16 septembre 2020.
Quartier de Western Hill.
19h38.Les festivités battaient leur plein malgré la chaleur estivale et on frôlait toujours les presque trente degrés en ce début de soirée étouffante. Approchant des abords de l'horizon, le soleil couchant teintait les quelques nuages d'incandescentes marbrures pourpres, oranges et ors, à l'image d'un peintre fou qui aurait décidé de mettre le feu au ciel. L'ambiance était particulière, de ces instants suspendus et qui ne durent que quelques dizaines de minutes par jour, une sorte d'entre deux où on se soustrait à la morsure du soleil mais où on ne se soucie pas encore des dangers et autres mystères de la nuit. Accrochée là en un témoin silencieux, la lune se faisait discrète, presque invisible et uniquement parée d'un imperceptible croissant sur le point de disparaître. Cette atmosphère n'en soulignait que d'autant plus la beauté du paysage urbain hétéroclite, le caractère typique de ce quartier vivant et plein d'énergie qui vibrait en ce jour. Les sons endiablés de rythmes et d'influence aussi différentes les unes que les autres se faisaient entendre un peu partout et, tous, n'avaient pour but que de faire se déhancher même les plus timides des bassins.
Ça et là, les gens prenaient un verre dans un des bars d'Arkansas Street, dansaient sur la route ou déambulaient d'un air curieux devant une multitude d'étals, petits commerces et derniers vides-maisons tardifs qui s'apprêtaient à remballer. C'était un petit coin de quartier populaire qui avait réussi à conserver son âme face à la modernité et où la peur de l'inconnu n'avait pas tout à fait supplanté l'envie de faire la fête. Pour quelques heures encore on ferait comme si de rien n'était, comme on avait toujours fait de toutes manières : avec de la musique, de l'alcool et de la bonne humeur. Le spectre d'Halloween 2019 se faisait lointain et on pouvait se permettre le luxe de commencer à penser à autre chose dans ce cadre fait de maisons colorées, de rires et d'un brin de séduction.
Tybalt, tu avais décidé de quitter ta bicoque humide et branlante perdue au fin fond du bayou pour venir faire un de tes tours en ville. Délaissant tes brebis rednecks égarées l'espace de quelques heures, tu avais deux choses précises en tête et sans lesquelles tu ne repartirais pas, bien décidé à extorquer à cette ville ce que tu considérais presque comme ton dû : un brandy digne de ce nom et quelques chères et précieuses munitions en argent. C'est que l'un et l'autre n'étaient pas donnés et on ne choisissait ni la première bouteille de supermarché ni les vulgaires balles discount vendues pour rassurer la mère de famille. Ces choses là prenaient du temps et un regard critique. Après tout, la vie d'un vieil homme était trop courte pour la gâcher et tu savais pertinemment que de la méticulosité de tes choix pouvait déterminer ta vie ou ta mort, aussi bien à travers la bouteille que les armes.
Toutefois, tu n'avais hélas pas anticipé les festivité qui s'étalaient sur tout un quartier. Ça n'avait pas arrêté le vieux roublard que tu étais mais te voilà, tes achats à la main, à tenter de fendre la foule pour remonter le long de cette interminable rue jusqu'à l'endroit où tu pourrais enfin embarquer dans la voiture qui devait te ramener à la maison. Ou alors, peut être ces distractions étaient-elles bienvenues et que tu te surprenais à flâner un peu plus pour observer et laisser la musique dérouiller tes articulations. N'as-tu pas, même si tu n'aimes pas vraiment la compagnie des gens, mérité un peu de détente ?
Heidi, malgré ta côte fêlée et les recommandations d'usage, tu n'es pas réellement connue pour être le parangon de la sagesse et, enhardie par les quelques analgésiques te permettant de faire passer la pilule de la douleur pour quelques petites heures, tu n'as su résister à l'appel du rythme de la fête. Après tout, c'est ton gagne pain et difficile de faire sans pendant deux mois. Mais, hé, une côte fêlée, qu'est-ce sinon un désagrément passager ? Il y a quelques jours tu avais prospecté quelques bars et autres lieu où tu pourrais te produire et te voilà aujourd'hui à faire une pause. Et a récupérer un peu probablement. L'après-midi a été rude avec la chaleur et tu sens que, déjà, l'effet des anti-douleurs s'estompent. Tu ne sais plus trop combien sont prescrits par jour mais te te rappelle juste des paroles du médecin : si vous avez mal, prenez-en. Ton prochain morceau n'est qu'à 21h, tu as encore le temps.
C'est donc armée d'une bouteille d'eau et de quelques autres affaires que tu prends un peu la fraîcheur, déambulant ici et là devant les stands et prêtant l'oreille à cette profusion de musique qui monte d'un peu partout. Quelque part, tu le sais, tu es dans ton élément, et la soirée s'annonçait pas si désagréable malgré la légère douleur.
