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A Night to Remember | Heidi & Elinor

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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

Pseudo : Carm'
Célébrité : Lily Sullivan
Double compte : Alexandra Zimmer & Inna Archos
Messages : 739
Date d'inscription : 30/08/2019
Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Lun 24 Mai - 23:38 (#)



Les hauts réverbères aux bras arachnéens défilaient derrière les vitres teintées de la Jaguar, inondant par intermittence l’habitacle d’une lumière crue, qui dévoilait alors les formes douces du tableau de bord, d’un luxueux bois sombre. Les lueurs des commandes brillaient doucement dans ce clair-obscur intimiste, exhalant des senteurs de plastique neuf, et leurs lucioles colorées se reflétaient alors sur les traits indéchiffrables de la conductrice. Au-delà du halo blafard des phares, la route parsemée de crevasses serpentait entre les immeubles croulants de Stoner Hill, qui renvoyaient le vrombissement bas de l’imposant moteur, dont la puissance contenue s’alliait mal aux rues étroites, où dormaient des pick-up délabrés, et d’autres véhicules encore plus bas de gamme, à demi dévorés par la rouille. De temps à autre, des résidus de poubelles voletaient dans l’air empoissé par la misère, cartons de pizzas bon marché, sacs en plastique sales, ou morceaux d’emballages divers, autant de symboles de ce quartier crasseux qui se découpaient dans l’obscurité comme des simulacres de drapeaux absurdes.
Stoner Hill vous accueillait ainsi, avec ses ordures à ciel ouvert, ses senteurs de benne à ordures, et ses dealers qui regardaient la Jaguar traverser leur univers de pauvreté, avec des regards envieux. Au bord des trottoirs encombrés de mégots, des prostituées roulaient lascivement des hanches, tandis que des fumées cancérigènes s’échappaient de leurs lèvres saturées de couleurs exubérantes. À côté, une ribambelle de voyous miséreux s’avançait pour admirer la voiture de luxe, et les néons criards des enseignes miteuses, de verts, de bleus et de rouges, teintaient leurs traits faméliques de nuances maladives. Quelques rares habitants se hâtaient de traverser les ruelles les plus dangereuses, des silhouettes tremblantes et éphémères qui se découpaient à contre-jour des vitrines sordides, et s’évanouissaient derrière des portes tordues, vers un avenir misérable.

Dans ce décor aux accents macabres, les contours fuselés de la Jaguar, dont la carrosserie d’un bleu sombre jetait des reflets irisés dans l’obscurité poisseuse, apparaissait comme un joyau perdu dans un amoncellement de fientes. Cela incitait d’autant plus Elinor à maintenir une allure soutenue. Le compteur de bord affichait ainsi rarement une vitesse inférieure à soixante-dix. Derrière les vitres lustrées, les lumières iridescentes des bouges et des coupe-gorges devenaient de vagues trainées multicolores, et des rares voitures qu’elles croisaient, ne subsistait que les bruits souffreteux de moteurs fatigués. Fort heureusement, à vingt-et-une heures bien entamées, les avenues de Stoner Hill apparaissaient désertes, et les intersections s’ouvraient vers une obscurité vide de toute circulation.
Elinor adressa un regard rapide vers son calice, alors assise à ses côtés, dans le fauteuil de cuir noir, dont le reflet noir brillant faisait agréablement ressortir sa chevelure blonde. La vampire détourna finalement les yeux, comme elle l’avait maint fois durant leur trajet. Celle-ci s’était en effet montrée d’un mutisme presque total depuis leur départ, devant l’immeuble d’Heidi, aussi bien sur leur destination, que sur la raison de sa venue dans ce quartier qui jurait radicalement avec ses fréquentations, et ses habitudes. Chaque croisement de Stoner Hill semblait dissimuler une bande de loqueteux armés qui, s’ils n’en voulaient pas forcément à sa personne, n’auraient aucun scrupule à désosser sa belle Jaguar.
Après trois semaines éprouvantes, composées de recherches intensives, et d’éliminations de nuisibles anti-vampires, une bande de voleurs ordinaires était bien la dernière chose qu’elle désirait voir apparaitre devant son pare-brise flambant neuf. Trois semaines de vengeance intensive, où elle avait réveillé l’ensemble de son réseau de contacts, et renforcé plus que jamais les mesures de sécurité autour de sa personne. La Jaguar était le résultat criant de cette prudence accrue. Avec sa carrosserie blindée, bien plus épaisse que la défunte Mercedes, son châssis renforcé, et ses caches d’armes supplémentaires, l’engin avait atteint une masse à la limite de la légalité.

« Heidi. »

La voix d’Elinor résonna dans l’habitacle au moment où le GPS intégré indiquait enfin leur arrivée imminente. Elle descellera quelque peu, laissant le sourd ronronnement du moteur bercer le silence installé entre elles.

« J’ai quelques explications à te confier avant cette soirée. Des consignes, plus exactement. »

Loin au-devant de la carrosserie immaculée, les silhouettes géométriques d’immeubles industriels se découpaient devant le ciel nocturne saturé de lueurs artificielles. Des bennes à ordures s’étaient accumulées tout au long des trottoirs, dans lesquelles pourrissaient des cartons et des emballages de mobilier de mauvaise qualité. Sur l’écran du GPS, une flèche rouge indiquait le croisement d’une ruelle, qui correspondait alors, au détour d’une avenue, à un bâtiment de deux étages, un peu moins miteux que la moyenne, et dont l’enseigne surdimensionnée indiquait un vendeur de meubles.

« Et non, ce n’est pas pour t’infantiliser. » ponctua-t-elle rapidement.

Elinor fit entrer la Jaguar dans le parking entièrement vide du magasin, et emprunta sans hésiter le passage destiné aux livraisons, lequel contournait le bâtiment pour rejoindre l’entrée d’un parking souterain privé. Elle récupéra dans un creux de sa portière une minuscule télécommande à trois boutons, qu’elle utilisa aussitôt pour ouvrir l’imposant portail électrique. La Jaguar descendit avec aisance la légère pente conduisant à l’intérieur, ses pneus crissant sur le sol immaculé et éclairé par une série de néons blancs, tandis que son moteur résonnait avec force dans cet espace quasiment vide d’autres voitures. Çà et là, stationnaient d’autres véhicules, imposantes cylindrées et fourgons noirs anonymes, qui produisaient un contraste criant face à la misère régnant au-dehors.
Les murs nus n’affichaient cependant aucune indication précise quant à l’usage de cet endroit, sinon quelques flèches indicatives, et des places numérotées par une peinture jaune, à l’aspect neuf. Des escaliers pour piétons semblaient conduire à un niveau supérieur, quand le parking ne comportait qu’un rez-de-chaussée, au sol manifestement bien entretenu. Elinor tourna à l’angle d’un pilier de béton, et rangea aussitôt la Jaguar sur la place numéro quinze. Elle coupa tout contact, et se tourna vers sa passagère, avec accroché à ses lèvres, ce sourire sibyllin qui désertait rarement ses traits.

« Bien. Je me doute que le choix du quartier doit te paraitre étrange de ma part, mais s’il te semble mal famé, l’endroit où nous allons est autrement plus dangereux. D’où la nécessité de bien écouter mes directives ce soir. »

Et non comme lors d’une nuit précédente, pensa-t-elle, préférant ravaler cette remarque blessante. Ajouter la réprimande au choc de la nuit d’Octobre dernier, ce mois semblait décidément bel et bien maudit à ses yeux, n’aurait rien apporté de positif. Elle s’installa confortablement au fond de son siège de manière à capter le regard d’Heidi, et l’absence de veilleuses dans l’habitacle de la voiture, contribuait à créer une atmosphère presque intime entre elles.

« Nous allons dans une sorte de… » Elle fit une moue songeuse, en cherchant un mot adéquat pour résumer l’endroit. « Une sorte de bar. À mi-chemin entre le tripot de luxe, et un cabaret douteux pour des êtres surnaturels. Je veux que tu constates par toi-même ce qu’est réellement le monde surnaturel, et que nous discutions de ce que cela représente pour toi. »

Durant un bref instant, l’immortelle se remémora les diverses raisons qui avaient animé sa décision d’emmener Heidi au Titty Twister. Dans des circonstances normales, elle aurait simplement pris le temps de décortiquer le comportement d’Heidi, de la laisser s’ouvrir, et d’évaluer son potentiel en toute sérénité. Toutefois, le mois précédent avait laissé ses marques, et ce calice masquait encore des mécanismes qui, au-delà de la difficulté à contrôler ses crises d'adolescente, dépassait ses premiers calculs.

« Je vais tenter de ne pas dramatiser, mais crois-moi, c’est pour ton bien, alors écoute-moi bien. Tu devras suivre mes directives à la lettre. » commença-t-elle.

Elle avait besoin de la confronter au surnaturel, le plus brut qui soit. De lui mettre sous les yeux, ce qui est existait de pire en matière de monde souterrain. Un test aussi brutal que dangereux, mais qui aurait le mérite de mettre au jour ou non, la réalité qui se dissimulait derrière ses mèches blondes. La survie d’Heidi à cette nuit aux portes de l’enfer serait sans aucun doute, une expérience fascinante, Elinor n’en doutait aucunement, et éprouvait même une certaine impatience à l’y observer.

« Une fois à l’intérieur, nous serons dans un tout autre monde. Tu seras sûrement la seule humaine de l’établissement, et tu n’auras aucun droit, car les lois américaines ne s’appliquent pas. De fait, tu ne prendras aucune initiative sans m’en parler, tu resteras polie si l’on te parle, et tu ne provoqueras personne. »

L’immortelle marqua un temps d’arrêt, comme pour ajouter un poids supplémentaire à ses paroles.

« Enfin, si jamais je suis obligée de te tenir par la main, ne proteste pas. Et surtout, surtout, ne t’éloigne jamais de moi. C’est très important, il en va de ta vie, d’accord ? As-tu des questions ? Si tu veux encore changer d'avis, c'est le moment. »

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Anonymous
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Mar 25 Mai - 22:27 (#)



A Night to Remember
Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



L
’habitacle de la voiture est plongé dans l’obscurité et le silence, comme si personne ne voulait souiller de sa voix ou de son image le cuir et le bois flambant neuf de l’intérieur luxueux du nouveau carrosse d’Elinor. L’odeur du neuf flotte et inonde ton nez comme un rappel supplémentaire que tu n’appartiens pas au même monde qu’elle, même sans mentionner sa nature surnaturelle.
Murée dans un mutisme imitant le sien, tes yeux se perdent dans le vague. Dans un réflexe à peine conscient, les doigts d’une de tes mains battent la mesure inaudible et à peine irrégulière de la lumière des lampadaires qui t’éblouit sans même que tu luttes autrement qu’en plissant périodiquement les yeux. A ces rythmes chaotiquement syncopés se joint le ronronnement grave du moteur qui t’enveloppe dans un cocon de torpeur presque rassurant, peut-être même réconfortant. Tu avais eu la même sensation de confort, de bien-être tout relatif que tu as seulement eu envie de cueillir sans poser de question, juste avant l’incident dans les usines. Est-ce que tu as peur qu’une telle chose se reproduise ? Pas vraiment. Tu places une confiance sans faille en la conductrice. Ce que tu trouves de plus surnaturel chez elle, c’est à quel point elle semble intouchable. A quel point il t’est impossible de l’imaginer courir le moindre péril. Cette aura ne vous a pas empêchées de vous faire attaquer cette nuit-là, mais le fait que tu sois toujours en vie et en bonne santé n’a fait que renforcer le mysticisme qui entoure son reflet dans tes yeux de jade.

Les minutes continuent à défiler au rythme de l’éclairage urbain nocturne, et tu n’as toujours aucun indice sur votre destination. Après toutes ces années passées à écumer plus ou moins sobre les rues de la ville, tu as fini par trouver une connaissance humble de ses différents quartiers ; de ceux qu’on peut fréquenter et de ceux qu’il vaut mieux éviter. L’endroit vers lequel vous vous dirigez fait partie de ces derniers. Tu le sais parce que tu y as passé les premières années de ta vie d’adulte. Malgré la vitesse de la voiture, tu reconnais quelques-uns des coins devant lesquels vous passez. Des bouges minables dans lesquels tu as fait la plonge quelques semaines pour un salaire de misère même pas déclaré, à peine assez pour mettre de côté après avoir rempli ton ventre de toutes les saloperies sucrées auxquelles tu n’avais pas le droit étant petite. A chaque virage que vous prenez à l’angle d’une rue que tu as arpentée des dizaines et des dizaines de fois, tes yeux se perdent un peu plus dans le flou, peut-être pour éviter à ton esprit de voir avec précision la misère que tu as côtoyé sans vouloir l’assumer.
Quel est le but de cette virée ? Même pour aller dans les beaux quartiers en évitant le centre-ville ou les axes trop encombrés, ça n’est pas la bonne direction. Un instant, tu portes ton regard sur la carte du tableau de bord, mais l’adresse de la destination ne fait sonner aucune cloche dans ta mémoire. Plus étrange encore, la durée estimée du trajet est trop courte pour sortir des bas quartiers en continuant dans cette direction.

A l’intérieur du cocon bercé par les vibrations du moteur, les questions commençaient à se faire nombreuses et surtout angoissantes. Ta marraine n’a pas l’air en colère, mais tu ne peux pas t’empêcher, toi, de toujours te sentir mal en te remémorant la nuit de l’attaque. Tu es en colère contre toi-même, évidemment. Après ton coup d’éclat sur le chasseur qui aura fini en martyr, tu t’es toi-même sabotée en cédant à la nervosité et tes pulsions nées de la sombre mare d’insécurités qui repose sagement au fond de ton esprit névrosé en attendant avec toute la patience du monde le moment opportun pour noyer tes bonnes intentions dans un épais goudron violâtre. Tu rêvais qu’elle te félicite. Tu te serais damnée pour ça.

Enfin, ton prénom résonne dans l’habitacle, suivi d’une sorte de préambule. Sont-ce tes oreilles qui écoutent, ou bien ton cœur ? On ne prononce pas si souvent que ça ton nom, au final, et sans savoir exactement l’effet que ça te fait de l’entendre, tu peux jurer que ça te fait quelque chose de spécial. Une sorte d’élan au beau milieu de la poitrine, indescriptible, teinté de nuances d’une palette qui n’existe qu’à tes yeux.
Tu n’allais pas faire de remarque ; en vérité tu es trop accaparée par les quelques bribes qu’elle promet de te dévoiler pour trouver le moindre mot à lui rétorquer. Tu ne remarques qu’à peine le changement de décor ; après tout, tu lui fais aveuglément confiance. A tort ou à raison, ça tu t’en fiches. Un sourire discret et fatigué ourle tes lèvres un instant en entendant l’immortelle parler de ces rues qui t’ont vu te débattre incessamment pendant de longues années. Tu les détestes. Non pas pas parce qu’elles sont dangereuses, non, mais parce qu’elles ont emprisonné dans la noirceur de leurs murs des souvenirs dont aujourd’hui tu as honte.

Dans quel endroit peut-elle t’emmener, alors ? Et pourquoi ? Comme si elle avait entendu tes pensées, ces questions trouvent enfin leurs réponses.
Le monde du surnaturel, cette fenêtre ouverte sur un monde nouveau lorsque celui des humains te tournais plus que jamais le dos. Tu te souviens très bien du jour de la révélation, et la sensation d’être une étrangère n’a jamais été aussi agréable, puisque tu t’es dès lors imaginée appartenir à ce monde dont ton esprit d’adolescente en quête d’identité avait imaginé toujours plus de promesses. Tu as fini par te résigner à cette condition de simple humaine que l’immortelle te rappelle, mais quelque part en toi subsiste l’espoir sans doute stupide d’y trouver une patrie d’accueil.
Et attendant, tu hoches la tête en tâchant d’imprimer dans ta mémoire les directives que la vampire te donne. Elles soulèvent encore bien des questions, mais tu les gardes pour toi. Cette fois-ci, tu auras droit à des réponses, aussi effrayantes pourront-elle être. L’idée d’enfin voir de tes propres yeux cette société que tu as tant fantasmé te donne presque le vertige. L’idée qu’Elinor veuille que vous parliez de toi, elle, te donne la chair de poule. C’est étrange comme on peut à la fois redouter et attendre certaines choses.

Le cocktail d’émotions et de sentiments qui se bousculent et animent chacun des battements de ton palpitant est inouï. Tu n’avais aucune idée qu’il existait autant d’états d’âme différents. Tu n’avais aucune idée que tu étais toi aussi capable de les ressentir, et encore moins autant à la fois.

« Non, je veux y aller. »

Impossible de cacher dans ta voix un peu enrouée par le mutisme ces quelques brins d’impatience. Tu déglutis. Est-ce que tu as peur ? Peut-être. A vrai dire, tu n’en sais rien. Heidi, est-ce que tu as peur ? Non, tu n’as peur de rien puisque tu n’es pas seule. Il suffit que tu suives ses consignes à la lettre et rien ne pourra t’arriver, pas vrai ? Rester polie, ne pas s’éloigner, ne pas prendre d’initiative.. certes, tu n’as jamais réussi à te comporter de la sorte, mais les circonstances à l’époque où on te demandait encore ça étaient bien différentes.

« Je te jure, je ferai rien de stupide. »

Ton regard cherche le sien dans la pénombre de ce parking désert, comme si tes yeux se faisaient les témoins de ta sincérité.

« Promis. »

Depuis quand tes promesses ont une valeur ? Depuis que tu les formules avec une voix feutrée sur le siège d’une voiture de luxe ? C’est risible, mais tu n’as pas vraiment mieux à offrir qu’une parole sur laquelle tu es déjà revenue un nombre incalculable de fois.
Tu as des questions, bien entendu, encore et toujours, mais elles peuvent attendre que vous soyez sorties de la voiture. C’est assez ironique qu’en fait, elle-même n’a pas la réponse à la question la plus importante de la soirée : vas-tu réussir à être sincère jusqu’au bout ?

Tu ajustes ton écharpe de jais, assortie au reste de ta tenue, pour que tes cheveux s’y ordonnent sagement. Tu te tiens prête à sortir de cette zone de confort artificiel où virtuellement rien ne peut vous arriver.

CODAGE PAR JFB / Contry.
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Elinor V. Lanuit
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- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
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Lun 31 Mai - 23:45 (#)



« Très bien, » déclara finalement l’immortelle, au terme d’interminables secondes de silence scrutateur.

L’accord venait donc d’être scellé. Elinor adressa un dernier regard vers Heidi, aussi indéchiffrable qu’à l’accoutumée, et retira finalement les clés du contact, comme un ultime point final à la conversation. Les reflets des néons aveuglants douchèrent son visage d’une lumière crue quand elle ouvrit la portière, et redressa souplement sa silhouette féline, enrobée dans une tenue étrangement sobre. Une veste d’un noir uniforme, dont les contours démontraient une marque de luxe, et un pantalon taille haute, d’un bleu sombre, rehaussait son élégance d’une touche de couleur. En se levant ainsi, elle emporta à son poignet un ample sac à main au cuir brillant, dont la boucle argentée vint coiffer son épaule, et fit jouer dans le creux de sa paume, les clés étincelantes de la Jaguar.
Dans ce vaste espace presque entièrement désert, le bruit sourd des portières résonna lugubrement entre les murs lisses, et son écho se diffusa dans les piliers de béton, qui répercutèrent le son comme le cri funeste du glas. Une manière de clôturer une relation qui ne serait plus jamais la même. Au-delà de l’habitacle confortable de la Jaguar, à quelques rues de là seulement, les vociférations et les vices de créatures monstrueuses les attendaient, et avec elles, la promesse d’un monde souterrain qui emporterait peut-être Heidi dans son étreinte obscure ; ou bien alors, la recracherait à la manière d’un aliment mâché, décortiqué, et vidé de toute substance.
Elinor enclencha le verrouillage automatique de la Jaguar, et sans perdre une seconde, se dirigea vers la porte de service, laquelle jouxtait l’entrée principale du parking privé, et son imposant portail télécommandé. Au-dehors, une brise froide et nauséabonde remontait depuis les profondeurs sales de Stoner Hill, emportant les odeurs des monceaux d’emballages plastiques et des planches de bois pourrissant. L’air piquant de Novembre les enveloppa toutes deux dans ses miasmes urbains, tandis que Elinor franchissait la sortie du sous-sol, en tenant d’une main le battant, au cas où Heidi aurait changé d’avis à la dernière seconde.

« Nous sommes toutes proches, à seulement quelques rues de là. » précisa-t-elle, comme pour l’encourager de nouveau.

Le trajet fut en effet de courte durée. Entre les ombres rampantes des détritus, et les vapeurs écœurantes qui s’échappaient des bouches d’égout, les ruelles leur offrirent là toute l’essence des quartiers pauvres de Shreveport, avec ces étendues de béton mité, totalement oubliées du rêve américain. Les échos de klaxons résonnaient alors dans le lointain, tout comme des hurlements sporadiques, beaucoup plus proches, qui se fracassaient et rebondissaient entre les briques dévalés des vieux bâtiments. Puis, entre ces rares manifestations de vie humaine, un silence malsain retombait sur les kilomètres de désert économique, les enveloppant dans une poigne asphyxiante, presque inconfortable pour les êtres habitués à l’immuable clameur urbaine, de la foule bruissant et des embouteillages.
En vérifiant de temps à autre la présence d’Heidi dans son dos, Elinor pressa l’allure autant que possible, et les talons de ses jolies bottines résonnèrent entre les ruelles étroites, lesquelles paraissaient de plus en plus encombrées au fur et à mesure de leur progression. De fait, mieux valait passer inaperçu dans ces endroits, ou à tout le moins, il leur fallait atteindre rapidement leur destination. Dans ces venelles sordides, leurs habits convenables juraient avec le décor délabré, faisant d’elles des cibles attrayantes pour le moindre truand voire le premier violeur venu. Pour cette nuit fatidique avec Heidi, l’immortelle avait des plans autrement plus importants qu’une banale altercation avec quelques détrousseurs crasseux. Les affrontements avec les clochards avaient ceci de fâcheux, qu’une face écrasée contre un mur de briques entrainait fatalement la ruine intolérable de votre beau vernis à ongles.

Elinor ralentit finalement l’allure à l’entrée d’une nouvelle ruelle, et adressa un fin sourire à Heidi derrière elle. « Nous y sommes. »

Faiblement éclairée par un vieux réverbère rouillé et à moitié tordu, rien ne différenciait toutefois la venelle d’une autre, ou ne trahissait l’existence d’un quelconque bar clandestin. Des bennes à ordures terminaient de sombrer sous les monceaux de sacs en plastique éventrés, lesquels déversaient leur contenu sous les fenêtres éteintes et indifférentes des immeubles. Seule la silhouette d’un homme appuyé contre le mur sale, juste à côté d’une porte toute aussi commune et mal entretenue que le reste des lieux, se distinguait du labyrinthe de rues et de coupe-gorges de Stoner Hill. Entre ses mains épaisses, il tenait un livre défraichi, usé et plié jusqu’à la corde par les usages répétés, lequel semblait alors concentrer toute son attention. Il n’esquissa aucun geste de surprise lorsque Elinor s’approcha de lui.

« Bonsoir, Eliott. » fit-elle en s’arrêtant à sa hauteur.

L’homme se redressa lentement. Un large sourire jovial se dessina sur son visage, dont les lourdes dreadlocks masquaient en partie les contours, et la lumière ténue jetait une obscurité inquiétante sur ses traits naturellement sombres. Sans lâcher son livre effrité, il adressa un salut poli d’un hochement de tête, et sa voix grave, creusée par un fort accent de la côte Ouest, résonna fortement dans les encoignures des murs, et le pallier étroit de la porte.

« Bonsoir miss Lanuit. Si c’est pas une surprise ça, un bout de temps qu’on vous avait pas vu. »

« Je me fais désirer, tout simplement. »

Le dénommé Eliott éclata d’un rire poli, quoique non dépourvu d’une pointe de sincérité. Son regard pétillant s’attarda brièvement sur la silhouette de la vampire, avant de baisser les yeux vers Heidi, en la scrutant de la tête aux pieds. Celui-ci dépassait alors la polonaise d’une bonne tête. La veste sombre jetée sur ses larges épaules accentuait encore l’aspect massif de sa carrure, et la proximité d’Elinor, qui semblait si menue à ses côtés, offrait un contraste des plus saisissant. L’immortelle ne manifestait toutefois aucune inquiétude. Elle suivit simplement la direction de son regard, en affichant un sourire entendu vers son calice, comme si elle devinait les pensées de l’homme au sujet de la jeune femme.

« Elle est avec moi. » dit-elle, alors même que le vigile s’apprêtait à énoncer une question.

Le sourire d’Eliott s’élargit. Il secoua la tête, les sourcils haussés, comme riant de lui-même à une plaisanterie muette, et le colosse se baissa vers la porte miteuse. Il déverrouilla la serrure à l’aide d’une clé extirpée d’une de ses poches, ouvrit le battant qui grinça sur ses gonds, et s’effaça avec galanterie pour leur laisser le libre passage, sans se départir de son sourire goguenard.

« Toujours des bons goûts, Miss, toujours des bons goûts. » ajouta-t-il en inclinant respectueusement la tête. « Passez une bonne soirée. »

« Merci Eliott. » Elinor se tourna brièvement son calice, et lui sourit, comme une invitation à la suivre.

Sitôt le seuil franchit, l’univers se modifia instantanément. Les talons d’Elinor rencontrèrent la texture meuble d’un sol doux, comme recouvert d’une mousse tendre, qui courait tout au long d’un couloir plongé dans la pénombre, tout juste éclairé par quelques appliques murales. Un air chaud remonta depuis les profondeurs des lieux, leur apportant les senteurs lourdes de l’alcool, de la sueur, des parfums outranciers et de la nourriture riche. Des raies de lumières vives et multicolores filtraient à l’issue du passage, tandis qu’une clameur croissante emplissait l’espace étroit, légèrement assourdie par le revêtement velouté qui recouvrait les parois.
Les immondices de Stoner Hill semblèrent alors n’être qu’un lointain souvenir. Un rideau s’était abattu sur la réalité, les coupant totalement des monticules de misères précédents.

« Mes directives sont valables dès maintenant, n’oublie pas. » déclara Elinor, en se retournant vers son calice. « Si tu as le moindre doute sur la manière de te conduire, elles te seront très utiles. »

Sans cela, ce sera la fin de notre collaboration d’une manière ou d’une autre, songea-t-elle en continuant de traverser le reste du couloir. La fin de ce dernier déboucha alors dans un vaste hall en forme de demi-cercle, dont les murs étaient lourdement décorés de fausses colonnades aux couleurs exubérantes, et d’un volumineux bureau d’accueil, fait d’un bois sombre, qui jouxtait une autre porte faite d’un matériau similaire. Le sol carrelé exhibait des motifs géométriques multicolores, avec au centre de l’œuvre, une créature mythologique aux multiples têtes animales, à la manière d’une mosaïque de la Rome antique. D’autres appliques murales baignaient l’accueil d’une lumière vive, ainsi qu’un lustre excessivement large qui pendait depuis le plafond haut.
Derrière le bureau massif, une hôtesse était assise, et les lueurs vives d’un ordinateur portable teintaient sa chevelure blonde de nuances multicolores. À l’arrivée d’Elinor et d’Heidi, la femme se leva d’un bond, révélant une tenue qui laissait peu de place à l’imagination : un corset noir enveloppait une poitrine plus que généreuse, et des bas en résilles terminaient de mettre en valeur ses longues jambes chaussées de talons hauts. Quant au sommet de son crâne, parmi la masse brillante de mèches blondes, une épaisse paire de cornes d’un gris clair émergeaient du haut de son front, et se recourbaient tout au long de ses tempes, comme celles d’un mouflon.

« Madame Lanuit ! » cria-t-elle, d’une voix moins haut perchée qu’on ne l’aurait imaginé. « Bienvenue ! »

« Bonsoir, Ashley. »

D’une démarche enthousiaste, la concernée émergea de derrière son bureau, et se précipita dans leur direction, un énorme sourire décorant son joli visage. Des yeux rieurs d’un bleu presque translucide décoraient son visage menu, au nez fin, et conféraient à ses traits harmonieux un air innocent. Sur son corset, au niveau du sein gauche, était accrochée une étiquette mentionnant le nom de Ashley, complétant l’ensemble de sa tenue qui lui donnait une allure de véritable fantasme né d’Internet. Quant à ses cornes, si celles-ci auraient pu paraitre fausses de loin, les courbures et les nuances de la peau sur son front indiquaient qu’il n’en était rien.

