ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le mercure commençait à chuter. Si les hivers demeuraient doux grâce au climat clément de la Louisiane, les matinées redeviendraient bientôt « fraîches » et cependant sans aucune comparaison possible avec les zones venteuses de certains États d’Amérique. Le froid ne s’attardait jamais, évitait de geler une nature prompte à s’adapter, à croître et à ne pas mourir. Il n’y avait que les vents provenant de l’Arkansas que les habitants de Shreveport redoutaient. Brefs, mais intenses, le froid était là : surprenant, presque irréel. Comme beaucoup d’entre eux, il ne prenait jamais la peine de se vêtir beaucoup plus chaudement que d’ordinaire. Il s’agissait surtout de sortir un peu moins, de s’attarder à l’intérieur un peu plus, et surtout de foutre la paix aux climatiseurs qui, neuf mois sur douze, ne manquaient pas de rendre la vie plus supportable aux natifs, pourtant rompus à l’atmosphère torride. Aujourd’hui, cependant, l’hiver semblait loin. Un soleil éclatant, narquois, faisait briller un ciel quasi céruléen. Si à l’ombre on n’aurait guère pu ressentir plus de vingt degrés celsius, sous les rayons, il en était autrement. L’astre demeurait doux cependant, comme pour réconcilier ceux qui vivaient sous son égide, maintenant que les longs mois d’été avaient disparu. À l’intérieur du pick-up, il y aurait eu de quoi s’endormir, de quoi se laisser aller contre le dossier confortable, sentir sa paume glisser le long du cuir luisant d’un volant qu’il n’usait que pour éviter de divaguer, de zigzaguer sur le long serpent de goudron vieilli. Les cahots, loin de le maintenir parfaitement alerte et attentif, encourageaient bien au contraire cette sorte de torpeur éveillée, et le sorcier se laissa aller à bailler largement, comme un reptile se chauffant paresseusement les écailles. Avec la fatigue du corps, venait celle de l’esprit. La mission qui lui avait été confiée ne l’inspirait que modérément. Cette nonchalance n’était qu’une énième façon de se protéger, de fermer son esprit à tout ce qui n’était pas cette route sous ses yeux, cet horizon clair, à peine poussiéreux. Moment de plénitude, épicurisme assumé, et humble. Conduire. Rouler. Oublier que dans quelques minutes, il faudrait se soustraire aux rayons pour s’enfermer dans cette demeure curieusement rassurante, et à la fois si inhospitalière. Ce moment lui permettait également d’oublier de faire la rétrospective d’une année plus qu’étrange, plus que dérangeante.
Un an.
Un an que tout s’était déchaîné. Un an que tous attendaient le retour de flammes qui n’était pas encore arrivé. Eoghan Underwood lui-même avait commencé à lâcher la bride. Il avait beau faire partie de ceux qui désiraient plus que tout garder l’œil ouvert, il se surprenait à mettre de côté, parfois, la menace qui continuait de leur planer sur le râble, au profit d’un quotidien dont il n’aspirait qu’au confort glané partout où il le pouvait. Une attitude de lâche. Agacé par lui-même, rendu nerveux et conscient qu’il lui faudrait revenir au temps présent, au réel, il tourna brusquement le volant, manœuvre habituelle afin de quitter la route et de s’engager sur le sentier remontant vers la demeure coloniale décrépie qui leur servait de quartier général. Il se plaisait à imaginer les arbres qui, autrefois, avaient bordé ce chemin menant aux colonnes blanchies, mais dont le toit, les murs, commençaient à céder le terrain à la mousse, aux moisissures et aux années qui s’accumulaient cruellement. Les dernières plantations ayant survécu constituaient en quelques troncs centenaires, aux branches magistralement déployées, principalement sur les flancs de la maison de maître en ruines. Autour, le désert. Rien que des étendues stériles, plaines plus cultivées depuis des lustres, rendues à la terre. Il s’approcha et n’eut aucun mal à se garer, pour la simple et bonne raison qu’aucun autre véhicule n’avait été laissé là. Il en conçut un soulagement palpable. Il n’avait pas la force d’affronter Circé pour le moment.
Il sauta à terre, et le claquement de la portière lui parut résonner longtemps, par-delà les bruissements des insectes. Par réflexe, il balaya les environs d’un coup d’œil inutilement précautionneux. Personne ne se trouvait dans les parages, si ce n’était lui. Cette solitude lui convenait bien. Il soupira. Pas de bruit de moteur, aucune silhouette mouvante à l’horizon. Elian Reed ne tarderait pas à se montrer, mais pour l’heure, rien ne dérangerait sa tranquillité. Heureux de pouvoir disposer d’un instant de répit, le sorcier grimpa les marches encore solides et poussa la porte non-verrouillée. Le domaine était si protégé que personne ne concevait le besoin de faire confiance à une foutue serrure dans cet endroit paumé. La douceur de l’air provenant du dehors contrastait avec la relative fraîcheur, à l’intérieur de la maison. Il inspira l’odeur des lieux, profitant de l’absence de tout autre membre de l’Irae, dont le parfum ou les relents auraient souillé celle qu’il humait, désormais. Cela sentait le bois. Le vieux bois, les tapisseries désuètes et les souvenirs. Une odeur bien plus chaleureuse, bien plus rassurante que toutes celles respirées dans l’ancien manoir de Morgan Leroy. Il se déplaça lentement, écoutant les lattes craquer sous ses semelles, jusqu’à atteindre l’encadrement du grand salon dans lequel Circé travaillait, recevait, ou dialoguait avec les sbires dont elle se sentait le plus proche. Dont lui. Il fixa la fenêtre près de laquelle il s’était posté, quelques jours avant de déclencher l’apocalypse sur sa ville d’adoption. Vertige habituel, celui ressenti chaque fois que le passage des mois, jusqu’alors presque imperceptible, revenait frapper de plein fouet en soulignant les évidentes comparaisons entre l’avant, et l’après. Car c’était bien ça, l’enjeu. L’avant et l’après.
Il se détourna rapidement, peu enclin à se noyer dans une mélancolie oisive et stupide, puis grimpa les marches, atteignant l’étage, et les anciennes chambres qui, un jour, avaient vu s’étendre leurs propriétaires richissimes, blancs et peut-être maladifs, consignant leurs malheurs, leurs joies et leurs troubles sur le papier pour inspirer Faulkner. Les murs étaient encore pourvus de certaines vieilles peintures, dont il consentait à reconnaître une certaine valeur sentimentale. Natures mortes, paysages fantasmés ou réels (notamment des bayous), portraits plus ou moins réalistes… Il avait rarement l’occasion de déambuler librement, gratuitement sous ce toit. Circé ne s’en serait pas étonnée, et toutefois il concevait une certaine pudeur quant à ces contemplations chronophages. Il aurait pu tourner des heures dans la coloniale sans se lasser. Les pièces étaient nombreuses. Les fantômes rôdaient peut-être. À cette pensée, un frisson désagréable s’empara de lui, principalement au niveau des cuisses, faisant courir une chair de poule perceptible même sous le jean rêche qui ceinturait ses hanches.
Il porta finalement son choix sur un bureau ni exigu, ni trop vaste. À sa gauche, une ancienne bibliothèque, dont les étagères vides avaient remplacé ses ouvrages antiques – traités de médecine désuets, encyclopédies du vivant et autre journaux démodés – par les toiles d’araignées et les moutons rassemblés en des boules duveteuses, grisâtres et infâmes. À sa droite, un plan de travail dont le bois, autrefois magnifique et faute d’entretien, avait subi les outrages d’un abandon qui le peina curieusement. Pour autant, cela n’ôtait en rien l’aura de magnificence de ce simple meuble, symbole éloquent du luxe et de la splendeur du décorum d’autrefois. En guise de siège, il se contenta de traîner deux chaises abandonnées dans un coin, les plaçant de part et d’autre, face à face.
Elian Reed.
Que penser, que dire, que faire de cette aristocrate visiblement sortie de la même cuisse qu’un Leroy, justement ? Elle était unique en son genre. Dans sa façon de se vêtir, de se tenir, de parler. Elle respirait un luxe insultant pour nombre des arcanistes de la communauté. Intruse. Sebastian n’en finissait pas de se montrer virulent à son égard. Oh, ce n’était jamais de grandes avoinées ni des discours de forcené. Non. Crowe savait être bien plus subtil. Il opérait comme un prédateur tourne autour d’une proie, narguant ou testant celle-ci par quelques coups de museau en apparence inoffensifs. Depuis le massacre de l’Irae, le recruteur n’avait jamais lâché prise sur la surveillance d’Elian. Si on pouvait parler de surveillance. Là encore, le fossé séparant la future intronisée des membres piliers de la secte était si vaste qu’on aurait difficilement pu concilier les emplois du temps des uns et des autres pour opérer une filature efficace. Par ailleurs, Eoghan n’avait jamais prêté autre chose à Sebastian qu’une écoute polie, sans jamais ressentir le besoin de se méfier d’elle outre-mesure. Quant à Circé, elle paraissait traiter par-dessus la jambe ces soupçons. Peut-être était-ce cela qui poussait son bras droit à se montrer plus attentif qu’il ne l’aurait vraiment souhaité. S’il avait voulu pousser le zèle, il aurait pu coller Shannon aux basques d’Elian. Il aurait même pu la pousser à se mettre à son service. Quelle plus belle place pour une Mata-Hari ? Quel meilleur prétexte ? Sans encore s’asseoir, il allait et venait, réfléchissant, tournant en un cercle infini pour mieux dériver et emprunter un autre pattern, contournant le bureau, effleurant une sous-pente, traçant une ligne dans la poussière d’une étagère de la pointe de son doigt. Si Sebastian avait récolté la preuve parfaite destinée à compromettre Reed, il la leur aurait brandi fièrement depuis des lustres. Mais ses remarques étaient loin d’être stupides. Depuis le début, il ne s’était jamais réellement intéressé à elle, mais sa position, et la nécessité de lui faire quitter son statut actuel, changeaient la donne. Il devait la connaître. Il devait la jauger. Et, plus que tout, ce serait à lui de superviser l’épreuve suprême, celle qui couronnerait de succès la paranoïa de Crowe ou, à l’inverse, celle qui ferait taire tous les doutes jusqu’à nouvel ordre.
Elian Reed.
Il ne la cernait pas. Il lui parlait, mais peu, tout compte fait. Il la regardait, mais ne l’avait jamais réellement fixée. Décortiquée. Il n’avait jamais lu dans les tréfonds de son crâne. Il aurait pu. Circé aurait pu balayer les hésitations définitivement en ordonnant à son Second de pratiquer sur elle une Inquisition mentale impitoyable. Pourquoi ne l’avait-elle pas fait ? Serait-il dans son bon droit, s’il lui imposait cette fouille pour le bien des siens ? Un dilemme moral terrible s’apposait devant lui. Il avait toujours été rebuté par l'idée d'utiliser ses dons sur ses congénères. Sylia avait au moins été retenue par cette condition éthique, transmise à son fils : ne jamais transgresser les barrières d’un autre Éveillé, son sanctuaire absolu. Et pourtant, ne disait-on pas qu’en temps de guerre, tout était permis ? Il ne pouvait naïvement compter sur un simple échange, une conversation – même ferme – pour écarter les miettes de scepticisme qui risquaient de pourrir depuis les racines la confiance et les relations entre frères et sœurs de l’Irae. Sebastian était un membre respecté et craint de la communauté. Ses propos, parfois excessifs, n’étaient pas perdus pour toutes les oreilles. Or, plus que tout, l’union absolue était indispensable à leur survie.
Si quelque chose lui échappait, rien ne lui serait pardonné. En lui confiant cette tâche, il savait qu’il s’agissait là pour la prédicatrice de continuer de l’éprouver, de tester ses capacités, son intelligence, ses limites et ses ambitions, tout comme sa loyauté envers les siens. Y aurait-il une bonne, une mauvaise réponse ? Le recruteur serait trop heureux de voir Eoghan prêter créance à une possible taupe, sous le prétexte qu’ils maniaient le rouge tous les deux. Mais Nephtys non plus n’avait rien vu. Presque naïvement – tout en restant lucide – le sorcier songeait que l’épreuve qui attendait Elian serait le tournant décisif. Personne ne pouvait envisager de jouer la comédie au point de sacrifier l’un des siens, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Plus il songeait à tout cela, plus une angoisse sourde lui empoisonnait le cœur et perturbait son souffle.
Et le crissement des pneus sur le gravillon dehors, en contrebas, n’arrangea en rien les choses. Il était à peine quatorze heures.
Les paumes s’appliquent avec violence contre le drap soyeux, coton d’Egypte, le nombre de fils tellement élevé qu’il en est indécent. Le souffle résonne dans la pièce, troublant la quiétude d’une nuit de fin d’automne. Elle tousse et fini de se redresser dans les draps trempés de sueur, qui quelques heures plus tôt avaient accueilli son corps las. Le regard parcourt la pièce par à-coups tandis que le battement de son hémoglobine résonne contre ses tempes, noyant le silence de la pièce et le souffle saccadé de sa propre respiration. Étourdie, elle tourne la tête, cherche la menace, dans la pénombre traversée des rayons solaires qui bâillent entre les rideaux épais fermant son cocon.
Rien.
Elle se laisse retomber dans les draps avec un profond soupir, son rythme cardiaque reprenant un rythme plus naturel, son souffle s’apaisant. Des yeux, elle suit les défauts de la peinture au plafond pour s’ancrer dans une réalité qui n’a rien à envier au cauchemar qui vient de secouer sa carcasse. Des mois qu’elle n’avait pas rêvé de cette nuit, des mois que les souvenirs n’étaient pas venus embraser son sommeil. Elle déglutit et porte distraitement une main contre son cou, palpant son pouls du bout des doigts, se raccrochant à ce détail ridicule pour se rappeler que tout ceci s’est produit il y a longtemps maintenant. Les cris, l’horreur dans la ville, le malaise profond qui l’avait envahi face à l’horreur de ce qui se produisait sous ses yeux, sans qu’elle ne puisse rien faire pour l’arrêter. L’envie et l’intérêt qui avaient titillé les quartiers de son esprit qu’elle maintenait fermée à clef, refusant d’accepter cette part, minime mais pourtant réelle, d’elle-même. Des mois qu’elle n’avait pas entendu la voix d’Uther lui crachant ses horreurs à la figure. Putain de l’Irae. Incapable. Inutile. Si tu ne me rapportes rien rapidement, tu seras livré à toi-même. Je n’ai pas besoin d’une incapable dans ton genre.
