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È bello vederti dal vivo P.V. Yago

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Jeu 1 Juil - 18:04 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti

Le tourbillon des flocons de neige est un souvenir qu’ils ont tous en commun.

Peu de personnes ont, en revanche, des souvenirs de soif terrible et de désespoir grandissant alors qu’ils avancent pris dans un tourbillon de flocons de neige.

Nicola observe avec un calme inhabituel la tempête qui fait rage de l’autre côté de ses baies vitrées. Son regard est contemplatif. Il en a presque oublié la pauvre lettre abîmée par les outrages du temps qu’il tient entre ses mains. L’homme est immobile, inexpressif, inactif. Comme si toute vie l’avait quitté, ne laissant qu’un réceptacle vide et figé derrière elle.

Les flocons, si on peut encore les nommer ainsi à la vue de leur taille, s’écrasent avec violence contre les vitres. Comme s’il s’agissait d’une attaqué dirigée contre sa demeure, contre lui-même. A l’abri dans le petit salon de l’étage, Nicola se sait en sécurité. Son antre est construite dans le style de la Renaissance Grecque, un rien m’as-tu-vu, comme son propriétaire, et elle est bien trop grande pour un homme seul comme lui. Le vent siffle et c’est la deuxième fois que le courant vacille, la lumière des lampes grésillant des brèves secondes avant de se rétablir.

L’Italien est installé dans son salon, sur un de ses fauteuils hors-de-prix qu’il n’a pas souvenir d’avoir acheté, plutôt que sur le long canapé. Il n’y a pas de place pour s’y asseoir de toute façon, il est couvert de lettres jaunies, abîmées, l’encre altérée à peine déchiffrable. De toute façon, pour un peu qu’une personne maîtrisant l’arabe se soit penchée sur elles, elle se serait immédiatement rendue compte que la langue elle-même rend la lecture difficile. Bourrées de ratures, la grammaire approximative, tout comme l’orthographe, certaines peuvent rendre aveugles, tandis que d’autres ont manifestement été rédigées par un lettré. Cela dépend de l’époque, apparemment : les dates donneraient le tournis à n’importe quel historien. Pour Nicola, elles indiquent simplement le moment où il disposait d’un assistant parlant l’arabe couramment ou non.

Ces lettres, ces vestiges d’une relation épistolaire s’étalant sur quelques siècles, proviennent toutes de la même personne.

De ses écrits, Nicola s’est forgé une petite appréciation du vif intellect de l’homme. Il ne sait cependant vers qui sa curiosité insatiable est tournée : lui, ou la race des vampires en elle-même ? Il a déjà exprimé sa fascination envers son âge, lui plus ancien encore que son Sire, qui a joué le rôle de guide pour lui. L’Italien se demande s’il a eu a affronter les éléments comme il a pu le faire, ou si Salâh l’a préservé des épreuves de la vie d’éternel.

Bien évidemment, il s’agit d’un congénère. C’est lui qui a initié l’échange, à sa grande surprise. Nicola se serait attendu à ce que l’Infant de celui qui fût plusieurs cinquantaines d’années son compagnon lui voue une jalousie sans borne pour cette histoire commune. C’est donc par pure curiosité qu’il accepta de démarrer ce qui s’avérerait être une longue correspondance traversant les époques et les continents.

Yago Mustafaï. Le nom a suffit a piquer sa curiosité, le ramenant à une époque de sa vie où obéir était tout ce qu’on attendait de lui.

Malgré sa faible maîtrise de la langue arabe à l’écrit, Nicola s’évertua au cours des années à rédiger la plupart de ces billets de plusieurs pages lui-même. C’était, venant de lui, une marque de respect et d’amitié de taille envers cet homme choisi par Salâh lui-même pour traverser l’éternité en sa compagnie.

Entre ses mains, il serre la dernière lettre de leur échange, qui annonce la visite prochaine de l’Infant suite à son invitation.

Pour ce soir, il a tenu à ce que personne ne vienne se mettre en travers de leur échange en face à face, le tout premier. Il est seul dans sa demeure, protégé de la rage blanche qui s’essouffle dehors. Savoir qu’il aura de la visite le soulage : ce genre de nuit, il est prompt à laisser des souvenirs difficiles remonter. Des souvenirs d’un enfer blanc, qui change de l’autre enfer, le vert.

Soudainement, son corps s’anime à nouveau. Une inspiration soulève sa poitrine, il cligne des yeux, il tourne la tête. Il parle à voix haute pour demander à l’intelligence artificielle qui dirige sa maison par proxy de fermer les volets roulants. Les avertissements des férus de technologies concernant la possibilité d’être hacké et de perdre le contrôle ne l’ont pas découragé : l’idée d’être obéi par une personne invisible est trop amusante pour qu’il s’en passe.