« Comment allez-vous ?  Oooh, et ça fait si longtemps que vous n’étiez pas venu, vous m’aviez tellement manqué. » commença-t-elle, aussi exubérante que sa tenue le laissait présager. « J’espère que vous allez rester vous amuser plus longtemps que la dernière fois, vous savez ce qu’on dit sur le trop-plein de travail. »

Elinor haussa un sourcil en guise de réponse. « Trop de travail et peu de loisirs, font de Jake un triste sire ? »

« Exactement ! » s’exclama Ashley, avant de s’interroger quelques secondes sur la provenance du proverbe, puis de reprendre la discussion avec toute la sobriété dont elle était capable. « Et vous avez emmené quelqu’un cette fois ! »

Nous y voilà, pensa Elinor avec une pointe d’amusement, une première épreuve. Celle-ci se tourna vers Heidi en même temps que l’hôtesse cornue, quand cette dernière lui offrait un sourire radieux. Ashley joignit alors ses mains sous son menton, pressant en même temps le corset qui semblait éprouver quelques difficultés à contenir ses formes opulentes, et observa Heidi de la tête aux pieds, des étincelles dans les yeux, et la bouche en cœur, comme si elle découvrait une nouvelle peluche à dorloter.

« Quelle adorable chaton ! Comment tu t’appelles mon trésor ? » susurra suavement Ashley, tandis que derrière celle-ci, la vampire observait avec attention les réactions de son calice.

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Mar 1 Juin - 15:07 (#)



A Night to Remember
Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



U
n jour, tu finiras par t’habituer aux silences exagérément longs qu’Elinor se plaît tant à instiller dans ces instants importants d’une conversation. Même en sachant qu’ils ne sont qu’un artifice destiné à faire grimper ta tension de quelques crans, ils font toujours effet. Certes moins que les premières fois, mais tout de même assez pour être relevé. Après tout, n’es-tu pas devenue musicienne parce que tu as une sainte horreur du silence ? Trop peu importe pour ce soir cependant, tu laisses ces quelques bribes de réflexion bien au chaud sur le siège de la voiture avant de t’en extirper agilement en même temps que la conductrice. Il te faut quelques secondes pour habituer tes yeux à la lumière criarde qui donnait au parking des allures de scène de crime potentielle, si tant est que ça ne soit pas déjà le cas.
Toujours les yeux presque clos face aux assauts incessants d’une lumière trop pâle pour être naturelle, tu te laisses guider vers la sortie par le claquement féroce des talons de l’immortelle. Rapidement, tu la rejoins et réponds à sa remarque d’un léger mouvement de tête. Tu es impatiente, voire galvanisée par la promesse d’une soirée comme jamais tu n’en as vécue.

L’ambiance glauque des rues alentour n’a que très peu à envier à celle du parking. Du béton aseptisé au bitume encrassé, difficile de dire lequel était le plus propice à être le théâtre d’un fait divers. Heureusement, la cadence soutenue imposée par la vampire empêchait ton regard, emprunt d’une curiosité seulement justifiée par la présence rassurante d’une marraine aux formidables capacités, de s’éparpiller sur chaque détail morbide du paysage. Par moments, des bruits suspects dans ton dos ou des ombres se déplaçant brièvement aux limites de ton champ de vision te poussent à accélérer encore le pas pour te rapprocher d’Elinor, si bien que tu manques de lui rentrer dedans lorsque enfin, elle ralenti la cadence.
Alors c’est ici ? C’est ce qu’elle semble dire en tous cas. Pendant que tu la suis dans cette ruelle sombre et presque déserte en essayant de mettre de côté les idées sordides qui font tâche sur la confiance immaculée que tu voues à la vampire, tu sondes les lieux du regard à  la recherche d’un quelconque indice sur la nature surnaturelle de cette impasse en particulier ; en vain. A vrai dire, tes chances de trouver un cadavre sont bien plus élevées. Enfin, tu chasses à nouveau ces pensées en arrivant au niveau du « presque » relatif au « désert ».

Les mains rentrées dans les poches de ton manteau long et la moitié inférieure du visage cachée par ton écharpe, tu assistes, un peu en retrait, à la discussion entre miss Lanuit et le dénommé Eliott. Ce type est donc vraisemblablement le videur d’un établissement pour rejetons magiques de la société ? Il a l’air d’un videur normal, à ça près qu’il a l’air tout de même un peu plus détendu et moins imbu de sa position de pouvoir relatif. Il doit pourtant cacher quelque chose d’assez particulier s’il doit être amené à résoudre avec plus ou moins de diplomatie des querelles avec des CESS. C’est sûrement pour cela que la petite voix de la raison que tu passes habituellement ton temps à étouffer t’ordonne de réprimer le moindre commentaire désobligeant qui te viendra à l’esprit, et Dieu sait que ça arrivera.
Eliott te dévisage, et tu n’hésites pas à en faire de même. C’est même toi qui devrait le dévisager le plus ; n’a-t-il jamais vu une humaine ? Toi, tu ne sais même pas ce qu’il est. Enfin, si, il est plus grand et plus robuste que toi, mais ça n’a rien de surnaturel ; c’est seulement une raison de plus de garder ce « tu veux ma photo » pour toi.
Évidemment que tu es avec elle. Personne ne se serait perdu et n’aurait atterri par hasard dans ce coin de la ville, et dans cette ruelle précisément. Il faut une raison pour arriver ici. Ça aussi, tu le gardes pour toi. Au final, tu te contentes de suivre Elinor à l’intérieur en silence lorsque la porte s’ouvre et d’ignorer le sous-entendu appuyé du videur au moment de franchir le seuil. A défaut d’être agréable, au moins tu n’as pas été désagréable ; à moins que le susnommé Eliott ne soit capable de lire dans les pensées, auquel cas il serait assez malhonnête de t’en tenir rigueur, surtout au vu des efforts que tu fais pour garder tes lèvres scellées.

Vous voilà maintenant dans un long corridor dont l’ambiance est aux antipodes de celle de la ruelle dont vous venez de vous extraire. La porte se referme derrière vous dans un fracas métallique sonore et ne laisse plus à ta vue que le long couloir sans fenêtres enrobé de tons cramoisis et semblant hors du temps. La vision qui s’offre à tes yeux, accompagnée du bourdonnement incessant de l’animation nocturne et des relents alcoolisés dansant avec des essences musquées et inconnues, pique ta curiosité au vif. Ça ne ressemble pas vraiment au genre d’endroits que tu avais imaginé Elinor côtoyer de son temps libre ; en tous cas, pas en voyant la décoration de l’appartement que tu visites plusieurs fois par semaine depuis des mois.
Elle te rappelle l’importance de son discours d’il y a quelques minutes et tu hoches une nouvelle fois la tête en guise de réponse. Tu as bien compris que ces règles étaient importantes, et même si tu ne comprends pas encore les enjeux dont elles sont censées te protéger, tu as la ferme intention de les suivre. Le risque n’est pas que tu les oublies, mais plutôt que tu te trouves trop fière pour savoir les suivre.

Tu n’as pas eu l’occasion d’observer le bâtiment dans les détails avant d’entrer, mais tu pourrais jurer que cette galerie est trop longue, et cette impression se voit confirmée par votre arrivée dans cette grande salle à la décoration particulière servant sans doute d’antichambre à la partie la plus animée de l’établissement. Tellement de détails à explorer et si peu de temps pour le faire ; du sol au plafond, l’entièreté de la salle semble irréelle, comme tout droit sortie de l’esprit fantasque d’un écrivain fou. Et au centre, une paire de cornes se relève promptement.
Toujours murée dans le mutisme pour ta propre sécurité, tu observes cette nouvelle scène se dérouler sous tes yeux. Si on te l’avait raconté, tu ne l’aurais pas cru ; une femme en tenue légère et parée d’une paire de corne qui n’a rien d’humaine se précipite sur la vampire pour la saluer comme une vieille amie.
Ton regard s’attarde un peu honteusement sur ce nouveau personnage. Tes joues, partiellement dissimulées derrière ton étoffe, s’empourprent subtilement alors que tu te surprends à admirer ses contours mis en valeur par cet uniforme. Il te rappelle les couvertures des magasines devant lesquels tu t’es surprise à ralentir à l’époque où tu volais dans les magasins. Et puis, ces cornes. Là où d’autres y verraient une abomination ou une erreur de la nature qu’il faudrait à tout prix purifier avec un feu sacré, toi tu y vois une sorte d’élégance et de noblesse qui sublime une silhouette déjà surnaturellement avantageuse. En d’autres termes, tu les trouves vraiment cool.
Là encore, un peu en retrait et les yeux honteusement détourné de ce qu’ils meurent pourtant d’envie de regarder, tu laisses la conversation flotter jusqu’à tes oreilles attentives. Tu arques un sourcil en entendant la britannique répondre à la question d’Ashley, dont tu as d’ailleurs eu une confirmation du nom alors que ton regard défilait totalement au hasard. Et puis, peu après, tu ne peux retenir un léger sourire en coin en entendant que la dernière fois qu’Elinor est venue, elle était seule. Ça ne veut pas dire grand-chose en réalité, mais ça te fait penser un court instant que tu pourrais être un peu spéciale ; c’est une sensation que tu adores et son exceptionnalité en fait toujours un moment à savourer. Mais cette fois pas le temps, on t’adresse la parole.

Adorable chaton ? A peine avais-tu plongé ton regard dans le sien que tu le déportes à nouveau en quête de celui de l’immortelle, non sans une once de détresse. Fatalement, tu regagnes les yeux d’Ashley en même temps qu’elle te demande ton nom. Quelle âge a-t-elle, pour s’adresser à toi comme si tu n’étais qu’une enfant ? Elle n’a pas l’air plus vieille que toi à l’extérieur, c’est assez troublant. Après la Révélation, tu n’as jamais entendu parler de créatures, tu n’aimes vraiment pas ce mot, pourvues de cornes ; tu ne saurais pas dire ce qu’elle est, tout comme l’autre type à l’entrée, et tu brûles d’envie de le savoir. Mais avant même de poser la question à qui que ce soit, il faut d’abord que tu répondes à celle que l’on t’a posée. Évidemment, ton premier réflexe serait de donner celui de ta cousine, comme à ton habitude, au cas où les choses tournent mal, mais après un nouvel appel de détresse teinté de perplexité ignoré par la vampire, tu te souviens que son nom à elle n’est pas un secret pour la mignonne tête cornue. Alors, après t’être raclée la gorge avec retenue, tu réponds enfin, targuée de la légère moue boudeuse qui t’es caractéristique.

« Heidi. »

Ta voix est basse, à peine assez forte pour te faire entendre, mais ne tremble pas. Ça n’est pas tant de la timidité que du doute. La voix de la raison quant à elle, ou en l’occurrence le souvenir de celle d’Elinor résonne dans ton esprit. Sois polie. Très bien, s’il le faut ; tu préfère être polie avec elle plutôt qu’avec le dreadeux à l’entrée.

« Enchantée. »

Heureusement que tu as pensé à découvrir ton visage en parlant, parce que sinon il aurait été impossible de deviner à tes yeux que c’est bien de toi qui est censée l’être. Tu l’es, en un sens, même si tu n’es pas bien sûre d’apprécier les sobriquets dont elle t’affuble ; ou en tous cas, pas encore prête à l’assumer.
Avec tout l’enthousiasme qui semble motiver chacune des ses actions, Ashley émet un petit son aigu en signe d’approbation avant de reprendre la parole, à moitié à l’intention de ta marraine.

« Elle est trop mignonne ! Regardez-moi ça ! »

Non sans te surprendre, tu dois bien l’avouer, l’hôtesse bondit en ta direction pour te pincer une joue avec une tendresse que tu as bien du mal à recevoir sans peine. Perchée sur ses talons, elle atteint facilement la même taille que toi, si ce n’est pas qu’elle te dépasse de quelques centimètres. Immobile, derrière tes yeux étonnés et incrédules, tu replonges dans tes souvenirs pour savoir si quelqu’un un jour t’a déjà fait ça. Enfin, autrement que pour t’humilier ; et il semblerait que la réponse soit négative. Quelques secondes de jeu avec ton visage pour elle, et de crispation pour toi plus tard, elle s’écarte en laissant sur tes joues une teinte rosée qui n’est peut-être pas en totalité du fait de ses pincements.
Finalement, Ashley recule d’un ou deux pas et poursuit son interrogatoire avec un engouement toujours pas dissimulé.

« Du coup, elle te.. c’est ça ? »

Elle adresse un regard complice à la vampire en mimant une paire de crocs avec ses deux index sans arriver à se retenir de rire. Toujours avec dans un coin de ta tête les règles de la soirée, tu hoches la tête en essayant de cacher ta gêne au maximum, sans grande réussite.

« C’est ça. »

Tout à fait satisfaite et encore amusée par son imitation caricaturale, la tête cornue se détourne enfin de toi pour focaliser à nouveau son attention sur l’immortelle qui, tu en es certaine, prend son pied à te regarder te faire manipuler de la sorte.

« Alors, qu’est-ce que toi et ton chaton venez faire ici ce soir ? C’est pas fréquent de voir des spécimens dans son genre dans le coin ! »

Toi qui voulait te sentir spéciale et unique, c’est chose faite, mais est-ce vraiment une si bonne nouvelle ?

CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Mar 8 Juin - 19:04 (#)



Derrière les battants aux contours dorés, les échos féroces et les lumières criardes du Titty Twister résonnaient frénétiquement autour d’elles, comme les battements d’un cœur secret. Le ramdam musical et la clameur d’innombrables voix battaient avec une telle force dans le hall d’accueil, que ses piliers à la mode romaine transmettaient les vibrations dans la mosaïque multicolore décorant le sol. Les vociférations de la débauche couraient dans les veines de la créature mythologique, dans ses minuscules carrés de marbre aux couleurs chatoyantes, et lui donnaient une illusion de vie propre.
Tout dans ce lieu, résonnait d’une exubérance violente et séductrice. Les couleurs décorant les murs se déversaient violemment dans les rétines, quand les formes de l’architecture avaient été choisies avec une malice évidente, pour mettre le visiteur dans un état de choc, à mi-chemin entre un désir furieux, et un doux sentiment d’euphorie dépourvu de culpabilité. Quant aux lumières, elles déversaient leurs nuances tamisées sur les motifs criards, donnant à l’ensemble une impression de confort langoureux, et sur les uniformes suggestifs des employés, une texture délicatement veloutée.
L’endroit lui avait toujours déplu. L’excès constant, tout particulièrement. La sobriété lui convenait davantage, et jadis, Elinor avait réservé ce genre de décor à son Sire, beaucoup plus à l’aise au milieu des vices humains. Il aurait adoré cette Ashley. Elle détourna finalement son attention de la fresque aux contours faussement mouvant, envers laquelle elle s’était découverte un intérêt subit tandis que son calice se débattait avec l’exubérance à cornes. Enthousiaste comme jamais, sautillante et gémissante, Ashley quant à elle, se découvrait une passion nouvelle pour gourmander Heidi, dont l’air embarrassé et suppliant envers sa marraine, manqua d’arracher un rire à celle-ci.

« Ashley, vous êtes décidément beaucoup trop curieuse. Nous allons réserver une table aux balcons pour nous deux, et c’est tout ce que vous aurez besoin de savoir. »

La concernée haussa un sourcil en sa direction, avant de retourner à son occupation première. Ma pauvre Heidi, pensa aussitôt Elinor avec un amusement croissant, et dont elle ne cherchait même plus à dissimuler le sourire narquois. Grâce aux lueurs ténues des appliques murales, elle remarquait aisément les nuances de rouge marbrant les joues d’Heidi, tout comme les endroits précis où son regard était irrésistiblement attiré. À défaut d’être intellectuelle, la conversation avait au moins le mérité d’être amusante, et quelque part, tout aussi instructive vis-à-vis de son calice.

« Oh. » L’hôtesse arbora un air faussement déçue. « Si c’est secret alors. Très bien, mais je dois vous prévenir que ce soir, c’est agité. »

Elinor haussa les épaules. « N’est-ce pas le quotidien ici ? »

« Tout un tas de costauds de la Meute sont arrivés tout à l’heure. Ils fêtent quelque chose. » Ashley revint fixer Heidi en poussant un soupir d’extase. « Han, chaton, tu as de si beaux cheveux, tu devrais les coiffer mieux que ça. Ou les teindre en rouge, ce serait thématique avec ta compagne ! »

Derrière le dos d’Ashley, l’immortelle leva les yeux au ciel, sans montrer la moindre intention de voler au secours de son calice. « Ils sont alcoolisés ? »

« Pas assez pour être dressés, et trop pour être sages. » répondit-elle en triturant les mèches blondes d’Heidi avec un sourire béat.

Elinor scruta les mimiques de la jeune femme d’un air songeur. Si les joues empourprées d’Heidi prêtaient à sourire, l’immortelle avait appris à se méfier des apparences dans ce bouge. Les serveurs, tout comme leurs questions, n’étaient jamais totalement innocents. Ashley, tout comme les autres employés étaient après tout capables d’encadrer les débordements d’êtres brutaux, à la force ou aux pouvoirs surnaturels, et l’hôtesse devait certainement cacher un tout autre jeu derrière ses manières babillardes, et sa séduisante apparence d’ingénue.

« Bon, » fit la vampire en réajustant son sac à main sur son épaule. « Nous irons tout de même au balcon, dès que vous aurez terminé d’embarrasser mon invitée. »

Dissimulée derrière sa brillante chevelure blonde, Ashley fit une moue faussement offusquée, aussitôt suivie par un clin d’œil complice envers Heidi. « Je ne l’embarrasse pas ! Hein, mon chaton ? Elle est si adorable, et si polie, regardez-la ! »

« Et nous sommes deux à être ravies. » compléta Elinor, narquoise.

Ashley répondit d’un gloussement ravi. Manifestement, celle-ci accordait autant d’attention à la notion d’espace privé qu’aux éventuelles protestations d’Heidi, car la plantureuse femme saisit la main de la polonaise sans lui demander son avis, et la tira aussitôt vers la porte du Titty Twister. Elinor lui emboita le pas sans tarder, le même sourire moqueur sur ses lèvres.

« Aller viens mon chou, je vous emmène à votre table. Tu vas voir, ça va être une soirée géniale. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n’auras qu’à m’appeler ! » expliqua-t-elle en ouvrant les portes.

Les doubles battants du Titty Twitter furent poussés, et avec eux, tout un univers se déversa dans des tons éclatants de dorures et de néons tape-à-l’œil, de hurlements de rires et de voix gutturales.

La tanière de tous les vices était immense. Autrement plus vaste que la façade située à Stoner Hill laissait à penser, on était immédiatement saisi de vertige face aux dimensions de l’établissement, qui ne correspondaient en rien à la vue de l’extérieure. Au terme d’une volée de marches, on accédait à la grand salle principale, où avait été agencé des dizaines de tables circulaires, d’un noir lisse, autour desquelles se pressaient une foule hétéroclite de clients. C’était bien peu dire. Des serveurs et des serveuses, arborant parfois plumes, écailles ou divers appendices étranges, en tenues toutes aussi scandaleuses que celle d’Ashley, louvoyaient entre des individus aussi haut en couleurs.
Çà et là, l’œil identifiait des sections de fourrures luisantes, des crocs dépassant des bouches où se déversaient de l’alcool, ou bien des pupilles jaunes, à l’iris fendu. Si des jeux de cartes reposaient sur bon nombre de tables, aucune n’était dépourvue de boissons, et l’on avait même aménagé une sorte de piste de danse au centre, un simple espace dégagé entre les tables où quelques personnes se trémoussaient. Parmi celles-ci, les déhanchés se faisaient louvoyants, aux angles improbables, et soit les danseurs étaient extrêmement éméchés, soit ils avaient de graves problèmes de squelette. Des lumières éclatantes éclairaient particulièrement le centre de la salle, tandis que des recoins plus près des murs demeuraient dans l’ombre, sans que cela ne semble déranger personne.
Au fond de la salle, des escaliers escaladaient le mur de gauche pour atteindre un niveau supérieur, les fameux balcons semblaient-ils, où d’autres clients étaient assis, admirant la vue plongeante sur la scène. Le côté de la salle situé à droite de l’entrée était alors agencé autour d’un décor mêlant des statues à la mode romaine, représentant des humains et des créatures imaginaires, toutes dénudées dans des poses très suggestives. Des rideaux aux dégradés de pourpre alternaient avec des néons aux coloris agressifs, figurant des femmes dans des poses lascives, et des tables plus longues étaient aussi encastrées dans des alcôves, alors plongées dans l’ombre. Quant au côté opposé, une vaste scène s’ouvrait sur des coulisses invisibles, dissimulées derrière des rideaux, où un orchestre de rock, avec batterie, saxophone, piano et guitare électrique, donnait le tempo de la soirée.

« Oh non, ils recommencent. » commenta Ashley en s’arrêtant en haut des marches, sans même lâcher la main d’Heidi.

Elinor suivit la direction de son regard, et assista au clou du spectacle. Un homme venait en effet d’escalader le rebord de la scène, pour s’emparer du micro dans un tonnerre de rugissements enthousiastes. Les lumières crues des projecteurs firent aussitôt remarquer sa pilosité extrêmement développée, qui lui aurait fait penser à une forme Glabro si la vampire avait un jour pris la peine de s’intéresser aux garous, en même temps que son torse nu, sa chevelure en forme de crinière, et son caleçon Calvin Klein. Accompagné par un orchestre manifestement rôdé aux exercices sauvages, et réclamé par les vociférations du public, le garou ivre se lança immédiatement dans une version endiablée de Tutti Frutti, rythmée par des grognements bestiaux et des mouvements de hanches évocateurs, à la Elvis Presley, qui se passaient aisément d’explications.

« Eh bien, c’est charmant. » ajouta Elinor, avec une moue dégoûtée. « Au moins, il chante étonnement juste. »

L’hôtesse aux cornes poussa un soupir. « Oui mais il va sûrement vomir, et… Enfin, disons qu’ils ont beaucoup bu. Allons-y, votre table est plus loin, mais ne le regarde pas de trop près, mon chaton. »

Tenant toujours la main d’Heidi, Ashley lui adressa un nouveau clin d’œil complice, et les entraina au milieu de la fosses aux vices, tandis que ses bas en résilles offraient à celles qui la suivait, une vue pour le moins imprenable sur ses longues jambes, et la naissance de ses fesses. Elinor suivit aussitôt le duo improvisé de près. Quand l’immortelle avait une certaine confiance envers l’hôtesse, du moins en sa capacité à gérer les importuns, elle veillait à rester proche du duo, en évitant de perdre Heidi de vue. Une morsure était vite arrivée dans un tel endroit. Une main sur son sac, Elinor avança sur les talons de son calice, surveillant de temps à autre les autres clients qu’elles croisaient.
Fort heureusement, une majorité de l’audience était alors occupée à hurler en cœur avec l’interprète du titre à succès de Little Richard, malgré quelques œillades lourdement suggestives adressées aux trois femmes. Quelques regards rougis par l’alcool suivirent leur progression avec un intérêt lubrique, et du fond de la salle, un braillard hurla les mots "Ashley, épouse-moi !" ponctués de nombreux rires gras. Une femme aux muscles luisants se leva d’une chaise en les voyant arriver, et se mit siffler la vampire, en jouant des sourcils, avant que le regard glacial de cette dernière ne la force à se rasseoir. Soudain, un homme aux allures de motard barbu des années 80 se détacha d’un groupe, et vint se planter devant Ashley, les mains sur les hanches. Une odeur de fauve émanait littéralement de lui.

« Hey Ash’ ! Où tu vas avec c’te cocotte ? » lâcha-t-il, une bière à la main, et une large tâche de graisse, ou bien de bave sur son débardeur blanc, à moitié caché par un manteau de cuir.

L’immortelle s’avança subtilement aux côtés d’Heidi, mais avant d’avoir eu le temps de s’interposer, Ashley désamorça la situation, avec une délicatesse toute relative.

« Elle est avec madame Lanuit, Hank. Repose ton derrière de macaque sur la chaise, sinon je me charge de ton cas et celui de tes copains, mais pas d’une manière que tu vas apprécier. »

Le dénommé Hank pâlit. Que ce soit la mention des Lanuit, la menace d’Ashley, ou bien des deux en même temps, il hocha mollement la tête, sa moustache en berne, et recula, les mains levées en signe de paix.

« Relax Ash, hein, on plaisantait. Et désolé, m’dame Lanuit, j’voulais pas manquer de respect. »

Elinor hocha seulement la tête, sans lui accorder la moindre commentaire. Elle se détourna royalement du macaque en question, tandis que Ashley continuait d’emporter Heidi, en évitant adroitement les tablées les plus bruyantes. Les invectives grivoises continuaient toutefois de se faire entendre de temps à autre, mais l’hôtesse aux cornes les guidait avec une assurance désarmante, qui décourageait la plupart des tentatives douteuses. Une main anonyme tenta vainement de toucher le postérieur d’Heidi, mais le regard noir de la vampire dissuada l’homme de recommencer. En arrivant au pied de l’escalier, elle repéra brièvement les visages familiers de quelques Dalzell, ce qui ne l’étonna guère, mais le trajet se déroula dans l’ensemble, sans incident majeur supplémentaire.
Les marches en bois sombre de l’escalier se révélaient lentement sous l’éclairage mural tamisé, dont les parois étaient tapissées d’un revêtement couleur sable, à la texture capitonnée. Le trio dépassa une série d’alcôves, de larges espaces en demi-cercle découpés dans les parois, qui abritaient alors des tables volumineuses, entourées de banquettes de cuir confortable. Chacune avait son propre lustre, qui diffusait une lumière un peu plus vive, leur conférant un aspect presque secret, et intime. En tout cas, si l’on était capable de faire abstraction des nombreux braillements bestiaux qui remontaient de la salle en dessous. Une rambarde de bois sculpté de motifs animaux séparait ce niveau de la scène en contrebas, et offrait en même temps une vue imprenable sur celle-ci.

« Voilà, elle est à vous pour la soirée, à moins que vous vouliez changer de table. » déclara Ashley, en s’arrêtant devant l’une des alcôves. « Tiens, installe-toi là mon chaton ! »

À l’aide de nombreuses minauderies, Ashley invita le calice d’Elinor à s’installer sur la banquette, tandis que celle-ci faisait de même en face, posant son sac à main à côté d’elle.

« Merci bien, Ashley. Je commanderai plus tard, si nécessaire. »

« Surtout, amusez-vous ! Je vous aurais bien servi, mais je dois retourner à l’accueil. » Accompagné d’un nouveau gloussement ravi, Ashley se pencha rapidement, et sans prévenir, déposa un bisou sonore sur la joue d’Heidi. « Bonne soirée mon chou, à une autre fois ! »

Tandis que la silhouette ensorcelante d’Ashley s’éloignait dans l’escalier, sous la clameur des rires, des verres, des hurlements et de l’interprétation improvisée qui n’en finissait plus, Elinor se tourna finalement vers son calice. Elle se laissa tomber contre le cuir épais du dossier, en jetant un regard critique sur les alentours, avant de revenir à Heidi, les sourcils haussés en une mimique interrogative.

« Alors ? Quelles sont tes premières impressions ? J’interprète le rouge sur tes joues comme un signe encourageant. » ajouta-t-elle en se coulant confortablement dans la banquette, les jambes croisées sous la table, un air taquin sur ses traits habituellement si froids.

