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Arachnophobia ~ Emma Z.

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Mar 29 Mar - 23:44 (#)


ARACHNOPHOBIA
Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir,
chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !


"Il est inutile de vous braquer mademoiselle. Vous énerver ne résoudra rien non plus. Retrouver la mémoire est un long processus. De la rigueur, de la patience et des exercices peuvent aider à débloquer ces verrous que votre esprit a posés sur les souvenirs trop douloureux pour vous. C'est un mécanisme d'autodéfense alors que votre corps était à l'agonie quand vous êtes entrée à l'hôpital. Votre cerveau a estimé que vous ne pourriez gérer la douleur physique et psychologique de front. Maintenant, vous devez lâcher prise, accepter cette nouvelle souffrance à venir, accepter de ne pas comprendre certaines choses, images qui viendraient de votre passé. C’est une nouvelle étape vers la guérison. Votre corps va bien, votre cerveau n'a pas la moindre séquelle suite à votre accident, c'est déjà une bonne chose,  croyez-moi. Tout est donc d'ordre psychologique à présent."
"C'est que je n'ai pas le début d'un souvenir! Des cauchemars incompréhensibles que je parviens à peine à écrire sur ce fichu carnet, c'est tout ce que j'ai depuis que je suis sortie du coma!"

Des larmes débordant des yeux, les joues empourprées, je balance sur son bureau impeccablement rangé le carnet abîmé qui s'ouvre sur une page remplie de gribouillis et de ratures multiples. Écrire est une chose terriblement difficile pour moi, je me suis réveillée sans savoir coucher quoi que ce soit sur le papier. Stylo en main, je tremblais, pleurais de ne pas être capable de faire une chose aussi simple. J'avais en moi la certitude que je n'étais pas illettrée, que j'avais une passion pour les mots, pour les beaux phrasés noircissant les pages blanches. Mais là, rien. J'ai dû réapprendre, redonner à mes muscles cette habitude oubliée. Réapprendre à former des lettres, à visualiser les mots ainsi que leur orthographe. La lenteur. Une lenteur qui avait le dont de me faire péter une durite tant j'avais besoin, envie de mettre des mots sur mes maux en toute autonomie. Quand Amina est partie pour retomber entre les griffes de son bourreau de mari, j'ai pu compter sur Lucie, jeune fugueuse anciennement toxicomane et alcoolique, pour remplir ce fichu carnet pour la psy. Je ne l'aime pas cette bonne femme aux cheveux grisonnants dans son chignon strict, son regard noir derrière ses lunettes en écailles me juge tout en annotant frénétiquement mon dossier au fil de mes confidences. Elle est telle un animal, elle se repaît de mon désespoir, celui qu'elle fait germer et qu'elle nourrit de ses questions inquisitrices. Ses prunelles se posent sur mes gribouillis, ses doigts fins entreprennent de tourner quelques pages en silence. Elle ne relève pas son visage fin alors que sa voix elle, s'élève.

"Vous voyez qu'il y a de l'évolution. Vous parvenez à écrire. Certaines choses peuvent prendre plus de temps que d'autres, je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Il vous faut juste être persévérante et bien continuer vos exercices de mémoire. Toujours des migraines et des cauchemars… Hum… On va modifier votre traitement et on en discutera ensemble la semaine prochaine."

Comme à chaque fois, je sors de son bureau lessivée, agacée, énervée, démoralisée. Je n'ai pas du tout l'impression d'avoir avancé d'un poil depuis le premier jour. Des mois de thérapie pour des gribouillis, des maux de crâne et des nuits toujours trop courtes. J'ai le droit à ma petite ordonnance, encore des cachets à ingurgiter, encore des posologies à respecter, des douleurs nouvelles aussi sans doute à apprivoiser. Elle m'a mise en garde de bien m'alimenter, qu'elle me trouvait trop maigre, que je devais prendre mon traitement à heure fixe, que je devais continuer à m'entraîner à l'écriture. J'ai beau être sans ressource, j'ai la chance d'être dans un foyer qui bénéficie des aides de la famille Hamilton, les soins sont pris en charge et la psy est une bénévole. Ssans doute pour ça qu'elle me traite comme une merde et que les moments avec elle sont expéditifs, je ne lui rapporte rien de plus que du temps perdu Des conseils et des recommandations que je prends pour des ordres, des injonctions insupportables. J'ai pas la moindre envie de rentrer directement au foyer, j'ai envie de rien en fait. J'erre dans les couloirs de l'hôpital comme une âme en peine, les mains dans les poches et le regard rivé au sol. Après quelques minutes, je me retrouve face au mémorial pour les victimes d'halloween 2019, un dramatique événement dont je ne me souviens absolument pas non plus. Des visages, des mots laissés par les survivants à ceux qu'ils ont perdu entre ces murs. Mon regard parcourt les divers papiers exposés, comme si j'allais y trouver mon propre reflet. Comme si j'avais moi aussi perdu quelque chose à cette époque totalement effacée de ma mémoire. Partout, je cherche une lueur d'espoir, un regard familier, une tournure de phrase, un sourire. Qu'importe le signe, qu'importe la blessure de retrouver un être de mon passé qui serait malheureusement mort lors de cette fameuse nuit qui a bouleversé les consciences de tous les habitants de Shreveport.

