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A song of ice and magic

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Anonymous
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Jeu 20 Avr - 20:12 (#)




Automne 2021.

Bourrasque de vent qui secoue sa tignasse et emporte avec elle les couleurs chaudes de l’automne. Camaïeu de dorures enchanteresses, de cuivré naturel, parure rougeâtre s’échappant déjà des branches abîmées et ce brun qui bientôt fanera pour signifier la venue d’un froid supportable, dans cette partie du pays. Les pas déjà mesurés s’arrêtent, les paupières se ferment et une profonde inspiration gonfle ses poumons. Elle ne s’est jamais acclimatée pleinement à la moiteur du sud, aux charges atmosphériques humides et pesantes. À jamais elle regrettera la houle de la côte ouest irlandaise, le ressac des vagues venant lécher la falaise, érodant ce que des millions d’années ont pourtant façonné, l’odeur d’iode gravée dans sa mémoire quand la nostalgie se fait plus incisive, le grondement des orages et la zébrure des éclairs dans un ciel qui ne pardonne pas. Aux plaines verdoyantes se sont substituées les marécages du bayou et toute la dangerosité dont il regorge. Pourtant, les nombreux regrets ne l’avaient pas incité à rebrousser chemin. Combien d’années déjà, que sa carcasse agonisait dans une nature qui ne semblait pas vouloir d’elle? Quel sournois prodige la poussait à rester ancrée ici, dans cette ville, l’épicentre de tout ce qu’elle cherchait consciemment à fuir? Masochisme à l’état brut.

Rouvrant les paupières, son regard se pose sur l’enseigne familière qui lui inspire autant la crainte, la fierté, la reconnaissance et le rejet. Si Maeve avait eu du mal à se faire une place sur ce continent et encore plus dans une mentalité typique aux états du sud, elle n’avait jamais compris comment sa mère pouvait y trouver son compte, elle, féministe de la première heure, indépendante acharnée, irlandaise pure souche, chauvine au point de ne pas supporter d’être confonue avec les mauvais irlandais. Oh, elle connaissait les raisons profondes à son déracinement, même si les mots n’avaient jamais été prononcés. C’était bien là tout le résumé de leur relation. De l’amour, certes, des non-dits devenus légions, des opinions diamétralement opposées pour des caractères qui l’étaient parfois tout autant. Pourtant, ce besoin d’être liées, ensemble. Quarante ans ne suffisaient visiblement pas à couper le cordon…

Poussant légèrement la porte, elle lève la main pour bloquer le tintement de la clochette que la doc ne supporte pas. L’odeur d’herbes séchées emplit immédiatement ses sinus et elle referme doucement derrière elle, dans une discrétion qui lui est propre. L’espace, loin d’être un avantage, s’en trouve davantage réduit encore par les nombreuses étagères. Les plus hautes, qui longent deux murs opposés et recélant toutes les vertus thérapeutiques et médicinales des plantes cultivées par la propriétaire elle-même. Siobhan était une encyclopédie à elle seule sur le sujet, bien plus que sa fille qui avait préféré la modernité de la médecine sans oublier totalement ses racines. Celles plus basses, à hauteur de bassin, où multitude de fioles en tout genre restaient préservées par quelques vitrines soigneusement entretenues. Dans ce capharnaüm sans nom régnait un ordre qu’il ne valait mieux pas déranger, n’en déplaise aux clients, pas si rois que ça.
Au fond, à trois mètres finalement à peine de l’entrée, un comptoir sobre et sans fioritures servant aux échanges en tout genre, surmonté d’une caisse enregistreuse pas de la première jeunesse et un téléphone filaire qui ne sonnait que très occasionnellement.

Pour les non initiés, les profanes, les cowan ou peu importait le nom dont on les affublait, le monde de Siobhan Wheelan s’arrêtait là. L’arrière boutique regorgeait néanmoins de trésors bien plus uniques que ceux exposés en vitrine. Laboratoire de l’herboristerie, elle confectionnait remèdes en tout genre. Récemment encore, sa mère usait des touristes pour leur vendre au prix fort des breuvages capables, au mieux, de soulager un mal de gorge persistant en vantant des prodiges supérieurs. Maintenant que son entêtement et la ferveur que son statut imposait l’avait placé sous l’égide du Juggler’s bazaar, il ne lui était plus possible de soudoyer le portefeuille du premier ignare ou imbécile venu. La pensée lui arrache un sourire, qui disparaît aussi vite que les conséquences d’une telle alliance implique lui reviennent en mémoire.

Louchant sur les derniers articles, la chirurgienne continue sa progression, doucement. Elle redevient enfant ici, dans un domaine qui ne lui appartient pas mais qu’elle a juré de visiter au moins deux fois par semaine. Elle n’admettra pas qu’elle en a besoin, soulignera seulement que c’est un moyen peu coûteux d’apaiser le courroux d’une matriarche despotique. Elle la suppose dans l’arrière-cour, dans la serre qui lui sert à cultiver ce que les températures extérieures lui refusent maintenant.
Des pas résonnent d’ailleurs dans sa direction et s’attardant sur la valériane en chassant les mauvais souvenirs associés, elle ne relève que trop tardivement le regard vers…

Certainement pas sa mère.

Les sourcils froncés, elle cherche inconsciemment sa génitrice sans déceler sa présence. Deux opales inconnues sont fixées sur sa personne. Traits délicats, lèvres charnues, joues parsemées de tâches de son et porteuses d’une jeunesse presque oubliée, cette dernière sort précisément de l’arrière boutique sauvagement gardée.
Dans l’une de ses mains, un flacon d’anis étoilé qui fait s’arquer un sourcil à la toubib. Peu encline à donner dans le jugement hâtif et peu désireuse d’accuser inutilement la jeune femme, elle fait un pas dans sa direction. “Où est Siobhan?” Demande-t-elle naturellement, plus habituée à l’identifier par son nom que par ce qui les lie. “Et plus important encore…” Elle pointe un index dans sa direction. “Qui es-tu et qu’est-ce que tu fais ici?”

Trop intriguée par les réponses à ses questions, Maeve ne se rend pas compte que les siennes peuvent sonner présomptueuses de l’autre côté de la barrière. Mais elle n’y peut rien, au-delà de la curiosité et bien que sa vis-à-vis ne semble pas la menace la plus ultime qui soit, elle a appris à ne pas se fier aux apparences et une pointe d’inquiétude fourmille, quelque part.


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Ven 21 Avr - 0:26 (#)

Il est où déjà ce bocal…

De toute la liste des ingrédients qu’elle doit remettre sur étagère, Isalín ne doit plus trouver que l’anis étoilée. Le problème, c’est que l’arrière-boutique de Siobhan ressemble à la boutique elle-même… en pire. Elle a des allures de cabinet de curiosité du siècle précédent, avec ses grandes planches placardées schématisant les coupes de plantes, ses fleurs rares soigneusement entreposées sous vitrine, et les multiples postes de « travail ». Chaudron par-ci, flacons par-là, bols et pilons ici, planche à découpe de l’autre côté, …bref, l’endroit où la propriétaire des lieux fabrique des remèdes plus ou moins complexes, d’après ce qu’a compris l’adolescente. Et celle-ci est encore trop fraîche pour se repérer dans ce bazar organisé. Déjà, elle commence à se faire à l’idée que Siobhan a visiblement été téléportée en 2021 avec une machine à voyager dans le temps. Son téléphone filaire est si vieux que la dernière fois qu’elle en a vu un similaire, ça devait être dans un musée. A l’occasion, elle lui parlera d’internet aussi. La wifi, tout ça. Parce qu’évidemment, l’a jeune femme capte queue dalle dans ce magasin !

Isalín tend l’oreille… non, pas de clochette. Son enquête continue alors ! Si seulement elle avait la 4g en plus, elle pourrait vérifier sur google ce qu’est l’anis étoilé ! A la place, elle doit vérifier chaque étiquette de chaque flacon. Non seulement c’est long, mais c’est en plus un exercice périlleux ; car même si elle s’entraine, ses pouvoirs ont toujours tendance à se manifester quand elle ne le veut pas. La première fois qu’elle est venue ici, elle a complètement congelé une fiole – et la potion qu’il y avait à l’intérieur. Autant dire que la propriétaire n’a pas été super heureuse…

Tiens-tiens-tiens, et si l’anis étoilée, c’était cette fleure séchée en forme d’étoile ? Malinx le lynx ! L’adolescente ouvre le contenant et renifle… ça sent bien l’anis, non ? Ça sent quoi l’anis ? Pourquoi il manque comme part hasard une étiquette sur celui-ci ?! Tant qu’à faire, elle va lui en recoller une. Pas peu fière de sa trouvaille, Isalín se redresse, époussète ses genoux et quitte la pièce secrète en fredonnant un air d’Aurora.

- Wow !

Une cliente ?! Comment elle est entrée ! La jeune femme est sûre de n’avoir rien entendu ! … ou elle n’a pas fait assez attention ? Elle ne sait plus maintenant ! Le regard de l’inconnue qui la détaille de la tête au pied est un peu malaisant. Cette dernière ressemble à un grand oiseau nocturne, avec ses yeux perçants et sa chevelure noire. La tête rentrée dans les épaules, L’Islandaise regarde machinalement autour d’elle, sans savoir si elle cherche à trouver Siobhan ou à s’assurer qu’il n’y a pas d’autres témoins inattendus.

- Euh… bah, elle est pas là.

Merci Captain obvious ! La surprise passée, se détend un peu et étudie la visiteuse à son tour. Il y a un truc dans son visage qui lui dit quelque chose, mais elle n’arrive pas à dit quoi. Peut-être une cliente qu’elle a déjà croisé ? Y’en a pas tant que ça, mais son cerveau a été habitué à retenir les chorégraphies de patins, pas la tête des gens ! Reprenant contenance, Isalín s’éclaircit la gorge tout en se faisant plus droite. Elle jette son carré en arrière et sourit poliment.

- Je m’appelle Isalín, elle épargne à l’inconnue sa prononciation originale, pour le faire à l’anglo-saxonne, et bah… je travaille ici en fait. Je peux vous aider pour quelque chose ? Ou… prendre un message si jamais ? Tout en écoutant, elle va remettre son flacon à sa place, comment vous êtes entrée au fait ? J'ai rien entendu !
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Anonymous
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Ven 21 Avr - 20:55 (#)




Se retenant de souligner l’évidence de l’absence de sa mère, les traits de son visage parlent probablement davantage que tout discours contraignant la jeune fille à de plus amples explications. Impossible pour elle de dissoudre l’illogisme de la situation et le temps qu’il faut à sa vis-à-vis pour le déjouer lui semble interminable. Quelques syllabes d’un prénom, plutôt doux à ses oreilles, le couperet ne tarde pas à tomber et ne sert qu’à la plonger un peu plus dans un brouillard dont elle espérait pourtant s’extirper. L’information lui paraît incongrue, tentative honteuse et maladroite de justifier une présence illégitime dans l’antre de la matriarche. Ce serait une piètre excuse pour tout voleur qui se respecte. Sauf qu’il n’y avait rien à voler ici et le bocal de badiane qu’elle transporte n’a aucune autre valeur marchande que celle que lui prête certains initiés. Le fait que sa génitrice ne lui ait pas soufflé l’information n’est pas un argument en soi, ce ne serait pas le genre de choses qu’elle se sentirait obligée de lui confier, bien au contraire. L’amour filial était un océan de secrets que chacune avait appris à dompter, laborieusement. Aucune vague n’avait noyé leur relation, mais les tempêtes avaient été nombreuses. Détaillant à nouveau les traits de la jeune femme, ses yeux clairs, ses cheveux sombres, la pâleur de son teint, l’inconscience d’une jalousie dont elle n’a même pas conscience la pousse à trouver dans ce tableau détonant une logique jusqu’ici absente. Une remplaçante évidemment…

Car les mots soufflés par sa cadette recèlent assurément une vérité que seule la surprise ne lui a pas permis d’assimiler plus rapidement. Ainsi donc Siobhan avait récupéré cet oiseau en nourrissant suffisamment de confiance pour lui laisser la boutique. Mince, c’en était presque risible, maintenant que la chirurgienne prenait le temps d’analyser le tout. “Outch! Désolée pour toi…” ne peut-elle s’empêcher de répliquer dans un léger rire et une grimace compatissante. Elle se retient de la tape amicale sur l’épaule, premièrement parce que le geste serait probablement mal perçu et que Maeve n’appréciait pas forcément le contact physique non initié par ses soins, ou seulement avec une paire de gants en latex. Bien que la sorcière maîtrisait davantage à présent son don d’empathe, il suffisait d’une fatigue plus prononcée ou d’un moral en berne pour ouvrir des portes que cette dernière préférait voir rester closes.

Son entrée discrète semble être un point de non réponse qu’elle balaie d’un haussement d’épaules. “J’ai mes habitudes” se contente-t-elle de répondre en se calant de l’autre côté du comptoir. “Et j’aurais vraiment aimé parler directement à Siobhan. Lui expliquer ce que je pense du prix exorbitant que j’ai payé sa soi-disant décoction censée faire fondre l’empreinte phallique qu’a laissé mon petit ami sur ce monde après m’avoir trompé avec ma meilleure amie. Tout ce qu’il a eu, ce sont quelques démangeaisons et une chaude-pisse!” Quelques secondes d’un faux combat de regard et un sourire se dessine sur ses lèvres, peu désireuse de se jouer plus longtemps d’une innocente qui n’avait pas demandé à comprendre la complexité d’une relation mère-fille au bord du gouffre. “Désolée, humour de merde…” Une grimace coupable et un brin gênée déforme un instant ses traits.

Et contournant le comptoir, elle s’accroupit pour tenter d’ouvrir le troisième tiroir qui fait encore des siennes. Se redressant, la pointe de son pied vient frapper sèchement mais de façon mesurée le meuble à un endroit précis et le craquement du bois lui annonce sa réussite. Ses longs doigts glissent par l’interstice pour en forcer l’ouverture et récupérer un petit sachet laissé à son attention. Refermant ce dernier doucement, elle se tourne vers… Isalin. “Relax, je suis Maeve, la fille dont elle n’a probablement jamais mentionné l’existence.”

Retrouvant son sérieux, une autre épine vient chatouiller désagréablement la plante de son pied. Siobhan n’aurait jamais embauché une cowan. Son discours était certes moins tranché que d’autres mais cet endroit renfermait trop de secrets pour que le premier lambda montrant patte blanche s’y voit invité. “C’est quoi ton histoire? Comment tu as atterri ici, réellement?” Et parce qu’elle est aussi ici chez elle, la doc prend la direction de l’arrière boutique, beaucoup plus cosy.

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Sam 22 Avr - 11:27 (#)

- Pourquoi « désolée » ?

Elle n’est pas sûre de comprendre. Siobhan est certes, exigeante, mais l’adolescente ne la trouve pas méchante ni désagréable. Et elle a l’habitude des caractères pointilleux et perfectionnistes : sa mère est comme ça, son coach américaine l’était aussi. Ça n’est pas pour rien qu’elle a décroché de si bons résultats – et que jusqu’à nouvel ordre, elle est toujours première patineuse du tournoi des Quatre Continents. Cette mentalité lui va très bien, tant qu’elle reste juste. C’est comme ça qu’elle apprend, et considérant tout son retard en matière de surnaturel, elle a besoin d’apprendre vite.

De retour derrière son comptoir, Isalín lève des yeux intéressés sur l’inconnue, qui déballe enfin les raisons de sa présence. Et… elle ne s’attendait pas à une telle diatribe en fait. D’ailleurs, elle n’a pas tout compris. Ses sourcils se froncent, alors qu’elle cherche à analyser ce qu’elle vient d’entendre. Elle a probablement l’air un perdue, car la cliente chasse le sujet d’un sourire et d’une excuse.

- Non, c’est pas grave, c’est juste, euh…

Elle a saisi que ça parlait de tromperie, mais le reste de la requête est nébuleuse – notamment parce qu’elle n’en a pas capté tous les termes. Son anglais est opérationnel pour le monde courant, mais dès qu’on en vient aux expressions plus singulières…

- Hé ! Attendez ! Qu’est-ce que vous faites ?!

L’autre n’en a que faire. Elle vient de contourner le comptoir et s’acharne maintenant sur un petit tiroir auquel l’Islandaise n’a jusque-là jamais touché. Que doit-elle faire dans cette situation ? La bousculer ? Appeler la police ? Elles n’ont pas discuté de ce cas de figure ! Isalín regarde autour d’elle, avisant un bocal de champignons séchés qu’elle pourrait écraser sur la tête de la voleuse. Juste avant qu’elle ne s’en saisisse pour mettre fin au braquage, son aînée se présente.  



- Oh… ooooooh !!

Putain mais oui ! Ça fait sens maintenant qu’elle le dit, c’est à Siobhan qu’elle lui fait penser ! C’est pour ça que son visage lui semble familier. Ça fait tout drôle. Sans doute car la femme qui l’a accueillie dans son antre est charismatique, mystique, captivante. C’est un modèle un peu, et c’est toujours bizarre de rencontrer les proches de ses idoles. Sa fille, carrément…

- Pardon, je savais pas non ! Hum…, Isalín passe nerveusement les doigts dans ses cheveux, mon histoire ? Bah… j’sais pas. J’ai entendu parler de cette boutique à l’Arch, alors je suis venue voir ! J’suis assez curieuse, ah, bon bah Maeve fait vraiment comme chez elle, alors l’adolescente la suit dans l’arrière-boutique – elle ne va pas lui demander son passeport de toute façon, et en fait j’ai…, elle hésite. Mais s’il s’agit de la fille de Siobhan, elle doit être initiée aussi au surnaturelle, j’ai un don que je ne maitrise pas beaucoup. J’ai fait une petite bêtise sans le vouloir, et… quand elle a fini de m’engueuler, on a parlé un peu, et voilà !

C’est un résumé très résumé, mais la jeune femme ne s’imagine pas non plus déballer d’un bloc tous ses échanges avec sa patronne. Même si la visiteuse prend visiblement ses aises, elles ne se connaissent pas plus que ça. Pas du tout en réalité. Et puis, l’Islandaise est bien placée pour savoir que les relations mères-filles sont compliquées. Mieux vaut peut-être de garder un peu d’étanchéité entre les deux. Par contre, il y a une chose CRUCIALE qui les trotte en tête depuis la fausse plainte de Maeve.

- Par contre, j’suis pas d’ici, alors mon anglais est un peu nul des fois, même si l’accent volé à sa génitrice fait terriblement illusion, ça veut dire quoi « phallique » ? Et… de la « fausse pisse » ?

C’est ce qu’elle a dit, non ? Ou pas ? Ça avait l’air d’être deux termes centraux dans son discours, mais ils sont trop rares pour qu’elle les ait déjà croisés.
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Anonymous
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Dim 23 Avr - 22:48 (#)




Conservant volontairement le silence sur certaines interrogations de sa cadette, la toubib reste peu encline à l’embrigader dans ses problèmes existentiels. L’opinion tranchée et néanmoins complexe associée à sa mère ne se devait pas obligatoirement d’être partagée et la comparaison manquait de toute façon cruellement de bon sens. La jeune fille finirait hypothétiquement par comprendre seule le terrain miné sur lequel elle s’était aventurée, à moins que les choses ne tournent pas en un fiasco programmé. Pessimiste dès qu’il s’agissait de l’avis de la matriarche, la trentenaire - presque quadragénaire - manquait parfois de recul et de ce pragmatisme presque inné la concernant.
Laissant sa cadette prendre la mesure de son identité et se détendre en conséquence, Maeve ne peut retenir une pointe de vexation quant à la véracité de son inexistence. Bien qu’elle en ait elle-même émis l’hypothèse, elle aurait secrètement espéré avoir ne serait-ce été citée qu’une fois au détour d’une conversation. Elle ne demandait pas à entendre vanter les mérites de sa réussite professionnelle ou contester ses choix de vie personnels, ni même un entre-deux plus juste et moins sujet aux disputes. Juste exister, aux yeux de Siobhan, dans cet univers qui lui ressemblait et représentait une grande partie de son existence. La rencontre étant inévitable à un moment donné, elle ne comprenait pas la mise de côté d’une information certes pas capitale mais qui aurait mérité d’être abordée. Accusant le coup sans le montrer, plus habile dans l’art de cacher son ressenti que sa légèreté présente le laissant supposer, elle se contente de lever les yeux au ciel une fois le dos tourné à la jeune femme.

Dans l’arrière boutique, elle se tourne une nouvelle fois vers sa vis-à-vis, intéressée par ce qu’elle peut avoir à lui révéler sur sa personne et les raisons de sa présence ici. Méfiante envers l’Arch, comme elle peut l’être pour tout ce qui touche de près ou de loin à n’importe quelle organisation de ce genre, elle n’en demande pas davantage, désireuse de se préserver et de conserver un certain anonymat. Sans doute aussi par méconnaissance et la non volonté de l’étaler aux yeux d’une… novice, visiblement. Un don, non maîtrisé, sans qu’elle n’en dise plus sur sa nature véritable. Un sourire compatissant étire un instant ses lèvres à la mention de ladite bêtise, imaginant sans mal la colère de sa génitrice et la foudre qui avait dû s'abattre sur Isalin. Cette dernière aussi, se préserve, en dit suffisamment pour apaiser sa curiosité mais pas assez pour la taire. Mais la chirurgienne ne la brusque pas, ayant déjà perturbé son quotidien aussi subtilement qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Pourtant, quelque chose cloche, rien ne fait sens, même après ces quelques explications expéditives. Siobhan n’était pas vraiment le genre de femme à prendre un oiseau blessé sous son aile, sans mauvais jeu de mots. Pas par absence d’empathie ou de noblesse, simplement par préservation de sa tranquillité d’esprit. Acquiesçant un long moment le temps de sa réflexion, les mouvements changent de direction pour une négation inconsciente. “Non, désolée, ça ne fait toujours pas sens.” Tranche-t-elle sans animosité.

Dans ses pensées, elle se laisse tomber sur un large coussin à même le sol, les yeux toujours rivés sur la jeune fille qui la domine maintenant de sa hauteur. Ouvrant la bouche d’ailleurs pour poursuivre son investigation, la doc est prise de court par des questionnements hautement moins importants et beaucoup plus triviaux. “Oh wow… ok!  Celle-là je ne l’ai pas vu venir!” Et ne s’y attendait pas, probablement parce qu’elle n’a détecté aucun accent dans les mots soufflés par la brune et elle ne peut retenir un rire amusé face à l’erreur de langage. Elle va vraiment devoir expliquer à une fille dont elle ignore l’âge ce qu’est un… merde, elle espère quand même que sa comparse a un minimum de vocabulaire sur le sujet parce que si elle doit employer le mot zizi après seulement deux minutes de conversation, elle ne promet pas de conserver son sérieux plus longtemps. “Hum… donc… hum.. phallique.” C’est qu’elle sentirait presque le rouge lui monter aux joues, on repassera pour la crédibilité en la matière, madame la coincée. “Comme hum… phallus? Verge? Penis? Le truc qui nous fait défaut pour pouvoir uriner debout?” Pitié qu’elle n’ait pas besoin d’expliciter plus que ça, la gênance est déjà presque à son point culminant. “Quant à la chaude pisse, c’est le nom commun pour la blennorragie, une IST plutôt banale.” Et se rendant compte qu’elle ne doit pas vraiment éclairer la lanterne de la jeune fille. “Une infection sexuellement transmissible dont l’un des symptômes est que ça brûle pendant la miction.” Tiquant sur le dernier mot, elle s’autorise une ultime précision. “Quand tu vas aux toilettes pour le numéro un.”

Très bien, elles venaient vraiment d’avoir cette conversation au milieu de tout un argumentaire nettement plus sérieux et lourd de conséquences. Lui faisant signe de prendre place à ses côtés, au moins tant que la clochette ne tintait pas pour annoncer un client, l’irlandaise reprend un peu de son sérieux. “Donc Isalin, maintenant que tu as parfait ton vocabulaire, résumons la situation.” Les jambes croisées pour se placer en tailleur et lui faire face, elle laisse passer un ange. “Tu as débarqué ici par simple curiosité, tu as commis un impair qui t’a valu une remontée de bretelles et en échange, Siobhan t’a proposé un job dans sa boutique? Et qu’est-ce que tu y gagnes toi, dans tout ça?” Elle retient son impatience quant à la nature du don, ne voulant pas l’inonder de questions ou passer pour la gestapo de service. Emprunter des détours donnaient parfois plus de résultats et encore une fois, après son entrée en matière plutôt brusque, Maeve ne souhaitait pas l’importuner plus que nécessaire. “Tu as le droit de m'envoyer paître, je suis sûre que ma mère sait ce qu’elle fait et je dois ressembler à un inspecteur de police en plein interrogatoire. C’est juste que… ça ne lui ressemble pas et ça me rend… curieuse.” Se justifie-t-elle avec un peu plus de retenue que précédemment.

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Lun 24 Avr - 23:47 (#)

A-t-elle le devoir de rester ici ? Certes, c’est la fille de sa patronne et vu sa tendance à faire les placards, c’est peut-être mieux de la surveiller – au cas où. Néanmoins, pendant ce temps, personne ne veille à la boutique. Si on vient lui piquer des pots de citronnelles ou des bocaux de belladone séchée, elle va se faire souffler dans les bronches. Bon, puisque Maeve accepte d’assouvir sa curiosité vocabulairienne, Isalín reste dans la pièce – mais debout, prête à retourner à son poste.

- Ah.

Le rouge lui monte aux jours, elle baisse la tête pour que sa frange et ses cheveux noir d’encre viennent masquer sa gêne. Siobhan juniore prend néanmoins sa mission très au sérieux et multiple les termes pour s’assurer que son interlocutrice comprenne. Cette dernière rit finalement – son aînée à l’air plus gênée qu’elle d’avoir à décortiquer sa langue.

- J’avais compris à « verge », s’amuse l’Islandaise.

Mais ce n’est pas terminé ; et là, Maeve la perd pour de bon. Une bennobralgie ? Ça brûle pendant les missions ? Mais les missions de quoi ? De qui ? C’est une maladie sexuelle des agents secrets ? Et pourquoi irait-elle au toilette pour le « numéro 1 » ? C’est quoi le rapport avec le sexe et les missions ? C’est quoi ce numéro ?! C’est encore une expression ? POURQUOI ELLE NE COMPREND PAS ? Les américains sont vraiment bizarres.

- Ouais, super, merci ! feint-elle d’avoir tout saisi.

Et elle lève même un pouce en l’air – la fille de sa boss a l’air satisfaite, elle ne va pas la vexer. Toujours pas de bruit de clochette, et puisqu’elle est invitée à s’asseoir, Isalín s’installe sur un pouf, en tailleur. La visiteuse lui fait face désormais. L’ambiance cosy de l’arrière-boutique accentue la sensation d’intimité. D’aussi près, Maeve est un peu intimidante. Son regard surtout, il a quelque chose d’insondable, et profond. Il est étrangement différent de celui de Siobhan, mais brille d’une lueur non moins énigmatique. La jeune femme se sent toute petite, et ne songe même pas à la baratiner.

- Bah euh… moi ? J’apprends des trucs, … c’est pas suffisamment clair, alors elle explique : j’ai découvert que j’ai un don depuis six mois. Je sais même pas d’où il vient concrètement, je m’étais jamais trop intéressée aux… trucs surnaturels, tout ça, d’ailleurs, le mot « surnaturel » est-il approprié ? Si les CESS existent depuis toujours, ils sont « naturels » eux aussi… – l’Islandaise met cette question de côté. Être ici, ça m’aide à rattraper mon retard sur… à peu près tout. J’apprends beaucoup !

Elle hausse les épaules, regard plongeant dans le vide. Plus de sourire désormais, et sa façon de s’exprimer plus lentement, en prenant soin de ne pas avaler la moitié des syllabes, témoigne aussi de la bouffée de mélancolie qui la dévore. Ses rêves bafoués, l’objectif de toute une vie, probablement envolé pour toujours. Son histoire a un goût amer d’injustice. Isalín a subitement envie de craquer, de quitter Shreveport, de rentrer chez elle. Son île lui manque, ses parents aussi. Mais elle n’a pas la force d’affronter quotidiennement la déception de sa mère, et les championnes ne baissent pas les bras. Alors elle se redresse et cloue à ses lèvres une risette espiègle. Comme un chat, elle retombe sur ses pattes. C’est ce qu’on lui a enseigné.

- Et toi alors ? T'es la fille de Siobhan, donc t'es aussi une…, elle baisse la voix, comme si elle s’apprête à dire un gros mot, une sorcière ?
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Jeu 27 Avr - 20:38 (#)




Le monde extérieur s’évapore, dans l’espace réduit du lieu. Si la boutique reflète ce quelque chose de délicieusement angoissant pour tout profane s’aventurant en ces sphères mystérieuses, poussé par quelque besoin de pimenter un quotidien morne, il règne une atmosphère tout autre ici. Intime, teintée d’une identité assurément féminine, la température y est également plus clémente, loin des vitrines mal isolées. Les larges tapis qui se superposent parfois la protège de l’usure d’un parquet probablement plusieurs fois centenaires, maintes fois rénové et ayant perdu tout cachet d’autrefois. La multitude de plantes vertes qui courent le long des étagères rend la pièce plus vivante que les pots d’herbes séchées en tout genre. Une odeur persiste dans l’air, chargée d’encens, suffisamment diffuse pour ne pas incommoder les sinus les plus fragiles. Maeve s’y sent chez elle et dans une contradiction qui n’a rien de très étonnant la concernant, parfaitement étrangère. Quand Siobhan réussissait à s’approprier les lieux et leur donner vie, l’intérieur de sa fille avait une vocation purement usuelle. Peu de meubles, de grands espaces parfois vides, quelques photos ci et là en des souvenirs pudiques qui ne figeaient sur papier glacé que les anciennes décennies. Les plantes que se bornaient à lui céder sa mère mouraient invariablement. Ce n’est pas tant la main verte qui lui manquait, au contraire, mais le peu de temps passé entre les quatre murs de sa demeure. La seule présence qui rythmait un tant soit peu sa solitude, qu’elle soit faussement volontaire ou la résultante de ses mauvais choix, était un chat roux, âme errante ayant élu domicile pour quelques croquettes et attentions au coin du feu, allant et venant à son bon vouloir et d’une indépendance toute féline. Elle ne s’était pas donnée la peine de le baptiser, inventant un nouveau nom au gré de ses humeurs auquel évidemment, la bestiole ne répondait pas. Juste, le chat.

Curieux face à face avec cette étrangère qui déjà semble avoir pris ses marques ici, invitée surprise dans une dynamique que la trentenaire n’avait toujours imaginée qu’à deux. Elle ne devrait pourtant pas se laisser surprendre, le destin lui ayant toujours attribué une balance sur trois piliers. La docteure, l’arcaniste, la femme. Autant de facettes pour autant de difficultés à les faire se rencontrer, conservées chacun sous le sceau d’un secret inébranlable. Ici, elle était sorcière, fille de, s’abreuvant de racines anciennes et solides, renouant avec une magie qui l’avait, un temps, presque abandonnée. Qu’elle s’était sentie vide alors, privée de ses capacités, enfin consciente des regrets que leur absence avait condamnés.

Si l’interrogation d’Isalin revêt une légitimité que son aînée ne saurait remettre en question, se trouver ainsi sur le devant de la scène lui fait détourner le regard, plus ennuyée qu’elle ne le voudrait par ce retour de bâton. Les réponses de la jeune femme se teintent de nouvelles questions, sur la nature de son don, sur sa nature réelle, sur le choix de trouver en Siobhan un guide quelconque. Non pas que sa mère n’en avait pas les épaules, mais il restait inconcevable pour une bourrique rancunière comme elle de la voir autrement que comme une figure subie plus que choisie. La toubib ne peut empêcher un élan d’empathie de poindre, seulement alimenté par quelque compassion humaine. Comment aurait-elle réagi, si elle s’était découverte sorcière, au même âge, l’école de médecine déjà en ligne de mire, sans personne pour la conforter dans ses choix, sans autorité pour lui en expliquer la teneur, l’essence, l’importance, les conséquences? Maeve avait eu cette chance de grandir et d’évoluer dans le cercle d’une longue lignée d’arcanistes et avait intégré ce schéma à sa vie au fur et à mesure. Rien n’avait été facile, encore moins acquis, mais elle n’était pas suffisamment hypocrite pour le voir autrement que comme une réelle chance. Se serait-elle sentie perdue? Désemparée? Aurait-elle mis de côté ses objectifs professionnels? Si diamétralement opposées et pourtant réunies dans ce cocon mystique. L’ironie recelait encore bien des secrets, visiblement.

Un sourire finit par étirer ses lèvres, qui ne porte pourtant aucune joie et se peint à peine d’un voile de fierté. Ici elle redevient enfant, avec tous les complexes que cela implique. Il lui est étrange de parler aussi ouvertement d’une partie d’elle cachée aux cowan, à ses collègues, aux mille patients qui ont jalonné sa carrière, aux prétendus amis, trop peu nombreux. Plus habituée à se planquer derrière une blouse blanche et l’autorité scientifique que celle-ci lui confère, costume le plus assumé, celui dans lequel la brune se sentait à son aise. Le malaise est réel, quand il lui devient impossible de conserver plus longuement le mutisme dans lequel cette dernière a trouvé refuge. “Oui, j’imagine que c’est ce que je suis, ici.” Souffle la chirurgienne comme si se réduire à cette simple facette lui coûtait. “Comme ma mère, ma grand-mère et toutes les femmes Wheelan aussi loin que l’on puisse remonter.” Conserver leur patronyme n’avait été qu’une marque parmi tant d’autres de leur indépendance, de leur force, de la volonté de s’affranchir du patriarcat. Elle se sentait souvent minable, en comparaison, face à toutes ces créatures féministes avant l’heure. Replongeant son regard dans celui de la jeune fille, elle laisse de nouveau passer un ange. “Tu es donc la seule dans ta famille à posséder ces dons que tu n’as pas encore explicités?” Demande-t-elle dans une invitation à lui en dire plus, sans la forcer aucunement. “Ce doit être tellement confus et effrayant, de se les approprier dans ce genre de circonstances…” Surtout dans cette fleur de l’âge où la vie vous tend les bras avec mille promesses sans conscience encore des remords et des regrets apportés par cette étreinte.

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Ven 28 Avr - 15:45 (#)

Isalín craint d’avoir dit une bêtise, jusqu’à ce que le visage de son aînée se pare d’un sourire. Par mimétisme, le minois de l’adolescente s’éclaire, ses yeux pétillent d’excitation. Elle est encore dans la phase de découverte, comme si elle avait passé des années de sa vie avec des œillères, à ne pas vraiment réaliser qu’elle côtoyait un autre monde. Oh il a été là tout ce temps, mais vu à travers un filtre, comme ces choses qui « n’arrivent aux autres ». Pendant 16 ans, son superpouvoir, ça a été le patinage. Aujourd’hui, elle ne sait plus ce qu’elle est, seulement le terme qu’on lui a soufflé pour se faire une idée : Outre. Mais c’est visiblement une catégorie encore méconnue, et internet n’est d’aucun secours sur le sujet. Est-elle aussi une sorte de sorcière ? Une fée ? Une ondine ? Une… qu’importe.

- C’est trop cool ! Lâche-t-elle avec enthousiasme.

Le côté générationnel, ça claque ! Isalín aurait adoré, quitte à avoir un don, venir d’un foyer où c’était normal. Elle aurait fêté ça avec sa famille, sa mère lui aurait appris comment ne pas malencontreusement réfrigérer un aquarium ou geler son tuyau de douche. Ces derniers mois lui ont appris à ne pas voir son sort comme une malédiction. Il y a quelque chose de fabuleux là-dedans, de magique. Mais elle aurait aimé être préparée… et soutenue, surtout. Ne pas consacrer toute sa vie à un seule objectif qu’elle ne pourra probablement plus jamais atteindre.

- J’suis toute seule oui… enfin, du côté de mon mère, ma grand-mère est un peu… « différente », elle soigne ses mots pour de pas vexer Maeve – d’autant qu’elle fait aussi partie du clan des weirdos maintenant, elle m’a souvent parlé de rituels, du petit peuple, de créatures hors du commun, même de trolls ! Et ça la fait encore rire en y repensant, mais… j’suis islandaise. Là-bas, c’est un peu courant ce genre d’histoire, même parmi les gens nor… sans pouvoir quoi.

La jeune femme hausse les épaules. Elle ne pense pas qu’il y a des « anti-CESS » sur son île natale, pas tels qu’elle les voit aux États-Unis. Ici, beaucoup de gens ont eu une réaction épidermique face à la différence. C’est instinctivement pour ça qu’Isalín se sent attirée par la compagnie de ses pairs. Sans même s’en rendre compte, elle a peur. Peur d’être lynchée en place publique, peur d’être harcelée sur les réseaux sociaux, peur de finir enfermée dans un laboratoire secret. C’est un peu absurde, mais c’est ainsi. Son cas a été médiatisée, ça ne demanderait pas trop d’effort aux autorités de la retrouver. Et elle se déteste pour ce sentiment de défiance… car il la coupe aussi d’une partie du monde, il donne de l’eau au moulin de la ségrégation. Les humains d’un côté, les CESS de l’autre. Ce n’est évidemment ni ce qu’elle veut, ni ce qu’elle prône.

- C’est un peu… déstabilisant, élude-t-elle quant à la profondeur de son ressenti sur la question. J’parle plus trop à ma mère. Elle… elle avait d’autres plans pour moi, et… disons que découvrir ça change tout. Mon père est plus cool lui, j’crois même qu’il est fier un peu. Mais j’veux pas le forcer à se retrouver entre moi et ma mère, et j’ai des réponses à trouver ici.

Comme pour illustrer ses propos, son regard balaie la pièce si singulière. Mystique, cosy, tamisée, Isalín s’y sent étrangement bien. C’est son monde maintenant, et le pire, c’est qu’elle n’a pas envie de devoir s’en séparer. Heureusement, le sort ne lui envoie aucun client pour l’instant, alors elle peut encore assouvir sa curiosité d’enfant :

- Grandir avec une famille de sorcières, ça doit être stylé, non ? T’avais une école spéciale ? T’fais plutôt des trucs gentils ou genre… tu parles à des esprits et tout ?

Ses prunelles de jade étincellent, elle n’a d’yeux que pour cette mystérieuse inconnue, qui lui ouvre un peu plus la porte d’un univers qu’elle touche à peine du bout des doigts.
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Lun 1 Mai - 15:30 (#)




Il déborde une certaine naïveté de l’enthousiasme de la jeune femme, suffisamment communicatif pour lui arracher un bref sourire amusé. Difficile d’entrer dans le jeu des comparaisons quand elle n’avait finalement connu que ça. Ça n’avait pas été que cool, parfois vécu comme un poids sur des épaules encore frêles, ressentir l’attente sans en comprendre les enjeux, se faire une place parmi ces femmes au caractère bien trempé, si sûre d’elles, de leur vérité, de leurs dons, de leur essence et leur héritage. Devenir cette pierre angulaire en tentant d’affirmer ses idées, ses passions, sa volonté. La confrontation avait souvent été brutale, futile, chacun campant sur ses positions. Pour un œil extérieur, Maeve comprenait que la chose paraissait plus simple, mais ça ne l’avait jamais été, encore aujourd’hui. Sa relation avec Siobhan s’apparentait à marcher sur des œufs, chacune s’essayant à ne pas trop empiéter sur l’espace de l’autre, fournissant moults efforts pour ne risquer la vexation de sa vis-à-vis. Elles s’aimaient, ça ne faisait aucun doute, mais trop souvent, elles perdaient de leur naturel, en présence de l’autre.

Toujours amusée par le récit que lui fournit Isalin, elle écoute attentivement et grave chaque information qui lui semble capitale, étrangère à ses racines. De l’Islande, elle ne connaît finalement que quelques histoires scriptées quand sa curiosité, un jour, l’a porté vers les mythes nordiques. Assoiffée de savoir et de connaissances, la toubib avait lu des centaines d'ouvrages sur un millier de sujets différents, mais elle n’était pas assez prétentieuse pour se targuer de comprendre les racines de cette île mystérieuse ne ressemblant à aucune autre.
Retenant la possible appartenance d’un aïeul à leur monde, elle se contente néanmoins d’acquiescer, ne voulant pas couper cet élan d’aveux.

Du haut de ses trente-neuf ans, elle se retrouve dans le récit de la relation maternelle que fait sa cadette. Une légère grimace déforme ses traits, comme une évidence toute matriarcale qu’elle ne connaît que trop bien. Avaient-elles conscience que le poids de leurs rêves, la pression de leur ambition, étaient trop lourds pour des êtres n’aspirant qu’à s’identifier en dehors de leur cercle? Pourquoi ne parvenaient-elles pas à couper définitivement le cordon, une fois les oisillons en âge de voler de leurs propres ailes? Pourquoi se borner à vouloir placer une cage dorée et atrophier ainsi tout ce qui pourrait permettre ce vol majestueux auquel elles étaient destinées? Maeve secoue la tête, ne s’autorisant pas davantage l’appropriation d’un discours et d’expériences qui ne sont pas les siennes. “Oui, elles ont tendance à oublier que nous ne sommes finalement pas un prolongement d’elles mais un être à part entière. Que nous sommes nous, et pas leur seconde chance de réussir.” Elle ne dérive pas plus loin sur cet océan, ne souhaitant ni émettre d’hypothèses sur une relation dont elle ne connaît rien ni ouvrir une boîte de Pandore, encore moins raviver des blessures visiblement récentes. Si elle comprenait toujours difficilement pourquoi ici, dans la boutique de sa mère, et pas ailleurs, elle trouvait un écho certain dans ce besoin d’identité, de connaissances, de compréhension. Comment l’en blâmer? Comment se montrer insensible?

Perdue un instant dans ses pensées et cherchant à tarir l’empathie un peu trop profonde qui naît en présence de la jeune fille, la question qui lui est adressée lui fait arquer un sourcil et la doc doit se contenir pour ne pas exploser de rire. Un coude sur la table basse à leurs côtés, elle cale sa joue dans le creux de sa main, les yeux rivés dans ceux de sa cadette. “Oh oui, avec des cours de sortilèges et enchantements, l’étude des runes, la préparation de potions, la magizoologie et le week-end, on se vidait la tête en jouant au Quidditch!” Laissant planer un silence, elle ne peut contenir plus longtemps un ricanement qui n’a pourtant rien de moqueur mais porte une légèreté pas si commune. Isalin ne peut le savoir évidemment, ne connaissant rien à la vie de l’arcaniste, mais c’est une bouffée d’oxygène qui lui apparaît vite comme salutaire. “Désolée mais une école normale avec des professeurs normaux et des amis on ne peut plus communs également.” Se justifie-t-elle presque sincèrement chagrinée de briser ainsi ses fantasmes très potteriens. Maeve lui avouerait bien qu’elle avait tout d’une Hermione Granger, le nez dans les bouquins dans une attitude de parfaite miss je sais tout qui en avait agacé plus d’un mais c’était son histoire et elle n’était pas prête à la partager. Il lui était déjà difficilement concevable de parler ainsi de sa condition dans une simplicité exclusivement portée par l’endroit et les circonstances. Quant au reste…. “Crois-moi, il vaut mieux laisser les esprits là où ils sont.” Souffle cette dernière en éludant volontairement la profondeur de cette réflexion. Elle chasse les souvenirs encore trop présents du Bénin, que la sorcière n’avait encore jamais partagés. “Mon sang porte avec lui le leg de ma mère. Je peux ressentir les émotions des autres, volontairement ou non. Une bénédiction et une malédiction conjuguées au même temps.” Si Maeve avait appris à se blinder, les émotions trop fortes la bouffaient toujours involontairement. “Je viens d’une lignée de guérisseuses, ça fait également partie de moi.” Une partie, parmi tant d’autres. “Et toi? Qu’est-ce qui t’a fait comprendre que tu n’étais pas restreinte à celle que tu as été jusqu’ici?”

Quelle était sa nature? Ses capacités? Tant de questions pour une curieuse de nature que les réponses ne rassasiaient jamais.

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Ven 5 Mai - 14:56 (#)

- Hum…

Aux mots de Maeve, l’adolescente a la sensation d’être comprise. Elle n’est pas la seconde chance de réussite de sa mère, ça non. Toutefois, si elle veut gagner les jeux olympiques, c’est aussi un peu pour elle-même, n’est-ce pas ? Mais est-ce vraiment le cas si le but de son existence a été téléguidé avant qu’elle ne soit en âge de faire ses propres choix ? Difficile de définir où s’arrête l’influence de sa génitrice et où commence son libre arbitre. Venir à Shreveport pour découvrir ce qu’elle est et explorer sa nature, c’est l’unique décision qu’Isalín est certaine d’avoir prise pour elle-même. Elle laisse sa mère s’épuiser dans la bataille juridique, à démarcher des avocats qui pourraient la réhabiliter sur la glace. De toute façon, sans la contribution de la première concernée, cette lutte est au point mort.

- Sérieux ?! s’émerveille-t-elle… avant que la mention du Quidditch ne lui mette la puce à l’oreille, ah-ah, très drôle !

Elle ronchonne, un brin boudeuse. Comme si elle était censée savoir ! Ça lui parait pourtant légitime que les personnes dotées de facultés particulières aillent dans des écoles adaptées. Il y a bien des classes pour les handicapés, pour les surdoués, pour les sportifs… ce ne serait que la suite logique des choses ! Mais bon, les adultes ne percutent pas toujours les évidences, l’Islandaise l’a déjà remarqué. Elle grimace donc simplement en apprenant que la sorcière a eu une scolarité encore plus standard que la sienne. L’ennui.

- Dommage… enfin, j’veux dire, ça devait être…

Elle ne sait pas en fait, puisqu’elle-même n’a pas été longtemps à l’école. La jeune femme ne peut pas faire de comparaison, ou songer que ça lui a manqué. Néanmoins, elle perçoit le changement de ton de Maeve qui évoque les esprits. Bien, donc ils existent, et… il y a forcément une mauvaise expérience derrière cette mise en garde. Isalín aimerait bien en rencontrer un du coup ! Contradiction adolescente oblige. Du moins, communiquer avec, parce qu’elle n’est pas certaine qu’il soit possible de les « voir ». Décidément, elle n’est pas au bout de ses découvertes…

- Moi ?! Pfff… je sais pas, je crois que je m’en suis rendue compte entre le moment où j’ai complètement réfrigéré la cabine de douche de mon hôtel et celui où j’ai déformé la glace de la patinoire de Stockholm devant le public et tous les examinateurs du championnat du monde, ironise l’adolescente, non sans amertume.

La plaie est encore sensible, alors ça reste plus facile de botter en touche. Sans prendre la peine de mieux expliciter sa situation ; qu’elle était à l’aurore de sa carrière de patineuse professionnelle quand ses « dons » ont massacré ses chances de sacre olympique avant ses 20 ans, Isalín préfère relancer le sujet de son aînée :

- Tu peux ressentir tout ce que je ressens alors ? Même maintenant ? questionne-t-elle avec stupéfaction – Siobhan ne lui a jamais vraiment expliqué ses dons, et comme « guérisseuse », tu peux soigner quoi ? Les maladies ? Les blessures ? Tu dois dire des formules magiques ou genre… utiliser des potions ?

A en juger par ce qu’il l’entoure, c’est peut-être plutôt cette seconde option. Dans tous les cas, la propriétaire de la boutique passe énormément de temps dans cette pièce chaleureuse, à mélanger plantes et autres substances, afin de remplir des fioles au contenu indéfinissable. L’Islandaise l’entend parler de filtre, de concoction, d’infusion, de potion, sans avoir la moindre idée de la différence entre tous ces breuvages.
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Dim 7 Mai - 22:32 (#)




La sorcière ne peut empêcher un rire sincère de franchir la barrière de ses lèvres avant qu’une mine désolée ne vienne poindre sur les traits de son visage. La tentation avait été trop grande, face à tant de naïveté rafraîchissante. Compartimenter sa vie était devenu, au fil des années, comme une seconde nature et dans la sphère magique, elle n’avait eu qu’à échanger avec des initiés de longue date. Percuter le monde de la jeune femme, encore teinté d’émerveillements, de doutes, de questionnements en tout genre, était une réelle bouffée d’oxygène, tout comme l’était la facilité déconcertante avec laquelle discuter de ses dons, de sa filiation, lui apparaissait. En cet instant, la trentenaire n’avait finalement besoin de n’être rien d’autre que ça. Une sorcière. La blouse blanche au placard, la femme dans un recoin, trop pudique pour afficher pleinement ses failles, ne restait que la simplicité d’une seule et unique facette exposée simplement, aidée par la réceptivité et l’enthousiasme de sa vis-à-vis. “Je t’avais prévenu, pour mon humour…” se contente-t-elle de répondre simplement en la laissant accuser le coup de ses désillusions.
Question en suspens, Maeve ne s’autorise néanmoins pas à terminer par un adjectif quelconque l’idée commencée par sa comparse. Oui, sa scolarité avait été des plus ordinaires mais la gamine qu’elle avait un jour été n’avait jamais trouvé cela rasoir ou barbant. Studieuse, appliquée, elle avait toujours fait partie des têtes de classe, loin d’une popularité que sa timidité presque maladive n’aurait de toute façon pas supportée. Trop grande et maigrichonne, seule l’adolescence et quelques formes naissantes avaient attisé de nouveaux regards moins sévères auxquels pourtant cette dernière n’avait prêté que peu d’intérêt. Aujourd’hui encore, le reflet du miroir ne pointait que les défauts que le prisme de son propre regard mettait en exergue. Déformée, dévaluée, sans conscience de son potentiel, elle était finalement restée cette adolescente bourrée de complexes en tout genre.

Les confidences se suivent et, toujours accoudée sur la table basse, elle redresse le visage, sourcils froncés, face au récit que lui apporte Isalin. Maintenant que les mots sont posés, un vague souvenir effleure son esprit, une actualité passée entre deux horreurs à l’autre bout du monde et à laquelle la chirurgienne n’avait prêté attention que par la nature exceptionnelle de l’événement. Bien sûr, par respect, elle n’en fait aucune précision, préférant que l’islandaise se pense préserver de cette notoriété assurément non désirée. L’arcaniste en devine une autre, de par le parcours sportif dépeint et hypothétiquement écourté. Bien que la comparaison soit lointaine, elle ne peut que tenter de s’interroger sur la privation de sa passion, si tenté que l’on puisse qualifier sa profession ainsi. Mais la toubib possède déjà la réponse à cette question. Loin des blocs, sans cette blouse qu’elle porte avec fierté et de laquelle elle a forgé une solide carapace, elle sombrerait. Il ne lui resterait plus aucune motivation pour se lever le matin, sans ses précieux bistouris critiqués par sa génitrice. “La glace…” murmure cette dernière comme pour résumer l’élément duquel la jeune femme puise son don.

Se redressant complètement, la doc répond par une négation de la tête. Il lui avait toujours été complexe de mettre des mots sur un ressenti si… personnel, si unique. Sa thèse de doctorante lui paraissait plus simple, même après toutes ces années, qu’expliquer le fonctionnement de sa magie. “Ça ne fonctionne pas comme ça.” Commence-t-elle en se mordant la lèvre inférieure, à la recherche de mots simples que la barrière de la langue ne mettra pas à mal. “Du moins pas dans un univers familier, dans une conversation posée. Si tu venais à des sentiments extrêmes, à une rage poussée à son paroxysme ou la dépression la plus profonde, je ne pourrais pas en contrôler l’impact sur ma personne. Ce serait comme tenter de retenir une vague de trente mètres de haut ou d’essayer de surfer sur celle-ci. Présentement, sans te toucher, l’intimité de tes sentiments est préservée.” La rassure Maeve dans un sourire, comprenant aisément que l’on puisse assimiler cela à une intrusion non consentie. Un nouveau rire amusé passe sa gorge, quelque peu attendrie par la vision à la fois très archaïque et finalement très moderne que la jeune femme a de son univers. “Ni potions ni incantations. Je veux dire, oui mais…” Décidément, l’oralité pour quelque chose d’aussi spirituel et mystique ne s’accordait pas. “Je ne peux pas soigner le cancer ou éradiquer la peste, si c’est ta question. Ni même endiguer une trop grosse hémorragie. Et il ne faut pas confondre la connaissance des plantes avec mon don. C’est… sans artifice, sans… c’est difficile à expliquer, désolée, je n’ai pas pour habitude de l’évoquer aussi ouvertement.” Une pause salutaire alors qu’elle croise ses jambes en tailleur, faisant pleinement face à Isalin. “Je n’ai cela dit pas besoin d’user d’empathie pour comprendre que l’apparition de tes dons a compromis certains de tes projets et qu’il te faut appréhender une vie que tu n’avais pas anticipée.” Repensant à sa relation tendue avec sa mère évoquée plus tôt, elle ose, par réelle inquiétude. “Tu as des personnes fiables pour t’épauler? Ce peut-être effrayant, cette inconnue, je n’ose imaginer ce que ça peut être de la traverser seule.” Pourquoi cet intérêt, pour cette fille qui ne lui ressemble finalement que très peu et dans laquelle pourtant, Maeve se retrouve en certains points?

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Lun 8 Mai - 23:49 (#)

Isalín fronce les sourcils, concentrée sur les explications de son aînée. Elle peut soigner, mais sans toucher, et visiblement ni les maladies graves, ni les grosses blessures… du coup, « à quoi ça sert ? » ne peut-elle s’empêcher de penser. Si ses pouvoirs ne peuvent que guérir un rhume, n’est-ce pas plus simple d’acheter un paquet de mouchoirs et d’attendre que ça passe ? L’adolescente ne soumet pas cette réflexion à haute voix ; pour ne pas vexer son interlocutrice, et parce qu’elle médite aussi sur le fait que Maeve non plus ne contrôle pas à 100% ses dons. AH. … c’est pas super encourageant ça ; si une vieille née sorcière n’arrive toujours pas à tout maitriser à 50 ans, elle a du souci à se faire avec ses facultés d’élémentaire…

L’Islandaise a la sensation qu’il y a encore beaucoup de chose qu’elle ne peut pas saisir. A l’image des difficultés de la fille Wheelan a lui expliciter ses dons, le monde du mystique est une question d’empirisme, de feeling, de rencontres – bonnes comme mauvaises. Six mois qu’elle fait de son mieux pour se renseigner, pour s’immerger, mais elle gratte tout juste la surface. Le processus est long, lent et délicat. Sans doute devrait-elle s’octroyer un journal pour poser par écrit ses progrès, ses questions, ses réponses. Matérialiser son parcours en quelque sorte.

Maeve pivote pour lui faire totalement face. La jeune femme ne soutient que quelques instants son intimidant regard perçant. Elle fixe ensuite le néant, perdue dans une bourrasque mélancolique provoquée par l’interprétation de son aînée qui frappe en plein dans le mille. En effet, ses projets ont été compromis, c’est exactement le mot. C’est aussi un bel euphémisme. Le visage froissé d’une grimace, Isalín s’acharne sur une tache imaginaire de l’ongle de l’index.

- J'vis avec une cousine, elle est OK. Sa meilleure amie est sympa aussi, elle… elle m’a aidée un peu à découvrir ce que je sais faire, Elizabeth s’est même montrée plus enthousiaste qu’elle-même quant à la découverte de ses pouvoirs, j’fréquente l’Arch aussi. C’est une asso qui euh… qui aide les gens comme moi j’dirais.

Les perdus, les égarés, les déboussolés. Ceux et celles qui ont besoin d’un coup de pouce dans ce monde normalisé peinant à faire de la place aux autres. Et c’est particulièrement violent, à 16 ans, d’apprendre qu’on est cet « autre », justement. Un long soupir échappe à l’Islandaise, qui se résigne finalement à se montrer un peu plus expansive :

- Ce qui m’a… ce qui me fait le plus chier, c’est même pas tellement que l’ISU m’ait disqualifiée et interdite de championnat. Enfin, je veux dire, c’est grave injuste, mais je peux comprendre. Par contre, qu’ils aient aussi envisagé d'me retirer mes précédentes récompenses…, elle met quelques secondes, bouche ouverte, à trouver ses mots, ils l'ont pas fait, mais c’comme… c’comme cracher sur tout mon travail en fait. C’est dire qu’si j’ai progressé autant, si j’en suis arrivée où j’étais, c’était pas parce que j’ai bossé comme une dingue, mais parce que j’étais… « favorisée naturellement » ou j’sais pas quoi…

Ça la met en boule. Elle a tout donné, elle, la petite islandaise, débarquée de son pays natale comme une outsider bonne à se faire bouffer dans le grand bain par les américaines, les russes et les chinoises. Première de son comté, quatrième de son état, deuxième du pays et première sur l’immense compétition qui réunit tous les continents à l’exception de l’Europe. Elle a sué pour ça. Elle a souffert, elle a pleuré, elle a fait des sacrifices. Et on sous-entend qu’elle aurait été aidée par une putain de grâce surnaturelle.

- Bref, balaye-t-elle en jetant en arrière sa toison d’encre, posant ses yeux de jade sur Maeve, j’ai pas non plus besoin d’être d'ressentir les émotions pour savoir qu’un truc va pas trop entre toi et Siobhan, relance-t-elle avec une pointe d’espièglerie, c’est si dur que ça, une maman sorcière ? Elle rit brièvement, mais redevient parfaitement sérieuse pour la question cruciale qui lui trotte en tête : pourquoi tu as dit qu’elle te voyait comme un « autre espoir de réussir » ?

C’est comme ça, l'insouciance la jeunesse : ça pose peut-être des interrogations trop personnelles sans s’en rendre compte.
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Lun 29 Mai - 13:32 (#)




Acquiesçant sobrement, elle n’en reste pas moins attentive, ayant du mal à se mettre dans les chaussures de sa cadette. La trentenaire avait toujours fait en sorte que les différents mondes dans lesquels elle évoluait ne se heurtent jamais, mettant des barrières strictes et précises entre eux. Que sa vis-à-vis se confie si aisément à des non initiées sur ses dons lui paraissait au mieux imprudent au pire dangereux. Prisonnière du propre carcan imposé par ses soins, sa vision ne reflétait sans doute aucune véracité. Peut-être même enviait-elle son insouciance et cette confiance engagée visiblement naturellement. Qu’elle en récolte un soutien solide prouvait seulement qu’elle se trompait peut-être à vouloir ainsi se préserver. Qu’avait-elle récolté, finalement, avec cette belle mentalité, sinon une solitude que cette dernière commençait à trouver pesante et un poids sur les épaules trop grand pour elle? Difficile de se remettre en question néanmoins, la quarantaine approchante et avec pour appui une réussite professionnelle pleine et entière. Dès que le discours lui semblait devenir décousu, dès qu’on pointait ses erreurs trop sûrement du doigt, des dizaines d’arguments contraires lui donnaient raison. Et Maeve préférait encore éteindre les trop nombreuses interrogations sur sa vie d’un déni encore un tant soit peu efficace. Trop de fantômes, trop de cicatrices, trop de regrets qu’elle se refusait à affronter de peur de s’y noyer, par crainte de retomber dans cette non glorieuse dépression qui avait failli souffler sa magie. Tant qu’elle parvenait à garder la tête hors de l’eau, elle évitait de s’essayer à plus d’exigence avec sa propre personne, pas pour le moment en tout cas. Il aurait été si facile de souffler son château de carte, prétendre le contraire, encore un peu, lui assurait une stabilité mentale précaire certes, mais suffisante.

Évitant de couper un élan qu’elle devine fragile, elle ne l’interrompt pas pour lui dire qu’elle connaît l’Arch, au moins de réputation à défaut d’y avoir déjà mis les pieds. Ne connaissant rien de la faune qu’on pouvait rencontrer là-bas, la doc se focalise uniquement sur le bienfait qu’une telle aide peut apporter à Isalin. Elle écoute, silencieuse, respectueuse, tout ce que la jeune fille veut bien lui partager, curieuse de connaître les tenants et aboutissants de son parcours, les regrets qui freinent, les déceptions qui peinent, la colère qui assombrit tout d’un nuage noir et opaque, les espoirts avortés, les difficultés d’acceptation. “Mais ce n’est pas pour eux que tu te battais, sur la glace. Je veux dire, je comprends le besoin d’être reconnue par ses pairs, de se voir affirmer qu’on est la meilleure dans un domaine bien particulier. Mais ils restent eux et tu es toi. Là-bas, sur la glace, sur la musique que tu avais choisi pour te porter, dans une chorégraphie travaillée pendant je ne sais combien d’heures, à force de chutes, de ratés, de volonté, malgré une foule dans les gradins, c’était toi avec toi-même et pour toi seule non? Même s’ils t’avaient retiré tes médailles, tes titres, ils n’auraient pas pu t’enlever ça. Ton travail, tes sacrifices, ta détermination, ton talent.” Égoïstement, la chirurgienne ne peut empêcher un parallèle avec ses propres aptitudes. Elle pouvait encaisser le mépris de certains de ses collègues, accepter la défiance d’autres, parer la méfiance des patients, jongler avec l’incertitude d’internes au caractère bien trempé. Parce qu’elle était femme, parce qu’elle était renfermée, parce qu’elle était belle, pour un tas de préceptes désuets qui ne faisaient plus sens dans ce monde moderner mais teintaient encore les relations de son aura patriarcale. Mais dans un bloc, accompagnée d’une équipe, ça avait toujours été elle avec elle-même et pour elle seule.

Le sujet revenant sur elle, un nouveau rire nerveux franchit ses lèvres, discret, empli d’une certaine ironie palpable. En avait-elle déjà trop dit? S’était-elle donc trahie aussi aisément? Piètre menteuse malgré les circonstances, il fallait bien l’avouer. “C’est si dur d’avoir un maman Siobhan…” souffle-t-elle dans un sourire avant d’effacer inutilement ses mots d’un mouvement de la tête. “Mais  j’exagère. On s’aime, indéniablement.” Sans savoir comment se le dire, sans avoir appris comment se le montrer, sans avoir besoin pourtant de le prouver. “Je ne suis pas la fille qu’elle aurait rêvé d’avoir, c’est tout. Je crois qu’elle a fantasmé une version de moi depuis notre première rencontre et étant enfant unique, elle a transposé ses espoirs et ce qu’elle n’avait elle-même pas réussi à accomplir sur moi. Quand j’ai choisi une autre voie, elle n’a pas su l’accepter. Je ne doute pas qu’elle ait essayé mais elle a du mal avec cette version.” Haussant les épaules, la toubib englobe en un résumé grossier leur histoire pour ne pas entrer dans les détails de sa propre vie. Il fallait plus que la maladresse de la jeunesse pour la sortir pleinement de sa coquille. “Elle n’est pas un monstre et je ne lui facilite pas la tâche, pour être honnête. On est ce que nous sommes, point.” Elles n’en étaient pas fondamentalement malheureuses pour autant, sans doute pas épanouies non plus.

Laissant passer un ange après ces quelques confidences qui ne la mettent pas spécialement à l’aise, elle se racle la gorge comme pour initier moins subtilement un changement de sujet. “Je ne suis assurément pas le meilleur professeur qui soit mais… si tu as des questions, je veux dire, que tu n’oses pas poser à ma mère ou si tu as des problèmes qui concernent cette transition que tes amies ne peuvent comprendre, je suis là. Je ne te promets pas d’être disponible à la minute ou même de pouvoir y répondre mais….” Fouillant du regard les alentours, elle se redresse pour attraper un calepin et un crayon et tourne la page pour ne pas écrire à la suite d’une liste d’achats de sa mère. Gribouillant son numéro lentement pour ne pas que son écriture de médecin n’entache la compréhension, elle déchire cette dernière et la tend à la jeune fille. “Quand tu veux.” Souffle-t-elle dans un sourire dans une démarche qui la surprend presque elle-même.

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Anonymous
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Sam 3 Juin - 16:15 (#)

- Mouais…

Elle n’est pas convaincue mais ne sait pas par où commencer. Les pensées se bousculent dans son crâne sans parvenir à s’organiser. Isalín comprend ce que son aînée cherche à lui dire : on aurait beau la spolier de ses médailles, de ses trophées, de ses accomplissements, il n’empêchera que la réalité demeurera. Son travail, sa présence sur la glace, la sueur versée à chaque séance, les courbatures au lendemain de ses entrainements intensifs. Elle n’a rien volé, elle sait que si elle s’est hissée au rang des favorites américaines pour les JO 2022, c’était au prix d’un véritable travail. Mais en même temps… à quoi bon si personne ne s’en souvient ? Il y a quelque chose de grisant dans le fait d’entrer en piste, seule, livrée aux yeux du jury et des spectateurs. Nue, vulnérable, la musique commence et elle dévoile une partie de son âme. Car dans ce genre de performance, aussi sportive soit-elle, il y a une part de lâcher-prise artistique. L’adolescente ressentait mille choses, mille émotions, une fois sur la glace. S’il n’y a pas de public, si ceux qui ont un jour salué ses prouesses la prennent pour une imposture ou une tricheuse… elle se serait écorchée vive pour rien. Cette impression, elle ne peut pas s’en détacher. Elle a besoin de cette reconnaissance, tout comme les musiciens composent pour être entendus ou les écrivains pour être lus.

- J’comprends grave… j’crois, enfin c’est sûr, qu’ma mère m’a aussi vue comme une « deuxième elle », commente l’Islandaise suite aux confidences de Maeve.

Ce n’est sans doute pas difficile à deviner. Louise Bankhead a longtemps taquiné le podium, sans parvenir à surclasser ses concurrentes les plus féroces. Sa carrière n’a pas été ridicule, mais elle était une succession de « presque » succès. Une fois, elle a été sacrée par une médaille d’argent au niveau internationale, et ça a été le point culminant de son palmarès. Contrairement à son aînée, Isalín s’est laissée modeler par sa génitrice, et elle a même été à la hauteur de ses espérances. Sa fille prodigue, jusqu’à ce que sa condition ne change la donne.

- Oh, euh…, elle ne s’attendait pas à ce que Maeve lui propose son aide, carrément ! Je… merci beaucoup !

Elle attrape la feuille déchirée sur laquelle est inscrit le dit numéro et le glisse consciencieusement dans sa poche. Ce n’est pas tellement qu’elle n’ose pas causer à Siobhan, mais son absence aujourd’hui prouve bien l’impression qu’elle en a : c’est une femme occupée, importante, secrète. Elle a déjà bien aiguillé l’Islandaise, mais faire plus que de lui apprendre son métier ?

- Je veux, et j’ai tout l’temps du monde ! s’exclame-t-elle avec entrain. Enfin, j’veux dire…j’suis dispo quoi, quand j’suis pas ici, l’avantage d’avoir 17 ans et pas de parents pour lui dire quoi faire, par exemple, tu saurais m’apprendre… tout ça ? Elle lève les bras au ciel pour désigner l’ensemble de la pièce, des décoctions, des fioles de potion, des pots de plante rare, au moins un peu ! Et sinon… si t’as des conseils en général pour euh…, elle hausse les épaules, sans trop savoir comment formuler sa requête, t’sais : avoir une vie normale et être une « CESS » en même temps…

Parce qu’actuellement, Isalín a l’impression d’être un peu « seule ». Elle a Sofia et Elibzabeth, ainsi que l’Arch, mais elle a du mal à se sentir « entière ». C’est comme si elle était encore prisonnière entre deux mondes, bloquée dans un no man’s land confus. Shreveport ne lui fait pas l’effet d’un foyer, mais elle ne peut rentrer à Reykjavik maintenant. En d’autres termes, elle a besoin de se trouver : qui est elle aujourd’hui ?
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Anonymous
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Mar 19 Sep - 19:39 (#)




Difficile de se reconnaître dans cet enthousiasme débordant, dans cette franchise qui frôle l’insolence, portée par l’insouciance de la jeunesse. L’islandaise semble pourtant avoir vécu trop pour son âge, tombée tête la première dans un monde qu’elle n’avait sans doute que fantasmé dans des contes d’un autre temps. Les classiques du genre ne manquaient pas et l’Histoire portait en son sein des épisodes passés peu à peu dans un folklore local. Ça n’enlevait rien à la brutalité de la réalité, vérité douloureuse difficile à encaisser, surtout tardivement. Il pointe un certain respect, pour cette acceptation, incertaine sur sa propre réaction si les rôles avaient été inversés. Maeve était devenue qui elle était en toute connaissance de cause, même si le poids sur ses épaules et la pression matriarcale n’avaient pas été moins grands. Conjuguer tous les aspects de sa vie, même maintenant, lui apparaissait toujours comme un défi insurmontable, alors, en bonne lâche qu’elle était, la chirurgienne avait opté pour le déni et l’effacement, se focalisant sur ce qui pouvait être géré en omettant volontairement le reste.

Son regard dévie sur leur environnement, parfaitement consciente qu’elle ne serait jamais un modèle pour personne, encore moins pour Isalin, ni en tant que sorcière, ni en tant que femme. Trop de failles, trop de secrets inavoués, trop d’incertitudes. Comment guider une adolescente quand on ne s’assumait qu’à moitié? L’avouer restait néanmoins hors de question et l’engagement tacite qu’elle avait pris avec ses dernières paroles la force présentement à ne pas faire marche arrière. “Ne t’attend pas à des étincelles, me concernant. Siobhan en sait davantage que moi sur les plantes mais…” Ses yeux se portent un instant sur la porte de l’arrière-boutique, comme pour s’assurer de l’intimité que revêt cette conversation. “Mon don est plus développé…” L’index qui s’appose sur sa bouche est un indice hautement plus grand qu’une oralité inutile pour préserver cet aveu et ne pas risquer une vexation de la gérante. “Quant à la normalité…” Elle repose ses orbes clairs dans les siens, inspirant un grand coup. “J’imagine que c’est une question de point de vue.” Lâche-t-elle dans l’expiration. “Pour moi, c’est une normalité. Et ce que tu y verras ne dépend entièrement que de toi. L’extraordinaire ne l’est finalement que pour certains esprits étriqués. Mais si ton désir est d’apprendre à conjuguer les deux, je préfère me montrer honnête et t’avouer que je ne serai pas le meilleur professeur en la matière.” Se rendant compte que le discours peut sembler effrayant, quand elle devait ressembler à une momie pour un esprit aussi jeune, elle poursuit. “Tu es très différente de moi et je t’assure que c’est une bonne chose. Je ne doute pas que tu sauras t’acclimater dans ce nouveau monde qui s’ouvre à toi. Tu as su trouver ma mère, qui, même si ça m’écorche la bouche de le dire, n’est pas la pire en la matière. Il te reste mille chose à accomplir et ce que tu décideras d’en faire n’appartient qu’à toi, Isalin.”

La fixant un long moment, un sourire doux figé sur les lèvres, elle se détourne finalement, jetant un coup d’oeil à sa montre discrètement. “Disons que si tu as besoin d’un avis autre, d’une vision différente, de quelque chose de plus… mesuré que les idées de Siobhan, je reste à disposition.” Se redressant lentement, elle passe une main sur le bas de son dos dans un réflexe pour retirer la possible poussière sur son postérieur dans une grâce absente. “Je n’aurais jamais la prétention de te dire ce qui est mieux, en tout cas. Il te faut te faire ta propre opinion. Pour le reste, tu as mon numéro mais pour l’heure, je dois filer. Ne te sens pas obligée de dire à ma mère que je suis passée…”

Dans un sourire, elle prend la direction de la sortie, mais, une main sur le chambranle de l’ouverture, elle se retourne une dernière fois. “Ne la laisse pas t’imposer sa vision des choses. Ne la laisse pas consumer la tienne.” Une légère grimace désabusée, un regard teinté du voile du regret et elle se retire, le tintement de la clochette sur la porte de la boutique signalant son départ.


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