteurs, fourré le tout dans mon sac que j’ai placé sur mon épaule, et j’ai ramassé ledit foutu bouquin avec la furieuse envie de m’en servir comme une arme.

« Qu’est-ce qu’ils foutent ces... » ai-je marmonné en évitant les toiles d’araignées qui s’accrochaient un peu partout dans les allées et gênaient mes mouvements.

Le sol de la mezzanine continuait de trembler. Les rayonnages aussi, oscillant comme si l’on avait lâché un foutu grizzli au milieu des allées, et que celui-ci avait repoussé les étagères les unes sur les autres, comme des dominos. Je me suis frayée un passage tant bien que mal, au milieu des amas de livres écrasés au sol et les toiles d’araignées ; un sacré bordel. Et un saccage de livres. Je n’étais pas particulièrement attachée au support de papier, mais tout de même, merde quoi, un peu de respect pour la culture littéraire.

Ça m’en a fait crier « PUTAIN, HÉ ! C’est qui le DEMEURÉ qui se croit au super bowl ?! »

Je me suis pointée dans l’allée principale, contre la rambarde qui surplombait l’obscurité mouvante du rez-de-chaussée, et j’ai avisé la populace paniquée qui se tenait en haut des escaliers. Sacré amas de cobayes. La gourdasse rousse exhibitionniste avec deux extincteurs, un mécanique et celui qui s’occupait d’éteindre le feu dans sa culotte tout à l’heure, plus un arabe qui avait l’air d’avoir pris un rail de coke flanqué d’une nana brune dans le même état que lui. Ma mère était au milieu de tout ça, aussi expressive qu’un radis.

J’ai cherché le coupable des yeux. Difficile de le rater. Un espèce de colosse était en train d’envoyer chier tous les rayonnages à coups d’épaule et de mugissements bestiaux. Il faisait au moins trois têtes de plus que moi. La hauteur parfaite pour lui envoyer les annales de la mairie Shreveport dans les valseuses.

Je l’ai interpellé, en sachant pertinemment la raison de cette panique. « Vous êtes complètement cons, putain, vous cherchez à tuer quelqu’un ?! C’est quoi votre problème ?! On se reçoit des PUTAIN de briques sur la gueule avec vos conneries ! »

J’ai flanqué l’encyclopédie par terre d’un mouvement rageur. Un genre de gong. Je savais très bien que ces types cherchaient une échappatoire de toute urgence, et pourquoi, mais j’avais mon propre rôle à jouer. La fille innocente, un peu grincheuse, qui n’avait rien remarqué de l’avalanche d’arachnides affamées. Un rôle qui n’était d’ailleurs pas très difficile à jouer, tant l’impact du parpaing de papier sur mon crâne avait créé chez moi une colère des plus authentiques. J’étais de mauvais poil. Qu’ils crèvent, tiens. C’était mérité.



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When witches don't fight, we burn
Odelia di Stasio
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AB UNO DICE OMNES

En un mot : some ghost
Qui es-tu ? : Φ sorcière rouge de 29 ans, constamment en recherche de sensations fortes.
Φ offre son énergie à l'Arch, association ayant pour but d'accompagner les CESS dans leur intégration dans la ville. La fondatrice et chamane Yelena Tehrt, est son mentor.
Φ bien qu'elle l'ignore, fût élevée par des purificateurs. Ceux-ci ont tout fait pour dissimuler la vraie nature de sa magie. Bien que tentant désormais de combler les années perdues, sa maîtrise des arcanes reste instable.
Φ professeure de danse classique, anciennement en tournée avec une compagnie de ballet.
Φ installée à shreveport depuis 2013. habite actuellement mooringsport, à la frontière du triangle de foi.
Facultés : MANIPULATION DES ENERGIES VITALES
Φ Manipulation des émotions. Injection, détection, effacement, remplacement des émotions. maîtrisé
Φ Utilisation des émotions dans sa magie. plutôt bien maîtrisé
Φ Manipulation des auras. Modification, dissimulation de parties d'auras. très peu maîtrisé
______________

Φ Lecture d'auras. Emotion, race, inclinaison, forme d'un thérianthrope.
Φ Capable de sentir les esprits mais mal à l'aise avec tout ce qui y a trait.
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Mar 3 Jan - 23:08 (#)


LA DEFERLANTE

librairie , mansfield
6 juillet 2021



Une voix fanatique la fait sursauter. Alors qu’elle cherche encore à identifier la silhouette – ce qui n’arrivera pas -, l’une de ses mains se plaque contre sa nuque et s’insère dans sa chevelure, la faisant grincer de douleur alors qu’il ressert sa prise. Qui est ce dégénéré ? Elle n’écoute pas vraiment ce qu’il raconte – elle sait que ça ne fait aucun sens, que ce type est un malade mental, c’est probablement suffisant. Le tibia droit tape contre l’une des marche alors qu’il la remonte, et elle hurle. Est-ce pour ça qu’il la lâche là, en plein milieu des escaliers ? Son corps s’abat et s’endolorit plus encore. Ses lèvres se pincent pour étouffer la douleur, la rage, la déception. C’est le chaos dans sa tête. De quoi sont-ils la cible exactement ? De combien de personnes la garou est-elle flanquée ?

Odelia lève les yeux vers l’étage sans trouver encore la force de se relever, cherchant des visages. Elle est encore trop bas. Alors qu’elle rassemble forces et motivation au milieu des grouillements, l’armoire à glace du Voodoo Cafe vient à sa rescousse, et elle ne peut que se sentir soulagée – qui sait combien de temps elle aurait pu tenir ici, sur les marches séparant les bestioles de leur… leur quoi, d’ailleurs ? Qu’est-ce qu’elles étaient l’une pour les autres ? Que se passait-il ? Ses connaissances dans le domaine étaient limitées : elle était une rareté ; cela se résumait donc ainsi : c’était la pire des malédictions garous dont un arcaniste pouvait affubler le maudit, puisqu’il se disait que cela vous grignotait l’âme. Un manque de connaissances était toujours une faiblesse : elle ne savait pas vraiment comment elle pouvait l’arrêter, si une telle chose était possible.

Lia claudiqua jusqu’à l’étage et s’affala à nouveau. Une jeune femme se dressait là, un extincteur entre les mains, toujours pas enclenché ; le tenant du bar se catapultait entre les toiles à la recherche d’une sortie, détruisant tout sur son passage ; le vieux con qui l’avait prise pour un sac à patates s’avérait être un vampire ; elle ne voyait ni Serguey ni les adolescents croisés plus tôt ; une femme avec qui elle avait vaguement échangé quelques années plus tôt déboulait d’entre les étagères en hurlant – elle ne remettait plus son prénom, mais elle se souvenait de son aura d’autrefois, qui lui revenait régulièrement en mémoire, mystère irrésolu. Cette apparition est de trop : elle commence à se demander si tout ceci n’est pas un rêve. Peut-être une hallucination. En tout cas, c’est un joyeux bordel, et définitivement un foutu zoo.