D’un geste trop brusque, elle s’arrache à ses draps humides, avec une rage renouvelée et s’engouffre dans la salle de bain attenante, ses pieds nus claquant contre le carrelage luxueux de la pièce. D’une main, elle ouvre en grand les robinets de la douche, laissant l’eau éclatée contre le sol, le bruit couvrant celui de sa respiration, celui de sa réflexion. Dans quelques heures, elle doit voir Eoghan Underwood. Elle sait pourquoi. On ne lui a pas ouvertement dit qu’il était temps, mais suffisamment de temps s’est écoulé depuis son infiltration, les jours sont devenus des semaines, puis des mois, et maintenant des années. Elle avait été présente à chacune des cérémonies, des réunions, des discussions dans lesquelles ont avait nécessité sa présence, elle avait répondu à chacune des demandes, avait effectué chacune des missions qui lui avait confiées. Elle avait obéi, écoutée et appris, elle avait suivi aveuglement chacune des directives que lui avaient envoyé Uther. Elle avait écouté avec révérence chacun des conseils, et pourtant, elle n’avait rien pu faire. Elle n’avait pu qu’assister au massacre de ceux qu’elle avait toujours considérer comme étant sa famille élargie. Elle avait dû regarder en silence, en gardant son expression sagement indifférente, elle avait dû faire comme si tout ceci ne représentait rien pour elle, comme si ce n’était qu’une revanche méritée. Et une part d’elle avait approuvé, minuscule, ridicule. Un fragment de sa psyché qu’elle tentait de maintenir enfermer depuis des mois s’était réveillé et s’était mis à hurler quelque part dans les profondeurs de son esprit qu’ils avaient mérité ce qui leur arrivait, qu’il ne s’agissait là que d’une juste vengeance, qu’elle aussi, avait failli mourir dans ces flammes. Et elle avait lutté de toutes ses forces contre ce fragment si petit, mais pourtant si bruyant, dont les paroles résonnaient avec une force féroce en elle.
Le tambourinement de l’eau sur son crâne et la chaleur délassante, finissent d’évacuer le souvenir poisseux de cette nuit et quand Elian sort de la salle de bain, enroulé dans deux serviettes, d’un blanc immaculé, c’est une femme apaisé, du moins en apparence, qui prend place devant la coiffeuse. Avec une inspiration profonde, elle s’attelle à la tâche, appliquant onguent et couleurs sur sa peau à la pâleur plus maladive que captivante ces derniers temps. Elle s’applique à donner à son visage l’apparence d’une santé qu’elle perd depuis longtemps désormais. Elle profite de la tâche pour façonner son don en prévision de sa rencontre avec Eoghan, superposant couche après couche, enfonçant ses sentiments les plus dangereux sous une couche d’angoisse juste assez épaisse, derrière une fausse impatience onctueuse. Elle applique un fard crème sur ses paupières, et rajoute une goutte d’attirance, étire ses cils d’une couche épaisse de mascara et pose une strate de confiance. Ses lèvres claquent sur le rouge-à-lèvre nude qui vient recouvrir ses lèvres tandis qu’elle dépose avec grâce la dernière touche au château de cartes émotionnelle qu’elle présentera au sorcier.
La voiture s’engage sur le chemin cahoteux et une fois de plus Elian déplora la température. Il faisait beau aujourd’hui, trop beau, trop chaud. Avec un soupir, elle s’avança presque silencieusement le long de la route, sa voiture n’émettant qu’un léger sifflement en roulant. Les automnes et les hivers de Rhode Island lui manquaient, tout comme ceux qu’elle avait connu en Europe. La neige lui manquait, la pluie aussi, elle n’en pouvait plus de l’humidité constante, plaie d’Egypte spécialement dessiné pour elle. Elle voulait boire un café brûlant, dont les volutes de vapeur dessineraient des nuages compacts dans l’air glacial d’un matin de décembre écossais. Elle voulait courir à travers les rues de New-York, esquivant les plaques de verglas sur le trottoir. Elle mourrait d’envier d’enfiler un manteau épais et une écharpe en cachemire, qu’elle enroulerait trois fois autour de son cou en soupirant de contentement. Le vieux pick-up d’Eoghan apparaît dans sa vision et avec lui une vague d’angoisse s’écrase sur elle. Elle conserve l’émotion, la laisse à l’avant de son esprit, s’en servant comme d’un paravent. Elle se gare près de la voiture du Louisianais et s’extirpe, après un dernier coup d’œil dans le miroir de courtoisie, hors du véhicule. Elle tire sur sa veste légère pour en effacer les plis et glisse une mèche derrière son oreille avant de s’aventurer dans la bâtisse qui fait se dresser les poils blonds de ses bras comme à chaque fois qu’elle la pénètre. La vieille demeure aurait pu avoir l’air accueillant dans une autre vie, abandonnées durant de trop longues années, la bâtisse menaçait de tomber en ruine et le cœur d’Elian se serrait à chacune de ses visites, regrettant chaque fois qu’une telle demeure ne fut pas entretenue avec plus d’affection. Elle se glisse discrètement dans l’entrée, pénétrant sur la pointe des pieds avant de s’aventurer plus avant, cherchant Eoghan.
Elle s’approche doucement de l’escalier effleurant des doigts la rampe au bois poli par des années de passage, puis par le temps tout simplement avant de l’empoigner plus fermement quand la voix du Second de la secte ricoche jusqu’à ses oreilles. À l’étage ? Elle fronce les sourcils, vaguement surprise, avant de s’avancer dans l’escalier, les marches craquant sous son poids, le bois se révoltant doucement contre l’intrusion. Elle grimpe lentement les marches, une par une, avec application comme un condamné pour l’échafaud. Elle repousse l’idée avec véhémence, l’enfermant dans les tréfonds de son esprit, prenant quelques secondes pour démêler les filaments d’émotions qui s’étale devant elle, traitant la tâche avec rapidité, envoyant à l’avant un apaisement et une curiosité délicate. D’un geste bref de la main, elle effleure la rune de protection qui orne sa nuque, l’alertant des tentatives d’intrusions et après une grande inspiration s’engage dans la pièce avec un sourire un peu timide.
Elle ne connaissait pas vraiment Eoghan, ils parlaient, parfois, mais jamais en profondeur. Ils se croisaient lors des rassemblements et elle avait senti son regard sur elle à plusieurs, toujours curieux, mais jamais inquisiteur. Il n’avait jamais la lourdeur et la chaleur étouffante des yeux de Sebastian qui menaçait bien souvent sa santé mentale. Il n’avait qu’une curiosité polie, rien de plus, rien de moins. Elle s’en était contentée. Pourtant aujourd’hui, elle voit défiler sous ses yeux des filaments qui ne la rassure pas. Eoghan semble inquiet et elle renforce naturellement son sentiment de venir en paix, l’encourageant discrètement dans une direction qu’elle aimerait le voir emprunter, sans forcer, dosant avec application un don qu’elle utilise à chacune de ses rencontres avec les membres de la secte. « Bonjour Eoghan. Tu vas bien ? » Elle hoche la tête dans sa direction et prend quelques secondes pour observer la pièce, clairement abandonnée, couverte de poussière et de toiles d’araignées, elle retient avec difficulté une grimace, à mi-chemin entre le dégoût et le dépit avant de reporter son regard sur le sorcier. « Tu as demandé à me voir ? » La question en cache d’autre : Pourquoi ? Que me veux-tu ? Que va-t-il m’arriver ? Et elle détourne le regard une nouvelle fois, laissant son don la nimber d’un halo rassurant, comme elle le fait toujours, avant d’observer le paysage nimbé d’un soleil qui n’a rien à faire ici à cette période de l’année.
@made by ice and fire.
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Il se leva, dépliant sa silhouette avec le sentiment que de l’échange à venir dépendrait nombre de conséquences plus ou moins fâcheuses pour le futur. Des conséquences imprévisibles. Mais quel futur ? Celui d’Elian elle-même ? Celui de la secte ? Ou bien de son Second ? Il tourna la tête en direction de la fenêtre, sans se porter près d’elle, rechignant à l’observer d’en haut ; une attitude qu’aurait affectionné Morgan Leroy. À la place, il chercha à comprendre ce qui l’incitait à redouter une entrevue pour laquelle il n’avait certainement pas à craindre quoi que ce soit. Ce n’était pas lui, après tout, qui s’apprêtait à affronter l’épreuve de l’Intronisation. Toutefois, il devait bien s’avouer ne ressentir aucune joie à l’idée de voir une autre de leurs futurs membres s’adonner à un rituel qui demeurait barbare. Un sacrifice, engagement qui achèverait de la lier à eux, mais dont le prix à payer était si élevé qu’il ne cessait de provoquer des remords difficilement oubliables. Aurait-elle le cran ? Aurait-elle la foi ? Il n’avait pas envie de la sous-estimer, mais du peu qu’il avait vu d’elle, sa constitution d’apparence fragile et son tempérament discret et précieux ne l’aidaient pas à la visualiser en tueuse, capable d’égorger et de livrer en pâture aux autres membres de l’Irae l’un ou l'une des proches qui avaient soutenu et construit sa vie, d’une manière ou d’une autre. Mais tous y étaient passés. Personnalités dures, solides et imposantes comme individus plus secrets, réservés, préférant se dissimuler derrière l’ombre des autres. Il mit cette hésitation, cette réflexion et ce doute sur le compte de la première fois. Car c’était bien la première fois qu’il se chargeait lui-même de l’encadrement de cette étape décisive. Il se demanda également si la couleur de magie pratiquée par Elian en était l’une des raisons, ou si le hasard était seul responsable.
Il crut entendre les pas de souris de la jeune femme faire grincer le parquet comme ses propres semelles l’avaient fait avant les siennes, et l’appela depuis l’étage pour la guider. Il prit une profonde inspiration, croisant les bras en attendant de voir l’arcaniste apparaître dans l’embrasure de la porte, laissée ouverte. Elle s’avança, et le parfum de luxe qu’elle portait, au sens propre comme au figuré, le frappa de plein fouet. Elle lui sourit, ce qui le surprit presque. Il le lui rendit avec un temps de retard, bien que les traits crispés par une tension jamais très éloignée. Il fut agréablement étonné du calme et de la paix qu’elle paraissait dégager en des ondes légères, et bienvenues. Sa simple présence tranchait radicalement avec l’énergie qui circulait dans la maison, jusque dans la pièce. Il remarqua la mine chiffonnée qu’elle arbora au vu du décorum poussiéreux, mais ne lui en tint pas rigueur, plus amusé que vexé.
« Merci d’être venue. Assieds-toi. » Il contourna le bureau pour s’installer derrière, face à elle. Peu à l’aise dans une posture qui n’avait pas été la sienne pendant des lustres, son talon demeura cranté au rebord du siège, tandis qu’il laissa son dos pleinement reposer contre le dossier, la toisant quelques secondes. « Je croyais que tu avais deviné pourquoi je t’ai faite appeler… » Ne me dis pas que tu n’y as pas pensé. Il humecta sa lèvre inférieure, à peine, de la pointe de sa langue, se demandant par quel bout amorcer la conversation, avant de comprendre que tourner autour du pot ne les aiderait pas. « Ça va faire trois ans que tu es arrivée. » Trois ans. Il s’en rappelait à peine. À quoi ressemblait leur vie, il y a trois ans ? Avec circonspection, il déglutit pour choisir ses propos au mieux, sans jamais couper le lien visuel qui l’unissait à Elian. « Il est temps. » Il appuya son propos d’un hochement de tête unique ; plutôt un basculement de son menton vers le sol, tout en maintenant ses yeux perçants dans les siens. « Il est temps. »
Il laissa planer un silence, avant de reprendre. « Ton engagement auprès de nous… tu es toujours déterminée ? Tu sais ce qu’en pensent certains. Je te citerai pas de noms. Je ne partage pas forcément leur ressenti, mais je continue de m’interroger, je ne te le cache pas. » Non. Ce n’était pas ce qui était prévu. Circé ne l’avait guère mandaté pour éprouver la fidélité réelle d’Elian Reed. Pourtant, il sut qu’il suivrait son instinct, persuadé de devoir se réconcilier avec les incertitudes nécrosant la mission qui lui avait été conférée. Il devait savoir. À défaut de s’autoriser à puiser dans son esprit… Comme si quelqu’un d’autre parlait par sa bouche, comme s’il parvenait enfin à recracher ce qu’il avait porté sur le cœur trop longtemps, le voilà qui, n’y tenant plus, demanda avec une insolence assumée, d’une voix calme et moins suspicieuse que réellement intriguée : « Qu’est-ce que tu cherches, parmi nous ? Pourquoi… pourquoi être restée, après tout ce temps ? Tu ne ressembles à personne… et je ne suis pas sûr de t’avoir jamais vue te lier avec quelqu’un d’autre, hormis Leroy lui-même. Je ne l’insulterai pas : s’il a estimé que tu avais ta place dans l’Irae, alors je ne la remettrai pas en question. Mais c’est une interrogation légitime. Il n’y a pas de malveillance de ma part, j’espère que tu le comprends. » Rassuré de voir qu’il se sentait plus à son aise que ce qu’il redoutait, il écouta l’un des rares véhicules du coin passer, créant une rumeur, le roulement d’un moteur s’éloignant déjà. Puis, seulement, il prononça les sèmes fatidiques :
« Ton intronisation approche, et j’en serai le référent. J’ai besoin de savoir qui tu comptes sacrifier pour mériter officiellement ta place dans nos rangs. Et j’ai besoin de le savoir aujourd’hui. Aucun de nous deux ne quittera cette pièce tant que je n’aurai pas récupéré un nom de ta part. Bien sûr, sache que l’on effectuera des vérifications. Tu connais les règles. Tu ne peux choisir qu’une personne avec qui tu as noué des liens importants, au cours de ton existence. »
Après un regard sur la chaise qui va accueillir son séant, elle passe une main sur le bois, poli par des années d’usage, et s’y assoit sans s’offusquer de la poussière qu’elle recueille au bout de ses doigts. Elle a connu pire et il ne s’agit de rien qu’un passage en machine ne pourra faire disparaître. Avec application, elle croise les jambes au niveau des chevilles, la pointe de ses derbys reposant délicatement contre le vieux parquet. Malgré l’ambiance décrépie du bâtiment, l’apparent abandon qui le couvre de toiles d’araignées et de poussière, la bâtisse lui rappelle le manoir de ses parents. Quelque chose d’un pays qui vieillit à peine, si loin des édifices millénaires du vieux continent, mais néanmoins chargé d’une histoire qui alourdit ses murs. Elle pose les mains sur ses cuisses et l’observe prendre place. Elle lit son malaise, qui s’échappe de lui en petites vagues et qu’elle ne comprend pas réellement. Pourtant, sa posture se veut relaxée, presque désinvolte et elle relaxe la sienne imperceptiblement, ses doigts se décrispent, ses épaules s’affaissent légèrement et sa nuque se délasse. Elle l’écoute et lutte pour ne pas se tendre quand il évoque la raison de sa venue. Bien sûr qu’elle y a pensé. Elle inspire profondément, et détourne quelques instants le regard, attrapant sa lèvre inférieure entre ses dents avant de la relâcher prestement et de frotter la zone du bout des doigts afin d’effacer la probable trace laissé dans son rouge à lèvre. Elle l’écoute, et la liste défile dans son esprit. Celle de ceux qui doutent d’elle, celle de ceux qui l’ont abandonné, celle de ceux qui pourrait être utilisé afin d’effectuer la tâche qui lui incombe. Elle commence par répondre à la première partie de sa question.