Nephtys, tu avais, pour ta part, quitté ton poste de secrétaire à la mairie après une journée ordinaire et tout juste eu le temps de te rendre à cette petite boutique de Western Hill que tu visitais parfois. C'était une enseigne méconnue et défraîchie, tenue par un vieil herboriste qui vendait épices, plantes séchées et autres ingrédients en poudre extrêmement intéressants pour ta pratique des potions. C'était ce genre d'endroit qui ne payait pas de mine et qu'on dédaignait facilement pour les grandes surfaces, mais qui proposait des essences que tu aurais bien du mal à trouver ailleurs en termes de qualité. Et puis, en revenant de tes emplettes, tu t'étais rappelée ce festival de musique organisé dans le quartier. Pourquoi pas y faire un détour quelques minutes ? C'était un peu comme un marché de Noël avant l'heure, peut-être y trouverais-tu quelque chose pour attirer ton œil. Tu savais, de par ton poste administratif, que ces fêtes et rassemblements étaient encore gardés sous bonne surveillance par la police. Plus, en tout cas, que ce qui se faisait avant, même si les officiers restaient discrets et stationnés en périphérie.
Observant d'un œil critique les productions artisanales des commerces de bijoux, passant rapidement sur les stands de brocante en cours de remballage, tu t'arrêtes néanmoins un instant, intriguée par quelque chose.
Un frisson.Devant toi s'étalent des objets d'un autre âge, tous d'un goût plus douteux les uns que les autres. Non, il ne s'agit pas ici d'antiquités ou d'objets rares, mais bel et bien de vieilleries dont on ne saurait trop quoi faire et qu'on aurait mis là à la vente en désespoir de cause. Tout semblait tout droit sorti des années cinquante et le petit écriteau
« Tout doit disparaître » faisait un peu peine à voir. Il y avait une vieille lampe creusée dans une grosse roche rose un peu bancale, des napperons de table tricotés, des bibelots en cristal avec des petites bulles bleues et vertes dedans et une multitude de cadres anciens représentant pour la plupart le christ, la vierge marie, quelques très anciennes photos en noir et blanc de Shreveport ou d'autres saints chrétiens. En somme, l'ensemble n'aurait pas dénoté dans une maison de retraite.
Mais ce qui venait d'attirer ton attention, c'était ce vase sur lequel tes yeux s'étaient à peine posés, que tes doigts avaient presque machinalement effleuré en passant et qui trônait là, vieillerie parmi les vieilleries. Un vase en émaux de couleurs criardes et aux motifs colorés d'une multitude de fleurs abstraites.
De la magie.Voilà ce que tes doigts habitués avaient décelé. Très faible, à peine des résidus, mais suffisamment pour interrompre un instant ton fil de pensée et agiter ta curiosité. Délicatement, avec expérience, tu l'examines. Il n'y a qu'un très faible écho, pas grand-chose, et il ne laisse apercevoir ni runes ni cristaux étrange ni rien de particulier. Hésitante, tu te rends compte que tu serais bien incapable de l'ouvrir même si tu le voulais car le bouchon en céramique y semble... Vissé ? Collé ?
Fusionné ? Tu le soulèves un instant, il pèse un peu plus lourd que ce que tu imaginais, avant d'être interpellée par ce qui semble être le vendeur, un afro américain d'un certain âge.
_ Si vou'l'voulez, l'est à vous pour cinquante dollars m'dame. L'appartenait à la vieille Marguerite mais elle en aura pu l'utilité là où elle est, croyez-moi.Au même moment,
Tybalt, alors que tu es accaparé par une très vieille femme qui danse pied nus sur le bitume et t'invite avec enthousiasme à la rejoindre dans ses pas endiablés, tes yeux se posent presque par mégarde sur la silhouette de cette jeune femme que tu reconnais. Il s'agit de
Heidi qui, d'un œil critique, semble se demander qui peut vendre ça en examinant les vieilleries disposées en face de
Nephtys. Elle n'est qu'à quelques pas, tu vas pour l'interpeler, poser une main sur son épaule et lui sortir une réplique de film digne d'une de tes entrées quand, soudain, c'est le drame.
Par mégarde (ou à cause de la foule ?), un mauvais mouvement te fait bousculer l'épaule de Nephtys qui échappe alors le vase en céramique de ses mains. Inexorablement, le fragile récipient heurte le bitume et se brise avec fracas, répandant son contenu sur le sol. C'est un nuage de cendres grises qui explose alors en une multitude de tourbillons entre les jambes des trois protagonistes. Une cendre lourde, poisseuse, et qui dégage le fumet âcre des choses qui n'ont pas été exposées à l'air libre depuis des décennies.
Nephtys, les poils de ta nuque se hérissent quand le petit nuage de poussière entre en contact avec ta propre aura. C'est noir, c'est dense, c'est poisseux. C'est un souffle d'outre-tombe qui embourbe et contamine, pollue ta propre essence et, l'espace d'un instant, personne ne semble croire ce qui se laisse apercevoir.
Au sol, sali par les cendres, se tient ce qui ressemble selon toute vraisemblance à un cœur. Noir, épuisé, rachitique, aux tendons graisseux et secs et dans lequel sont enfoncés ce qui a l'air de bouts de métal fins et tranchants. Des fragments de lames de rasoirs.
Dans ce qui semble alors être un lent mouvement d'absolue contre-nature, un spasme hideux agite le cœur mort.