La douleur recouvre tout, la rendant inutile, alors contre toute recommandation d’hygiène elle cherche un peu de répit sur le sol attaqué. « SERGUEY ? » Où était-il passé ? Elle n’obtient aucune réponse, ou bien elle ne l’entend pas. « Y a vraiment personne qui va assommer cette nana avant qu’ça devienne un enfer? » dit-elle en fixant la garou faute de mieux. Il y avait sûrement toujours quelque chose à essayer. Une pratique qu’elle avait plus de chances de voir réussir, en temps normal, quand elle ne venait pas de se faire tabasser par un escalier et pratiquement scalper le crâne par un ancêtre. Elle canalisa la révolte qui montait en elle, l’incertitude, la confusion, et la douleur qui brûlait tout, les laissa s’emmêler les uns avec les autres, en transforma l’essence pour en extraire un irrépressible besoin de protéger Serguey et les adolescents en bas. Elle déchargea le tout sur Emma. Voilà enfin une magie qu’elle contrôlait à peu près. La rouge pria pour que ce soit suffisant, mais elle ne savait pas si elle pouvait véritablement quelque chose pour elle, pour eux. Du coin de l’œil, elle guettait le vampire, prête à lui refiler l’envie de se jeter par la balustrade s’il envisageait de s’approcher une fois de plus. Ironique, quand elle commençait à considérer qu’au fond, bien caché, elle devait avoir des tendances suicidaires.


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Jeu 5 Jan - 1:11 (#)

La vue est tout à fait unique, un ravissement pour celui qui vénère le Chaos. Une mer noire, grouillante, se meut au rez-de-chaussée. Semblable à des vagues, le corps du défunt se soulève et retombe, crachant de nouvelles créatures. Toutefois, elles ne sont pas parfaites, attirant une moue sur le visage de l’Immortel. Dame Zimmer devra parfaire son travail. Le grattement des pattes, les mandibules s’attaquant à tout ce qui est à leurs portées émettent des sons qui pourraient s’apparenter à une douce mélodie d’apocalypse. Les cris des adolescents s’y ajoutent, apportant une nuance dramatique. Il sourit à ce spectacle.

Mais son attention est rapidement détournée par cette femelle aux mœurs étranges. Entraîner son amant dans une vieille librairie pour y forniquer… Les jeunes de ce temps ont vraiment des loisirs que l’Ancêtre a dû mal à comprendre. Il se promet d’en discuter avec Yago, peut-être qu’il saura lui apporter quelques réponses.

Armée d’un gros cylindre rouge, qu’il finit par reconnaître et identifier comme étant un extincteur (grâce aux longues heures de leçons de choses de son acolyte Ashkan), la femme se positionne sur la plus haute marche, braillant comme un guerrier face à une horde d’envahisseur. N’a-t-elle donc pas vu, senti toutes les araignées qui déjà, escaladent son dos, ses épaules et sa chevelure ? Il y en a même une qui se faufile dans le décolleté de sa chemise et disparaît sous le tissu pour explorer de nouveaux vallons. Il se décale et heurte l’humaine de son flanc. Sans autre forme de procès, il s’approprie l’arme improvisée, la lui arrachant des mains.

- Laisse-moi faire, fillette !

Il n’a qu’une vague idée du fonctionnement de la chose, de toute façon il n’a pas l’intention de s’en servir. Donnant l’impression de se camper fermement sur ses jambes, il fait mine d’actionner la poignée, dirigeant le tuyau vers les milliers d’insectes qui s’approprient lentement mais sûrement les marches. Bientôt, le second étage sera semblable à celui du dessous et qu'importe ce que les protagonistes tentent, vu que les arachnides se sont accaparées le plafond et tombent ou se laissent glisser le long de leur fil de soie. Le terrain est déjà le leur, la bataille est perdue d'avance.

Un vacarme assourdissant lui offre la diversion parfaite. Wilson, lancé comme un troupeau de bison dans les grandes plaines du Canada, les étagères s’effondrent imitant un jeu de domino, attirant un mauvais sourire sur les lèvres du vampire. Par-dessus la balustrade, l’extincteur chute bruyamment, écrasant malencontreusement quelques amies de Dame Zimmer. Dommage collatéral. Un léger "pchit" termine la vie de la bombonne qui ne devait pas être du premier âge.

Une voix, encore inconnue jusqu’ici, empli l’univers. Une vocifération tout à fait appropriée à l’encontre de Wilson qui, en théorie et s’il a suivi ses conseils, devrait bientôt découvrir l’issue de secours. Quant à Serguey, il n’est plus en ligne de mire. Mais un dieu existe pour les hommes de son genre. Probablement aura-t-il trouvé un coin pour se terrer. Sinon, si la Faucheuse est enfin parvenue à lui voler sa vie, il se fera un plaisir non dissimulé, d’annoncer la fin de l’estonien, à cette mégère d’Aliénor.

Reste cette petite intrigante de sorcière, gémissant sur le sol. Le doux parfum délicat de sa vitae commence à envahir l’espace. Une banale blessure, très certainement, mais le sang coule, légèrement. Les papilles sont stimulées. Il dégluti dans le vide et repousse sa nature. Elle conjure, demandant à quiconque de s’en prendre à la Mère des Arachnides. Si elle savait de quoi elle est capable, l'ingénue tiendrait sa langue et suivrait Wilson pour avoir une maigre chance de sauver sa vie insignifiante. Mais elle reste là, sans aucune tentative de sauvetage. Quelle sotte !

Que cette librairie soit donc son tombeau, elle servira de cocon aux expériences de Dame Zimmer. La sorcière est enfermée dans une sphère de Quietus, la séparant auditivement du tumulte régnant dans la boutique. Elle se trouve à présent dans un univers de silence total, seule face à son souffle et ses battements de cœur. Aucun son ne lui parvient de l’extérieur et inversement, aucun ne peut l’atteindre. Ses paroles résonneront qu’à ses propres oreilles, aspirées par le mutisme du néant. Puis il s’immisce dans son esprit, lui imposant l’illusion d’un magasin tel qu’il était à son arrivée, sans aucune araignée. Seule la poussière flotte dans l’air, le vieux marchand assit à son comptoir triant ses fiches racornies, les lumières jaunasses illuminant difficilement les allées. Les jeunes sont toujours là, à se rincer l’œil sur des photos d’un temps passé.

Ses épaules sont couvertes de créatures à huit pattes et en contrebas, les nouvelles nées claudiquent en direction des escaliers. D’un geste vif, il chasse les bestioles, remplacées immédiatement par d’autres, toujours plus nombreuses. Il recule, maintenant l’illusion dans le crâne de la petite sorcière mais percute Dame Zimmer. Les images dans la tête de la jeune femme s’effritent, perdent en intensité. Peu importe sa magie est affaiblie, permettant à la Reine des Arachnides de poursuivre son expérimentation.

