Pourquoi revenir sur mes pas? Pourquoi ne pas tirer un trait véritable pour retomber dans l'oubli? Et pourquoi ne pas devenir toute autre pour se refaire une virginité et ne plus songer à cette vie que j'ai arrachée? Des larmes roulent sur mes joues alors que je m'étais jurée de ne plus pleurer. Mon corps tremble, mon épiderme frissonne sous ces pensées, sous ces images encore bien incrustées dans mon intellect. Trop de souvenirs alors que j'allais retrouver ma génitrice, cette femme qui trouvait mon choix puéril, mon désir de famille complètement stérile. Il est vrai que je n'ai jamais eu de réel modèle familial, elle avait écarté notre géniteur, sali l'image du mari de sa sœur et voyait d'un œil mauvais que je sombre dans la mièvrerie romantique en épousant un simple humain. Je devine déjà la joie danser dans ses prunelles sombres, ce petit rictus au coin des lippes quand, irrémédiablement, je lui raconterais être à présent seule. Elle désirera entendre les détails et en fille bien élevée, je conterais ma… mésaventure. Comment trouver les mots pour que les larmes ne coulent pas, pour que je demeure stoïque en narrant les faits de la manière la plus distante et froide possible? Elle ne tolère pas la faiblesse de la psyché, exècre la mélancolie et les sanglots longs. Pourtant, tout en moi est rongé par cet acte, par cette perte de contrôle qui lui a coûté la vie. Son esprit me suit, je sens sa présence quand le doute est puissant. Je secoue la tête alors que le taxi approche de ma destination, le cœur lourd, il va falloir se ressaisir, prendre sa froideur pour la faire mienne et retrouver celle que j'étais avant cette nuit-là.
Sur le pas de la porte, je marque une hésitation. Une main sur la poignée de ma petite valise et l'autre fermée en poing prête à toquer sans pour autant toucher cette dernière. Mâchoire crispée, yeux clos, je prends une profonde inspiration avant de rompre ce silence du couloir. Sa voix glaciale se fait entendre dans le salon, ne surtout pas la faire attendre. Je rentre, marque une pause. Tout est comme dans mes souvenirs, quoique plus petit peut-être, simple histoire de perspective, c'est moi qui ai grandi. Elle n'a rien changé de place, sa silhouette gracile quitte le fauteuil moelleux du salon pour me rejoindre alors que je ferme la porte dans mon dos et me déleste de ma valise. Elle me toise, réorganise sa longue chevelure ténébreuse pour en faire une vague vaporeuse sur son épaule droite, quelques mèches importunent barrent encore son visage émacié, blafard. Un sifflement glisse entre ses dents alors que ses doigts fins et froids effleurent ma joue ronde. Si différentes à présent, sombre harpie décharnée que la vie a écorchée, malmenée. "Ça faisait longtemps Shannon… Tu as une mine affreuse. Il semble que la vie n'a pas été aussi douce que tu l'espérais en fin de compte. Je t'avais mise en garde sur ce désir puéril de conte pour enfants. On ne finit pas heureux, mariées, entourées d'une ribambelle d'enfants. Généralement, on finit seules et rongées par nos propres ténèbres." Une violente claque verbale, je savais bien que je ne serais pas accueillie à bras ouverts après avoir créé un fossé abyssal entre nous toutes en coupant les ponts pour vivre ma vie comme bon me semblait. Je paye à présent cette envie d'indépendance, la distance que j'ai mise entre nous alors que parfois j'étais de retour dans le Mississippi. La perte de ma sœur et l'immobilisme de l'erreur de la nature y étaient pour beaucoup, revoir ma mère me rappelle ces instants douloureux, assister impuissantes à son déclin dans d'atroces souffrances. Lawrence était déjà là à cette période, soutien indéfectible dans ces moments qu'il ne comprenait pas dans leur entièreté.
"Moi aussi je suis contente de te revoir mère…" Un froid polaire souffle sur mon âme avant que ses lippes ne se fendent dans un sourire timide mais franc, que ses mains passent à mes épaules pour me presser un bref instant tout contre elle. Une bouffée salvatrice de souvenirs d'enfance me viennent à l'esprit. On ne fait pas étalage de tendresse, juste quelques étreintes quelque peu malhabile et éphémères, des instants volés dans la froideur ténébreuse de notre lignée. Distance pour forger le caractère, méfiance pour noircir le cœur, rudesse des mots pour que l'on touche l'excellence. Nul droit à la faiblesse, nul droit de baisser les bras. Réussir à tout prix, coûte que coûte, quitte à y laisser des plumes… Elle y a laissé sa vie pour une teinte un peu trop claire, pour une nuance pas assez sombre. Était-ce nécessaire au final quand on voit que le cousin se vautre dans sa rougeoyante? Un soupir m'échappe alors quelle me serre une tasse de thé dans ce petit salon terne et vide de vie, même pas un animal pour donner un semblant de socialisation. Mère s'est renfermée depuis cet accident, depuis ses hurlements qui emplissaient les moindres recoins de la maison et de nos corps. Ces longues heures, ces journées, ces nuits. Cette agonie insoutenable, ses doigts serrés, ses ongles ancrés dans ma chair, sa sueur imbibant ses vêtements, son corps se contorsionnant dans des angles improbables, le son de ses os, les plaintes de ses muscles. Des frissons recouvrent mon épiderme. Chasser ces images qui me ramènent à Lawrence et à mon état fébrile actuel.
Ces moments passés avec ma mère, le fait qu'elle m'ait demandé de rester chez elle comme dans le passé m'a fait le plus grand bien. Savoir que je voulais m'installer à Shreveport par contre lui déplaisait fortement à cause de la présence de sa sœur et de mon cousin. Elle m'a, malgré ses réticences, parlé de la secte dans laquelle ils seraient tous les deux sans pouvoir m'en dire d'avantage. Uniquement des informations glanées par ses soins, des bruits venus jusqu'à elle. Ses mots font vibrer le jais en moi, ce fameux désir d'appartenir à quelque chose de plus grand et de bien plus important, de mettre à profit mes talents pour cesser de n'être qu'uniquement une simple gouvernante aux sombres désirs. Donner un but à mes sacrifices, prouver ma valeur auprès de mes pairs et pourquoi pas les surpasser même. Son regard s'était posé sur moi et elle a laissé échapper un rire sans âme. Elle avait compris, elle avait retrouvé la flamme dans mes prunelles, c'était l'heure de se dire au revoir. Comme je l'avais prévu, sa présence, ses mots et sa noirceur glaciale m'ont remise sur le droit chemin. Lawrence est toujours là, près de moi, mais évoquer son souvenir ne me plonge pas dans un spleen qui ne me ressemble guère. Elle n'a pas apprécié ma décision de renouer avec sa sœur bien qu'elle comprenne ma démarche. On se quitte en bon terme cette fois, nous savons toutes les deux que le contact est enfin renoué.
¤¤¤¤¤
Je me suis rapidement trouvé une petite maison qu'il allait falloir rénover quelque peu et protéger convenablement pour mettre ma magie à l'abri. Malgré tout, ma priorité était de me rapprocher de cette famille que j'avais pris soin de rayer de ma vie des années plus tôt. Je savais vers qui me tourner en premier, ma tante, celle qui avait toujours apprécié ma présence lors de mes vacances chez elle, celle qui avait toujours eu un enseignement exemplaire et strict. Oui, en souvenir de cette période là, je pouvais ravaler ma rancœur et ma haine farouche envers elle et son inaction face à ma sœur le temps de me glisser dans la secte. Jouer un rôle, façonner mes sentiments pour ne pas fragiliser ce lien de façade que je souhaite recréer. Je prends de nouveau soin de mon image, retrouver cette femme fatale que j'ai laissé sur le sol près de l'amas putride. User d'artifices pour que la fatigue et la mélancolie disparaissent physiquement après l'avoir digérée psychologiquement. Autour de mon cou, nos alliances sur lequel prend appui le sort pour tromper celui ou celle qui tentera de lire mon aura. Tenue soignée comme lorsque j'allais chez elle dans le passé. Mère avait une robe en bon état pour moi, que je donne une bonne image de notre famille alors que dans ma valise quasi tout était d'un autre âge et bien usé. Un soupir, un bref sourire sur mon visage avant que je ne frappe à la porte. Je dois faire bonne impression pour entrer dans la secte, pour surtout avoir leur appui, leur soutien. Passer par ma tante au lieu de chercher à prendre contact avec mon cousin est, me semble-t-il la meilleure tactique. Lui a bien trop subi mes assauts ténébreux pendant ces longues années pour daigner me faire confiance et me donner les bonnes clefs. Reste à espérer qu'elle sera seule et que la conversation sera aussi simple qu'avec ma mère.
egotrip
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Sylia Underwood-Mulligan ne trouvait guère de plaisir à l’hiver, en Louisiane. La pluie se faisait moins présente. Le soleil moins vivace. Le prix à payer pour le Noir pratiqué se faisait plus intense, plus sévère. Son corps, lui aussi, en subissait les effets. L’âge aidant, sa faiblesse grandissante lui devenait de plus en plus difficile à cacher. Il y avait les mauvais jours. Les mauvaises nuits. Les nuits étaient les pires. Elle qui autrefois s’ingéniait à veiller jusque tard, ne trouvant le sommeil qu’aux premières heures du jour, juste avant que l’aube ne devienne grise, ne parvenait plus désormais qu’à se traîner aux alentours de minuit vers sa chambre depuis bien trop longtemps solitaire. Le seul homme qu’elle avait jamais laissé y pénétrer n’était autre que son époux défunt. Parfois, elle s’amusait à faire le compte des années. Cela lui demandait de plus en plus d’efforts. Son esprit brouillé mélangeait les dates et les souvenirs, surtout ceux qu’elle ne voulait pas voir revenir la hanter. Si elle se concentrait bien, alors elle parvenait à remettre les choses en ordre, en une chronologie plutôt cohérente.