Soupire las, je me dirige vers la cafétéria pour retarder le face à face avec la pharmacie, retarder aussi le retour auprès de mes sœurs de déprime qui attendent de savoir comment s'est passé mon rendez-vous. Je les apprécie beaucoup, elles me soutiennent et m'aident énormément au quotidien. On se confie tout, on parle de tout, on se protège des vols, on se fait confiance. Mais, quand je quitte ma psychologue, j'ai juste envie de me jeter du haut d'un pont. Je me sens terriblement seule et incomprise, toujours aussi démunie face à cette montagne à gravir que sont mes souvenirs enfouis. Café chaud en main, je me prends une place un peu en retrait des patients en blouse, perfusions et autres joyeusetés qui me ramènent irrémédiablement en arrière. Cette période de flottement, ces moments où j'espérais un miracle à la moindre personne passant la porte. Miracle. Mot qui ne fait plus partie de mon vocabulaire au profit de la résignation. Heureusement que je parviens à passer outre sinon, je ne serais déjà plus de ce monde. Sans doute que l'étincelle d'espoir de me reconstruire malgré ces vides est suffisamment ardente pour que je ne me laisse pas trop aller dans la dépression. Je pose mon gobelet sur la table bancale et sort le fameux carnet de mon tote bag. Griffonner, mettre des images, des dessins avant de chercher à écrire des mots une fois au calme. La peur que des regards se posent sur mes traits tirés, mes prunelles cristallines baignées de larmes quand la connexion cerveau-main refuse obstinément de se faire. Je retire ma capuche, range mes cheveux en un chignon lâche attaché par un crayon à papier. Alors, je trace quelques lignes représentant mon rendez-vous chaotique, d'autres mon passage au mémorial. Je dessine même la fleur accrochée sur la veste de la serveuse aux cernes sous les yeux à cause des longues heures de boulot pour réconforter les patients mais aussi les visiteurs qui pour certains portent le poids du deuil sur leurs épaules. Elle avait un sourire agréable, une voix légère.
(c) mars.
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Ven 1 Avr - 9:48 (#)

Il faut en trouver d’autres, Emma. Il en faut plus. Plus. Plus.
Une litanie de voix sifflantes qui entonne un air macabre et désespéré à mesure où le vent s’engouffre dans les arbres, faisant chuinter les branches comme autant de phonèmes perdus dans l’air et entendu par nul autre. Une supplique déchirante de voix déformées, un besoin impérieux. La bourrasque s’atténue et les voix se fanent. Mon attention se détache de ces paroles silencieuses et mon regard se reporte sur l’homme en blouse blanche en train de parler de son projet de recherche interdisciplinaire. Sa mâchoire mouvante portant ses idées me ferait presque penser à une mandibule vivace et trépignante. Son air bonhomme et souriant en revanche me fait comprendre que celui-ci préférerait la mort plutôt qu’une vie de monstruosité. Les personnes ayant des airs si heureux et si comblés possèdent beaucoup trop de choses à perdre et tous leurs espoirs et rêves se fracassent sans mal dans le néant de l’araignée. Je l’ai appris dans la brutalité d’une mort volontaire. La première que j’ai choisie pour combler la solitude vorace de l’arachnide n’a pas supporté sa nouvelle nature, son sourire a périclité pour se transformer en rictus de pure terreur quand elle a fini par comprendre ce qui lui était arrivé. Ce qu’elle était dès lors. Elle s’est suicidée peu de temps après sa première transformation et je me suis de nouveau retrouvée seule représentante de mon espèce en ces terres après avoir gouté trop brièvement à l’apaisement d’un début de colonie. L’araignée était en rage et j’avais perdu mon temps. Je dois mieux les choisir.

Depuis mon arrivée en ville, les visions se focalisent sur cet unique objectif de créer une colonie, de nous répandre et conquérir, surpassant même ma quête de vérité par moment. Ou alors est-ce là mon salut : répéter les histoires antiques que l’on croit des légendes pour que nul ne doute plus de leur véracité. De nouveau faire déverser sur ce peuple de mammifères une nuée terrible sombre et grouillante et leur prouver que malgré la supériorité qu’ils pensent avoir acquises, ils sont comme leur ancêtres et devront plier pour ne pas sombrer. La froideur mécanique de l’arachnide ne suffit plus à contenir son instinct de meute, elle prendrait n’importe lequel de ces primates pour l’aider à agrandir sa toile. Pour ma part, je sais à présent que tous ne sauraient supporter cette transformation et que l’on ne peut se permettre de mener à la mort autant de ces humains sans attirer une attention indésirée et dangereuse. Alors, d’un esprit froid et mécanique, on scrute la moindre personne et la décortique pour y chercher un potentiel nouveau congénère. Chaque geste, chaque mot, chaque détail est passé est disséqué par cet esprit logique qui analyse et juge tous ces humains qui pourraient ne plus en être si je décidais de planter dans leur chaires mes mandibules affamées. Les fluctuations de la voix du médecin en charge de la réunion me font comprendre qu’il a fini son ennuyeux exposé et reporte mon attention sur cette réalité inepte. Un projet mêlant médecine et sciences humaines pour obtenir un point de vue global sur les gens pratiquant la magie. Rien qui ne me concerne réellement. Tous les participants à la réunion se félicitent avec un air enthousiaste et, sans participer à ces pitoyables réjouissances, je quitte la salle de réunion que l’hôpital a bien voulu mettre à notre disposition. Pour l’heure, mon projet est bien différent du leur.