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Jeu 10 Juin - 19:55 (#)



A Night to Remember
Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



A
chaque nouvelle seconde qui passe dans ce vestibule démesuré, ton excitation grimpe un peu plus. A travers les portes à double battants, les basses fréquences de la musique te parviennent et font résonner dans ta poitrine le prélude ronflant à ta nouvelle vision du monde. Lorsque tu auras passé ces portes, tu verras sans doute des choses que tu ne pourras pas oublier et qui élargiront ton regard d’une manière que tu n’es pas encore en mesure d’anticiper. La seule chose que tu sais, c’est que tu as hâte. Tu es impatiente de découvrir à quoi ressemble la réalité d’un monde que tu n’as su que fantasmer jusque là. Tu aimerais aussi que le temps ralentisse sa course effrénée pour pouvoir t’imprégner de l’ambiance si particulière de l’endroit et passer sous ton regard brillant subtilement d’un nouvel éclat le moindre détail de la décoration pour construire dans ta mémoire une reconstitution parfaite de ce moment que tu ne pourras plus jamais revivre.
Assaillie à la fois par un vertige nouveau, né de ta réflexion et les attentions tactiles de l’hôtesse, tu n’accordes qu’une attention relative à la demande d’Elinor. Et pourtant, quelle flatterie que de monopoliser ta marraine pour une soirée ; c’est la première fois que vous sortez toutes les deux à proprement parler et déjà tu chéris ce symbole alors que vous n’êtes même pas encore assises.
La teinte incarnate qui avait conquis tes joues dans une vague de chaleur gênée commence petit à petit à s’atténuer alors que la conversation entre les deux non-humaines se poursuit. Tout en te laissant choyer par Ashley, tu suis la conversation sans y prendre part, ton regard navigant simplement entre les deux femmes à chaque prise de parole. Parsemant quelques phrases, des mots que tu connais mais dont le contexte particulier de la soirée te fait douter du sens. La Meute ? Des chiens, ou peut-être des loups ? Les quelques images que tu as pu voir en ligne n’étaient donc pas truquées ? Oh, pas que tu sois une sceptique notoire, mais tu es bien placée pour savoir qu’une vidéo amateur ne veut rien dire.

Tu ouvres une petite parenthèse mentale lorsque Ashley évoque tes cheveux, en plus de jouer avec sous ton regard mitigé. Tu ne peut t’empêcher de remarquer la coïncidence alors que tu as pris un rendez-vous chez le coiffeur il y a à peine quelques jours, avec l’intention de transformer ta crinière blonde en un autre-chose pas encore défini. Il se pourrait qu’elle t’ait aidée à choisir ; après tout il n’y a qu’à voir sa tenue pour deviner qu’elle a bon goût.
Au final, la gêne qui t’avait gagné à votre rencontre, il y a à peine quelques minutes donc, commence à se muer en une sorte de confort non-assumé, et tu n’es plus prise de l’envie tempétueuse d’agiter les bras erratiquement pour réinstaurer autour de toi un semblant d’espace vital. Peut-être sont-ce les cornes qui te font cet effet là, mais tu commences à faire une exception pour Ashley, et peut-être même à apprécier l’attention qu’elle te porte. Le sourire d’Elinor quant à lui ne trompe pas ; tu aurais pu parier ta vie, elle s’amuse énormément de voir se dérouler sous ses yeux perçants la dynamique extrêmement maladroite d’un batifolage hors-normes en tous point.
Sur ton visage, le masque rigide et froid que tu arbores en quasi-permanence a fini par laisser sa place à une expression plus détendue dont il est rare de te voire parée. Le changement est subtil, essentiellement camouflé par une moue qu’on jurerait indélébile, mais peut-être qu’un sourire sincère finira par fleurir sur tes lèvres ce soir. Il s’en est fallu de peu lorsque l’hôtesse a vanté ta politesse, mais tu as réussi à retenir au dernier moment le rictus de fierté que tu as senti s’inviter sans prévenir. Tu as toujours à cœur ce soir de montrer à la vampire que tu es capable de te maîtriser. Tu ne prends même pas la peine de répondre à la question d’Ashley, préférant ne pas briser ce halo de vertu dans lequel elle venait de t’enrober de ses mots à peine infantilisants. Elle ne sait pas ce que tu as pu faire dans ta vie, toi non plus de manière complètement réciproque, et c’est parfait ainsi.

Tu commences à être fière d’avoir su, certes partiellement, maîtriser la couleur de ta carnation quand Ashley te fait revirer au vermillon en un seul geste. Elle attrape ta main et tu sursautes devant ce nouveau cap franchi vers toujours moins d’intimité. Enfin, tu n’as pas le temps de protester ni de réagir : te voilà entraînée par la serveuse à la chevelure d’or parée de nacre dans le cœur battant du Titty Twister. Les règles d’Elinor se rappellent à toi dans un bref soubresaut de paranoïa, ou de bon sens, notamment celle t’interdisant de t’éloigner de sa personne. Dans ce court instant de détresse, tu te tournes vers ta première accompagnatrice mais, aussi vexant qu’il puisse être, son sourire moqueur te rassure et te permet de t’en remettre à Ashley. Alors, tractée par une couverture de magasine pour adultes en chair et en os et talonnée de près par la personne que tu estimes le plus au monde, tu plonges la tête la première dans ce que l’on t’a exposé comme l’endroit le plus dangereux dans lequel tu aies jamais mis les pieds.

La première chose qui te frappe dans cette grande pièce n’est ni un garou ivre, ni un démon belliqueux, mais bien la densité de la foule. Êtres surnaturels ou humains aussi lambda que toi, ça ne change rien à l’angoisse qui te gagne au moment où vous percez la foule. Tu te rappelles d’une fois, il y a quelques années, où tu n’as pas su la gérer. Tu t’étais échappée aussi vite que tu étais entrée de cette boîte de nuit de seconde zone, mais il s’agit là d’une autre histoire.
Depuis tu as évolué, tu es bien moins misérable qu’à cette époque, et ce soir tu es particulièrement bien entourée. Si tu n’arrives pas à surmonter cette épreuve maintenant, tu n’y arriveras jamais. Alors, tu prends une grande inspiration de cette atmosphère chaude et moite afin de rassembler tout ton courage ; il s’avérera que cette galvanisation est superflue. Bien vite, tu vas jusqu’à oublier le nœud qui te serre le ventre devant la nouveauté mirifique de ce monde décadent et sans tabou. Partout où se porte ton regard hagard, on trouve une créature qui n’a d’humaine au mieux que la silhouette. Ici, un homme avec une longue queue filiforme dépassant de l’arrière de son jean ; là, une serveuse au corps parsemé d’écailles irisées et ostentatoires. Encore ailleurs, tu captes le reflet impertinent de l’éclairage sur quelque paire de crocs parfaitement lustrés. Chacun des êtres dont tu croises le regard serait capable de mettre fin à ta vie avant même qui tu aies pu quémander leur pitié, mais il semble que cette préoccupation ne soit pour l’heure que très secondaire. Presque dissimulés derrière ton écharpe, tes yeux clairs brillent d’un éclat nouveau, toujours entraînée à vive allure par Ashley. Là encore, tu aimerais dilater le temps pour pouvoir observer avec minutie le moindre détail de toutes les anatomies qui capturent ton intérêt. Il se pourrait qu’Ashley en fasse également partie, mais c’est une information à mettre au conditionnel, bien entendu.

Dans toute cette cohue informe, tu n’as pas le temps de laisser tes iris vaquer plus de deux secondes sur le moindre détail de la scène ; tu dois surveiller tes pas ainsi que la présence de la vampire sur tes talons, et à chaque nouveau coup d’œil que tu lance à la marrée inhumaine, quelque chose d’autre t’interpelle.

Certaines choses interpellent plus que d’autres. Depuis la cime des escaliers que vous venez de gravir, votre trio occupe une place de choix pour admirer le nouveau chanteur qui vient de faire irruption sur la scène. De là où tu es, tu n’arrives pas vraiment à déterminer s’il est simplement très poilu ou si il s’agit là encore d’une manifestation de l’extravagance de l’endroit. L’ambiance devient électrique, et tu te surprends à te faire toi aussi transporter par l’émulation grisante qui s’élève dans toute la salle. Le spectacle semble surréaliste, à tes yeux du moins, mais il est pourtant bien réel ; sinon, tu ne sentirais pas le toucher soyeux de la main de ta guide sur la tienne, et encore moins le fait que tu la serrais plus fort que tu ne l’aurais voulu. Tu t’abstiens de tout commentaire à propos de la musique en réponse à tes deux encadrantes. On t’a demandé d’être polie, et tu as même réussi l’exploit faire croire que tu l’es, alors mieux vaut ne pas tout gâcher. Il serait également mal venu que quelqu’un d’autre t’entende et décide de te faire ravaler tes paroles. Pourtant tu meures d’envie de critiquer le jeu du saxophoniste qui te dérange bien plus que l’obscénité de la prestation du chanteur.

Et puis, votre course reprends. Tu as l’impression qu’elle dure depuis des heures, mais le genre d’heures que tu voudrais ne jamais voir s’achever.
Quelques acrobaties agiles plus tard, un nouvel obstacle à votre traversée se dresse devant vous. A peine un regard suffit à le classer dans la catégorie de ceux que tu appelles les sacs poubelle. Plus ils sont pleins, plus ils tiennent debout ; lui a l’air de très bien tenir debout. CESS ou non, il semblerait que certains comportements ne changent pas d’un côté ou de l’autre de la ligne. CESS ou non, tu n’apprécies pas non plus la manière dont il parle de toi. « Cocotte ».. tu croirais entendre le pouilleux de l’épicerie. Ton regard devient de nouveau sévère et froid, d’autant plus que tu te mords la lèvre pour te retenir de lui répondre. Tu n’as pas pu cependant t’empêcher de bomber le torse et jeter tes épaules en arrière pour te grandir. Quel n’est pas ton soulagement en entendant la voix d’Ashley balayer la moindre intention belliqueuse chez ce nouveau cliché ambulant. Plus que la douce autorité qui donne corps à sa voix, tu apprécie particulièrement son emploi des insultes simiesques dont tu es toi aussi une fervente utilisatrice. Encore et toujours dissimulé par cette écharpe qu’il va bien falloir que tu ôtes un jour se dessine le sourire franc et teinté de malice que tu avais anticipé plus tôt ce soir.
Fort malheureusement, ou heureusement selon la facette de ta personnalité qui cherche à s’exprimer, ton sourire disparaît à nouveau très rapidement lorsque tu sens s’accrocher une main à tes fesses pourtant à l’abri derrière ton long manteau. Tu sursautes et te retourne par réflexe, cherchant des yeux le sale con qui avait pensé pouvoir agir de la sorte en toute impunité avant de te souvenir que chercher les ennuis fait partie des comportements prohibés pour la soirée. Tu serres les dents, mais de toutes façons, tractée avec toujours autant de force par un cabri à l’enthousiasme aussi débordant que la poitrine, tu n’as pas eu le temps de voir le petit veinard qui vient de s’épargner un regard assassin.

Enfin, la table promise se présente à vous. Suivant scrupuleusement les instructions de ta charmante guide, après tout tu ne fais que ça de la soirée, tu prends place sur la banquette molletonnée et lâche finalement la main d’Ashley. Si on te parlait de pincement au cœur, tu nierais de toutes tes forces seulement pour te persuader toi-même qu’une telle chose n’est jamais arrivée. Ça n’est pas non plus pour elle que tu es ici ce soir et il ne faudrait pas que des pensées douteuses ou perturbantes ne viennent parasiter ton esprit, du moins pas tant que tu ne seras pas seule. Comme si elle avait entendu tes pensées et avait décidé de te contrarier par pure malice, elle plante un ultime baiser sur ta joue. C’était tout aussi troublant qu’inattendu et il ne faut pas longtemps à tes joues pour une nouvelle fois ce soir virer de teinte. Si tu le pouvais, tu trépignerais, mais tu es un adulte responsable et les adultes responsables, même écarlates, ne trépignent pas.
A une autre fois, oui.

Tu n’as même pas besoin de relever les yeux, tu sais déjà ce que tu verras. Le sourire narquois de ta marraine qui se félicite du spectacle de ta gêne autant que son flegme britannique le lui permet. Tu prends la précaution de t’éclaircir la voix en te redressant sur ton assise, dos bien droit et menton haut, feintant une noblesse dont tu ne fais pas partie.

« Je vois pas de quoi tu parles. »

Et la seule raison à cela et qu’il n’y a pas de miroir des les parages, mais tu es pleinement consciente de ta couleur actuelle, ne serait-ce que par la chaleur que tu sens irradier de tes pommettes. Le meilleur moyen d’éviter de conserver ta teinte vermillon est de passer tout de suite à autre chose avant que le piège ne se referme.

« C’est bruyant, tape-à-l’œil et ça pue l’alcool mélangé à tout un tas d’autres parfums que je préfère même pas chercher à identifier, mais j’aime beaucoup. Je suis contente d’être venue. Mis à part quand on essaie de me mettre la main au cul, ça y’a qu’Ashley qui a le droit. »

Tu marques une pause dans ton discours pour enfin enlever l’écharpe et le manteau qui commençaient à te donner l’impression de cuire, en profitant au passage de l’instant pour faire craquer ta nuque et ton dos et enfin t’installer dans une position un peu plus confortable.

« Quand tu m’as dit qu’on sortait, pour être tout à fait honnête, je m’attendais pas à ça. Disons que ça ressemble pas vraiment à l’idée que je me faisais des lieux que tu aimais fréquenter. »

Cette dernière intervention avait entendu ta voix perdre un peu fierté au bénéfice d’un ton un peu plus décontracté. Plus.. doux ? Non, n’abusons pas. Avec le temps, tu as fini par perdre ton air renfrogné d’adolescente en pleine crise en face d’Elinor, mais la voix demande encore un travail que tu n’as pas fini de fournir.

« D’ailleurs, tu as l’air d’avoir une petite réputation dans le coin. Tu venais souvent ? »

Est-ce bien comme ça qu’il faut faire pour entamer une discussion ? Jamais tu ne l’avoueras mais tu as tenté de lire un livre pour savoir comment faire, et bien que tu n’aies pas réussi à aller très loin dans la lecture pour des raisons pertinentes telles que « c’est vraiment des putains de conneries, je sais même pas pourquoi je fais ça », tu as tout de même retenu la première règle du premier chapitre : essayer de parler de l’autre. Alors c’est ce que tu essaies de faire, avec l’adresse d’un équilibriste néophyte.

CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Lun 14 Juin - 23:23 (#)



Jake était fin saoul. Le micro fermement serré dans sa main déformée par les premières stigmates de la Bête, des griffes de loup à l’aspect jaunâtre qui transperçaient la chair rose de sa main, il braillait à plein poumon la chanson de Little Richard. Il adorait ces moments d’ivresse trop rares. Comme une transe fiévreuse, les trois bouteilles de whisky étaient enfin parvenues à surexciter ses sens bestiaux, avalant ses réticentes humaines sous un torrent d’euphorie désinhibée, une frénésie exacerbée par les senteurs de chairs, de sueurs, et de nourritures qui saturaient le Titty Twister. Il hurlait le refrain, et la foule vociférait en retour. Il n’était même pas certain de chanter les strophes correctement, ou même de parvenir à émettre des sons réellement compréhensibles pour une oreille humaine.
L’instant renfermait une violence venue du fond des âges. Lui, Jake, Oméga de la Meute, s’était hissé au sommet de la colline, de la scène saturée de lumières, sous la clarté lunaire, et hurlait en chœur à la face de l’astre, devant une foule de congénères. Il était totalement ivre. Pourtant, une force primitive galvanisait sa Bête, comme si les hurlements de la foule créaient des vagues d’énergie sauvages, qui entraient dans sa chair, résonnaient dans ses crocs, et donnaient libre court à une forme d’authenticité animale, en répondant à un instinct enfoui. Sa Bête avait faim de liberté. Le besoin de retrouver dans les activités en apparence humaine, un semblant de sauvagerie, une imitation vacillante d’une Meute pour satisfaire sa Bête, en lui offrant une parodie de nature. La tromper, au moins durant quelques temps, en une communion aussi artificielle que brève.
Jake arracha le micro de son support, et sous les accords échevelés de l’orchestre, vociféra encore plus fort, massacrant les paroles de Tutti Frutti sous un concert de rugissements. La foule l’acclama en réponse. Les chevelures voltigeaient sous les danses sauvages, les bras et les torses s’élançaient en l’air, projetant des verres d’alcool, autant de fourrures, de serres et de crocs qui brillaient sous les néons criards. Tout autour de lui, l’odeur des corps, et leurs mouvements saccadés excitaient les sens du Loup. Ces senteurs écœurantes de nourriture et de boisson se confondaient avec le joyeux délire d’une chasse réussie, les silhouettes à moitié dénudées, avec l’excitation charnelle la plus brutale.

La Bête voulait savourer la nuit. Jake voulait dévorer cette viande barbouillée de sauce odorante qui brillait sur la table. Jake voulait savourer le contact de cette chair soyeuse, respirer ces cheveux, se blottir entre ces cuisses nues. Ses instincts se fracassaient à l’intérieur de son crâne, se mordaient et se tordaient comme une meute de bêtes enragées, au rythme des lumières palpitantes de la scène, des cris et des jets d’alcool. L’ivresse du chanteur culmina dans un sursaut bestial. Il arracha de sa main griffue son caleçon, le déchirant en lançant un cri guttural dont les échos assourdissants et graves résonnèrent violemment contre les murs, et lança les lambeaux au milieu du public. Durant un instant, ses hanches initièrent un mouvement circulaire hasardeux, mais il était bien trop ivre pour espérer faire l’hélicoptère correctement, tout en tenant le micro en même temps.
Le hurlement du Loup s’éternisa durant de longues secondes. D’autres camarades mêlèrent leurs voix à la sienne couvrant les instruments sur la scène de leur timbre profond, et les voix enthousiastes du reste des clients les accompagnèrent dans une clameur débridée. Puis le micro de Jake s’échappa de ses mains. Comme soudainement rattrapé par son taux d’alcoolémie, il tomba à la renverse, les jambes écartées, dans un dernier grognement ivre, l’orchestre rythmant sa chute d’une note de trompette comique, avant qu’il ne vomisse sur les planches immaculées de la scène, dans une gerbe verticale d’au moins un mètre, très impressionnante. Une vague de rires ponctuèrent alors le clou du spectacle, des verres furent hissés dans les airs à la santé du chanteur, et des employés du Titty Twister vinrent s’empresser de trainer le corps du garou, lequel était suivi par une longue trainée de vomissures, comme une grosse limace.

Elinor avait détourné le regard bien avant la fin du numéro. La vue d’un thérianthrope ivre et nu était capable de lui couper l’appétit. Les mains entrecroisées sur son sac, lui-même reposant à présent sur ses cuisses, elle avait tâché d’écouter avec attention les ressentis d’Heidi, en faisant fi du boucan qui régnait dans la salle, au niveau en dessous. Les lumières de la scène pivotèrent alors pour modifier l’ambiance musicale, éclairant brièvement leur alcôve d’ombres mouvantes, et de tâches multicolores.

« Je ne me serai pas doutée que tu aimais les femmes. » commenta-t-elle simplement en renouant avec son humeur pensive, et indéchiffrable habituelle.

Comme les vociférations de la salle principale retombaient à un niveau supportable, l’immortelle se laissa choir contre le dossier du matelas, et passa lentement ses doigts dans ses mèches noires. Ses yeux se promenèrent sur le lustre accroché au-dessus de leur table, avant de retomber lascivement vers Heidi. D’habitude empreinte d’une austérité et d’une froideur toute britannique, l’attitude d’Elinor se modifia subtilement. Sa silhouette toute entière s’enveloppa d’une lascivité mélancolique, ses gestes se firent évanescents, et son expression songeuse, sans se départir de son magnétisme naturel, ni de cette sensualité sous-jacente qui affleurait autour d’elle, comme un poison envoûtant.

« Qu’est-ce que tu fais, Heidi ? C’est une vraie question, et elle appelle d’autres. »

Elinor scuta attentivement l’expression de son calice. Par un discret jeu de lumières, le plafonnier instaurait une pénombre autour de sa silhouette, qui contournait son visage à la couleur de marbre, et le révélait parmi les ténèbres des murs, en soulignant l’intensité de son regard d’une lueur de malice. Son index jouait distraitement dans son abondante chevelure d’ébène, tandis qu’elle réfléchissait secrètement à la manière d’aborder la conversation avec la jeune femme.

« Pourquoi es-tu contente d’être ici ? C’est dangereux, et cela n’a jamais fait partie de notre accord. Tu m’interroges sur mes habitudes, et tu as l’air d’avoir une image bien arrêtée sur ma vie. Pourquoi cela t’intéresse ? Qui suis-je pour toi ? Un moyen d’être mordue, une amie, une mère, une amante ? Qu’est-ce que tu attends de cette soirée ? Qu’est-ce que tu attends de moi, au juste ? »

Sa main libre esquissa un mouvement évasif, comme pour appuyer ses paroles. « J’ai mes raisons de venir ici. Je suis déjà venue, oui. Mais je me demande si cela doit te concerner. »

L’immortelle se tut soudainement, et fixa Heidi. Son Calice. L’accord de base entre elles n’étaient qu’alimentaire, au fond. Désormais, avec la nuit des chasseurs derrière elles, Elinor ne pouvait plus se permettre de maintenir ce flou dans leur vie commune, ni fermer les yeux sur le comportement dangereusement erratique de l’humaine. Quelque chose se termine, quelque chose de nouveau commence, pensa-t-elle, ou bien se fermera définitivement. Bien sûr, derrière l’attitude d’adolescente capricieuse de la polonaise, Elinor devinait les contours de mécanismes profondément enfouis, et de désirs tout aussi refoulés, qui exigeaient d’être mis à jour avant de devenir compromettants. Les non-dits et les malentendus se muaient trop rapidement en menaces sérieuses, dans un univers où le secret de son identité était de mise, et la violence meurtrière, jamais très loin.
Au travers des éclats de voix, et des chocs sur les tables de la salle, le bruit de talons résonna sur les planches du balcon, et une silhouette féminine se découpa à contre-jour des plafonniers. Elinor leva la tête de l’examen de son calice, et posa son regard sur la serveuse qui venait de s’arrêter à côté de leur table. Ou le serveur, allez savoir. Une interminable chevelure brillante et lisse, d’un noir de jais, retombait tout au long de sa tenue scandaleuse, une similaire à celle d’Ashley, bien que ses formes androgynes eussent clairement du mal à créer autant de volume que la plantureuse blonde.

« Mesdames. » dit-il d’une voix veloutée, dépourvue d’intonations masculines. « Vous voulez peut-être commander quelque chose ? »

Elinor observa l’arrivant d’un œil critique. Une étiquette similaire à celle d’Ashley était fixée sur son torse, et mentionnait le nom ambivalent de Morgan, ce qui ajoutait davantage au flou entourant sa personne. Tout comme l’hôtesse de l’accueil, il était d’une beauté remarquable, quoique lunaire, à l’opposé de l’aura brillante et ensoleillée de sa collègue. Ses mèches noires retombaient jusqu’à sa taille, et ressortaient vivement sur sa peau pâle, sans défaut, que décorait sur son bras droit un tatouage coloré, de rouges et de noirs, représentant un serpent mythologique dessiné avec art. À son oreille droite, était fixées deux boucles superposées, couleur de l’argent, et son visage angélique, encadré par des mèches fines, était mis en valeur par un maquillage discret, tandis que ses mains manucurées et vernis de noir tenaient un petit calepin, avec un crayon à papier.
Un détail attira toutefois l’attention de l’immortelle. Derrière les cils fins de Morgan, des pupilles de reptile à l’iris fendu observaient ses clientes avec patience, et leur couleur jaune d’or ressortait agréablement sous le mascara sombre, sur son visage lisse et gracile. Effectivement, il y en a pour tous les goûts ici, songea Elinor. Dans la posture de Morgan, seule l’absence de forme au niveau de son buste trahissait véritablement la féminité parfaite qui l’entourait de la tête aux pieds, tandis que sa silhouette svelte et délicate était découpée sensuellement par les néons éclairant le niveau d’en-dessous. Il se tourna tour à tour entre la vampire et son calice, sans émettre de commentaire, un sourire à la fois calme et malicieux sur ses lèvres subtilement soulignées d’un gloss discret qui, contrairement au reste du Titty Twister, ne suintait pas de vulgarité. Elinor se tourna aussitôt dans la direction d’Heidi.

« Eh bien, personnellement, je ne prendrais rien. Et toi, Heidi ? Est-ce que tu consommes une boisson maintenant, ou bien es-tu venue seulement pour Ashley ? »

Morgan se tourna à son tour vers Heidi, le coin de ses lèvres se soulevant discrètement en un sourire amusé, tandis que Elinor en arborait un autre, étrangement similaire, qui fissurait lentement son masque habituel d’aristocrate. L’immortelle n’aurait pas besoin de cet artifice cette nuit-là.

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Mar 15 Juin - 22:08 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



P
eu à peu, pour tes oreilles, l’atmosphère de la grande salle commence à se tasser en un bourdonnement sourd et inintelligible. Quelques cris plus puissants ou aigus que les autres trouvent parfois leur chemin jusqu’à tes tympans au dessus de cette nappe sonore frémissante, mais tu ne fais plus attention aux quelques bribes de phrases entrecoupée de jurons que tu captes malgré toi. Entre les clameurs déchaînées et les hurlements à la Lune, chaque son se bat contre mille autres pour qu’au final tous se brouillent et se mélangent en un brouhaha tumultueux s’élevant au dessus des tables comme une fuite de gaz hilarant, euphorisant au passage la vaste majorité des clients. Juchée sur la banquette molletonnée de l’alcôve, face à celle sans qui tu n’aurais jamais pu ne serait-ce qu’imaginer tel endroit, tu observes la foule échevelée s’adonner à ce qu’elle fait de mieux : être chaotique. Verres, vêtements, mobilier, corps inconscients ou au contraire enhardis par la douce émulation de substances stupéfiantes.. tu vois dériver de nombreuses choses à la surface de cette mer humanoïde alors que deux employées aussi peu vêtues que leur collègue outrageusement affectueuse se fraient un chemin à travers les flots telles les descendants du peuple hébreu, traînant avec elles le corps glorieusement dénudé d’un artiste au dévouement sans pareil.
Contrairement à Elinor, tu ne loupes pas une miette du spectacle. Non pas que la vue partiellement obstruée d’un membre surnaturel te fascine tant que cela, mais ton regard ne peut s’empêcher de s’attarder sur chaque anomalie qu’ils survolent, ton esprit essayant en même temps d’associer un nom à ce que tu vois, souvent en vain.

Tu es tirée de tes rêvasseries par une remarque de l’immortelle, et ton regard se remet à examiner ses traits quelques instants. Quel contraste entre son visage d’opale qu’on croirait ciselé dans le marbre et la foule d’anonymes en contrebas qui, de loin, semble cultiver les difformités.
Tu aimes les femmes, oui. C’est vrai, tu ne peux pas vraiment le nier, en tous cas pas après cette remarque à propos de l’hôtesse que tu as immédiatement regrettée. Ça ne veut pas pour autant dire que tu n’aimes pas les hommes. Enfin, peut-on vraiment appeler ça de l’amour ? C’est de l’attirance, tout au plus. L’Amour quant à lui, avec sa majuscule impertinente, ne s’est toujours pas révélé à toi et tu n’es même pas certaine d’être capable de le rencontrer un jour. C’est assez ironique d’être bisexuelle quand on est aussi toi : se dire que l’on pourrait aimer deux fois plus de personnes que la moyenne et au final ne jamais en avoir aimé aucune. Tu hausses les épaules en guise de seule réponse. Ça n’est pas quelque chose avec quoi tu es spécialement mal à l’aise, bien que tu doives admettre être rassurée de ne pas avoir ressenti de jugement de sa part.
Le silence retombe un moment entre vous. Tes yeux glissent à nouveau vers la fosse où s’agitent joyeusement ce monde fascinant. Vient sa prochaine remarque, ou plutôt question. C’est une question étrange, presque angoissante tant elle peut être interprétée de manières différentes ; tant tu as déjà été punie après l’avoir entendue. Le ton de la vampire ne trahit pas ses pensées et, subtilement, un soupçon d’inquiétude s’instille dans ta tête et ton ventre. A nouveau, tu recadres ton regard devant toi. Cette femme a l’air d’une énigme. Bientôt un an que vous vous côtoyez et tu n’arrives toujours pas à déchiffres plus que ce qu’elle veut bien te laisser voir. De son côté, tu n’as aucun doute quant au fait qu’elle soit capable de décrypter en détail le moindre de tes états d’âmes. C’est une vampire après tout, et les vampires font ça, pas vrai ?