Il se retourne, retire une bestiole de sa joue et s’adresse à la cheffe d’orchestre, tout en restant dans son rôle.

- Vous devriez vous mettre à l’abri ou chercher une sortie. Je crois que j’en ai vue une à l’arrière.

L’illusion destinée à la sorcière se dissipe et la bulle de Quietus se rompt alors qu’il rejoint Wilson. Il croise une femme, certainement celle qui a crié contre son Calice et qu’il n’a pas encore vue. Elle ne semble nullement tourmentée par la horde, juste agacée, voire ennuyée par l’insistance des araignées à vouloir grimper le long de ses membres. Délogeant une visiteuse impromptue dans son col, il retrouve le colosse du Voodoo Café.

- La porte ! On y va et ne te retourne pas.
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Dim 8 Jan - 18:31 (#)

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LA DEFERLANTE

Zimmer arise

Séparateur

Il y avait des jours où elle se demandait si le calme n’était pas quelque chose de parfaitement chiant et que sa routine solitaire n’était pas plus barbante que rassurante. Des fois, comme ce soir, elle espérait que le calme revienne alors qu’il s’était fait la malle, parce que, merde, si on pouvait éviter de vivre des trucs affreux, ce n’était pas plus mal. Et puis il y avait aussi ces moments où elle n’avait qu’une seule idée en tête.

- Espèce de gros sac à foutre de merde !! Je t’ai demandé de l’aide ?! nan je crois pas ! Putain mais c’est pas possible d’être à la fois mysogine, stupide et incompétent comme ça. Putain de merde ! Mêle-toi de ce qui te regarde la prochaine fois !

Comme quoi il ne suffisait pas d’avoir l’immortalité pour savoir utiliser ses doigts et son cerveau. Elle jeta un œil à l’extincteur s’éteignant misérablement sans faire le moindre dégât à l’étage inférieur puis un regard noir au vampire et enfin une araignée au visage pour faire bonne mesure. La nervosité ne lui allait pas du tout, et ce n’était pas l’absence de Serguey qui allait l’aider. Ni le bordel que foutait Wilson. Elle se demanda brièvement s’il n’était pas un peu tombé sur la tête, et elle n’était pas la seule à le penser, visiblement.

- C’est quoi ce truc…

Elle en avait vu des trucs étranges, qui ne faisait pas vraiment sens. Des esprits tous plus malaisants les uns que les autres par exemple, aux formes bizarres. Mais ce qu’elle voyait était bien vivant, sans pour autant faire sens. L’aura qui entourait la jeune femme énervée ne ressemblait à rien de connu pour elle. Et rien à voir avec le vampire à côté. Il y avait un sentiment de malaise croissant à mesure qu’elle l’observait et elle détourna les yeux, incapable de maintenir cette vision. Il se passait quoi exactement ? Des araignées par centaines, d’autres géantes sortant d’un corps mort, des vampires, sorciers, thérianthropes et humains coincés dans tout ce bordel et… ça. On aurait dit le début d’un mauvais film d’horreur. Et elle n’avait nullement envie d’attendre la fin pour savoir qui allait survivre. La seule chose rassurante fut de revoir Serguey surgir dans l’escalier, le montant quatre à quatre sans s’inquiéter des araignées sur son chemin. C’était bien la seule bonne nouvelle des dernières minutes.

- Il me semblait bien avoir entendue ta douce voix, Em’s.

Elle le fusilla du regard sans que cela ne le départe de son sourire. Ni de ses manières entreprenantes lorsqu’il glissa sa main dans son décolleté. Elle ouvrit la bouche pour le rabrouer, parce que c’était pas vraiment le moment, mais il en sortit une araignée qu’il jeta à son tour. Elle espérait que le vampire la boufferait aussi celle-là, tiens…

Leur groupe était plutôt hétéroclite. Une blessée, arcaniste à priori, que Serguey semblait connaitre et qu’il souleva sans le moindre effort. Wilson, qui avait décidé de transformer la librairie en domino géant. Le vampire débile. Une thérianthrope… un peu trop calme et froide au goût d’Emily. Et… l’autre truc qu’elle n’osait pas regarder. Une belle brochette qui avait intérêt à foutre le camp avant de finir en hachis pour arachnide. Elle sortit son téléphone, histoire d’alerter pompiers, flics et autre forces de l’ordre, découvrant avec hargne que le réseau était mort. Voilà qui était une sacrée coïncidence quand même…

Ça, le camion, les araignées, le rassemblement un peu trop étrange pour être naturel de tout un tas d’Eveillées variés. Trop beau pour être une coïncidence. Qui avait bien pu monter ce truc ? Dans quel but aussi ? Elle élimina Wilson, Serguey et elle-même de l’équation, pour des raisons évidentes. La sorcière semblait plus paumée qu’autre chose et était blessée, donc elle doutait qu’elle soit responsable. Le vampire… ça tenait la route après son sabotage « involontaire », mais depuis quand ils contrôlaient les araignées ? Restait aussi la thérianthrope. Sans connaître sa nature exacte, c’était de la pure spéculation, mais ça pouvait marcher. Ou alors… celle qui semblait simplement ennuyée d’être là avec son aura ultra creepy. Restait à savoir pourquoi être sur place si on déclenchait l’apocalypse arachnide…

Du coin de l’œil, elle aperçut le vampire et Wilson. Une sortie hein ? Serguey aussi observait le vampire, un air étrange sur le visage. Elle espérait que ces deux-là ne se connaissaient pas, parce qu’elle savait reconnaître de l’animosité quand elle en voyait.

- Bon, on fout le camp ?! Doit y avoir un moyen de quitter le bâtiment par le toit.

Elle avait suffisamment arpenté de bâtiment plus vieux que celui-là pour savoir que c’était le plus logique. Si les fenêtres étaient condamnées, passez par le toit. Et mieux valait faire vite parce que les araignées étaient pas le seul problème. Le pauvre libraire avait fini de manière horrible. Et le truc qui se formait au-dessus de son corps ne présageait rien de bon. La medium flanqua Serguey et le pressa un peu avant de jeter un œil à la blessée, parlant au duo à voix basse.

- Ça va aller ? Une idée de qui a foutu ce bordel ?

Elle avait bien sa petite idée, mais trois avis valaient mieux qu’un seul.