J’arpente les couloirs de l’hôpital en accrochant mon regard aux gens alentours, estimant la valeur de chaque personne croisant mes pas. Des patients physiquement trop faibles, des blouses blanches et des visiteurs trop intégrés à la société dont un changement de comportement attirerait trop l’attention, un concierge chantonnant trop heureux pour survivre à la froideur des insectes qui viendraient lui ronge l’esprit. Et puis une femme seule à l’air défait et las se détache de l’environnement blanc et aseptisé. L’attention de l’araignée est captée par cette proie isolée à l’air perdu mais non rongée par la maladie. Elle se tient face à un mémorial de la nuit d’halloween. Une survivante isolée peut-être ? Quelqu’un sans attache qui cherche une place, ou à défaut quelqu'un que personne ne recherchera. En silence, la jeune femme reprend sa route et mue d’un instinct chasse irrépressible, je la suis vers un endroit vrombissant de bavardages et d’odeurs de nourriture peu avenantes. A mesures où elle oscille dans la foule et s’installe, je l’observe placidement. Je n’ai jamais compris les gens, alors je l’aborde comme une relique nouvelle et curieuse dont je désire révéler les secrets. Je l’examine, détaillant ses vêtements et la devinant d’un milieu populaire, décortique la moindre de ses expressions faciales, de sa posture, l’estimant en proie à une certaine détresse. Hélas mon intérêt limité pour les humains et leur sociabilité ne me permet pas de comprendre la sémiologie complexe en train de se répandre sous mes yeux. Ses prunelles bordées de larmes sont néanmoins un signe très claire de son trouble. Par le passé, l’araignée m’a sauvée en dévorant mes états d’âme quand j’étais au plus mal, telle pourrait être la réponse, trouver des personnes qui ont besoin de voir leur peur et leur tristesse se faire avaler par la bête. Les deux parts de mon esprit fracturé s’accordent sur cette évidence, voilà une proie qui pourrait devenir chasseresse à nos côtés.

Immobile dans la foule mouvante, je réfléchis à comment la piéger dans ma toile. Je ne peux pas me contenter de la contraindre à me suivre dans mon antre avec tous ces primates aux alentours. Je ne suis toujours pas habituée à ce nombre démesuré d’humains réunis au même endroit comme autant de menaces jalonnant cette forêt de bitume et de béton. Chasser ainsi en vue n’est pas naturel. Je dois l’attirer dans ma toile loin de cette cohue inepte. Quittant mon immobilité, je m’approche de la jeune proie perdue et seule puis m’installe à sa table. En observant les relations humaines se jouant autour de moi, j’ai noté un pattern qui se répète et qui permet aux humains les plus manipulateurs d’obtenir ce qu’ils veulent : Etablir un contact, trouver ce que désire l’autre, faire semblant de le lui offrir pour obtenir ce que l’on souhaite. Une traque inhabituelle, mais bien plus discrète pour l’attirer que de simplement la suivre puis la contraindre. Également une occasion pour s’assurer qu’elle est bien ce dont j’ai besoin. Je la fixe une seconde puis lui dit d’une voix atone et vide qui pourrait passer peut-être pour de la contrition.

« Vous n’allez pas bien. » L’affirmation d’un fait qui satisfait l’arachnide qui y trouve l’opportunité d’une nouvelle congénère qui pourrait embrasser l'insecte au lieu de la mort. Une pour qui le froid placide de la bête serait un cadeau, un salut. Dans un calme parfait et immuable tranchant avec la vie grouillante alentours, je lui demande : « Que faites-vous ici ? »

Es-tu celle que je recherche tant ?
Dévoreras-tu le monde avec moi ?
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Mar 26 Avr - 22:55 (#)


ARACHNOPHOBIA
Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir,
chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !


Ne pas se braquer. Accepter l'inacceptable vide qu'est mon cerveau quand je cherche à me souvenir. Les migraines que je me provoque en allant à la conquête d'un prénom, d'un visage, d'un animal ou que sais-je encore qui ferait office de lien, d'ancre, d'attache quelconque pour en dérouler son historique, pour en détricoter mon histoire. Je ne connais pourtant que la frustration, l'amer goût de l'échec à chaque fois que je force les choses. Déprimant. Partir en quête de souvenirs, très certainement douloureux, rend la tâche complexe. Masochisme: nom masc. Comportement d'une personne qui trouve du plaisir à souffrir. Se triturer l'esprit pour y trouver la souffrance, pour retrouver les souvenirs de ce que j'ai pu subir avant de me retrouver à l'hôpital. Oui, c'est masochiste de chérir le jour où tout me reviendra dans la gueule sans crier gare. Oui, c'est masochiste d'essayer de faire ressurgir le passé sans même savoir ce qu'il contient dans son entièreté. Je rêverais de pouvoir piocher, sélectionner les bonnes cartes et détruire celles qui pourraient me faire trop de mal. La psy m'a bien mise en garde, m'a bien préparée au fait que cette recherche ne m'apportera pas uniquement des fragments plaisants et que ma thérapie ne prendra aucunement fin quand je serais complète. Bien au contraire. Une longue route m'attend encore. Soupir. Je tente de retranscrire ce que j'ai ressenti cette dernière heure, dans mon coin, je n'ai pas l'impression que les regards se posent sur moi. Je manque de rapidité et de précision, mes pensées vont bien trop vite pour les muscles de ma dextre qui se tétanisent encore par moment. C'est tellement frustrant. Je laisse tomber mon stylo sur la page à peine noircie. Mes mains se posent sur le gobelet de café allongé fumant, j'y ajoute la totalité du sachet de sucre avant de le touiller distraitement.