Tu allais lui répondre, un peu au hasard, quand la suite de sa question te parvient, lui donnant alors tout son sens. Tu es surprise, étonnée, mais bien plus que cela, tu commences à sentir grandir l’angoisse qu’elle avait semé il y a un instant. Ça n’est pas un abandon, c’est peut-être pire : c’est une remise en question. Un abandon, tu ne peux pas aller contre, c’est une fatalité et tu as appris à l’accepter ; une remise en question en revanche, dépend de toi, et c’est bien là la source de la fébrilité qui te gagne. Derrière cette fierté exacerbée que tu n’as de cesse de mettre en avant, tu sais qu’il existe forcément mieux que toi, et qu’il n’est pas difficile de te remplacer pour quelqu’un de moins.. comme toi. Toute trace du sourire pâle qui décorait ton visage avec une douceur étrange a maintenant disparu. A la place, une expression inquiète que tu tentes de camoufler du mieux que tu le puisses tout en te trahissant en serrant ton écharpe avec nervosité contre toi. Sa question est pourtant légitime, pertinente même. Enfermée dans une réflexion muette et douloureuse, tu entrouvres la bouches avec l’intention de répondre vite et ainsi t’échapper des barreaux de ta pensée ; tu veux mentir, éluder, glisser vers un autre sujet pour ne pas avoir à faire de confession. Tout ton corps réclame la facilité d’un petit mensonge que tu regretteras amèrement un certain temps mais auquel tu finiras par t’accommoder au lieu d’offrir aux oreilles d’Elinor les affres ta psyché tordue, lui démontrant par la même occasion toute l’étendue de ton infériorité face au premier venu. Et puis, dans un acte dont toi seule a une idée de la bravoure qu’il a demandé, tu te rétractes. Tu vas prendre le temps de réfléchir à tes mots, et de faire en sorte qu’ils soient sincères. Tu vas arracher lentement ce pansement qui recouvre tes maux enfouis.
Réfléchis, mais ne réfléchis pas trop longtemps.

Quelques longues, longues secondes passent et tu n’as toujours pas de réponse à lui offrir. Le silence tout relatif qui s’est installé entre vous est bien plus oppressant que le précédent, et tu le ressens bien. Tu connais les bienfaits comme les méfaits du silence et tu le hais d’être si ambivalent. Finalement, une voix étrangère vient interrompre ta réflexion. C’est peut-être un signe ? Un moyen d’éviter la conversation ? Lâche que tu es, ne change pas d’avis. Tu vas devoir répondre, sinon tu ne pourras pas te regarder dans une glace avant un très long moment.
Surprise par l’arrivée de la serveuse, tu mets un peu de temps pour sortir du dédale de ton esprit et songer à répondre à une question bien plus simple que l’autre. Les mots se bousculent dans ta tête et c’est un calvaire de ne pas mêler ceux qui sortiront de ta bouche d’un cynisme réconfortant. Dans ta confusion évidente, tu dévisages rapidement la personne qui se tient devant vous, prête à prendre votre commande, ou plutôt qui attends que tu lui donnes une réponse. Là encore, tes réflexes réclament de prendre la parole à ta place ; ils veulent boire une vodka-citron d’une traite pour te donner du courage. Cela pose cependant un problème évident : s’aventurer sur le chemin de l’ivresse devant Elinor, surtout ce soir, semble être une très mauvaise idée. Tu te sens acculée par cette paire de regards que tu sens prêts à te juger en silence peu importe ta décision. De l’alcool ? Cette alcoolique ne peut pas s’en empêcher. Pas d’alcool ? Elle pourrait au moins essayer de se fondre dans la masse.

« Oui, euh.. je vais prendre un verre d’eau. Pétillante, si vous avez. »

Triple idiote. La serveuse aux traits beaucoup trop captivants pour le temps que tu as à t’attarder dessus se targue d’un sourire presque moqueur et, après avoir laissé échappé un petit gloussement aigu en griffonnant en vitesse sur son calepin, se retourne et s’en va. Tu admires et jalouses l’élégance de sa démarche autant que tu as détesté la lueur narquoise dans ses yeux qui n’avaient rien d’humains. C’était presque assez pour te faire momentanément oublier la tourmente dans laquelle tu t’es placée pour une simple question. Enfin, pas si simple que cela non plus, on peut tout de même te l’accorder.
Tu hasardes un coup d’œil dans la direction de la vampire ; tu n’as même pas eu le temps dans ta panique de répondre à sa brimade à propos d’Ashley. Tu ne la connais qu’à peine, et tu n’aurais vraiment pas dû dire quoi que ce soit à propos d’elle.

En silence, tu t’approches du rebord de la falaise en t’efforçant de ne pas regarder en bas. Il n’est pas encore trop tard pour faire demi-tour, mais auras-tu seulement l’occasion de sauter à nouveau si tu ne le fais pas maintenant ? Au pire, qu’est-ce qui t’attends si tu décides de franchir le pas ? Une chute libre d’une durée indéterminée et sans la moindre assurance que de ne pas te blesser à l’atterrissage, si ce n’est pendant le chute elle-même. Et qu’est-ce que tu as à y gagner ? Tu n’en as aucune idée. Elle est bien loin, ta robe d’insolence et de témérité.
Tu prends une grande inspiration, le visage fermé. A défaut de lui dire ce qu’elle veut entendre, tu espères au moins qu’elle appréciera de te voir te débattre pendant ta chute.

« Je sais pas si tu.. Enfin.. Je.. »

Dans ta vie, tu en as craché des mots. Parfois ils sortaient naturellement, comme si tu avais été programmée pour les lâcher à la face de quelqu’un qui n'avait souvent rien demandé, d’autres fois ils étaient plus difficiles à faire sortir ; ce soir, ils sont affreusement douloureux. Chaque mot auquel tu penses, chaque syllabe, est comme une lame de rasoir remontant le long de ta trachée, scarifiant tout sur son passage et rendant l’arrivée du prochain encore plus difficile. Ces mots que tu penses en permanence, tu as besoin qu’ils sortent, tu veux à tout prix te délester de ce poids mais c’est si douloureux.
Ta gorge est nouée et tes épaules tendues. Il faut que ça sorte.

« Quand on s’est rencontrées, j’avais touché le fond. »

Tu baisses les yeux et serres les poings. Dans tes iris clairs, on pourrait presque distinguer le nuage sombre porteur de toute ta colère et de ton amertume. Tu t’en veux tellement, et tu es tellement en colère contre toi-même.

« J’étais au fond du trou. Il faisait noir. Il faisait froid. J’étais toute seule. »

Tu prends une pause pour déglutir. Ça fait mal, ça aussi, mais tu continues à lutter pour garder la face.

« Toute ma vie j’ai fait que descendre, et descendre encore, toujours plus bas. J’avais rien et je pataugeais dans ma propre merde. J’étais putain de pitoyable. »

Les yeux toujours rivés sur le reflet du lustre sur la table parfaitement propre, ta voix s’étrangle de rage alors que tu finis de prononcer ces quelques mots.

« Et puis un jour on s’est rencontrées. Je sais pas encore bien pourquoi mais t’as choisi de me tendre la main. T’aurais pu juste me foutre dehors, ce soir là, mais tu l’as pas fait. T’aurais pu juste me mordre et plus jamais me revoir mais à la place t’as décidé de me garder. »

Tu sens ton palpitant se serrer dans ta poitrine. Il bat à tout rompre comme s’il luttais pour ne pas se faire écraser par une main intangible.

« Je suis contente d’être là parce que.. parce que j’ai l’impression que c’est un privilège ?  Je sais pas ce que tu es pour moi, ou peut-être que je le sais mais que je veux pas me l’avouer, j’en sais rien. Mais je sais que j’ai envie de te prouver que tu as bien fait de me garder. J’ai envie de t’impressionner, parce que depuis cet hiver j’ai enfin l’impression que j’ai ma place quelque part. »

C’est la fin de ton monologue. Sur ta langue reste le goût amer de l'impression de ne pas avoir complètement fini, comme si tu devais en rajouter sans avoir la moindre idée de quoi dire de plus. Enfin, c'est terminé. Tu fermes les yeux et respire un grand coup en te mordant la lèvre inférieure pour résister aux assauts de toutes les émotions qui te submergent maintenant que le barrage à cédé. Chagrin, joie, colère, peur.. tu peines à tout retenir, mais tu tiens bon. Le plus dur est passé, maintenant ça ne dépend plus de toi. Tu trouves un semblant de réconfort en serrant fort ton écharpe contre toi, même si tu tentes de le cacher le plus possible avec la table.

Inspire. Expire. Il faut que ton cœur reprenne un rythme normal.


CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Ven 18 Juin - 23:43 (#)



La scène avait été nettoyée en un clin d’œil. Les vociférations de la foule avaient diminué en intensité à mesure que les lumières se réduisaient à de minces faisceaux, éclairant tout juste les cuivres de l’orchestre, dont les reflets irisés se noyaient dans la pénombre doucereuse du reste de la salle. De discrets accords au clavier meublaient le brouhaha décroissant qui avait alors remplacé la fièvre du chanteur hystérique, dont le souvenir subsistait encore dans les murmures alcoolisés des clients qui refluaient lentement vers les tables, alors enveloppées dans une obscurité patiente. Les serveurs s’activèrent entre les danseurs et les silhouettes chancelantes des clients, pour ravitailler en boissons multicolores tous les gosiers désormais desséchés par les hurlements antérieurs.
On attendait le numéro suivant. Les raclements des chaises furent noyés dans le flot des discussions animées, dont les timbres rieurs et rocailleux montaient, puis descendaient, à la manière de vagues impatientes. L’ambiance revint progressivement à la normale. Des verres tintèrent dans l’obscurité. Une bousculade éclata au fond, dans un coin isolé. Des éclats de voix s’affrontèrent brièvement, au milieu de rires criards. Puis les lumières revinrent éclairer la salle principale, le niveau des alcôves et ses escaliers où s’accumulaient les individus aux démarches rendues hasardeuses par l’alcool. Depuis l’obscurité des coulisses, un employé traversa brièvement la scène pour vérifier l’état du micro, avant de disparaitre aussi prestement, laissant sa place à une nouvelle interprète, vêtue d’une robe.
De sa démarche ondoyante, Morgan descendit lentement les escaliers, sous les œillades appuyées des clients, et s’arrêta à mi-chemin, observant la chanteuse, et ses musiciens de swing prendre place sur la scène. Les lumières des projecteurs firent chatoyer les bras de cette dernière, recouverts d’un fin duvet d’oiseau couleur de l’émeraude, et son interminable chevelure brune, où miroitaient d’autres longues plumes aux touches d’azur. Elle ajusta le micro à sa hauteur, tandis que les premières notes se firent entendre, modifiant subtilement l’ambiance de la salle, qui s’enveloppa d’un silence aussi soudain que momentanément. Des applaudissements épars éclatèrent alors, aussitôt suivis d’autres plus nombreux, à mesure que les instruments joignaient leurs voix ensemble.

Morgan sourit en avançant silencieusement dans l’obscurité. Gypsy curse. Il l’aimait beaucoup celle-ci. Sa main libre vint effleurer le collier bohémien oscillant au rythme de ses mouvements gracieux, tandis qu’il louvoyait entre les clients ivres et les mains baladeuses, et sa langue vint suivre le contour de ses lèvres, comme pour ressentir les effluves de la musique dans l’air. Il traversa adroitement le ventre du Titty Twister pour rejoindre le bar, vautré dans l’angle à l’opposé de l’entrée, coincé entre la scène et l’entrée des chambres privées, pour y récupérer une bouteille d’eau gazeuse dans le frigo, sous le comptoir. Il s’empara d’un plateau circulaire, d’un verre propre dans un placard, et posa le tout sur le bois immaculé, qui reflétait les néons multicolores illuminant les étagères derrière lui.
La foule s’était réveillée. Le rythme du swing avait déclenché une nouvelle clameur enfiévrée où l’on resservait le verre de son voisin d’un liquide ambré, en éclatant de rire, et l’on brandissait les cartes de poker sur les tables avec un enthousiasme renouvelé. Morgan embrassa la salle du regard. Tous ces arômes venaient inonder son palais, comme des bulles éclatant dans la frénésie de la débauche, et paraissaient irradier littéralement sous les notes de swing. Quittant à regret la nouvelle prestation de vue, il leva ses yeux de serpent vers l’alcôve où discutaient ses clientes, la blonde et sa vampire qui semblaient alors détachées de la fête, et hésita longuement. Ses doigts délicats vinrent caresser le bois lisse d’un tiroir sous le comptoir, dans lequel étaient dissimulés plusieurs boites de cachets aux propriétés très récréatives. Des produits introuvables chez les humains, bien sûr.
Oh honey, a gypsy curse on you. Les yeux du serpent dérivèrent brièvement vers la scène. Il détailla la chanteuse et sa tenue de plumes merveilleuses, lesquelles se confondaient idéalement avec sa robe verte. Un frisson dévala l’échine de Morgan. Un réflexe instinctif. Il haussa finalement les épaules, en abandonnant le tiroir secret, et récupéra le plateau avec sa bouteille d’eau pétillante. Terriblement ennuyeuse, comme commande. Sa silhouette androgyne se fraya un chemin parmi les corps agités des clients, maintenant le plateau en l’air, sur le plat de sa paume, avec une adresse surnaturelle et hypnotique, comme la danse d’un cobra. Ses cheveux retombaient sur sa peau pâle, en soulignant les contours de son corps à la beauté irréelle, déroulant dans son sillage, un chapelet de regards brûlants de désir. Il rejoignit les escaliers en quelques foulées souples, et s’arrêta à côté de ses deux clientes.

« Et voici, pour la charmante demoiselle. » dit-il de sa voix fluide, où affleurait un accent d’Europe de l’Est, en posant la bouteille d’eau et le verre devant Heidi. « Il vous faut autre chose ? »

Elinor sortit de son silence attentif. « Non, merci. »

Morgan l’observa un instant, et l’immortelle lui rendit le même regard scrutateur. Une tension aussi brève qu’intense s’instaura entre eux le temps d’un battement de cœur, comme deux créatures venimeuses se jaugeant l’une l’autre. Il se forma un sourire sibyllin sur les lèvres du serveur, tandis qu’il extirpait de sa poche un petit objet, qui s’avéra être un sifflet d’un blanc nacré.

« Au cas où vous changeriez d’avis, je vous laisse ceci, si vous avez besoin de moi. » déclara-t-il en le déposant au centre de la table. « Je l’entendrai si vous l’utilisez, alors n’hésitez pas. »

En contrebas sur la scène, on entama une nouvelle chanson. Elinor hocha la tête en examinant le sifflet. « Très bien, merci. »

« En vous souhaitant une agréable soirée. » Il s’inclina brièvement, son plateau sous le bras, et tourna les talons, sans attendre de réponse.

Durant quelques secondes, Elinor le suivit pensivement du regard, lui et sa démarche langoureuse, ses pupilles de reptile, et sa beauté étrange, derrière laquelle elle avait cru déceler un éclat sombre, une lueur dangereuse. Quel étrange personnage, songea-t-elle avant de le chasser de son esprit. Ce soir-là, elle avait d’autres affaires autrement plus importantes à considérer, qui se résumaient toutes en une seule personne. La soirée était consacrée à Heidi. L’immortelle chassa les rares pensées parasites de son esprit, et reporta toute son attention vers la jeune femme, dont l’embarras émotionnel ne cessait de croitre de minute en minute, malgré l’arrivée inopinée de sa commande.
Un silence attentif avait enveloppé les confessions de son calice. Malgré son attitude calme, Elinor avait éprouvé une certaine surprise face aux difficultés de communications d’Heidi, d’habitude si accoutumée aux répliques virulentes. Des tensions nerveuses transperçaient ses traits, et tout le corps de celle-ci de part en part, tandis que son regard se faisait fuyant, traduisant un mal-être dont même la vampire n’avait pas prévu l’intensité. Un indice précieux quant à la fragilité d’esprit de la jeune femme. Avançons prudemment. Elle se hâta alors de reprendre le fil de la discussion, aussitôt consciente de ce numéro d’équilibriste, dans lequel elle se lançait désormais.

« Heidi, écoute-moi bien s’il te plait. Si je souhaite clarifier les choses entre nous, je n’ai pas l’intention de te juger pour autant. Je ne t’accuse de rien. Je veux simplement que nous discutions sincèrement. »

L’exercice était délicat. Avec les évènements du mois dernier, il était plus que temps de mettre les choses au point avec Heidi, surtout quand les non-dits de leur relation commençaient à mettre en danger leur sécurité commune. Pourtant, il n’était guère difficile pour Elinor de discerner l’instabilité émotionnelle de son calice, dont des affres inconnues striaient de douleur ses traits crispés.

« Bien, alors je vais tenter de te répondre du mieux possible. » dit-elle tout en se redressant sur la banquette.

Dans un froissement d’étoffe, Elinor se faufila contre la banquette en demi-cercle, et se positionna contre le mur, de manière à être plus proche d’Heidi. Elle tendit le bras, en posant son index sous le menton de la jeune femme, lui redressa doucement la tête, afin de rétablir le lien visuel entre elles et d’instaurer une proximité rassurante qui encourageait les interactions.

« Je ne t’ai pas gardé, Heidi. Je t’ai proposé de m’accompagner, et tu as accepté. C’est une décision commune. Maintenant, tu veux savoir pourquoi je te l’ai demandé ? Eh bien, parce que je t’aime bien Heidi, est-ce que c’est si difficile à croire ? Quand tu ne te caches pas derrière ta façade d’adolescente capricieuse, tu es capable d’être intelligente, impertinente, drôle, et bien sûr, douée en musique. »

Elinor marqua une brève pause. Elle posa ses mains impeccablement manucurées sur le bois brillant de la table, et reprit la discussion d’un ton doux, en plantant ses yeux dans ceux d’Heidi.

« D’ailleurs, tu n’as pas besoin de m’impressionner pour avoir de la valeur à mes yeux. Je sais que tes crises d’humeurs ne sont qu’un masque, et ce n’est pas un problème. Tout le monde en porte un. Je pensais avoir le temps de te mettre suffisamment en confiance pour le retirer avec moi, et de t’exprimer pleinement, mais… »

Une moue navrée traversa l’expression calme d’Elinor. Les visions de violence du mois dernier résonnèrent brièvement dans son esprit, avant qu’elle ne les chasse d’une pichenette mentale. D’un ton égal, elle continua le fil de la discussion, non sans surveiller l’attitude d’Heidi.

« Mais le mois dernier en a décidé autrement. Je suis navrée de t’avoir entrainée dans cette violence, crois-moi, elle n’était pas prévue, et c’est entièrement ma faute. Mais on ne peut pas continuer ainsi. Tu te laisses dominer par tes émotions, Heidi, des blessures intérieures que je ne connais pas, dont je ne peux pas me permettre de couvrir les excès éternellement, j’espère que tu le comprends. »

Une inspiration superflue. Elinor saisit la bouteille d’eau pétillante afin de briser la lourdeur de l’instant, et remplit généreusement le verre de son calice, avant de reprendre sans tarder.

« Encore une fois, cette discussion n’est pas un procès. Je sais que tu as du potentiel, mais j’aimerai que tu l’exprimes autrement que de manière hystérique dans les pires moments, que tu t’ouvres à moi de manière raisonnée. » continua-t-elle en rebouchant la bouteille.

Un sourire, chaleureux cette fois-ci. En contrebas, une nouvelle chanson débuta, sous un concert d’applaudissements assourdissants. Bien maintenant, une dernière touche pour la pousser, pensa-t-elle en réfléchissant avec soin aux mots choisis, pour signifier l’importance de l’enjeu tout en douceur.

« La question tient donc toujours, Heidi. Qu’est-ce que tu veux de moi ? Tu n’as pas à avoir peur de me livrer le fond de tes pensées, tu sais. J’aime me considérer ouverte d’esprit malgré mon âge, et je pense être capable de tout entendre. Alors, j’aimerai que tu te mettes à l’aise avec moi, avec tes mots, et que tu m’expliques la raison de tout ce mal-être que tu as commencé à me dévoiler. »

Dans un dernier éclat de voix taquin, Elinor ajouta. « Oh, et si tu pouvais enfin avouer ce que je suis pour toi, ce que tu désires vraiment comme lien à l’avenir, cela m’aiderait grandement. »

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Anonymous
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Sam 19 Juin - 18:34 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



D
’habitude, la musique parvient à soulager tous tes maux. C’est le seul pilier stable sur lequel tu aies jamais pu compter pour garder la raison lorsque tu te sentais devenir le centre d’une bulle noire gonflée par la haine et l’amertume. Lorsque le monde entier te rejette, le plus souvent sous ta propre impulsion, tu trouves refuge dans ce qu’il a produit de plus beau à tes yeux, et surtout à tes oreilles. Lorsque plus rien ne brille, tout en bas, tu fermes les yeux. Tu te concentres et tu chasses tous les fantômes qui profitent des ténèbres denses qui t’entourent pour frapper ton cœur en toute impunité même des années après les avoir fuis. La musique chasse, le temps de quelques chansons, les démons des tes pensées qui, bien vivants, vivent certainement une vie heureuse et délivrée de ta présence.
Peu après avoir commencé à te confier, de nouvelles harmonies malicieuses habillées de rythmes impertinents se sont élevées dans l’air chaud du Titty Twister et ont commencé à s’insinuer dans le moindre recoin de la vaste salle. Ces nouvelles sonorités, teintées de la couleur sombre des nuages d’orage d’été prêts à abattre le déluge, ont plongé l’auditoire dans une étrange humeur, sorte de transe intimiste que seuls de rares sauvages oseraient rompre de leurs cris. Quelques minutes plus tôt, tu aurais été parfaitement séduite par ce swing que l’on aurait cru tout droit sorti d’un cabaret d’une époque que tu n’as jamais connue mais après t’être jetée dans le gouffre de tes sentiments enfouis, même ces notes envoutantes ne peuvent plus rien pour toi.

Tu es fébrile. Ce ne sont que des mots, des vibrations de l’air qui s’évanouissent à peine les as-t-on entendues, et pourtant ils font aussi mal que des coups. Ce sont tes mots, tes propres coups, ceux que tu as pensés seulement pour toucher tes propres points faibles. Pourquoi t’infliger ça ? Ta commande arrive, bien plus rapidement que ce que tu l’aurais pensé, et la serveuse interrompt une nouvelle fois votre discussion. Sous la table, ton poing serre un peu plus encore l’étoffe de ton écharpe dans un réflexe de colère que tu as pris l’habitude de dissimuler. Tu ne jettes qu’un coup d’œil sur la silhouette qui vient de délester son plateau sur votre table mais il suffit à confirmer qu’elle n’a pas l’air plus âgée que toi ; ça te blesse que quelqu’un que tu n’as pas autorisé à entrer dans ta vie puisse te voir dans cet état. Tu te sens vexée et meurtrie dans ta parodie d’égo de ne pas réussir à être assez stable pour parler à quelqu’un de ton âge sans serrer la mâchoire ; les fantômes dans ton esprit chantent à l’unisson en tourbillonnant joyeusement : tu es faible, Heidi. Si faible.
Si faible que c’en est un réel soulagement qu’Elinor se charge de répondre à ta place. Tu aimerais la remercier, mais ça serait faire un nouvel aveu de faiblesse et tu t’en veux déjà tellement de te montrer sous un jour aussi pitoyable. Le mysticisme déroutant qui entoure la serveuse aux traits étranges et sibyllins accapare l’attention de ta marraine encore un instant après son départ avant de se déporter sur toi à nouveau. Tu redoutes les mots qui vont sortir de sa bouche. Elle doit te mépriser, c’est certain. Comment pourrait-il en être autrement ? Tu n’arrives même plus à la regarder dans les yeux. Tu n’es qu’une tâche sur le tableau de maître auquel ressemble sa vie de ton point de vue.

Le préambule de sa réponse t’étonne sincèrement. Avais-tu espéré qu’elle reflète le mépris de toi que tu projette en elle seulement pour pouvoir te dire que tu es capable d’avoir raison ? Une part de toi, oui, peut-être. La part que tu aimerais tant voir disparaître et qui pourtant t’aide à te relever par orgueil à chaque nouvelle chute.
Elle se rapproche de toi, et tu es toujours incapable de la regarder. Pourquoi est-elle douce alors que tu n’as rien fait pour le mériter ? Sans que tu leur donnes le corps qu’ils réclament, les mots défilent dans ton esprit, tous plus sévères les uns que les autres. Les fantômes s’octroient le droit ce soir de devenir plus bruyants que de simples murmures et ils s’en donnent à cœur joie. Un bourdon sourd de reproches t’accable dans le silence qui entoure les phrases de l’immortelle, jusqu’à ce que celle-ci ne t’extirpe de tes pensées en t’obligeant avec une délicatesse infinie à affronter son regard.
Son geste te met en apnée une paire de secondes. Il t’aide à te souvenir que tu es maintenant loin de ces spectres et qu’ils n’ont plus à avoir d’emprise sur tes pensées. Il n’aide pas pour autant tes épaules à se détendre et ta gorge à se dénouer ; tu ne sais pas réagir face à la bienveillance. Elle t’effraie peut-être autant qu'elle te rassure, si ce n’est plus. Alors, une fois tes yeux plongés dans les siens, Elinor poursuit. Si les quelques phrases qui ont précédé son rapprochement étaient déjà éprouvantes à entendre, la suite est quant à elle au bord du supportable.

Une phrase. Une seule. Une seule a suffi à gorger de larmes tes yeux déjà rougis. Parce que je t’aime bien Heidi, est-ce que c’est si difficile à croire ? Tu te mords la lèvre pour tenter vainement de te distraire de cette douleur incompréhensible qui mord ton cœur. Tu aimerais hocher la tête pour dire à quel point c’est difficile à croire, mais ton corps entier parle de lui-même. Ta mâchoire tremble sous la pression que tu lui infliges pour rester fermée ; tes doigts aussi tremblent nerveusement autour du tissu noir de ton tour de cou. Pourquoi est-ce que tu as si mal, alors qu’elle est en train de te dire tout ce que tu n’as jamais osé rêver d’entendre ? A-t-on jamais reconnu tes qualités ? A-t-on jamais dit que tu avais de la valeur ? Il devient si difficile de rester forte et de ne pas céder à la pression de toutes les larmes qui souhaitent s’échapper à tout prix contre la volonté. Tu es une adulte, et les adultes ne pleurent pas. Tu aimerais pouvoir lui dire que tu ne lui en veux pas pour ce qui s’est passé le mois dernier, mais tu en est toujours incapable, comme tu es incapable de faire sortir le moindre autre son de ta gorge nouée.
Elle dit qu’elle n’est pas là pour te disputer, qu’elle est là pour t’aider. Menteuse. Menteuse ! En l’écoutant parler, tu fermes les yeux un instant pour te retrouver face aux ombres qui essaient encore d’instiller le poison du doute dans le moindre moment d’allégresse que tu pourrais vivre et leur ordonner de s’en aller. A pleins poumons, tu leurs cries de dégager et ils se dispersent. Tu veux écouter encore la voix d’Elinor bercer tes espoirs. Quand tu rouvres les yeux, tu vois son visage paré d’un sourire empreint de tendresse qui manque de faire céder ta barricade lacrymale. Quelques perles précoces trouvent leur chemin jusque sur tes joues rougies par l’émotion.
Elle ne veut pas t’aider à remonter et te tenir loin du gouffre abyssal des angoisses qui t’ont construite ; elle se propose de t’y accompagner. Elle te propose de briser le masque de pierre que tu revêts en permanence depuis des années et des années, mais tu es terrifiée par l’idée de l’enlever. Y a-t-il seulement encore un visage sous le masque ?

Sa dernière phrase t’arrache à ton tour un sourire discret, pendant une fraction de seconde. Tu déglutis difficilement et, d’un revers de main rapide, essuies tes yeux des quelques gouttelettes qui n’avaient pas encore glissé le long de ton visage. Tu peux enfin détourner le regard. La musique reprend petit à petit sa place entre vous alors que tu rassembles toute l’énergie que tu n’as pas pour trouver enfin le courage de lui répondre et de plonger dans l’abysse de ta mémoire.
Tu t’y reprends à plusieurs fois avant de pouvoir prononcer le moindre mot.