Tout à fait légitime, elle ne le nie pas, mais elle commence à en avoir assez de devoir y répondre. Pourquoi ? Oui, pourquoi être resté ? Pourquoi ne pas avoir dénoncé Uther ? À l’Église ou à l’Irae ? Pourquoi ne pas s’être vendue ? Après tout, la pureté de son âme et de son essence ne valait-elle pas plus que sa vie ? Que la vie d’autrui ? Parce qu’elle voulait vivre. La réponse était aussi simple et répugnante que cela. Elle voulait vivre plus que tout autre chose. Elle refusait de mourir sans avoir pleinement vécu. Elle avait passé trop de temps à se construire pour s’éteindre aussi rapidement. Elle inspire profondément, hoche la tête et sépare son regard de celui du sorcier qui lui fait face. Si jeune et pourtant déjà marqué par une vie pleine et rude. Une inspiration ouvre la porte de ses lèvres et les paroles s’échappent, contenant plus de véracité qu’à l’ordinaire. «Je ne t’en veux pas, bien que ce soit un peu redondant, j’ai conscience que c’est important. J’ai voulu vous rejoindre parce que je voulais être libre. Je voulais me libérer d’un joug que je jugeai injuste, et surtout, je voulais vivre. » Sa voix tremblote légèrement sur la dernière syllabe et elle se reprend de justesse. L’heure n’est pas à la fragilité et aux larmes. « Je suis restée parce que j’ai trouvé ce que je voulais. » Elle se surprend elle-même. La rage qu’elle ressent à l’encontre d’Uther jaillit en elle comme un geyser et elle crache presque. « J’ai des comptes à régler, une revanche à prendre, et aussi surprenant que ça puisse être quand on voit mes relations avec le reste de nos membres, j’ai trouvé plus de soutien au sein des murs de l’Irae qu’au sein de mon ancienne maison. » Elle estime Circé, Nephtys et Eoghan, éprouve une affection sincère envers Morgane, aussi étrange soit-elle, et la façon dont la jeune femme prospère sous l’égide du sorcier qui lui fait face la remplie de cette fascination qu’elle a toujours eu face à la magie dans son vaste ensemble. « Je vais être honnête avec toi, je suis très heureuse de la façon dont Circé mène la barque. » Sous-entendu, je suis bien contente que la secte soit débarrassée de Leroy, merci beaucoup. « Je ne suis certes pas très proche des autres, mais j’ai beaucoup d’estime pour elle, comme pour Nephtys et comme pour toi. » Elle hoche la tête dans sa direction. « J’aime beaucoup Morgane, je trouve qu’elle apporte un vent de fraîcheur bienvenue au sein du groupe, et je trouve qu’elle s’est trouvé un excellent mentor. » Elle termine sa phrase dans un sourire étonnamment sincère, avant de reprendre en serrant un peu les dents.
La partie la moins agréable de la discussion approche et elle déglutit difficilement. Qui ? Qui va mourir pour Uther ? Ou est-ce pour elle ? Pour sa liberté ? Qui perdra la vie pour qu’elle puisse retrouver la sienne ? Elle croise à nouveau le regard d’Eoghan, l’envie de se confesser la taraudant l’espace d’un instant. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive ces derniers temps. Ce ne sera probablement pas la dernière, non plus. Qu’adviendrait-il d’elle si elle venait à dire la vérité ? La mort très probablement. Des mains d’Uther ou de celle de l’Irae. La traitrise n’est pas une faute facilement pardonnée et elle l’est rarement autrement que dans le sang. Elle baisse la tête quelques secondes, le répertoire de ses connaissances s’éparpillant dans son esprit. Avec une profonde inspiration, elle redresse la tête et fixe le plafond avant de lâcher d’une voix sourde. « J’avais d’abord pensé à ma grand-mère… C’est elle qui m’a formé, et elle est si vieille que j’ai parfois l’impression qu’il s’agirait là d’un cadeau. Mais je n’ai pas la force de m’infliger cela, ni de l’infliger au reste de mes proches. » Elle pince la peau entre son pouce et son index en inspirant par le nez, le visage de la vieille femme s’imprimant contre les barrières de sa psyché, son fort accent écossais, son regard fier et la dureté de son ton quand Elian se trompait. Non, pas Granma. « J’ai évacué le reste de ma famille pour les mêmes raisons, je ne les vois quasiment plus depuis des années maintenant, mais je n’y survivrai pas. » Un sourire amer étire ses lèvres quand elle exprime la phrase suivante. « J’aurais sans hésiter répondu mon mari, s’il avait encore été en vie. » Ah Armand, quel chanceux tu fais. « C’est après tout grâce à lui que je me suis rapproché de l’Irae, il y aurait eu une forme d’ironie que j’aurais trouvé appréciable. Et malgré tout l’amour que j’avais pour lui, c’aurait été un soulagement de lui dire au revoir de cette façon. » Elle secoue la tête et prend quelques secondes pour renforcer la toile qui s’étend autour d’elle, s’assurer qu’aucune faille n’est présente. Voilà, l’heure d’annoncer le nom du condamné. L’heure du décès. « Amy. Je choisis Amy. C’est ma belle-sœur, la sœur d’Armand. J’ai toujours été proche d’elle. » Sa voix se brise, quand les souvenirs qu’elle partage avec la brunette la traverse. Aussi étrange que ce soit, ce n’est pas à ses sœurs, ni à sa mère, ni à Artémis qu’elle avait annoncé la grossesse. Non, elle l’avait annoncée à Amy. C’est Amy qui avait séché ses larmes après la "fausse-couche", Amy encore qui était venue vivre quelques semaines avec elle après le décès de son frère. Elle survivrait à sa mort, mais à quel prix. « Amy Campbell. Elle habite Pinecrest, je peux te noter l’adresse si tu veux. » Elle se racle la gorge, dans l’espoir de décoincé la boule qui s’y est nichée et qui rend sa déglutition douloureuse, mais rien n’y fait. Elle vient de coller, officiellement, une cible dans le dos de cette femme qu’elle chérit. Elle vient de signer son arrêt de mort et manque de s’étouffer quand l’horreur de cet acte à venir la frappe enfin de plein fouet. Elle redresse le menton, tente de faire bonne figure, mais Eoghan est étrangement flou quand son regard se pose sur lui.
@made by ice and fire.
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le duo qu’ils offraient, si différents. Elle, grande dame de la haute, dont le raffinement se lisait dans le moindre détail constitutif de son apparence physique, mais également de sa personnalité, du peu qu’il en avait vu. Blonde. Discrète. Ne semblant jamais faire de vagues. Fière, mais sans orgueil. Précieuse, soignée, méticuleuse et habile dans la pratique de sa magie. Lui, fils du cru, la sauvagerie collée au corps comme réflexe, pour mieux se voir matée, bridée aussi sûrement que l’humain modelait son environnement immédiat : à grands renforts de barrages, de métal, de sangles et de règles toutes plus absurdes les unes que les autres. Grande gueule, mais maté, brutalité parfaitement visible chez l’homme comme pour le sorcier.
Il ne méritait pas sa place. Il n’aurait pas dû se trouver là, à la mettre dos au mur en endossant le poids de ses responsabilités. Il éprouvait douloureusement le fardeau qui le rendait directement connecté à cette nouvelle mort à venir. Non seulement il ne s’en sentait pas digne, mais encore moins serein, trouvant toujours trop cher à payer le prix pour rentrer dans l’Irae. Toutefois, le sacrifice était l’une des réponses leur garantissant dans des proportions raisonnables les chances de non-infiltration. Il y avait des limites à ce que certains curieux ou malavisés étaient prêts à faire pour rejoindre les rangs de la secte. L’attitude d’Elian était comme toujours absolument impeccable. Elle ne manifestait pas son agacement, son impatience ni son mépris. Il était si habitué à devoir montrer les dents pour qu’on lui témoigne un tant soit peu de respect (et plus encore venant de ceux qui l’avaient connu comme souffre-douleur de Leroy), qu’il n'absorbait qu’avec un temps de retard l’honnêteté de cette docilité. Même venant d’une femme aussi malléable qu’Elian Reed. Elle répondit avec un vocabulaire qui ne put que le faire sourire, un peu. Elle était touchante. Il la connaissait mal, quant à ce qui restait de l’ordre de sa vie privée. Il la savait veuve, tout simplement. Il se demandait ce qui avait pu arriver à son époux. Elian était jeune. Pour autant, cela semblait bel et bien coïncider avec son entrée dans le groupuscule, et il ne put faire autrement que de se demander comment les deux événements s’étaient liés, par il ne savait quel cheminement dans la tête de la sorcière. Pour la première fois, c’était directement à lui qu’elle exposait des faits dont il ne savait rien, ou très peu, avant ce jour. Il ne masquait pas son intérêt, sa curiosité. Il ne rechignait jamais à en apprendre sur autrui. Sur ce point, sa soif d’apprendre était aussi insatiable que pour tous les autres domaines. L’air de rien, la jeune femme déposait des indices qu’il n’osait prendre comme tels, et le poing fermé sur lequel reposait son menton s’écarta légèrement, au fil de l’attention grandissante qu’elle lui inspirait. Il ne croyait pas halluciner, ni fantasmer quoi que ce soit : elle semait derrière elle, et il ne désirait rien de plus que lui emboîter le pas pour comprendre le vrai fond de sa pensée. Le masque du Second se fissura, tant en éprouvant un frisson d’excitation que sous la caresse du compliment qu’il voulait croire sincère. Il pensa un moment qu’elle lèverait un voile. Quelque chose dans son regard le heurta, l’interpella. Comme une main tendue qu’elle n’osait pas vraiment lui tendre, mais dont elle aurait rêvé qu’il s’en empare, pour ne pas rester seule ou, au contraire, pour le rejoindre de l’autre côté du miroir invisible entre eux deux.
Lorsque le silence revint, il resta immobile, devant les iris brouillés par les larmes naissantes. Il ne put se résoudre à contempler la détresse de sa future sœur de cercle, et fixa alors la surface du bureau ancien, peut-être pour rassembler son courage, mais également ses idées. Il modula sa voix pour la rendre la plus douce possible. « L’Irae a changé. Mais certaines choses doivent rester immuables. » Tournant la tête vers la fenêtre, il décida qu’ils prendraient leur temps. Ils n’avaient pas besoin d’expédier cette entrevue douloureuse pour eux deux. Il lui plaisait de ne pas la rudoyer à outrance. Circé aurait probablement agi autrement. Lui ne voyait aucun mal à ce qu’elle pleure ses morts, et par-dessus tout l’une de celles données de sa main. « Amy Campbell, donc. » Il ne risquait pas d’oublier ce nom. Il lui rappelait trop celui de Dana Campbell, à laquelle il destinait une petite visite dans les jours qui suivraient. « Tu me donneras son adresse, oui. Je te remercie. » Lentement, il se releva, contournant le bureau pour s’approcher d’elle, s’asseyant à moitié sur le rebord, tout près d’Elian. « Je ne t’avais jamais entendu évoquer des proches à toi. On ne se connaît pas… et je le regrette. Je n’ai pas fait grand-chose pour en savoir plus à ton sujet. » Autrefois intimidé, puis par la suite préoccupé par tant d’autres choses, et sans doute que le charisme de l’Éveillée avait entretenu cette réserve presqu’enfantine, en dépit de son élévation dans la hiérarchie. « Tu me trouveras probablement indiscret, mais tu me tends une perche… Je sais que tu as perdu ton mari, il y a quelques années. Je n’ai jamais demandé comment… Et quel est le rapport entre sa fin et ton arrivée chez nous ? » Ses sourcils se froncèrent, plus concentrés que contrariés. « Pourquoi le sacrifier au nom de ton engagement aurait-il été un soulagement… ? » Une foule de réponses possibles, le rendant plus que fébrile, désormais conscient que sa position impliquait un avantage non négligeable : être mis dans le secret auprès des membres de la secte. Sans se montrer particulièrement voyeuriste, il se sentait rassuré de disposer d’une vue d’ensemble meilleure pour se faire un véritable jugement, contrairement aux décennies d’obscurité précédemment vécues.
« Morgan ne nous avait quasiment rien dit sur toi. Nous savions qu’il se portait garant, même si tu suivrais les étapes légitimes de l’intronisation parmi nous, mais il n’a jamais mentionné cette… revanche à prendre. » Et voir ce faciès aussi lisse, aussi noble, ces yeux de biche effarouchée qu’on aurait cru difficilement capables de tuer comme de s’en prendre à quoi que ce soit, ne l’aidait pas à comprendre davantage ce qui avait pu arriver à cette femme pour motiver de pareils désirs. « De quel joug tu parles ? Tu faisais partie d’un coven, autrefois ? D’une autre secte ? » Un rictus taquin lui échappa, espérant la dérider au moins un peu. « Parce que s’il existe d’autres clans encore moins affectueux que l’Irae, je t’avoue que je serais curieux de le savoir. » Même si la solidarité régnait entre eux, les membres du cercle n’étaient pas réputés pour leur chaleur ni leurs marques de sympathie publiques. Plus sérieusement, il reprit : « Tu dois te sentir… à part, non ? Ou du moins, seule. Tu ne ressembles à personne, dans l’Irae. Surtout depuis que Morgan est parti. » Ce qui lui permit d’enchaîner aussitôt avec un autre point essentiel : « D'ailleurs, tu parles comme si tu ne le regrettais pas. Circé a peut-être échangé avec toi là-dessus, mais j’aimerais savoir… comment as-tu vécu sa disparition ? Est-ce que tu as… vu quelque chose, cette nuit-là ? » Il l’aurait cru prompte à prendre la fuite, suite à l’incendie. Pas encore intronisée, suspectée de ne pouvoir faire partie des leurs, sa seule connaissance, nantie comme elle, disparue… Beaucoup en auraient profité, à sa place. Mais elle était restée. Ses mains se cramponnèrent plus solidement au bord du bureau, faisant blanchir progressivement ses jointures.
« Morgan, lui, me haïssait. Qu’est-ce qui te pousserait à éprouver la moindre estime pour moi ? »
L’ambiance dans la pièce est lourde. Lourde de tout ce qu’elle ressent, qui manque chaque jour de l’étouffer un peu plus. Lourde de la culpabilité étrange qui naît en elle à l’idée d’avoir partagé les choses qu’elle a vues et entendues, ce qu’elle a rapportée à Uther quand elle était encore persuadée d’être dans le vrai. Lourde de l’odeur un peu âcre de la poussière et lourde de cette chaleur étouffante qui menace de fracturer la gangue d’émotions factices dont elle s’entoure presque constamment. Masquant sa fragrance émotionnelle aussi sûrement qu’une bête chassée se roulerait dans la boue pour étouffer sa propre odeur. Elle déglutit et cligne des yeux, chassant l’humidité qui s’y est accumulée, rendant de la netteté à sa vue qui se détourne du sorcier, pour mieux se perdre dans les branches qu’elle aperçoit par la fenêtre.