To-toum. Comme l'écho passé d'un quelque chose qui n'est plus de ce monde depuis longtemps, un poisson qui tente désespérément de respirer hors de l'eau.
To-toum. Quelque chose qui s'éveille, avec des décennies de décalage, mais que la réalité rattrape. L'instant est surréaliste, presque solennel, mais voilà bien longtemps qu'il n'y a plus de sang frais à pomper dans ce cœur.
Il n'y a pas de troisième battement. À la place, la chose expire, comme un pneu qui soudain se dégonfle, une chair qui fond et bruit sous la chaleur d'un acide, expulse un dernier jet d'air sifflant d'une teinte malsaine. Et, dans le même temps,
Tybalt,
Nephtys et
Heidi, une vive douleur vous prend chacun sur le dos de la main. Quelque chose vient d'y apparaître, tracé à vif dans la chair comme d'un coup de lame de rasoir. C'est une petite figure, un cercle d'à peine deux centimètres de diamètre qui commence à saigner.
Un poids soudain s'abat sur vous et vous laisse confus quelques secondes, comme si on venait brusquement d'alourdir votre aura, de la faire passer dans les eaux noires et glacées des profondeurs, et une peur ancestrale et irrationnelle vous traverse un instant. Il y a, là, la certitude d'un
quelque chose qui vous observe et l'impression se cristallise avant de s'estomper en même temps que le reste. Mais le malaise persiste, et même respirer vous semble désagréable, comme si l'air qui entrait dans vos poumons était vicié, moisi, humide.
Nephtys, toi, tu le
vois. Presque palpable, à la lisière de tes perceptions surnaturelles, il y a comme une ombre qui flotte, l'amas informe d'un brouillard mystique qui s'est accroché à vous trois en même temps que s'est répandu le nuage de cendre, ou le dernier souffle expulsé par le cœur, difficile à dire. Tu ne sais pas ce que c'est, même si tu humes des relents familiers d'une sombre magie, et tu devines que ça altère vos trois auras d'une teinte définitive.
Pire.
Ton intuition t'intime que quelque chose n'est plus pareil. Quelque chose,
en toi. Une part de ton essence, un fragment de ce que tu es. Il y a un changement qui vient de se mettre en branle, lentement mais inexorablement, à la façon d'un iceberg qui dérive avec la lenteur de centimètres mais qu'on ne peut pas rattraper malgré tout.
Mais quoi ?Tout ceci s'est déroulé en quelques secondes, à peine, et la fête bat son plein autour de vous. Le bruit du vase brisé a à peine attiré l'attention de quelques regards mais ce n'est probablement qu'une question de secondes avant que les gens ne remarquent la présence d'un cœur poignardé par terre dans toute cette agitation. Et vous savez tous ce que la moindre des choses bizarres peut provoquer dans l'imagination des profanes.
Le brocanteur, lui, a tout vu et reste un instant scotché avant de se prendre la tête dans les mains et de s'exclamer bruyamment dans une langue que vous ne comprenez pas. Visiblement, il est dépassé par la situation, probablement un peu en colère et un peu paniqué aussi.
La mamie qui voulait danser avec Tybalt, elle, a tout vu, et après avoir fait un signe de croix bien senti, commence à pointer du doigt la scène située à quelques mètres d'elle en tentant d'attirer l'attention. Elle s'exprime avec difficultés de son babillement habituel mais son ton accusateur et ses gesticulations attirent facilement l'attention.
Agissez vite, car le temps n'attend pas.
- Spoiler:
Chères victimes,
Avec un peu de retard, voilà l'introduction de votre sujet. Bienvenue officiellement dans les emmerdes vous qui n'avez encore jamais connu les affres des topics MJ
. Si jamais je me suis trompé dans l'interprétation de vos personnages pour la mise en place, n'hésitez pas à venir me le dire j'éditerai ça. De même, si vous avez des questions ou des interrogations sur des trucs pas décrits ou des trucs particuliers que vous voudriez rajouter, venez me les poser il n'y a pas de question bête. Vous pouvez jouer les PNJ ne m'attendez pas pour ça. Vous pouvez répondre dans l'ordre que vous voulez, arrangez-vous entre vous, et il n'y a pas de "tours" particuliers. N'attendez pas que je réponde, si à un moment donné je juge bon d'intervenir, je vous préviendrais pour éviter les embouteillages de réponse RP (et que j'aie le temps de poster
).
Comme le dit si bien le gif d'intro : how's it going to end ?
N'hésitez pas à utiliser la roulette russe si vous avez besoin de déterminer des trucs au hasard (ou l'issue d'une confrontation entre vous, sait-on jamais) mais ce n'est pas obligatoire et l'interprétation RP passe avant des lancers de dés si vous n'avez pas envie de les lancer (mais si vous le faites, pas de retour en arrière, c'est lancé c'est lancé
). Vous pouvez, bien sûr, faire agir le décor, introduire d'autres PNJ, changer de scène si besoin, etc... Vous êtes libres, je m'adapte.
Quoi d'autre
? Ah, oui.
Bonne chance
.