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Lun 9 Jan - 8:46 (#)

Le fracas grinçant des étagères se répercute dans le chaos ambiant. Chaque meuble s’écrase en une plainte de bois éraillé, accompagné des bruits étouffés des livres tombant au sol. L’homme immense que Salah veut visiblement sauver se fraie ainsi un chemin en cherchant une sortie tout en enjoignant aux autres de le suivre. La voix d’Alexandra surpasse les cris un instant pour manifester son mécontentement mais mon intérêt est attiré par la femme qui, une fois encore, pointe du doigt ma responsabilité dans cette histoire. Comment sait-elle ? Comment faire pour la faire taire sans manifester ouvertement que je suis la cause de tout cela ? Dans cet environnement devenu sauvage, l’instinct de l’arachnide prévaut et les mots me manquent pour me faire passer pour plus humaine que je ne le suis. La femme semble lasse et blessée, si j’arrive à attirer plus vite mes enfants vers moi, peut-être n’aura-t-elle plus l’occasion de proférer ses accusations turpides. Comme je l’avais déjà fait au cours de mes tests en forêt, je me laisse remplir par cet esprit glacial et mécanique, l’âme même de l’araignée qui semble attirer à elle ses enfants. La nuée s’approche et les quatre nouvelles nées jusque-là un peu désorientées se mettent en marche vers nous. Brusquement, un ressenti rare et venu d’un autre âge arrache le calme froid et placide qui vit dans mes entrailles. Mon cœur se met à battre plus vite, accompagné d’un souffle plus court, de muscles tétanisés, de pensées trop rapides et peu précises. Une réaction physiologique que je reconnais, semblable à celle qui habite de lointains souvenirs emplis de panique et d’enfer. De la peur. Cette sensation vient fracasser la méthode implacable qui habite mes songes. Subitement, mes pensées se tournent vers les trois jeunes et leurs hurlements pathétiques ainsi que vers cet homme trop virulent qui frappait à la porte comme un malade. Une seconde s’écoule, perdue dans le néant des émotions oubliées. S’il était venu noyer mon esprit dans celui de l’araignée, c’est justement parce que je n’avais pas su gérer ces affects trop brutaux et primitifs. Je sais encore moins les gérer aujourd’hui.

Sous la pression de ces sensations que je ne sais plus traiter, j’oublie la femme blessée et accusatrice, me déplaçant d’un pas rapide vers la balustrade de la mezzanine, m’y agrippant à en faire blanchir mes jointures. Je scrute en contre bas à la recherche des malheureux qui ont subitement pris de l’importance dans mon esprit. Je localise les trois adolescents sur lesquels des formes noires s’agitent. L’autre homme est déjà en chemin pour remonter. Je sais comment mettre à l’abri les trois jeunes. Il suffit d’attirer toutes les araignées à l’étage afin qu’ils soient en sécurité. Ma rationalité étant perdue dans l’explosion d’émotions ineptes, je reprends ce que j’entreprenais de faire tout à l’heure. J’attire à moi les araignées du rez-de-chaussée. Toutes les araignées, cette fois. Un tressaillement parcourt la nuée, et elles commencent à affluer, délaissant des toiles épaisses et grasses, abandonnant les trois jeunes qui ne bougent plus beaucoup et donc les hurlements se sont mués en plaintes sinistres. La marée noire s’approche de l’étage en oubliant leurs proies, comme mue par un seul esprit. Parmi elles, les corps massifs des quatre araignées démoniaques semblent être des îles mouvantes au milieu d’un océan de chitine. Le nuage arachnéen commence à escalader les escaliers et les murs pour répondre à mon appel. Il ne fait aucun doute que l’ombre terrible des arachnides se déploiera bientôt sur la mezzanine, mais mes cobayes le verront-ils ou bien sont-ils trop occupés à se dégager une sortie ? En contre bas, les silhouettes des trois adolescents se détachent sur fond de toiles blanches. L’un d’eux est morbidement immobile, mais les deux autres semblent encore remuer un peu. Même à cette distance, leur peau semble rougie, probablement par de nombreuses morsures d’araignées, mais pour l’heure ils sont en sécurité. Cette constatation semble calmer le tourment émotionnel, apaiser cet éveil physiologique honnie. Le reste de cet épisode bien trop vivace se fait enfin dévorer par l’océan glaciale de mon âme maudite, comme cela a toujours été le cas avec mes autres émotions. Le calme et la froideur reprennent leurs droits et je peux de nouveau penser de manière rationnelle.  Qu’est-ce qu’il vient de se passer au juste ? Mon regard se tourne vers la femme accusatrice, m’interrogeant à son sujet. Elle est désormais dans les bras du grand tapeur de portes et tous le groupe semble très concentré à l’idée de trouver une issue. Je recule de la balustrade, faisant mine de suivre le mouvement, me retrouvant face au vampire qui semble jouer le bon samaritain pour masquer son implication, peut-être. Déjà derrière moi le sol se teint de noir et l’étage s’assombri encore plus. Une patte longue et maigre s’accroche au rebords pour venir hisser sur la mezzanine un corps grotesque et massif.
Mes enfants approchent. Et ils ont faim.

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Lun 9 Jan - 14:04 (#)

IV

Un cri plaintif se fait entendre derrière moi alors que les vieux meubles branlants de l’étage s’effondrent durement sur mon passage forcé. De quoi attirer, un instant, mon attention. Une nouvelle tête se dresse là, inconnue au bataillon. Elle peste comme une ado rebelle en manque d’attention, vulgaire et inconsciente, m’insultant à tout va comme si se recevoir un bouquin sur la tronche était le principal danger à éviter. Habituellement, j’aurais laissé couler ses griefs sur moi comme une horde de vers sur une charogne infâme, mais là, j’ai pas trop la patience. Je me tourne vers elle, de toute ma hauteur, et l’apostrophe sans pincette :

« Ouvre les yeux, la mioche ! Et la ramène pas trop : y’en a qui essaient de sauver des vies, ici. »

Derrière moi, je m’en rends compte, la situation n’est pas des plus reluisantes : Emily insulte copieusement Salâh, qui apparaît pourtant comme une des personnes les plus censées du lot : il essaie de trouver une solution pour nous sortir de là. Serguey, heureusement sauf, tient dans ses bras la nana blessée des escaliers. Cette dernière semble vouloir s’en prendre à la brune qui venait de se faire mettre un lapin, en plus d’une invasion de bestioles octopodes.  Celle-ci s’inquiète d’ailleurs du sort de ceux restés au rez-de-chaussée, se penchant dangereusement par-dessus le balcon. Quelle empathie remarquable… Un modèle pour les autres jeunes femmes de la boutique, égoïstes et inconscientes du danger. J’ai envie de la soutenir, de la convaincre qu’aider est une vertu honorable, mais la réalité présente est toute autre : tout le monde ne sortira pas vivant d’ici. Les adolescents, en bas, ne crient plus mais gémissent. Leurs corps, sans aucun doute, crépitent sous les morsures cinglantes. Il n’est plus l’heure de s’en inquiéter : ils sont morts. Ils finiront en viande hachée, comme le vieux libraire. Je m’en vais pour presser tout ce beau monde de se bouger le fion pour sortir de ce guet-apens complètement dingue, mais les mots restent bloqués dans ma gorge.