Et c’est seulement à cet instant qu’elle perçoit enfin ce qui agite Eoghan, le flux et reflux de ses émotions qu’elle percevait sans vraiment les sentir. Étonnamment, peu de fierté au cœur du sorcier, mais plutôt une forme de culpabilité et de gêne qu’elle ne comprend pas bien et une vague presque gluante de tristesse coupable qui la laisse interrogative. Elle fronce légèrement les sourcils en croyant percevoir une forme de compassion et se détache des ressentis du sorcier, se focalisant plus profondément sur la réalité qui l’entoure. Elle n’a pas le temps, ne peut pas se permettre de prendre le risque de se laisser prendre par le tourbillon qui émane de lui. Alors elle tend l’oreille, elle écoute attentivement ce qu’il dit, cherchant à percevoir le moindre mensonge qui pourrait se glisser dans ses paroles. Elle pince les lèvres et hoche la tête en signe d’assentiment. Certaines choses, certaines traditions se devait de rester immuable. D’un geste discret du doigt, Othalan se dessina sur le dessus de sa cuisse. Héritage. Tradition. Deux nouveaux hochements de tête pour acquiescer. « 4101 Yontan Road. Je te l’écrirai si tu veux. » La voix qui s’échappe d’entre ses lèvres n’est qu’un filet et elle entortille ses doigts sur ses cuisses, incapable de résister à ce geste rassurant. Un sourire attristé étire ses lèvres quand il évoque ses regrets de ne pas avoir davantage cherché à la connaître et elle hausse doucement les épaules. « Je sais que je ne suis pas très… Abordable, on va dire. » Elle finit sur une petite grimace et se décide enfin à relever les yeux quand il se déplace et se rapproche. À nouveau, elle note la beauté brute des traits du sorcier qui lui fait face. L’arche marquée de ses sourcils et le dessin net de sa mâchoire extrêmement dessinée. Le bleu insolent de son regard et la courbe pleine de ses lèvres qui contraste avec le reste de ses traits plutôt durs. Elle remarque avec une certaine surprise qu’Eoghan Underwood est plutôt bel homme, quand il n’est pas seulement éclairé de la lueur des bougies ou encore camouflé par les écrans de fumée des encens et autres herbes.
Comme un seau d’eau glacée s’abattant sur sa tête, la phrase suivante la sort de sa contemplation et elle sent son dos se raidir malgré elle, son chemisier se collant contre la fine couche de sueur froide qui recouvre désormais l’étendue de peau. Elle déglutit et détourne rapidement le regard, le posant sur ses genoux dans une posture faussement soumise tandis qu’elle prend quelques secondes pour réarranger ses boucliers. Dans la voix, la posture et les émotions d’Eoghan, rien ne sent la tromperie, une simple curiosité somme toute assez saine, et il ne semble pas avoir conscience de l’état dans lequel il vient de la plonger. Est-ce Sébastien ? Elle déglutit une fois de plus cherchant à répondre aux questions sans trop en dire, sans se mettre en danger, sans prendre le risque de ruiner des années à se cacher. Les questions s’enchaînent sans qu’elle ne puisse répondre immédiatement et elle les enregistre pour mieux naviguer autour, créant le fil de ses réponses, maintenant une façade qu’elle espère crédible. Pourtant, la dernière question envoie voler ses efforts en vrac. Il y a une telle naïveté dans celle-ci, presque comme si elle avait été posée par un enfant, et son regard remonte rapidement le long de la cuisse, du bras puis du visage d’Eoghan. Un nouveau sourire triste étire les lèvres de la sorcière et elle répond sans réfléchir. « Morgan ne m’a que très peu parlé de toi. » Une petite grimace. « Je suppose que ça rejoint ce que tu dis sur l’affection qu’il te portait. Quant à l’estime que j’ai envers toi, elle provient simplement de ce que j’ai vu. » Elle hausse les épaules et ouvre les mains. « Tu traites Morgane, ton apprentie, avec beaucoup de respect et d’attention, j’ai eu l’occasion de vous apercevoir travailler ensemble, j’ai vu la confiance qu’elle a en toi et j’ai vu comme tu t’investis au sein de la secte. Et je ne vois en cela que des choses pour lesquelles j’ai de l’estime. » L’espace d’un instant, elle espère que cette réponse suffira à changer de sujet, mais il reste assis sur la table, près d’elle, si près qu’elle perçoit les odeurs de tabac froid et de cuir qui s’échappe de lui.
Elle se lèche les lèvres et glisse une main dans son sac à main, pour en extirper son étui à cigarettes, petit objet d’argent qui enferme les doses de nicotine, bien plus agréable à regarder qu’un vulgaire paquet de carton. Elle l’entrouvre avec un petit clic et le tend en direction d’Eoghan. « Je peux ? » Quand il acquiesce, elle pousse à nouveau l’étui dans sa direction. « Tu en veux une ? Sers-toi. » Elle s’empare d’un bâtonnet et le glisse entre ses lèvres avant de laisser la boite sur la table, le laissant se charger de se servir s’il le souhaite. Elle s’extirpe de la chaise, et la soulève pour l’entraîner avec elle, se glissant le long du bureau jusqu’à la fenêtre qu’elle ouvre délicatement, ses lèvres se pinçant quand le bois grince et craque avant que le battant ne se laisse faire. Elle se laisse tomber sans grâce dans sa chaise, oubliant l’espace d’un instant qu’elle est ici une dame qui se doit de bien se comporter. « Pour raconter cette histoire, il va me falloir au moins une cigarette et un peu d’air frais. Enfin frais… » Elle agite une main par la fenêtre en souriant. « Vous ne savez pas trop faire ce genre de chose dans la région. » D’un cliquètement, elle allume sa cigarette et avale une grande bouffée de fumée, son rouge à lèvre laissant une marque bois de rose sur le filtre orangé. Elle expire lentement et hoche la tête pour se donner du courage.
« Je vais essayer de répondre à tes questions, pas forcément dans l’ordre, mais je comprends d’où vient ta curiosité et elle n’est pas déplacée ne t’en fais pas. » Juste profondément dangereuse pour moi. Parce que j’ai envie d’être honnête avec toi, de tout te raconter, mais que si je me laissais aller à cet élan de faiblesse, je quitterai le bâtiment les pieds devant. Elle aspire une nouvelle fois et commence son récit. « Dans les cercles de magie blanche, le nom de Reed à un sens. Ma famille est plutôt reconnue, on ne va pas se mentir. » Elle agite le bâtonnet de tabac par la fenêtre, envoyant les cendres voler dans les airs. Aucune de raison de mentir là-dessus, une simple recherche de sa famille menait rapidement à l’Église et à ses ouailles. « Mes parents ont toujours entretenu des rapports très cordiaux avec les Wiccans. » Elle fronce le nez en une grimace de léger dégoût. « Et j’étais comme eux jusqu’à ce que je rencontre Armand. Tu sais que ma magie est rouge, elle l’a toujours été, comme chacun des membres de ma famille. » Elle hausse les épaules. « C’est généralement accepté au sein de l’Église, même si c’est parfois assez mal vu, selon les croyances de certains, et pour te la faire courte, Armand avait… Des pratiques un peu trop sombres pour ma famille. » Elle détourne le regard, effleurant ses lèvres de l’ongle de son pouce avant de tirer à nouveau sur la cigarette. « C’était un homme fascinant, et fasciné par des pratiques jugée trop dangereuses par l’Eglise et pour faire simple, nous avons fini par nous éloigner petit à petit du cercle qui était le nôtre afin de pouvoir poursuivre nos recherches sans prendre le risque d’être découvert. » Pieu mensonge que celui-là, Armand les avait poussés à s’éloigner, les avait lentement, mais sûrement, traînés dans l’illégalité, ses expériences lui prenant de plus en plus de temps, dévorant de plus en plus de son énergie et de sa santé mentale. Refusant toujours de croiser le regard du sorcier présent dans la pièce, elle fixe ses yeux sur l’un des buissons en contre bas.
« Un jour, il a été trop loin et l’une de ses expériences a mal tourné, l’une de celles sur lesquelles il travaillait seul. Je suis rentrée et ait trouvé un cadavre dans notre laboratoire. » Sa voix se fait dure. L’image d’Armand, le corps difforme et l’esprit déjà parti trop loin pour qu’elle puisse le ramener, la hantant encore. Elle passe sous silence la suite des évènements. « Mais j’avais toujours foi en certaines de nos recherches et j’avais conscience de ne pas pouvoir les continuer si j’avais rejoint notre cercle à nouveau. Alors, je me suis renseignée, et j’ai commencé à chercher un nouveau coven, un nouveau groupe dans lequel je pourrais m’épanouir sans craindre une mort potentielle. » Elle fronce le nez et pour la première fois tourne les yeux vers lui. « Oui, dans les cercles liés à l’Église les pratiques jugés trop sombres peuvent être sanctionnées par la mort, alors je ne sais pas si c’est réellement moins affectueux que l’Irae, mais je pense qu’ils en tiennent une sacrée couche eux aussi. » Un sourire sans joie étire ses lèvres, la vérité suintant de chacun de ses mots. Elle sait que si elle venait à vouloir retourner dans le giron de l’Église, elle serait abattue. Jugée irrattrapable par ses pairs, trop dangereuse, trop instable. Elle se laisse tomber en arrière, tournant lentement la cigarette pour en observer le bout incandescent avant d’aspirer une dernière bouffée. « Je me sens… » Elle cherche comment expliquer la réalité de ses sentiments au sein de l’Irae. « Engrangement, je ne me sens pas si seule que ça… Oui, parfois, c’est effectivement un peu solitaire, mais pour la première fois depuis longtemps, je n’ai pas peur d’une quelconque sanction. » Un gloussement aliéné éclot dans sa poitrine et elle le restreint de toutes ses forces, en voilà un beau mensonge. Elle laisse échapper un petit rire. « Oui, nous avons parlé avec Circé, une fois, je crois, de la disparition de Morgan. C’était peu de temps après… Tu sais. Comme pour toi, je lui ai répondu que je n’avais pas vu grand-chose de plus que vous autre… » Elle n’ajoute rien consciente, qu’en effet, il sait de quoi elle parle. « Mes relations avec Morgan étaient cordiales. Bien qu’il soit celui qui m’ait introduit au sein de l’Irae, nous n’étions pas pour autant amis. Sa disparition est… Triste. C’était un sorcier puissant et il avait une vision très précise de ce qu’il voulait faire de la secte, mais je dois avouer que je semble partager plus personnellement la vision de Circé, que la sienne. » Elle hoche la tête, contente de cette semi-vérité, consciente de danser dangereusement à la lisière de quelque chose de potentiellement mortel.
« J’espère avoir assouvi ta curiosité, du moins pour l’instant. Et j’aimerais avoir le droit de poser à mon tour quelques questions. J’aimerais savoir comment tu as rejoint la secte également ? Comment as-tu été amené au sein de ce cercle, comment y as-tu trouvé ta place ? Tu sembles… si à l’aise au sein du groupe, je dois t’avouer que je t’envie parfois. » Elle incline légèrement la tête sur le côté avec un sourire. « Et… » Elle se mord la lèvre inférieure et agite une main en l’air entre eux. « Au vu de ce qui m’attends si tu avais quelques informations, ou si tu souhaitais partager quelques instants de ta propre intronisation, je dois t’avouer que je t’en serais profondément reconnaissante. » Aide moi à survivre.
@made by ice and fire.
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Il regarda longtemps la façon dont les prunelles embuées s’asséchèrent de nouveau. Peu à peu, elle retrouvait une maîtrise d’elle-même qu’il trouva particulièrement révélatrice. Elian était loin d’être cette jeune femme un peu fragile, un peu ailleurs, détachée de tout et jurant avec l’ensemble du groupe, comme beaucoup semblaient le penser. Elian était bien plus que cela. Il percevait en elle un condensé de souvenirs vifs et pénétrants, un héritage lourd, compact, dissimulé derrière une grâce féminine conférée par son rang, sa haute naissance, et un tempérament qui n’était pas aussi transparent qu’il l’aurait cru, de prime abord. Sa maturité, la puissance du contrôle qu’elle exerçait malgré tout sur ses émotions, en ferait une recrue définitive indispensable, parmi les autres ombres de l’Irae. En outre, qu’elle ne le déteste ni ne le méprise, lui était rassurant. Qu’il le veuille ou non, son inclinaison naturelle en quête de sympathie ou de marque de validation de sa position et de son autorité le poussait à chercher l’appui de tous ceux qui, dans la secte, pourraient l’aider à ancrer définitivement son statut. La moindre voix comptait. Et s’il pouvait créer une forme de proximité tacite avec elle, alors il aurait gagné une alliée supplémentaire. Il avait eu l’occasion de baisser les yeux vers une cuisse féminine, les prunelles attirées par un mouvement discret, mais qu’il avait cru reconnaître en l’esquisse d’une rune. Il n’eut pas l’occasion de deviner avec précision celle qu’elle avait dessiné. À la place, il hocha brièvement la tête lorsqu’elle lui révéla l’adresse, renforçant son assise. Il tentait d’éviter de se projeter dans la future scène immonde, se demandant déjà quelle serait son attitude, comment elle parviendrait à faire face aux attentions scrutatrices, insultantes ou amènes de ses futurs frères et sœurs de magie. Il savait que Sebastian était suffisamment mature et intelligent pour ne pas la provoquer un jour aussi important que celui-là, et cependant, il pressentait une anxiété qui ne le lâcherait pas tant que Circé n’aurait pas déclaré solennellement Elian Reed comme faisant pleinement partie des leurs.