Mes prunelles se posent sur les gens qui peuplent cette cafétéria, songeuse. Hier, Amina est revenue au foyer. Elle avait été mon plus grand soutien quand j'y suis arrivée après ma sortie de l'hôpital, une amie repartie entre les griffes de son bourreau qui avait trouvé le moyen de lui faire quitter la protection de ce lieu sous prétexte qu'il était hospitalisé. Une excuse bidon pour la reprendre sous sa coupe, pour la briser de nouveau. On s'était disputées le soir de son départ, elle avait trouvé égoïste de ma part que je ne veuille pas qu'elle retourne le voir. Alors que moi, je ne voulais que son bien, que je sentais, après tout ce qu'elle m'avait raconté de lui, qu'il allait répéter le même schéma. Et hier, c'est avec des ecchymoses et le cœur lourd qu'elle a toqué à la porte de ma chambre. Amina avait peur de ma réaction, de mes remontrances. Elle n'a eu de moi que de la compassion et tout mon amour. Nous avons passé la nuit à discuter, elle m'a raconté son nouveau calvaire auprès de celui qui est toujours son mari sur les papiers. Puis, elle a voulu qu'on parle de moi, elle m'a félicitée pour mes progrès, pour mon nouveau look et pour mon visage plus apaisé. Amina me trouvait changée. Et, même si je me sentais toujours incomplète, j'essayais d'aller de l'avant en me construisant une nouvelle vie. J'avais même déposé quelques CV, sans grande conviction, pour au moins donner l'illusion d'une réinsertion possible au vu de mes lacunes.

Des infirmières passent près de moi et me saluent, je leur offre un maigre sourire. Je me rappelle les avoir vues à mon chevet quand je suis sortie de mon coma et d'autres fois lors des visites médicales. Faut dire que c'est pas courrant une jeune femme que personne ne recherche avec autant d'ecchymoses et de cicatrices sur le corps. Jane Doe, impossibilité pour le moment d'avoir une autre identité que celle-là, le temps de l'enquête. Un temps indéfini en quelque sorte. Une étape pourtant cruciale pour une reconstruction plus palpable. De nouveau, je me sens  perdre pieds, sombrer dans les dédales tortueux de mes émotions négatives, qui comme le blizzard, me glace de l'intérieur. Frissons. Une gorgée de café brûlant pour tenter de remonter à la surface. Je repose le gobelet puis, je tente à nouveau de remplir mon carnet. Conserver des rituels, stimuler la mémoire. J'ai beau détester cette peau de vache de psy, se sont ses sermons qui occupent mon crâne à longueur de temps. Absorbée, je n'ai pas perçu son approche. La table bancale a menacé de renverser mon gobelet quand elle a pris place en face de moi. Mes prunelles claires se sont retrouvées dans les siennes, froncement de sourcil à la douceur de ses paroles. Quelque chose chez elle me met légèrement mal à l'aise sans que je ne sache vraiment quoi. Elle questionne sur la raison de ma présence à l'hôpital. Muette, immobile, perturbée par cette intrusion soudaine dans mon espace que je désirais solitaire. Du frais sur ma joue me ramène à mon état précédent, d'un geste de la manche, je chasse mes larmes. Pathétique, je songe à la sombre garce rencontrée dans ce même établissement quelques mois plus tôt, à la violence de ses mots à mon égard. La peur que le schéma se répète? Oui bien évidemment mais, cette fois, c'est elle qui a fait un pas vers moi non?

Je prends une grande inspiration et fuit son regard troublant. "C'est un de ces jours sans… c'est là-dedans que ça ne va pas fort. " Je lève la main droite et pointe mon crâne de l'index. Avoir parlé avec la psy ça a toujours tendance à ouvrir toutes les vannes chez moi, j'ai encore besoin de parler avec des inconnus ou non d'ailleurs mais, pas des mêmes sujets évidemment. Un silence s'installe entre nous, je cherche mes mots, toujours cette peur du jugement, du regard. "J'suis ici parce que j'consulte une psychologue qui m'aide à… retrouver tous les souvenirs que j'ai perdus. Je ne sais pas qui je suis. Les seules choses que je sais c'est que personne n'a essayé de me retrouver et que j'ai subi de nombreux… Bref, j'ai perdu la mémoire suite à un traumatisme physique mais surtout psychologique. " Je rougis en revenant sur elle, je parle un peu trop. "Pardon, sortir d'une séance de psy me rend un peu trop bavarde… Et vous? Que faites-vous ici? Vous êtes médecin?"  Il ne me semble pas l'avoir déjà croisée, ce regard m'aurait sûrement marquée comme il le fait maintenant. Je croise juste les doigts qu'elle ne soit pas un énième mirage. D'un geste vif, je referme mon carnet, trop honteuse qu'elle puisse poser le regard sur mes gribouillis ressemblant possiblement à des mots et des phrases.
(c) mars.
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Mar 10 Mai - 9:39 (#)

