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The sweetest tongue has sharpest tooth | Yago

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Lun 21 Juin - 15:47 (#)


The sweetest tongue has sharpest tooth.

Multitude de visages qui s’impriment dans son esprit sans réellement s’y ancrer. Anonymes qu’elle oublie presque instantanément après avoir daigné posé son regard sur eux. La mélodie est presque entêtante. Celles du tintement des verres, des conversations creuses et inconsistantes, des différentes musiques qui s’échappent des bars dans cette rue banale à souhait. Le métissage est roi ici et les nègres y règnent en maîtres. Et bien que l’anglais lui écorche parfois les tympans, il lui est moins insupportable qu’à son arrivée ici. Elle, bercée dans une langue moins gutturale, avait dû fournir des efforts considérables pour s’approprier ces sonorités nouvelles et se fondre dans la masse grouillante de cette élite blanche et tout aussi vulgaire. Pourtant, la confrontation avec ce vingt-et-unième siècle décadent lui est encore douloureux. Des esprits plus ouverts pour une liberté individuelle à son paroxysme, une déconstruction des valeurs traditionnelles pour un abandon progressif d’une identité nationale autrefois forte. Les États-Unis de ses souvenirs s’en sont allés, morts, au profit de cette nouvelle génération qui ne fait front qu’en cas de menace extérieure. Ils ont le droit de tout dire aujourd’hui, sans restriction, bercés par ces réseaux sociaux qu’ils vénèrent comme de nouvelles divinités. Le nez plongé dans ce miroir noir dont ils ne peuvent plus se passer. Nouveau siècle, nouvelle drogue. Adieu l’opium. Tout va vite. L’information, la désinformation, la fausse réflexion. Ils pensent tout savoir sans jamais chercher à apprendre. L’ultracrépidarianisme dans toute sa splendeur la plus plate et la plus désolante.
Ici elle se sent moins étrangère. Elle n’est plus la Chinoise de service, celle qui attire les regards pour son métissage prononcé. Mei ne se sent néanmoins toujours pas appartenir ni à ce pays, et encore moins à ce peuple. Elle ne leur ressemble pas, ne leur a jamais ressemblé. Elle n’est ici que pour apprendre leurs codes, calquer leurs agissements. Mais sa patience est épuisée et elle glisse un billet sous le verre de vin qu’elle n’a pas touché.

Fendant la foule sans bruit, elle évite soigneusement tout contact avec la fange humaine, hélant un taxi quand le moment s’y prête. On a beau lui avoir appris à utiliser quelques applications utiles pour ce genre de choses, dont un dénommé Hubert qui semble spécialisé dans le transport de personnes, elle n’en maîtrise aucun aspect. Claquant la portière, la Vampire se contente du minimum syndical acceptable en guise de politesse et souffle l’adresse du motel du bout des lèvres, se calant contre le siège, les yeux tournés vers le paysage.
Le calme revient peu à peu et l’agitation du centre-ville s’estompe. Son chauffeur tente à plusieurs reprises de faire la conversation mais le dédain de l’immortelle le pousse vite à se focaliser sur la route et non sur le pourboire qu’il n’obtiendra visiblement pas.
Le front appuyé contre la vitre, les yeux levés vers la lune, presque pleine, ses pensées dérivent un instant sur son loup. Gautièr. Que fait-il? Avec qui? L’ongle de son index vient meurtrir la peau de son pouce dans un geste nerveux que l’asiatique ne contrôle pas et c’est un regard empli de haine qu’elle lance à l’astre nocturne, rendue responsable de sa jalousie maladive.

C’est presque avec soulagement que la voiture s’arrête et qu’elle glisse à nouveau quelques billets à l’attention du conducteur, le saluant d’un simple signe de tête en guise d’adieu. Le moteur vrombit et elle attend que le véhicule s’éloigne pour se remettre en marche, pénétrant enfin à l’intérieur de la bâtisse. L’agitation y est moins étourdissante qu’en ville mais la vie tout aussi nocturne. Mei ne prête pourtant aucune attention aux regards qui se posent sur elle. En de rares occasions cette dernière tente enfin de nouer quelques liens, histoire de sortir de la bulle protectrice qu’elle s’est créée depuis son réveil. Pas ce soir. Présentement, elle ne rêve que du cocon rassurant de la chambre qu’on lui a allouée et qu’elle s’est enfin appropriée.

Grimpant doucement les marches, elle relâche ses cheveux, maintenus jusqu’ici en chignon par deux longues aiguilles et les laisse retomber en une cascade fluide le long de son dos. La pulpe de ses doigts vient effleurer le bois de la porte de sa comparse et égale, absente cette nuit, poursuivant jusqu’à la sienne quelques mètres plus loin.
L'entrebâillement de celle-ci et la lumière qui lui en parvient interrompent ses pas, les sourcils froncés, les sens en éveil. La Vampire sait qu’elle a fermé. C’est son sanctuaire. Sa violation en est donc une inquiétude conséquente. Elle, l’apatride. Qui ne possède rien. Retirant ses chaussures - et perdant ainsi quelques centimètres - elle avance jusqu’à la porte, glissant une main par l’ouverture et envoie le battant frapper le mur.
Son regard se porte immédiatement sur la silhouette, invité non désiré, et quand deux prunelles claires confrontent les siennes et qu’elle reconnaît en l’inquisiteur Yago, elle ne tente rien. Les yeux fixés dans les siens, orbes noirs qui clignent trop peu et lui donnent des allures de prédateur, elle laisse retomber les chaussures en main et se laisse glisser sur le côté, refermant sa porte dans un claquement sec.

Yago, Yago, Yago….
Un léger sourire étire ses lèvres, presque amusé, un brin malsain. Après tout, ce petit jeu entre eux dure depuis quelque temps déjà. Mei ne sait pas réellement depuis quand. Ne peut prétendre l’avoir perçu pour la première fois quelques semaines plus tôt. Subtil félin qui la suit ou la surveille pour une raison qu’elle ignore. Subtil, mais pas aussi discret qu’il semble le penser. Est-ce qu’on lui a demandé? Ne fait-il que suivre aveuglément les ordres d’un tiers? Ou n’est-il mû que par une sincère et légèrement obsessionnelle curiosité?
Ne le lâchant pas des yeux, elle dépose les deux aiguilles sur le meuble le plus proche, son regard coulant doucement sur son corps. Après tout, elle ne lui a jamais prêté une réelle attention. Pas physique en tout cas. Ça ne l’a pas empêché d’être curieuse le concernant. Ils n’usent visiblement pas des mêmes armes mais puisque ce dernier est venu se perdre dans son antre…

Se détournant brusquement, elle fait glisser le foulard en soie qui nouait jusqu’ici sa gorge et le pend avec les autres. “Je me demandais quand tu allais briser les règles de bienséance et enfin oser conquérir de nouveaux territoires, garçon.” Pas de pourquoi. Pas de scandale. Pas de colère ni de cris. Et quand on connaît Mei, sa réaction en est presque plus inquiétante. “Le bord de ma fenêtre n’était plus assez intime pour toi?” Par-dessus son épaule ses yeux rencontrent à nouveau les siens, de même qu’un sourire moqueur. Je t’ai vu garçon. Qu’aurais-tu aimé voir? Fermant l’un des tiroirs de sa commode tandis qu’elle tente de faire abstraction de l’intrusion de ces mains masculines, elle ouvre le second, celui qui renferme sa lingerie, impeccable. “Au moins tu n’es pas un pervers, ça aurait été d’une triste banalité…” souffle la brune en se tournant vers lui pour se rapprocher lentement, lentement. Masque de marbre sur les traits, elle le contourne finalement au dernier instant au profit de la statuette de Guanyin qui trône sur un meuble bas érigé tel un autel. Ses doigts glissent sur la pierre, attrapant la boîte d’allumettes cachée non loin pour en craquer une et rallumer l’encens dont les effluves subtiles ne tardent pas à se diffuser.

Se tournant à nouveau vers son invité surprise, ses yeux coulent à nouveau sur son corps, neutres, ni sévères, ni gourmands avant de se fixer une fois de plus dans les siens. “C’est une chose que de suivre une femme pour en apprendre plus sur ses habitudes, c’en est une autre que de….pénétrer son intimité…” Le choix de mots est volontaire, le double sens évident. “La soie. Le rouge. Les émeraudes. Le sang.” Liste cette dernière dans un amusement qu’elle contient. “Ce sont des présents qui t’aideront à gagner mes faveurs garçon Minaude l’Immortelle en louchant sur lui dans une envie feinte. Elle sait très bien qu’il n’est pas ici pour ce genre de choses mais c’est beaucoup plus amusant que d’entrer trop rapidement dans le vif du sujet.







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Anonymous
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Dim 27 Juin - 15:54 (#)


Steal your dirty little secrets.

Juin 2020.

Les murmures érodent sa patience. Autour de lui, bruissements et mugissements annoncent l'inéluctable renversement. Mais pour celui qui refuse encore de voir, l'impensable ne peut prendre forme dans l'esprit embrumé. Sans cesse, sa psyché défragmentée réfute, enlisée dans un déni protecteur, la vérité déjà établie. S'entretenir avec Dillon autour de la tourmente des lieux, depuis le départ du Maître, n'avait pas suffi à apaiser ses angoisses. Trois semaines d'absence, sans nouvelle, avaient élimé l'Infant déjà à fleur de peau. Sans Salâh ad-Dîn pour diriger le Clan, il savait que ce devoir lui revenait implicitement ; une tâche à laquelle il peinait lamentablement, car égaler l'autorité et le charisme de son Sire relevait de l'impossible pour l'enfant de Jérusalem. Celui qui n'avait jamais véritablement cessé de se dissimuler dans les ombres, d'espérer être couvé par un regard maternel, errait parmi les couloirs bruyants, à la recherche de ce qu'il s'empêchait pourtant lui-même de dénicher. Le nom d'Aliénor avait été prononcé par Dillon, mais il refusait d'y croire. N'avait pas écouté. Avait choisi d'ignorer délibérément l'Irlandaise qui éprouvait tant d'audace à son encontre, et refusait obstinément la hiérarchie des lieux, prétendant ne répondre qu'à la Reine Rouge, plutôt qu'au véritable Chef de Clan. Tant d'indices qui auraient dû alerter l'Israélite. Trop de signes. Il avait donc immanquablement divagué, dérivé, s'était perdu dans les limbes instables, là où les délimitations entre le réel et l'illusion ne sont que de flous concepts.

Alors quoi de plus consistant, sinon que de glaner des informations aléatoires, pour redonner corps à ce qu'il ne parvenait plus à maîtriser ? Lorsqu'il s'infiltre dans la chambre de Mei cette nuit-là, sa sinistre réputation de rôdeur le précède. Il n'est que l'ombre de lui-même lorsqu'il pénètre les lieux après s'être assuré de son absence : et puisqu'il dirigeait temporairement le motel décrépi du Clan embryonnaire, nul besoin de forcer la serrure de l'Immortelle. Il suffisait de savoir quel clé utiliser.

Il avait perdu de sa superbe, l'ancien horloger. Un enfant égaré entre les odeurs féminines d'un monde qu'il découvre du bout des doigts. La silhouette voûtée, la Gargouille a abandonné son poste d'observation silencieuse sur le châssis de la fenêtre, pour s'octroyer le droit de fouiller, en bonne et due forme, la chambre de celle qu'il n'ose encore considérer comme une alliée. Trop froide. Trop distante. Épaisse de tous ces mystères qu'il ne pouvait comprendre, maintenu éloigné d'elle par ses propres réticences à l'égard de la gente féminine. Parfois, il se questionnait sur les choix d'Aliénor, quant à ceux qu'elle considérait comme ses protégés, ces enfants qu'elle n'aurait jamais. Mei, Dillon, et même l’Éphémère Serguey étaient à ses yeux de singulières interrogations à l'encontre de sa mère de substitution. Venus des quatre coins du monde, ces apatrides qui marchaient dans le sillage d'Aliénor Bellovaque paraissaient autant de territoires conquis par elle, elle qu'il refusait obstinément de considérer comme une manipulatrice. Intimement persuadé de la sincérité de l'affection que l'Antique lui portait, il éprouvait une jalousie certaine à l'encontre de ceux et celles qu'elle couvait de ses ailes de la même manière. Évidemment, Mei faisait partie de ceux-là, et suscitait alors un sentiment de méfiance mêlée à une curiosité maladive, chez celui qui était tout aussi étranger qu'elle sur les terres américaines.

C'est entre les étoffes qu'il se perd tout d'abord, et infiltre sans pudeur les secrets vestimentaires de l'Immortelle. Ses phalanges intriguées parcourent la douceur des tissus de Chine, et il se risque même à décrocher un kimono de l'un des cintres pour étudier de plus près la finesse de la soie. Sa main amputée caresse le pli discret que les courbes féminines ont marqué par un usage visiblement régulier, nullement intimidé de frôler ce fantôme de corps de femme en son absence. Puis les dextres se désintéressent des fibres textiles et l'exploration se poursuit plus loin, près des rares bibelots qu'il examine, intrigué par leur forme, par leur signification qu'il ne maîtrise que trop peu, honteusement ignorant des contes et folklore de l'Extrême-Orient. Les odeurs étranges mais pas déplaisantes qui embaument la pièce l'étourdissent quelque peu, tandis que sa curiosité tactile le pousse à fureter encore, à ouvrir les tiroirs à la recherche d'une correspondance quelconque, à humer les cosmétiques et à dérober sans scrupule un peigne à l'ornement raffiné qu'il glisse dans la poche arrière de son pantalon. Pour sa collection personnelle.

Les pas dans le couloir auraient dû l'alerter, mais trop absorbé par sa contemplation active d'un univers jusqu'alors proscrit, il sursaute lorsque la porte s'ouvre à la volée sur la menue silhouette. La colère ne déforme pas le faciès imperturbable, et égale à elle-même, la propriétaire des lieux se contente d'un regard de chasseresse, avant de refermer la porte sur eux, comme si aucune intrusion n'avait opéré dans son temple.
S'il s'en veut d'avoir été pris en flagrant délit et de ne pas avoir fait preuve de davantage de prudence, l'Oriental ne cherche toutefois pas à fuir le lieu du crime, happé par la contemplation de celle qui se déplace désormais avec élégance au creux de son minuscule royaume. Attentif, il accepte d'être examiné en retour, conscient qu'il disposait de bien peu de marge de manœuvre depuis qu'il évoluait à découvert. Seule sa nuque effectue un mouvement de retrait lorsqu'elle ose s'approcher trop près, ne bifurquant qu'au dernier moment pour vaquer à ses occupations, comme si l'avoir débusqué dans son intimité ne l'offusquait pas le moins du monde.

L'attitude ambivalente de Mei à son égard finit toutefois par l'arracher à son observation mutique et, les lèvres pincées, il lui répond d'un ton égal, la voix rythmée par l'habituelle musique orientale.
« Tu n'es pas mon genre. »
C'est tout ce qu'il se contentera de lâcher à son intention, pas plus dédaigneux que nécessaire. Ses prunelles d'ambre parcourent à leur tour le corps qu'enserre le kimono effleuré précédemment, sans paraître nourrir ni désir, ni dégoût à son égard. Seule une curiosité légère mais palpable trahit l’auscultation oculaire lorsqu'il étudie le mouvement comme la couleur de ses cheveux, dès qu'elle passe à proximité de lui. Ils ne se sont probablement jamais tenus si près l'un de l'autre, alors les découvertes sont nombreuses et bouleversantes pour cet éternel enfant, dont la phase d'observation peut parfois s'étirer des semaines durant, comme Mei l'avait découvert bien assez tôt. Légèrement vexé d'avoir été débusqué, il détourne le regard des iris sombres et parcourt de nouveau les quelques bibelots de la chambre avec circonspection.
« Des émeraudes ? De la soie ? Ne crains-tu pas qu'un voleur aguerri ne te les arrache, ici-bas ? Tu as dû remarquer que nous ne vivions pas tout à fait dans un palais. C'était visiblement tout ce qu'Aliénor a daigné t'offrir. J'espère que ton long voyage en valait la peine. »
Une pique légère, essentiellement destinée à la tester, à découvrir si, à l'instar de Dillon, elle ne jurait que par la Madone. Allégeance assumée ? Ou seras-tu plus maline, plus fourbe ?

Si le surnom dont elle l'affuble le fait tiquer, il tâche de n'en rien montrer lorsqu'il décide de se mouvoir à nouveau, imitant les déplacements fluides de Mei pour parcourir lui aussi l'espace, dérangeant sans se gêner les foulards accrochés, pour retrouver celui qui couvrait sa gorge et le humer, le tissu enfermé entre ses phalanges intrusives
« Pervers ? Aurais-tu souhaité que je le sois, peut-être ? Je ne te connais ni amant, ni maîtresse. Au moins, cela aurait troublé la surface de ton existence. »
Si lisse, si inflexible. Que cachaient réellement ces traits d'opaline ? Plus intrigué que méfiant, il relâche l'écharpe et décide de jouer à la provoquer à son tour. Rien de tel que quelques piques pour briser la glace.
« Cela ne te plaira peut-être pas, mais je suis garant de cette intimité que tu invoques. Et même si cette chambre t'appartient, tu es ici chez moi. Ne l'oublie pas. » Ne sois pas aussi effrontée que Dillon.
Et quitte à maintenir le masque des apparences encore un moment, il lui demande, tout en se dirigeant vers les volutes de fumée que ses narines décortiquent avec grand intérêt.
« A vrai dire, je me demandais si je dénicherais, parmi toutes ces futilités que les femmes ont coutume d'amasser, un peu d'opium. Cela t'aiderait à… gagner mes faveurs. »
Une ébauche de rictus déforme la moitié basse de son visage tandis qu'il plante ses orbes dans les siens, tout en maintenant une distance respectable entre eux, par anticipation d'un potentiel renversement de situation. Car il ne le savait que trop bien, au Lucky Star, le calme était toujours de très courte durée.

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Anonymous
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Dim 18 Juil - 13:23 (#)


The sweetest tongue has the sharpest tooth.


Observatrice.
Statue de marbre dont les traits n’offrent guère d’indices sur une humeur toujours mystérieuse, toujours changeante. Mei n’est jamais la même, jamais trop longtemps en tout cas, et ceux qui prétendent la cerner sont, au mieux, trop imbus de leur personne, au pire, des pions déjà pris dans la toile de cette mante religieuse aux allures de poupée.
Ses orbes obsidiennes ne le quittent pas, profondes, insondables, et le peu de répit qu’elle offre à ses yeux en omettant de cligner des paupières lui confèrent des allures animales. Elle n’en a cure. C’est lui qui est venu s'enfermer ainsi dans le royaume qu’elle pensait sien. Son regard le détaille, tranche dans le vif d’un visage encore juvénile, sur un corps qui ne l’impressionne que trop peu mais qui doit, en toute franchise, plaire au plus grand nombre. Yago a ce petit quelque chose en plus sur lequel l’immortelle ne parvient pas à mettre le doigt, ne cherche pas à s’y attarder plus que de raison.

Ce soir, elle le laisse pénétrer son intimité, sans gratuité aucune. Il est l’un des protégés d’Aliénor et sa place sur cet échiquier géant est tout aussi avantageuse qu’elle deviendra précaire. En a-t-il seulement conscience? Peut-il voir venir le changement qui s’opérera tôt ou tard ici? Ou sa confiance en l’ordre établi surpasse-t-elle tout le reste? De cette connaissance qu’il n’a pas, elle en tait évidemment chaque pensée, chaque émotion qui pourrait la trahir.
Ce soir, elle observe.
Cherche à savoir si celui qui a un jour suscité l’intérêt de son aînée saura nourrir un quelconque sentiment semblable chez elle ou si, comme tant d’autres avant lui, il se fondra dans le moule inexorable de son indifférence la plus totale.  

Un rire passe sa gorge, plus moqueur qu’elle ne l’aurait sans doute voulu, penchant légèrement le visage sur le côté. “Je suis le genre de tout le monde…” souffle-t-elle d’une voix qui ne laisse pas de place au doute. Haute estime que les mains crasseuses ne peuvent écorcher. Mei sait ce qu’elle vaut, gonfle cet orgueil des regards, des sourires, de l’envie qu’elle devine chez certains. Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, elle sait ne pas laisser indifférente et c’est bien tout ce qui lui importe. La Vampire laisse aux autres la stupidité et la mièvrerie de l’attachement amoureux, de l’affection fraternelle. Futile, éphémère. Ce qu’elle cherche, c’est la passion dévorante, destructrice, l’égalité absolue qui vous défie autant qu’elle vous révulse, la supériorité indiscutable ou la soumission la plus sournoise. Elle n’a pas le temps pour les caprices du cœur, même dans cette immortalité qui lui est si chère.

Un nouveau sourire naît sur ses lèvres légèrement peintes ce soir, plus carnassier, plus amusé. Jamais de couleurs criardes. Elle laisse ça aux femmes qui les assument. L’oriental cherche à viser là où ça pourrait faire mal. Cherche seulement. Oh, ils sont nombreux, les sujets qui ne manqueraient pas de la faire devenir furie. Trop. Encore faut-il en connaître suffisamment sur son histoire pour tirer la corde sensible. Et dans cette toile infinie, beaucoup restent silencieuses à l’appel de la vexation. “Je préfère les voleurs aux sniffeurs” susurre-t-elle en se rapprochant d’une impulsion rapide pour se retrouver à quelques centimètres à peine de lui, évitant pourtant tout contact physique non désiré qui la révulserait. D’une profonde inspiration non naturelle et parfaitement exagérée, elle hume le cou de son invité du soir, s’écartant pour mieux claquer des mâchoires près des siennes, retenant de justesse un léger rire.

S’échappant à nouveau, elle lui tourne le dos pour prendre place sur son lit, croisant délicatement les jambes en se laissant retomber suffisamment en arrière pour que ses mains s’apposent sur le matelas. Un silence place de longues secondes, volontaire. Si son voyage en valait la peine? “Chaque kilomètre parcouru pour La retrouver” murmure-t-elle en fermant les yeux comme pour mieux se délecter de ces retrouvailles. La garce qui sommeille en elle attaque, tente de trouver elle aussi la corde sensible qui le fera ciller, ne serait-ce qu’une seconde. La jalousie fait-elle partie de lui? Elle préfère la possessivité, mais ces deux sentiments peuvent être de puissants alliés et un combustible suffisant, quand l’occasion s’y prête. “Je n’ai pas besoin d’un palais pour me sentir princesse garçon. Cette fange humaine me convient pleinement, mais merci de t’en soucier.” Lui offrant un clin d'œil faussement complice, elle le laisse volontiers poser les bases, dessiner les contours de leur future relation, miner ou non le terrain qu’ils devront fatalement partager.

Au moins ne la déçoit-il pas sur ce point. Chaque attaque est un nouvel indice sur sa personnalité. Visiblement, certains sujets la concernant le titillent plus que d’autres. Tous très personnels. “Souhaité? Pour souhaiter il faut avoir des attentes Yago.” Le sous-entendu n’a pas besoin d’être souligné. Pour le moment, elle n’en a aucune le concernant. Pas plus que ce dernier ne lui en offre déjà. “Je ne saurais dire si je suis soulagée ou déçue que tu en aies finalement appris si peu en m’épiant depuis tout ce temps.” L’asiatique ne lui offrirait pas le plaisir de confirmer ou d’infirmer son hypothétique abstinence. Le doute avait toujours été bien plus délectable…

Arquant un sourcil interrogatif - pas réellement - son sourire moqueur s’élargit. Oh oui, cette situation l’amuse autant que ses traits le démontrent. “Chez toi hum?” Répète la Chinoise avec sarcasme et amusement. Elle ne prononce pas le nom de son maître, il est bien plus amusant de voir un chiot tenter de se prendre pour un loup. Et elle sait de quoi elle parle, elle a Gautièr... “Et que dois-je faire? Me prosterner devant toi? T’autoriser à voler mes culottes? T’offrir une place dans mon lit? Que désires-tu secrètement, Yago?” Quels sont tes vices garçon, que je les exauce ou les retourne contre toi.

À nouveau, un sourcil s’arque, cette fois-ci d’une franche surprise. De l’opium? Non pas qu’elle se sente dans l’obligation de gagner ses faveurs mais il est trop rare de nos jours de trouver encore des personnes de goût, fussent-ils des Yago. Elle pourrait le souligner, ne pas le laisser gagner du terrain, mais concéder était parfois une façon plus subtil et traître de manipuler. “Le second tiroir devrait satisfaire tes envies.” Puisqu’il ne s’est pas gêné pour fouiller et toucher ses affaires personnelles, cela ne devrait pas trop heurter sa pseudo morale.
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Jeu 26 Aoû - 13:30 (#)


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Malgré une psyché corrompue, il savait faire preuve de suffisamment de prudence pour deviner la noirceur qui tapissait Mei Long. Les mâchoires qui claquent contre son tympan, beaucoup trop proches de son être, déstabilisent un court instant la pleine confiance qu'il éprouvait en la confrontant sur son propre terrain. Contrairement à son Sire, il commettait rarement l'erreur de sous-estimer qui que ce soit, malgré sa misogynie latente. Et à chaque fois qu'elle approchait, que le remous d'une impulsion la portait jusqu'à lui, il percevait, derrière ce masque imperturbable, les ténèbres qui clapotaient sous la surface dormante. Les répliques étaient mesurées, chaque mot étudié avant d'être prononcé, et malgré l'indécente attitude voyeuriste de son interlocuteur, elle veille à retenir chaque indice qui pourrait lui échapper, et jamais ne cède à l'impulsivité d'une phrase qui scellerait leur entrevue. Contrairement à Dillon, il comprend que les provocations ne la délogeront guère de la place qu'elle a choisi d'occuper. Car là où l'Irlandaise lui ressemble bien plus qu'il ne l'admettra jamais, Mei demeure drapée de mystères et de différences évidentes, sur lesquelles il ne parvient pas encore à mettre le doigt. Il comprend que s'il éprouvait l'envie de la détruire, il devrait y consacrer des années, pour la décortiquer méthodiquement et repérer des faiblesses qui ne seraient peut-être que des leurres placés ostensiblement sur son chemin, s'il osait faire preuve de trop d'orgueil à son égard.

Alors un rire grinçant lui échappe soudain, un rire qui n'a plus rien d'humain, une habitude perdue depuis trop longtemps. La monstruosité sonore secoue ses épaules, durant une poignée de secondes, puis le son disparaît aussi brutalement qu'il n'avait tranché l'échange entre eux. L'intimidation première reflue pour laisser place à un véritable amusement, qu'il n'aurait pas soupçonné de prime abord.
« Tu es plus divertissante que ce à quoi je m'attendais, je dois bien l'admettre. »
Puis, sans lui accorder cette fois la moindre attention, il lui présente délibérément le dos et les reins, la délaisse sur son radeau matelassé pour se pencher vers le tiroir indiqué et en extraire ce qu'il a réclamé. Sa silhouette aérienne, dans des mouvements presque aussi féminins que ceux de sa semblable, s'échoue finalement au bord du lit, sur lequel il ne commet pas l'outrage de grimper. Il ne désire nullement la rejoindre, seulement changer de perspective, s'adosser au sommier et la sortir de son champ visuel, tout en acceptant de demeurer dans le sien, si elle le désire.

Installé sous les genoux de Mei, il prend le temps de préparer l'opium, ses gestes patients et précis trahissant une habitude jamais perdue. D'un ton neutre, il lui fait la conversation, comme s'ils se connaissaient depuis toujours et s'adonnaient régulièrement à cette pratique en duo.
« Je n'ai aucune envie de te voir t'agenouiller devant moi. Mais je suis certain que tu l'avais déjà compris. »
S'il peut parfois s'envelopper d'orgueil, cette fierté n'était le plus souvent en réalité qu'un lointain écho du caractère mégalomaniaque de son Sire. Au sein de l'infâme binôme, il avait toujours été le plus humble, le plus pudique, l'apport inconscient d'un équilibre nécessaire à l'instance chaotique qu'ils représentaient tous deux.

Sa voix paisible et mélodieuse se pose comme sur du velours, se déroule face à lui sans jamais chercher à s'enrouler autour d'une oreille qu'il sait déjà attentive.
« Au contraire. J'ai appris beaucoup, en t'observant. Tu ne devrais pas sous-estimer de tels agissements. Mais libre à toi de te croire hors de portée. »
Chaque erreur commise serait mémorisée. Enchaînée à la suivante. Après tout, ne disposaient-ils pas de l'éternité pour apprendre à se connaître ?
Minutieux, il pique l'opium et entreprend de le chauffer par-dessus la lampe, sa main amputée animée par le plaisir non-dissimulé de s'adonner à ce rituel. Il aurait été curieux de voir Mei le réaliser elle-même, de comparer les pratiques, d'apprendre. Une autre fois, peut-être.
« Toi aussi, tu as conservé cette habitude. Pourquoi ? »
Une question qu'il préférait lui retourner plutôt que de se poser à lui-même, sous le crépitement du pavot qui enfle sous ses gestes mesurés.

La tête légèrement penchée, il savoure l'odeur thébaïque qui se dégage de la préparation, s'amusant parfois à troubler les volutes de fumée de ses phalanges spectrales. Ne plus voir la silhouette de Mei désaxe son approche première, place la curiosité au premier plan de sa conscience, bien avant son désir de la piquer encore, peut-être avec cette aiguille qui tournoie entre ses doigts.
« Je sais que tu es venue pour Elle. Pourquoi ? Êtes-vous liées par une promesse quelconque ? As-tu une dette envers elle ? L'aimes-tu ? »
Il énonce les diverses possibilités avec calme, en apparence bien plus happé par l'alchimie qu'il réalise que par les informations qu'elle pourrait lui délivrer. Tromperie évidente, même si ses questionnements trempent dans un élan sincère qui le porte vers elle. Malgré ses réticences et sa méfiance primitive, il ne peut jamais totalement endiguer cette curiosité qui le soulève contre le monde, contre les autres. Même contre celles et ceux aux visages ennemis. C'était là probablement l'un des rares vestiges de son humanité enfouie.

Avec habileté, l'opium boursoufflé est introduit dans l'ustensile servant à sa consommation, et c'est d'un geste naturel qu'il pivote enfin pour retrouver le regard sombre et lui tendre la pipe, l'incitant ainsi à tirer la première bouffée, ses doigts encore noués à l'instrument. Sans sourire, il la scrute avec intérêt, intrigué de découvrir si elle acceptera de partager cette activité avec lui, bien plus intime qu'une étreinte charnelle, qu'une caresse sur un corps dénudé, qu'un nez plongé dans la soie d'une lingerie délicate. Ses prunelles d'ambre, constamment ambiguës, se décrochent des orbes pour glisser indolemment vers les lippes féminines, mémorisent leur tracé et guettent une ouverture éventuelle, aux aguets du moindre secret qu'elles pourraient lui délivrer.
Tapi sous l'intention d'une étrange trêve, animé par la connivence d'un plaisir peut-être partagé, il suspend son geste entre deux réalités, attendant de savoir si elle optera pour l'une ou l'autre.
Sagement, il avait contourné les évidents paradoxes pour se placer devant les portes de la Cité Interdite.

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Ven 17 Déc - 15:58 (#)


The sweetest tongue has the sharpest tooth.


A-t-il conscience que les traits juvéniles qu’il porte lui concèdent si peu de crédit? Que ces orbes si clairs lui confèrent des allures d’ange? S’en sert-il pour manipuler et endormir ses proies pour mieux mordre tel un serpent? L’espère-t-elle secrètement, n’en a-t-elle cure? Possiblement un peu des deux. Mei est de ces êtres qui balancent constamment entre deux humeurs, deux extrêmes, ni jamais tout à fait ceci, ni jamais entièrement son contraire. Un savant mélange de tout, imprévisible, instable, dangereux. Sur le fil, l’équilibre précaire d’un esprit dans une perpétuelle dualité. Nitroglycérine capable de chuter de trente mètres sans exploser et de tuer pourtant par une précautionneuse mais malheureuse agitation. Indomptable.
Et orgueilleuse. Même le plus vil des mensonges, la plus sournoise des hypocrisies sauraient gonfler suffisamment son ego si tant est qu’on lui prête attention. L’approche est malhabile, grossière, attendue, mais n’en est-elle pas le premier rôle? Ce soir, c’est à peu près tout ce que l’immortelle demande. Il n’y a pas d’attente, seulement le plaisir de voir quel sera le prochain coup, quel pion sera placé sur ce nouvel échiquier, lequel sacrifier au besoin.

Son rire la sort un instant de sa torpeur, animal, résonance macabre dans ce qui est censé être si plein de vie. Créature nocturne peu habituée à ce genre de démonstration pour qu’il sonne humain semble-t-il, Mei est bien plus intriguée par ce qui est d’ordinaire tapie sous la surface que par les faux semblant d’un rôle trop longtemps joué et donc maîtrisé. Apparences trompeuses et fades, retenue ennuyante au possible, elle aime l’excès de l’abandon. S’il lui sied si bien, ce n’est que la survie primaire qui la pousse à réfréner ses pulsions les plus noires et extatiques. S’y adonner avec trop de zèle lui assurerait qu’une mort précipitée. Et que ferait le monde, sans elle?

Silencieuse, la harpie se contente d’observer chaque geste de son invité comme s’ils avaient le pouvoir de lui en dire plus sur cet énigme ambulante. A-t-elle réellement envie d’en découvrir les secrets? Il lui faut avouer que Yago, jusqu’ici, a suscité peu d’intérêt chez sa personne. Il n’est qu’un atome dans cette nouvelle cellule de sa longue vie mouvementée. Mais puisque la rencontre est forcée, puisqu’elle n’a d’autre choix que de composer avec ce dernier, ma foi…
Il l’a dit lui-même, tout ceci est finalement plus divertissant qu’ils ne l’avaient tous deux pensé.

Un sourire finit par étirer le coin de ses lèvres. “Vraiment?” Et qu’a-t-il appris au juste? Sinon…. “Et qu’en ressort-il de tangible alors que tu as été percé à jour des semaines avant cette nuit? Que peux-tu donc avoir assimilé et vu que tu puisses appeler vérité? Es-tu certain d’avoir appris? Ou n’as-tu récolté que les bribes que j’ai dénié t’accorder? Ai-je délibérément semé des graines pour nourrir ta curiosité et levé le voile sur ce que je voulais que tu vois? Et si ma seule volonté a guidé tes escapades nocturnes, comment discerner mensonge et manipulation?” Le sourire s’élargit, parce que le doute est une arme plus incisive que tout le reste. Comment prétendre la cerner ou même avoir entrouvert quelques portes quand le chemin pour les trouver est semé d'embûches? Yago n’a rien si ce n’est ce qu’elle voulu qu’il ait entre les mains.

Si gagner ses faveurs lui apparaît frivole et sans intérêt, le voir travailler l’opium est un ravissant que la belle ne cherche ni à feindre, ni à taire. Et au haussement d’épaules qui suit la question du jeune homme, son esprit s’égare un instant à l’autre bout de la planète, sur des terres qu’elle ne foulerait probablement plus. “Si la Chine n’est aujourd’hui que les miettes de ce qu’elle a un jour été, je l’ai connu sous son plus beau profil. Puissante, indomptée, mystérieuse. L’opium est sans doute le seul résidu qui ne ressemble pas à ce cliché occidentale que l’on s’en fait.” Et parce qu’un aveu ne doit jamais totalement en être un, parce que Mei préfère le saupoudrer de secret, elle ajoute. “Ou peut-être n’est-il que le reflet de ce que je veux oublier.” Jamais de vraie réponse. L’un ou l’autre, sans doute les deux, possiblement aucun. Son pouce vient frôler la pulpe des autres doigts, là où les microsillons de dizaine de coupures lui rappellent sa vie dans les champs. Invisibles pour des yeux mortels, non palpables pour des mains humaines, ils sont là, souvenirs de sa vie de paysanne, marques que son immortalité n’a pu lui retirer. Combien de bulbes percés pour faire couler le précieux liquide, combien d’heures passées sous un soleil de plomb et dans la poisse collante de la sève? Mais tout ceci est loin et elle est ici.

Aliénor redevient le sujet principal et l’Antique se laisse retomber en arrière, presque au ralenti, sur le matelas. Son dos en rencontre mollement la surface tandis que ses cheveux de jade créent une auréole sombre autour de son visage de poupée. L’aime-t-elle? Aime-t-elle qui que ce soit sinon sa propre personne? En est-elle seulement capable? Un sourire béat se peint sur sa bouche alors que son regard ressemble maintenant à celui d'une amante satisfaite et rassasiée. Ses doigts chatouillent son ventre par-dessus le tissu fin de ses vêtements, comme si le souvenir charnel de son alliée et amie animait encore ses entrailles. Le spectacle n’est pas aussi délectable que l’idée que s’en fera Yago. “Pourquoi choisir quand on peut tout avoir?” Ce n’est pas aveu, ou peut-être bien que si. Comment savoir? Les trois. Assurément les trois. Oui, tout ça à la fois. La promesse, la dette, l’attraction naturelle de deux furies, complices et adversaires, amies et ennemies… Depuis longtemps déjà la Vampire a cessé de trop s’interroger sur ce lien ténu. Les mots eux-mêmes possèdent leur limite au profit d’un ressenti réel, absolu. Pour les comprendre, il faut être elles et surtout le vivre. Le décrire n’offrirait que banalité et médiocrité, et elles n’étaient ni l’un ni l’autre. Beaucoup de choses, mais pas ça.

Se redressant finalement, ses yeux glissent sur la pipe offerte. Alors quoi? Le calumet de la paix? L’idée la fait rire mentalement alors que ses doigts agrippent doucement l’objet en prenant garde à éviter tout contact physique avec l’immortel. “Elle te considère comme sien alors que tu appartiens à un autre” finit-elle par répliquer pour retourner le sujet contre lui. Et par sien, elle supposait Infant. “C’est une balance fragile que le nombre trois déséquilibre inlassablement.” Vers qui irait sa loyauté, quand les projets secrets d’Aliénor l’obligeraient à osciller dangereusement entre les deux.

Lentement, le bout de la pipe trouve l’ouverture de ses lèvres et Mei se force à inspirer dans un geste qui ne lui est plus naturel depuis trop longtemps. Les volutes s’intensifient en des notes bleutées tandis que la fumée emplit des poumons morts et de toute façon inutiles. Si la déception reste présente quant aux effets nuls que la substance aura sur elle, le goût si particulier l’oblige à fermer les yeux pour mieux en savourer la sapidité. Gardant le tout en bouche de longues secondes, elle finit par recracher la fumée au-dessus de leur tête, plongeant de nouveau ses yeux sombres dans la clarté des siens. Une seconde, ou seulement une furtive fraction de cette dernière, ce sont d’autres prunelles claires qui se superposent à celles de Yago, d’autres traits juvéniles. Fraction de seconde qui sonne comme une torture. Secouant la tête pour évincer ce fantôme, l’immortelle lui tend l’objet avec précaution, comme si ce fragment de son passé était tout aussi fragile que le reste. “Qui aimes-tu le plus?”
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Sam 19 Mar - 15:06 (#)


Steal your dirty little secrets.

Elle est plus mystérieuse qu'il ne l'aurait pensé. Orgueilleuse, inévitablement, comme la plupart des êtres damnés qui sillonnent la Terre et se persuadent qu'ils sont en droit de la conquérir, plutôt que d'en subir le châtiment. Plus déterminée que Dillon, moins audacieuse qu'Aliénor. Chaque geste paraissait suspendu sous les fils d'une hésitation : l'éternelle balance entre l'un et l'autre, entre deux réactions dont elle parait étudier la portée, avant de lui proposer la conséquence choisie. Il n'avait pas la prétention de sonder sa psyché : elle lui demeurerait inaccessible, probablement pendant de longues années. Si tant est qu'ils aient à se supporter aussi longtemps.
Elle sème le trouble. Il tique à peine, car les mots entrent en résonance avec ce qu'il dissémine parfois lui-même au creux des interprétations de ses interlocuteurs.
« Peut-être. Probablement. Serait-ce admettre que ton existence n'est que lambeaux d'illusions ? Mises en scène factices ? »
Il ne la juge pas. Il comprendrait. L'Immortalité peut être aussi pesante qu'insondable. La vérité des Éternels ne ressemblait à aucune autre. Alors, il lui accorde le bénéfice du doute. Après tout, peut-être préfère-t-il ne pas savoir. Chercher est plus excitant que d'arrêter de véritables conclusions.

Mei rêveuse, Mei insaisissable, ou Mei simplement mensongère.
Une quête impuissante qu'il ne se sent pas l'énergie de mener, préférant se contenter de cette contemplation passive qui le caractérise si bien. Saisir les bribes qu'elle lui accorde. Faire le tri, parfois. Choisir de croire en ce qu'elle lui donne à voir, ou décider d'en penser tout le contraire. Les informations virevoltent autour de sa conscience sans qu'il ne cherche à se débattre. Il est, à vrai dire, assez fasciné par la manière dont elle se défend sans chercher sciemment à le faire, avec une facilité déconcertante, visiblement habituée à cet exercice, à échapper aux mains des hommes et aux interrogatoires trop poussés. Qu'avait-elle donc vécu, en Extrême-Orient ? S'ils étaient plus proches, il brûlerait d'envie de le savoir. Mais elle lui refusera probablement et pour toujours l'accès à ses souvenirs si précieux. Peut-être qu'Aliénor avait su recueillir les confessions de sa cadette.
A ses imprécisions, il répond avec le même flou, peut-être également pour occulter cette image d'elle couchée sur le dos, presque lascive, si elle avait été humaine. Une étrange sensation qu'il souhaite chasser de son corps, comme de son esprit.
« Peut-on réellement ne pas choisir ? »
Cela lui paraissait bien présomptueux, mais il préférait ne pas donner consistance à ses tentatives d'égarement. Ils pouvaient jouer ainsi toute la nuit. Peut-être ne s'en lasseraient-ils pas. Il était curieux de découvrir lequel d'entre eux abdiquerait le premier.

Jusqu'à la question fatale, après l'énonciation d'une réalité difficile à nier.
La triangulation qui ébranlerait, une nuit, l'entièreté du système.
Il le savait, et ce sans prétention aucune : il était leur fragilité à tous les deux. Au Chaos personnifié comme à la Reine Rouge. Tôt ou tard, il rimerait avec leur perte, à l'un ou l'autre. Peut-être même serait-il utilisé comme champ de bataille à conquérir, ou dévasté, dans une guerre dont il ne comprendrait pas les enjeux. Car il avait toujours refusé d'être au centre de leurs différends. Et pourtant.

La réponse fuse avec la musique de l'évidence, elle jaillit avec l'impertinence de cette bouche masculine.
« Elle, évidemment. »
S'il avait cessé de la regarder pendant quelques instants, désormais, ses prunelles d'ambre s'accrochent de nouveau à elle. Elles se frayent sans mal un chemin entre les volutes de fumée pour questionner le visage opalin. Il se dégage d'elle une beauté difficile à saisir. En d'autres temps, sous d'autres cieux, il ne saurait dire s'il y aurait été sensible.
Elle. Évidemment.
Une vérité si crue que Mei n'y croirait peut-être pas. Ou alors un leurre trop gros pour être assimilé. Ou, peut-être, un indice dérangeant qui se heurtera au doute, lui aussi.
« Comment pourrait-il en être autrement ? »
L'amour, la loyauté. Étaient-ils capables d'en éprouver l'un ou l'autre ?
« Je l'ai toujours aimée. »
Il saisit la pipe et fume calmement en la regardant. Dérangeant dans son audace. Curieux d'une éventuelle réaction, aussi infime soit-elle. Assume-t-il au point de se dévoiler si intimement ? Cherche-t-il à l'égarer ?
« Les choses sont différentes, lorsqu'on la rencontre avant le trépas. N'est-ce pas ? »
Peut-être comprendra-t-elle.

D'un geste placide, il lui tend de nouveau la substance opiacée avant de finalement se redresser, d'une poussée qui lui paraît pénible, comme si s'extraire de l'immobilisme l'extorquait d'un effort réel. Attiré par la fenêtre, il s'en approche et se perche sur le châssis. Immobile et sinistre créature qui guette le dehors et dépèce son environnement, du haut de son perchoir. Les volutes d'opium l'apaisent, une illusion. Tout ceci ne les atteint plus, et pourtant, ils paraissent tous deux chérir cette habitude jalousement conservée.
A quoi bon ?

Un long moment, il se contente de savourer le silence, et peut-être même l'étrange compagnie de l'Immortelle, attentif aux indices qui clapoteraient, ou simplement las d'être au monde.
Et puis, un revirement, peut-être un caprice.
« Et si nous sortions ? »
Il la teste, c'est évident. Ou alors, il s'ennuie. Les deux ne sont pas incompatibles.
« Tu as dit que tu te plaisais, ici. Quel est ton endroit préféré ? »
Après tout, elle habitait dans son royaume. Princesse, peut-être, si ça lui chantait. Mais elle avait établi son fief dans des terres déjà conquises. Alors, il était curieux de ce qui avait pu ravir ses sens ou tout du moins, attiré son attention.
« Emmène-moi. »
Puisque tout cela était finalement bien plus divertissant que ce qu'ils n'avaient espéré.

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Mar 19 Avr - 21:13 (#)


The sweetest tongue has the sharpest tooth.


Si son attention semble absente, celle-ci est pourtant entièrement offerte au parasite qui s’est invité dans sa toile. Portée par un intérêt peu coutumier? Par une curiosité qui ne lui ressemble guère? Peut-être n’est-il finalement qu’une distraction dans une nuit s’annonçant banale. À défaut d’y trouver une utilité quelconque, il rompt une certaine monotonie. Ses prunelles obsidiennes fixées au plafond, un léger sourire étire ses traits, sans émotion particulière. Il n’est pas assez important pour faire tomber le voile, pour s’immiscer au-delà du masque aux multiples facettes. Pièce majeure dans la vie d’Aliénor, cet homme enfant n’est qu’un vulgaire pion dans le sien. Sa disparition ne soufflerait aucun sentiment autre qu’un soupir las. Elle ne comprend d’ailleurs pas de quelle façon son amie a pu s’enticher de lui. Yago ne lui semble ni particulier, ni d’un caractère suffisamment volubile pour vouloir en percer les secrets. Mais après Serguey, plus rien ne l’étonne vraiment. En dehors de sa personne, son alliée semble vouer un affect certain pour l’ordinaire et le commun. L’intérêt, encore une fois, est plus que minime. “Mon existence est ce que tu décides de voir. Mon indifférence quant à ton opinion sur le sujet est une réalité.” Si les mots sont un venin distillé au compte-goutte, le ton n’est ni acide, ni cassant. Mei ne cherche pas à le blesser. Elle n’a sincèrement aucune intention de faire ressurgir une quelconque émotion chez lui. Ce n’est qu’une vérité brute et pour une manipulatrice comme elle, c’est déjà beaucoup.

La question lui soutire un léger rire, un brin moqueur, un peu amusé. N’est-il teinté que de cette dualité que le commun des mortels semblent tant affectionner? Blanc ou noir. Bien ou mal. Bon ou méchant. Oh oui, elle peut tout avoir, tout ressentir, passer de la plus extatique satisfaction à la colère la plus sourde, de la passion dévorante à la haine la plus viscérale, de l’affection la plus sincère au sadisme le plus machiavélique. “Oh garçon…” se moque-t-elle presque gentiment. “Je peux t’assurer que je peux ressentir plus encore et me nourrir de complexité plus absurde que celle-ci” souffle-t-elle, laissant son esprit dériver le temps d’un battement de cils vers les montagnes russes que décrivait sa relation avec leur amie commune.

Elle, évidemment

Vraiment?
D’un geste fluide félin et gracieux, elle se redresse sur le matelas, les yeux ancrés sur le profil de son visage. Lui dont le Sire foule encore les terres humides en portant dans ses pas les senteurs d’un Sud lointain et exotique. Ses prunelles claires retrouvent les siennes et elle le dévisage mystérieusement, comme pour sonder la véracité de ses propos. Mais l’asiatique possède au moins une longueur d’avance sur lui et les questionnements trouveront réponse dans un avenir pas si lointain maintenant. “Oui, comment pourrait-il en être autrement?” Répète cette dernière dans un sarcasme aisément palpable mais pour lequel elle choisit sadiquement de n’apporter aucune précision.
Seule une petite moue dubitative déforme un instant ses traits de poupée sur l’interrogation qui suit. Elle ne jugera pas de leur histoire, ne l’intéresse finalement que la sienne.

Préférant noyer les mots par une nouvelle bouffée d’opium, elle force son inspiration, gonfle des poumons dont le geste n’est, depuis trop longtemps, plus naturel. Qu’elle aimerait en ressentir les effets, se laisser bercer par le nuage cotonneux que créerait son esprit en d’autres circonstances. Mais il ne reste que le goût et l’odeur si particulière. En échange de l’immortalité, ce n’est pas une concession si insurmontable mais un regret réel et palpable.

Pour la première fois de la soirée, alors qu’elle expire, il la surprend sincèrement et elle repose ses yeux sur lui dans un froncement de sourcils interrogateur. Sortir? Avec lui? Pour aller où? Pour s’abandonner à quel vice? Pour tomber dans quel piège? Mais un coup d’oeil lui suffit à ses soustraire à toute inquiétude. Il ne peut pas la blesser, simplement parce qu’elle ne lui cédera pas ce pouvoir, jamais. Plus jamais elle ne laisserait autrui la briser un peu plus.

Reposant la pipe sur la commode là où cette dernière terminera de se consumer sans danger, elle fait mine de peser, de longues secondes, le pour et le contre, avant de pencher le visage sur le côté, l’observant, juché sur le rebord de sa fenêtre tel un chat. Se rapprochant lentement, elle laisse son imagination lui prêter mille intentions. Un pas, puis un autre, les yeux dans les siens, un faible sourire sadique accroché aux lèvres, le reste de ses traits d’une neutralité déstabilisante. Pourtant, c’est vers l’ouverture de la fenêtre que ses doigts se portent et, en ouvrant le battant, elle se glisse dans la nuit, sans chercher à savoir s’il la suivra ou non. Quelle importance au fond.

***

Le temps n’a pas d’emprise sur cette nuit encore noire et c’est presque avec une évidence sans surprise que Mei se perd dans le dédale d’Asian garden… La multitude de cultures et de pays représentés l’offusque autant qu’elle la charme. La pulpe de ses doigts effleure parfois les fleurs, les portant parfois à ses narines pour en humer les senteurs, fermant les yeux pour fouiller sa mémoire à la recherche de souvenirs qu’elle s’est acharnée à tuer. L’immortelle n’a pas besoin de vérifier que Yago la suit, elle le sait, le sent. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur d’un temple qui ne rend pas hommage aux édifices de son pays d’origine qu’elle consent à l’attendre et à rompre le silence imposé depuis presque vingt minutes. Dans une posture respectueuse, les mains croisées devant elle, celle qui ne se plie face à personne s’incline humblement avant d’allumer une tige d’encens devant une divinité inconnue des occidentaux. Sans le regarder, se laissant bercer par ce rituel auquel pourtant elle ne croit plus, elle demande, dans une douceur qu’il ne lui connaît pas, qu’il ne lui a sûrement jamais prêtée, “As-tu déjà cru en une force supérieure? En un Dieu unique? En une quelconque forme de mysticisme avant de connaître ce monde qui est nôtre?” Si ses yeux restent sur la statuette face à eux, son visage se tourne légèrement dans la direction de son homologue, comme pour mieux cueillir sa parole.
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