Elle s’approcha de son lit parfaitement fait et déposa une pile de linge, entreprenant aussitôt de ranger les vêtements à leur place, correctement. Gestes effectués des milliers de fois. Lingerie discrète, robes filiformes, rares jupes et pantalons. Ouvrant l’un de ses tiroirs, elle tomba immanquablement sur les quelques cravates qu’elle n’avait jamais pu se résoudre à brûler. Morgan l’aurait conspuée pour cela, mais elle avait su se taire, garder ses doutes dans la forteresse de ses pensées, tout comme sa faiblesse de veuve et meurtrière. Du bout de ses phalanges creusées de sillons, elle effleura la soie du tissu ayant autrefois appartenu à Christopher Underwood. Elle n’était pas une femme sentimentale. Elle n’avait jamais – ou du moins, pas à son souvenir – eu la larme à l’œil et joué de masochisme en se balançant d’avant en arrière, image pathétique qu’elle n’aurait jamais pu endosser, ni supporter. Simplement, elle aimait prendre le temps de se replonger dans les évocations d’une vie dissoute, délaissée, par ce simple contact. Sylia n’était pas une sentimentale, non, mais elle avait appris à respecter la préservation de certaines pièces chères à son cœur, et qu’elle savait vouloir transmettre à son propre fils. Non pas que ce dernier eut bien souvent l’occasion de porter cravates ou boutons de manchette, mais il avait le droit de recevoir ce maigre tribut. En tant que seul mâle de la famille, il eut été stupide de songer à s’en séparer stupidement, sur un coup de colère, un coup de tête. Elle avait tenté, à sa manière, de respecter également la douleur de son enfant, qu’elle n’avait jamais su comprendre dans son entièreté. Car pourquoi pleurer un homme qui ne l’avait pas élevé ? Le temps passé avec Underwood senior lui semblait si ridicule, en comparaison de son investissement personnel, de tout ce qu’elle avait offert, donné à Eoghan pour l’éduquer et le former à son image.
Arcaniste.
Chris n’avait pas compris. Il s’était entêté, persuadé d’être dans son bon droit, inquiet par les « leçons » mystérieuses, les principes rigoristes, les transformations physiques et psychiques d’un adolescent qui, pourtant, n’était différent d’aucun autre, sur un plan purement rationnel. Du moins était-ce là sa conviction. Sylia avait fait de son mieux, compte tenu de sa filiation complexe, de son héritage épineux. Elle était persuadée de n’avoir que peu de choses à se reprocher. Depuis le départ, elle n’avait pas laissé percer le moindre dilemme. Il ne serait pas dit que son fils ne daigne mériter sa place dans le monde. En avait-elle parlé avec son mari, à l’époque ? Certainement que non. Après la naissance, c’était là que l’éloignement avait commencé. Ce qui aurait dû les rapprocher, les souder plus encore et renforcer leur couple surprenant, surtout au vu de la personnalité de la sorcière, n’avait contribué qu’à les détruire davantage. En avait-elle conçu une certaine rancœur à l’égard de son enfant ? Oui. Une rancœur hypocrite, elle qui savait très bien que le ver était déjà dans le fruit, et que ce divorce impossible à concevoir, à envisager, ces papiers qu’il aurait fallu ratifier différemment, détruire, brûler, toutes ces mauvaises idées provenaient d’elle, et de rien d’autre qu’elle. Elle n’avait pu s’y résoudre. Se séparer pleinement de lui. Alors, elle l’avait poussé à bout. Elle s’était montrée froide à nouveau. Lui qui avait su l’éveiller, la réconcilier avec ses émotions de femme, qui l’avait ramenée sur le chemin de la vie pure, faite de sensations dantesques et jusqu’alors inatteignables pour elle, voilà qu’elle l’avait repoussé. D’abord heureuse que sa vie faite de voyages et de déplacements incessants les éloigne naturellement, c’était elle qui avait initié le besoin de faire chambre à part. Eoghan devait avoir à peine quatre ans, alors. Puis, la dégringolade, la descente aux enfers, à toute vitesse. Les cris, l’alcool, la violence ordinaire.
Christopher était parti avant de se résoudre à lever la main sur sa femme. Il ne s’était pas montré intègre par peur, mais bien par amour pour elle, elle le savait. Jamais il n’avait eu peur d’elle. Pas même lorsqu’il avait naturellement fini par comprendre que celle qu’il avait conduite à l’autel – mais pas celui de l’église – n’était pas qu’une simple commerçante travailleuse et acharnée. La maison n’était jamais restée vide. L’innocence de son petit avait évité à la demeure de tomber dans un hiver pareil à celui qui refroidissait le bungalow bâti des mains mêmes de l’homme qu’elle avait aimé. Mais Sylia, quant à elle, avait déployé des trésors d’imagination pour tuer l’innocence de l’Éveillé en devenir. L’absence du père n’avait fait qu’entériner un apprentissage qu’elle savait d’ores et déjà long, difficile et infernal. Un apprentissage fait de latin et de runes, de discipline et de foi. À sa manière, elle s’était montrée brillante, artiste et artisane, profitant de ses nuits sans sommeil pour sculpter, fabriquer et créer de nouvelles voies, de nouvelles méthodes, sinon ludiques, du moins efficaces pour marquer l’esprit de celui qu’elle avait créé. Enfant secret mais docile, elle avait eu tôt fait de mater ses quelques tentatives de rébellion. Si on lui avait demandé des comptes sur les châtiments corporels subis par Eoghan Underwood, Sylia aurait répondu avec une bonne foi inconcevable que jamais elle n’avait levé la main sur lui, elle non plus. Que jamais, elle ne l’avait forcé à accueillir la douleur comme un élément indissociable de la vie d’un arcaniste, et plus encore, d’un sorcier aux mains rouges comme il était disposé à le devenir.
La chronologie. Imparfaite. Elle avait effacé ce qui ne l’arrangeait pas, ce qui menaçait de rouvrir des plaies déjà cautérisées par ses soins. Elle avait rangé soigneusement dans les boîtes, les cases et les bocaux, tous les indices, les preuves ayant pu la désigner comme génitrice infâme, sorcière cruelle et mariée abjecte. C’était, pour elle, le seul moyen de survivre et de parvenir à se regarder encore dans un miroir. Encore que ce genre de coquetterie lui était passé, l’âge aidant. Dans un bruit de claquement sec, le bois du tiroir se referma sous sa poussée. Les jupons de sa robe noire bruissèrent lorsqu’elle acheva de ranger la chambre conjugale, transformée en tombeau de sa solitude. Elle évita avec une grâce surprenante les quelques félins venus s’enquérir de l’activité de leur maîtresse, et décida de se mettre à la cuisine. Trop de nervosité, d’agitation muette. Elle n’avait aucun philtre à préparer, mais la concoction de recettes délicates et longues à élaborer saurait occuper la fin de son après-midi grisâtre et redonner un peu de vie aux papilles de sa langue, qui savaient apprécier de moins en moins les épices et les plats qu’elle s’obligeait à préparer encore.
« Je tombe en lambeaux. » Un souffle, comme provenant de nulle part, et à destination de personne. Si ses mains avaient toujours frappé la plupart des observateurs avec lesquels elle échangeait (leur taille, leur vétusté précoce, ses ongles à l’apparence de serres dès lors qu’elle omettait de les couper), elle se savait bien plus abîmée ailleurs. Partout ailleurs. Pire qu’un cancer, son Essence la dévorait vivante, s’infiltrant partout. Ses articulations étaient à peine préservées : déjà, elle éprouvait la difficulté pour les os de ses phalanges de se mouvoir avec dextérité. Jardiner devenait laborieux, pénible. Elle ne montait l’escalier à l’étage que lorsqu’elle y était obligée, sans savoir que, près d’un an plus tard, ces douleurs se seraient accrues bien plus encore, du fait de la catastrophe à venir que personne, jamais, n’aurait pu prévoir. Quand l’Irae n’avait pas encore été consumée par le feu. Le feu, il provenait de ses jambes. La nuit, d’épouvantables crampes commençaient à la tenailler, et la brûlure se propageait, depuis ses mollets jusqu’à la plante de ses pieds dont elle finissait par ne plus sentir les extrémités. Son estomac, et d’ailleurs jusqu’à l’ensemble de son système digestif, devenaient fragiles, l’obligeant à ingurgiter un nombre effarant de remèdes préparés par ses soins pour pallier l’irritabilité provoquée par ce mal-être quasi permanent. Sa vue était encore bonne, mais le fonctionnement de ses sinus n’était pas fluide. Ses cheveux étaient solides, à peine filamentés de blanc, mais son ouïe avait commencé à décliner, à son tour. Malgré tout, elle évitait de se plaindre et gardait pour elle ses jérémiades. Ses sœurs elles-mêmes n’en savaient rien. Elle s’en tirait bien mieux que toutes les deux, en fin de compte – ce qui était révélateur de l’état de délabrement d’une famille aux origines bien plus glorieuses, du moins était-ce ce que sa mère s’était toujours obsédée à leur répéter.