« J’ai jamais parlé de ça, je sais pas si je peux y arriver. »

Tu anticipes déjà à quel point ce sera douloureux, alors même que le pincement au cœur que le discours de la vampire avait provoqué chez toi commence à peine à s’atténuer au bout de ces longues secondes de mutisme.

« Avant de vivre à Shreveport, je vivais à Chicago. C’est là que je suis née, c’est là que j’ai grandi et c’est de là que je me suis enfuie pour venir ici. »

Dis-le, maintenant. Allez. D’où vient ce mal qui te ronge et qui te rend incapable d’éprouver autre chose que de la colère ? Tu sens les larmes venir à nouveau, et te doutes de plus en plus de ta capacité à les retenir.

« J’ai jamais.. enfin, on m’a jamais.. mes.. Mes parents ne m’ont jamais aimée. Personne ne m’a jamais aimée. En vingt-cinq ans. Depuis que je suis toute petite, d’aussi loin que je puisse me souvenir, on m’a toujours dit que j’étais qu’une honte, que la seule chose que je savais faire c’est décevoir. Tout ce que j’ai entendu de mes parents, pendant toute ma vie, c’est qu’ils auraient tout donné pour que je sois comme mes cousines. Pour que j’arrête de me battre à l’école et que je sois sage et qu’ils puissent se vanter d’avoir une fille brillante comme le reste de la famille. Toute ma vie on m’a dit que je ne méritais rien, que j’étais une moins-que-rien incapable et que je n’arriverai jamais rien à faire de ma vie. Tous les jours, sans arrêt, pendant dix-sept ans, on m’a rappelée que je ne valais rien. »

Tu prends une pause pour respirer et tenter de ralentir le rythme de ton palpitant qui depuis tout à l’heure ne cesse de tambouriner jusque dans tes tempes. Tu hais cette colère teintée de chagrin qui enveloppe le moindre de tes mots, et tu aimerais tellement t’en débarrasser, mais ce que tu t’apprêtes à dévoiler ensuite ne va faire qu’exacerber encore plus ces sentiments. Tu as mal au ventre. Tellement mal.

« Je me souviendrai toujours de ce moment. J’avais onze ans, j’étais en voiture avec mes parents qui me ramenaient de l’école par ce que je m’étais encore battue. J’avais commencé à m’habituer à leurs regards méprisants, comme s’ils se retenaient de dire qu’ils auraient préféré que je ne naisse pas. J’étais encore une gamine, alors j’ai voulu me justifier. J’ai fait « Maman.. », mais j’ai pas eu le temps de finir ma phrase. Elle s’est retournée, elle m’a regardée droit dans les yeux et elle m’a dit « Arrête de m’appeler comme ça. » »

Cette fois, tu ne parviens pas à retenir les sanglots qui allaient inéluctablement finir par se déverser. Tu fonds en larmes, et plus tu tentes de te contenir, plus tu t’effondres. Tu as les bras croisés sur le ventre, comme si cela pouvait faire quoi que ce soit au mal qui le tord en ce moment.

« Ça m’a fait tellement mal. Et ça me fait encore mal aujourd’hui.. Pourquoi est-ce que ça me fait mal comme ça.. ? A l’école j’avais aucun ami, j’ai jamais réussi à m’en faire. Il y avait toujours des rumeurs sur moi, on m’évitait, on me frappait, alors je me défendais. Tout était toujours de ma faute, j’ai jamais eu raison, personne a jamais voulu se mettre de mon côté. Je te jure que j’ai fait de mon mieux, j’ai fait tout ce que je pouvais, mais je voulais juste exister. »

Une nouvelle fois ce soir, tu utilises ta manche pour essuyer les larmes qui floutent ta vision. Elles sont encore nombreuses à attendre sagement dans l'obscurité que tu les déterres, les histoires qui te déchirent encore aujourd'hui; tous ces souvenirs que tu as enterré sans jamais permettre de s'échapper, aujourd'hui ils sont devenus des monstres avides de revanche. Tu as rabattu tes jambes contre toi, dans la position que te donne le plus l’impression d’être en sécurité. Tu ne veux pas affronter le regard d’Elinor, pas encore, alors tes pupilles s’ancrent à la table. Après un petit moment, tu attrapes le verre d’eau dans un geste rapide et impulsif et le porte à ta bouche d’une main tremblante. L’intonation de ta dernière phrase indiquait que tu n’avais fini de parler, mais tout ton corps réclamait une pause. Tu souffles, lentement, comme tu as appris à le faire pour te calmer alors que tu n’étais encore qu’une gamine.

« Je veux juste rester avec toi. Je me sens mieux, avec toi. C’est ça que je veux de toi, juste de pouvoir rester à tes côtés. »

Allez, tu y es presque. Encore un effort. Qui est-elle pour toi, ou du moins, qui veux-tu qu’elle soit ? Le mot t’effleure les lèvres, et tu l’as déjà prononcé, mais tu es incapable de lui demander cela. Tu es terrifiée à cette idée, encore plus que devant toute autre. Tu restes un long moment silencieuse à essayer de trouver quelque part dans ton esprit au bord de l’implosion. Une toute dernière once de courage, c’est tout ce que tu demandes.

« Pour moi, tu es.. mpf.. une.. marraine.. ? Un modèle.. »

Tu as à peine assez d’air pour terminer ta phrase. Ta respiration est saccadée et tout ton corps se fait le témoin de la difficulté du moment qui vient de passer. Tu aimerais disparaître, enveloppée dans une douce couverture de velours et ne plus refaire surface pour ne pas avoir à vivre en ayant avoué ta faiblesse à haute voix. Tu as mal au ventre, et tu veux que ça s’arrête.



CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Dim 27 Juin - 23:54 (#)



Les jeux de lumières s’enchevêtraient à ses souvenirs. Dans l’ovale intime de leur alcôve, les faibles lueurs de la salle créaient des ombres intermittentes sur les contours du matelas de cuir, et sur les décorations de bois brillant, sur lesquels naissaient des chatoiements imperceptibles, et des fausses nuances d’émeraude et d’azur. Comme les illusions irisées traversaient l’obscurité des recoins, celle que le lustre échouait à dissiper, elles se muaient en reflets aquatiques évanescents, dessinés par les faisceaux d’une lune d’autrefois. La mémoire d’Elinor errait alors sur les rives de ces eaux couleur de la nuit, calmement silencieuses sous un ciel d’encre noir, éveillant lentement les échos vivaces d’une vieille discussion sur un lac déserté. Les bribes d’une voix d’homme résonnaient avec une troublante acuité avec ceux, hésitants et si faibles, d’une jeune femme d’aujourd’hui, assise à côté d’elle.
Bientôt cent ans de cela. Des rives fraiches d’un lac aux matelas de ce bar, un insurmontable fossé les séparait, et toutefois, leurs mains se touchaient presque. Lui, et elle. L’errance d’une âme blessée cherchant un réconfort inexistant, dans une étreinte froide, dont l’amour ne constituait alors qu’une vague interrogation sur le bout des lèvres. Qu’aurait-il eu à dire, ce soir-là ? s’interrogea-t-elle à cet instant, bercée par une nostalgie amère. Il aurait ri, sans doute. D’un rire amer, et sans joie, de celui qui ne résonne que dans les chapelles, et les centres de désintoxication, au sein duquel aurait percé les échardes d’un cœur brisé. Les yeux d’Elinor suivirent ceux d’Heidi vers la table, et ses mains croisées sur la surface lisse, alors qu’un silence à la fois attentif et songeur avait scellé ses lèvres.

Tu ne t’intéresses pas réellement aux choses, ni aux personnes autour de toi…

Son cœur se serra un court instant. L’immortelle leva encore les yeux vers les nuances fantomatiques qui rampaient contre les poutres sombres du plafond, mais aucune couleur ne ressuscita l’illusion du lac, et d’une silhouette disparue dans les limbes du dernier siècle. Elle l’avait perdu. Des fragments d’images refirent surface au fil de la conversation avec Heidi, à peine des visions fugitives naissant dans l’intonation brève d’une voix saccadée, tout comme dans les mouvements nerveux et crispés des muscles d’un corps humain. Cela faisait mal. Comme des lames effilées cherchant à entailler un masque de marbre, en appuyant sur les fissures dissimulées, sa mémoire réinjectait dans sa chair toute cette saveur de bile caractérisant son aveu d’erreur, difficilement avouée au fil des années.

…Tu les effleures seulement. Tu les observes fleurir ou flétrir par curiosité. Pour toi, l’un ou l’autre revient au même.

Les lèvres d’Elinor frémirent sans un bruit. Derrière son mutisme pensif les souvenirs et les douleurs se muèrent alors en d’innombrables interrogations, comme autant de fantômes furieux qui venaient tambouriner sur les fenêtres d’une autre vie. L’un d’eux en particulier, la hantait. Celui d’une ancienne erreur, et avec elle, les maximes qui, déclamées de sa voix douce et auréolée de la douceur du souvenir, prenaient à présent l’allure de prophéties. Il avait eu raison, sans doute, elle refusait encore de se l’avouer. Elle retourna ce sentiment dans son esprit, comme l’on examine avec une délicatesse retenue les bords d’une plaie encore ouverte, et l’observa à l’aune de ce nouveau siècle. Il aurait eu tort maintenant, peut-être, cela non plus elle n’était pas prête à se l’avouer.

Comme tu rirais bien, si tu étais encore là, songea-t-elle, et ses lèvres frémirent à nouveau, dans la pénombre factice que créait ses mèches noires. Je te traiterai d’idiot, en retour.

L’immortelle redressa la tête vers Heidi. D’un mouvement leste et silencieux, elle vint s’asseoir à côté d’elle, et resta ainsi sans esquisser un geste, lui laissant le temps et le calme nécessaire pour dompter le flot d’émotions. Ses mains restèrent sagement entrecroisées sur le haut de ses jambes, quand elle laissa errer son regard vers la surface miroitante de la table, les arabesques dessinées à contre-jour sur les murs, à la recherche d’un lac illusoire, qui ne subsistait plus que dans ses souvenirs.

« D’accord, Heidi. Je comprends. »

Elinor s’accorda un nouvel instant de silence pour réfléchir. La voilà désormais, s’aventurant sur des chemins inhabituels, où une douleur fantôme lui tenait encore la main, et où les bosquets de fleurs mortes esquissaient les contours d’une silhouette avalée par les affres de la mortalité. La voilà en train de chercher ses mots. La voilà en train de chasser de son esprit encombré d’un remord tenace, une comparaison idiote et odieuse, qui n’avait pas lieu d’être.

« Tu n’as pas besoin des autres pour exister. » Elle s’interrompit une seconde. « Je comprends ce besoin de reconnaissance, d’une certaine manière je l’ai ressenti. »

Lui aurait été étonné, sans doute. Elinor s’étonnait elle-même, sans aucun doute. Comme l’une de ses ombres fugitives, un sourire fugace ourla les lèvres de l’immortelle, un court instant, quand elle cherchait encore les mots justes pour reprendre le fil de la discussion.

« Ma mère est morte très tôt. J’ai grandi sans elle. J’ai eu la chance d’être très proche de mon père cela dit, et je n’ai pas vécu ton calvaire. Mais je suis restée longtemps furieuse contre les autres. Comme toi l’a été, peut-être. »

Je les observais fleurir ou flétrir, oui, se répéta-t-elle, mais j’ai changé. Lui avait raison, à l’époque, sans le moindre doute. Mais en ce nouveau siècle, tout était différent. Elle s’était forcée à regarder en face ses choix, à examiner la douleur dissimulée au fond d’elle-même, et à la tordre pour en saisir toutes les contradictions. De fait, n’était-ce pas sa propre conception de l’immortalité, que de refuser de s’enfermer dans un schéma étroit ? Jeter aux ordures ses croyances, brûler ses acquis, déchirer ses sentiments pour recréer à l’infini, durant toute l’éternité ? En scellant son immortalité, voilà un siècle de cela, elle avait fait aussi le serment d’évoluer constamment, de se soustraire sans relâche aux sables du temps dont ceux de sa race étaient si souvent victimes. Elinor se raccrocha à cette idée, sans se départir de son sourire songeur, et poursuivit son récit étonnamment intime.

« À cette époque, il était difficile de construire soi-même quelque chose, en tant que femme seule, et je ne pouvais pas me raccrocher à un modèle, à une mère. Il ne me restait que mon père. Il était toujours loin de moi, un idéal de réussite auquel je tentai de me raccrocher, mais que lui, et tous les autres d’ailleurs, me refusaient. »

Les souvenirs affluèrent à nouveau. Les flammes d’un incendie de jadis, des tapis anciens imbibés de sang noirci par les cendres d’un vieux manoir, et l’ivoire des os jauni par la chaleur du brasier. Une fureur de vivre obnubilée par le jugement des autres, et dont les émotions, enserrées dans une corde de frustration, brûlaient d’un mépris permanent. Comme répondant à une question intérieure, Elinor hocha pensivement la tête, hésita quelques secondes, et reprit son explication d’un ton doux.

« Je les méprisais tous pour cela. Je voulais réussir à bâtir quelque chose, non seulement pour moi, mais surtout contre eux. Je voulais les écraser. Je voulais leur montrer combien ils avaient eu tort de négliger mon existence. J’y suis parvenue d’ailleurs. Mais cela n’a pas été aussi satisfaisant que prévu. »

Elinor s’interrompit au milieu d’une intonation. Elle tendit la main pour saisir son petit sac noir, puis en extirpa un sachet de mouchoirs qui, de toute évidence allait être rapidement utilisé ce soir, et le fit glisser face à la jeune femme, d’un geste discret.

« J’ai fini par comprendre avec le temps, qu’il est nécessaire de devenir celle que tu désires être, et non celle que les autres attendent de toi. Sinon, on reste éternellement prisonnière de ceux que tu as détesté, et des souffrances qu’ils t’ont infligées. »

Un frisson de satisfaction traversa l’immortelle, au fil de ses réflexions énoncées à voix haute, et ses pensées firent défiler des traits grimaçants disparus depuis longtemps. Les murmures fielleux et les moqueries de couloir, tout autant que les œillades vulgaires et les brimades dédaigneuses, comme des portraits poussiéreux et ternis par les années, dans un vieux corridor aux portes closes. Tels des fantômes à la haine puérile et sans valeur, des vieilles reliques dont les arêtes ne la blessaient plus depuis bien longtemps, Elinor les exhibait encore par plaisir de temps à autre, comme l’on ressort un ancien album de famille, aux faces aussi monstrueuses que désormais risibles.

« Tu as tes propres talents, Heidi, sans doute ne correspondent-ils pas aux normes de ta famille, cela n’a aucune importance pour moi. » Elinor se redressa, en touchant doucement l’épaule d’Heidi du bout des doigts, comme pour l’inciter à la regarder à nouveau.

« Ce que j’essaye de te faire comprendre, et c’est aussi une forme de proposition, c’est d’aller au-delà de ça. Bien sûr, je ne peux qu’imaginer combien un tel vécu va être difficile à surmonter, et si tu as besoin d’en parler, je t’écouterai. Mais je souhaiterai que tu te construises d’abord, et non que tu restes enfermée dans le passé, derrière les barreaux que ces gens ont voulus te mettre. »

Qu’aurait-il dit de tout cela ? pensa-t-elle à nouveau, et l’ombre d’un doute revint obscurcir ses réflexions. Le souvenir de ces soirées entre eux l’envahit encore, dans cette bibliothèque à la chaleur intimiste, et cette détresse familière de deux être demeurés incompris l’un envers l’autre, des ruines fumantes d’une construction mutuelle ratée. N’avait-elle pas été assez claire, autrefois ? Ne s’était-pas elle acharnée à le reconstruire, à lui tendre la main ? Cette âme désemparée par des souffrances profondes, le vide béant d’une vie dépouillée, qu’elle avait pourtant échoué à remplir.

« Si eux ne te veulent pas Heidi, alors pourquoi devrais-tu t’accrocher à eux ? » continua-t-elle en scrutant ses réactions. « Aujourd’hui, tu vis de manière indépendante, tu n’as pas besoin d’eux, tu es capable de briller et tu ne devrais pas laisser tes talents être minés par le passé. »

L’argent n’a pas d’importance, lui avait-elle dit alors. Lui, n’avait jamais compris cela. Et désormais, dans cette salle si inadéquate aux discussions sentimentales, elle était à nouveau face à ce même déchirement, une nouvelle âme errante à ses côtés, trainant derrière elle une enfance déchirée comme des chaines. Comme l’histoire semblait se répéter. Comme la vampire semblait réellement posséder un talent pour délier les langues, et ouvrir les âmes, sans pour autant parvenir à les soigner. En vaut-elle la peine au moins, s’interrogea-t-elle, ou bien n’est-elle qu’un simple remplacement ?

« Je souhaiterai t’aider à cela, mais tu dois aussi apprendre à faire confiance à toi-même. J’aimerai mieux que tu exprimes ce que tu souhaites pour ton futur en termes clairs, au lieu de chercher à m’impressionner en brûlant des usines. » conclut-elle sur un ton taquin.

Or, le siècle était différent. Cette jeune femme était différente. Elinor l’était aussi. Elle avait ainsi classé ses erreurs comme autant d’enseignements précieusement entreposés, parfois avec un soin maniaque, dans les méandres de son esprit. Des reliques d’un temps passé aux long cheveux de jais, et aux yeux gris de tristesse, rencontré au détour d’un lac aux eaux noires, que toutes les illusions nocturnes ne pouvaient alors ressusciter. Au-delà de l’éternité, s’étendait à présent ce jalon neuf, ce chemin inconnu vers une immortalité idéale tant recherchée, ce perpétuel renouvellement, et un premier pas vers la sagesse, sans doute. Car, n’était-ce pas ainsi, un accomplissement en soi, que d’ouvrir son expérience à autrui, que d’essayer de transmettre un savoir et d’enseigner à son tour ?

Le temps est peut-être venu, oui, se conforta-t-elle alors, en reprenant la fil de la discussion, avant que les larmes d’Heidi ne viennent inonder encore son visage.

« Par contre, je vais devoir insister, qu’entends-tu par marraine ? Je devrais l’interpréter au sens littéral, celui d’être introduite dans une famille, dans un ensemble de règles ? Est-ce que je dois comprendre que tu souhaiterais devenir comme moi ? »

Oh, Heidi, si seulement tu avais été sincère dès le début. Un sourire. Une caresse discrète contre sa chevelure. Une invitation au réconfort. Une sincérité étonnante, qui l’aurait sans doute étonné, jadis, lui et ses reproches. Elle, et sa fureur de vivre. Un second frisson de satisfaction escalada son échine, vif comme une saveur de vengeance, et la certitude de faire le bon choix. Je n’obéirai jamais aux normes que vous me fixez, encore aujourd’hui, et plus jamais, se dit-elle en son for intérieur.

« Heidi, au terme de cette soirée, j’aimerai qu’il n’existe plus aucun non-dit entre nous. Si tu as un tel souhait, tu peux me le confier sans aucune honte. Je te répondrai sincèrement. De manière générale, tu peux tout me confier. »

Bientôt cent ans de cela. Des rives fraiches d’un lac aux matelas de ce bar. Un oracle y aurait vu une coïncidence. Nowee y aurait vu une prophétie teintée d’ironie. Elinor hésitait entre l’un ou l’autre.

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Anonymous
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Mer 30 Juin - 19:53 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



I
nspirer, expirer. Ferme les yeux et continue comme ça. Tu la sens, maintenant à côté de toi, cette présence si étrange à laquelle tu t’es attachée plus que de raison. Yeux fermés ; inspirer, expirer. Crois-le ou non, elle est là pour t’aider.
Il fait noir, mais ils disent que si on se concentre assez, on peut arriver à voir un souvenir heureux auquel s’accrocher. Tu ne peux pas ne penser éternellement qu’à ta respiration ; il va falloir sortir de cette minuscule zone de confort si tu veux aller de l’avant et rejoindre Elinor de l’autre côté de cette ligne qui n’existe pas, à travers ce paysage de l’esprit, noir et pourtant incroyablement limpide. Parfois, tu aimerais que simplement respirer soit une victoire suffisante pour t’en féliciter. Le simple fait d’exister, parfois, devrait être assez. Quand as-tu décidé d’être aussi rude envers toi-même ?
Inspirer, expirer. Et, comme un nouveau saut dans le vite, rouvrir les yeux et chasser les fantômes.

Ton cœur a un peu tempéré ses ardeurs, permettant à ta respiration d’adopter le rythme lent et régulier, presque métronomique, que tu cherches à lui imposer. Peu à peu, tu agrandis ta bulle à l’allure paisible du battement inaltérable qui te stabilise, et à mesure qu’elle grandit, tu reprends conscience de ce qui t’entoure, et même de ton propre corps. Ça part de ton cœur, de tes poumons, puis ça grandit jusqu’à ta tête, tes cuisses ; tu remarques à nouveau la banquette sur laquelle tu te recroquevilles et les reflets étranges de la table sur laquelle ton regard se pose instinctivement. Le monde renaît une énième fois autour de toi, peut-être que celle-ci sera la bonne.

Tu aimes tellement quand elle prononce ton nom de cette manière. Sa voix est si calme, si apaisante. C’est une barge à peine bercée par le clapotis des vaguelettes au milieu d’un océan déchaîné. C’est un abri chaud, sec et intime dans lequel s’allonger paisiblement en écoutant le vacarme de la tempête s’abattre sur ses murs imperméables. Ça n’est pas grand-chose pourtant, mais quand elle prononce ton nom, tu ne peux t’empêcher de sentir une sorte de mélancolie heureuse serrer ton âme, comme si même tes sentiments avaient conscience de la tristesse de l’état dans lequel il faut se trouver pour qu’une telle chose provoque une félicité aussi intense. Aurais-tu peur du bonheur au point de devoir le teinter systématiquement d’amertume pour le rendre acceptable ?
Elle dit qu’elle te comprend, et tu as envie de la croire, mais tu ne sais pas si c’est vrai ou si elle dit ça seulement parce que ces mots sonnent doux aux oreilles des marginaux comme toi. Ce sont des mots qui cajolent et caressent dans le sens du poil, des mots dont tu as toujours été jalouse ; tu as toujours détesté la manière dont tu pouvais les entendre et pourtant ne jamais en ressentir la chaleur, tu trouvais ça cruel, peut-être même encore plus que les mots acerbes de ta mère ou ta cousine. Cependant, ses mots en appellent d’autres. Tu plonges avec elle dans le récit personnel qu’elle t’offre. Elle est en train de te raconter l’époque où elle n’était encore qu’une humaine, comme toi.
Au centre de ton esprit embrumé, tu essaies de décortiquer chacune de ses phrases, le moindre de ses verbes, et de les graver dans ta mémoire comme le gage décisif de sa bonne foi. Ton histoire contre la sienne. Le symbole du pas qu’elle fait vers toi alors pourtant qu’elle s’évertuait à te le dire explicitement. Tu as ta propre manière de raisonner et une logique qui ne connaît de sens qu’en toi, et il doit être difficile pour quelqu’un de savoir quels mots employer pour que tu comprennes ce que l’on veut te dire.

Alors, silencieusement, tu l’écoutes. Dans ta tête bat toujours ce métronome sur le rythme duquel tu essaies de calquer celui de ton palpitant. En contrebas, les airs de swing animent toujours la foule et sur la piste de danse, la volupté des serpents côtoie vigueur des primates dans un ballet informe. Tes yeux, eux, sont toujours rivés sur les reflets fugaces de la table lustrée. Tu sais d’ores et déjà que tu passeras la fin de ta nuit à te repasser en boucle ces mots quand tu seras seule avec toi-même dans le lit étranger de ton nouvel appartement de circonstances. Tu auras beau cligner des yeux, les quelques perles qui n’ont pas encore dévalé tes joues ne cesseront pas de brouiller ta vue avant que tu ne te décides à les essuyer d’un revers de main, mais ça peut attendre ; tu n’as pas besoin de voir pour écouter.
Au milieu du récit de cette vie que tu n’aurais jamais soupçonnée, quelques bribes t’atteignent particulièrement et semblent resonner en toi. Tu t’identifies à ce qu’elle dit, alors ? C’est donc ça, l’effet que ça fait. Furieuse contre les autres, voilà quelque chose que tu connais bien ; contre le monde entier, même. La différence, c’est que toi tu l’es toujours. Tu trouves même le moyen de faire de tes souvenirs heureux des prétextes pour faire grimper ta rage. Tu ne comptes plus le nombre de fois où tu t’es sentie trahie en pensant à toutes les choses que tu apprécies et qu’on t’a soit cachées, soit refusées. Tu repenses à la fois où tu es venue promettre un comportement exemplaire à tes parents en échange de cours de musique, et une grimace douloureuse tord brièvement ton visage lorsque ta mémoire te donne à voir, encore, leur refus catégorique et les réprimandes sévères qui suivirent immédiatement. Tu la réprimes cependant bien vite en te mordant la lèvre, tu veux continuer à écouter ce qu’Elinor te raconte. S’il y a un an, on t’avait dit que tu écouterais sagement une leçon de vie en tâchant d’en comprendre les enjeux, tu aurais certainement beaucoup ri, et pourtant regarde toi ce soir. Tu as toujours agi différemment avec Elinor, mais encore jamais de cette manière. Avec personne d’autre, d’ailleurs.

Ton corps entier se crispe une fraction de seconde lorsque ses doigts caressent ton épaule avant de se détendre lentement. Tu déglutis difficilement et tourne finalement la tête dans sa direction, puisant dans une réserve de courage que tu ne te connaissais pas la force de plonger tes yeux dans les siens. D’un revers de main maladroit, tu les débarrasses enfin des perles d’eau salée qui t’empêchaient de distinguer ses traits fins soulignés par le clair-obscur si particulier de votre alcôve.
Ses mots font parfaitement sens, tu comprends ce qu’elle dit. Sa logique a réussi à atteindre la tienne, c’est indéniable, à tel point que la gentillesse de ses paroles parvient sans mal à t’arracher de nouvelles larmes aussitôt les précédentes évincées d’un geste rapide. Pourquoi alors n’arrives-tu pas à te défaire de cette condition de prisonnière ? Tu peux voir clairement tous les barreaux qui sont posés autour de toi, tout comme tu peux voir sa main tendue. Tu l’attrapes et t’y accroches de toutes tes forces, alors pourquoi ne peux-tu pas t’échapper dès maintenant ? Ta mâchoire se remet à trembler sous le coup de l’émotion, teintée de panique et d’incompréhension. Tu veux t’échapper mais tu n’y arrives pas, et tu luttes en ton for intérieur pour que cela ne provoque pas cette colère que tu exècres.

Que veux-tu pour ton futur ? Que veux-tu dire par marraine ? Que représente-elle vraiment pour toi, pour la troisième fois ? Veux-tu devenir comme elle ? Qu’est-ce que ça signifie, « comme elle » ? Tu finis par hocher la tête lorsqu’elle conclut. Tu comprends ce qu’elle te dit, mais il va te falloir un long moment avant d’être capable de mettre en pratique cette leçon de vie. En d’autres circonstances, tu aurais presque pu te délecter de la douce ironique du fait que ce soit une morte qui te l’ait donnée. Malgré ce flot d’émotions caustiques que tu peines à canaliser, il y a quelque chose dans cette situation qui fait se sentir bien une part de toi. Cette gamine effrayée par le monde et en manque cruel d’amour qui n’a jamais pu s’épanouir ose enfin ouvrir les yeux.

Comme pour retarder encore un tout petit peu l’échéance, tu reposes ton verre sur la table et attrapes un mouchoir. Bientôt, tu vas devoir faire un autre pas dans le vide, exposer les méandres de ta raison à sa vue pour permettre d’y tisser le lien que tu réclames sans être capable encore de le dire.

Inspire, expire.

« Tu es ce que j’ai connu de plus proche d’une famille depuis que je suis née, alors.. »

Ta gorge est nouée, et tu ne comprends pas pourquoi tout ton corps s’obstine à rendre cette épreuve aussi difficile. Tu sais très précisément ce que tu veux lui dire, mais tu sais aussi que cela entraînera un changement. C’est ça qui t’effraie tant ? Pourtant tu le désires, tu n’es pas satisfaite de ta vie. Tu baisses les yeux, comme si tu étais aussi effrayée qu’elle puisse lire tes questionnements au travers de tes iris de jade.

