Le Deal du moment : -17%
(Black Friday) Apple watch Apple SE GPS + Cellular ...
Voir le deal
249 €

Ghosts of Paris

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Anonymous
Invité
Invité
Sam 20 Mai - 1:55 (#)

Périphérie nord de Paris, juin 1920 ☾


Près de dix ans après son réveil, elle n’a pas résisté à la tentation. S’approcher de son Sire, le sentir à sa portée, sans jamais oser l’appeler à elle. Les instructions ont été claires : Myrtle n’est pas la bienvenue chez les Lanuit, probablement n’est-elle pas non plus la bienvenue sur leur territoire, mais elle ne fait que passer. Sa curiosité se limite aux bas quartiers de la ville tentaculaire, où la criminalité règne et où s’exprime un florilège de fantasmes frivoles ou grotesques. Le Paris des bars mal famés, des prostituées habillées à la mode Coco Chanel et des cadavres repéchés dans la Seine. Elle n’est que de passage, mais après des années d’errance dans la province profonde, l’Immortelle a eu envie de voir la capitale de l’après-guerre.

La nuit, quelques calèches battent encore le pavé, rescapées d’une époque qui les a remplacées par ces véhicules à moteur bruyants et puants. Les hommes respectables semblent tous conçus sur le même modèle : avec leurs costumes trois pièces, leurs cravates et leurs chapeau fedora. A leur bras, les femmes arborent des coupes de cheveux aussi outrageusement courtes que leurs jupes. Myrtle trouve hideux leurs couvre-chef en cloche, les colliers de perles et les bandeaux à plumes. Dix ans de Torpeur, dix autres de retraite, et elle ne reconnait plus ce pays.

*

Périphérie nord de Paris, août 1920 ☾


La caïnite s’habitue peu à peu à l’étrangeté de la région. Elle a élu domicile au nord de la Porte de la Chapelle, dans une bicoque abandonnée à son sort depuis que le couple d’anciens propriétaires s’y est pendu. Personne ne veut racheter une habitation frappée par la mort, et cela l’arrange très bien. L’endroit dispose d’une cave humide, infestée par les rats, mais totalement préservée des rayons solaires. L’Immortelle n’a eu qu’à y descendre un cercueil volé dans une boutique de pompes funèbres – seul coffre à sa taille – et à poser un énorme verrou sur la trappe. La nuit, quand elle ne sort pas chasser, elle se fait quelques francs comme serveuse dans un de ces Music-hall absurdes de provocation. Son rôle lui impose de porter une tenue terriblement légère et de supporter les mains baladeuses qui s’immiscent parfois entre ses cuisses. C’est le prix de sa tranquillité, bien qu’elle ait brisé une main la première fois, en réagissant par instinct. De temps en temps, un client qui s’est avéré trop insistant est retrouvé égorgé dans sa voiture au petit matin, garé à proximité d’un bordel et soulagé de tous ses effets de valeurs. La police n’a pas les éléments, le temps ni l’effectif pour creuser les circonstances de ces crimes ; pas dans ces quartiers obscures.

*

Périphérie nord de Paris, septembre 1920 ☾


Son quotidien est perturbé par les rumeurs qui circulent de sa localité à Pigalle : plusieurs cas de dépouilles retrouvées totalement exsangues, dans les ruelles mal fréquentées d’une capitale nocturne. Dans la mesure où les victimes ne sont que des miséreux, des escrocs, des prostituées et des hommes-femmes, l’inquiétude se répand principalement parmi les tranches basses de la société. Le parallèle avec un certain Jack l’Eventreur d’Outre-Manche est sur toutes les lèvres, et avec la montée de l'insécurité, Myrtle est confrontée à deux problèmes. Le premier, c’est que les proies se raréfient, car plus prudentes, et donc plus difficiles à isoler. Le second, c’est que ces « vaguelettes » peuvent devenir des rouleaux qui attireront l’attention de l’Essaim. Car nul besoin d'être érudit pour comprendre qu’il s’agit d’un vampire, et elle n’a pas envie de se faire coller les crimes d'un autre sur le dos…
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Lun 22 Mai - 4:05 (#)

Goutte d’Or, juillet 1920.