Derrière le groupe survivant, alors que j’assiste aux premières loges à ce spectacle terrifiant, la horde d’araignées grimpant du bas des escaliers s’amasse de plus belle, tel un magma sordide et noirâtre aux pattes bien trop nombreuses. Et bien trop empressées de nous fondre sur la tronche sans plus tarder. Elles agissent comme une vague, prêtes à ensevelir toute vie ici présente de leur présence infâme. Bon sang, et moi qui en faisais l’apologie quelques instants plus tôt. Ça m’apprendra à méjuger les puissances obscures de la nature.

Je reste coi, figé dans une position mêlant crainte et subjugation, incapable de bouger, incapable de parler, incapable d’agir. Bouche bée, bras ballants, jambes arquées et contractées. Je ne retrouve la raison que lorsqu’une morsure point sur ma gorge, plus douloureuse que celles qui affluent sur mes avant-bras depuis que je me suis mis en tête de dégager un passage de force à travers leur forêt de soie. D’un revers de main, j’envoie s’écraser au sol la responsable hargneuse de cette douleur pourtant salvatrice : j’ai repris conscience de l’urgence de la situation, et comme un écho à cette douleur, Salâh m’enjoint à rejoindre la porte arrière, et je l’écoute sans tarder, me retournant de plus belle vers les rayonnages pour défoncer tout sur mon passage. Très vite, cette fois, mon travail paie et la voie se libère vers l’issue de secours. Je hurle à l’attention des autres :

« Ici ! Magnez-vous ! »

Et d’un geste rageur, sueur collée au visage, tant sous l’effort que sous les trop nombreuses morsures qui commencent à me ronger d’un venin délétère, je grimpe les escaliers me séparant du toit et j’ouvre la porte à la volée sans la moindre délicatesse. Mais alors qu’elle s’abat bruyamment contre le mur, je me fige à nouveau, terrifié : la porte mène certes au toit plat du bâtiment, mais celui-ci ne donne que sur du vide. Je constate, me ruant à l'extérieur, que l’échelle usuelle à tout bâtiment public est manquante. Pire : elle git au sol en contrebas. Sabotage ? Manque de vigilance du proprio laissant aller à vau-l’eau sa bâtisse délabrée ? Nous en payons les conséquences à cet instant. C’est trop haut pour sauter, sans aucun doute. Je me retourne, défait, face aux âmes innocentes qui risquent de périr à mes côtés. Comment leur annoncer la funeste nouvelle ? Mes yeux se fixent sur ceux du vampire. Lui, il a la puissance des dieux, les pouvoirs des morts. Il est notre phare dans cette obscurité macabre s’abattant sur nous sans nous laisser comme choix que de fuir ou succomber. Mon regard se fait implorant, j’en appelle muettement à sa grandeur ultime, être surnaturel, seule solution à ce massacre en prévision. Qu’il ait pitié de nous, pauvres mortels faibles et à la merci de l’horreur.

Ma tête tourne, je sens mon esprit commencer à s’embrumer. Ma conscience m’échapper. Il faut que je tienne. Il faut que je tienne.




Quéquifait ?:
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
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Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Mar 10 Jan - 19:06 (#)

La déferlante

On sauvait des vies. Et ça, c’était un fiasco.
Comme venait de me hurler le balourd au crâne d’œuf, je suis bien forcée de constater que tout cet amas de viande en panique respirait et hurlait encore. Moi, je suis restée un court instant stupéfaite, immobile au milieu de l’allée où cavalaient tous ces humains qui auraient dû être étripé par les soins de la vieille. J’ai jeté un coup d’œil vers la coupable, qui s’est précipitée contre la balustrade pour admirer le panorama de la librairie submergée par sa propre horde. Au point d’en oublier l’insulte assez minable du balourd.

Qu’est-ce qu’elle foutait, bordel ? Tout cela aurait déjà dû être de la viande froide à cette heure-ci, et moi j’aurais dû être en route vers mon appartement pour me payer une pizza, peinarde.

« Hé, attends, HÉ !... » hurlai-je à l’adresse du balourd qui se barrait sans se retourner, en continuant de flanquer tout le mobilier par terre. « Mais putain de tête de cul, tu crois que tu vas sauver ta gueule en faisant crouler l’étage ?! »

À croire que c’était la nuit des cons. Je me suis tournée à l’opposé où l’exhibitionniste criait sur l’autre idiot du soir avec une délicatesse que je n’aurais pas renié. Elle remontait dans mon estime. Chapeau, parfois il faut savoir s’incliner. Mokhtar Al Connard m’a dépassé sans un mot, après avoir distribué les directives vers une issue de secours condamnée d’avance ; moi je suis restée là, en essayant de calmer la frustration qui me tordait les tripes. Sérieusement : qu’est-ce que foutait la vieille depuis tout ce temps ? Je lui avais servi sa foutu expérience glauque sur un plateau d’argent et la moitié de ces idiots n’étaient même pas morts.

« Sérieusement, c’est quoi ce bordel, » ai-je râlé en envoyant bouler les araignées sur mes chaussures, alors que la caravane de péquins passait devant moi.

J’ai louché sur la brune que portait le mâle exhibitionniste. Ses traits m’ont paru familiers. J’ai essayé de me remémorer les connaissances de l’ancienne Alexandra, la version humaine, mais tout était brouillé par la colère naissante au fond de moi. On n’avait pas parlé dans un bar il y a un bail ? ai-je pensé avant de laisser tomber. Il y avait plus urgent, et de toute manière, les souvenirs d’Alexandra l’humaine avaient toujours eu du mal à refaire surface. Je me suis tournée furieusement vers la vieille, laquelle semblait très occupée à fixer le rez-de-chaussée, où la horde d’arachnides semblait bel et bien escalader murs et plafonds.

Puis, tout est devenu noir. L’électrice a rendu l’âme.

J’ai perdu de vue le troupeau. Les lampes et les plafonniers ont grésillé avant de s’éteindre subitement, très certainement court-circuités par le magma d’insectes qui s’infiltrait partout. J’ai juré dans l’obscurité. Le sol de la mezzanine a tremblé violemment quand les dernières bibliothèques se sont écroulées comme un bel ensemble de dominos, accompagné d’un sinistre craquement tout près de moi. J’ai tâtonné au hasard dans ce noir d’encre. J’ai brusquement senti une marée de corps velus, froids et minuscules qui m’escaladaient de partout, en s’infiltrant dans mes vêtements et dans tous les recoins possibles.

« Mais putain de... »

Pas moyen de dire mieux. Les arachnides m’ont enveloppé comme un sac duveteux de cils et de cheveux rampants, et dans le noir je n’ai pu que trébucher sur les livres bazardés partout, en cherchant des repères solides. Non pas que les bestioles de la vieille m’effrayaient, elles essayaient vainement de me mordre pour certaines, mais dans cette obscurité, je n’arrêtais pas de buter contre les rayonnages que cet abruti avait envoyé par terre. Je me suis secouée dans tous les sens pour me débarrasser des emmerdeuses velues, en crachant et en soufflant les intruses qui me rentraient dans la bouche ou les narines.