« Bien sûr que je veux être comme toi. J’ai envie de faire partie de ta famille.. ? »

Tes mains tremblent de nervosité. Tu l’as dit, voilà. N’ait pas honte, elle te le demande. Tu relèves finalement les yeux vers elle dans l’espoir d’y trouver la bienveillance qu’elle t’a promise et dans laquelle tu veux te nimber en récompense de l’effort que tu viens de fournir.

« Je me souviens de ce que je t’ai dit la première fois que je suis passée chez toi. Que je courrais pas après l’immortalité. »

Le souvenir de cette soirée arrache un bref et subtil sourire à ton visage peiné. C’est un souvenir précieux que tu chéris comme un joyau rare, un plaisir coupable que tu ne partages avec personne d’autre. Un moment littéralement privilégié.

« Il y a une part de moi qui a dit ça parce que je pensais que c’est ce que tu voulais entendre, mais il y a une autre part de moi qui n’avait vraiment pas envie de devenir immortelle. Immortelle pour quoi faire ? Pour continuer à être une alcoolique dépressive et bonne à rien ? J’avais bien assez d’une vie comme ça pour demander du rab. Mais maintenant j’ai changé, je crois. Des fois je me pose la question, et si un jour j’avais droit à ça, à l’immortalité, qu’est-ce qui se passerait ? »

Ta mine triste s’assombrit une nouvelle fois ce soir alors que tu t’apprêtes encore à entrainer Elinor avec toi dans l’océan obscur de ta mémoire. Il te faut un petit moment pour trouver quoi dire ensuite. Où vas-tu avec cet aveu ?

« Enfin, j’ai toujours été attirée par les vampires depuis la Révélation. Dans ma chambre d’internat le soir avec une bouteille d’alcool volée, je m’imaginais en être une. »

Tes larmes ont cessé de couler mais cette nouvelle plongée en apnée n’est pourtant pas plus agréable que la précédente. Tu te revois, assise dans ton lit grinçant, figée dans la même position qu’en ce moment même, en train de fantasmer la perte de ton humanité à grands renforts de boissons que tu n’aurais jamais dû toucher à cet âge.

« Tu dois trouver ça stupide, mais j’avais juste plus envie d’être humaine. J’avais pas envie d’appartenir à ce groupe qui n’a jamais arrêté de me faire mal, alors dès que j’ai appris que vous existiez forcément j’ai voulu être des vôtres. »

Tu te souviens de tout ça comme si c’était il y a quelques semaines à peine. C’était il y a plus de dix ans. Ça doit paraître ridicule quand on est immortel, mais ça représente presque la moitié de ta vie.

« Deux ans plus tard, j’ai fugué. J’ai pris tout l’argent que j’ai pu économiser en sautant les repas au lycée, j’ai pris ma valise, je suis allée acheter ma trompette et j’ai fraudé le premier bus de nuit pour Shreveport. Après ça, je t’ai déjà raconté je crois. »

Alcool, parfois drogues, plus d’alcool, enchaîner emploi alimentaire sur emploi alimentaire pour dilapider ta paie dans toujours plus d’alcool, en parallèle profiter des heures où tu n’es pas ivre pour étudier la musique et pratiquer tes gammes.
Tu laisses le silence regagner la bulle quelques instants, le temps de disperser les souvenirs évanescents qui ont refait surface avec tes paroles. Plus aucuns non-dits, te demande Elinor. Tu sais que tu devras parler d’elle. Elle fait partie de tes souvenirs comme si vous les partagiez. Parmi tout ce qui t’effraie dans le monde, parmi toutes les choses que tu as vues ou vécues, pour toi il n’y a rien ni personne qui ne suscite autant de terreur qu’elle. Celle dont tu utilises le nom comme alias à chaque fois que tu commets un forfait pour prendre une revanche misérable sur tous les sévices qu’elle a pu te faire subir. Tu dois la mentionner, mais même après une décennie sans l’avoir vue, tu as toujours peur qu’elle puisse te le faire payer. Un nouveau pas dans le vide, il n’a rien de différent des autres, allez. Ce n’est qu’un pas, et tu n’es plus toute seule.

« Et il n’y a pas que mes parents que j’ai fuis en venant ici. Il y a aussi ma cousine. Mais je veux pas en parler, je.. je te l’ai dit pour que tu saches, mais je veux pas parler d’elle. »

Peut-être plus tard, mais tu n’es pas prête. C’est un pas trop grand à faire, même devant toute la confiance que tu place en la vampire. Rien que de penser à Anna, ton cœur s’est emballé à nouveau et tu peines à respirer avec calme. C’est trop tôt. Bien trop tôt, et à cet instant, tu n’arrives pas à imaginer à quel moment il ne sera plus trop tôt.



CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Dim 18 Juil - 16:38 (#)



Quand les lumières de la salle se tournèrent vivement vers la scène, elles illuminèrent la diva d’une aura scintillante, comme les plumes de sa silhouette projetaient leurs éclats iridescents tout autour d’elle. « Merci ! » clama la chanteuse, lorsque les dernières notes de swing s’évanouirent sous un torrent d’acclamations enthousiastes. Des verres furent levés, des chaises furent tirées à grand bruit, et des sifflets retentirent, emplissant durant quelques instants l’infâme bouge, d’un vernis de respect face à la beauté de la musique. Quelques invectives salaces résonnèrent au milieu des rires, des cris, et des toasts, tandis que les artistes s’avançaient aux côtés de l’interprète principale, pour saluer leur public indocile. Ceux-ci s’inclinèrent sous les applaudissements nourris, l’un d’eux repoussant du pied un client essayant de grimper sur scène, tandis que la saxophoniste taquine lançait des baisers à la volée, déclenchant ainsi davantage de hurlements hystériques.
Assourdissants comme une meute d’animaux ivres, les clients mettaient à rude épreuve la patience et le professionnalisme du service, dont les membres jouaient des coudes, parfois des poings, pour éteindre l’enthousiasme furieux. On brisa une bouteille de whisky sur un crâne, et une chaise sur le dos d’un autre, avant que l’ardeur de la foule ne se dissipe enfin, lorsque les artistes quittèrent la scène. La saxophoniste abandonna encore un baiser en saluant d’une main, puis le rideau épais masqua à nouveau les planches, et les lumières de la salle revinrent à la normale, douchant les tables d’une clarté crue. Une rumeur nouvelle remontait alors depuis le comptoir, les couloirs adjacents, et les portes closes menant aux entrailles du bar, comme l’attente fiévreuse du prochain spectacle, que les habitués semblaient déjà anticiper avec une étrange impatience.

Loin au-dessus des braillements débraillés de la plèbe, Elinor tâchait de faire fi de cette marée de voix bruyantes et hilares, pour consacrer la totalité de son attention aux réponses de son calice. Elle se laissa retomba contre le dossier de la banquette, toute proche d’Heidi, reprenant cette posture patiente et détendue, que celle-ci affichait depuis leur arrivée. Elle hocha la tête de temps à autre, en limitant ses commentaires, comme pour encourager les confessions de la mortelle.

« Je me souviens que tu me l’avais dit, oui. »

Toutefois, Elinor n’avait jamais été dupe quant aux rapports entre les vampires et leurs adeptes. De telles relations se construisaient au fil des années, entre des créatures prédatrices, et ceux qui bien souvent étaient considérés comme leur cheptel. Deux entités opposées en bien des manières, entre lesquelles même la simple perception du temps différait, et dont la séparation douloureuse s’avérait presque à coup sûr, inéluctable. Une relation en château de cartes. Un équilibre voué à s’effondrer, quand la marche impitoyable des siècles continuait inexorablement de creuser un fossé entre un être fragile, dont la vie éphémère s’éteignait alors en un clin d’œil, face à l’immortalité de son maitre.
Et le château de cartes continuait de vaciller, cette nuit-là. De vieilles cartes maintes fois rebattues, brûlées pour certaines, laissant toute l’opportunité de bâtir quelque chose de nouveau, de plus solide, sans doute. Un sourire spontané naquit sur les lèvres de la vampire. Elle a bien du potentiel, se dit-elle, tout écoutant avec attention les raisonnements de son calice, en se félicitant intérieurement de cette discussion à cœur ouvert.

« Ce sont d’excellentes questions, et à vrai dire, certains vampires auraient dû se les poser avant de le devenir. Tu dois comprendre que c’est vraiment une réflexion essentielle. »

Placer une carte, en retirer une autre. Masquer son jeu, dissimuler les codes. Maintenir les règles des vampires, effleurer le secret. Elinor avança avec prudence ses propres atouts, en choisissant avec un soin lent, mais délibéré, chacun de ses mots, pour éclairer Heidi sans rien révéler de dangereux.

« Tu te doutes bien qu’avec la Révélation, bien des fantasmes sur notre existence ont été accentués, et pourtant, la réalité est parfois crue. Certains ont cru que l’immortalité serait un échappatoire aux problèmes d’une vie humaine, comme un tour de magie qui effacerait tout. Pourtant, ces problèmes humains demeurent, et d’autres nouveaux apparaissent. Bien sûr, ce serait te mentir qu’il n’existe aucun avantage, mais il faut bien sûr peser chaque élément. »

Quand l’immortelle coula un regard scrutateur vers Heidi, elle n’esquissa cette fois-ci aucun geste de réconfort, comme la discussion prenait soudainement une teinte sérieuse, entre deux adultes qui évoquaient un sujet de la plus haute importance. Le château de carte vacillait, et se reconstruisait en même temps, une interminable structure qui, à ce moment-là, prenait lentement des formes bien plus concrètes. Elinor laissa son éternel sourire sibyllin mourir sur ses lèvres, puisant son inspiration dans la solidité de sa décision précédente, et continua ainsi sa tirade, en appuyant sur chacun de ses mots avec soin, pour leur donner du poids, une gravité extrêmement importante.

« Que faire de l’immortalité ? Encore une fois, c’est une excellente question, Heidi, et je veux que tu la gardes à l’esprit. » déclara-t-elle avec lenteur. Elle fixa quelques instants les lumières irradiant soudainement la salle emplie d’une impatience fiévreuse.

« Certains des nôtres ont continué à trainer à travers l’éternité tous leurs défauts humains, parfois leurs névroses ou leurs excès. Tu as raison, convoiter l’immortalité simplement pour fuir l’humanité est une raison stupide, malheureusement, elle est très courante. C’est une vision des choses dénuée d’avenir. Je n’accepterai jamais quelqu’un qui avance cette seule raison. »

De nouveau, les traits mélancoliques d’un homme avalés par les sables du temps s’imposèrent à son esprit, et un indéfinissable sentiment de satisfaction envahit Elinor. Elle avait eu raison, elle aussi. Dans le cœur d’une erreur s’emmêlait une vérité authentique, comme deux dragons d’une légende endormis sous une tour, un château de cartes qui n’avait plus tardé à vaciller. Une construction alors jadis imparfaite, dont les fissures humaines faisaient chanceler l’ensemble, des douleurs fantômes, et des espaces encore vides de sens, que l’immortelle avait parfaitement vue, et fait s’écrouler.

Oui, quelque part, je n’ai pas eu entièrement tort de l’abandonner, songea-t-elle, comme pour se gratifier d’un peu de réconfort, tout en relevant ses yeux indéchiffrables vers Heidi.

« Je ne te refuse pas d’être à mes côtés, Heidi. Tu as du potentiel pour l’être. Mais actuellement, et je suis certaine que tu le comprends, tu n’es pas du tout prête à devenir une des nôtres. En dehors du fait qu’il existe des règles à suivre, en plus des miennes, j’ai beaucoup de choses à t’enseigner avant, et quant à toi, tu vas devoir commencer par faire la paix avec toi-même. »

Elinor marqua une nouvelle pause. « Néanmoins… » commença-t-elle, en laissant temporairement en suspens la question de la mystérieuse cousine. Elle croisa nonchalamment les jambes, et y joignit ses mains, s’autorisant un instant de réflexion avant d’aborder un nouveau sujet délicat.

« Puisque tu es sincèrement intéressée, nous devrions commencer par quelque chose de concret, et il existe justement une première étape. Considère cela comme une transition. C’est un état où l’on n’est ni vraiment humain, ni totalement vampire, un excellent jalon pour apprendre la réalité de la nuit, et beaucoup d’entre nous sont passés par là. Moi aussi. »

L’immortelle leva l’index. « Néanmoins… » redit-elle avec la naissance d’un sourire.

« Ce stade transitoire implique également beaucoup de responsabilités, ce n’est donc pas une étape anodine. Tu auras des capacités hors norme, tu feras partie de la famille, et la confiance entre nous doit être totale, comme une symbiose. Tu devras parfois me représenter auprès des autres, peut-être agir en mon nom, et à l’inverse, je serai tenue responsable de tes actions. »

Quel choix de Marquée étonnant, pensa-t-elle en scrutant les réactions d’Heidi, cette humaine si immature et incontrôlable, que nul n’aurait osé associer aux Lanuit, encore moins avec Elinor. Et pourtant, celle-ci décelait dans ce terreau blessé et désordonné, une richesse secrète, dans laquelle ses mains puiseraient une force brute, encore intouchée, afin de modeler une toute nouvelle création, un nouvel être qui s’avérerait peut-être, enfin apte à se conformer à ses attentes.

« Pour l’instant, tu n’es pas encore prête non plus pour cette étape. Concrètement, dans les mois à venir, je pense que tu devrais réfléchir à cet objectif, et si tu le veux, alors je te donnerai quelques… Disons, des missions à remplir pour moi. Je voudrais que tu ordonnes ta vie dès aujourd’hui, Heidi, que tu te construises toi, en fonction de tes désirs, et non des souffrances que les autres t’ont infligé. C’est ton avenir, et tu dois désormais décider de la personne que tu veux être. »

D’un mouvement discret, l’immortelle pencha la tête pour accrocher le regard d’Heidi. « Bien sûr, j’accepte que tu restes à mes côtés, c’était un oui implicite. Je serai là pour t’aider, pour répondre à tes questions, naturellement, mais celle qui peut le mieux t’aider avant tout, c’est toi-même. »

En contrebas, au beau milieu de la salle, une clameur remonta depuis les tables recouvertes par une pénombre nouvelle qui s’installa lentement, à mesure que les lumières convergeaient vers la piste de danse improvisée. Au centre de cet espace, une longue barre métallique venait d’apparaitre sous les acclamations générales, comme soudainement descendue depuis le plafond, et solidement fixée au sol. Des néons mouvants créaient des reflets chatoyants sur le métal, suffisamment épais pour soutenir un corps tordu dans des mouvements langoureux. Déjà, certains clients arrangeaient les tables en cercles concentriques, sous les sifflets et les encouragements, en clamant un nom qui devenait de plus en plus net malgré le vacarme général : « Ashley, Ashley ! »

Elinor jeta un bref regard vers l’agitation en dessous, avant de revenir à Heidi, et d’assouvir sa propre curiosité. Que cette cousine anonyme ait laissé une marque manifestement profonde dans l’esprit de son calice l’intriguait, promettant sans doute, une personnalité au moins intéressante à surveiller.

« Quant ta cousine, Heidi, tu n’es pas forcée de m’en parler. Est-ce qu’elle te tourmente encore aujourd’hui, ou est-ce seulement un autre fantôme de ton passé ? Quoiqu’il en soit, si tu choisis de rester avec moi, elle n’aura plus aucune prise sur toi. Ou bien, as-tu d’autres problèmes dont tu voudrais me parler ? »

En baissant la tête vers les vociférations de la salle, Elinor conclut sa tirade. « Je te l’ai déjà dit. Tu peux me parler librement, n’ai aucune crainte sur ce point. »

À cet instant, comme émergeant avec une grâce terriblement sensuelle des hauteurs du plafond, une silhouette sculpturale glissa le long de la barre de pole dance, sous les hurlements déchainés de la foule. Ashley, dont la chevelure blonde entrelacée dans ses cornes surnaturelles la rendait aussitôt reconnaissable, entama alors une descente acrobatique, ses jambes nues nouées au métal, tandis que les contorsions de sa danse mettaient en évidence ses courbes déjà avantageuses, encore davantage révélées par les seuls sous-vêtements qu’elle portait. La sulfureuse serveuse se tenait au métal avec une adresse déconcertante, à l’érotisme hypnotique, s’enroulant autour de la barre sur le refrain d’un nouveau chanteur, d’une guitare et de discrètes percussions, comme un reptile ensorceleur défiant la gravité. Celle-ci remonta alors dans un balancement aérien jusqu’à la hauteur des alcôves, ses longues jambes tendues quasiment la verticale dans un équilibre maitrisé, et entre ses mèches d’or, elle lança une œillade en direction de ses deux clientes. Dans un mouvement leste et sensuel, Ashley étira son bras droit en direction d’Heidi, et en ouvrant lentement sa paume, lui envoya ouvertement un baiser volatile, à la vue de tous, avant de continuer sa danse acrobatique.

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Anonymous
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Lun 19 Juil - 16:33 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



L
e contraste entre ton discours et les humeurs de la foule en contrebas est flagrant. Chaque confession est accompagnée d’acclamations et de cris enthousiastes ; s’ils avaient été pour toi, tu n’aurais pas bien su quoi en penser. Des félicitations pour avoir fait l’effort d’enfin alléger ton cœur de ses fardeaux, ou bien l’appréciation du conte minable de ta vie ? Heureusement, ces gens-là ne savent même pas que tu existes, et leur déchaînement n’a rien à voir avec tes sanglots. La vie suit son cours, avec ou sans toi. Tu aimerais parfois que le monde s’arrête seulement pour te plaindre et t’écouter chanter ta peine. C’est un peu l’impression que tu as lorsque tu montes sur scène : faire face à une foule silencieuse qui ondule au son de tes notes. Tu sais que c’est un fantasme, la musique comme exutoire absolu, et qu’il n’est pas possible de faire passer à travers elle la catharsis que tu désires tant, mais tu aimes t’accrocher quand-même à cette idée. Te dire que quelque part, tu as bien choisi ta voie.

Peu après que tu aies fini de parler, la salle regagne son calme tout relatif. Le volume sonore redescend pour atteindre un niveau plus décent pour lequel il n’est plus nécessaire d’élever la voix pour se faire entendre. L’atmosphère est maintenant frémissante, comme une nappe d’eau n’attendant plus qu’on la réchauffe d’un seul degré pour bouillir à nouveau.  
En attendant la réponse d’Elinor, ton regard dérive sur les planches à présent vides de la scène tandis que du revers de la main, tu te débarrasses d’une larme miraculée. Un jour peut-être, ce sera toi qui seras la cause de toute cette émulation. Tu te surprends à imaginer la scène ; toi, sous le feu des projecteurs, acclamée par un public que tu chéris tellement plus que celui pour lequel tu joues d’habitude. C’est une vision qui te plait, pas vrai ? Elle t’arrache un sourire rapide avant que ton attention ne se reporte sur l’immortelle qui elle aussi avait au coin des lèvres un léger rictus.
Tout d’abord surprise de ses premiers mots, tu n’as pas le temps de te sentir flattée. Les mots de ta marraine sonnent différents des précédents. Là où ils ont pu être doux, comme la caresse d’une main un peu trop rigide, ils sont maintenant de plus en plus graves. Ce ne sont toujours que des mots, mais ils sont différents, et ils font naître un étrange sentiment de nécessité qui serre subtilement ton estomac. Tu comprends que ces paroles sont importantes, peut-être les plus importantes depuis votre rencontre. Alors, tu balaies autant que possible les résidus malheureux de ton enfance avec cette cousine abusive pour te concentrer sur la déclaration d’Elinor.

Que faire de l’immortalité ? Questionnement essentiel. Garder à l’esprit. Presque pendue à ses lèvres, tu t’efforces de donner à ses paroles l’importance qu’elles requièrent. Bien sûr, tu le fais volontiers puisque cela semble lui tenir à cœur, mais la question de la raison se pose alors que tu l’écoutes t’expliquer avec minutie sa philosophie. Pourquoi te dire ça maintenant ? Serait-elle prête à t’offrir cette nature pour laquelle tu viens de lui confesser ta jalousie profonde ? Un éclat d’espoir teinté d’inquiétude apparaît au fond de tes yeux rougis par les pleurs. La réponse à ta question arrive bientôt, et elle te touche profondément lorsque tu réalises pleinement ce qu’elle signifie.
Du potentiel, toi. Tes mains se remettent à trembler nerveusement sous le coup de l’émotion. Tu comprends en effet parfaitement les raisons pour lesquelles elle ne peut consentir à te donner le fruit de tes désirs. Et pourtant, elle a dit qu’elle ne te refusait pas. Elle l’a dit pour toi, Heidi, éternel vilain petit canard. Tu hoches la tête pour lui signifier que tu comprends ce qu’elle te dit, mais tu ne peux pas réprimer cette si étrange sensation de satisfaction mêlée de tension qui parcourt chacun de tes muscles, de tes épaules au bout de tes doigts. Tu es dans un état que tu n’as jamais connu avant, chacune de tes émotions a atteint son pinacle et tu es aussi triste et fatiguée que tu es excitée. Toutes ces règles dont elle parle, et ces choses qu’elle a à t’apprendre, tu les vois comme un moyen exceptionnel et inespéré de te rapprocher d’elle ; en connaissant ton comportement vis-à-vis de la moindre forme d’autorité, elle a réussi à te donner l’envie d’apprendre à te conformer à un règlement. Tu n’en dis pas un mot, mais tu n’en penses pas moins : tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour lui prouver que tu es digne d’être acceptée.

Tu croyais qu’elle en avait fini, après tout, t’intimer de faire la paix avec toi-même est une plutôt belle conclusion, mais la suite te surprend d’autant plus que tu ne soupçonnais en rien la révélation qu’elle vient de te faire. Ce regard que tu as, ce mutisme dans lequel tu te confonds, cette volonté de te faire toute petite pour ne surtout pas perturber le cours des choses.. tu te souviens avoir été dans le même état par deux fois dans le passé. C’est comme retrouver les sensations de l’enfance que tu aurais aimé avoir. Une première étape, des responsabilités, une confiance sans faille ; cette perspective t’émerveille et révèle d’une lueur ténue la direction d’un nouveau chemin qui saura te mener, tu en es persuadée, à un avenir plus radieux.
Mais évidemment, tu n’es pas prête non plus. Ça te fait mal au cœur de l’admettre mais elle a raison une nouvelle fois : l’état dans lequel tu t’es mise ce soir ne fait que confirmer douloureusement ses dires. Alors voilà, il ne tient plus qu’à toi de faire le nécessaire pour gagner le droit de suivre ce chemin. Tu sais ce que tu dois faire, mais tu sais aussi très bien à quel point ce sera difficile. On ne change pas du jour en lendemain, et ce qui t’effraie le plus serait de gâcher cette opportunité qui ne se représentera sans doute jamais. La pression est immense, et tu anticipes déjà la première crise d’angoisse qu’elle provoquera. C’est de ça dont elle parle quand elle te dit de remettre ta vie en ordre. Bien sûr, comment pourrait-elle avoir confiance en toi quand toi-même tu ne te l’accordes pas ?

L’atmosphère semble être sur le point de se déchirer en un orage de cris de joie enivrés, en bas. L’éclairage devient une nouvelle fois plus discret, et comme pour compenser, la clameur retentit de plus en plus fort. La foule attend quelque chose, mais du haut de votre balcon, tu ne saurais t’en soucier moins alors que tu tentes d’intérioriser ces nouvelles réflexions. La voix de la vampire t’extirpe à nouveau de tes délibérations intérieures pour rappeler à toi la fin de ton propre discours : ta cousine. En parler en détail est définitivement au-dessus de tes forces ce soir, mais à peine ouvres-tu la bouche pour le signifier que tu te fais interrompre par des éclats de voix à la puissance dépassant de loin les prédictions. Voilà donc le clou d’un spectacle dont tu n’as pas pu profiter autant que tu l’aurais souhaité.
En laissant ton regard glisser vers la scène, tu comprends enfin ce qu’ils semblaient attendre avec tant d’impatience, et surtout pourquoi. Oh, tu reconnais bien vite la silhouette cornue qui se dévoile sur cette barre avec une sensualité qui te laisse tout sauf indifférente. Tes yeux indiscrets dessinent lentement les contours de ses formes ; de la pointe de ses pieds, tu passes à ses jambes que tu croyais infinies, ses fesses parfaitement rebondies faisant une liaison hypnotique avec son buste svelte sur lequel dansaient les couleurs chatoyantes des néons. Mais c’en est assez, tu n’es pas là pour cela, n’est-ce pas ? Tu détournes prestement le regard de la scène non sans avoir gagné au passage une couleur vermeil dont tu pensais t’être débarrassée pour la soirée. Alors quoi ? Tu as peur de cette sensation de chaleur qui se réveille malgré tout tes efforts pour l’enterrer ? Oh, qu’elle est laide cette frustration. Vingt-cinq ans maintenant, et jamais tu ne t’es autorisée à laisser agir tes fantasmes à ta place.
Tu permets alors à ton regard de profiter à nouveau du spectacle. Coïncidence ou sens du timing aiguisé ? Personne ne le sait, mais au moment précis où tu relèves les yeux, ils accrochent ceux de celle dont le nom ne cesse d’être scandé. Son regard se plante droit dans le tien et tu y lis mille et unes choses, tu sens se réveiller un désir coupable au plus profond de toi, et surtout, tu aurais pu jurer avoir entendu sa voix te murmurer quelques mots au creux de l’oreille. « Vilaine fille. » Un clin d’œil malicieux et un sourire provocateur plus tard, elle reprend sa danse comme si de rien n’était et te laissant tourner au carmin à la vue de tous sous une nuée de sifflements explicites. Sur ton visage maintenant à moitié enfoui dans ton pull, tu affiches une moue renfrognée pour cacher la honte qui te pend au nez. Le pire c’est qu’elle te plaît, mais tu ne sais pas quoi en penser, ni même quoi faire si l’envie saugrenue de prendre une initiative te venait. C’est pas juste, ou en tous cas c’est ce qu’on pouvait lire sur ta tête d’un simple regard ; et une part du public aurait sûrement été d’accord avec toi.

Beaucoup trop de choses se mélangent dans ta tête. Les restes de mélancolie des tes aveux, le sérieux des mots d’Elinor, ton excitation dissimulée à la fois pour le statut qu’elle te fait miroiter et pour cette serveuse capable de te faire changer de couleur d’un claquement de doigts ; tous ces sentiments et bien plus encore tournoient furieusement dans ton esprit déjà nébuleux et t’empêchent de trouver le moindre mot à répondre à l’immortelle qui, de son côté, doit sans doute malicieusement se délecter des conséquences visibles de ta confusion. Si quelqu’un dans la salle avait le don de lire dans les pensées, il tirerait certainement des tiennes une migraine et quelques images inavouables.

« Je.. »

Tu as visiblement besoin d’un peu plus de temps pour remettre de l’ordre dans ta tête. Tu prends une grande inspiration, expires longuement et tentes de te raccrocher au fil de ta pensée tout en tâchant de te défaire du rose qui décore tes joues.

« Je.. Ça me paraît bien. Enfin, je veux dire, oui, bien sûr, avec plaisir. Je vais garder ces questions en tête et je vais faire tout ce que je peux pour.. Gagner ta confiance ? »

Plus facile à dire qu’à faire, évidemment, mais le regard que tu lui adresses témoigne de toute la volonté que tu as à essayer.
Alors quoi maintenant ? Tu ne vois pas grand-chose à ajouter à ta réponse, certes maladroite mais pleine de sincérité. Un commentaire sur Ashley ? Non merci, tu es déjà assez embarrassée comme ça, et tu n’as pas non plus envie de lui confier jusqu'à quel point ta frustration te pousse pour que tu arrives à entendre des voix. Lui raconter pour Anna, alors ? Réflexion faite, tu préfères largement lui confier les détails de tes appétits sexuels inassouvis. Un léger soupir t’échappe. Peut-être qu’en profitant de ce savant mélange d’émotions, tu sauras t’ouvrir assez. Une grande inspiration à nouveau.