Son réveil est rude, emprunt par la faiblesse de son état, et accompagné d’une Soif violente. L’esprit embrumé, hanté par des instincts de prédation prenant le pas sur toute maîtrise, Luther se jette sur les deux humains laissés à sa portée. La chair est mordue avec violence, le sang chaud coule abondamment, mais peu importe: le vampire s’abreuve sans fin, assoiffé depuis des années, nullement préoccupé par ces individus dont la vie s’arrête aussitôt. L’impression de vivre à nouveau est grisante, et bien qu’il ne soit pas totalement repu, ce repas est suffisant pour l’aider à retrouver ses esprits: là seulement, il aperçoit les deux corps sans vie au sol, leurs gorges presque déchiquetées. Ceux les ayant menés jusqu’ici tenaient à les sacrifier, vraisemblablement.

Tu n’as pas fait dans la dentelle. Une voix familière s’élève, dans cette cave laissée à l’abandon. La silhouette d’un homme apparait, une fois une trappe d’entrée ouverte, constatant les dégâts: il faut peu de temps à Luther pour reconnaître le Marqué de son Sire. Harold. James est parti avec le reste du clan, commence-t-il, sans attendre que le vampire prononce le moindre mot. Où ? Première parole émise depuis un quart de siècle, il en oublie presque le son de sa voix. N’essaie pas de les rejoindre, conseille le Marqué avec réprobation. Tu n’auras pas le droit à la moindre clémence. Il ne lui fait cependant pas l’affront de préciser à quel point James se trouve loin, désormais: le vampire le sait déjà.

Si Harold lui donne quelques informations sur les événements ayant eu lieu durant sa Torpeur, il s’en va néanmoins bien vite, le laissant seul. En s’assurant que son Sire n’appartienne uniquement à lui, Luther l’a définitivement perdu.

-

Fort Monjol, août 1920.

Difficile de faire plus bas en terme de classe sociale, dans ce quartier se trouvant non loin des Buttes Chaumont: la misère y est imprégnée, marquée de toute part, symbolisée par un pâté de maisons miséreuses. Dedans s’y entassent les personnes subissant la pauvreté, affublées de guenilles, n’ayant pour unique travail celui de forçats. C’est aussi ici que s’échouent les tapineuses chassées des maisons closes, leur beauté d’antan disparue ou leur santé décrépie: toutes finissent dans endroit lugubre où le travail ne manque guère. Ces belles-de-nuit portent plutôt bien leur nom: seule l’obscurité les rend plus agréables aux yeux des hommes achetant leurs services. Enfin ça, c’est ce que Luther suppose.

Lui ne vient pas pour un besoin charnel, perdu depuis longtemps. Il n’en a pas l’utilité, et surtout, il ne viendrait pas dans un tel lieu pour ça. Non si le vampire se trouve là, c’est tout simplement pour se nourrir. Sa sortie de Torpeur a beau déjà dater d’un mois, la maîtrise de sa Soif reste encore… approximative. Alors, quoi de mieux que les bas fonds de Paris pour tenter de la canaliser ? Ici, personne -ou presque- ne s’interroge sur la disparition de pauvres gens... Peu importe la manière dont ils finissent dans ce cas, n’est-ce pas ?

La prostituée, tout juste vidée de son sang, est laissée sur son lit crasseux par Luther: son expression d’horreur, tout comme l’état de sa gorge, laissera certainement peu de doutes quant aux raisons de sa mort. Le vampire observe son visage figé par la mort, non sans retenir une moue de dégoût: heureusement que son sang était buvable au moins, non souillé par de la piquette. Toujours est-il qu’avant de repartir, il s’empare du peu d’économies possédées par la miséreuse, avant d’à nouveau disparaître dans les rues noueuses du quartier… à la recherche d’un autre sang à boire. Sans mort, si possible.

-

Goutte d’Or, septembre 1920.

Petit à petit, des rumeurs commencent à courir dans les quartiers défavorisés, concernant des dépouilles retrouvées vidées de leur sang. Résultat des méfaits de Luther. Face à une nouvelle époque qu’il découvre à peine, le vampire se sent déraciné. Perdu. Seul. Et il est certainement peu prudent qu’à peine sorti de la Torpeur il se retrouve ainsi isolé, comprenant difficilement cette nouvelle société… Surtout en peinant toujours à avoir une pleine emprise sur sa Soif.

Et sans grande surprise, les miséreux en font les frais.

Cette nuit-là ne déroge pas des autres. Les proies ont beau commencer à se raréfier en devenant plus prudentes, il suffit à Luther de piocher parmi les esseulés, dont personne n’attend le retour au sein d’un foyer. C’est de cette manière qu’en l’espace de quelques jours, il repère un jeune homme, semblable à un vagabond: la cible parfaite, d’une certaine manière. Il le leurre avec la promesse d’un emploi bien payé, ses habits de bonne qualité allant dans son sens, et sa future victime tombe dans le piège aisément. La promesse d’argent est trop belle pour refuser.