C’est vraiment une putain de réussite, m’man. Plus je me débarrassais des araignées sur mon corps, plus d’autres venaient se joindre à la fête. J’étais enveloppée dans une combinaison mouvante, un maillage de milliers de pattes crochues. Ma main droite a fini par saisir par hasard la balustrade, laquelle a aussitôt retenti d’un craquement de mauvaise augure. Je n’ai pas pu anticiper. Le bois, sans doute vieux et fragilisé par les chocs que le balourd avait infligé à la mezzanine, a cédé sous mon poids et celui de l’amas de bestioles. Je me suis sentie basculer vers l’avant, totalement prise au dépourvu par la perte d’équilibre.

J’aurais pu crier. Mais je n’avais pas envie d’avaler une bestiole. Seule une bouffée de haine pour ma mère a traversé mes pensées, tandis que je tombais de la mezzanine vers l’obscurité du rez-de-chaussée. Mon épaule a violemment heurté le haut d’une bibliothèque du bas, qui a vacillé sous l’impact ; j’ai rebondi dessus, puis contre l’autre bibliothèque adjacente, avant de finalement valdinguer contre le sol. Mon crâne a heurté le plancher avec un bruit sourd qui a résonné dans tous mes os, comme si l’on frappait un socle de pierre avec un marteau. J’ai entendu un craquement supplémentaire, juste avant de comprendre.

Une avalanche de livres m’est tombée dessus, comme la première bibliothèque que j’avais heurté était en train de s’écrouler sur moi. J’ai juste eu le temps de croiser les bras et de me replier sur moi-même, avant que le meuble ne s’écrase sur moi, les insectes et tout l’amas de bouquins sur ma pomme. Tout ce poids m’a coupé violemment le souffle. Ce second choc m’a envoyé des étoiles dans le crâne, et je suis restée ainsi dans l’obscurité de ce tas de boiseries, légèrement assommée par la succession de chocs. Les bestioles de la vieille ont fini par abandonner mon corps, sans doute lassées, ou comprenant enfin que j’étais semblable à elles, non comestible.

Je suis restée immobile un moment. Récupérer. Bouillonner. Jamais plus j’écoute les plans de la vieille, ai-je ruminé en silence, écrasée sous l’ameublement. J’ai essayé de remuer les jambes, en vain. Tout était trop lourd pour mon corps d’humaine, aussi résistant qu’il soit. J’ai essayé de calmer ma respiration. J’ai poussé des deux mains contre le pan de bibliothèque au-dessus de moi, mais ma tête s’est aussitôt mise à tourner ; de toute façon, je n’étais pas capable de soulever tout ça. J’ai essayé de me calmer. En vain, là aussi.

Une colère montait au fond de moi, et la frustration d’être coincée là-dessous n’arrangeait rien. Je savais ce qui allait venir. Tout ça était la goutte de trop. La vieille n’était pas capable de s’occuper d’une poignée de péquins humains ? Bien. Très bien. J’allais encore devoir tout faire moi-même.



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When witches don't fight, we burn
Odelia di Stasio
Odelia di Stasio
When witches don't fight, we burn
AB UNO DICE OMNES

En un mot : some ghost
Qui es-tu ? : Φ sorcière rouge de 29 ans, constamment en recherche de sensations fortes.
Φ offre son énergie à l'Arch, association ayant pour but d'accompagner les CESS dans leur intégration dans la ville. La fondatrice et chamane Yelena Tehrt, est son mentor.
Φ bien qu'elle l'ignore, fût élevée par des purificateurs. Ceux-ci ont tout fait pour dissimuler la vraie nature de sa magie. Bien que tentant désormais de combler les années perdues, sa maîtrise des arcanes reste instable.
Φ professeure de danse classique, anciennement en tournée avec une compagnie de ballet.
Φ installée à shreveport depuis 2013. habite actuellement mooringsport, à la frontière du triangle de foi.
Facultés : MANIPULATION DES ENERGIES VITALES
Φ Manipulation des émotions. Injection, détection, effacement, remplacement des émotions. maîtrisé
Φ Utilisation des émotions dans sa magie. plutôt bien maîtrisé
Φ Manipulation des auras. Modification, dissimulation de parties d'auras. très peu maîtrisé
______________

Φ Lecture d'auras. Emotion, race, inclinaison, forme d'un thérianthrope.
Φ Capable de sentir les esprits mais mal à l'aise avec tout ce qui y a trait.
Thème : We Are Gods - Audiomachine
La déferlante || Zimmer Arise Pose-dramatic
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Sam 14 Jan - 11:20 (#)


LA DEFERLANTE

librairie , mansfield
6 juillet 2021



Tout se tait autour d’elle. Sans qu’elle ne puisse l’expliquer, son ouïe lui signale un problème. Elle pense tout d’abord que ses oreilles sont bouchées, mais c’est plus que cela : elle a beau voir les lèvres des malheureux alentour se mouvoir, aucun son ne lui parvient, et ceux-ci ne sont pas simplement étouffés. Odelia prononce des mots au hasard, s’assurant que ses tympans ne l’ont pas totalement lâchée et s’entend : on l’a isolée, mise de côté, par elle ne sait quelle diablerie. Heureusement, les tentacules ne sont pas touchées : Emma se rapproche de la balustrade et semble contrariée, lui indiquant que son sort fonctionne. Pour combien de temps néanmoins ? Qu’est-elle en train de subir ? Le paysage lui-même s’effrite. Elle est comme renvoyée dans le passé. A moins que tout cela n’ait été qu’un cauchemar éveillé ? La sorcière dévisage, pleine d’incompréhension, le libraire toujours en un seul morceau. Elle tourne la tête vers les éclats de voix des adolescents derrière elle. Son cœur s’emplit de soulagement. Elle veut croire qu’ils sont encore là. Pourtant, les sons demeurent étouffés. L’écho étrange autour d’elle lui murmure que ce n’est pas la réalité.