Il attendait qu’elle se livre. Il ne souhaitait pas quitter cette demeure sans avoir obtenu au moins quelques éclaircissements. Lui qui s’était pendant des années laissé enchaîner par les secrets et les non-dits, avait compris qu’il ne supporterait plus les zones d’ombre, tant qu’elles pouvaient rester évitables. La réaction de la sorcière ne manqua pas de l’alerter. Si elle réagissait, c’était sans doute parce qu’il avait touché quelque chose du bout de l’ongle. Quelque chose de dérangeant. Son corps ne s’en raidit que davantage, toujours cranté au bureau, à peine penché vers l’avant, attentif. Il ne montra rien, lui non plus. Faussement fermé. Elle parla, étonnamment douce. Etonnamment prudente. Comme si elle voulait l’enlacer, le calfeutrer dans son discours. Il ne voulait pas qu’on l’épargne. Il ne voulait pas qu’on l’endorme avec de belles phrases, avec ce qu’il avait envie d’entendre. Il ne savait d’ailleurs même pas ce que lui, aurait voulu entendre. Elle demanda à fumer, et il l’y autorisa sans un mot, refusant l’invitation en secouant doucement la tête. Il ne voulait pas fumer. Il voulait savoir jusqu’à quel point il pouvait se permettre de croire en ses propos. Si Sebastian avait raison… S’il restait le seul à disposer d’un instinct de protection assez pertinent pour les empêcher de glisser, eux tous… Il l’observa s’éloigner, se poser près de la fenêtre pour laisser la fumée s’y échapper, tandis que lui restait pétri de sentiments et de pensées contradictoires. Il ne bougea pas, hormis son visage tourné dans sa direction. Presque vipérin. Arrête de tourner autour du pot. Parle.
Elle débuta son récit. Il ne l’avait encore jamais entendue s’exprimer de cette façon. En fait, il ne l’avait encore jamais entendue autant s’exprimer, avant ce jour. C’était comme s’il découvrait réellement toutes les nuances, couches de sons produites par cette gorge sculptée tout en finesse. Ce n’était plus seulement quelques couinements de souris, ou une voix rendue grave à force de silence prolongé. Elle s’exprimait enfin, sinon librement, du moins sans entraves, sans muselière. Il trouvait cela reposant. Il évita toute réaction trop lisible chez lui. D’ordinaire, son expressivité le rendait aisément accessible à quiconque. Il en était tout autrement, dans le cadre de l’Irae. La manie du secret, de se protéger même des siens, le changeait à leur contact en une roche illisible, palimpseste mille fois utilisé et dont même le plus fabuleux des égyptologues n’aurait pu en déchiffrer les glyphes étranges. Il se murait sans couper court à ce qu’il demeurait au fond de lui. C’était une question d’habitude, de coup à prendre. Il se garda donc bien de se trahir, de se révéler tantôt ignorant, tantôt savant, parfois plus intrigué, voire carrément dubitatif. Il se prit d’une affection raisonnée pour ce défunt époux dont il ne connaissait pas le visage. Sa nuque s’était légèrement dressée, toute son attention renforcée sur les aspects d’un conte aux allures de cauchemar. La déviance expérimentatrice… Elle guettait tous ceux qui, tels que Vinzent et lui, n’en avaient jamais assez de repousser plus loin les limites des hybridations, des lectures douteuses, des pratiques considérées par certains comme absurdes quand elles n'étaient pas tout bonnement dangereuses. Jill elle-même, sa propre mentor, avait plus d’une fois haussé le sourcil face à ses multiples travaux en cours, tout en reconnaissant leur valeur, à sa grande surprise. Quant à sa mère, si elle en était au courant, elle n’avait jamais pris le temps d’en discuter avec lui, que ce soit pour exprimer son aval ou sa profonde désapprobation.
Lorsqu’elle en eut terminé, il manqua de rater les questions posées en miroir. Il médita sur ce discours presque paisible, dans l’atmosphère tranquille de la coloniale, avant de se remettre debout à son tour. Ses pas résonnèrent délicieusement à son oreille sur le parquet altéré, tandis qu’il s’approchait d’elle et de la fenêtre par la même occasion. Ses iris se posèrent au plus loin sur la ligne d’horizon, cherchant à crever les mystères des champs bourrés d’Histoire, de ces terrains désertés et qui, à leur façon, avaient tant à révéler aux contemporains de Louisiane. Il n’en finissait pas de vouloir récolter les indices du passé en ces lieux abandonnés, paléontologiste acharné à creuser et profiter des effritements de la roche jusqu'à l'obsession.
« Moi non plus, j’vais pas te mentir. Les Reed, j’en avais jamais entendu parler, donc… j’suis obligé d’te croire en ce qui concerne votre réputation. » Du coin de l’œil, il la toisa d’en haut, sa commissure à peine étirée. Plus détendu, curieusement. La résurgence timide mais perceptible de son accent en était un marqueur éloquent. « Les cercles de magie blanche… j’y connais rien. Je n’ai jamais fréquenté que le rouge ou le noir. » Il poussa un soupir discret, l’une de ses jambes tendue, supportant tout son poids tandis que l’autre se plia très légèrement. Ses bras se croisèrent, en une posture moins sévère qu’il n’y paraissait. Plutôt pensive. « En revanche, je connais la rigidité des pratiques des Immaculés, notamment chez l’Église. J’suis pas étonné, en c’qui concerne les sanctions. Ils nous blâment pour nos traditions, mais nous au moins nous sommes… transparents. Ceux qui s’aventurent dans nos rangs savent exactement à quoi s’attendre, contrairement à leurs recrues. » Son esprit s’envola un temps vers Victoria Osborne. Curieusement, la petite lui manquait. Il ne l’avait pas revue depuis des mois, et il se demanda si elle avait fini par écouter son conseil. Celui-là même qu’il n’avait jamais été foutu de suivre pour sa part.
« Sauve-toi. »
« Ils sont aussi barbares que nous. Ils ont simplement appris à se planquer derrière des allures de directeurs de com’ et autres connards faux-culs. » Tic léger de sa bouche. « Je ne pensais pas que tu avais été aussi proche d’eux. Quasiment faisant partie des leurs alors, à t’entendre ? J’comprends mieux Sebastian. J’voulais pas croire aux histoires comme ça tant qu’j’étais sûr de rien, mais c’est vrai qu’à ton arrivée, les gens ont parlé. Mais tu avais été validée par Morgan, alors… » Il haussa les épaules en un signe fatidique. Bien sûr qu’il avait été lui-même interpellé. Toutefois, usé jusqu’à l’os par des décisions paradoxales, étranges, voire carrément stupides de son point de vue prises par les leaders de leur clan, il avait longtemps rangé ce genre d’opinions au placard ; pour ce qu’elles valaient.
Alors oui, sa curiosité était en partie assouvie. Pour ce qu’il en était d’inverser la tendance, c’était une autre histoire. Eoghan cessa de se concentrer sur le paysage pour se tourner face à elle, son épaule droite appuyée contre le mur bordant l’encadrement de la fenêtre. Il hésita, puis décida de jouer franc-jeu, en partie. « Je suis quasiment né avec la secte. Morgan l’a créée l’année de ma naissance. Ma mère a fait partie des membres fondateurs. » Un sourire acide, trop bref pour être vrai. « Et puis elle lui en devait une… Alors, par loyauté, elle l’a suivi jusqu’à Shreveport lorsqu’il a décidé d’y établir la base de l’Irae. Je n’ai jamais eu à y trouver ma place. Elle était toute désignée. » Il n’était jamais à l’aise lorsqu’il s’agissait d’évoquer ces souvenirs rendus parfois opaques par le déni. La tension dans sa voix s’en ressentit quelque peu. « Il a été décidé avant même que je ne sache parler que je ferais partie des leurs une fois en âge. J’ai été éduqué en ce sens, et Leroy s’est personnellement assuré que je ne me dérobe pas au chemin. Apparemment, cela lui plaisait de disposer d’un défouloir à portée de main. Et puis, quand j’ai eu dix-huit ans, j’ai été intronisé. » Une moue blasée, quoiqu’amusée, dérida ce tableau peu engageant. « Y’a rien à envier. T’étais déjà là, à l’époque. J’ai jamais trop brillé par mes exploits, avec lui. Je n’étais pas… j’étais loin de compter parmi les membres les plus en vue. J’ai simplement appris à louvoyer entre ceux qui sont devenus mes frères et sœurs. Donc ouais, rien à envier là-d’dans. C’est juste de la survie. »
Il serra les dents, quand soutenir son regard devint plus compliqué. Il se laissa attirer de nouveau par la vue du dehors. « Ma propre intronisation a été un carnage. Morgan a adoré. C’était du beau spectacle, pour sûr. Tu t’en sortiras mieux que moi. Tu n’es pas aussi jeune que j’l’étais à l’époque, et je crois que tu as les nerfs plus solides que tu veux bien nous l’montrer. Ou du moins, la plupart du temps. » Il mit de côté cette dernière remarque, le temps de conclure : « Y’a jamais trop d’conseils à filer pour ça. Je suis en charge de ton intronisation. C’n’est qu’un rôle symbolique, mais j’aime à penser que… enfin… » Il se dégonfla. Sa réflexion n’était peut-être pas assez mûre pour s’en ouvrir déjà. En outre, il craignait de paraître trop faiblard, vis-à-vis d’elle. Il se reprit instantanément : « Ce sera difficile. Ne pense pas à ceux qui te regarderont. Ne pense qu’à l’instant. Sois courageuse. Pour le reste… il n’y a que le temps, qui aidera. Ça, et tes convictions. Si après avoir tenu tout ce temps tu es encore déterminée à intégrer la communauté dignement… alors en réalité, je ne suis pas très inquiet pour toi. »
Il se détourna, refit quelques pas vers le bureau. À son tour, il s’empara du dossier de la chaise pour la soulever et la déposer en face de la sienne. Il s’installa devant la sorcière, posément. Ses genoux frôlaient les siens, et son dos se voûta, tandis que ses coudes reposaient sur ses cuisses, laissant ses doigts se toucher, s’effleurer entre eux. Il avait besoin d’être à sa hauteur. Il avait besoin d’abolir la distance. Il avait besoin de respirer le même air que le sien, pour évoquer la suite de cette conversation plus agréable qu’il ne l’aurait cru en venant ici.
« J’aurais aimé le connaître. » Il précisa d’un léger hochement de tête. « Ton mari. Certains des nôtres payent trop lourd le tribut de leurs recherches, ou les travaux de toute une vie. Ce qui lui est arrivé est… probablement injuste. Et j’en suis désolé, pour lui comme pour toi. » Il n’osait imaginer l’impact qu’une telle mort, une telle déchéance, avait pu avoir dans la vie de cette femme bien rangée, intégrée dans des sociétés d’estime et de bienpensance. Ces clefs en main, certaines zones d’ombre commençaient à s’éclaircir, et avec elles, les nuages masquant sa compréhension des intentions de la sorcière. Était-ce un exode ? Une révolte ? Elle avait parlé de revanche. Un mot qu’il avait tant de mal à voir en parfaite adéquation sur ce visage aux traits parfaits. Néanmoins, cette révélation changeait en partie la donne. « L’Église n’aurait pas dû entraver ses expérimentations. Elle aurait pu les contrôler, veiller à ce que sa progression reste linéaire, et ne le mette pas en danger. Au lieu de cela, elle l’a poussé à se renfermer plus encore sur son obsession, sans garde-fou. L’Irae a plus de défauts que je n’saurais les compter, mais elle n’a jamais été fermée à ce chemin-là. » Dans un autre monde, un autre univers, un parallèle idyllique, peut-être auraient-ils parlé ensemble, tous les deux. Peut-être que le couple aurait fini par les rejoindre de leur propre chef, avant que la catastrophe n’arrive. Un gâchis de plus. Mais de cela, les statistiques, les médias, les livres ne se rappelleraient jamais. Personne ne connaîtrait jamais le nombre de morts provoquées par la seule intolérance de l’Église Wiccane.
« J’espère avoir la chance un jour d’en savoir plus sur ces fameuses recherches. »
Ils auraient pu s’en tenir là. Il aurait pu se contenter d’un dernier sourire. Il n’aurait jamais osé toucher son épaule en un geste de compassion, mais l’intention serait passée au travers de son non-verbal, d’une manière ou d’une autre.
« J’ai une dernière chose à te demander… »
Le sourire ne vint pas. Au contraire, une pointe de détresse s’était glissée dans le bleu arctique. Il faut que je te le demande. Il faut que j’en sois sûr.
« Selon toi… Pourquoi est-ce que Sebastian ne te lâche toujours pas ? » Il coupa leur lien visuel, faisant mine de s’intéresser à un cal entre deux doigts, lissant de son pouce la peau éprouvée. « Je n’ai jamais très bien saisi d’où provenaient ses suspicions, à l’origine… mais je peux entendre qu’il se soit méfié. Et il paraît que pendant l’incendie… » Il n’avait pas le droit. Mais il n’avait pas le choix.
Il faut que je l’entende.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé, la dernière nuit ? Juste avant qu’on s’échappe. »
Elle perçoit sa surprise à l’entendre s’exprimer ainsi. Un rire sans joie résonne quelque part sous son crâne quand elle visualise l’image qu’elle renvoie constamment durant les rassemblements de la secte. La tête basse, le regard fuyant, les mains toujours sagement croisées, dans son dos, sur ses cuisses, contre son ventre. Toujours cette vision de la jeune femme fragile, de la proie. Toujours cette vague sensation qu’elle renvoie « Circulez, y a rien à voir. Pas dangereuse pour deux sous, soumise. » Comme elles riraient ses sœurs, si elle la voyait comme ça. Comme ils seraient surpris ses collègues, de voir la femme à la voix forte, celle qui parle avec les mains et s’assure que tous entendent chacun de ses mots, dans ce simulacre d’obéissance servile. Elle secoue intérieurement la tête en suivant des yeux la silhouette du sorcier noir qui s’approche. Elle le perçoit, aussi, son intérêt pour Armand. Plus étonnant déjà, de le voir s’intéresser autant à la source de toutes les horreurs de sa vie. Mais pas tant que ça, même dans la mort, il a toujours su être fascinant, la simple évocation de son nom appelant des images de grandeurs et de folie douce. Toujours assoiffé d’en apprendre plus, d’essayer. « Si je ne le tente pas, qui s’en chargera, chérie ? »
La commissure de ses lèvres se retrousse très légèrement quand il admet ne pas connaître sa famille. Rien de profondément étonnant dans l’aveu et elle aurait dû s’en douter. Ils viennent de deux mondes différents après tout. Étrangers. Quel tableau ils forment ainsi tous les deux dans cette baraque décrépie au fond de la Louisiane. Elle, la fille de bonne famille, bourgeoise, aristocratique, bercée par les préceptes Immaculés depuis sa naissance, teinté d’un rouge qui se voulait clair, pour mieux s’intégrer à la Lumière. Lui, le gars du coin, les bottes toujours marquées de la terre de son bayou, à l’accent rugueux de ceux qui, comme les mauvaises herbes, poussent malgré les écueils que la vie leur lance à la gueule, son rouge tout barbouillé d’ébène, né en même temps que l’ennemi. Elle penche légèrement la tête sur le côté pour montrer qu’elle l’écoute et partage son opinion sur la façon dont l’Eglise traite ses ouailles. Il y a longtemps qu’elle a arrêté de croire en la bonté du groupe d’arcaniste. Longtemps, qu’elle a perçu les mensonges, les manipulations, les jeux de pouvoirs qui souillent des préceptes auxquels elle croyait pourtant avec ferveur. Plus maintenant. Plus depuis la mort d’Armand. Elle l’observe du coin de l’œil sans pour autant croiser son regard, laissant ses prunelles se perdre sur les multiples cicatrices qui bardent les paumes du sorcier. Aussi nombreuses que les siennes, témoignage d’une pratique active d’un art qui pourrait paraître barbare aux yeux des ignares. Elle effleure du pouce une cicatrice particulièrement marquée dans le creux de sa paume en un geste d’auto-apaisement qu’elle ne s’autorise que rarement en présence des membres de la secte. Mais ici, seule avec Eoghan, elle se sent suffisamment en sécurité pour s’autoriser cette minuscule faille dans la murailles qui la protège d’ordinaire.