Dans le bruissement vivant des gens qui se meurent, la jeune fille perdue essuie ses larmes en détournant le regard. Mes prunelles demeurent plantées dans son visage exprimant une douleur muette alors qu’elle explique à mots doux la source de son désarroi. Après ses quelques phrases abandonnées à une inconnue, un silence presque paisible nous effleure l’espace de quelques secondes, tout juste entamé par les bruits des pas des blouses blanches, les tintement des couverts et une quinte de toux grasse. Impassible et scrutatrice, l’arachnide avide tapie dans mes entrailles épie sa proie qu’elle espère sœur, patientant telle une chasseresse savante, attendant que la jeune fille vienne se prendre dans sa toile. La jeune femme reprend ses propos et déroule le fil des problèmes l’ayant mené dans ce lieu blanc aux odeurs d’antiseptiques et de nettoyant industriel. Ainsi donc ses souffrances furent telles que son esprit lui-même s’est brisé pour l’en préserver. Avec un ton calme qui pourrait presque passer pour de la douceur dans cet environnement emplie de peur et de douleur, j’entreprends de répondre à ses questions :

« Non, je ne suis pas médecin. Je travaille à l’université et collabore parfois avec des docteurs de cet hôpital. »

Une collaboration jusque là peu fructueuse, hélas. Leurs idées trop cartésiennes les empêchent de saisir le mysticisme inerrant à leur sujet d’étude même. Leurs projets pluridisciplinaires semblent alors voués à l’échec et je n’ai pas de temps à perdre avec les questions incomplètes et les études mal menées. Abandonnant rapidement ces pensées, mon attention se porte de nouveau tout entière sur la femme à l’air perdu. Son désarroi et son désespoir me laissent entrevoir une autre possibilité que de la saisir telle une proie récalcitrante refusant de se laisser sagement dévorer. Une option bien trop humaine, manipulatrice et insidieuse, pour qu’elle m’ait été envisageable jusque lors. La nature est silencieuse et brutale. L’humanité est volubile et offre de l’espoir pour attirer ses proies et laisser le piège se refermer sur elles. Me suivra-t-elle si je lui offre un espoir alléchant et inespéré ? Un espoir aux conséquences ineffables, mais qui n’est pas vain. D’un ton posé, s’élevant doucement au-dessus des bruits ambiants, je lui affirme :

« Je peux vous aider à surmonter ces épreuves. » Le calme béni de l’araignée avalera tous ses états d’âmes pour les noyer dans une froideur salvatrice. La tempête de ses émotions deviendra le vide. La peur sera l’indifférence. Et plus jamais l'araignée ne sera seule. Je ne compte en rien lui parler du processus long et douloureux qui aboutira à sa renaissance, ni même de la manière réelle dont je compte l’aider à aller mieux. Songeant à son aveux d’amnésie, je prends une seconde ou deux de réflexion, puis j’ajoute : « Et peut être même retrouverez-vous quelques souvenirs. »

Le venin changeant les humains en monstres leur offre des visions et des songes horrifiques semblables aux miens, emplis d’une pluie d’insectes et d’ombres mouvantes et grouillantes. Malgré tout, pour l’heure, j’en comprends encore que très peu les effets. Peut-être qu’une mémoire brisée en fragments perdus pourrait se voir rendue plus lucide par la substance psychotrope, ou peut-être qu’il n’en sera rien. Dans tous les cas, cette expérience m’offrirait une meilleure compréhension de ce poison mystique qui, a très forte dose, fait naitre dans un corps humain l’esprit d’une araignée qui modèlera alors sa prison de chaire pour la couvrir de chitine noir et luisante, la rendant ainsi semblable à moi. Mes yeux sont braqués dans les siens, traquant chaque changement d’expression de son visage pour essayer de comprendre ce qu’elle pense de cette proposition. Cela l’a-t-il intrigué ou bien effrayé ? Ai-je capté son attention ou bien lui ai-je donné envie de fuir ? Pour en être certaine, je lui demande avec une pointe de curiosité perçant la surface de mon impassibilité :

« Est-ce que cela vous intéresserait ? »

Il faut qu’elle soit prête à tout pour anéantir la souffrance de son âme, autrement l’issue de sa transformation pourrait de nouveau se solder par sa mise à mort volontaire. Je ne peux compter que sur un désespoir tel qu’elle prendrait le risque de venir d’elle-même se jeter dans une toile poisseuse dans l’espoir de gommer ses émois. Il faut que son âme soit si brisée qu’une telle malédiction lui apparaisse alors comme une bénédiction, tel que ce fut mon cas.
Viens petite, mes promesses ne sont pas vaines. Ne soit plus la proie. Soit chasseresse à mes côtés et je t’offrirai la paix et la vengeance.
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Jeu 21 Juil - 23:49 (#)


ARACHNOPHOBIA
Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir,
chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !

De l'espoir. L'espoir fait vivre. L'espoir peut aussi pousser à faire des erreurs. J'ai eu de l'espoir, plusieurs fois depuis mon réveil et le moment le plus douloureux s'est déroulé dans ce même hôpital quand une garce de la pire espèce m'a fait miroiter une vie. Se jouer de moi semble être amusant pour certaines personnes, voir l'espoir agrandir mon regard et mon sourire avant que le désespoir ne vienne enserrer mon cœur pour le broyer quand le mirage s'efface brutalement sous mes yeux incrédules. De l'espoir très souvent vain donc. Des espoirs déçus. Des espoirs qui volent en éclat. Des espoirs qui mènent irrémédiablement au désespoir. Je me reconstruis du mieux que je peux, cesse de m'apitoyer pour ne pas paraître trop misérable aux yeux des autres, je ne m'invente pas de vie pour autant, je compose avec ce qui tisse mon quotidien de jeune femme lambda. Je me suis forgé  ce nouveau caractère moins pessimiste sur cet amas d'espoirs déçus et de désespoirs amers avalés par la force, j'ai été déconstruite alors je colmate mes morceaux comme je peux avec les miettes positives que je peux ramasser çà et là. Je suis devenue un peu plus méfiante sur les miracles qui se présentent face à moi. Sa réponse sur son métier est totalement passée à la trappe quand elle a évoqué le fait de pouvoir m'aider et surtout me permettre de retrouver des souvenirs.