Ses talons foulèrent le parquet lustré avec soin jusqu’à la cuisine, mais les coups donnés contre sa porte la firent stopper. Surprise, mais pas interloquée, elle se rapprocha du battant et ouvrit à celle à qui elle avait enseigné de nombreux étés, répondant ainsi à l’ordre de Julianna Mulligan elle-même. Elle cilla, à peine, accusa le coup. Le silence prit ses quartiers un moment. Dans un réflexe qu’elle ne s’expliquait pas, elle veilla à ce que personne d’autre ne surgisse des alentours, avant de reposer son regard pénétrant sur le visage de Shannon.
Chronologie.
Depuis quand n’avait-elle pas contemplé sa nièce ? Depuis la mort de Julianna ? Quelque temps après le mariage de la première fille de Sybil ? Et Sybil ? Sa sœur et aînée savait-elle que sa progéniture venait demander audience, asile ou qu’importe, bien des années après que la rupture eut été consommée ? Le nom de Sophia apparut aussitôt dans son esprit. Sa gorge se serra. Elle n’était pas prête. Pas pour ça. Pas maintenant. Néanmoins, faisant honneur à sa réputation, à sa dignité et à sa maîtrise, elle se contenta de carrer les épaules, se faisant plus grande encore, pour demander avec une fermeté dénuée pourtant de sécheresse :
Question courte, brève, qui peut amener plusieurs réponses si on regarde bien. Ce que je fais ici devant sa porte. Ce que je fais ici alors qu'on ne s'adresse plus la parole depuis si longtemps. Ce que je fais ici alors que je devrais être ailleurs… Non, la question est simple, la réponse devrait l'être tout autant. Je suis ici pour renouer, pour extirper d'une conversation les informations que je désire. Je suis ici, comme par le passé, sur le pas de sa porte à espérer tout en me questionnant. Le ton de sa voix est bien loin de celui qu'elle avait utilisé alors que j'étais encore jeune, bouffée par cette couleur qui assombrissait mes rêves d'enfant. Je posais alors mon regard sur elle, le sien très dur m'obligeait à baisser la tête. Sa question avait fusé, telle une gifle. Oui, qu'est-ce que je faisais ici? Prise dans un tourment de doutes, pas encore prête à embrasser le jais à pleine bouche, à me vautrer dans ses ténèbres et à succomber à ses sombres désirs. Le sacrifice était pour moi ignoble à cette époque, son enseignement me terrifiait, pétrifiait mon être tout entier. Je jalousais idiotement la magie plus sensuelle et acceptable de mon cousin. Je me disais la mienne et ce qui en découlerait obligatoirement était abject. Je ne la voulais pas, je la refusais corps et âme. Non, je ne voulais pas devenir une grande sorcière noire, puissante et moribonde. Oui, fallait pas se leurrer, entacher son âme ne laisse pas le corps ou l'esprit indemne. Je me voyais mourir jeune, rongée, bouffée littéralement par cette noirceur grandissante. Je la refusais, refusais de sacrifier des êtres pour la nourrir, pour nourrir mes propres ambitions. Je pleurais, une fois seule tant la tâche me paraissait insupportable, insurmontable.
Sa question. Cette question qu'elle me pose encore aujourd'hui m'avait obligée à lui donner une réponse aussi claire et limpide que possible de ma voix fluette. J'ai expliqué que j'avais peur, que je ne voulais pas sacrifier des vies, que je ne voulais pas mourir ou devenir folle. Elle n'a pas apprécié cette marque de faiblesse de ma part, préférant se montrer intransigeante, me rappeler du sacrifice de sa sœur de m’avoir confiée à elle. Ma tante me montrait simplement le manque de courage de ma propre mère, qu'elle avait été parfaitement incapable de gérer mon éducation magique pour lui donner un semblant de stabilité. Elle n’avait pas réussi à allier son rôle de mère et son rôle de mentor. Impossible, pour elle de gérer ses deux filles ensembles, de mener sa vie de femme de front. Maintenant que je vois cette situation d'un œil plus adulte, je me rends compte de son manque de courage et de pugnacité. Elle a rapidement baissé les bras, préférant me confier à celle envers qui elle crachait son venin à longueur de temps. Drôle de choix quand on y pense mais, les liens du sang et le savoir ancestral des femmes de la famille devaient beaucoup pencher dans la balance de cette étrange décision. Toujours est-il que cette magie de la mort, je ne voulais pas la subir, je ne voulais pas lui donner plus de résonance dans mon être encore fragile à cette époque. Sylia a su donner corps à ma volonté vacillante, à offrir la possibilité d'une puissance inégalable. Oui, Sylia était la femme qu'il fallait dans ma vie pour que je trouve mon propre équilibre. Envolés avec elle les doutes sur notre situation financière, sur les disputes à répétitions. C'est grâce à elle que j'en suis là aujourd'hui, si j'ai ce caractère dur et froid par moment. Ma mère n'est en rien responsable de mes choix de vie, de mes objectifs, elle n'a rien insufflé de positif en somme. Triste réalité qui a fait que m'éloigner de cette lignée matriarcale ne m'a pas affectée plus que de raison.
Ce que je fais ici alors? J'ai un temps hésité à revenir dans les parages, à poser mes valises dans l'épicentre de la révélation. Il fallait ravaler cette haine farouche ancrée en moi, ces ressentiments puissants pour les reléguer au second plan. Accepter de courber l'échine pour avoir les renseignements désirés. Il était plus simple de reprendre contact avec ma mère que de me retrouver en face de ma mentor. J'avais coupé court à mes étés passés en sa compagnie pour vivre ma vie avec Lawrence, je l'avais accusée, insultée pendant la longue agonie de ma chère sœur et même après. Alors, comment espérer qu'elle allait m'ouvrir sa porte et ses bras pour une discussion autour d'une infusion et de petits gâteaux? L'espoir fait vivre non? Je compte miser sur la sincérité de mes propos, de ma démarche pour recueillir ce dont j'ai besoin pour donner un nouveau souffle à ma vie. J'en ai besoin, je n'accepterai pas qu'elle me claque la porte au nez, je ne pourrais le supporter. Un soupir, un sourire se dessine sur mon visage encore marqué par le deuil dont je peine à me délester convenablement. Sans doute que les paroles de ma génitrice ont simplement rouvert les plaies que je pensais refermées. Alors que, pour le moment, c’est impossible de passer outre ce meurtre, mon esprit et mon coeur ne parviennent pas accepter l’inacceptable. Il faudra du temps, il me faudra être patiente.
"Bonjour Sylia. Je suis ici pour tenter de recoller les morceaux qui peuvent encore l'être. Maman m'a dit que tu n'avais pas déménagé alors, je suis venue après m'être installée." C'est nul, c'est banal, c'est bateau mais, je délivre quelques informations malgré tout. Sa sœur est au courant de ma venue et j'ai emménagé dans le coin. De quoi faire naître de nouvelles questions chez elle ou du moins éveiller une certaine curiosité peut-être. J'aurai pu ajouter qu'elle n'avait pas changé mais, je ne suis pas hypocrite à ce point. Le temps ne lui a pas fait de cadeau bien qu'elle semble bien moins affaiblie que sa sœur. Il faut dire que la solitude et les rancœurs tenaces l'ont rendue bien plus sombre, harpie solitaire qu'aucun animal de compagnie ne vient troubler. Je n'attends pas de la part de Sylia une accolade chaleureuse ni même une conversation à bâtons rompus, je veux juste tenter ma chance et faire un pas vers elle. Je sais pertinemment qu'un sujet me brûlera les lèvres autant qu'il a pu la hanter quelque temps aussi. Ma chère sœur agonisante, son absence d'aide ou même de soutien pendant et après cette période sombre, destructrice pour nos liens familiaux.