Elle grimace légèrement quand il évoque la place qui est – était ? - la sienne au sein de l’Église. Les lois auxquelles elle croyait sont, depuis longtemps, devenues une prison, dans laquelle elle se contentait d’évoluer de son mieux. La perte d’Armand, la place qu’elle a été forcée de prendre auprès des sorciers noirs, les actes qu’elle a été forcée de commettre, ceux qu’elle a commis de son plein gré, tout cela n’a servi qu’à l’éloigner encore davantage de cet idéal que porte Uther et qui ne fait plus que lui donner la nausée maintenant. Elle se contente de hocher doucement la tête, montrant qu’elle comprend les questionnements des membres de la secte à l’évocation de sa potentielle implication avec l’ennemi. Une grimace étire ses lèvres progressivement quand il évoque son propre temps au sein de la secte, elle l’imagine tout gosse, subissant ce que Leroy aurait considéré comme étant une éducation digne d’un des membres de sa secte. Elle ne connaît Sylia que de loin, n’ayant jamais réellement cherché à s’approcher de la mère Underwood, la puissance et la quasi constante noirceur de ses émotions l’ayant toujours effrayée et mise mal à l’aise. Mais elle a, comme tout le monde, entendu les rumeurs et perçut la tension qui circulait toujours entre la mère et le fils. La douleur qui le perce, encore aujourd’hui, à l’évocation de sa propre intronisation, ne peut être ignorée et elle s’en empare, laissant son don se lover autour du sentiment d’une puissance enivrante. Elle ferme les yeux, une seconde tandis qu’il fixe le paysage qui se dessine par la fenêtre, se laissant envahir juste assez pour envoyer sa magie pulser légèrement dans ses propres veines. Vibrante au diapason d’une souffrance profonde dont semble se gorger son énergie. De l’index, elle trace Naudhiz dans sa paume, la douleur. Elle note l’hésitation, l’abandon d’une idée à peine esquissée par ses mots et conserve l’information de côté. Le Second n’est pas aussi sûr de lui qu’il le laisse paraître, il est encore jeune, encore vacillant. Une forme de tendresse à son égard éclot dans la poitrine de la Sorcière et elle se surprend, une fois de plus, à souhaiter le connaître réellement. Elle aimerait pouvoir, pour une fois, relâcher sa prise dictatoriale sur ses émotions et son histoire, offrir sa confiance sans avoir peur de la voir piétiner. Sans craindre la mort pour une parole qu’elle n’aurait pas mûrement réfléchie. Elle détourne le flux de ses émotions, l’envoie délicatement caresser la psyché du sorcier. Une poussée, aussi légère qu’une brise pour l’encourager discrètement à vouloir avoir confiance. Je ne suis pas un ennemi, pas un danger, tu ne crains rien ici, avec moi.
Elle le suit des yeux en haussant un sourcil légèrement surpris quand il s’assoit si près, qu’il se courbe vers elle. Inconsciemment, elle décale légèrement les genoux, s’assurant de ne pas entrer en contact physique avec lui, bien qu’elle aimerait prendre sa main entre les siennes. S’accrocher aux convictions du sorcier comme à une ancre qui l’empêcherait de se perdre complètement. Plus rien ne semble avoir de sens, de texture, depuis Halloween, tout semble vide et étranger. Eoghan, l’espace des quelques minutes qu’a duré leur conversation jusqu’ici, lui apparaît comme l’une des rares choses encore tangibles de ce monde qui menace de s’effondrer autour d’elle. Elle se surprend à penser qu’entre ses mains, l’Irae ne serait pas aussi horrible que ce qu’on en dit. Que peut-être, formée par ses mains et celle de Circé, la Secte pourrait devenir quelque chose de plus noble que ce qu’elle est à l’heure actuelle. Elle n’est pas idiote, encore moins aveugle, et elle sait, au fond d’elle-même que les idéaux de l’Irae ne sont pas aussi noirs que ce que l’Église pense. Elle voit, la passion qui anime ses membres. La soif, pure et presque naïve dans son sens le plus littéral, de savoir, d’apprendre, de tester et de repousser les limites d’un art pratiqué depuis la nuit des temps et pourtant toujours méconnu et méjugé. Elle est capable de percevoir la beauté d’un tel abandon à son art. Elle pensait l’avoir pratiqué elle-même, jusqu’à ce qu’Armand ne lui montre qu’il pouvait exister d’autres façons, d’autres chemins, et qu’il n’était pas nécessaire de s’enfermer dans les règles strictes des Wiccans pour être une bonne sorcière. Pour être digne de fouler la voie des Arcanes. Mais encore aujourd’hui, logé au fond de son âme, enfoncé tel un clou, règne le mantra familial. « Plutôt la mort que la souillure. » Elle déglutit et glisse une mèche derrière son oreille en se concentrant sur ce que lui dit le jeune homme.
Un sourire sincère naît sur ses lèvres. « Il t’aurait probablement beaucoup apprécié, et vous vous seriez sûrement entendu à merveille. » Un petit rire lui échappe, en imaginant les deux hommes dans son salon, discutant avec véhémence de sujet divers et variés, échangeant leurs savoirs avec passion. Elle soupire néanmoins en baissant la tête, admettant une vérité qu’elle cache la plupart du temps. « Je ne sais honnêtement pas. Je… Disons que… Peut-être que si l’Église avait été plus clémente, il aurait pu poursuivre ses recherches de façon plus encadrée et peut-être que je ne l’aurai pas perdu… » Inconsciemment, sa paume vient reposer quelques secondes contre son ventre avant qu’elle n’ajoute en haussant doucement les épaules. « Mais je n’en saurais jamais rien, et il est mort. » Elle relève légèrement les yeux, lui offrant un sourire triste. « Qui sait, peut-être qu’un jour, je t’ouvrirais mon antre et te laisserais jeter un œil à nos travaux. » Elle retient un frisson en pensant à la cave, dont la porte verrouillée et bardée de runes, n’a pas été ouverte depuis ce jour fatidique où Uther les a découvert. Les travaux d’Armand y trônent probablement toujours, tous ses grimoires, remplis de son écriture fine et presque illisible. Tout ce savoir, perdu, inutilisé.
Le sourire disparaît de ses lèvres pour laisser ses sourcils se froncer légèrement. La vague qui s’échappe d’Eoghan lui serre la gorge et elle fiche son regard dans le sien, soudainement effrayée par la détresse qu’elle y perçoit. Et la question tombe. Sebastian, encore et toujours. L’éternel caillou dans sa chaussure, le sempiternel grain de sable dans son engrenage. Elle retient un soupir de mécontentement et se décale légèrement dans sa chaise, laissant sa tête tomber en arrière. « Ah… » Elle se redresse légèrement pour le regarder. « Oui, je me doutais bien que tu finirais par demander. » Elle déglutit, chassant les images de l’incendie, l’odeur des chairs brûlées, de la sueur rances, le bruit du crépitement incessant des flammes faisant rage. La trouille qui colle aux tripes et fait trembler. « Je ne sais pas pourquoi Sebastian m’en veut autant. Pour être honnête… » Elle soupire. « Dès notre première rencontre, quand Leroy me l’a envoyé pour me questionner avant que je ne vous rejoigne, il avait déjà l’air de ne pas m’apprécier. Je ne lui ai jamais caché mes liens avec l’Église, j’ai été honnête, comme je le suis avec toi aujourd’hui. Mais… Je ne sais pas, quelque chose a dû lui déplaire chez moi. » Elle hausse les épaules une nouvelle fois. « Je n’ai, honnêtement, rien contre lui, même si je dois avouer que son observation constante et son désamour commence à me peser. » Bel euphémisme, dès que Crowe est dans les parages, elle se voit forcer de renforcer tous ses boucliers, d’étendre son don et de veiller à être la plus discrète possible. Le chien de garde semble décidé à la faire tomber et c’est bien l’un des derniers au sein de l’Irae à la percevoir comme une ennemie.
« La dernière nuit… » Sa voix se fait soudainement plus épaisse, luttant pour s’échapper de sa gorge serrée. « Je… Je ne sais pas où tu étais, en haut je suppose, puisque Sebastian est parti en courant vers là pour te récupérer, mais… J’étais dans la cuisine et j’avais pour ainsi dire perdu tout espoir. » Elle lève les yeux vers lui, le regard implorant. L’implorant de comprendre, de se souvenir de l’angoisse. « Et, je ne sais pas, la trouille, la fatigue, la déshydratation, je n’ai pas la raison, mais j’ai soudainement éclaté de rire et ça n’a pas plus à Sebastian. Il m’a plaqué contre le mur en me menaçant de toute sorte de choses, comme il sait si bien le faire. » Un sourire amer étire ses lèvres. « Et je ne sais pas, je lui ai dit que je trouvais l’idée de mourir comme ça, par le feu et avec vous, hilarante. Tu sais, l’ironie du sort, les sorciers emportés par les flammes… Ça m’avait soudainement paru extrêmement drôle… J’étais complètement absente, déconnectée. » Elle secoue la tête. « Je suppose que ça n’a pas dû lui plaire, mais je n’étais pas réellement moi-même… Et c’est à ce moment que la percée dans les flammes s’est ouverte, je suis sortie presque en même temps que toi et Sebastian ne m’en a plus jamais reparlé, je ne pensais pas qu’il en ferait toute une histoire, mais apparemment j’étais trop optimiste. Je ne sais plus quoi faire pour essayer d’apaiser sa colère et son manque de foi en moi, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une cause perdue et c’est réellement, profondément épuisant. Je me sens bien parmi vous, libre d’être moi-même sans avoir besoin de me cacher, sans me sentir comme une criminelle pour ne serait qu’envisager d’étudier certains sujet. »
Le mensonge est lourd sur sa langue, lourd de la part énorme de vérité qui commence à y prendre place. Bien sûr qu’elle est toujours profondément choquée par le massacre qui a eu lieu a Halloween, par son impuissance totale à protéger les arcanistes qui avaient péris durant la nuit. Mais il est vrai, tristement, horriblement même, qu’une part d’elle commence à chérir la liberté que lui offre l’Irae. L’absence de scrutation de la part de ses dirigeants quant à l’objet de ses travaux, la liberté de partage qu’offre un cercle au savoir aussi vaste. Elle s’effraie parfois à penser que sa place est désormais au sein de la secte plutôt que sein de l’Eglise. Elle tremble quand elle sent le noir qui se faufile un chemin au creux de l’écarlate de son essence et qui semble s’y plaire. Elle frémit quand tard le soir, elle imagine mille façon d’en finir avec Uther, de se débarrasser du poids qu’il fait peser sur ses épaules.
@made by ice and fire.
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Le sourire ne revint pas, sur les lèvres de l’arcaniste. Son visage s’était tendu d’une concentration guère hostile, mais guère propice, non plus, à se laisser divertir aisément. Il se laissa envelopper par le cadre, par l’environnement les présentant comme seuls au monde en plein North, avec les cris de quelques volatiles pour seule réelle compagnie. La température, l’odeur de la pièce, celle du dehors, jusqu’au parfum d’Elian… tout le poussait à conserver cet immobilisme qui lui seyait parfaitement. Il ne bougeait plus. Sans se montrer raide, sa silhouette ainsi penchée ressemblait à la posture d’une murène similaire à la Rougeoyante ondulante dont l’œil torve restait tourné vers sa consoeur voisine. Il attendait, tel un reptile figé guettant l’arrivée d’une proie maladroite. Il était le python, elle était la souris blanche. Son ravissant museau d’un rose pastel ne cessait de rester en émoi, ses petits pas pressés la faisaient progresser avec une prudence à toute épreuve, mais elle ne verrait jamais venir la puissance des anneaux contenus, n’attendant que de se déployer dans sa direction. L’attaque viendrait lorsqu’elle s’y attendrait le moins, les crochets se planteraient dans la chair pelucheuse jusqu’à tâcher de rouge la fourrure immaculée.
Au moindre pas. À la moindre erreur. Il l’observait comme Sebastian aurait pu le faire, cherchant à s’inspirer du talent perspicace de leur plus célèbre recruteur. Il absorbait le moindre de ses mouvements, s’escrimait à comprendre la moindre de ses mimiques. Il voulait déceler le mensonge, derrière le discours bien rodé. Car quelque chose n’allait pas. Il était à deux doigts de repérer la faille dans le discours. À deux doigts de comprendre, enfin, ce qui l’empêchait de se fier totalement à la parole d’or de l’aristocrate.
Quelque chose n’allait pas.
Il ne laissa passer aucune émotion, pendant qu’elle racontait encore. Il ne pouvait se le permettre. Il ne se sentait d’ailleurs pas assez coriace pour échanger sans pudeur ni mesure au sujet du brasier avec quiconque, et encore moins avec une femme dans son genre. Lui aussi pouvait revivre aisément la sensation de la peau craquelée sur ses lèvres autrefois assoiffées. Chaque fois que sa bouche s'ouvrait trop grande, elle tiraillait désagréablement, rendant le simple fait de parler abominable. Le sang perlait entre les conques de derme sec. Il se rappelait du presque moindre détail, de toutes ses muqueuses au supplice, et des serpentins pâles dessinant comme des écailles sur ses avant-bras brûlés. Ils ne s’échapperaient jamais du tombereau de sa mémoire. Le silence retomba à nouveau. Un soupir siffla depuis ses narines, avant qu’un reniflement discret ne vienne ponctuer un changement d’avis radical. Il se redressa, puis plongea la main dans la poche de son jean. D’un paquet, lui, simplement cartonné, il extirpa une Pall Mall dont il s’enticha, le zippo claquant à son tour entre eux deux. Il propulsa une bouffée de fumée grise vers l’extérieur, sans que ses prunelles ne se détachent vraiment du minois blond. Sa main libre, pour sa part, embrassa son menton, le pouce rampant contre la ligne rosée à la chute de ses narines.