Le son revient. Le décor. La douleur aussi. Il lui faut quelques longues secondes pour se réhabituer à une réalité chaotique, à la suite desquelles Serguey entre dans son champ de vision et la décolle du sol. Son coeur bat la chamade, aussi ferme-t-elle les yeux un instant pour se concentrer sur son souffle et éviter une éventuelle crise de panique. « Enfin une compensation pour tout ce que tu as fait subir à mon foie. » plaisante-t-elle en revenant pour de bon. Elle était heureuse de le voir apparaître. Elle n’aurait pas sa vie à ajouter à la longue liste de ses échecs cuisants, ce qui constituait un sacré soulagement. « Increvable. » conclut-elle d’une mine réjouie. Sa tête se tourne finalement vers Emily qui les questionne sur l’identité des coupables. Odelia pensait avoir pas mal radoté sur le sujet déjà. De toute évidence, personne n’avait réellement pris la peine de l’écouter. Pouvait-elle les blâmer ? Elle ne passait que pour une damoiselle en détresse quand une question de vie ou de mort agitait les esprits de ces animaux en cage. « La femme derrière nous. C’est une garou chitineuse. Insectes, araignées, … Le vampire assure ses arrières - le gros con qu’on peut pas louper. » conclut-elle en indiquant le dernier désigné d’un mouvement de tête accompagné d’un regard noir. Pour elle, c’était à moitié de sa faute. Il s’était toujours assuré que toutes les tentatives qu’elle avait déployé pour les aider échouent successivement. Peu probable qu’ils ne travaillent pas de concert. « Ce serait le bon moment de sortir de la retraite. » signale-t-elle donc à Serguey, en sachant pertinemment que ça ne risquait pas d’arriver miraculeusement, même s’il s’agirait définitivement de l’occasion parfaite. Quoi de mieux que l’instinct de survie pour vous réconcilier avec la part de votre identité que vous enfouissiez si profondément qu’elle vous semblait disparue à tout jamais ? « Mais t’es déjà d’une utilité inespérée. Merci. Pitié me lâche pas. » tenta-t-elle de se rattraper avant de se tourner vers sa compagne du jour. « Quelles sont tes… particularités ? » C’était une Eveillée, une outre plus exactement. Si elle en avait vu passer quelques-unes via l’Arch, elle avait toujours du mal à saisir l’intégralité de leur essence. Plusieurs clans s’en délectaient pourtant – ils devaient donc être utiles, assurément. Peut-être pouvait-elle aider.

Le noir tombe. Pour une raison inconnue, toutes les lumières s’éteignent simultanément, plongeant la librairie et ses dernières bribes d’espoir dans les profonds ténèbres de la nuit. Il n’y avait plus rien à faire ici-bas. Elle se contorsionna quelque peu entre les bras de l’estonien pour extirper son téléphone dépourvu de réseau de sa poche et actionner la lampe torche faute de mieux. La lassitude et le désespoir, doucement, commençaient à s’insinuer. « Quand tu veux. »


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Mer 18 Jan - 10:56 (#)

Un halo de lumière incertain s’échoue dans un rectangle bien défini de la librairie. Clarté artificielle et lointaine venant des lampadaires, cherchant à trouer la nuit. Il n’aime pas cet artifice moderne, préférant de loin les lampes à gaz ou même les torches aux flammes tressautantes. Autre temps, autre univers, c’est ainsi. Il ne peut influer sur les avancées technologies, juste s’y acclimater.

Wilson se rue dans l’ouverture, suivant les conseils de l’Immortel pour déboucher sur le toit de l’immeuble. Une question se forme dans la tête de l’Ancien, imaginant la horde d’octopode s’éparpiller aux quatre vents. Vont-elles proliférer, se multiplier afin de former une masse indomptable ? Un Chaos sans nom pourrait éclore, pour sa plus grande satisfaction.

Une injonction venimeuse le tire de ses considérations, déformant ses traits. Usant instinctivement de sa vitesse, il rejoint la petite catin au décolleté blasphématoire et, d’un revers de la main, vise la joue de l’insolente. Son geste est retenu, il ne souhaite pas sa mort, trop de témoins sont présents. Il garde, néanmoins, l’œil attentif sur le colosse estonien, lui adressant un avertissement.

- N’y pense même pas Serguey si tu tiens un temps soit peu à la vie de ton petit jouet.

Il se fiche totalement de l’advenir de la jeune femme, même s’il doit faire un énorme effort pour contenir sa rage. Il la retrouvera, un jour, et pourra l’isoler afin de lui faire payer correctement l’affront qu’elle vient de lui faire.

Les araignées sont de plus en plus nombreuses, formant un chaperon sombre et grouillant sur ses épaules et sa tête. Il a beau les chasser, elles sont coriaces et s’attaquent déjà à ses vêtements. Elles se faufilent sous sa chemise, courent sur son épiderme. Sensation étrange et dérangeante qu’il exècre.

Une masse d’arachnide, munie d’une paire de jambes, troue les spectateurs, se rue sur la balustrade et finit par tomber dans le vide. La chute est rude mais il trouve le mouvement assez acrobatique. Un coup d’œil est jeté en contrebas tout en restant sur ces gardes. Serguey est du genre fourbe, recevoir une armoire à glace sur le dos, lancée en plein sprint, n’est pas ce qu’il préfère et son temps, n’est pas encore venu. Salâh s’est juré d’avoir une discussion avec cet homme, mais pas ce soir, pas dans ces circonstances, ce n’est ni le lieu, ni le moment. La personne qui a sombré remue faiblement, c’est à peine perceptible, la pénombre ne l’a jamais dérangé. Intrigué, il se demande par quel artifice, la chose qui a dégringolé est encore en vie. La réponse viendra très certainement d’elle-même et bien assez vite.

Dame Zimmer ne semble pas surprise, mais il éprouve beaucoup de de mal à sonder son alliée. Il s’abstient de tout commentaire cherchant à tendre l’oreille vers l’amas de livres. Quelque chose s’éveille sans qu’il puisse le nommer.

Mais déjà, son attention est déviée. La sorcière accuse. Dans la nuit ambiante, il sourit et se dirige d’un pas lourd vers la porte précédemment empruntée par son Calice. Ce faisant, il bouscule volontairement Serguey et lui interdit le passage en se retournant afin de lui faire face. La pâle lumière éclaire le visage du Corbeau Rouge, masquant le sien. Il ne s’adresse point au sorcier déchu mais à l’ingénue qu’il tient dans ces bras.

- Tu as la langue bien pendue… et si c’était toi l’instigatrice de tout ce remue-ménage. Ne dit-on pas que celui qui crie le plus fort, masque ces méfaits ? D’un geste vindicatif, il se débarrasse tant bien que mal des arachnides. Tu étais au fond de la boutique, personne ne pouvait voir ce que tu manigançais… Je suis ce que tu dis, tout le monde le sait ici, mais je ne vous ai causé aucun tort. Méfie-toi de qui tu accuses.

Une nouvelle vague déferle, entraînant avec elle, les deux monstruosités nettement plus imposantes que leurs congénères. Un coup de pied bien placé saurait les envoyer valdinguer à l’autre bout de l’échoppe, mais il ne s’y aventure pas, laissant cette tâche au « bienveillant » Serguey, chevalier servant de ces dames.

Tournant le dos à son publique, il retrouve Wilson à l’air libre et constate le traquenard. Rapidement, il fait le tour du toit, tout en observant ce qui se trouve en contre-bas. L’échelle de secours gît au sol, n’offrant aucune possibilité d’évasion. Par contre, le camion bloquant la porte d’entrée est toujours là, réduisant considérablement la hauteur. L’entreprise de piéger les occupants de la librairie, va finalement leur permettre de fuir, sans se briser les deux jambes… au mieux.

- Wil’, ici ! Passe devant, j’attends les autres.