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Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le passé la rattrapait. Cravates et boutons de manchette n’étaient que le prélude à ce retour en arrière imprévu. Face à face avec cette nièce dont elle avait dû, bien malgré elle, faire le deuil, voilà qu’elle la découvrait changée, grandie. Transformée en femme et, à n’en point douter, en une sorcière d’exception telle que seules les Mulligan savaient les façonner. Le choc prenait encore la première place. Interdite, ayant perdu l’habitude de réagir dans l’instant quitte à commettre une erreur précipitée, elle ne cessait de contempler ces mèches rousses, ce visage diaphane, ce regard profond, au-delà duquel brûlaient les flammes noires d’une magie qu’elle avait vu s’élever, prendre la place qui lui était due. Elle chercha, là encore, à compter les années, mais le fil se cassa très vite. Perdue, déboussolée, elle essaya de comparer la ligne du temps de vie de Shannon avec celle d’Eoghan, sans grand succès. Une pointe douloureuse vrilla le sommet de son crâne, au point qu’elle manqua d’y porter le bout de ses doigts. Grimaçante, brutalement aveuglée par le soleil d’hiver et le ciel au gris presque blanc, elle cligna des paupières à plusieurs reprises. Devant elle, sa cadette baissait la tête, comme l’enfant parfois contrite et penaude qu’elle avait pu maigrement consoler, dans ses premières années d’apprentissage. Puis, très vite, à l’image de ses mères, sœurs et cousines, Shannon était devenue dure. Une enfant, sinon sauvage, du moins farouche, vive et apte à défendre les points de vue les plus indéfendables, tant qu’ils suivaient la logique imparable que la petite fille s’était tissée de ses doigts encore malhabiles. Elle n’était pas douillette et, bien que parfois un peu trop râleuse ou boudeuse à son goût, sa persévérance, son intelligence et son talent certain pour la magie avaient agréablement surpris Sylia elle-même. En grandissant, son tempérament ne s’était que davantage affirmé, et elle avait du mal à reconnaître dans cette posture mal assurée la fille aînée de Sybil. Une chose la rassurait, toutefois : cette attitude n’expirait pas la haine ni la colère qu’elle s’était attendue à trouver, en cas de nouvelle confrontation. Depuis la mort de Sophia, les ponts avaient été rompus – à raison –, et l’Éveillée était restée persuadée qu’un jour, la folie latente de Shannon – celles que toutes les Mulligan couvaient en leur sein – se montrerait plus forte que sa raison. Qu’un jour, elle en viendrait à se venger du reste de cette famille trop ingrate à son goût, prête à attaquer sa propre mentor.
Ici et maintenant, rien de tel, du moins en apparence.
Lorsqu’elle se redressa, elle s’attarda sur les traits tirés de la jeune femme, sur cette ombre manifeste qui obscurcissait ses traits, rendait ses expressions plus amères. Quelque chose s’était produit. L’appréhension envahit progressivement Sylia, au point qu’elle en vint à fomenter bien vite mille hypothèses. Venait-elle lui annoncer la mort de sa sœur ? Ses mains s’enlacèrent un court instant, trahissant sa nervosité en guettant la réponse qui ne venait pas. Jusqu’à ce que l’emprise sur son corsage se délace, et que les mots salvateurs vinrent l’apaiser au moins un peu. Elle prit une longue bouffée d’air, soulagée, ce qui la rendit presque plus amène, affable à l’idée de rouvrir sa porte à celle qui l’avait si souvent poussée, autrefois. La haute silhouette se recula pour mieux se détourner.
« Entre. »
Il n’y avait pas de bagages avec elle : Shannon logeait donc probablement à l’hôtel. Stupide, se dit-elle, avant de songer que tâter le terrain était une meilleure idée que de s’inviter dans le bungalow à l’improviste. Elle soupira, dépitée en constatant cette dynamique familiale brisée, qui ne leur rendait pas honneur. Fébrile – Shannon est ici – mais refusant de se trahir, elle traversa le salon puis la salle à manger, long couloir ouvert sur ces deux pièces qu’aucun pan de mur ne séparait pour de bon, afin d’échouer à l’autre bout de la maison dans la cuisine. Se réfugiant dans des gestes mécaniques et rassurants, elle commença à préparer du thé : mettant l’eau à bouillir, sortant tasses, plateau et théière, boîtes de métal ou de verre contenant les parfums que toutes deux dégustaient, alors. L’un de ses derniers souvenirs remontait à l’annonce officielle de ses fiançailles. La petite ne lui avait alors jamais semblé aussi épanouie, aussi sûre d’elle. Le soir de son arrivée, Sylia n’avait pas eu le cœur à l’inciter à la prudence. Les histoires d’amour ne duraient pas, et encore moins dans leur cercle d’intolérance. Pour autant, toutes avaient eu à affronter leur propre parcours épineux. Toutes tomberaient, puis se relèveraient, avec ou sans les avertissements des anciennes. Tout en disposant le service avec sa minutie coutumière, elle pensa à Sybil, qui avait gardé le secret de cette visite. Puis elle se mit à penser à Eoghan, qui ne verrait pas d’un bon œil cette apparition dans leur vie bien réglée. Devrait-elle le prévenir ? Non. C’était une mauvaise idée. Elle devait d’abord comprendre quelles étaient les véritables intentions de son invitée avant cela.
« Pourquoi maintenant ? »
Elle se retourna pour lui faire face. Moins fermée mais plus soucieuse, elle la toisa droit dans les yeux : elle ne tolérerait pas le mensonge, et pour autant : comme il lui semblait difficile de ne rien laisser paraître, quand elle avait face à elle une fleur épanouie, une femme au charisme rougeoyant hérité de Julianna. C’était un point sur lesquels les deux cousins se ressemblaient. Eoghan et Shannon avaient hérité de leur grand-mère bien davantage que de leurs propres parents, lui semblait-il.
La connaissait-elle encore ? À quel point le Noir était-il devenu puissant ? Avait-elle continué d’appliquer ses leçons ?
« Cela fait si longtemps. Je suis surprise de te voir débarquer comme ça. Sans prévenir. D’autant que Sybil avait été claire sur tes… sur vos intentions de ne pas revenir sur votre décision. » Elle inclina légèrement la tête. Une pointe de reproche lui avait échappé, sans qu’elle ne veuille s’en excuser. Elle avait souffert de cette séparation forcée, doublée d’un éloignement géographique important. Le noyau familial avait éclaté, à la mort de l’aïeule. Celle de Sophia n’avait fait que l’enfouir plus profondément en terre. « Sois franche avec moi. Je ne compte pas te mettre dehors. Tu as toujours été la bienvenue dans cette maison, et quoi qu’il arrive, quoi qu’il se soit passé, je ne reviendrai jamais sur cette invitation. Cependant, je tiens à ce que les choses soient claires entre nous. » Depuis le faîte de sa taille immense, elle avança, la dominant sans hargne pour réduire la distance entre elles deux, sans la menacer outre-mesure. « Si tu souhaites parler de ta sœur, alors nous parlerons. Mais si tu es venue demander de l’aide, autant aller droit au but. »
C'est étrange cette sensation, ce moment de flottement entre nous deux. La revoir fait remonter des souvenirs, cela doit sans doute la remuer un peu aussi de son côté. Même si, je ne sais pas ce que cette perte douloureuse pour moi à pu éveiller chez elle quand elle a su, quand on a cherché à les faire venir à nous, quand ils ont refusé. Quand elle nous a enfin quittés après sa terrible agonie, ils n'ont pas daigné se montrer non plus. Mon cœur se serre douloureusement, je fais bonne figure face à celle qui fut ma mentor, je n'ai aucunement envie de dévoiler mes faiblesses, mes blessures encore à vif malgré les années. Je dois refouler ces pensées qui pourraient me faire perdre pied, perdre ce contrôle si difficile à conserver à présent. J'y étais parvenue par le passé mais, cet excès de confiance en moi, en ma noirceur ont fait dangereusement pencher la balance en ma défaveur. Me voilà gantée pour ne pas risquer un nouveau faux pas, pour ne pas me laisser ronger, bouffer par mes propres ténèbres devenues ingérables. Animal enragé qui mord à tout va, cancer qui grignote la moindre parcelle saine pour ne laisser que nécrose et mort pour seul réconfort. Ces simples idées affolent mon palpitant, troublent brièvement ma quiétude de façade. Se ressaisir, conserver ce détachement qui a toujours été salué, qui me permettait de visualiser les choses avec clarté. Les mots sortent, elle semble nerveuse, comme si ma venue était annonciatrice du pire. Oiseau de mauvais augure qui traîne sur son sillage chaos et désolation. Sait-elle ce que le jais a fait de moi? Ce qu'il a fait de mes pensées ténébreuses? Sait-elle que son enseignement a porté ses fruits? Sans doute que non, elle semble vivre dans la même bulle de fausse simplicité dans son bungalow d'un autre âge que je connaissais dans ma jeunesse.