« Il y a beaucoup de choses, que tu ne sais pas, finalement. »
Il ne se dérida qu’à peine. Son expression laissait surtout la part belle à un rictus dont le sens serait resté indéfinissable aux yeux de beaucoup. Une telle lecture n’était pas donnée à tous, loin de là. Même lui, au fond, n’était pas certain de comprendre ce qu’il ressentait, à l’écouter se défendre – mais s’agissait-il réellement d’une attaque, en face ? La bascule de ses certitudes ne cessait de pencher d’un côté ou de l’autre. Elian le perturbait. Elle mettait à mal un certain nombre de préconçus, de préjugés, remettait en cause le jugement des uns comme des autres, à commencer par le sien. Il faudrait beaucoup d’humilité pour dénouer l’écheveau emmêlé de nœuds multiples, bien planqués derrière le ruban de soie. Car c’était bien ce à quoi elle lui faisait penser : à un ruban de soie tout propre, tout lisse et velouté, dont la couleur raffinée et enchanteresse ne servait qu’à masquer la laideur du tissu, les fils rêches emmêlés, une fabrication bâclée. Un tel tableau excitait la part prédatrice en lui, excitait la murène qui se remit à onduler avec moins de paresse. Elle qui aimait tant détricoter les corps, tirer sur les fils hormonaux et charnels, ne rêvait que de s’amuser à s’emparer d’un pan et tirer, tirer jusqu’à dévider l’ensemble de ce qu’il restait à dissimuler.
« En revanche, je crois que tu sais que certaines choses sonnent faux, dans ton discours. »
Il reprit sa posture, penché vers l’avant, tirant longuement sur l’embout de sa cigarette. Il expirait le tabac sur le côté afin d’éviter le visage parfait d’Elian Reed, et cependant une pointe de provocation immature lui chuchotait de projeter un nuage cendreux dans sa direction, comme pour tester sa réaction. Si je te pince, est- ce que tu couines ? Si je te cherche, est-ce que tu cours ? Si tu me mens… « Tu ne veux pas m’avoir pour ennemi. Et, je te rassure, la réciproque est vraie. J’aurais pu vouloir percer pas mal de choses depuis un bon moment. » Quelque chose d’autre le perturbait. Comme si on le tirait par la manche pour le faire reculer, comme si on plaquait une main fraîche sur son front brûlant. Comme si l’on murmurait une douce litanie pour faire fuir les soupçons. Quelque chose venait contrer de plein fouet cette vague suspicieuse. En réalité, presque depuis qu’elle était entrée, Eoghan avait la même sensation que s’il se trouvait à naviguer sur une mer agitée, l’embarcation tombant parfois dans un trou d’eau entre deux vagues. Il tanguait, souffrait de se trouver ainsi bringuebalé entre deux tiraillements contraires. Mal à l’aise, il battit des paupières, perturbé et comme persuadé qu’il avait besoin de se secouer. Métaphoriquement, il aurait voulu sauter à pieds joints dans une mare glacée, comme pour se débarrasser d’une nuée de moucherons affamés, d’un état fiévreux couvrant son corps en sueur, ou de toute la poussière et la boue récoltées au fil d’une longue pérégrination dans les recoins les plus sauvages du South.
Quelque chose n’allait pas. Était-ce cela, qui avait déplu à Sebastian ? Si oui, alors Eoghan pouvait entrevoir le début d’une réponse à ses interrogations. Pris d’une sensation de vertige, il se redressa pourtant, dans un mouvement presque brusque, pour s’éloigner d’elle de quelques pas. Il lui tourna le dos, une légère barre plissant son front d’un début de migraine. Il répéta, presque pour lui-même : « Par le feu et avec vous… » Qu’est-ce qui le chamboulait, dans cette simple phrase ? Il se débattit encore avec les filins d’une toile dans laquelle il se sentait englué. Elle saturait l’espace dans son cerveau, l’empêchant d’effectuer des connexions simples, puisqu’ayant tissé d’autres dédales pour mieux le perdre. Il pivota de nouveau face à elle, demeurant debout mais plus que jamais aux aguets d’il ne savait quoi. « De quelle ironie du sort est-ce que tu parles ? » Entre ses phalanges nerveuses, le mégot continuait de se consumer entre deux tirées. Presque fébrile, il veillait toutefois à conserver une maîtrise de ses émotions aussi forte que possible. Ce n’était pas le moment de déborder. Il ne pouvait pas lâcher ce bout de fil, ce foutu fil caché derrière la soie. Ne lâche pas. Il secoua la tête, désorienté, et souffla dans un murmure presque accablé.
« Qu’est-ce qu’il y avait de drôle… ? »
Même la trouille. Même la fatigue. Même la déshydratation. Aucun de ces trois phénomènes n’auraient pu apporter avec eux la moindre once d’hilarité, chez aucun de ceux qui avaient manqué de périr brûlés cette nuit-là. Réfléchir ainsi, s’obliger à prendre du recul sur la sympathie presque trop éclatante qu’arborait Elian, lui faisait mal. Il ne pouvait se douter que la lutte qu’il avait engagée restait inégale. Elle le sapait de l’intérieur. Son instinct cherchait à l'en avertir, mais le don employé était trop discret, pour le moment, pour lui permettre de s'en apercevoir. Il la regarda un moment sans plus rien dire, pesant le pour et le contre, tâchant de voir par-delà les apparences. La murène s’agitait, désormais. Nerveuse et instable. Il se rapprocha d’une portion de mur particulièrement abîmée, et barra quelques centimètres d’un trait noir pour éteindre la tige presque brûlée jusqu’au filtre. Elle s’échoua à ses pieds, tombant dans un bruit ténu, mais largement perceptible sur le plancher.
« J’étais bien à l’étage, oui. Je ne t’ai pas entendu rire, moi. » J’étais trop occupé à tuer Quinn. « Lève-toi. » L’ordre était contenu, professé avec une réserve de rigueur, une gravité qui n’appelait pas à l’urgence. Il attendit qu’elle se soit exécutée pour la toiser de plus près. Sa main se referma sur son bras, ainsi que pour l’empêcher de se dérober. Il ne serra pas plus que nécessaire, mais son emprise était irrévocable. « J’ai une dernière question à te poser. » Il sonda les lucarnes claires. « Si je souhaitais lire, dans ta tête… ici, maintenant. Est-ce que tu me laisserais faire, sans résistance ? » Si tu me mens, je le saurais.
Il l’écoute avec l’attention d’un prédateur épiant sa proie. Attendant son heure. Attendant la chute. Attendant la moindre inattention. Et à nouveau, la tension qu’elle sent d’ordinaire se relâcher imperceptiblement en présence de l’arcaniste rouge, se redresse. Telle une main glaciale, à la paume moite d’une sueur froide, elle s’empare de sa colonne vertébrale et tire. Elle tire jusqu’à forcer son dos à se redresser. Jusqu’à ce qu’elle lutte contre ses instincts primaires lui hurlant de fuir. Elle le sent, lutter contre elle, se débattre contre l'entrelac délicatement tissé sous son crâne et elle déglutit en l’observant. Attendant de voir si son don l’emporte ou si la psyché, étrangement puissante, de son adversaire réussie à vaincre. La balance penche, à gauche, puis à droite, funambule sur un fil. Eoghan oscille, se débat avec la force d’un poisson coincé au bout d’une ligne. Mais l’hameçon n’est pas assez enfoncé, la ligne craque, la cane se plie, se tord, jusqu’à ce qu’elle manque de lâcher. Mais elle tient bon, s’accroche de toute ses forces, laissant les filaments à leur place, sans rien y changer.
Épuisée, elle détourne légèrement le regard, consciente de s’attirer ainsi encore plus d’animosité, de sembler une fois de plus, suspecte. Elle est épuisée, la sorcière. À bout de nerfs, à bout de souffle. Elle se bat, depuis ce qui lui semble des siècles, pour essayer de se faufiler un chemin au creux de la secte. Elle s’épuise pour Uther, tout en prenant conscience de la porte de sortie inespérée qu’aurait pu lui offrir l’Irae si elle les avait rejoints de son plein gré. Si elle avait accepté la souillure. Elle suit des yeux le nuage de fumée qui s’échappe des narines et des lèvres du sorcier, notant la lumière qui s’allume derrière ses prunelles, la fièvre qui l’habite. Des changements microscopiques ont fait passer son expression, jusque-là plaisante et ouverte, dans un autre univers. Il semble soudain se délecter du malaise qu’elle peine à cacher, cadenassant de son mieux son angoisse viscérale derrière une façade. Le mur se construit pierre par pierre, les mains de son don, attrapant la trouille par la gorge et serrant avec fermeté jusqu’à l’étouffer, l’enferment derrière le mur de briques d’une fausse indifférence à peine teinté d’un vague mécontentement. La main mise sur ses émotions est totale, rigide et… épuisante. Elle laisse échapper un petit soupir. La situation pourrait être hilarante, sans cette épée de Damoclès vacillante au-dessus de sa jolie tête blonde. Elle n’a pas menti. Il s’agit de la vérité. L’ironie de la situation, mêlée à une folie – passagère ? – qu’elle ne comprend pas encore réellement, l’ont réellement fait rire. L’idée de crever au cœur de cette vieille baraque, pour le bien d’Uther et d’une Église en laquelle elle ne croyait déjà plus qu’à moitié, lui était soudainement apparue comme le summum de l’humour.
Elle ne veut pas l’avoir pour ennemi, ça, elle en est persuadée. Elle sait. Elle sait la puissance qui ronronne sous la peau du sorcier, elle connaît son talent naturel pour les filtres et les potions. Elle rage intérieurement, de le voir prendre le parti de Crowe, de le voir s’éloigner, ce frère rouge qui choisit de faire confiance à l’imbécile gorgé de haine qui leur sert de recruteur. Elle voudrait s’en faire un allié. Elle voudrait pouvoir lui faire confiance, pouvoir, pour une fois, relâcher la bride qui l’étouffe et tout lâcher. Tout avouer. Exprimer ses angoisses, face à ce changement qu’elle voit s’opérer en elle sans qu’elle ne puisse rien y faire. Elle voudrait. Elle voudrait tant de choses. N’avoir jamais rencontré Armand. L’avoir quitté. S’être échappé des chaînes de l’Église avant qu’Uther ne puisse planter ses griffes en elle. Elle aurait voulu pouvoir tout raconter à Artémis. Combien de fois a-t-elle fait le trajet jusque chez sa meilleure amie, arrêtant sa voiture à quelques portes de celle des Edwards ? Rebroussant chemin, en sachant pertinemment qu’elle signerait là son arrêt de mort. Elle s’est perdue dans ses pensées, l’arcaniste, oubliant pour quelques secondes, la présence du sorcier qui lui fait face, repensant avec une tendresse teintée d’une peine incommensurable, les nombreux moments partagés avec sa meilleure amie. Elle se reprend et plante ses yeux clairs dans ceux, tout aussi bleus d’Eoghan, entrouvrant les lèvres pour répondre, c’est la gorge serrée qu’elle arrive enfin à parler.
« Il n’y avait rien de drôle. J’étais en train de devenir folle, entre la déshydrations, la faim et la fatigue. J’avais des hallucinations, depuis quelques heures déjà quand Sebastian m’a trouvé dans la cuisine. Je venais de voir Armand. » Elle ne ment qu’à moitié, elle avait effectivement cru entendre la voix de son défunt mari, par-dessus le ronflement des flammes et les craquements des murs. La voix d’Armand, moqueuse et venimeuse, lui rappelant à quel point cette situation avait échappé à son contrôle, à quel point, elle n’était qu’un vulgaire pion qu’Uther allait sacrifier. « Tu m’excuseras de ne pas avoir envie de m’étaler sur le sujet. » Pudiquement, elle détourne le regard, perdant ses yeux dans le paysage brûlé de soleil qui s’étend derrière la fenêtre. « J’ai été élevé en partie dans les préceptes de l’Église, je les ai entendus et entendus encore, les histoires de nos ancêtres brûlés devant les fidèles de ce Dieu Unique auxquels ils veulent tous croire. » Elle laisse sa tête tomber vers l’avant, fixant des yeux ses mains barrées de cicatrices, de ce corps qu’elle offre au Don depuis sa plus tendre enfance, de cette peau qu’elle tranche pour laisser s’écouler l’onde de vie. De l’ongle du pouce, elle trace Fehu sur le dos de sa paume. Cherchant en elle-même la force de continuer à se battre pour sa propre vie.
Elle redresse la tête vers lui, quand l’ordre est énoncé. Elle hésite, quelques secondes, laisse la surprise se lire sur ses traits avant de s’extirper de la chaise, frottant distraitement son pantalon pour en faire disparaître des plis imaginaire. Elle s’approche de quelques pas, se retrouve à nouveau dans l’orbite du sorcier. La paume d’Eoghan s’empare de son bras, brûlante. Elle baisse légèrement les yeux vers le point de jonction. Notant qu’il s’agit du premier contact entre eux. Elle n’a jamais été assez proche de lui pour qu’il puisse la toucher et elle déglutit en redressant le regard, croisant le céruléen de celui du sorcier. L’idée de mentir ne lui vient même pas, trop consciente du risque encouru. « Non. » Elle secoue doucement la tête avant de développer. « La résistance viendrait naturellement. Ma grand-mère possède le même don que toi et toute ma famille est protégée contre les intrusions mentales. Je ne pourrais pas te laisser entrer, même si j’en avais eu l’envie. » Elle détourne légèrement le regard, observant du coin de l’œil les cicatrices qui barre la main du sorcier. « Quand bien même, malgré tout le respect que j’ai pour toi, je préférerais que tu n’essaies pas. » Elle enduit ses mots du verni de vérité qui transpire de sa dernière phrase. Elle a du respect pour lui, beaucoup. Il est jeune et déjà si accompli. Mais personne, personne, n’aura jamais l’autorisation de s’introduire dans sa tête. Son dernier rempart, le dernier endroit où elle peut être elle-même. Elle préfère encore qu’il la descende ici, plutôt que de lui laisser le droit d’accéder à cette forteresse qu’elle protège depuis trop longtemps.
@made by ice and fire.
Eoghan Underwood
ADMIN ۰ Se faire péter la vitrine : bien plus qu'un métier, une passion. Featuring : Dramaking
⛤ SMALLTOWN BOY ⛤
"This is not the right way."
En un mot : Sorcier venimeux ondulé de la toiture. Gosse du bayou.
Qui es-tu ? :
"Let it spread like a disease."
⛤ Maître des arcanes, sorcier à l'essence écarlate. 37 ans de vice (et râles) et de chair corrompue. Manipulateur d'hormones, télépathe patenté.
⛤ Second, bras droit de Circé van derr Ven dans la secte de l'Irae. S'y démarque pour sa loyauté ciselée par les griffes de Morgan Leroy (missing). Mais les failles perlent.
⛤ Incube de Louisiane ; fils de ces terres marécageuses, du bayou poisseux et des routes cahoteuses. Né à Bâton-Rouge, n'a connu que Shreveport et les frontières de son État.
⛤ Né seul homme dans la famille des sorcières irlandaises Mulligan. Privé de père (tué) par la harpie noire : élevé par Sylia Mulligan, descendant du Rouge de sa grand-mère Julianna.