Il l’entraîne ensuite dans les rues sinueuses du quartier, le rassurant sur ses intentions: la marche dure un court temps, et quand ils arrivent enfin à un endroit suffisamment isolé, le piège se referme sur sa victime.

Ses crocs hâtifs viennent se planter dans le cou du jeune homme, avide de sang, tandis qu’une de ses mains vient étouffer ses cris. Le vampire devrait se montrer raisonnable, mais… il n’a pas goûté à un aussi bon sang depuis des semaines. La Soif prend le pas sur la raison, et bien vite, sa victime perd finalement connaissance: le malheureux ne sera bientôt plus de ce monde, ses bras retombant déjà le long de son corps. Désormais sans la moindre illusion de défense, telle une poupée de chiffon, Luther le vide de son sang. Exquis. Son acte devait en rester là, et il aurait pu aussitôt s’en aller après avoir déposé le corps du jeune homme: mais que nenni. Des bruits de pas non loin ont tôt fait d’attirer son attention: moins audibles que ceux d’un humain, certes, mais il les perçoit tout de même sans le moindre mal.

Il n’est pas seul. Tiens donc, il ne manquait plus que ça.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Lun 22 Mai - 12:32 (#)

Pour mener son enquête, Myrtle a quitté son emploi au Music-hall sans crier gare. Elle n’a de toute façon pas besoin de la monnaie qui s’accumule dans un coffre. Celle-ci ne lui sert que pour un confort rudimentaire : se payer des vêtements et des chambres d’hôtel, dans lesquelles elle se lave depuis que l’eau a été coupée dans son refuge maudit. Il y a quelque chose de distrayant, voire même d’excitant, dans la traque d’un autre de ses congénères. Elle s’imagine son profil : un vampire relativement jeune, suffisamment en contrôle pour de pas succomber à une frénésie sanglante, mais suffisamment désorienté pour tuer avec peu de précaution. Un novice, probablement, comme elle.

Le territoire à couvrir est large, et il n’y a aucun indice suffisamment flagrant pour la mettre sur une piste en particulier. Une nuit, fondue dans le décor de l’époque avec une robe à franges pastel assortie au bandeau serrant sa chevelure corbeau, l’Immortelle a hypnotisé un policier gentiment venu s’inquiéter de sa sécurité. Au fil d’une conversation truquée par ses expressions enjôleuses et son magnétisme surnaturelle, elle l’a amené à se confier sur le sujet. Il n’y a pas d’enquête officielle, car la grand guerre a grevé les effectifs, obligeant la mairie de Paris à faire des choix. Officieusement en revanche, deux agents se seraient déjà présentés au commissariat de Porte de la Chapelle pour prendre des renseignements. Il n’en sait pas plus, sinon qu’ils n’étaient pas de l’armée et pas de la police non plus. Pour son utilité, Myrtle a fait grâce de sa vie – et même de son sang – au gardien de la paix.

Le temps presse. Surtout pour le coupable, mais potentiellement pour elle. Jusqu’à lors, elle n’avait songé qu’à l’Essaim comme thermostat de la situation, mais elle n’avait pas songé à ce qu’une autre instance s’en mêle. Elle n’en connait pas le nom, mais avant qu’elle ne soit damnée dans les cachots du manoir De Lange, Louis lui avait soufflé l’existence d’un groupe secret initié par Napoléon. Il n’en savait que bien peu sur la question, mais doutait que cela soit de bonne augure pour les créatures nocturnes, alors la caïnite a hérité de sa crainte, par instinct de préservation.

Cette nuit ressemble aux dix qui l’ont précédée. Myrtle se joue des ombres aux abords d’une maison close, vêtue avec l’élégance venimeuse des femmes de petite vertu de l’époque. Robe courte à strass rouge comme les gants qui lui montent au-dessus du coude, colliers de perles lestant son cou gracile, visage maquillé et barrettes à plumes dans sa coiffure savamment relevée. Elle observe les allers-venus des hommes de bonne famille qui bifurquent dans le quartier pour quelques plaisirs tabous, les calèches qui s’empressent de traverser les rues sous l’œil de vieux réverbères au gaz, les vagabonds en quête de poches à soulager.