Ma quête, mon Graal servi sur un plateau en pleine cafétéria de l'hôpital, c'est bien trop beau pour être vrai. Amina me l'a si souvent répété; cesser de faire confiance aveuglément. Pas un son ne quitte ma bouche et rien sur mon visage ne laisse transparaître mon intérêt pour ces simples mots prononcés. Je me saisis de mon gobelet sans parvenir à masquer le tremblement dans ma main. Une simple gorgée de café chaud, mes prunelles se posent de nouveau sur elle. Une mystérieuse inconnue avec un tel présent pour… moi? Il y a quelques mois, je me serais jetée sur ces mots le cœur débordant d'espoir et les larmes roulant sur mes joues creusées. Maintenant elles sont bien pleines et vierges de perles lacrymales. La méfiance est de mise bien que mon cerveau soit quelque peu ramolli par la séance psy plus qu'éprouvante moralement. "Vous êtes une faiseuse de miracle? Un charlatan arpentant les couloirs des hôpitaux en quête d'une personne crédule pour lui offrir la guérison tant espérée?" Je regrette immédiatement
de lui avoir parlé aussi sèchement, de ne pas avoir un peu mieux tourné la chose. Une nouvelle gorgée pour chasser mon embarras pour ne pas avoir utilisé de filtre. Foutue séance chez la psy.

"Je… Désolée. Les miracles, j'y crois plus trop en fait. La psy m'a dit qu'il faudrait faire preuve de patience avant que mes souvenirs reviennent… s'ils veulent bien revenir un jour. Vous proposez quoi pour m'aider de votre côté? Vous m'avez dit ne pas être médecin, de travailler à l'université. Alors, vous pensez pouvoir faire quoi de plus qu'eux ?" La curiosité est un vilain défaut, la curiosité prend rapidement le dessus sur ma méfiance parfaitement rationnelle, elle. Une part de moi veut y croire, une part de moi demeure accrochée à l'espoir, au miracle et refuse de céder aux sirènes du désespoir. Tandis que l'autre me hurle de me lever et de la laisser en plan avec ses belles paroles. Mais, il y a dans son regard et dans le ton de sa voix quelque chose que je n'avais jamais vu, une assurance sans faille, une détermination dans le propos qui me pousse à rester assise en face d'elle du moins, pour le moment.
(c) mars.
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Mer 27 Juil - 8:22 (#)

Comme un chat errant terrassé par la peur et l’épuisement, elle feule, protégeant de tout son être le fragile espoir qui lui reste, balayant de ses mots les importunités inattendues que je lui propose. Je cille à peine à ce ton grinçant qu’elle use comme d’une arme pour essayer de maintenir loin d’elle faux-semblants et mensonges odieux. Il ne s’agit-là que d’une réaction plutôt naturelle. Qu’elles doivent être bien étranges, ces propositions, une pointe de mysticisme salvatrice dans un océan de sciences inefficaces à traiter ses maux. Embarrassée de ses propres paroles, elle reprend rapidement d’un ton plus doux, plus convenable aux yeux de ses semblables qui mettent tant d’importance dans les mots. Ses doutes transparaissent dans ses questions, s’accorchant aux idées des psychologues et des médecins, mais dans une ville si empreinte de surnaturel il n’y a pas que la médecine qui peut soulager les âmes. D’une voix égale, ne prenant pas ombrage de sa rebuffade effrayée, je lui réponds :

« J’ai dit peut-être. » Quel est donc l’effet de ce venin terrible qui coule dans les mandibules acérées de l’araignée ? Nul ne le sait pour l’heure. Un élixir terrible ouvrant l’esprit ou le brisant à tout jamais ? Comment pourrais-je le savoir sans que nul ne l’ait jamais suffisamment gouté ? « Je ne parle pas de miracle. Uniquement d’une chose à laquelle les médecins de cet hôpital n’ont pas accès. »

Et à laquelle ils se refuseraient sans doute. Sauver un esprit brisé en le mutant en une arachnide terrible, vide de tout sentiment. Bien des psychothérapeutes trouveraient cela outrageant. Le monde entier jugerait cela comme étant une rare immondice. Ce n’est pas pour rien que le secret de notre existence même semble être enterré bien profondément depuis la nuit des temps, et cela quand bien même une multitude de nos traces existent dans les récits anciens. Mon regard de glace demeure dans ses prunelles emplies de tant d’espoirs et de méfiance. Une dichotomie qui la ronge. Le symbole d’une enfant dévorée par la vie, qui se raccroche encore aux dernières brides d’espérances qui lui reste, fébrilement. Serait-elle attirée par des aveux mystiques ou ferait-elle partie de cette humanité dont les traits se déforment de peur ou de colère à la seule mention des créatures surnaturelles ? Une telle proposition l’attirerait-elle dans ma toile ou la pousserait-elle à fuir loin de cette dernière ? La ruche bourdonnante qu’est la cafétaria accompagne mes pensées d’un bruit de fond semblant se muer en un brouhaha terrible d’un essaim de guêpes, rappel impérieux que pour certains insectes, la solitude c’est la mort. Quelques mots de plus quittent finalement mes lèvres pour se mêler au bourdonnement et offrir une possibilité quittant le cadre de la médecine à cette petite égarée :

« Nous savons tous depuis bien des années qu’il y a plus que la science. » A demi-mot, je la laisse deviner l’aspect mystique du traitement que je lui offre. En sera-t-elle effrayée ou bien intriguée ? Mes prunelles recherchent le moindre tressaillement des muscles de son visage afin de comprendre les divagations intérieures se jouant dans son esprit. « Je ne peux rien garantir pour votre mémoire. Mais vous serez apaisée. »

Je me rappelle le gouffre glacial ayant avalé goulument tous mes tourments quand j’ai été transformée dans cette nuit monstrueuse. Un vortex vorace ayant extirpé de mon âme toutes les horreurs de ces sentiments ineptes qui me plongeaient dans la folie et le désespoir. Une toile blanche, fine et solide, poisseuse et collante, qui m’a permis de quitter les abysses infernales qu’étaient devenues mes propres émotions.  

« Qu’en dite-vous ? »

Viens à moi petite, sinon ta méfiance se payera dans un coin sombre, un soir où l’araignée jugera opportun de se saisir de sa proie, trop impatiente d’avoir une congénère. Je le vois dans tes yeux, je sais que ce que je te propose sauvera ta vie, ton esprit, ton âme. Tu seras nouvelle et forte, il ne restera plus rien qu’un souvenir de cette fille apeurée en proie à des émotions telles que ses yeux se remplissaient de larmes. Tu seras vivante, plus que jamais. Tu feras partie de ce côté obscur du monde que nul ne souhaite contrarier. Ce sera ton abri, ton cocon, plus rien ne t’atteindra sans en payer le prix fort. Arrache toi de ta vie pleine de tourments, deviens une partie de ce cauchemar qui hante l’humanité.
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Anonymous
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Dim 31 Juil - 16:20 (#)


ARACHNOPHOBIA
Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir,
chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !

Peut-être. J'ai sauté sur la partie "retrouver quelques souvenirs" sans même écouter la totalité de la phrase. Je me sens honteuse, une fois de plus, de lui être tombée dessus en la traitant immédiatement de charlatan. Le mal est fait en quelque sorte, inutile de tenter de rattrapper la chose et de toute manière le fond du problème demeure le même, elle me parle d'un miracle, d'une avancée que la médecine ne peut me promettre que longue et douloureuse psychologiquement. Elle balaye le mot miracle, estompe le mot espoir de mon esprit, c'est presque moins lourd à accepter au final. Imperceptiblement, je me détends quelque peu, décrispe la mâchoire et délaisse un peu mon café pour reporter mon attention sur elle. Son regard. Je peine toujours à le soutenir plus de quelques secondes, me reportant sur ses lèvres, c'est toujours plus poli que de baisser la tête. À quoi l'hôpital n'a-t-il pas accès? Question qui demeure muette, question qui me ramène à une conversation avec Amina. Une conversation que je ne suis pas prête d'oublier de sitôt.

Écoute… Je sais que c'est pas simple pour toi en ce moment, que les souvenirs refusent de revenir à la surface et tout ça mais… faut qu'on parle d'un truc. Faut que tu sois consciente de ce qui se passe autour de toi. Ça fait plusieurs jours que j'essaye d'aborder le sujet mais, je ne trouve jamais le bon moment ou bien les bons mots.

Heu… tu me fais un peu flipper tu sais?!

Dehors, il y a plus de danger que tu ne le crois.

Oui des gars lourds, des violeurs, des fous… Je t'ai déjà dit que je ferais bien attention de ne jamais me retrouver seule avec un homme dans un lieu désert…

C'est pas de ça que je veux parler… enfin y'a ça aussi mais, il y a bien pire tu sais.

Et c'est là qu'elle m'a parlé du surnaturel, des vampires et d'autres créatures qui devaient peupler cette terre en notre compagnie sans qu'on en sache rien. Je suis tombée des nues après m'être bien moquée d'elle au départ. Je ne pouvais pas croire que ce qu'elle me racontait était vrai alors, elle m'a montré des vidéos d'extrémistes mon goût, des hommes et des femmes qui leur mettaient sur le dos tous les maux du monde. Ça non plus, je ne voulais pas y croire. Depuis que j'étais sortie de l'hôpital, je n'avais pas eu de mauvaise aventure avec une de ces "chose",  comme elle le disait si bien, uniquement des mecs bien lourds espérant passer le reste de la nuit avec moi. Amina semblait pencher pour ce courant de pensée extrement négatif à leur sujet alors que la seule personne qui ait pu lui faire du mal était un simple humain. Ce soir-là,  je n'avais pas chercher à débattre parce que je ne me sentais pas suffisamment armée mentalement pour lui donner de bons arguments puis, elle avait balancé la carte de mon agression qui pouvait bien-être commise par l'un d'entre eux. Comment rivaliser quand on ignore totalement ce qui a bien pu se produire avant que je ne me fasse renverser par une voiture?

La voix de l'énigmatique inconnue m'arrache de mes pensées. De l'apaisement. Celui du corps ou de l'esprit? Parlant de ma mémoire cela doit sans doute être le second. Qu'entendait-elle par apaisement? Ne plus me poser de questions? Ou cesser d'être hantée par le vide qui raisonne en moi? Je laisse échapper un soupire, bois une nouvelle gorgee de café encore chaud. Puis elle me demande ce que j'en pense. "Votre proposition est alléchante mais, je trouve toujours ça trop beau pour être vrai… Qu'avez-vous qu'ils n'ont pas ? Et pourquoi moi surtout?" Mon ton est bien moins accusateur et sec qu'un peu plus tôt, je laisse peu à peu germer sa proposition qui me paraît tentante. Je me dis qu'après tout, je n'ai plus grand chose à perdre, ma vie m'a déjà été volée, brisée, il ne me restait plus qu'à la perdre. Mais à quoi bon vivre si on ne prend pas des risques pour qu'elle soit plus douce?
(c) mars.
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Anonymous
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Ven 2 Sep - 8:59 (#)

Toute mon attention est tournée vers la jeune demoiselle tiraillée entre tentation et inquiétude, espoir et peur, rêve et cauchemar. Mes sens arachnéens tout entiers dévolus à la traque en oblitéreraient presque le murmure de la foule inquiète et les odeurs de mauvais café, de nourriture fade et de désinfectant industriel qui colonisent la pièce et nous asphyxient. Des émotions passent dans ses yeux, modulent de manière infime et subtile les traits de son visage, faisant tressauter les muscles d’expressions censés offrir à ses congénères une fenêtre sur son trouble intérieur ou sur son état émotionnel. Ai-je un jour su déchiffrer avec efficacité ces mouvements fluides et si peu perceptibles ? Ce tableau mouvant et visuel n’est rien pour l’arachnide qui ne souhaiterait que ressentir de ses longues pattes les vibrations provoquées par le vacarme de son cœur afin de savoir si sa proie est prête à être dévorée ou bien si elle sur le point de s’enfuir. Sa réponse de perce le bruit environnant. L’hésitation semble l’emporter sur l’espoir. Peut être a-t-elle déjà été trop flouée dans sa vie et la peur a-t-elle finie par prendre le pas. La prudence n’est pas une mauvaise chose lors d’une traque, sauf quand elle vient de la proie. Je l’observe un instant. Je n’ai jamais été à l’aise pour convaincre des gens avec des mots, hormis peut être quand il s’agissait de mes recherches. Les douces manipulations sinueuses rentrent trop frontalement en contradiction avec la brutalité honnête de l’araignée qui ne saurait perdre de temps dans de telles futilités. Les longs discours et les paroles prolixes ne me sont rien. De quelques mots calmes, je réponds à ses questions sans fioritures et sans même chercher à la convaincre davantage. Quelle que soit sa décision, la conclusion sera la même, seuls les moyens d’y parvenir différeront.

« Je n’ai jamais dit que les choses allaient être plus belles. Seulement plus calmes. »

Rien n’est beau en ce monde. Tout ce qu’on peut espérer, c’est de pouvoir appréhender son horreur à travers un prisme apaisé, dépassionné. Vide. Un esprit aussi calme qu’une mer de glace, empêchant de se noyer dans des souvenirs honnis d’un passé maudit. Ne souhaitant pas dévoiler ou même évoquer des secrets millénaires au milieu d’une marée d’humains perdus aux esprit rendus hagards par l’inquiétude pour leurs proches malades, j’ignore sa seconde question. Mon esprit bute un instant sur sa dernière interrogation, écho à une question qui m’a hantée et torturée pendant longtemps. Pourquoi moi ? N’est-ce pas là précisément la question que se pose toute personne un jour confrontée au Mal ? Cette litanie a tordue mes entrailles depuis cette nuit démoniaque où ma fille fut conçue. Cette question qui m’a presque brisée jusqu’au jour où il est revenu m’offrir ce que j’offre à mon tour aujourd’hui. Pourquoi moi ? A cette question criée par une voix déformée d’horreur et de désespoir je n’avais obtenu qu’un sourire sardonique, rictus monstrueux dans un visage d’humain. Mon regard qui s’était perdu un instant dans la contemplation d’un vide rempli de quelques inconnus et de souvenirs intangibles revient se fixer sur la jeune femme perdue. Pourquoi elle ? Parce que je pense qu’elle survivra à ce que je compte lui faire. Je pense qu’elle en tirera même un bénéfice, comme ce fut mon cas. Je vois en elle un écho de celle que je fus. Un être brisé par une vie trop brutale, qui ne peut que se reconstruire dans l’horreur et l’infamie. Comment traduire cette sensation si profonde et viscérale en des mots ? Les humains se vantent d’avoir un langage suffisamment riche pour tout transmettre, mais il ne s’agit que d’un vaste mensonge. Une autre seconde s’écoule avant que je ne lui dise :

« Vous aviez l’air d’avoir besoin d’aide. »

Et voilà toute l’aide que je peux donner. Se perdre dans une altérité qui apaisera ton âme tout en la damnant. Devenir le monstre pour ne plus être leur victime. Avec des gestes calmes, je tire de mes affaires une carte de visite avec mon nom et mes coordonnées. Je pose la carte cartonnée sur la table et la fait glisser vers la jeune femme perdue.

« Réfléchissez. Et contactez-moi quand vous aurez pris une décision. »

Il n’y a plus rien que je puisse faire ici. Les grandes discussions ne sont pas mon fort. On ne convainc pas une mouche de se jeter dans une toile, on se contente de l’appâter. Je me lève et la salue poliment avant de sinuer dans la foule de personnes tristes et endeuillées avant de disparaitre dans les entrailles de l’hôpital.

Viens à moi petite.
Ne me force pas à venir te chercher.
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