⛤ Cauchemar des femmes ; nourrit sa magie (Rougeoyante) des hormones sexuelles de ses partenaires, ainsi que des émotions primaires.
⛤ Traître à ses passions, criminel et meurtrier de Johanna Andros (missing). Pourfendeur d'amitiés, éternel débiteur, clébard soumis à ses attaches.
⛤ Ne vit que pour les Mardi-Gras de New Orleans ; caresse le rêve de s'y installer un jour dans son propre "shotgun", malgré le fantôme de Katrina.
⛤ Mystique, déchiré entre deux hommes : partagé entre le sorcier et l'humain, entre la sagesse et une ire destructrice. Le latin s'efface sans mal sous l'accent du Sud, coriace sous sa langue.
⛤ Commerçant du Downtown (Crawling life), antre de ses serpents vénérés, lézards et autres reptiles, dont il cède les corps, les soins et les cages de verre.
⛤ Pratique à l'arrière de sa boutique, dans un laboratoire farouchement défendu et protégé par les runes. Recèle secrets et savoirs, expérimentations douteuses et dangereuses.
⛤ Mauvais mentor. L'une de ses apprenties en a subi les conséquences. Guide de Morgane Wuntherson et d'Halina Meyer. Meilleur ami indigne de Vinzent Henkermann et cousin de Shannon Mulligan.
⛤ Pacte tissé avec Scox : Prince démon s'étant dissimulé derrière les brumes de Baal. Immortalité odieusement acquise, âme vouée à obéir et marcher aux côtés des Antiques. 38 ans d'âge réel ; 36 ans d'apparence.
⛤ ENAE VOLARE MEZZO ⛤
"I put a spell on you."
Facultés : ⛤ La Rougeoyante s'infiltre dans les corps et y bouleverse les hormones ; flèche apollonide : distille poison, fléau, mort, mais aussi fièvre rouge saphique. Chaos total.
⛤ Télépathe raisonnable : ne s'infiltre de préférence que dans les esprits des humains misérables. Capable de communiquer en pensée avec quiconque lui ouvre les grilles de son esprit. Savant fou ; capable désormais de connecter sa psyché aux êtres muets, cobras et crotales comme cobayes, corbeaux et autres créatures rampantes.
⛤ Herboriste né, sa maîtrise des potions n'a d'égale que celle de son mentor maternel. Capable d'élaborer des philtres complexes ; créateur infatigable de breuvages en tous genres.
⛤ La Rougeoyante se défend et protège son hôte plus férocement qu'elle n'attaque : limitée par la nécessité d'un contact physique. Sorcier doué au corps-à-corps, secondé par son aisance au maniement d'athamés et autres lames rituelles.
⛤ Chercheur d'artefacts, quémandé des Longue-Vies : détisseur de leurs malédictions et autres mauvais sorts.
Thème : The Way ⛤ Zack Hemsey.
⛤ VENGEANCE ⛤
"Before I die alone."
Pseudo : Nero
Célébrité : Ian Somerhalder.
Double compte : Sanford R. De Castro, Aliénor Bellovaque, Ian C. Calloway & Gautièr Montignac.
Il ne pourrait s’aventurer plus loin. Aller au-delà, c’était prendre le risque de franchir un Rubicon aux eaux tourbeuses. Or, ce n’était pas lui qui tenait la barre. Toute la difficulté résidait en la marge de manœuvre que lui accordait Circé. Tantôt épaisse, tantôt poreuse, il aurait eu tôt fait d’effectuer le pas de trop, celui capable de mettre en péril la relation de confiance entre lui et leur prédicatrice. Et puis, comme il le lui avait dit… il ne souhaitait pas faire d’Elian son ennemie. La crisper, la braquer, était la dernière chose intelligente à faire. Il resta donc là un moment, à la sonder du regard, résistant à l’envie d’aller creuser d’un peu plus près la fosse increvable visiblement cernée de défenses mentales acérées. Balancé entre le désir ardent de la croire et celui de mettre à l’épreuve cette solidité affichée, il ne pouvait nier que la dignité de cette femme au passé douloureux l’impressionnait. Son statut social transparaissait avec une évidence stupéfiante, et en dépit de la hiérarchie stricte et codifiée régissant la conduite des membres de l’Irae, il ne se sentit rien de moins que parfaitement réduit à l’état de prolétaire, face à cette grande dame toute de force drapée. Elle n’avait pas plus d’un an d’écart avec lui, et pourtant, elle portait sur ses frêles épaules toute son ascendance faites d’aïeules infiniment plus respectables que les siennes. Il pouvait le sentir. Plus que le contenu de ses paroles, cette sensation tenace fut probablement la cause de l’infime relâchement, dans la posture du sorcier. Puis, sa paume l’abandonna, lui rendant une liberté dont il ne l’avait jamais réellement privée.
Il ne répondit que par un silence touffu, rendant une fois de plus la part belle aux sons du North. La fenêtre toujours entrouverte attira son regard, laissant tout le loisir à sa consoeur de constater la ligne de sa mâchoire, peut-être plus contractée qu’à l’ordinaire. « Je ne le ferai pas. Pas aujourd’hui. Parce que Circé ne me l’a pas demandé. Et parce que j’ai envie de te croire, malgré tout. » Malgré cette petite mélodie désagréable, ce il ne savait quoi cherchant à tirer sa manche pour pointer du doigt ce qui lui semblait maladroit, dans le récit de l’héritière Reed. Malgré cet anicroche qui ne lâchait pas son crâne, et qu’il espérait passager. Il n’avait pas souvent eu le déplaisir de lutter contre ce qui ressemblait à l’embryon d’une migraine inédite, à l’orientation de pensées fuyant rageusement l’un des hémisphères de son cerveau contrarié. Pourtant, il ne lui semblait pas avoir utilisé son don, récemment. Rien ne justifiait ce petit crissement de conscience, et l’arcaniste eut finalement tôt fait de l’attribuer à une fatigue parfaitement logique.
« Cependant, peut-être qu’un jour, elle me demandera de le faire. Et je ne lui désobéirai pas. » Lorsqu’il la regarda de nouveau, il n’y avait plus vraiment d’hostilité visible, nageant dans les cercles pâles. Pourtant, il se sentit obligé de préciser, honnête : « Ne crois pas que tes dons ou les traditions de ta famille te protégeront d’une Inquisition ordonnée par les nôtres. Je te déconseille donc fortement de t’y opposer consciemment, pour le jour où nous n’aurons pas d’autre choix. » Il appuya ses mots d’un hochement de tête implicite. Ne m’oblige pas à faire ça. Il n’y avait rien de pire que de lutter contre un autre Éveillé pour chercher à piller vérités et mensonges. Son affrontement mental avec Quinn avait été d’une horreur sans nom, et même encore aujourd’hui il lui arrivait de trembler en songeant aux conséquences, s’il n’avait pas su la déstabiliser. Il décida de clore le sujet, jusqu’à nouvel ordre. Il recula, laissant Elian retrouver une sphère intime plus vaste, plus confortable, et passa une main dans ses cheveux sombres pour reconnecter ses intentions initiales à l’après-midi continuant de s’étirer. « Bien. Attends-toi à ta prochaine intronisation aux alentours de février. Je n’ai pas… vraiment de recommandations à te donner, si ce n’est te conseiller de te préparer, corps et âme. » Elle n’aurait rien, pour se prémunir du choc. On ne pouvait pas expliquer ces choses-là. On ne pouvait qu’espérer rester suffisamment compact pour ne pas s’effriter prématurément. Pour ne pas perdre le nord.
« Nephtys dirigera la cérémonie, comme toujours. Je n’aurai pas un rôle particulier, pour ma part. Je suis chargé de ta préparation, en amont. Alors… Si tu as une question, si quelque chose te taraude, ou si tu as simplement besoin de quoi que ce soit… Je te conseille de t’adresser à moi en priorité. » Il fouilla dans sa mémoire, à la recherche d’une attention capable d’aider la sorcière, mais rien ne vint. Alors, un pincement au cœur et la mine défaite – ne pouvant cacher une partie de son désarroi –, il dut se résoudre à conclure, d’une voix plus grave : « Tu es libre de partir, si tu n’as plus rien à ajouter. »
Elle l’observe avec un calme apparent dont elle est fière. Intérieurement, la panique menace de l’engloutir toute entière. S’il décide de pénétrer son esprit, malgré sa demande de ne pas le faire, elle sait que cette vieille bicoque sera son tombeau. Elle sait qu’Eoghan n’hésitera pas avant de mettre fin à ses jours. Peut-être aura-t-il des remords, peut-être regrettera-t-il plus tard d’avoir mis fin à la vie d’une éveillée porteuse du rouge comme lui. Mais sa fidélité à l’Irae, sa conscience professionnelle est trop grande pour arrêter sa main. Le temps semble s’étirer entre eux, s’écoulant comme du miel sur les secondes qui s’étalent et semblent prendre la forme de minutes, d’heures, avant que la raideur de sa posture ne se détende. Ce n’est pas grand-chose, mais Elian reprend son souffle en silence quand la courbe des épaules du sorcier s’apaise légèrement et qu’il détourne enfin la tête, le céruléen de ses yeux quittant le sien. D’un rapide coup de langue, elle humidifie ses lèvres, sèches d’avoir eu le souffle court trop longtemps. Sa paume relâche son bras et le bourdonnement de sa proximité s’évapore. Son regard s’arrête sur lui, ne quittant pas sa mâchoire qui se contracte de façon répétée, les muscles mandibulaires crispant ses molaires les unes contre les autres. Si elle avait été un peu plus près, elle aurait sûrement pu entendre ses dents crisser légèrement sous la pression, le geignement de l’émail maltraité.
Elle redresse le dos, tendant l’échine et tire légèrement sur là-bas de sa blouse pour effacer les quelques plis qui s’attardent sur le tissu soyeux avant que ses paumes ne viennent effleurer ses cuisses. Elle donnerait presque l’impression de lisser ceux de son pantalon, mais elle se contente d’essuyer ses paumes trempées d’une sueur froide sur le tissu. Elle lutte Elian, lutte contre la nausée et la migraine qui menace de l’engloutir quand la voix du sorcier la tire de ses pensées. Elle croise son regard une fois de plus, refusant de baisser les yeux et de mettre en péril ce qu’elle vient d’accomplir. Elle a réussi à tenir Eoghan Underwood loin de ses pensées, loin du secret qui pèse telle une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Elle vivra encore quelque temps. Elle hoche la tête, forçant ses lèvres à s’étirer dans un sourire qu’elle espère plein de reconnaissance. Elle aimerait tellement pouvoir lui faire confiance et lui offrir la réciproque. Le poids qui menace de l’étouffer depuis si longtemps pèse si lourd qu’il laisse un coup amer sur sa langue à chacune de ses interactions avec lui. Ce frère de magie, elle aimerait tellement s’en faire un allié, lui expliquer la situation, demander asile et protection, auprès de lui. Mais le moindre faux pas, la moindre erreur et elle finira six pieds sous terre. Elle le sait et elle se morigène intérieurement de ce syndrome de Stockholm étrange qu’elle semble développer pour l’Irae et pour lui plus particulièrement. « J’en ai conscience, et je te remercie de ne pas l’avoir fait. Le jour où je n’aurais pas d’autres choix, soit sûr que je ne te résisterais pas. » Elle sait. Elle sait pertinemment que toute résistance serait vaine contre le sorcier, qu’il pénétrerait les pauvres défenses mentales qu’elle serait capable d’ériger avec la puissance d’un bulldozer, qu’il ne laisserait qu’une vague masse informe de ce qui fait ses pensées et sa psyché, avant de réduire son corps à néant.
Il s’éloigne, juste assez pour qu’elle puisse enfin reprendre pleinement son souffle et elle recule d’un pas également, accentuant davantage la distance entre eux. Sa tête n’est qu’une immense plaie qui pulse au rythme de sa magie, qu’elle rappelle lentement à elle, doucement, pour ne pas éveiller les soupçons. Elle enroule son dos tel une pelote d’Ariane, coinçant les derniers filaments au creux de son corps et pousse un petit soupir de soulagement quand rien de visible ne se produit chez celui qui lui fait face. Son souffle résonne légèrement quand il lui donne la date fatidique, la raison de leur rencontre et elle tord violemment ses doigts dans son dos pour contenir tout autre expression de sa surprise. « Février ? Entendu… J’attendrai qu’on me convoque. » Elle n’ajoute rien, consciente que toute la préparation du monde ne pourra pas la protéger de ce qu’elle devra faire. Sa gorge se referme lentement, l’empêchant de déglutir confortablement quand l’image d’Amy lui apparaît. Ses longues mèches châtain et ses sourires vifs. Elle souffle lentement pour se recentrer, hochant la tête pour exprimer sa compréhension, incapable d’ajouter le moindre mot. Elle perçoit chez lui la souffrance pas encore complètement guérie qui lui a été infligée et que ravive la discussion. Elle résiste à l’élan qui lui donne envie de serrer sa paume autour de l’avant-bras du sorcier. Pourquoi faire ? Lui offrir un soutien silencieux dont il n’a probablement pas besoin ? Elle roule intérieurement des yeux et hoche une nouvelle fois la tête et sa voix est humide quand elle répond. « Je n’hésiterai pas, j’ai ton numéro de toute façon. » Elle tente un nouveau sourire qui, elle le sait, sonne faux sur ses traits avant de secouer doucement la tête devant le désarroi qui se lit sur les traits du sorcier. Elle est surprise de le voir aussi touché par ce qu’elle devra vivre, il y a une forme d’empathie surprenante chez lui, quelle avait déjà perçu lorsqu’il travaillait avec Morgane, un petit quelque chose de tendre au cœur de celui qui se donnait constamment des airs de dur à cuire. Elle hausse une épaule, glisse une mèche échappée de son chignon derrière son oreille et ajoute. « Non, je pense que c’est bon. Merci pour ton… Soutien. » Elle s’approche de la porte, qu’elle entrouvre d’une main légèrement tremblante avant de se tourner légèrement vers lui. « Au revoir, Eoghan.»
Elle s’engouffre dans l’ouverture, glissant silencieusement dans le couloir avant de descendre les escaliers aussi silencieusement que possible. Le claquement de la porte du 10, Albany Road résonne avec violence derrière elle et elle s’empresse de rejoindre l’habitacle de sa voiture, démarrant le moteur silencieux et s’évadant en marche arrière. Elle n’a pas fait deux kilomètres, qu’elle s’arrête sur le bord de la route et ouvre la portière en catastrophe. Elle déverse le contenu de son estomac sur le bitume, le corps secoué de spasmes, sa gorge laissant échapper des sanglots d’animal blessé. Elle laisse sa tête retomber contre l’appui-tête en silence, les larmes roulant librement sur ses joues, pour tout ce qu’elle a perdu et perdra encore par amour pour un homme à l’orgueil démesuré.