Et justement, l’un d’eux vient de se faire accoster par un homme atypique. Maintien noble, vêtements de bonne facture, mais certains détails ne trompent pas. La pâleur de ses traits et l’anachronie de certains de ses mots. La langue a évolué au fil des décennies, et cet inconnu s’exprime comme un fantôme du siècle précédent. Il entraine sa proie naïve avec lui, Myrtle les prend en filature. Elle étouffe au maximum le bruit de ses talons et manipule les ombres ambiantes pour s’y faufiler comme un chat noir. Jamais elle ne se révèle, jusqu’à ce qu’elle ne se plante à quelques mètres du vampire qui vient de terminer son repas. Deux prédateurs de l'obscurité. L’Immortelle tend l’oreille, capte les battements de cœur du jeune délinquant qui s’éteint dans son sommeil. Elle défie du regard son congénère, cherchant à l’évaluer, maintenant qu’elle peut enfin mettre un visage sur ces crimes. Il n’y a qu’eux dans cette ruelle étroite et malodorante, mais ça ne durera peut-être pas.

- Êtes-vous perdu ? lui demande-t-elle d’une voix désincarnée, sans émotion, je ne sais pas d’où vous venez, mais je pense qu’il serait temps de changer de terrain de chasse, elle ne montre pas les crocs pour l’instant, pour montrer qu’elle ne s’adresse pas à lui avec hostilité, même dans ce genre de quartier, Paris est surveillé. Vous risquez de nous attirer des ennuis à tous les deux.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Mar 13 Juin - 4:02 (#)

Le piège s’est refermé sur le jeune homme, petit à petit. Appâté par la promesse d’une somme d’argent conséquente, de quoi survivre au moins quelques jours, toute potentielle méfiance chez lui a été tué dans l’œuf. Effacée avant même d’exister. Il suit Luther à travers les rues sinueuses du quartier, sans lui poser la moindre question: et s’il a une vague hésitation une fois arrivé dans des rues moins éclairées, elle ne subsiste qu’un court instant seulement. Les mots du vampire, encore une fois, suffisent à le faire avancer de nouveau: de toute façon, même s’il n’en avait pas eu la volonté, il ne pourrait aucunement y résister. Il aura suffit d’un ordre murmuré et d’un regard appuyé pour que la volonté de l’immortel se fasse aussitôt, sans le moindre accrochage.

Malheureusement pour le mortel, il n’en réchappera pas. Peu importe ses plaintes étouffées ou ses vaines tentatives de s’extraire de son emprise, Luther continue de le mordre, n’ayant de cesse de boire son sang. Si la frénésie se tient loin de lui depuis sa sortie de Torpeur, la soif suffit à le rendre plus hâtif, mais aussi moins prudent. Il le sait et pourtant, en cet instant même, il n’y prêtre pas attention. Concentré sur les battements du cœur de sa victime, son ouïe décuplée perçoit le moindre son de cet organe palpitant, dont les bruits réguliers se sont de plus en plus espacés et discrets. Le tout est semblable à la fin d’une agréable mélodie, s’éteignant au fur et à mesure du temps, pour laisser place au silence.

Tiens, il pourrait s’en inspirer pour créer une nouvelle composition.

C’est à ce moment là qu’il perçoit d’autres bruits, cette fois-ci imprévus: des pas se rapprochant, à quelques mètres de lui seulement. Il ne manquait plus que ça, tiens. Il aurait mieux fait de se montrer plus attentif, d’autant plus qu’il n’a jamais été interrompu durant ses traques nocturnes, jusqu’à présent. Cependant, loin de réagir de manière impulsive et irréfléchie, Luther prend soin de déposer le corps du malheureux à terre, sans plus lui accorder d’attention: son regard ayant croisé celui de cette inconnue, une présence dont il se serait bien passé, il reste fixé dessus. Il la jauge silencieusement, observant le moindre de ses gestes, jusqu’au moment où elle brise finalement le silence.

Perdu ? Peut-être, d’une certaine manière. Le vampire a beau tenter de sauver les apparences, en reprenant un quotidien qui a été sien avant la Torpeur… plus rien n’est comme avant. Ses alliés et son clan doivent le penser mort depuis longtemps, enfin, s’ils n’ont pas été informé de son crime commis et de la sentence subie. Son unique Marqué est libéré depuis bien longtemps du lien qui les unissait, et il se trouve sûrement à Vienne à l’heure actuelle… s’il est encore en vie. Et que cette guerre ne l’a pas emporté entre temps, lui aussi. En résumé Luther est désormais isolé, et coupé de tout repère.