« Elle s’appelle Anna. Ça fait dix ans que je l’ai pas vue mais.. Encore aujourd’hui, elle me terrifie. Plus que n’importe qui d’autre, elle a fait de ma vie un enfer, pendant quinze ans. »

D’un coup de main rapide, tu essuies les quelques perles qui sont apparues au coin de tes yeux. Tu refuses de pleurer encore et de lui accorder une victoire de plus, une décennie après votre dernier échange. Les yeux levés au plafond pour empêcher les larmes de couler, tu ajustes le rythme de ta respiration. Un câlin ? A toi qui as horreur qu’on te touche ? Et pourtant, replonger en enfance fait ressurgir avec amertume ces envies que tu as dû réprimer.

« On a presque été élevées ensemble, et il faut juste savoir qu’elle m’a.. mpf.. Humiliée, aux yeux de tout le monde, des dizaines et des dizaines de fois, sans que je puisse rien faire. »

Voilà, c’est passé, tout ira bien, elle n’est plus là, et de toutes façons, Elinor t’a dit qu’avec elle, elle ne pourra plus t’atteindre. Tu as bâti de tes propres mains malhabiles une nouvelle vie, au prix de ta sueur et de ton sang, et pour rien au monde tu ne laisserais un souvenir sordide la mettre en branle. Tu souffles un dernier coup en serrant le poing sous la table alors que la prestation de la serveuse s’achève dans un tonnerre d’applaudissements. Là encore, tu aurais aimé profiter du spectacle, bien honteusement, mais une nouvelle fois, ta cousine apparaît au pire moment afin de gâcher ton expérience.
Il faudra que tu demandes à Elinor de revenir, un jour, avec moins de peines à soigner et plus de temps pour t’imprégner de l’ambiance en toute discrétion. Peut-être même un jour, pourquoi pas, te trouver toi-même sur ces planches, baignée par une douche de lumière crue, et mettre le feu - cette fois au figuré - à l'établissement sous le regard mutin de la vampire.

« Tu voudras bien me parler de comment c’était pour toi, cette première étape ? »

Après tout, tu ne connais que très peu la vie de ta marraine ; ça ne t’a pas empêché de placer en elle une confiance toujours croissante. Maintenant, tu as exprimé clairement le vœu de te rapprocher d’elle, et même si tu ne sais pas tout à fait comment t’y prendre, commencer à en apprendre plus sur elle semble être un bon point de départ.



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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

Pseudo : Carm'
Célébrité : Lily Sullivan
Double compte : Alexandra Zimmer & Inna Archos
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Lun 2 Aoû - 23:01 (#)



La créature raffolait de ces moments d’extase. De cette barre de métal tiède entre ses cuisses. De ces hurlements voraces d’une foule surexcitée. De ces ondes de désirs fiévreux carillonnant sur les murs de cette abime de luxure. De cette bacchanale débridée, où résonnaient les échos des âmes contre sa chair tendre, ces mortels vulnérables, si avides de sa chaleur et de ses attentions. Tous ces timbres exaltés la caressaient sous ses vêtements, embrasant ses veines, alimentant la fournaise de sa noirceur qui dormait sous la douceur de ses seins. Leurs braillements hystériques culminaient en une clameur croissante, au rythme de son cœur noir, les palpitations d’une horreur informe s’imbibant jusqu’à l’ivresse de leurs amours furieux, de leurs sentiments bestiaux, tout juste contenus.

Ils la voulaient tous. Elle les savourait en retour. Ils la nourrissaient de leurs douloureux désirs, cette âme noire, si noire. Était-ce encore réellement une âme, qu’une telle chose si sombre ?

La créature connue sous le nom d’Ashley termina sa danse aérienne, aux arabesques tortueuses qui peignaient l’érotisme et le désir, sous les pigments parfaits, luisants, et affolants de ses courbes. Les vociférations devinrent assourdissantes. Dessous la barre où la chose aspirait l’ardeur dépravée de la foule, les voix se mêlèrent en un seul chœur vagissant, les orbites s’évasèrent, comme toutes les âmes s’unissaient en un calice sacrificiel, dans lequel s’alanguissait la silhouette d’Ashley. Le sol se mit à trembler sous la fureur des acclamations aveugles, les lumières frémirent, tandis que l’air lui-même semblait luire d’une luxure omniprésente, de fumeroles enivrantes, un vortex invisible qui convergeait et disparaissait au fil des acrobaties aériennes, et dans le cœur noir de la danseuse.

Un cœur noir, si noir lui aussi. Pulsait-il encore de vie à l’intérieur d’une créature aussi sombre ? Elle n’avait nul nom humain, nul âge. Elle était ce tumulte de cris de jouissances et d’agonies mêlées.

Toutefois, quand la trappe dissimulée dans les hauteurs avala Ashley, le charme fut alors rompu, et un tonnerre d’acclamations satura la salle, avec la violence d’un barrage qui cède, ou les battants d’un abattoir subitement ouvertes. Elinor, que cette hystérie charnelle n’atteignait que peu, afficha une moue de contrariété face à ce déluge sonore, qui couvrait momentanément la voix de son calice. Entre les braillements assourdissants de cette masse de crétins imbibées, et la concentration requise pour ce sujet si sérieux, la discussion devenait difficile à mener, même pour la vampire. Le calcul de cette dernière était pourtant des plus simples : les inconvénients du tapage de ce bouge ne devaient pas excéder les avantages directs de confronter Heidi à la réalité surnaturelle. Et cependant, sous l’influence de la tornade Ashley, le Titty Twister s’enflait de pulsions débridées, qui menaçaient de dégénérer et de devenir hors de contrôle à tout instant.

« Je vois. » commença-t-elle, en surveillant tout de même l’évolution de la situation en contrebas.

Dans l’arène où la créature avait lancé ses charmes, les vociférations des victimes balayaient encore l’espace par à-coups, comme les vagues tumultueuses suivant le passage d’un cyclone. On clamait çà et là le nom d’Ashley, et les autres serveurs œuvraient tant bien que mal pour dompter les ardeurs d’une foule en émoi. Elinor se concentra malgré cela sur la conversation, et sur la question alors bien épineuse, de la tortionnaire d’enfance d’Heidi.

« Eh bien, sans chercher à minimiser tes douloureuses expériences avec ta cousine, les humiliations sont des choses que l’on peut surmonter. Cela m’est arrivé aussi. Je m’en suis remise. Parfois, je me suis vengée également. Mais on peut surtout les utiliser pour devenir plus forte. »

Les souvenirs poussiéreux d’Elinor refirent brièvement surface, des noms et des visages d’hommes, si décadents, si dédaigneux envers ses propres entreprises, autant de fantômes de jadis qui n’avaient guère de prises sur l’immortelle d’aujourd’hui. Des tombeaux oubliés depuis des décennies, et qui même de leur vivant, ne furent rien de plus que des moucherons harcelant vainement un cœur qui s’était endurci à leur contact. Elle sourit furtivement à Heidi, comme un encouragement silencieux.

« Qui sait, en te renforçant demain, un jour viendra peut-être où tu te souviendras d’elle comme un fantôme puéril de ton passé, qui ne t’atteindra plus jamais. »

D’un haussement d’épaules, elle referma cette fenêtre entrouverte sur les souffrances d’Heidi, un sujet semblait-il suffisamment abordé durant cette soirée. Tandis que les remous du spectacle de la sulfureuse hôtesse terminaient de mourir dans le choc des verres, et la consommation d’alcool, ce fut au tour d’Elinor de se replonger dans les méandres de son passé. Ces décennies victoriennes, où ses veines charriaient encore un reste d’humanité. Ces années où elle avait vécu dans son ombre à lui, l’effronté impénitent, lui et son accent français, son talent pour la musique, et son apprentissage si particulier, à grand renfort d’humour, de railleries, d’épreuves usant la patience son élève.

« C’est difficile de résumer cette époque succinctement. Tu dois déjà apprendre que durant cette transition, ton corps ne vieillira quasiment pas, et pour moi, cela a duré une vingtaine d’années. Bien sûr, toutes ces durées sont indicatives, chacun a ses méthodes, ses propres manières d’enseigner ou d’apprendre, et cela dépend aussi d’autres facteurs extérieurs. »

Elinor réfléchit durant un court instant de silence. Comment avait-elle vécu, au fond, cette ancienne époque ? Cet entre-deux ? Ce temps qui passe, comme disait Jean. Ces années lui avaient laissé une douce amertume, comme celle d’un savoureux met délicat, perdant sa saveur à mesure que l’on s’y habitue, une humanité délicieusement mourante, poétique et mélancolique.

« Jean, mon professeur d’alors, était quelqu’un d’indéfinissable. C’était un artiste français, il m’avait notamment appris la musique. Il avait aussi ce talent pour devenir à la fois totalement insupportable, tout en étant fascinant. Il suivait les règles, bien sûr, tout en les éprouvant à la fois, il était un homme du monde, tout en restant bien plus détaché des humains que moi. »

Quelle horrible définition académique de moi-même, me donnes-tu là, aurait-il sans doute estimé, et Elinor eut un sourire discret à cette pensée. Celle-ci scruta Heidi un instant, comme si elle apercevait brusquement l’étincelle de rébellion, ce perpétuel anticonformisme propre à son Sire à l’intérieur des prunelles bleues de sa nouvelle élève. Voilà une idée qui l’aurait amusé. Elle conserva alors sous silence cette particularité psychologique, et poursuivit son récit, en veillant toutefois à omettre les éléments les plus secrets, les interdits scellant le fonctionnement de sa race.

« Tout en m’apprenant les usages, Jean me confiait ses affaires financières, pour lesquelles il n’avait pas un grand intérêt. Je l’éclairai parfois sur les normes de mon époque. Je pensai alors sincèrement lui être indispensable, mais il aurait très bien pu se débrouiller sans moi, seulement il préférait me confier toutes les tâches ennuyeuses. Cela peut sembler énervant, mais c’était un bon professeur. »

Au siècle dernier, voilà une attitude qui aurait énormément irrité Elinor. Toutefois, cet enseignement si insolite avait eu le mérite de lui apprendre une certaine forme d’humour, de détachement, et une patience presque à toute épreuve. Elinor continua alors sur un sujet plus personnel.

« C’est une transition délicate toutefois. On découvre un nouvel univers, ses excès ou ses pièges, et en tant qu’humaine, on peut être tentée de s’abandonner complètement à cette sorte d’ivresse, cette envie d’être détachée du monde humain. »

L’immortelle leva l’index en direction d’Heidi. « Voilà un premier enseignement. N’abandonne jamais totalement l’humanité. Elle doit te servir d’éternel repère. Sans elle, tu sombreras, et tu deviendras quelque chose sans forme, sans identité, un être vide, moins encore qu’un animal. »

De nouveau, Elinor laissa s’installer un bref silence en fixant intensément Heidi, avant de conclure sa tirade. « Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ? Tu as d’autres questions ? »

L’âme noire s’immisça alors à nouveau entre elles. Comme la conclusion effrontée aux propos de la vampire, les claquements de ses talons résonnèrent sur les lattes de bois sombre, dans les escaliers désertés par les clients assoiffés, et devant les tables des alcôves isolées d’où exhalait une rumeur admirative. Une silhouette bien connue suivit le chemin en caressant de sa main douce, la rambarde de bois sombre, et en laissant échapper d’entre ses lèvres si sensuelles, une mélodie doucereuse. Des parfums chauds, irréels et venus de nulle part, nimbèrent subitement l’atmosphère à cet étage, comme l’éveil d’une tempête électrisant l’air, et cette sensation viscérale résonnait dans les cœurs les plus endurcis, en jouant des âmes des vivants à la manière d’une main sur les cordes d’une harpe.

Ce besoin d’abandon aux désirs inavouables. Cette décadence séduisante. Cette luxure enserrant les âmes. Cette créature noire revêtue de beaux atours.

La beauté sulfureuse s’arrêta à leur table, du côté d’Heidi, les mains posées sur les hanches, et à ses lèvres un sourire séducteur, satisfait, où se lisait encore les restes de son enthousiasme habituel. Pourtant, Ashley avait subtilement changé. Comme un doute aperçu à la lisière de la vision, une ombre entraperçue au creux de la paupière, elle était la même, et différente à la fois. Elle luisait littéralement d’un charme surnaturel qui l’entourait comme un parfum enivrant, des ondes de chaleur ourlant le sable sous l’assaut d’un soleil irrésistible. Elle était insupportablement belle. Elle irradiait une perfection, qui conférait à ses yeux, au miel de sa chevelure, à l’opulence de ses formes, quelque chose de surnaturellement magnifique, de dangereusement érotique. Un joyau dont les reflets brillants irritaient les regards, et sur lequel, il était pourtant difficile de détourner les yeux.

« Tout va bien pour mes deux clientes favorites ? » lança-t-elle de ce même ton guilleret habituel, tandis que sa main venait rejeter l’une de ses mèches blondes derrière ses cornes.

Ashley avait remplacé sa tenue d’hôtesse pour un simple peignoir brillant, aux motifs d’ébène et d’or, qui laissait entrevoir un décolleté ravageur, la courbe généreuse de sa poitrine, et les sous-vêtements de dentelle noire cachés dessous. Toute sa personne sentait terriblement bon. Quant à ses yeux aux nuances turquoise, ceux-ci luisaient d’un éclat avide, subtilement prédateur, qui attirait l’attention à la manière d’un oasis interdit, dans lequel les âmes étaient vouées à s’y noyer.

Elinor haussa un sourcil à son encontre, en notant le changement subtil, puis détourna brièvement le regard pour consulter Heidi. « C’est satisfaisant pour ma part, merci. » commenta-t-elle simplement.

La créature au nom d’Ashley se tourna alors vers l’humaine, un sourire enjoué dessinant sa bouche, et sur laquelle pourtant, subsistait comme une ombre sibylline. Quand bien même l’immortelle était peu sensible à ce genre de numéro de charme, et encore moins réceptive aux formes féminines, elle pouvait ressentir cette formidable aura séductrice qui flottait autour de cette femme. Celle-ci ajusta une nouvelle mèche d’or derrière ses cornes, et se pencha lentement vers Heidi.

« Et toi, mon petit chou à la crème, comment as-tu trouvé mon spectacle ? » lui susurra-t-elle d’un air complice.

Une seule chose échappa à l’attention d’Elinor, qui surveillait attentivement les manœuvres de leur hôtesse avec un certain amusement détaché devant la déconfiture, et l’embarras manifeste de son calice. D’inaudibles mots résonnèrent alors dans les pensées d’Heidi, suaves chuchotis secrets que seule l’humaine était à même d’entendre. Tu as aimé, vilaine, vilaine fille, murmura tendrement la voix d’Ashley dans la tête de la mortelle, les vilaines filles comme toi, on les attache pour les punir. Et ces syllabes étaient énoncées avec le timbre trainant de lèvres pulpeuses, et brûlantes de désir, avec ces accents rauques, ces pauses saccadées comme une respiration à bout de souffle.

Ashley la scruta innocemment en attendant sa réponse. Elle semblait si adorable, ainsi. Les vertueux lui en aurait donné l’absolution.

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Mar 3 Aoû - 20:31 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



T
on premier réflexe quand elle te dit que les humiliations peuvent être surmontées est de vouloir tout de suite monter au créneau. Tu voudrais lui dire à quel point ça a été dur. A quel point tu étouffais. A quel point tu n’as jamais pu vivre sereine. A quel point l’anxiété t’a rongée de l’intérieur alors que tu n’étais qu’une gamine et que tu ne demandais rien d’autre qu’un peu d’amour. Tu aimerais l’entendre te plaindre. Tu aimerais qu’elle te serre dans ses bras en te disant que tu as fait de ton mieux et qu’elle est fière de toi. Tu aimerais qu’elle te caresse les cheveux en te disant que tout ira bien. Tu aimerais qu’elle dise qu’elle t’aime.
Mais ça n’est pas possible. Ça n’est pas ce qu’elle attend de toi. Ça n’est pas comme ça que tu la rendras fière et qu’elle pourra avoir confiance en toi. Tu dois te faire une raison et accepter d’enfin devenir la personne que tu dois être ; passer le cap de l’enfance pour enfin devenir une adulte.

Tu n’es pas vraiment prisonnière de ton passé. Toutes ces années, tu l’as trainé, collé à ta peau, dans l’espoir que quelqu’un le devine et te plaigne. Peu importe tout ce que tu as pu dire et répéter inlassablement, ce que tu recherches par-dessus tout, ça n’est pas la paix et la solitude, c’est l’attention du monde entier. Tu te serais damnée pour qu’on reconnaisse ta peine et qu’on te dise qu’elle est légitime. Tu aurais tout donné pour qu’on te dise que tu es unique et que personne d’autre ne peut comprendre par quoi tu es passée. Reconnais-le, tu as besoin d’attention. C’est pathologique, maladif, et pour Elinor, avec Elinor, tu vas chercher le remède à ta condition, car toi-même tu es fatiguée de vivre de cette manière.
Alors, comment trouver ce remède ? Existe-t-il seulement ? Ta marraine semble croire que oui, alors tu dois lui faire confiance. C’est tout ce que tu dois savoir. Tu crois que tu es prête ; non pas à être adulte, pas encore, mais à emprunter la voie qui y mène. A te laisser guider jusqu’à la paix promise et que tu redoutes tant parce qu’elle t’est encore inconnue. Tu n’as pourtant rien à perdre, si ce n’est l’illusion de ton indépendance et de ta liberté.

Ce professeur doit être quelqu’un d’exceptionnel, et il serait mentir de dire que tu n’as pas vu naître en toi l’envie de le rencontrer. Un artiste immortel, voguant au-dessus du temps et de la société, et ne prenant que ce qui lui plaît pour inlassablement créer et ne jamais s’épuiser. Si Elinor te demandait à nouveau, là, maintenant, de lui dire à quoi tu aimerais que ton éternité ressemble, c’est exactement la réponse que tu lui donnerais. Le fait de l’entendre parler de ce Jean te donne l’espoir inconscient qu’elle comprenne et même valide cette ambition que beaucoup trouveraient futile.
Apprendre de nouveaux instruments, explorer de nouveaux styles et de nouveaux genres, écouter ceux que tu connais déjà muter inlassablement et s’étendre toujours plus dans l’espace infini des possibles. Explorer les paradigmes et voir évoluer la définition du beau, du laid, et profiter de l’immortalité pour chérir ce que la mortalité humaine a inventé de plus beau : une chose qui ne se répète jamais et transcende les générations. Est-ce ça dont elle parle lorsqu’elle te délivre ce premier enseignement ? Est-ce que s’accrocher à l’art comme raison de vivre suffit pour s’accrocher à ton humanité ?
Bien sûr, c’est un raisonnement que tu ne peux pas mener dans ces conditions, mais tu y penseras souvent une fois cet épisode clôturé. Ce soir, elle t’a bien fait comprendre que les raisons qui ont poussé l’adolescente que tu étais à chercher le chemin d’une nouvelle nature sont caduques et irrecevables, mais tu crois en avoir trouvé une autre. Accepter la bascule entre l’enfant qui veut être transformée par haine de l’humanité et l’adulte qui le désire par amour.

« Je comprends. Enfin je crois, faut que j’y réfléchisse un peu quand je serais plus.. en état. Il y en a pas une particulière que me vient à l’esprit tout de suite, mais je te le dirai si il m’en vient plus tard. »

Tu as déjà beaucoup de grain à moudre avec tout ce qu’elle t’a révélé ce soir, et tu attendras d’avoir bien assimilé et intégré cette discussion avant de chercher à élargir encore l’horizon de tes connaissances, à la fois sur les vampires et le surnaturel, et sur la vie de l’imperturbable statue de marbre finement ciselée grâce à qui tu es là ce soir.

Enfin, l’heure des retrouvailles sonne, faisant retentir avec la voix langoureuse de l’hôtesse bien-aimée le glas de ta pâleur retrouvée. Ton regard s’attarde avec une timidité coupable sur ce peignoir qui ne laisse que trop peu de place au doute et à l’imagination quant à ce qu’il cache. Ça n’est pas comme si tes yeux n’avaient pas été happés quelques minutes plus tôt par ces courbes magnétiques ; mais cela rend au contraire sa tenue encore plus affriolante, comme un piège grossier et pourtant si efficace destiné à piéger un puritanisme érigé en ennemi par un dogme frivole.
Une chaleur enivrante naît dans tes entrailles alors qu’Ashley se tourne vers toi. Son sourire est diabolique : il te désarme complètement, si bien que tu as l’impression que c’est toi qui portes ce peignoir qu’un zéphyr taquin suffirait à faire choir. Absolument désemparée, tu te sens virer à nouveau à l’écarlate alors que les regards sont portés sur toi. Tu hasardes un coup d’œil désespéré vers l’immortelle, mais comme tu t’y attendais, celle-ci ne te rend qu’un regard amusé et narquois. De toutes façons, tu ne maintiens pas le contact visuel très longtemps. Tes yeux bifurquent soudainement lorsque tu entends à nouveau résonner au beau milieu de tes pensées la voix diablement torride de l’hôtesse.
Ces simples mots, seulement audibles par toi, ont transformé ta timide flammèche de désir en un brasier ardent qui se transformera bien vite en un feu de forêt incontrôlable si tu n’y fais rien. Du coin des yeux, tu aperçois le visage angélique et si innocent de la blonde au peignoir, et tu refuses de croire que c’est elle qui est à l’origine de ces voix. Et pourtant, c’est bien la sienne que tu entends. C’est bien son timbre suave qui fait céder minutieusement uns à uns les remparts de ta chasteté.
Tu t’éclaircis finalement la gorge et hasarde une réponse malgré ton intonation chevrotante.

« Oui, beaucoup. »

Oh, tu n’as pas eu besoin de te forcer beaucoup pour répondre par l’affirmative. Tu as été presque hypnotisée par ses ondulations quasi-mystiques, presque contre ta propre volonté de te garder à l’abri de tes pulsions inassouvies au dernier degré.

« Tu me fais une petite place mon trésor ? »

Les verrous fermés se font de moins en moins nombreux alors que la tête cornue s’invite à votre table sans même attendre de réponse, collant, jambes croisées, ses cuisses élancées contre les tiennes sur le bord de la banquette dans un contact affreusement électrique pour lequel tu peines à cacher ton excitation croissante. Comme si cela ne suffisait pas à te faire te liquéfier sur place, elle enroule délicatement son bras autour de tes épaules sans trahir à aucun moment sa couverture d’innocence.

« Dis, Elinor, je peux te l’emprunter un peu ? Histoire de lui faire visiter un peu l’établissement et les coulisses, pour rendre sa première soirée ici inoubliable. »

Tout en déclamant ses intentions, l’étrangère du trio posa sa main libre sur ta cuisse, sous la table et à l’abri du moindre regard, sauf le tien et le sien. Tu mourrais d’envie de visiter les coulisses comme elle le propose, mais ses doigts agiles remontant le long de ta jambe commencent à te faire douter de son réel objectif. Enfin, tu n’y as jamais vraiment cru, à vrai dire, surtout après qu’elle se soit une nouvelle fois introduite dans ton esprit. « Juste toi et moi, je vais bien m’occuper de toi, tu verras. Tu en redemanderas, j’en suis sûre. » Et si Elinor entendait aussi sa voix ? Et si tu hallucinais, tout simplement ? Tu n’oses même plus lever les yeux, la face toujours aussi écarlate. Tes yeux sont alors obligés de se poser le plus bas possible, sous la table, sur les pieds chaussés de hauts escarpins de la danseuse. Tu te surprends à les admirer, à leur trouver une beauté toute particulière et troublante, une attirance coupable que tu ne saurais pas expliquer.

« Allez, dis oui ! Promis, je te la rendrai vivante et en un seul morceau, à l’heure que tu veux ! »

Elle affiche à nouveau un sourire angélique, teinté d’intentions indéchiffrables. Ni bonnes, ni mauvaises, mais infiniment troublantes pour qui essaierait de les deviner. Et toujours en secret dans ton esprit, elle continue ses assauts contre tes principes de romance à l’eau de rose. « Tu aimes ce que tu vois ? Pas la peine de te mentir, je le sais déjà. » Et plus elle te parle, moins tu te sens capable de résister à cet appel de ton inconscient trop longtemps bafoué, plus les images fugaces de tes fantasmes les plus enfouis se font concrètes.

« Tu es d’accord pour venir avec moi, pas vrai mon ange ? »

A la mention de ton nom, ou plutôt de ce surnom que tu n’aurais supporté dans aucun autre cas, tu te réveilles de l’espèce de transe de gêne dans laquelle tu étais plongée. Tu relèves la tête d’un mouvement paniqué et lances d’abord un bref regard à Ashley avant de déporter les yeux sur la vampire. Tu sais qu’elle n’aura aucun mal à voir ton embarras, mais aussi l’étincelle timide qui la supplie d'accéder à sa requête.
Tu éclaircis à nouveau ta voix, pressée par la piqure d’un ongle pointu sur ta cuisse à peine protégée par le tissu de ton pantalon, et répond du mieux que ta confusion te le permet.

« Ça.. ça me plairait beaucoup, oui. »

Tu te souviens très bien des règles d’Elinor, celles qu’elle t’a données avant de sortir de la voiture : tu ne dois pas t’éloigner d’elle. Mais tu en meurs pourtant d’envie, mue par un désir bien plus puissant et fougueux que ce que tu as jamais connu. Est-ce là un test, pour savoir si tu es capable de suivre ses instructions après lui avoir désobéi en mettant le feu à une usine de textile abandonnée ? Mieux vaut au moins avoir la conscience tranquille, au cas où elle accepterait.

« Enfin, si j’ai le droit. »

Ton sort est en quelque sorte entre ses mains. Tu n’as pas la moindre idée de ce qui t’attends si cet ange au corps de déesse t’accapare pour quelques moments en tête à tête, mais tu sais déjà que tu te mordrais longtemps les doigts de ne jamais le savoir.



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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
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Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

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Dim 15 Aoû - 23:22 (#)



Telle une désolation aride abandonnée dans la foulée d’une tornade, la salle du Titty Twister sombra dans un calme inhabituel, ourlé de murmures éreintés, voire soucieux. Ici, à une table encombrée de cartes de poker, un homme se redressa soudainement de sa chaise en chancelant, une bouteille vide à la main, et s’effondra de toute sa masse, un sourire béat aux lèvres. Là-bas, contre le bar lové dans un recoin du bâtiment, une femme, le souffle saccadé, et les pupilles injectées de sang, s’abandonna lascivement dans les bras d’une autre, toute aussi éméchée. Dessus la scène, chichement illuminée, les mêmes musiciens avaient librement entonné les premiers accords de "Wicked Game", de Chris Isaak, dans une version délibérément trainante, aux accents suaves et confortables.
Çà et là, le service de l’établissement s’affairait à redresser voire évacuer les clients effondrés au sol, soit victimes d’une ivresse bien avancée, soit incapables de se mouvoir, comme assaillis par l’étrange ambiance langoureuse qui étouffait désormais l’établissement. Certains erraient entre les tables, à la recherche d’une quelconque distraction, l’air hagard, d’autres évoluaient encore au milieu de la piste de danse, ébauchant laborieusement des mouvements dépourvus d’entrain, au rythme de ces notes délicieusement mourantes. D’aucuns baillaient à s’en décrocher la mâchoire, des regards mornes et vidés, des timbres apathiques suivant les accents du chanteur, tout comme les hochements de tête lents de ceux qu’une langueur inexplicable alourdissait brusquement.
Quelques marches au-dessus de cette fosse commune, où s’attardaient des âmes étreintes de cette bien étrange mélancolie, une Ashley rayonnante minaudait aux côtés de ses deux clientes d’une nuit, totalement indifférente à ce changement dans l’air. Comme la soirée s’achevait alors, aussi courte et mouvementée eut-elle été, au diapason de l’enthousiasme de la serveuse, Elinor s’autorisa un court instant de réflexion. Elle leva machinalement le regard vers Heidi, que cette discussion à cœur ouvert avait éclairé d’un jour meilleur, de même que ces confessions, et dont le futur, à défaut d’être tracé, avait au moins le mérite d’être illuminé par un soupçon d’espoir. Une nette, mais mince possibilité que la vampire puisse en tirer quelque chose de valable s’ouvrait désormais, grâce à cette soirée.

Le bilan s’avérait alors, fructueux. Au moins, elle ne devrait plus mettre le feu à une usine, pensa-t-elle en observant les joues cramoisies de son calice. Une réussite en soi. Elinor hocha simplement la tête quant à la résolution d’Heidi, avant que la discussion ne dérive vers les exclamations d’Ashley.

« Très bien, Heidi. Nous reviendrons sur ce sujet une autre fois. C’est beaucoup de choses à méditer, je comprends, prends tout le temps nécessaire pour y réfléchir. »

L’attention de son calice, déjà vacillante à l’arrivée de l’hôtesse sulfureuse, lui fut subtilisée en un clin d’œil, quand, d’un mouvement svelte et ô combien séducteur, cette dernière s’invita sans la moindre hésitation dans leur alcôve réservée. Elinor observa avec un amusement non dissimulé, les joues de son calice se marbrer d’éclatants coloris écarlates, la faisant ressembler à bouton de rose sanguine engoncé dans une écharpe noire, comme un bourgeon. Puis, son regard s’attarda sur le peignoir à demi ouvert de leur invitée forcée, dont l’étoffe peinait à dissimuler les formes plantureuses, alors stratégiquement lovées contre Heidi, dans une démarche totalement dépourvue de toute subtilité.

« Ashley… » commença-t-elle à articuler, d’un ton lent démontrant le peu d’intérêt éprouvé pour ces batifolages niais.

Une moue lasse affectant son attitude auparavant impassible, Elinor leva les yeux au ciel, quand le thème de la soirée dériva indéniablement vers un aspect grivois. C’était à prévoir d’ailleurs, mais pourquoi s’enticher précisément d’elle, s’interrogea-t-elle en scrutant l’expression d’Ashley.

« C’est à Heidi qu’il faut d’abord poser la question. »

Par ailleurs, l’attitude d’Ashley la laissait dubitative. De coutume, celle-ci affichait un enthousiasme extravagant, voire carrément exaspérant, mais cet intérêt obsessionnel envers son calice faisait naitre chez la vampire, une méfiance innée. Qui plus est, à cet instant, leur hôtesse lui apparaissait comme une tout autre personne, avec ses mèches d’un blond brillant qui retombaient follement sur son visage soudainement souligné d’une vivacité sublime. Ses yeux d’un bleu vif étincelaient d’une excitation tout juste contenue, lui conférant un air rayonnant, à la manière d’un diamant éclairé par une source lumineuse, et ses mouvements étaient empreints d’une adresse prédatrice.
Alors, pourquoi ai-je tant l’impression qu’un élément m’échappe ? Cette lueur, sans doute, au fond de ce regard bleu, trop innocent pour inspirer l’honnêteté, et dont l’assurance ne faiblissait nullement en croisant celui d’Elinor. Cette étincelle de malice. Cette aura de mystère entourant cette femme, dont la nature précise demeurait cachée aux yeux de la vampire. Une arcaniste, sans doute, l’avait-elle catégorisée, quand elle l’avait soupçonné d’utiliser des manipulations mentales qui, par élimination, ne pouvaient provenir que d’une sorcière. Quant à ces cornes, elles aussi devaient sûrement être un élément d’apparat, créées par une magie quelconque, à des fins récréatives.

Assurément, il n’existe nulle autre explication. Elinor scruta un moment les traits d’Ashley puis ceux, rubiconds, d’Heidi, comme si l’élément manquant allait lui apparaitre sur l’une ou l’autre.

« Le droit, tu l’as déjà. Tu n’as pas besoin de ma supervision pour ta vie privée, Heidi. C’est surtout une question de confiance. Je t’ai déjà donné des conseils pour assurer ta sécurité ce soir, maintenant c’est à toi de prendre tes responsabilités. Ne rejette pas la décision sur moi. »

Et ces romances, ces aventures charnelles, ces amusements et ces découvertes, autant de jalons inhérents à une vie humaine, Elinor n’y voyait en définitive aucun mal. Bien au contraire, elle les considérait comme un excellent test, les témoins d’une existence humaine saine, ces mortels évolués qui devaient encore assouvir les plaisirs de la chair, tout comme les immortels savouraient le sang. Deux femmes, lovées l’une à l’autre, ne la dérangeaient guère à cette époque-ci. Le temps qui passe, voilà tout, comme le disait son Sire, lequel aurait certainement ri devant tous ces roucoulements.

« Néanmoins, je veux bien te conseiller, même si la décision finale te reviendra. » se dépêcha-t-elle d’ajouter alors.

Elinor leva lentement l’index, et ses yeux brillaient eux-aussi d’une lueur de malice, en faisant signe à Ashley de venir s’asseoir à côté d’elle, sur la banquette. Une expression interrogative troublant à peine son enthousiasme exacerbé, la serveuse délaissa alors Heidi, et se leva avec souplesse, pour venir se glisser sur la banquette près de la vampire. Les pans du peignoir s’entrouvrirent légèrement tandis qu’elle se contorsionnait entre l’assise et la table, et son parfum enivrant, comme sa chaleur et ses mèches délicates, couleur du blé, échouèrent à proximité du corps froid de l’immortelle.
Un sourire ambivalent naquit sur les lèvres d’Ashley. Comme une hésitation flottant sur l’azur de ses yeux, elle vint s’asseoir près d’Elinor, toutefois sans établir la même proximité intime qu’avec Heidi, et au fond de son regard, la vampire décelait une étrange lueur. Non une véritable menace, palpable et affichée. Mais quelque chose d’autre. L’ombre d’une silhouette lointaine projetée par un feu vacillant. Le murmure d’une idée. Le spectre de l’impossible. Une étincelle aussi prestement étouffée, qu’elle était apparue. L’immortelle chassa machinalement ce sentiment fugace, en invitant la jeune femme à se pencher auprès d’elle, afin de lui murmurer à l’oreille, loin de celles d’Heidi.

« Qu’est-ce que j’y gagne, au juste, en vous donnant mon accord ? » lui susurra-t-elle alors, sur le ton de la confidence.

À cet instant exact, l’excitation outrancière d’Ashley sombra instantanément. Durant une fraction de seconde, Elinor vit ce joli visage arborer une sincère expression de surprise, où flottait toutefois une brève étincelle de noirceur. Comme l’éclat distant d’une flamme perverse attisée par un souffle d’air. La sensation ne dura guère. Un rire cristallin s’échappa d’entre les lèvres délicates d’Ashley, balayant aussitôt cet accès de ténèbres. La jeune femme scruta un court moment les traits de l’immortelle, en essayant de discerner les intentions derrière ce fin sourire malicieux, qui ne dénonçait rien. Pourtant, nulle contrariété ne trahit l’innocence affectée d’Ashley. En un éclair, celle-ci saisit l’allusion au vol, en se penchant vers Elinor, pour lui murmurer à son tour, au creux de l’oreille.

« Qu’est-ce que tu proposes ? Je sens que tu as déjà une idée en tête. »

Le sourire d’Elinor s’agrandit subtilement. Bien entendu, celle-ci avait anticipé cette occasion dès le moment où Heidi avait entonné sa question, si bien qu’elle n’eut aucune hésitation à lui répondre.

« Je veux l’accès aux sections VIP, » chuchota-t-elle en retour. « Je veux les contacts dont je t’ai déjà parlé. »

Un nouvel éclat de rire meubla l’atmosphère intime de l’alcôve. Ashley se redressa alors lentement, un sourcil haussé, un rictus un brin moqueur décorant sa bouche, et son regard était rivé à celui de son interlocutrice, laquelle soutenait sans peine cet examen. Un courant électrique courut entre les deux femmes, durant une fraction de seconde, mais nulle ne semblait décidé à détourner les yeux. L’une, froide et sombre, au rictus suffisant, dont l’attitude stoïque démontrait une confiance à toute épreuve, et l’autre, une beauté brûlante, irradiant la sensualité et une lumière malsaine, comme une gemme remplie de ténèbres. Finalement, Ashley tourna son attention vers Heidi, brisant la tension.

« Ta vampire est diabolique, tu le savais ? » lui dit-elle avant de se retourner vers Elinor, en hochant la tête, concluant ainsi leur accord sans mot dire.

La main d’Ashley caressa sensuellement la surface lisse de la table, ses ongles délicats éveillant un frottement électrique sur le bois sombre, tandis qu’elle abandonnait la banquette à côté d’Elinor, redressant sa silhouette diaboliquement parfaite pour rejoindre son acquisition d’une nuit. Un grand sourire flottait désormais sur ses lèvres, lui conférant une aura carnassière, quand son parfum enivrant, sucré et chaud, satura l’air tout autour d’Heidi. L’hôtesse se baissa à la hauteur de cette dernière, laissant innocemment son peignoir s’entrouvrir, et ses doigts venir caresser le bras offert de l’humaine, saisissant sa paume dans la sienne, pour mieux enrouler étroitement leurs phalanges.

L’immortelle, que ces manœuvres laissaient de marbre, s’empressa de compléter. « Une heure au maximum, Ashley. Fais attention à elle. Je serai dans la salle, en attendant. »

La concernée souffla un rire, mais ses yeux demeuraient rivés à ceux d’Heidi. « Je prendrais un très grand soin d’elle… »

Comme devenue indifférente à la présence de l’immortelle, Ashley leva sa main libre pour chasser les quelques mèches blondes couvrant la tempe d’Heidi, exposant son oreille, à laquelle elle se pencha avec une lenteur délibérée. Puis, ses lèvres articulèrent ces mêmes mots, de ce timbre trainant qui avait résonné auparavant dans l’esprit d’Heidi, mais à présent, le souffle bouillant de la jeune femme caressait la peau douce de sa victime. Tu viens avec moi, vilaine fille, lui susurra-t-elle, en resserrant l’étau de sa main, tu es à moi maintenant. Et au terme de cette déclaration, sa bouche, alors déjà si proche, vint délicatement déposer un baiser sur le lobe d’oreille de l’innocente mortelle, quand ses lèvres chaudes tiraillèrent brièvement la peau, y laissant une sensation de brûlure agréable.
Se faisant, la sulfureuse créature s’étira à nouveau, emportant la main d’Heidi avec la sienne, une manière de l’inciter à la suivre désormais, de sceller le sort. Comme Ashley n’avait plus d’yeux que pour sa proie, Elinor se laissa lascivement choir contre le dossier de la banquette, en adressant un dernier sourire, à la fois approbateur et confiant, envers son calice.

« Va t’amuser Heidi, tu l’as mérité. Et fais bien attention, reste avec Ashley. » lui dit-elle en guise d’adieu.

Alors, de nouveaux murmures se lovèrent au milieu des pensées tourbillonnantes d’Heidi, des mots brûlants et reptiliens, qui cherchaient à s’enrouler dans ses désirs. Oh, je ne te laisserai pas filer.

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Lun 16 Aoû - 21:04 (#)




A Night to Remember

Le Titty Twister, Novembre 2020
ft. Elinor V. Lanuit



A
quoi t’attendais-tu, en demandant la permission à Elinor ? Après une longue discussion passée à t’écouter et te dire qu’elle attend de toi que tu agisses comme une adulte, tu lui as demandé si tu pouvais t’échapper avec une inconnue comme un gosse aurait demandé à sa mère s’il pouvait aller jouer chez son ami. Belle preuve de maturité, bravo. Et si tu rajoutais quelque chose pour lui prouver un peu plus que tu n’es pas capable d’être à la hauteur des attentes qu’elle vient à peine de formuler. Tu as l’impression de la décevoir, d’autant plus que tu réalises pleinement le ridicule dans lequel tu t’es empressée de t’envelopper depuis l’arrivée de l’hôtesse. Partout où tu passes, tu ne peux pas t’empêcher de couvrir de honte toutes les personnes qui t’accompagnent, disait Anna. Des mots qui trouvent encore et toujours un moyen de résonner en toi, même tant d’années après ta fugue.
Ce qu’elle ajoute ensuite te soulage, assez pour que tu réalises que les pensées qui viennent de s’enchaîner dans ton esprit, ces souvenirs se liant à une vitesse folle en déductions approximatives, sont exactement celles qui font de toi une éternelle enfant, les mêmes dont elle te demande de te débarrasser pour gagner le droit de rejoindre sa famille. Tu te sens bête, et là encore, tu t’en veux ; chacune de te réaction négative en appelle une autre dans un cycle sans fin de dépréciation, de honte et surtout de colère. Tu mesures maintenant toute la taille de la première épreuve qui t’attend : trouver ton propre moyen de briser ce cycle. Tu vas devoir réfléchir, beaucoup réfléchir.

Tu allais pousser un discret soupir de désespoir mais un élément perturbateur et particulièrement rebondit détourne instantanément ton attention en passant juste devant tes yeux, rappelant à ton esprit l’autre raison pour laquelle il était embrumé : Ashley ; en l’occurrence ici, ses fesses, à seulement quelques centimètres de tes yeux, seulement cachées par un humble morceau de satin.

Finalement, Ashley se rassoit à côté de ta marraine. Commencent les messes basses sous tes yeux à la fois intrigués et perdus. Tu te concentres pour tenter d’intercepter au moins quelques bribes de la conversation, mais même le calme relatif de l’établissement provoque un brouhaha suffisant pour couvrir le moindre son provenant des deux femmes, pourtant à quelques pieds de toi. Même pour ton ouïe de musicienne, il est impossible d’entendre quoi que ce soit. Dommage, tu es pourtant incroyablement curieuse de connaître ces quelques mots échangés et pourquoi ils méritent d’être inaccessibles à tes oreilles. La curiosité est un vilain défaut, paraît-il.
Les éclats de rire de la Surprise de la soirée s’enchaînent, et bien que tu ne doutes pas du sens de l’humour d’Elinor, parfois peut-être un peu taquin à ton égard il est vrai, quelque chose te dit que ça n’est pas une brimade complice qui a provoqué cette réaction. Ne rien entendre est d’autant plus frustrant que la remarque d’Ashley soulève des questions auxquelles tu n’as pas le moindre élément de réponse. Un peu désarçonnée, tu te contentes de hausser les épaules pour toute réponse. Pour toi, Elinor n’a rien de diabolique, bien au contraire. Comme tu le lui as avoué un peu plus tôt dans la soirée, tu considères qu’elle t’a sauvé la vie, alors comment pourrait-elle être autre chose qu’une sorte d’ange gardien au flegme aussi soigné que l’apparence ? Tu repenses un instant au type qu’elle a littéralement crucifié sous tes yeux il y a quelques semaines de cela, mais ton esprit malade n’arrive pas à lui donner tort. Après tout, il l’avait mérité.

Et puis, la serveuse change à nouveau de place, et cette fois-ci, tu es sa cible clairement identifiée. Son regard est brûlant, et en même temps il te fait frissonner. Il t’électrise, t’hypnotise, te rend vulnérable à la moindre de ses attentions. Mais tu aimes ça, n’est-ce pas ? Tu as l’impression qu’elle sait exactement quoi faire pour te faire plaisir, que chaque mot qu’elle prononce te fait vibrer au maximum de ton potentiel, t’emportant avec elle dans une transe exquise avec la conviction qu’elle est celle qui récompensera ces vingt-cinq années d’abstinence en t’offrant de vivre sans une once de jugement tes fantasmes les plus inavouables. Tu as l’impression qu’elle est faite pour toi, alors comment résister ? Tu ne peux pas, tout simplement. Elle le dit si bien, tu es à elle maintenant.
Elle saisit ta main avec une autorité fantastiquement camouflée en tendresse, sonnant par la même occasion le glas de ta pudeur pour l’heure à venir. Elinor a tranché, à ton plus grand soulagement. Vous avez une heure. Une heure pendant laquelle tu n’as pas la moindre idée de ce qui va t’arriver, mais dont l’anticipation provoque une angoisse seulement dépassée par un désir inexplicable. Un sourire timide et honteux éclaircit ton visage empourpré lorsque tu entends le sous-entendu à peine dissimulé d’Ashley alors que vos regards se connectent et exacerbent le rapport de domination déjà évident. Comme si ça n’était pas assez, cette voix suave et irrésistible qui faisait irruption dans ton esprit en te faisant douter de ta santé mentale, tu l’entends réellement cette fois-ci. Elle accompagne le souffle chaud de la serveuse qui annonçait la venue de la première des premières fois de la soirée : ton premier baiser dans le cou. Ses mots sont autoritaires, délicieusement autoritaires, et ils provoquent à eux seuls une vague de chaleur qui se répand dans tout ton corps, partant de ton bas ventre jusqu’à l’extrémité de tes membres. Sans surprise, ton visage vire au carmin, visiblement insatisfait de la teinte juste rosée qu’il avait réussi à reprendre pendant une ou deux secondes.
Les derniers mots de ta marraine suivent rapidement et sont d’une importance capitale puisqu’ils te permettent de partir sereine, délivrée du poids du doute qui aurait gâché toute l’expérience que tu t’apprêtes à vivre. Diabolique, elle ? Tu placerais ta propre vie entre ses mains ; et c’est un peu ce que tu fais déjà.

Et tu finis par la quitter, attirée sans échappatoire possible par la magnétique Ashley et ses irrésistibles messages subliminaux. Sous les yeux étonnés des quelques badauds encore assez sobres pour y voir clair, voire siffler, l’hôtesse et toi dévalez les escaliers et traversez la salle en vitesse. Tu n’as aucune idée d’où vous allez, puisque vous avez passé la scène et les coulisses il y a bien une vingtaine de mètres, mais tu te doutais bien que cette visite n’était qu’un prétexte.
Vos mains fermement collées, vous arrivez enfin devant une porte discrète au fond de la salle. Dessus, un simple panneau estampillé « privé ». Ashley se retourne vers toi et t’adresse un regard possessif, affamé, et pousse le battant en t’entraînant avec elle dans un couloir sombre, éclairé seulement pas quelques ampoules éparses et de faible luminosité. Disséminées le long du corridor, quelques portes d’apparence aussi neutre que celles que vous venez de franchir défilent sous ton regard, mais tu es toujours entrainée par ton rencard de la soirée, si tu peux l’appeler comme ça. Le premier de ta vie aussi.
Enfin, vous vous arrêtez devant une autre porte, identique en tous points à toutes celles qui décorent le corridor. Ici, le silence règne étrangement. L’agitation de reste de l’établissement ne semble plus être qu’un lointain souvenir lorsque la main parfaitement manucurée de la serveuse aux cheveux d’or à la couronne d’ivoire se pose sur la poignée. Elle t’adresse un dernier regard valant mille mots qu’elle ne prend pas même la peine de murmurer à ton esprit ou à ton oreille. La porte s’ouvre sur une pièce encore obscure dans laquelle tu n’arrives qu’à distinguer des formes grossières se détachant à peine de l’ombre ambiante. Tu sens aussitôt son autre main se placer dans ton dos, et avant que tu l’aies le temps de rougir, tu te fais pousser dans la salle encore mystérieuse, suivie de près par ton accompagnatrice.
Dans n’importe quel autre contexte, la phrase que vient de prononcer Ashley aurait provoqué chez n’importe qui un effroi innommable, mais pas là. Ici, ce soir, cette phrase réveille une étincelle de désir qui parcours toute ton échine dans un frisson électrique. La lumière s’allume et la porte se ferme. La prochaine fois qu’on entendra parler de toi sera dans une heure.

« Ici, mon chaton, personne ne pourra t’entendre crier. »

***
Vous aurez profité jusqu’à la dernière minute du temps qui vous est alloué, mais un marché est un marché, et Ashley doit te rendre à Elinor. Elle sort en première, toujours resplendissante, toujours nimbée de cette aura rayonnante aux couleurs d’or et de velours. Derrière elle, tu sors à ton tour, quant à toi toujours vêtue de ton caractéristique ensemble noir de jais. Tu saisis la main qu’elle te tend et, à un rythme bien moins soutenu qu’à l’aller, vous franchissez la porte qui mène au bar pour retrouver l’ambiance lourde et saturée d’embruns d’alcools variés qui lui est caractéristique.
Après un petit moment à batifoler, vous finissez par retrouver Elinor, et ainsi la soirée semble toucher à sa fin. Tu doutes qu’elle te demande des détails sur cette fameuse visite des coulisses, mais son œil attentif se fera sans doute une idée pour elle. Toi, tu n’as même pas conscience de l’état dans lequel tu es. Cheveux ébouriffés et à peine coiffés en un chignon fait à la va-vite, sur ta bouche les traces ténues d’un rouge à lèvres carmin dont on retrouve un peu des pigments étalés sur le revers de ta main, quelques traces écarlates peu subtilement cachées par ton écharpe et tes manches rabattues jusque sur tes poignets, et bien d’autres détails aux origines honteusement déviantes.

« Et voilà Elinor, une heure. Je te la rends comme neuve. »

Ashley, rayonnante, adresse à la vampire un sourire poli, presque caricatural. A côté d’elle, tu dénotes clairement. Tu as l’air exténuée, comme si c’était par la seule force d’un miracle que tu tenais encore debout. Tu cherches à te faire discrète, toute petite, le temps de te remettre des émotions si particulières de cette première fois hors normes. Et pourtant, derrière tes traits fatigués se cache un sourire, discret mais indélébile, né de tous les secrets qui risquent d’occuper tes rêves pendant un long moment. L’hôtesse se retourne vers toi, là encore avec une expression se passant du moindre mot.

« Je crois que ça lui a plu, pas vrai mon petit chou à la crème ? »

Un peu dans la lune, sa question te surprend, et tu t’empresses de répondre en hochant vivement la tête.

« Oui m- ; enfin.. je veux dire.. oui, beaucoup. »

Comme reprenant d’un coup tes esprits, tu reprends rapidement ta place à côté d’Elinor et de sa présence rassurante, du moins pour toi. Enfin, Ashley dépose sur ta joue un baiser accompagné d’un clin d’œil plus ou moins discret.

« Bonne fin de soirée mon chaton, repasse ici quand tu veux, tu te souviendras de ce qu’on a dit. »

Tu hoches la tête, un petit sourire en coin et le regard fuyant la conversation. Tu rougis un peu, aussi, pour changer. En voilà, une nuit dont tu vas te souvenir longtemps.



CODAGE PAR JFB / Contry.
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

Pseudo : Carm'
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Lun 23 Aoû - 23:43 (#)



Quelques minutes avaient suffi. D’une faiblesse momentanée, éphémère et inexplicable, le centre de la débauche avait renoué avec ses excès coutumiers, faits d’éclats de rire, de tintements de verres et de bouteilles, tout autant que des jurons graveleux qui hachaient, de temps à autre, les accords des musiciens encore sur la scène. Les senteurs âcres de la chair surchauffée avaient saturé l’air, celles de la transpiration et de la proximité des haleines lourdes, auxquelles s’ajoutaient les odeurs artificielles des cocktails aux couleurs vives, qui imitaient les coloris des néons, eux-aussi brûlants. Sur ces murs tâchés par endroits d’une matière graisseuse, nulle pendule n’égrenait les heures. Et pour cause, le temps ne semblait avoir nulle prise sur cet amas de corps surnaturels, qui dansaient, se touchaient, et se trémoussaient au rythme des oscillations lumineuses, comme de vastes et lentes palpitations.
Une heure, ou bien des heures. Des heures, ou bien des nuits. La luxure de ces lieux continuait de dévorer les vertus, tout comme les âmes, et enserrait dans ses bras nocturnes, les êtres surnaturels se croyant vainement les maitres de la nuit. De faux immortels, frêles comme du papier. Des bestiaux déformés, faussement sauvages. Des éveillés aux paupières clouées, tâtonnant un grain d’infini. Des âmes maudites, avides de pouvoirs, comme des rois ou des reines sans couronne, auxquels nul trône n’était destiné. Des déchets. De la viande pour la machine infernale, cette omniscience qui conservait ces lieux dans le creux de sa paume, et daignait leur consacrer un fragment de sa vision.
Toutefois, loin de ces considérations, la montre d’Elinor affichait bien cinquante-huit minutes. Déjà, elle ressentait dans sa chair froide, ce besoin incessant de quitter l’endroit, cette sensation vive et instinctive de frôler du bout des doigts un quelque chose d’immense, un tourbillon de noirceur dans lequel elle ne voulait surtout pas sombrer. Assise en face de l’immortelle, l’un de ces semblables, un Dalzell rencontré trente minutes auparavant, auquel elle avait bien voulu accorder quelques instants à sa table, alors située à l’écart de la cohue. Ainsi dans cette pénombre propice à la conversation, les néons accrochés au mur au-dessus d’eux, teintaient le visage blafard de l’autre vampire de touches multicolores, et accentuaient les contours osseux de ses traits slaves, saupoudrés de mèches filasse.

« … Ça n’a pas du tout fonctionné. D’après eux, cet italien est un sacré phénomène, et ça c’est la version polie, parce que j’ai surtout entendu dire qu’il est arrivé comme un char d’assaut, aucun égard pour les affaires des autres. »

Le Dalzell eut un rictus mi-amusé, mi-condescendant. Cocasse, estima alors son interlocutrice, qui lui offrait un sourire poli en retour, indéchiffrable comme à l’accoutumée. Elle ravala un commentaire sarcastique quant à l’ironie de ce revirement de situation, de ce jeune vampire membre d’un clan au passé des plus trouble, qui se lamentait à présent des frasques d’un vieux fossile irrévérencieux.

« J’ai cru saisir qu’en effet, monsieur Alighieri obéit à des motivations bien à lui. Le privilège de l’âge, n’est-ce pas. »

L’homme opina du chef, sans se départir de son air jovial, teinté de respect forcé, tandis que Elinor consultait ouvertement sa montre d’un revers de main. À l’inverse de son semblable, son visage à elle arborait de délicieuses teintes rosées, ces subtiles touches d’une lointaine humanité qui revenait momentanément à la vie, grâce à la chaleur nouvelle inondant ses veines. D’un mouvement lascif, elle se redressa sur son séant, récupéra son sac laissé sur le siège vacant, et se leva enfin en adressant un sourire de circonstance, dénué de sentiments, envers son jeune compatriote.

« Ce fut un plaisir de vous rencontrer, Viktor. Je suis navrée de ne pas pouvoir rester plus longtemps, mais je dois récupérer mes affaires avant de partir. Je suis sûre que nous aurons d’autres occasions de discuter. »

Une révérence en entraina une autre. Le sourire, reflet d’un autre. Chacun fit alors de son mieux pour offrir les formules de politesses, ces échanges diplomatiques requis dans ces circonstances, qui pourtant, dans ce bouge, juraient profondément. Elinor se débarrassa ainsi de cette discussion, et entreprit d’éviter les tablées les plus extravagantes, les plus débordantes d’enthousiasme criard, en se rendant vers le coin opposé de la salle, où s’ouvrait les couloirs secrets du Titty Twister. Elle évita, avec un dédain notable, les éructations d’un duo de motards, le fou rire baveur d’une femme ivre, et un nombre conséquent d’obscénités indignes de sa prestance, pour atteindre finalement son calice, alors accompagnée de leur rayonnante hôtesse, qui n’avait rien perdu de sa superbe.

« Merci Ashley, » lui répondit-elle simplement, en avisant la tenue désordonnée d’Heidi. « Elle m’a tout l’air d’être ravie, effectivement. »

Mais dans un état déplorable, avisa-t-elle, tandis que son regard s’attardait sur les diverses marques dénonçant les affres charnelles dont les deux femmes étaient coupables. Elle hocha machinalement la tête aux dires d’Ashley, comme celle-ci s’empressait de repartir dans l’autre sens, sa silhouette ondulant entre les convives, les abandonnant en tête à tête à nouveau.

« Bien. Voilà un autre point à travailler à l’avenir, Heidi. Il va falloir apprendre à conserver tes moyens même en voyant une anatomie féminine, sans quoi, cette couleur de pivoine risque de te trahir dans les pires moments. »

Tout en appuyant son discours d’un mince sourire narquois, Elinor désigna d’un hochement du menton, la courte volée de marches menant au hall d’entrée, tandis que sa main extirpait ses clés de voiture de son sac, et que de l’autre, elle saisissait celle d’Heidi dans la sienne pour l’entrainer vers la sortie. Ensemble, l’immortelle entrainant l’humaine manifestement épuisée, elles empruntèrent à nouveau le majestueux hall à l’aspect antique, où une autre hôtesse siégeait à la place d’Ashley, puis le couloir sombre, aux murs confortables, qui absorbait les sons de plus en plus lointains de la salle.

« Enfin, j’espère que tu auras appris des choses durant cette soirée. » ajouta-t-elle en approchant de la porte. « Je te reconduis ce soir, Heidi. Oh d’ailleurs, voilà une chose que tu devrais faire, apprendre à conduire. Cela devrait te servir à l’avenir. »

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