Sa voix à nouveau, proposition que j'espérais entendre. Un fin sourire ourle mes lèvres, machinalement mes mains passent sur ma robe, comme pour en effacer des plis qui ne sont pas. Réminiscences de ce passé aux tissus rapiécés, aux plis marqués par un manque cruel de soin. Sans doute est-ce de là que me viennent mes tocs, ma vocation pour un intérieur impeccable. Retour en arrière comme en entrant chez ma mère, les choses semblent inchangées, seul le temps a fait son œuvre. Retrouver ce long couloir menant à la cuisine, lieu de retrouvailles, de regards noirs posés sur ce cousin pour qui je n'ai toujours éprouvé que haine et mépris. Elle faisait pourtant tout pour que les choses se passent au mieux, veillant à nous inculquer son savoir de la même manière, sans favoriser son propre fils, étant même parfois plus rude avec lui. Rien n'y faisait, les graines semées par ma mère avaient germées, plantes rampantes de sa rancœur étouffant mon propre libre arbitre. "Et pourquoi pas." dans un souffle accompagné d'un léger sourire. Mes yeux se posent sur ses gestes, sur les détails anodins d'un quotidien que je reconnais. L'eau, les divers thés aux parfums délicieux, gourmands, envoûtants. Mes mains se posent sur le dossier d'une des chaises alors que je la regarde silencieusement. Je me souviens de l'annonce de mes fiançailles dans cette même pièce, des chats venant se frotter contre mes mollets, des petits-déjeuners à l'aube, des longues discussions alors que le dîner était fini, repousser l'heure de rejoindre le lit que je partageais avec lui. soupir Replonger dans ces souvenirs attise les braises de la mélancolie qui étreint ce cœur que j'aurais préféré mort, sans battements doux de la passion amoureuse.
Nos regards se croisent, je retrouve la mentor que j'ai abandonné pour cette passion autre que le pouvoir. Un amour qui a mené à ma perte, a ces sentiments qui me rongent et troublent le jais, perturbent l'équilibre précaire pourtant agréable et gérable à mes yeux. J'esquisse un énième sourire, elle ne tourne pas autour du pot, remet les choses à leurs places. Oui nous avions été claires, couper les ponts pour nous avoir tourné le dos à l'époque. La plaie est encore présente, pas béante mais, gênante, dérangeante quand on y songe le moins. La perte de ma sœur a été douloureuse, j'ai cru ne jamais m'en relever. Mais, il a été là pour éviter que je m'effondre complètement et que je cherche à détruire le monde entier, tous étaient coupables à mes yeux, tous méritaient de goûter à ma souffrance, à celle de ma mère. Au lieu de ça, on a cessé de se voir, de se parler, de les compter dans notre famille. J'ai été plus radicale dans la démarche en laissant mère dans son appartement pour suivre ma propre voie, cesser de l'imaginer, la vivre… Sa voix me ramène à l'instant présent. Ils me confortent dans mes intentions, nous avons une certaine affection l'une pour l'autre et malgré tout, elle n'a pas disparu. Empreinte d'une douceur que je ne me reconnais pas, je prends enfin la parole. "Nous parlerons de ma sœur… en temps voulu. Mais, tu as raison. Nos intentions étaient limpides, notre colère, notre haine l'étaient aussi à l'époque. Je ne te mentirais pas, j'ai toujours un poids sur le cœur en cet instant, je ne comprends toujours pas cette absence alors que nous avions terriblement besoin de soutien… mais, nous en reparlerons. On s'assoit?"
En attendant le thé, autant se mettre à notre aise pour discuter, nous avons du temps devant nous… du moins pour ma part. Je la devance, tire une chaise avant de prendre place, mes mains sur mes cuisses. "Je suis retournée voir maman il y a peu. J'avais besoin… J'en avais besoin et nous avons discuté elle et moi, renoué après que je sois partie de mon côté vivre ma vie. Je n'en ai pas pour autant négligé ma magie, je me suis appliquée à suivre tes enseignements, j'ai continué à pratiquer. Je suis dans une période de ma vie où… il me faut plus que ça. J'ai besoin d'un but, de quelque chose de plus important. Elle m'a parlé d'une secte. Une dans laquelle tu serais impliquée, ses paroles ont été vagues à ce sujet, sans doute pour ne pas me donner envie de revenir vers toi, de conserver ce fossé entre nous. Je me tourne donc vers toi parce que j'ai besoin de toi Sylia… Ma voix s'étrangle légèrement dans cette demande proche de la supplique. C'est plus difficile de venir quémander son aide en fin de compte, c'est égoïste après les avoir rayés de ma vie. Revenir comme ça, piétiner son présent en remuant lourdement le passé pour me créer un possible avenir dans son giron, quel culot. Je laisse de côté la raison principale de ce retour en arrière. Malgré les apparences, je ne suis pas remise de cette perte, je ne parviens toujours pas à accepter ce que j'ai fait. Tant de morts, de destruction qui ne m'empêchent pas de dormir et la sienne me hante et ne me lâche pas un seul instant. Étouffer ce cœur ainsi que mes sentiments me tente terriblement avant que son souvenir ne me rappelle que sans lui, sans ce que j'ai ressenti, je ne serais pas aussi puissante. Quelle ironie!
egotrip
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Elle avait repris ses va et vient, incapable de tenir en place. Ses réflexes d’hôtesse de maison irréprochable revenaient à la charge. Du temps où sa nièce passait ses étés chez elle, et chaque fois qu’un inconnu ou invité avait foulé le plancher du bungalow, Sylia s’était sans cesse pliée en quatre pour que l’on se sente à son aise, sous son toit. Il n’y avait jamais assez de nourriture, de soucoupes, de sucre ou de serviettes pour s’assurer que l’on ne manquât de rien. Rien ne devait manquer, peu importe le montant indiqué par son compte en banque. Des tasses anciennes mais guère vieillottes se virent déposées dans un chuintement de porcelaine plaisant à son oreille au creux des soucoupes décorées. Marcher en parlant faisait partir plus efficacement sa nervosité. En bougeant, cela lui permettait d’intégrer plus aisément la réalité de cette visite imprévue. Comme si toutes ces années ne s’étaient pas écoulées, et qu’il ne s’agissait que de retrouvailles ordinaires entre elle et Shannon. L’eau commençait doucement à chauffer, quelques chats pointèrent le bout de leur museau curieux pour observer l’intruse déambulant sur leur territoire. Tout était normal. Une après-midi calme, familiale. Et pendant ce temps-là, elle ne pouvait s’empêcher de penser à Eoghan, et à l’expression qui serait la sienne, lorsqu’il apercevrait son aînée assise à leur table. Elle n’avait aucun compte à rendre à son fils, mais ce n’était pas un spectacle dont elle avait grand hâte d’être le témoin. Autrefois, sa mainmise sur eux et leur jeunesse garantissait un retour à la discipline sans aucun doute. À présent qu’ils étaient devenus adultes, elle n’aurait pas la force ni l’énergie de les séparer, s’ils se sautaient à la gorge. La réponse de Shannon la surprit en bien. Avec les années, la jeune femme qu’elle était devenue avait encore gagné en maturité. Il n’y eut pas de rancœur particulière, pas d’agressivité latente. Simplement un énoncé raisonné, face auquel elle ne put qu’acquiescer avec un sourire presque serein. Elle la laissa s’asseoir, préférant rester debout encore un moment. Lorsque lui fut enfin exposé le vrai motif de cette visite, les mains de Sylia se rejoignirent contre son abdomen. Non plus nerveuses, mais témoignant de sa reconnaissance, et de l’émotion diffuse qui se répandait dans son corps désormais sujet au froid chaque fois que les températures baissaient. Une sensation agréable. Elle avait perdu l’habitude de les cultiver, ces moments de plénitude physique. Touchée par les paroles de sa descendante, elle ouvrit la bouche, songea à répondre, mais préféra finalement tourner lentement les talons. Avec précision, elle versa l’eau brûlante dans la théière, qu’elle déposa sur la table entre elles deux. Alors seulement, elle prit place à ses côtés.
« Shannon… »
Si elle avait fermé les yeux, elle aurait revu sans cesse le minois de la petite rouquine, déjà si jeune, mais si prometteuse. Une vraie Mulligan. Ce n’était pas le moment adéquat pour des excuses. Pour réclamer un pardon qui, elle s’en apercevait maintenant, lui pesait lourd à elle aussi. Pourtant, ses yeux cherchèrent les siens pour quérir par avance cette miséricorde nécessaire au rétablissement de leur lien, primordial pour elle.