Sommes-nous en 1920 ? demande-t-il d’une voix calme, laissant un temps filer. Cette époque est aussi claire qu’une bouteille à l’encre... Un constat émis avec impassibilité, reflétant tout de même une certaine désorientation. Si son français est impeccable, sa manière de parler est néanmoins emprunte d’étonnantes expressions, assez anciennes pour ne pas correspondre au langage actuel. Malheureusement. Certes il ne maîtrise plus aussi bien sa Soif, mais elle ne l’a pas rendu inconscient de ses faits et gestes. Loin de là. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il accepte cette réalité, cette nécessité de trouver un autre terrain de chasse. Il se raccroche en fait à ce lieu dans lequel il est sorti de sa Torpeur, fuyant un déracinement pourtant bel et bien déjà présent. Et d’autant plus en restant à côté d'un cadavre. N’est-ce pas ? Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une vraie question.

Sans sa présence, il se serait déjà fondu dans les ombres des rues annexes, s’éloignant rapidement de cet endroit. Mais il a fallu qu’elle vienne l’observer et lui parler, leur faisant perdre à tous deux un temps pourtant précieux… Luther se redresse enfin, non sans de nouveau planter son regard dans celui de cette inconnue: pour le moment il n’est pas hostile malgré sa méfiance palpable, mais il le sera sans la moindre hésitation, si cela s’avère être nécessaire.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Lun 17 Juil - 11:43 (#)

Elle fixe son homologue caïnite sans ciller. Qui est-il. Son acte inconsidéré évoque un jeune vampire peu expérimenté mais son calme apparent présage d’un âge plus avancé. Il a aussi le verbe d’une créature plus ancienne. Myrtle fait un pas vers lui, puis un autre, tel un fauve aux prunelles acérés. Sa robe à strass souligne la courbe tentatrice de son corps filiforme, faussement tentatrice, car ses intentions en sont bien loin. Elle plie les genoux pour ramasser un tesson de bouteille, probablement égaré par un ivrogne dans cette ruelle malodorante, puis s’intéresse à la dépouille aux pieds de l’inconnu. L’empreinte des crocs dans sa gorge ne saigne plus et l’ouïe surdéveloppé de l’Immortelle lui confirme que son cœur à cesser de battre. Impossible de régénérer les tissus d’un cadavre, elle doit donc user d’un stratagème pour brouiller les pistes des enquêteurs mortels.

Elle lève un œil placide sur le coupable, toujours sans un mot, puis s’attèle à sa besogne. Une main tient fermement la tête de la victime en place, l’autre charcute la gorge d’une profonde entaille. Un filet de sans s’écoule mollement, privé de la pulsation d’un organe vigoureux. Un expert verra tout de suite que la blessure est post-mortem, mais les plaies significatives des vampires ont désormais disparu au profit d’une déchirure béante. Pour une police débordée n’ayant pas de temps à perdre dans ces quartiers, on classera ce cas comme un énième égorgement inexpliqué. Bagarre de sans-abri, règlement de comptes, vengeance d’un mari cocu… les excuses ne manquent pas.

- Partons d’ici.

Ce n’est pas une question. Myrtle se redresse et lance l’arme du crime comme un mur. Le verre vole en éclat et se répand sur le sol crasseux. Lorsqu’ils ont regagné la rue où brillent encore quelques réverbères, elle prend le bras de l’inconnu. C’est autant pour l’empêcher de lui fausser compagnie que pour faire illusion aux yeux des – rares – passants. Considérant leurs tenues respectives, il doit avoir l’air d’un dandy raccompagnant chez lui une fleur nocturne. Rien d’extraordinaire.  

- Nous sommes bien en 1920 et ce n’est ni une ville, ni une époque dans laquelle vous avez envie d’attirer l’attention.

Le XXè est un drôle de paradoxe où la violence est omniprésente, mais où toutes les formes d’autorités sont à fleur de peau. Il est facile de maquiller un meurtre, mais il l’est tout autant d’être condamné par la justice de la rue. La guerre a transformé les esprits, l’Homme est hanté par ses traumatismes et par l’odeur du sang. Les tranchées sont vides, mais les âmes sont maudites. Les vieux démons dorment, latents, lovés dans la conscience collective.

- Dites-moi d’où vous venez et pourquoi vous êtes seul.

Quelle puisse juger du comportement à apporter. Myrtle n’a jamais été très altruiste depuis sa mort, elle ne joue que dans sa propre cour. Elle l’aidera si cela lui est d’un quelconque intérêt, sinon elle l’incitera à partir… ou elle le tuera. Bête errante depuis une dizaine d’années, elle n’éprouve pas de besoin grégaire ni d’empathie particulière envers ses semblables. Si cet individu se révèle trop gênant, elle n’aura pas d’autre choix…
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
(#)

Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Notre Dame de Paris • Myrtle & Mei

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-
Sauter vers: