You never know what's hit you. A gunshot is the perfect way.

7 décembre 2021 - 6h30

Plic. Ploc.

Je ferme les yeux, alors que le seul bruit autour de moi est cette fichue gouttière à l’extérieur que j’entends comme si le bruit allait me faire exploser le crâne. Mais au moins, ça veut dire que je suis enfin arrivé au garage.

J’essaie tant bien que mal de sortir les clés de ma poche, mais elles tombent au sol, alors que j’ai pic de douleur et que je manque de tomber. C’est tout juste si je tiens debout, alors que je me raccroche vivement au rebord de la fenêtre, me retournant deux ongles dans la foulée.

Douleur.

Je laisse échapper un grondement sourd avant de souffler, mâchoires serrées. « Je sais. Je sens que ça… » Que ça nous empoisonne. Que c’est le genre de chose qui risquerait de nous tuer si on fait rien. Sauf que je suis infoutu de faire quoi que ce soit pour l’empêcher.

Colère.

La Bête se débat de plus en plus et je commence à perdre pied. Le pire ? C’est que ce serait tellement plus simple que ce soit elle qui prenne la main. Elle foncerait en direction du Caern, de Daphné, de Joaquin. Peu importe qui. Elle n’aurait pas besoin de réfléchir et se contenterait de suivre son instinct. Notre instinct.

Sauf que je peux pas. Ma transformation est bloquée par une balle, une foutue balle, faisant à peine la taille de mon pouce. Et encore. Je réprime tant bien que mal une nausée, avant d’abandonner l’idée même d’ouvrir la porte correctement. Un coup d’épaule et elle est défoncée dans un craquement sonore.

Au moins, j’arrêterais d’entendre cette foutue gouttière.

Plic. Ploc.

Ou pas.

Pris de tremblements des pieds à la tête, je laisser échapper un « putain ! » avant de me trainer tant bien que mal en direction de mon bureau. Le téléphone. Il faut juste que j’attrape mon téléphone. Et que je sache quel numéro composer. Dans l’immédiat, mon cerveau est tellement embrumé que j’arrive pas à me concentrer sur ce genre de détails. Mais je me dis qu’une fois assis, une fois quelques secondes passées à reprendre mon souffle, ça ira mieux.

… ça doit aller mieux.

Je ferme le poing alors que je manque de trébucher une première fois. Puis une autre. « … c’est une blague… » Depuis quand je ferme toutes les portes à clé bordel ? Encore un coup d’épaule alors que j’essaie même plus de faire dans la délicatesse. Et je suis secoué d’un rire sans joie à l’idée que la voisine appelle les flics, pensant que c’est un cambrioleur. Dans le genre karmique, ça se poserait là quand même.

Je finis par m’écrouler sur ma chaise, sans trop savoir comment. « Allez Sammy, respire. Réfléchis. Tu dois… garder le contrôle. » Un nouveau grondement m’échappe, alors que la Bête semble clairement pas de cet avis. Elle veut retourner là-bas et tous les dévorer pour leur faire payer. Pour éviter qu’ils fassent encore plus de mal. Pour faire disparaitre cette douleur qui nous ronge de l’intérieur. Je saurais pas dire depuis combien de tems j’ai pris cette balle, mais je sais surtout que, si je fais rien, mon état va s’aggraver. Mais pour ça, il me faut le… téléphone donc.

Je tends la main et, dans un geste maladroit, je fais tomber le combiné. « Et merde… » Quelle vaste blague. Dans combien de temps mes apprentis arrivent ? Pas la moindre idée. Et je peux pas me permettre de les attendre. Je dois… « Le portable… » Qu’est-ce que j’ai foutu de mon téléphone portable ? Il est quand même pas à l’étage non ?

… bien sûr que si. Et je peux même pas faire du bruit en espérant attirer l’attention de Théa, elle devait partir très tôt ce matin et c’est déjà foutu. Le jour commence à se lever et je ferme de nouveau les yeux, appuyant ma tête contre le dossier du siège avec un profond soupir.

Les dévorer. Tous les dévorer. Ils doivent payer.

Une grimace m’échappe. « Tu sais que ça marche pas comme ça… ça nous apporte jamais rien de bon la vengeance. »

Humpf.

« Ouais, pareil… » Je sais même pas si je dois faire pression ou pas sur la plaie. Dans le doute, je l’ai fait, mais c’était peut-être une mauvaise idée. Et je fixe la paume de ma main, couverte de sang, le regard un peu incrédule, avant de me figer quand j’entends du bruit. « … qui est là ? » Au vu des bruits de pas, c’est forcément humain. Ou en tout cas, ça y ressemble forcément. J’espère juste que c’est pas un de ces types qui m’a suivi pour m’achever. Il risquerait d’avoir une sale surprise en remarquant que la balle a fait que toucher l’épaule. Et que, argent ou pas, j’ai encore des forces. Assez pour pas me laisser faire sans me battre.

J'avance vers le garage en laissant échapper un soupir. Je suis infirmière, serveuse et maintenant femme de ménage. C'est le deal que le patron du garage m'a proposé pour payer la longue liste de réparations que doit subir ma voiture. J'ai encore fait une affaire avec cette bagnole. A peine 4 semaines que je l'ai et elle ne roule déjà plus.. Visiblement, la grande majorité des pièces étaient bien usées et doivent être changées. Comme si je n'avais déjà pas assez de dettes. Je viens donc ici trois fois par semaines pour les payer, et il y a du boulot. Je passe 3h à tout nettoyer de fond en comble sans ménager ma peine. En plus, les tâches de cambouis, d'huile, sont loin d'être les plus simples à laver.

Ce matin, j'arrive plus tôt que prévu. Je dois ensuite enchaîner sur une garde à l'hôpital alors j'espère pouvoir finir assez tôt le ménage ici. Lorsque je m'avance, je constate que la porte du garage est enfoncée, ce qui n'est pas normal et l'odeur du sang me saute aux narines dès que je m'approche. Bordel.. Je devrais sortir, appeler les flics, mais quelque chose me retient. « Monsieur Miller ? » Ma voix est fébrile. J'avance, hésitante, suivant les traces de sang quand j'entends un bruit de voix venant du bureau. La vision qui s'offre à moi en poussant la porte me glace le sang. Samuel est assis, le teint blême. Il a perdu du sang d'une blessure à l'épaule. Un autre homme est présent aussi, son aura m'apprend que c'est un humain et qu'il est assez paniqué. Ce ne peut donc pas être le tireur.

Je fais glisser mon sac à terre et m'avance. « Je peux vous aider. Je suis infirmière... » Je m'accroupis devant l'homme blessé. « Que s'est-il passé ? » J'interroge Samuel du regard puis l'autre homme. Je grimace quand je sens la présence de l'argent. Son sang n'est pas pure, il se contamine. Il est urgent de retirer la balle. « Ce n'est pas une balle classique » Je murmure à voix basse en regardant l'homme. J'hausse un sourcils. Je sais ce qu'il est. Un loup-garou. Je l'ai remarqué grâce à son aura dès que je l'ai rencontré la première fois. J'aurais pu tourner les talons, mais je ne suis pas du genre à m'effrayer. Il y a des CESS bon, il y en a des mauvais, tout comme les humains. Et puis, il n'a aucune raison de me faire du mal. Samuel tient ce garage depuis un bon moment maintenant. Ce n'est pas un jeune loup-garou qui ne se maîtrise pas. La balle en argent par contre, peut lui être fatale.

Ma main se place sur celle de l'humain qui compresse la blessure. Je sens le sang. Je ferme les yeux et j'utilise juste assez de mon pouvoir pour sentir la balle. Elle est logée assez profondément, la retirer ne sera pas facile. « Je suis Tasya. » Je me présente rapidement à l'autre homme. « Il me faudrait de l'eau et des serviettes propres. » Je ne sais pas ce qu'il sait sur Samuel et sur sa condition de loup-garou mais je n'ai pas envie qu'il découvre qui je suis. L'éloigner quelques minutes le temps de m'expliquer avec Samuel est sûrement nécessaire.

Il y a quelqu’un mais, en l’état, je suis incapable de savoir qui ça peut être. Forcément, ma Bête s’agite et je laisse échapper un grondement sourd, avant de réaliser, en reconnaissant la voix du nouveau venu, qu’il s’agit d’Ethan.

Et merde…

Pas que je sois pas heureux de le voir, mais les circonstances sont pas des plus… optimales. Ou quelque chose du genre. J’avais même totalement zappé qu’il devait passer ce matin. Je m’essuie le front du revers de la main, sans réaliser que j’y laisse une trainée de sang, alors que le brun se rapproche de moi. Je peux entendre son cœur battre à toute vitesse, à un rythme qui pourrait presque m’assourdir tellement la Bête est là, à essayer de gratter la surface.

Ami.

Ouais, là, voilà. C’est un ami. On le mange pas lui. Je ferme les yeux, sans trop savoir quoi répondre à la question du garagiste. Et je finis par lâcher, avec un grognement. « J’ai pas… passé une bonne soirée. » Enfin si, la soirée et une bonne partie de la nuit, tout allait bien. C’est juste quand j’ai décidé de m’esquiver avant que le soleil se lève que les choses ont commencé à déraper. Pour être à l’heure pour notre rencard avec Ethan quand j’y pense. « Les gens sont un peu… sur les nerfs en ce moment… » Doux euphémisme n’est-ce pas ?

J’ai une grimace quand il parle de téléphoner et je lâche, un peu trop vivement. « Non ! Pas d’ambulance. Pas de… personne. Il faut pas… » J’ai l’impression que ma voix est un peu pâteuse, sans arriver à savoir pourquoi. J’ai juste envie de m’arracher le bras pour que la balle parte avec et que cette impression que mon corps entier est en train de brûler s’estompe. Et j’ai un sursaut de douleur quand il appuie contre la plaie, mes ongles rayant le bureau. Si je pouvais me transformer, je suis à peu près certains que ce serait des griffes à leur place. « Y a personne. Je… » Je parlais avec l’autre partie de moi qui a envie de bouffer tout le monde parce qu’on nous a tiré dessus.

Et je suis infoutu de lui expliquer les choses, de trouver les bons mots. Déjà qu’en temps normal, ce genre de révélation est compliqué, mais là, on a atteint des sommets. J’ai de toute façon pas le temps de m’appesantir réellement sur le sujet qu’une silhouette brune débarque. Et je plisse des yeux quand elle se rapproche, laissant filer un nouveau grondement sans même m’en rendre compte. Mais à sa remarque, je penche la tête sur le côté, perplexe. Je m’attendais pas à ça. Si en temps normal, je m’assure depuis quelques mois d’embaucher que des CESS, je me suis dit que, pour quelques semaines, avoir une simple humaine, juste pour du ménage, ce serait pas la mort. Mais au vu de sa remarque, je me demande ce qu’elle peut savoir. Et forcément, j’ai un mouvement de recul, me sentant acculé sans pouvoir rien faire. « Non… » C’est pas une balle classique en effet. « Qu’est-ce que vous… » Je vois qu’elle a fermé les yeux et qu’elle a comme senti quelque chose. Mon regard passe de Tasya à Ethan, alors qu’elle lui demande d’aller chercher des trucs. Pour l’éloigner ou parce que ce sera vraiment utile ? Aucune idée. Mais au moins, il connait les lieux, il saura où trouver ce qu’elle demande. Je crois.

Il ne me faut pas beaucoup d'explications pour comprendre ce qu'il s'est passé. Ces derniers temps, les CESS sont encore plus pointés du doigt. J'ai entendu des bruits de couloirs à l'hôpital, il y a eu des menaces, des attaques et personne n'est épargné : vampires, loups-garous, aracanistes... Si je suis assez protégée car je n'ai rien révélé de ma nature de mage, la crainte est toujours là, forcément. Mes parents ont été tués par des personnes détestant les arcanistes et ma tante, par un chasseur. Je me traîne un lourd bagage niveau crimes contre des CESS alors je ne dormirais jamais sur mes deux oreilles, les menaces récentes ne changeront rien à ce niveau-là.

Aux paroles de l'homme, je fronce les sourcils. « Comme s'il s'adressait à quelqu'un ? » Mon regard se fait plus interrogatif envers Samuel. Est-il réellement en train de perdre la tête ou parlait-il à son loup ? Il semble vraiment affaibli. Son teint est livide. À la suggestion d'Ethan, j'hoche la tête et me tourne vers le blessé. « On peut vous allonger ? » Mes connaissances en loup-garou sont un peu limitées, je sais juste que Samuel cohabite avec une bête et je n'ai pas particulièrement envie de me retrouver face à face avec elle. Est-ce qu'elle acceptera de se retrouver en position de soumission, allongée au sol ? Le garagiste laisse échapper un grognement mais il se laisse faire et avec l'aide d'Ethan, nous parvenons assez vite à l'allonger au sol.

Ethan s'éloigne alors et je le regarde s'aventurer à l'intérieur du garage à la recherche de ce que je lui ai demandé. « Est-ce qu'il sait ce que vous êtes ? » Avant la fin de ma phrase, mes yeux se reposent sur Samuel. Mes doigts courent le long de son épaule blessée, je suis toujours concentrée sur la blessure. Mes doigts chauffent, l'afflux sanguin ralentit, l'hémorragie s'arrête presque, mais nous savons tous les deux que ce n'est pas le soucis principal de cet homme. L'argent l'empoisonne. Si la balle n'est pas retirée, elle risque fort de le tuer. « Ok... La balle s'est logée profondément. » Je grimace. Il va me falloir beaucoup d'énergie pour l'extraire. Je ne suis pas chirurgienne, je ne parviendrai pas à l'enlever sans utiliser la magie. J'ai juste à me concentrer et à utiliser le sang pour guider le projectile hors de la chaire. « Ça risque d'être douloureux... Est-ce que vous arriverez à vous contrôler ? » Je ne tiens pas à ce qu'il me saute à la gorge parce que je lui aurais fait mal. S'il est hors de question de le laisser agoniser là sans rien faire, pour autant, je ne tiens pas à perdre la vie.

Ethan revient avec du papier absorbant, puis de l'eau dans une bassine. À son affirmation, j'hoche brièvement la tête. Ça va aller oui, il faut juste sortir cette fichue balle avant qu'elle ne lui soit fatale. Que peut faire Ethan ? Je pince mes lèvres, légèrement indécise.  « Empêchez-le de bouger » J'espère juste qu'il parviendra à retenir Samuel. En temps habituel, ce serait impossible, mais là, il est considérablement affaibli. « Mordez ça » Je tends un chiffon au loup-garou. « J'y vais. » Mes doigts glissent sur la peau, s'arrête sur la blessure et à l'aide de ma magie, je fais pression sur le sang. La balle commence à bouger et la brûlure de l'argent risque vite d'être insupportable pour Samuel. De l'extérieur, on peut surement croire que je tente de retirer la balle à main nue. Mes doigts rougissent et le sang se remet à couler.

Autant dire que j’écoute d’une seule oreille les échanges entre Ethan et Tasya. Il faut dire que je me concentre surtout pour éviter que la Bête pète un plomb à cause de la douleur et de la colère. Mais au final, on dirait surtout que j’ai réussi à la contrarier suffisamment pour qu’elle ait décidé de me laisser la main. Pour le moment en tout cas. Pour autant, mon regard brille d’une lueur dorée inhabituelle, surtout au vu de mes prunelles noires en temps normal. « M’allonger ? » Humpf. Comme si j’avais besoin de ça pour me sentir vulnérable.

Et si ma Bête aime encore moins ça que moi, on se laisse faire, non sans moult grognements agacés. Je crois même que je claque des dents dans un réflexe que je pensais même plus avoir depuis le temps. Faut dire que c’est pas souvent que je me fais flinguer. Encore moins avec une balle en argent. Je crois même que l’argent, c’était encore jamais arrivé. Et franchement, je me serais bien passé de ça.

Je suis vaguement des yeux Ethan parti je ne sais où et je secoue la tête à la question de la brune. « Nan… il … il sait rien. » Je tousse, avant de prendre une inspiration, me crispant quand elle commence à examiner la blessure. « Merveilleux… » Et à sa question, j’ai un sourire sans joie. « Vous en faites pas pour ça. Au pire, je vais juste vous grogner un peu plus dessus. » Rien de bien méchant en sommes, même si je sais pas à quel point je surestime mon self-control en cet instant précis. Surtout que j’ai pas la moindre idée de ce qu’elle va faire. Heureusement que je me méfie pas de la magie, que j’ai grandi avec et que j’ai pas de raison de me méfier de Tasya. En théorie.

Je ferme les yeux quelques instants alors qu’Ethan revient et qu’elle lui demande de m’empêcher de bouger. Elle y croit vraiment là ou pas ? Je me rends pas compte. « C’est hors de question. » Que je me morde dans un chiffon. Je laisse échapper un grognement de frustration, alors que je sens mes mâchoires qui se contractent quand elle me dit qu’elle va y aller.

Et si j’avais mal, c’est rien en comparaison de ce qui suit. Mon corps se tend complètement alors que je réprime tant bien que mal un gémissement de douleur. J’ai l’impression qu’on est en train de me couler de l’acide dans les veines alors qu’elle est en train de faire pression pour que la balle ressorte. Je sais pas comment elle fait ça, je sais juste que la douleur me vrille le crâne, le corps, que j’ai l’impression que je vais éclater. Le sang continue de couler de plus belle et, pendant un instant, c’est comme si plus rien d’autre comptait que cette douleur. Je me rends pas compte que je me suis mis à gronder et, c’est au moment où je me retrouve à quelques mètres d’eux, Ethan et Tasya repoussés avec force, que je réalise que la balle a bien été extraite. Et qu’elle est là, au sol, entre nous.

Je suis de mon côté plaqué contre le mur, le souffle court, les yeux écarquillés alors que j’ai bondi jusque-là sans même le réaliser, comme si ça allait m’aider à échapper à la douleur. Et je lève une main dans leur direction soufflant un « dé… désolé… » d’une voix plus rauque que d’habitude. J’espère que je leur ai pas fait mal, mais ils ont l’air d’aller bien. Je sens trembler des pieds à la tête, mais la douleur se fait déjà moins violente. « Il… il me faut quelques instants. » Pour garder le contrôle, pour pas perdre le fil, surtout maintenant que la Bête est plus entravée par quoi que ce soit. A part moi, évidemment. J’ose même pas regarder Ethan, me demandant quand est-ce qu’il va me traiter de monstre. Comme quoi, certaines habitudes ont encore la vie dure.

Quand Samuel affirme qu'Ethan ne sait rien, mes yeux se relèvent vers l'humain qui s'active toujours au loin. « Oh... » Espérons alors que le loup sache se tenir, je n'ai pas vraiment envie de lui expliquer pourquoi son ami se transforme soudainement en grosse bête poilue. L'existence des loups-garous n'est plus un secret, mais certains préfèrent se cacher des humains. Visiblement, c'est le souhait de Samuel mais quelqu'un a deviné son identité. On ne tire pas sur les humains classiques avec une balle en argent. La personne qui lui a tiré dessus savait forcément ce qu'il est. Est-ce un humain ? ou une autre créature CESS ? Après tout, quiconque maitrise les auras aura deviné, tout comme je l'ai su dès que j'ai passé le pas de sa porte.

Ethan tente tant bien que mal de maintenir le blessé pendant que je m'active pour le libérer de la balle d'argent qui l'empoisonne. La douleur est forte, je le sens. Samuel s'agite et je m'efforce d'agir au plus vite. La balle progresse, le sang la guide et au moment où elle sort enfin de la blessure, le loup-garou nous repousse fortement. Je suis projetée en arrière et heurte le mur derrière moi. Heureusement, le choc n'est pas assez violent pour que je sois blessée, mais j'ai le souffle coupé.

Ethan s'enquiert rapidement de mon état de santé. « ça va, ça va ! » Je le rassure d'un sourire et d'un signe de main avant d'essuyer rapidement le sang qui s'écoule de mon nez. Je constate aussi que ma main tremble légèrement. Si je ne suis pas blessée, je sais qu'il me faut de l'eau. Extraire la balle m'a demandé beaucoup d'énergie et c'est typiquement le signe qu'il faut à tout prix que je m'hydrate. Tout pouvoir a une contrepartie.

Samuel ira bien. Maintenant que la balle en argent a été retirée, sa blessure guérira vite. Je laisse les deux hommes pour me trainer jusqu'à la salle de bain où je rince mes mains couvertes de sang. Puis je me passe de l'eau sur le visage avant d'attraper une bouteille et boire de longues gorgées, presque 1 litre d'eau avant de revenir. « Ses... lentilles ? » Je les interroge tous les deux du regard. De quoi parle-t-il ? « Oh.. » Je réalise effectivement que ses yeux ont changé de couleurs. Je grimace légèrement, laissant à Samuel le soin d'expliquer ce changement soudain. Bon courage !  

Avisant le sang au sol, je soupire : « Je ne sais pas qui est la femme de ménage mais elle va avoir du boulot. » J'ai un léger roulement des yeux et un petit rire, effectivement, je vais devoir m'activer pour nettoyer le sol et les murs couverts d'éclaboussures d'hémoglobines. Si la plupart du temps, le garage de Samuel est plutôt propre et ne justifie pas vraiment mes services, là je suis servie.

Je m'avance pour ramasser la balle en argent et la range dans un mouchoir que je viens déposer sur le bureau de Samuel. Il en fera bien ce qu'il voudra. « Est-ce que vous savez qui vous a attaqué ? » Ma question s'adresse à Samuel. Je ne sais pas trop s'il compte expliquer à Ethan ce qu'il s'est passé, mais il nous doit bien quelques explications. Je ne compte pas partir comme ça, pas sans savoir si ce genre de situations risque de se reproduire. Et surtout, je veux m'assurer que personne ici ne racontera ce qu'il s'est passé. Peu de personnes savent pour mon pouvoir et je tiens à ce que ça reste ainsi.

J’ai un profond soupir, alors que je finis par me laisser de nouveau glisser au sol, ma Bête étant assurée que personne va venir et en profiter pour nous faire du mal. Pour autant, je reste tendu, le souffle court, continuant d’observer tout autour de moi avec une attention accrue et guettant le moment où la situation risquerait de basculer.

L’inquiétude concernant Tasya et Ethan diminue quand je les vois tous les deux bouger et me parler. Je me contente d’un bref hochement de tête à la question du garagiste, sans trop savoir quoi répondre pour être parfaitement honnête. Mon esprit est passablement embrumé et j’ai un mal fou à faire le tri dans ce que je peux ou pas raconter. Alors, autant garder le silence quelques instants. Mon regard se pose sur la balle, encore au sol, avant que Tasya se décide à la ramasser et à l’envelopper, non sans qu’un frisson me parcourt le dos à la pensée même qu’elle est là, tout près.

Une nouvelle inspiration. Je sais bien qu’il va falloir que je parle et surtout, que je trouve des trucs pertinents à raconter avec ce qui vient d’arriver. Mais j’ai un froncement de sourcils à l’attention d’Ethan. « Mes quoi ? » Un temps, alors que je tilte enfin. « Ah euh… » Bon, en parlant de trucs pertinents, là, c’est un échec cuisant donc. « T’as dû mal voir. » Soufflé dans une vague tentative de … de quoi au juste ? Pas la moindre idée. Je me doute bien que ça va pas marcher du tout, mais ça coûte rien de tenter.

Un rire silencieux me secoue à la réplique de la brune. « Déconnez pas, je vais m’en occuper. C’est… ma faute tout ça. » Une grimace en voyant l’état des portes et je me sens déjà fatigué à l’idée des conneries que je vais devoir inventer pour justifier tout ça. Mes pensées se remettent en place peu à peu et je finis par souffler, non sans me frotter l’épaule. « C’est une balle en argent Ethan. Et je suis très allergique à l’argent. Mortellement allergique. » A lui de décider s’il veut pousser plus loin, ou si c’est le genre d’explication qui lui suffira pour comprendre. Je me vois difficilement continuer de jouer au débile et je suis de toute façon pas en état pour ça.

Une nouvelle grimace à la question de Tasya. « J’en ai aucune idée. Je rentrais et je suis tombé sur des gens qui se prenaient la tête. Je suppose qu’il y avait des chasseurs dans le lot. J’imagine. » Un froncement de sourcils sans même que je m’en rende compte, mais je vois pas comment ils auraient pu avoir des balles en argent autrement. « J’ai voulu aider une gamine qui se faisait prendre à partie, y a eu des échanges de coups de feu. Et une balle perdue. Enfin, pas si perdue que ça donc. » Des insultes qui fusaient dans tous les sens, la gamine, qui devait pas avoir plus de 20 ans, qui hurlait au milieu, en panique. Ce genre de scènes que je pensais pas possible jusque-là et qui montre à quel point les gens sont en train de péter les plombs actuellement. « Personne m’a suivi. Ils étaient trop occupés à se prendre la tête pour voir que je me suis tiré en douce. » Au cas où elle serait inquiète là-dessus. Le garage reste un endroit sûr, quoi qu’on en dise.

Je finis par me relever tant bien que mal et je me pince l’arête du nez. « On va faire un deal si vous voulez bien. On monte chez moi, on boit un café et on mange un truc. On parle de tout ce qu’on veut sur cet incident. Mais après, on l’évoquera plus. » Ca me parait un compromis plutôt acceptable non ? Tout en parlant, je me traine vers le bureau et j’attrape la balle enveloppée dans le mouchoir, mâchoires serrées. Va falloir que je demande aux autres ce qu’ils en pensent.

Pire encore, je vais devoir prévenir la Meute.

… ouais, ça peut attendre cinq minutes hein.

D'un mouvement de la main, je balaye l'air devant moi. « ça va, vous me payez pour ça ! » Et comme je disais, c'est pas comme si le garage était nickel tous les jours, ou presque. « Et à deux, on ira plus vite oui ! » Que je renchéris à la déclaration d'Ethan. Il m'a l'air sympathique et bienveillant. Je pourrais nettoyer facilement ces tâches de sang avec ma magie mais je n'en aurais pas la force. Extraire la balle du loup-garou m'a demandé pas mal d'énergie. Un seau et une serpillère feront donc très bien l'affaire. Il va y avoir du boulot mais à deux, on devrait facilement s'en sortir, surtout si on ne traine pas trop et que le sang n'a pas trop le temps de sécher.

Lorsque Samuel répond à Ethan qu'il est allergique à l'argent, je tourne mon regard vers le principal concerné, curieuse de savoir s'il va comprendre.. Ou non. Et visiblement, ce n'est pas le cas. Je pince mes lèvres, le laissant se dépatouiller avec l'humain et lui souhaitant en silence un bon courage. C'est son ami après tout. De mon côté, je sais qu'il n'a pas besoin d'aller à l’hôpital. La balle est extraite sans laisser de poussière d'argent et c'est un loup-garou, la blessure va guérir rapidement et seule. En temps habituel, il n'aurait même pas eu besoin de mon aide. Je l'encourage à finir sa phrase : « A moins que... ? » Est-ce qu'il va deviner ?

Lorsque Samuel évoque des chasseurs, je me redresse légèrement, soudainement tendue et jette un regard nerveux vers la porte. C'est ridicule. Personne ne sait qui et ce que je suis, mais depuis la mort de ma tante, tuée par un de ces monstres, j'ai constamment la boule au ventre à l'idée que l'un d'entre eux me retrouve. Des chasseurs ont été chez elle, ils ont vu des photos de moi là-bas, ils ont pu lire des papiers avec mon identité et tous les gri-gris, les potions ne laissaient pas trop de doutes quant à nos activités surnaturelles. Je laisse échapper un petit soupir et sent mes épaules se détendre quand il affirme qu'ils ne l'ont pas suivi jusqu'ici. « Et la gosse ? » Son sort m'inquiète aussi. Personne ne mérite de subir leur châtiment. Je m'apprête à continuer en lui demandant s'il était seul là-bas ou si d'autres de ses compagnons pourraient avoir besoin de soin quand la question d'Ethan me prend de court. « Des... pigeons.. » Pourquoi pas, des pigeons-garou, ça existe ? La naïveté d'Ethan est assez touchante en réalité mais je me garderais bien de lui expliquer de quoi il en retourne réellement.

Samuel propose de monter, de se poser devant un café et de reparler de tout ça. J'hoche la tête, satisfaite du plan quand Ethan renchérit en se décomposant devant son téléphone. Le Voodoo Café a brûlé visiblement et son ami est mort. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Je n'ai jamais mis les pieds là-bas mais je sais que c'est une véritable petite institution dans les environs. Je lui adresse un regard interrogatif. Bon, possible que mon téléphone soit un peu.. ancien, sans connexion internet. C'est moins cher et puis, il fait largement le job pour lequel je l'ai acheté il y a une dizaine d'années : téléphoner et envoyer des sms. Mes yeux glissent vers Samuel pour savoir s'il en sait plus lui aussi.

Ethan semble bouleversé alors j'approche ma main pour serrer doucement son avant-bras. « Allons boire ce café et dépatouiller tout ça. » Si je suis désolée pour le sort de son ami, je ne peux malheureusement rien faire de plus.

J’ai l’impression que ce poison continue de se répandre dans mon sang, mais je me raccroche tant bien que mal à ma raison. Tasya a tout enlevé, je vais bien. Aussi bien que possible dans ces circonstances en tout cas. Et je réalise que j’ai vraiment eu beaucoup de chance. Toujours est-il que je dois composer avec un Ethan qui semble totalement à côté de ses pompes et pas du tout au fait de la présence de thérianthropes dans son entourage.

J’ai un léger froncement de sourcils à sa question à propos de la brune et je laisse filer un silence avant de souffler, à mi-voix. « Elle m’a sauvé la vie Ethan. Le reste, c’est à elle de te le dire. » Ou pas donc. Mais difficile de nier l’évidence qu’il a sous les yeux, que ce soit pour elle ou pour moi. Quand elle revient et que le ménage de tout le bordel que j’ai généré est évoqué, je grimace de plus belle. « C’est pas une question de te filer plus de boulot. Ou d’exploiter Ethan. Il faut juste… effacer toutes les traces le plus vite possible. » Je me masse l’épaule, laissant filer un silence alors que je tente tant bien que mal de réfléchir. « Je vais dire à mes gars de venir plus tard, on avait aucun rendez-vous ce matin. Et je demanderais à la… à des amis. De venir s’occuper des portes que j’ai maltraitées. » A défaut du reste donc.

Ethan tente encore d’avoir des éclaircissements. Et je suis infoutu de dire s’il tend des perches parce qu’il sait où il va, ou s’il est complètement largué. Les deux étant totalement possibles, j’ai un profond soupir à sa remarque sur l’argent. « Il y a pas que les humains qui sont allergiques. Ou les vampires. » Là, c’est plus clair ? Difficile à dire, surtout s’il connait pas cette faiblesse chez les garous. « Pas besoin d’hôpital. Ca va… guérir. Et j’ai un médecin perso. » Que je vais devoir appeler avant qu’elle m’achève elle-même pour avoir trop tardé. Je finis par entrer un peu plus dans les détails de ce qui m’est arrivé, sourcils froncés. « La gosse a pu se tirer grâce à mon intervention. Je t’avouerai que j’ai pas regardé ce qui a pu arriver aux autres. » Je me frotte le visage à deux mains, essayant de me remettre les idées en place, avant de lancer un regard incrédule à Ethan. « Quoi ? » J’ai un rire silencieux, alors que j’imagine des pigeons-garous en train de s’ébattre sous la pleine lune. Pour autant que je sache, c’est tout à fait possible, mais l’idée d’être agressé par ce genre de volatile a quelque chose de passablement dérangeant.

Et, avant que j’ai le temps d’ajouter quoi que ce soit, voilà le téléphone d’Ethan qui se met à sonner. Je me fige à ses paroles, lâchant un « merde… » à mi-voix, quand je comprends ce qui s’est passé. « C’est de pire en pire… » Un murmure, plus pour moi-même qu’autre chose. J’allais de temps à autre là-bas, pour le plaisir d’écouter un peu de musique et passer quelques heures en bonne compagnie. Alors ouais, j’avoue que ça fait quelque chose. Un hochement de tête en direction de Tasya. « On monte oui. » Et je les entraine les deux avec moi à l’étage, alors que je cherche des yeux ce foutu téléphone. Qui trône bien en évidence sur le plan de travail. « Super… » Jamais j’aurais cru être content de voir cet engin maléfique tiens.

Un soupir, alors que je m’adosse à l’îlot pendant quelques instants. « Ethan, je suis désolé pour ton ami. Tu veux t’assoir ? Je vais te donner un truc un peu plus fort que du café. » Je regarde autour de moi, cherchant la télécommande pour allumer la télé. A l’ancienne ouais, mais ça reste encore le meilleur moyen de comprendre ce qui a pu se passer. « Qu’est-ce que t’as eu comme message ? » Je secoue la tête un instant, pris de vertige avec le sang perdu et la douleur – réelle ou imaginaire – qui continue de pulser encore dans mon épaule. « Humpf… Tasya. Je peux te demander de lui servir un truc ? » Je désigne la petite table avec le whisky et, de mon côté, j’attrape tant bien que mal une cannette de soda dans le frigo. Il faut que je mange aussi pour compenser, je l’entends au gargouillis de mon estomac alors que mon corps commence déjà à bosser pour se remettre de ce qui s’est passé. Et que je comprenne ce qui s’est passé.

Pas besoin de chercher bien loin pour voir les premières images du Voodoo en flammes donc. Mais c’est pas que ça. C’est autrement pire. Et j’écarquille les yeux, incrédule. « Mon dieu… » Même si, à partir du postulat que Dieu existe, je crois qu’il en a rien à faire de tout ça.

Le sang de Samuel est encore frais. Si je n'avais pas utilisé une partie de mon énergie pour le soigner, j'en aurais eu assez pour tout nettoyer. Laver le sang à grandes eaux aurait pu se faire sans trop d'effort. Malheureusement, là, je me sens vidée. Il va me falloir un peu de temps pour retrouver le contrôle de mes capacités. Mes yeux se posent sur les différentes portes que le loup-garou a démoli. Effectivement, ces destructions risquent d'attirer la curiosité des personnes lambdas. IL va falloir qu'il s'en occupe rapidement. « Rester un peu pour donner un coup de serpillère ne me dérange pas. » Autant le rassurer là-dessus.

Samuel affirme avoir déjà un médecin personnel, j'hoche la tête. J'ai fait mon job de toute manière, je ne suis pas certaine de pouvoir faire plus. Ce ne doit pas être utile de recoudre la plaie, ses talents de loup-garou feront le nécessaire ! Il m'apprend aussi que la gamine attaquée par les chasseurs a pu s'en tirer. C'est l'essentiel. Il n'y a probablement rien de pire que de tomber entre les griffes d'un chasseur quand on est un CESS. Nous montons tous les trois pour discuter un peu de la situation. J'ai l'impression de marcher sur des œufs avec Ethan. Discuter de la situation sans pour autant évoquer les mots "loup-garou" ou "sorcier" est compliqué.

Samuel me demande de servir quelque chose de fort à Ethan. « Bien sûre » Avant d'atteindre la bouteille de whisky, le concerné décline finalement et préfère rester au café. Je lui en sers un et l'amène dans une tasse. Tandis que Samuel descend une canette de coca, je me sers un nouveau grand verre d'eau.

Mes yeux se posent sur l'écran de télévision où on peut voir le Voodoo Café en flammes. Je perds un peu de couleur quand le reporter parle de sang importé du Mexique. Tout ce qui est décrit semble tout droit sorti d'un film d'horreur et un frisson me coure le long de la colonne vertébrale. « Des enfants ? » Je n'ai aucun mal à imaginer qu'un vampire puisse avoir aussi peu d'empathie, de compassion et d'humanité justement pour s'en prendre à des petits êtres innocents. Mais le patron du bar ? Les serveurs qui y travaillent ? Comment peuvent-ils accepter et servir ça ? Mon regard interrogatif se pose sur Samuel puis sur Ethan. « C'est possible ? » Je me tourne plus particulièrement vers l'humain qui prétend connaitre le gérant. Même si c'était un ami, est-ce possible qu'il ne sache pas la vérité ? « Est-ce que vous pensez que le Voodoo pouvait avoir un trafic caché ? » Je ne m'y connais pas vraiment en vampires. Je les évite parce qu'ils m'effraient. Nous avons pourtant un point commun : le sang. Je le manipule et ils s'en servent pour se nourrir.

Ethan nous demande ce qui ne va pas dans cette ville. J'hoche les épaules quand il nous nomme "les gars". « Tiens, c'est la première fois qu'on me prend pour un homme... » Je tente de souffler avec légèreté pour détendre un peu l'ambiance. Mon regard glisse vers Samuel. Comment lui expliquer simplement les choses s'il n'ouvre pas les yeux sur les vampires ? Les loup-garous ? Les sorciers ? Je pince légèrement mes lèvres avant de murmurer : « Rien ne tourne rond... Dans cette ville ou même ailleurs. » Mon regard se fait plus lointain. Ma famille s'est faite massacrée au Mexique alors tout ne se résume pas à Shreveport, même si tout semble amplifié ici.

Difficile d’en dire plus à Ethan sans vider totalement mon sac. Et autant dire que dans l’immédiat, je me sens pas vraiment l’énergie de devoir lui expliquer toute l’histoire. J’ai juste envie de m’allonger et de souffler un peu, en attendant de récupérer mes forces. Avant d’appeler la Meute, ce qui m’épuise d’avance. Je secoue la tête à la question d’Ethan. « Nan, ça va aller, t’en fais pas. »

Je me masse la nuque, non sans un soupir avant de lever les yeux au ciel quand Tasya répète que nettoyer tout ce sang la dérange pas. « Je sais bien, mais là, il faut aussi effacer toutes les traces possibles. Alors je vais appeler et des gens vont venir filer un coup de main. » C’est non-négociable de toute façon. Au reste, je préfère éviter d’insister et de pointer du doigt des évidences qui, dans l’immédiat, échappent à Ethan. C’est pas plus mal, même si je note dans un coin de ma tête de discuter avec la jeune femme dès qu’on en aura l’occasion.

Et puis, notre attention à tous les trois est détournée par l’annonce. J’écoute, plus silencieux que mon ami garagiste, alors que la télévision balance des informations à la chaine. De quoi en chambouler plus d’un. Ca me rappelle ma discussion avec Elizabeth sur les conséquences néfastes sur les nôtres. J’ai une grimace à la réaction d’Ethan et Tasya, me refusant un instant à lui dire ce que je peux savoir à ce sujet. Je suis pas sûr qu’ils apprécieraient ce qu’ils pourraient entendre. Pourtant, je suis pas sûr que ce soit beaucoup mieux s’il se monte la tête tout seul à cause de ce qu’il vient d’entendre. « Ecoute Ethan… les vampires… certains vampires… ont des modes de vie que t’imagines pas. Ils sont pas tous comme ça, c’est certain, mais le Tru Blood est pas forcément quelque chose qui leur plait à tous. » En réalité, il y a pas grand-chose que j’ai pu entendre qui me choque réellement. Quant à celui des enfants. Je me contente d’un haussement d’épaules à l’attention de la sorcière. « Je pense que si on est pas directement impliqué… » Une hésitation, alors que je finis par éteindre la télévision, un peu à court de mots et qu’il me faut bien quelques seconde savant de reprendre. « Ecoutez. Si je peux me permettre un conseil… ne croyez que les informations de première main que vous pourrez avoir. Pas la télé. Ou les réseaux sociaux. Ne croyez pas ce qu’on peut vous balancer comme ça, sans savoir d’où ça peut venir. »

Une brève inspiration, alors que j’ai quand même quelques points qui dansent devant les yeux. « Le monde des CESS a beaucoup de secrets. Ici ou ailleurs. Mais ils sont à prendre avec des pincettes. On pourra en reparler si vous voulez. Plus tard. Je pense que dans l’immédiat, on doit tout souffler un peu. » Comment leur dire que tout est possible, même le pire ? Que la vie ne tient au final qu’à un fil et que certaines de leurs certitudes, surtout celles d’Ethan, peuvent voler en éclat en un seul battement de cils. Je me rapproche du brun et je lui tapote l’épaule avec un sourire compatissant. « Si tu as des amis qui peuvent te parler du café, tu devrais les appeler. » J’ai pas vraiment de contacts là-bas en ce qui me concerne. Peut-être Joaquin, mais sans certitude. « En attendant… » J’ouvre le frigo et je sors de quoi faire un petit déjeuner. Y a effectivement rien qui tourne rond mais au moins, ça, c’est quelque chose de concret, de tangible. Et puis j’en ai besoin si je veux être capable d’affronter le reste de la journée.

J'hoche doucement la tête à la répartie de Samuel : des connaissances à lui s'occuperont de faire disparaitre toutes les traces de sang et de ce qu'il a pu détruire. Je ne vais pas insister, c'est son garage et même s'il m'embauche pour le nettoyer, je peux comprendre que la situation soit exceptionnelle et nécessite un soin très pointilleux. Un instant, je me demande ce que ça peut faire de vivre justement en meute. Mes connaissances en ce domaine sont assez limitées mais leur mode de vie me semble complètement contraire au mien. Je vis seule, personne ne se préoccupe de moi et je ne dépend de personne. Et eux ? Mes questions resteront sans réponses de toute manière, nous ne pouvons pas parler de tout cela devant Ethan.

Je fronce le nez en apprenant le petit trafic de Ethan concernant le sang. Heureusement, il affirme que tout ça est derrière lui aujourd'hui. Je me pince le nez, il y a encore tellement de choses que je connais mal à propos de tous les CESS. « Entre vendre son propre sang et celui d'enfants, il y a une différence... » Je réplique doucement. Oui, parfois, pour sortir d'une difficulté financière, toute personne peut prendre des décisions radicales concernant son propre corps ou sa vie, mais là... Je ne comprends pas comment des gens peuvent baigner dans un trafic aussi monstrueux que celui d'enfants... J'esquisse un sourire quand Ethan insiste sur le fait que c'est bel et bien fini. Tant mieux. Après, je ne juge pas, chacun fait comme il peut... Quant au Tru Blood, apprendre qu'un faux sang ne contente pas les vampires, n'est pas vraiment une surprise. Cela parait logique au final, même si j'aurais préféré le contraire. Une nouvelle fois, j'hoche la tête. « Je suis pas vraiment au courant de tout ce qu'il se passe... » Contrairement aux deux hommes, je n'ai pas de meute ou d'amis vampires « Mais j'essaye de ne pas accorder trop d'importance aux médias.. » Même si ce qu'ils racontent est effrayant...

Je laisse les hommes s'arranger pour la cuisine, me perdant dans mes pensées. Il faut à tout prix que je trouve comment perfectionner toutes mes connaissances, elles me semblent bien insuffisantes au vu de tout ce qui se passe. Ce que prépare Ethan a l'air délicieux, mais l'appétit me manque. Je picore le contenu de mon assiette, l'esprit préoccupé par tout ce que j'ai appris dernièrement. L'odeur embaume la cuisine et je jette un coup d’œil amusé à Samuel quand j'entends notre cuisinier affirmer qu'il y aura surement des doggy bags. Mon petit doigt me souffle que non, justement, avec sa blessure, le loup aura surement besoin de manger beaucoup.

J'esquisse un petit signe de la main à l'intention d'Ethan qui doit s'en aller. Il a à peine quitté les lieux que je me lève à mon tour. « Je vais y aller aussi. Je repasserai dans quelques jours. » Comme convenu pour faire un brin de ménage, même si je me doute qu'il n'aura plus particulièrement besoin de mes services. « Fais attention à ta blessure. Il n'y a plus de traces d'argent et je ne doute pas de tes capacités de guérison mais... ça n'est pas une blessure anodine... » L'argent a pas mal entamé ses chairs, beaucoup plus que ce qu'une balle classique aurait pu faire. J'attrape deux pancakes que je glisse dans une serviette, ce sera parfait pour mon déjeuner.

Avant de sortir, je me retourne vers Samuel. « Et si tu te poses la question, je suis une mage. » D'un geste de la main, je fais sortir l'eau de mon verre et je l'arrose légèrement sur le nez, ou.. le museau. « On aura probablement des choses à se dire.. » Je suppose qu'il a des questions, mais elles attendront, je dois me rendre à l'hôpital pour prendre ma garde et je peux difficilement être en retard. « Je savais déjà que tu étais un loup-garou et pas parce que tu sens le chien mouillé, je te rassure. » J'esquisse un sourire malicieux et attrape mon sac avant de sortir d'un pas plus léger.