Mensonge éhonté. Dame Zimmer n’avait pas besoin d’aide, elle est dans son élément, Serguey saura se débrouiller, ce ne sont pas quelques mètres de chute libre qui vont l’effrayer. Quant à la catin et la sorcière, si elles s’échouent sur le bitume, que lui importe. Elles ne sont rien à ses yeux. Mais connaissant la nature humaine, elles profiteront de l’opportunité de sa découverte et emprunteront très certainement le même itinéraire.

Il presse le colosse en posant une main rassurante sur son épaule, l’encourageant à regarder l’échelle de géant, constituée de l’immense semi-remorque.

- Tu peux le faire, descends, tu réceptionneras les autres une fois en bas.


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Lun 23 Jan - 0:40 (#)

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Zimmer arise

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Deux choses fourmillaient inlassablement dans la librairie ce soir-là. La première : Les araignées. Les centaines, mils d’araignées qui recouvraient le sol, les murs et le plafond et tombaient sur chaque personne encore présente en une pluie sombre et grouillante. Désagréable. Chaque pas s’accompagnait de balayage des mains sur chaque centimètre de son corps et cela devenait sacrément énervant de sentir les bestioles tenter de grimper sur ses jambes ou e s’installer dans les replis de ses vêtements. Emily avait beau en écraser, d’autres, toujours plus nombreuses, prenaient la place de celles tombées. Il valait mieux sortir et suivre le chemin ouvert par le mastodonte noir. Il ne plaisantait pas, le chef de bar.

La deuxième chose qui fourmillait était la fureur sous la peau de l’outre. Elle avait encaissé le coup, sa tête partant brusquement sur le côté. Le goût du sang empli sa bouche. Surprise, mais pas assez pour rester sans réagir. Ce fils de pute n’allait pas le voir venir. Oh un vampire était peut-être coriace, mais personne ne pouvait se défendre avec le crane défoncé. Et ce n’était pas les trucs lourds qui manquaient dans le coin. Mais le bras de Serguey et son regard enjoignirent la portraitiste au calme. Une mise en garde et la jeune femme ravala ses insultes et sa colère, crachant tout de même une glaire ensanglantée sur le sol, à défaut de cracher autre chose à la tronche du vampire.

Et voilà que canines pointues essayait de se dédouaner. La bonne blague. Emily ne croyait pas une seconde à ses conneries et renifla dédaigneusement. Elle n’était pas stupide et cet enfoiré était mêlé à tout ça, d’une manière ou d’une autre, sans doute comme l’avait dit l’arcaniste que Serguey portait. Les épaules de l’estonien commençaient d’ailleurs à se recouvrir d’araignées, ses mains prises l’empêchant de s’en débarrasser. Elle tourna son regard une brève seconde vers la blessée dans les bras de Serguey. Elle eut envie de sortir un truc piquant, sans trop savoir pourquoi, mais resta simple. C’était pas le moment de faire la paonne.

- Rien qui nous aidera dans l’immédiat. On sort, on verra ensuite.

Car, du coin de l’œil, elle vit quelque chose qui le lui plut pas du tout. Rien à voir avec un esprit, mais quelque chose de sans doute bien pire. Elle n’en était pas certaine, mais il lui semblait que quelqu’un était tombé à l’étage inférieur. Dans la cacophonie, elle n’avait pas eu le temps e voir qui, ni d’être certaine qu’elle ait perçu ça correctement. Mais en voyant l’aura qui commençait à enfler, elle savait une chose. Il fallait foutre le camp au plus vite. S’ils restaient, ils allaient y passer, et pas forcément parce que des araignées venaient leur boulotter les chevilles.

Elle se débarrassa de nouvelles araignées, de plus en plus écœurée et énervée par la situation qui s’aggravait de minute en minute. C’était un tel bordel qu’il était difficile de comprendre comment tout ça avait pu dégénérer en si peu de temps. Plusieurs endroits sur sa peau commençaient à la démanger et un à lui faire mal. Enfin deux, en comptant sa joue déjà rougi par l’attaque immature du vampire. IL était tant de sortir de là. Au pas de course, ils commencèrent à suivre Wilson et, après un regard en arrière pour diable savait quelle raison, Emily décida de se remettre au sport. Voir des araignées partout, d’accord. C’est dégueu, ça grouille, ça pique, ça gratte, c’est chiant. En voir de la taille de chien qui commence à se balader à l’étage, ça faisait carrément flipper et elle ressentit un frisson équivalent à une plongée en eau glacée. Le genre de moment qu’elle ressentait face à ses premiers spectres malfaisants lorsqu’elle était sous la houlette de Heinz. Pas le genre de sensation rassurante et agréable. Elle sprinta quand la saloperie se jeta en avant et s’encastra dans une étagère déjà bien malmenée. Une sensation de brulure lui zébra le dos et elle accéléra en criant.

- Ooooooh, putain de bordel de merde !

Serguey était plus grand et, même avec son poids dans les bras, il arriva à la porte avant elle. Mais elle ne lui laissa pas le temps de se tourner vers elle, déboula et claqua la porte d’un coup sec en espérant que cette antiquité tienne un peu le temps de leur laisser trouver une solution pour se sortir de là. Il y avait bien longtemps qu’elle ne priait plus et avait relégué à un concept bon à lui faire rouler des yeux. Mais là, tout de suite, elle songea sérieusement à lui envoyer une petite prière, un pardon et tout le tintouin, juste pour la beauté du geste… Pas comme s’il allait répondre, de toute façon.

Prenant le temps de reprendre son souffle, la jeune femme avisa Serguey qui soufflait aussi, même s’il semblait avoir moins de problèmes qu’elle. Une seule question leur vint

- C’était quoi cette horreur ?

- Comme si je savais !

Elle grimaça, sentant un liquide chaud lentement couler dans son dos. Elle l’avait pas loupé cette saleté. Au moins elle n’avait pas coupé son soutif, le vampire serait devenu fou si elle commençait à se balader avec vraiment les seins à l’air. Un vampire aussi coincé que les curetons, elle aurait vraiment tout vu … Et voilà qu’il encourageait Wilson à sauter du toit. Elle n’était pas pour ôter la vie ou la non-vie sans raison, mais elle pouvait faire une exception pour ce vampire là et fermer les yeux. Elle se tourna vers la sorcière... mage… arcaniste ? Celle dans les bras de Serguey.

- Je vous crois sans problème. Il y a un truc de louche concernant ces deux-là. Et aussi une autre. Plus jeune. J’ai pas réussi à comprendre son aura, et c’est pas normal…

Elle jeta un œil autour d’elle, se secouant pour enlever les araignées qui trainaient encore un peu partout, les écrasant pour faire bonne mesure. Avec la porte fermée, elles allaient avoir du mal à sortir. Quoi que les grosses allaient peut-être la bouffer… Elle frissonna de dégoût.

- Bon, on fout le camp ? Wilson ?! T’es sûr de ton coup, là ?



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