« Tu as changé. Tu as profondément changé. » Une transmutation ne l’aurait pas étonnée, mais elle ne s’aventura pas sur ces territoires de l’intime, sur des questions indiscrètes. Elle n’en ferait rien, tant que les choses ne seraient pas redevenues au moins un tant soit peu comme avant. « Je suis heureuse que tu n’aies pas oublié. Tu étais vouée à devenir une sorcière puissante. » Elle remplit les deux tasses d'eau, veillant à ne pas laisser échapper le contenant alourdi par l’onde, concentrée. « Il y a beaucoup de choses dont nous n’avons jamais parlé. Ce n’était pas le moment, ou… je n’étais pas toujours sûre de pouvoir placer mon entière confiance en toi. Tu restais la fille de ma sœur. Et je sais que Sybil et moi n’avons pas toujours été en très bons termes. Il m’était difficile de ne pas retenir ma langue un tant soit peu. » Un chat impudent sauta à même la table, et la maîtresse de maison le récupéra dans un soupir las et attendri, attirant la bestiole sur ses cuisses. Elle ne se fit pas prier, et ses phalanges se réjouirent d’avoir de quoi s’occuper en attendant que le thé infuse. Cela lui donnait une contenance. Cela lui permettait de ne pas affronter le regard de sa nièce, tandis qu’elle baissait les armes, enfin un peu. « Je ne t’ai jamais dit à quel point tu étais une apprentie exceptionnelle. Tu m’as rempli de joie, chaque année passée avec nous. Ton esprit était vif. Tes dons, étonnants. Tu as toujours su écouter, mettre en pratique et te remettre en question lorsque ça n’allait pas. Tu travaillais bien et tu étais plutôt obéissante. Je n’ai rien ou si peu de choses à reprocher à la petite fille que tu étais. Tu m’as beaucoup manqué, lorsque tu es partie. Ce qu’il s’est passé ne découle en rien de notre relation à proprement parler. Je suis et je resterai toujours ta mentor. Malheureusement, tu payes le prix de mes mésententes avec ta mère. Mais tu as raison. Nous évoquerons tout cela le moment venu. »
Elle se sentait peu à son aise. Parler de cette façon ne lui était pas naturel. Pourtant, elle ferait de son mieux pour honorer les confessions honnêtes de celle qui cultivait le noir, comme elle. Une main resta crantée dans la fourrure du félin, mais l’autre se tendit jusqu’à se poser sur celle, si pâle, de Shannon. Elle en voulait à Sybil, par ailleurs, d’avoir mentionné l’Irae, même aussi vaguement. Elle n’était pas certaine de vouloir que sa nièce grossisse leurs rangs à son tour. Morgan en serait probablement ravi, toutefois elle ne pouvait s’empêcher de serrer les dents, en songeant aux sacrifices déjà consentis par les siens. « Tu n’as pas fait tout ce chemin jusque chez moi juste pour te jeter dans la première cause venue qui te semble acceptable. On n’entre pas dans un cercle tel que le mien juste « pour voir » ou pour expérimenter. Il faut être sûr de soi. Sûr de pouvoir payer le prix éternel, et faire preuve d’une loyauté sans date de péremption. » Cette fois, elle ne fuyait plus. « Soit tu es naïve, soit tu t’es perdue, soit il s’est passé quelque chose… et mon instinct murmure que la troisième voie est la bonne… »
Elle tremblait en son for intérieur, craignait de triturer une plaie encore fraîche. Elle n’avait pas le choix, mais le regret la mordit férocement lorsqu’elle se risqua à demander : « Où est ton mari, Shannon… ? Pourquoi ce retour soudain ? Que t’est-il arrivé ? »
Un tout, une ambiance qui m'est familière, des odeurs et des sensations qui piquent ma mémoire de manière douce. Les souvenirs sont intacts: les chats, le tintement de la porcelaine, le parfum des divers thés, le bois qui craque, l'odeur particulière qui s'échappe des cloisons, la douce fragrance de ma tante. Étrange que de replonger en enfance, dans ma jeunesse troublée par ces vacances toutes particulières auprès de ce cousin que j'excecrais et cette femme que j'idolâtrai. Une telle simplicité de lui dévoiler la vérité, de mettre à nu cette fameuse vérité que je veux entière. On ne se ment pas, je me contente d'omettre ce qui perturbe le jais depuis sa mort. Des compliments qui gonflent mon égo et réchauffent mon âme morcelée, un sourire étire même mes lèvres un bref instant. Des mots que finalement, je rêvais d'entendre de sa bouche, que ma mentor reconnaisse ma valeur, le fruit de mes efforts, mon avancée, la puissance qui coulait dans mes veines. Après la douceur caressante, l'amertume de ses mises en garde, de ses doutes, de cette voie que je voulais entreprendre, les sacrifices qui en découleraient.
Il est vrai que je ne connais strictement rien de cette fameuse secte. Je ne sais que les maigres propos livrés par ma mère, cette même femme qui avait, en son temps, tourné le dos à sa propre famille. Qu'en penser? Quelle était la véracité de ses dires? C'est pour cette raison que je n'ai eu d'autre choix que de ravaler ma rancœur pour venir frapper à sa porte. La chance était de mon côté, Eoghan n'était pas présent, le meilleur des scénarios que j'ai pu me faire avant de prendre mon courage à deux mains. Un prix éternel, une loyauté sans date de péremption, voilà des termes qui collent avec mon désir, avec cet élan viscéral qui me pousse à me jeter à corps perdu dans cette nouvelle vie. Mon cœur se serre, ma gorge se noue. Ses mots. Cette question posée qui trouble mon être tout entier. Le jais s'agite au creux de mon estomac. Machinalement, mon regard se pose nerveusement sur mes mains pourtant gantées, je les recule suffisamment pour conserver une distance raisonnable avec ma très chère tante. Jamais je ne voudrais lui faire subir… ce qu'il a subi. La nausée, le parfum de mort ressurgit, inonde la pièce aux douces fragrances empruntes de nostalgie délicate. Où est ton mari. Lawrence… Lui… La raison de tout. Je dégluti difficilement, une furieuse envie de fuir m'envahit.
*Comment ai-je pu penser que ça marcherait? Comment ai-je pu penser que le temps avait effacé ma culpabilité et apaisé ce trouble? Fuir. Oui fuir est la meilleure des solutions.* Mains sur le bord de la table, je repousse ma chaise pour me redresser, prête à partir. Par peur, peur de lui faire du mal à son tour, peur de ne pas réussir à canaliser ce don devenu malédiction. Le contrôle. Toujours, important, vital quand on possède une puissance comme la mienne. Je laisse échapper un soupir puis, mon regard troublé croise le sien, terriblement inquiet de ce qui se joue devant elle. Ses prunelles. Nouvelle déglutition, mes mains retombent le long de mes cuisses avant de passer dans mon dos. Cette retenue, les masquer comme si les lambeaux de chair putride de mon époux y étaient encore incrustés. Fuir? La laisser ainsi? La laisser avec ces questions, cette inquiétude chevillée au corps? Je finis par baisser le regard, mes épaules s'affaissent légèrement à leur tour. Rendre les armes, accepter cette part de ma vie, lui livrer cette terrible vérité derrière ce plongeon dans l'inconnu. Un an. Une année toute entière n'a pas suffit, pas devant elle en tout cas. Étrange de se dire que mon aveu d'échec a été plus simple à exprimer face à ma mère que face à ma mentor. Notre relation n'est pas la même sans doute, la peur du jugement y est pour beaucoup aussi.
"Je… Nous nous sommes promis de parler avec franchise. Alors…" Je reprends ma place sans poser le regard sur elle, préférant la contemplation hypnotique du liquide dans la porcelaine, des volutes s'en échappant. Un ancrage pour mon âme qui s'agite, pour le jais qui se trouble et me ronge de l'intérieur. Concentration pour ne pas perdre mes moyens, pas face à elle, pas maintenant. "Je ne sais pas si tu as eu vent d'un incident au Texas, des jeunes dans une boite de nuit qui ont fini à l'hôpital psychatrique il y a un an de ça… C'est mon œuvre brouillonne. Je me suis laissée emporter par ce désir de destruction sans prendre en compte le facteur dommages collatéraux… Une erreur que j'ai chèrement payée." Je ferme un instant les paupières, ma main gauche passe sur les alliances à mon cou, la droite demeure sur ma cuisse. "Lawrence ne connaissait que la partie visible de l'iceberg, les sortilèges gentillets, les potions passe partout… Il ne connaissait pas ma réelle puissance, mes démons intérieurs… Mon don… Il m'a fait des reproches ce soir-là. Quand il a compris que j'étais coupable de cet acte mais aussi coupable de bien d'autres dans les villes qu'on avait traversé lui et moi. Je n'ai fait que semer le chaos, la désolation et la mort dans notre sillage et il ouvrait enfin les yeux sur celle que j'étais véritablement. Il n'a pas su remarquer les signes, il a pointé du doigt le désordre dans la boîte de nuit, m'a accusée, m'a dit de réparer ma connerie… J'ai vu noir, terriblement noir, je me sentais insultée par ses propos… c'était tellement pas le moment qu'il me découvre… Je. J'ai perdu pied. Me suis laissée emporter. Sylia… si tu savais comme je m'en veux de ne pas avoir su garder le contrôle de mon don. Ses mains se sont agrippés à moi, les miennes ont fait de même et j'ai senti cette puissance émaner de moi pour venir détruire son être tout entier. Jamais je n'ai tué de la sorte, si violent, si rapide, si douloureux à voir, à ressentir..."
Je dois m'arrêter là, les larmes étranglent ma voix, je refuse de les verser de nouveau. Je me mettais promis, après avoir mis le feu à sa dépouille. Un an n'a malgré tout pas suffi à apaiser ma culpabilité, mon esprit à besoin d'être utile à autre chose que ruminer mes erreurs. Ma main quitte mes alliance pour la tasse de thé, je souffle légèrement dessus, le liquide tremble à cause de mes émotions. L'animal rôde en moi, j'ai peur de le laisser s'échapper une nouvelle fois. Une gorgée pour chasser le nœud dans ma gorge me donner une certaine contenance aussi. Je sens son regard sur moi sans chercher à l'affronter. J'ai honte de cet aveu de faiblesse, de cet aveu d'échec aussi. Sylia avait tout fait pour canaliser mon don, pour le laisser s'exprimer sous ma volonté et non de manière anarchique. Elle comprendra pourquoi je porte des gants à présent, pas juste un style que je me donne mais, une manière de protéger les autres. Délicate intention pour une tueuse psychopathe… "Voilà, tu sais tout. Je n'ai pas cherché à faire taire mes émotions ni même à retirer Lawrence de ma mémoire. Je vais devoir vivre avec ça sur la conscience, devoir faire face à cet acte et avancer. Avoir un but me ferait le plus grand bien je crois, cesser de réfléchir et agir pour le compte d'une chose plus grande que moi, laisser ce pouvoir en moi s'exprimer au compte de l'Irae.". Ma voix a repris son timbre plus neutre, quelques traces de mon trouble sont encore audibles mais plus diffus. Reprendre le contrôle est indispensable.
egotrip
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le mouvement de recul de sa nièce ne lui échappa guère. Elle crut au départ qu’il s’agissait d’une attitude de réserve, l’envie de conserver une distance, de ne pas transgresser trop rapidement les étapes solennelles d’une réconciliation pleine et entière, entre elles deux. Cependant, très vite, la sorcière comprit qu’il n’en était rien. L’attitude de Shannon était trop pleine de déférence, voire d’une certaine reconnaissance. Cela ne collait pas. Attentive et prudente, ses phalanges se firent de plus en plus distraites contre le pelage soyeux et abondant de son familier. Une menace, nuage noir, plus noir que leur magie, avait jeté son dévolu sur le crâne de son invitée. Elle ne fit pas aussitôt le lien avec les gants portés. Shannon avait toujours cultivé un style vestimentaire qui plaisait à Sylia, bourré de petits détails faisant toute la différence. Un sens de l’élégance lui rappelant les anciennes dames du Sud, quel que soit leur teint, et qui faisait de la petite Mulligan une vraie demoiselle native de leurs contrées. La pauvreté ne pouvait rien contre cette prestance naturelle que, déjà petite, l’enfant possédait et expérimentait à sa manière. Bien souvent, l’envie l’avait taraudée alors, la jalousie à l’encontre de sa sœur ne se rendant probablement pas compte du joyau que représentait son aînée. Fut un temps où Sylia aurait pu tuer pour satisfaire ses rêves détruits par ce qui avait poussé entre les jambes de son fils. Elle s’étonna en silence que de telles pensées continuent de la torturer, si longtemps après. Toutefois, elle se reprit vite. Rien de nouveau. Ses blessures et ses regrets la tarauderaient jusqu’à son dernier souffle. Elle avait tendance à l’oublier, de temps à autre. Cette piqûre de rappel était douloureuse, mais la forçait à regarder son passé, son présent et son avenir presque totalement réduit en poussière dans les yeux. La tension qui habitait Shannon alerta la vétérane, qui se redressa à son tour ; sous l’impulsion, le chat, dérangé, quitta ses genoux et sauta à terre en les laissant toutes deux, silhouettes raidies et aux aguets, se faire face en attendant que la vérité éclate pour de bon. De plus en plus affolée par la posture de son héritière, elle crut voir en elle la honte toute juvénile d’une gamine ayant commis une faute irréparable, sans savoir à quel point son intuition approchait du vrai. Ses prunelles s’agrandirent, craignant en effet une catastrophe suprême, et commençant déjà à fomenter les hypothèses terribles, convergeant toutes vers la mort de…
Au fur et à mesure que le récit maladroit s’évidait, elle repéra enfin les éléments témoignant du mystère planant là. Les deux alliances. Les larmes, les mots trébuchants, et le résultat glaçant, venant racornir un peu davantage le cœur de l’arcaniste. Sylia baissa la tête, fixant les lattes sombres du parquet sous ses talons. Une peine inattendue, immense, le poids d’une épreuve de plus à laquelle elle ne s’attendait pas, alourdissait son dos déjà rendu plus fragile par sa grande taille, un travail éreintant, et une sourde angoisse qui ne la quittait jamais depuis presque quarante ans. Tout en digérant sa détresse, elle referma ses paumes aux serres effilées sur ses longues cuisses couvertes du jupon noir. Elle réfléchissait, gardant le silence obstinément. Elle n’avait pas le droit à l’erreur. Le moindre mot pouvait rouvrir à vif les plaies de sa disciple. Elle comprit ce que ce retour à Shreveport avait de cathartique, pour la fille de Sybil. Elle comprit qu’elle seule était en mesure d’offrir à Shannon cette dernière voie possible. Sans le savoir, sans le vouloir, sans qu’elle n’ait pu s'y attendre, l’apprentie avait marché sur ses traces jusqu’au bout, jusqu’à se vouer elle aussi corps et âme aux caprices de sentiments pour lesquelles elles n’avaient jamais, toutes deux, été modelées. Une forme de malédiction que n’aurait pas manqué de souligner Julianna, ricanant qu’elles étaient justement punies par leur manque d’humilité, leur prétention, leur incroyable capacité à croire qu’elles pouvaient suivre un chemin différent.
« Je sais ce que tu ressens. »
Elle sourit, un peu amusée par les coïncidences de cette journée grisâtre. Les cravates de Christopher Underwood se rappelèrent à son bon souvenir.
« Il n’aurait jamais pu comprendre. Il n’aurait peut-être pas non plus accepté. Toute l’étendue de tes capacités. »
Elle tourna la tête, observant sans le voir le thé fumant quelques instants, colorant progressivement une eau qu’elle n’était plus certaine d’avoir envie de boire, malgré sa gorge sèche et sa langue comme engourdie. « Tu n’aurais jamais pu lui dire toute la vérité. » Christopher non plus ne savait pas. Ses soupçons, elle les avait réduits en charpie avec minutie, méthodiquement, jouant de nombreuses techniques de manipulations plus ou moins conscientes, plus ou moins efficaces. Jusqu’à ce que leur éloignement mutuel joue en la faveur de l’intelligence d’un homme qui n’avait jamais commis l’erreur que de se coller des œillères par amour. Un amour réel, qui parvenait à l’émouvoir encore aujourd’hui. Indigne. Elle s’était montrée indigne d’une telle passion, d’une tendresse telle qu’elle n’avait pas eu le courage de lui faire honneur. Shannon ne savait probablement pas le sort qu’elle avait réservé à son propre époux, bien des années avant elle. Ou peut-être que si. Peut-être que Sybil avait bavé à sa fille, enfin repue de commentaires mauvais, de répliques cinglantes. Mais peut-être que rien n’avait jamais été révélé. Après tout, elle n’avait que peu côtoyé son défunt compagnon.
« Je ne voulais pas qu’il t’arrive la même chose. »
Le destin. Le destin planait et se riait d’elles deux, les moquant sans vergogne, l’obligeant à reconnaître qu’un même système, cycle infernal, s’acharnait sur leur lignée. Et Eoghan ? Qu’en serait-il de son fils ? Sa virilité lui épargnerait-elle un avenir similaire ? Était-il celui qui briserait la roue de leur infortune ? Faudrait-il que sa naissance et sa propre rébellion soient les ingrédients parfaits, le remède leur permettant de mettre un terme à ces mises à mort systématiques ? Perdue, bouleversée, elle n’aurait su le dire. Elle n’était pas en état de prendre un tel pari. Sa main repoussa avec lassitude une longue mèche brillant de quelques filaments blancs.
« Cet échec, il n’appartient pas qu’à toi, Shannon. Il s’agit aussi du mien. Ainsi que celui de ta grand-mère. » Elle parlait sourdement, consciente qu’elle ne proférerait plus jamais les mots primordiaux et terribles, la révélation qui, d’ordinaire, demeurait soigneusement confinée dans les coffres scellés de leur mémoire collective. Délicatement, ses mains se rouvrirent, et elle contempla ses phalanges fatiguées, les yeux humides. « Oui... J’ai échoué. Par deux fois, à présent. » L’aveu la crucifia. Son échine se redressa imperceptiblement. Elle regarda Shannon, déjà déterminée à noyer son chagrin dans un combat qui n’était pas le sien. Elle comprenait mieux, cependant. « Je te remercie pour ton honnêteté. »
Oubliant définitivement le thé, la sorcière se releva, dépliant sa haute silhouette pour effectuer quelques pas et se rapprocher de sa nièce. Elle serra délicatement son épaule, la contemplant de toute sa hauteur, sans vouloir l’écraser de son aura. Son empathie, rarement soulevée, fut totale lorsqu’elle se pencha et prit entre ses paumes le visage de sa nièce. « Ma toute petite… » Ses pouces créèrent deux arabesques arrondies sur ses pommettes n’ayant perdu qu’une partie de leurs courbes rebondies. Ses lèvres si avares de baisers se posèrent sur son front blanc. « Tu devras porter ce fardeau toute ta vie. Mais elle est encore longue. Ne te laisse pas avaler par le remords ni la peine. Tu es forte. Tu y survivras. Et je serai là, encore longtemps après que tu auras commencé à guérir, au moins un peu, de ce qui était inévitable. »
Inévitable. Elle ne pouvait faire autrement que de confesser cette certitude qui ne la quitterait plus jamais.
« Je serai là. Tu seras toujours la bienvenue à Shreveport. Tu as bien fait de revenir auprès de moi. Les choses ont changé, mais tu restes la chair de ma chair. Ma disciple. Je ne te laisserai jamais sombrer. »
Instant suspendu. Des aveux. Un échec de ma part. Un aveu. Une honte pour cet échec que j'avoue à ma mentor. Je ne sais que penser de ce déballage bien trop sentimental pour me ressembler. Moi qui ai fait preuve de tant de force de caractère, de tant d'affrontement en claquant les portes des Mulligan, en tournant le dos à cette lignée si emplie de fierté. Là, je viens de me mettre totalement à nu, de lui montrer les moindres de mes points faibles à celle qui m'avait inculqué la force de caractère, le fait de ne jamais dévoiler ses points faibles à quiconque. Les paroles sont douloureuses dans ma gorge, contre ma langue et à mes oreilles. C'est si difficile de tout avouer, c'est si déchirant de le lui avouer à elle. Ma façade intouchable, inviolable, inébranlable s'effondre. Ma dignité, ma force et mon contrôle s'étiolent peu à peu. Me livrer à de telles confidences face à d'autres n'auraient du tout le même effet, le même impact sur ma psychologie. Fébrile. Mon corps tremble légèrement, la peur de perdre encore plus mes moyens, de lui faire du mal bien que je me sois parée de mes gants avant de venir.
Le silence. Son silence. Me laisser face à mes aveux assourdissants. Ma voix semble encore flotter dans l'air ambiant pour venir m'agacer un peu plus l'ouïe bien que je me sois tu. Je sais ce que tu ressens Des mots bien lourds de sens qui me font lever un regard incrédule vers elle. Croiser ses prunelles pour y déceler n'importe quel secret avant de les baisser de nouveau. Comment saurait-elle ce que je ressens? Sa puissance l'a-t-elle dépassée à un moment précis? J'ai tant de peine à croire que ma très chère tante se serait laissée un jour submerger par sa magie si impeccable. Il n’aurait jamais pu comprendre. Il n’aurait peut-être pas non plus accepté. Toute l’étendue de tes capacités. Sans doute a-t-elle raison sur ce point. Non, bien évidemment qu'elle a raison. J'ai tout tenté pour qu'il n'apprenne jamais rien, qu'il ne connaisse que la surface de mon pouvoir, qu'il voit cela comme un amusement et non comme une drogue à laquelle j'étais, je suis et je serais toujours complètement accro. Non, cette histoire était vouée à l'échec, mes mensonges n'avaient fait que retarder l'échéance, rien de plus. Des larmes. Vérité crue, implacable, violent crochet dans les côtes qui me file la nausée. Lui dire la vérité? Non, jamais je n'aurais pu. Jamais je n'ai esquissé l'idée de lui dévoiler l'étendue de mes talents. Mensonges, faux-semblants et encore des mensonges pour étouffer ses interrogations, ses questionnements sur mes désirs de quitter une ville après l'autre après seulement quelques mois voir une année d'installation. L'amour rend aveugle paraît-il, il m'a rendue bien crédule et bêtement positive moi par contre.
Je ne voulais pas qu’il t’arrive la même chose. Le couperet tombe. Je quitte mon immobilisme pour relever mon regard clair sur elle, toujours assise sur sa chaise, le chat en moins. La même chose? Je ne peux me tromper sur ces paroles. Son mari? Mon oncle ou bien un autre? La suite de ses propos. Si lourds de sens. Le poids d'un secret non, de deux secrets que personne n'a osé révéler. Alors qu'au vu des dégâts collatéraux, un peu de franchise n'aurait pas été de trop. Je fronce les sourcils alors qu'elle me remercie de ma franchise, il ne pouvait en être autrement, je ne pouvais lui mentir, pas maintenant. Elle se redresse, une part de moi désire reculer, fuir, refuser sa présence encore plus proche de moi. Sa main sur mon épaule. Tendresse plus qu'appréciable en cet instant douloureux. Le palpitant qui s'apaise, la respiration qui ralentit. Effet salutaire. La douceur de ses paumes sur mes joues, sans doute rougies par mes pleurs. Je pourrais m'effondrer dans ses bras et demeurer auprès d'elle une éternité quand elle m'appelle "Ma toute petite". Caresses et baiser qui me replongent en enfance. Si rares et pourtant si chers à mon cœur. Il y a toujours eu tant de tendresse dans ces gestes envers moi. Maternelle.
Je penche la tête de côté en fermant quelques secondes les yeux. Le parfum de sa peau, la douceur de cette dernière contre la mienne. Le réconfort dans sa présence et ses mots à mon égard. "Merci Sylia… Merci même si… Je ne m'attendais pas à ce que tu me comprennes. Je ne pensais pas que tu avais traversé la même épreuve que moi." À mon tour de ne pas trouver les mots, de chercher à aborder ce sujet sans qu'elle se braque, sans que le lien créé ne se brise en un battement de cils. "Parles-moi s'il te plait, explique-moi ce que j'aurais dû savoir avant de vous quitter cet été là avec des papillons dans le ventre, avec mes désirs d'ailleurs. Je me souviens de ton regard, de tes silences… Je prenais ça pour de la politesse à l'époque… Maintenant, je me rends compte que tu me cachais quelque chose. Tu as pensé que je pouvais y arriver ou bien… tu savais que ça tournerait au drame?" Je ne veux pas croire qu'elle m'ait laissé partir pour que je souffre à mon tour, je ne la vois pas aussi cruelle, du moins pas avec moi. Timidement, en tentant de vaincre ma peur de la détruire elle aussi et pour étouffer mes derniers propos, je viens poser mes mains gantées sur sa taille pour l'approcher un peu plus de moi. Quitter ses paumes pour l'enlacer, trouver la chaleur de son être tout entier pour une étreinte tant manquée. Les effusions de ce genre ne me ressemblent pas, pas avec elle, pas de mon initiative tant j'ai du respect pour son enseignement et sa rigueur. J'en avais juste besoin pour reprendre pied.
Ma voix demeure murmurante alors que les battements de son cœur sonnent comme une douce mélodie. "Un fardeau, oui. Je pensais avoir passé suffisamment de temps seule à travailler sur moi pour t'affronter sans m'effondrer comme une fillette. Pardonne-moi ma faiblesse Sylia, pardonne-moi aussi de venir ouvrir d'anciennes plaies. Je suis un véritable éléphant dans un magasin de porcelaine. Ma vision te rappelle ma sœur, mon acte te rappelle les tiens. Me voilà devant toi avec mes stigmates alors que je ne connais pas l'ampleur des tiennes. Je ne pensais pas que je serais obligée de me livrer, je n'avais pas imaginé ce scénario. Une nouvelle erreur de ma part. Impardonnable." Qu'importe l'âge, les années passées loin d'elle, je me vois toujours comme cette jeune fille venant passer ses vacances estivales à parfaire ses connaissances. Je consens à rompre le contact, reculer d'un pas pour remettre un peu d'ordre à mon état général. Le thé. Nous étions censées boire une tasse de thé elle et moi, parler de mon projet de rejoindre cette secte. Sauf que l'on parle de nous, on se livre enfin l'une à l'autre même si ma tante ne fait qu'effleurer la surface insondable de ses secrets. "Ça ne te dérange pas qu'on boive un peu de thé, j'ai la gorge sèche et nouée… Je ne pensais pas que je reviendrais un jour à Shreveport, encore moins chez toi pour être tout à fait honnête. Pardon pour ma franchise… Il n'est pas simple de tirer un trait sur tant d'années de rancœur, je travaille sur moi… j'ai l'impression de ne faire plus que ça depuis sa mort, c'est épuisant. Se faire avaler. Tu as vu juste, c'est la sensation que j'ai, je me fais happer, je me laisse submerger. Faire face et tourner la page est plus douloureux et difficile qu'il n'y paraît. Comment y es-tu parvenu?
Je parviens à esquisser un fin sourire, maigre mais sincère, comme pour m'excuser d'avoir fait irruption dans sa vie de la sorte, de mettre à vif des blessures qu'elle avait dû mettre du temps à cicatriser. Étrange sensation alors que j'avais cherché de sa part des réponses à son absence auprès de nous puis espéré des excuses par la suite. Voilà que je m'excuse, que je suis désolée de cette présence dans cet endroit inchangé depuis toutes ces années alors que j'ai désiré cette rencontre pour aller de l'avant. Étrange. Je reprends ma place autour de la table dans un soupir lourd, tout aussi lourd que mon âme en cet instant.