Maintenant qu’il s’est réanimé, son agitation caractéristique reprend le dessus. Nicola se lève, dépose la dernière des lettres avec les autres sur le canapé et descend au rez-de-chaussée. Il guette. Ses sens sont à l’affût.

L’Infant de son ami ne devrait pas tarder.


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Ven 2 Juil - 17:47 (#)


When snow falls, nature listens.

Fin décembre 2020.

« Z'êtes bien sûr que quelqu'un habite par ici ? »
Imperturbable, l'Oriental s'absorbe dans la contemplation des tourbillons neigeux qui sifflent autour du taxi, ralentissant grandement sa progression et sa visibilité. Le nez contre la vitre, les deux mains contre la portière, l'enfant de Jérusalem observe, fasciné, ce spectacle auquel il n'a que trop peu assisté dans sa vie. A la question teintée d'inquiétude du chauffeur, il se contente de répondre par un hochement de tête, agacé d'être perturbé dans son admiration du manteau blanc et des bourrasques violentes qui les frappent de part en part. Une attitude que l'homme au volant remarque, le sourcil haut, retenant de justesse un sarcasme face à un comportement si enfantin.
« Vous v'nez pas du coin vous, pas vrai ? »
Une question rhétorique, à en juger par la tenue vestimentaire parfaitement inadaptée de son passager, tout comme par son incapacité à détacher son regard des caprices météorologiques qui ne semblent pas l'inquiéter le moins du monde, contrairement au conducteur.
« Z'allez attraper la mort avec vot' p'tite chemise tout' frêle. Pour quinze dollars de plus, j'vous donne mon pull. J'sais bien que j'vous dépose juste devant la maison d'vot' gaillard, mais tout d'même. »
Pour seule réponse, un claquement de langue agacé coupe court à la conversation, et le natif de Louisiane cesse alors de tenter d'établir un semblant de communication avec son étrange passager.
« J'ai compris, j'ferme ma gueule. »
Quelques borborygmes sont probablement baragouinés à son intention, mais l'ancien horloger n'écoute pas. Bien trop excité pour se concentrer sur autre chose que sur la neige et le quartier Beauregard, dans lequel ils entrent enfin, il n'éprouve aucune honte à ignorer son interlocuteur.

Car aujourd'hui est un grand jour.
Aujourd'hui, il rencontre Nicola Alighieri.

A défaut d'obtenir la moindre information verbale, le chauffeur s'efforce alors de glaner quelques indices ailleurs, à commencer par le curieux accoutrement de l'homme sans âge. Un pantalon lie-de-vin un peu ample pour une silhouette qu'il devine plus fine sous l'étoffe, d'une matière qu'il ne reconnaît pas. Une chemise d'un bleu cobalt à la coupe et aux broderies orientales, tout aussi étonnante. Le contraste entre cette tenue excentrique pour un œil occidental, et l'apparence taciturne du visage légèrement halé, ne cessait de surprendre le quadragénaire, qui quittait de temps à autre la route des yeux, juste pour pouvoir observer à la dérobée dans son rétroviseur ce curieux personnage, presque trop délicat et aérien pour être un homme, malgré la forme prononcée de sa mâchoire et de ses épaules.
La veste, assortie au pantalon, avait été retirée dès qu'il s'était installé sur la banquette arrière, soigneusement pliée et posée à ses côtés, tout comme le chèche beige qui n'avait même pas passé trente secondes autour de son cou.
Si l'Infant avait réussi à négocier, après de longues discussions acharnées, à ce que son Sire ne l'accompagne pas ce soir, il n'avait en revanche pas échappé à la tenue imposée par Salâh ad-Dîn. Et, gêné par cette auscultation visuelle de la part du chauffeur qu'il espérait ne jamais revoir, il tâchait de ne pas montrer son inconfort dans ces couleurs qu'il jugeait criardes, mais que le Perse avait trouvé « tout à fait convenables » et qui, visiblement, empêcheraient son Infant de faire honte à son vieil ami dès le premier regard.

Les prunelles d'ambre se décrochent enfin de la tempête blanche pour se replonger dans la missive posée sur ses genoux, un papier jauni et une écriture peu soignée, auquel il paraît tenir plus que tout au monde. Il relit une dernière fois l'adresse qu'il connaît pourtant par cœur, et sa voix s'élève alors, grave et mélodieuse, rythmée par un accent que le chauffeur sera incapable d'identifier, lorsqu'il croit reconnaître la maison de l'Italien.
« C'est ici. Je crois. »
Difficile à dire à travers ce chaos de glace, mais après tout, il n'avait plus besoin des services du taxi driver. Il se débrouillerait seul désormais.
Après avoir replié avec la plus grande attention le message et l'avoir rangé dans la poche intérieure de sa veste, il remercie le chauffeur d'un signe de tête courtois, et lui glisse dans la main la commission accompagnée d'un généreux pourboire, ce qui achèvera de désarçonner l'autochtone.
« Ne m'attendez pas. J'en ai pour un moment. »
Il n'aura pas le temps d'ouvrir la bouche que l'Ombre a déjà ouvert la portière et s'engouffre entre les bourrasques, sans que sa silhouette ne paraisse vaciller à aucun moment. Déstabilisé, le gaillard finit par secouer la tête comme pour chasser cette rencontre presque onirique, et redémarre son véhicule pour s'éloigner du quartier Beauregard et regagner le cœur de ville.

La demeure colossale l'impressionne grandement mais, agressé par le climat colérique, il décide de ne pas s'amuser à effectuer le tour de périmètre, une manie qu'il aurait eu tendance à adopter si la météo le lui avait permis. Un simple coup d’œil est jeté aux colonnes et à la hauteur de la maison, dans laquelle il imagine difficilement un homme vivre seul. Mais les vampires de l'âge de Nicola avaient peut-être besoin d'un tel espace, afin d'y entreposer leurs histoires et leurs souvenirs.
Il enclenche la sonnette, longuement, impatient des échanges qu'il se plaît à imaginer, depuis que l'Ancien l'a invité dans sa demeure. Plus que de la curiosité, l'Infant avait ressenti un immense honneur en découvrant cette proposition, et s'était empressé d'annoncer la bonne nouvelle à son Sire. Curieusement, ce dernier n'avait pas réagi comme son cadet l'aurait souhaité, même si l'idée d'une rencontre entre son rejeton et son ami de toujours l'avait passablement amusé. Depuis, il n'avait eu de cesse d'exprimer son souhait d'accompagner l'Israélite, et le refus répété de l'Infant n'avait fait qu'amplifier ses sombres humeurs, teintées de jalousie ainsi que d'une pointe de crainte, à l'idée que cette relation épistolaire ne se transforme prochainement en quelque chose que le Perse ne maîtrisait visiblement pas.
As-tu honte de moi…?

Ses ruminations s'envolent aussitôt lorsque la porte s'ouvre, un peu trop vite peut-être, à croire que l'Italien patientait presque derrière la cloison.
Malgré les hurlements du vent et le fracas de la neige, il n'entre pas immédiatement, figé par cette vision de celui qui, il le sait, avait partagé bien plus qu'une correspondance passionnée avec son Sire. Et même si l'homme lui avait été décrit en long, en large et en travers, Salâh ad-Dîn ne lésinant jamais sur les éloges dès lors qu'il s'agissait de parler de son ami, l'Infant demeure étourdi par cette première confrontation visuelle.
Il ne l'avait pas imaginé si grand pour son âge, si bien bâti, avec ce charme méditerranéen saisissant, malgré ses huit siècles d'existence. Quelques secondes suffisent à ce qu'il comprenne ce qui avait séduit son Sire, en tout cas physiquement, chez cet illustre personnage.
Fortement impressionné, il en oublie presque de le saluer et cligne alors des yeux, tâchant de reprendre contenance, l'instant d'ores et déjà gravé à tout jamais dans sa mémoire centenaire. C'est tout naturellement l'arabe qui lui monte aux lèvres tandis qu'il s'efface légèrement pour incliner la tête avec déférence.
« As-salam alaykoum. »
Il ne lui sourit pas – il a perdu ce réflexe trop humain depuis déjà plusieurs décennies – mais ses orbes ambrés pétillent d'une sincère euphorie lorsqu'ils frôlent le visage de Nicola avec une fascination non-feinte.
Sa veste et son écharpe sont serrées contre sa poitrine. Il a décidé de ne pas les porter, léger affront à la recommandation officielle de Salâh ad-Dîn.
« Je suis heureux d'enfin te rencontrer après toutes ces années, mon ami. »

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Mer 21 Juil - 18:24 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti

Le bruit de la sonnette n'est pas strident, une demande autoritaire du maître des lieux. Bénéficiant d'une ouïe meilleure que la plupart des habitués de la maison, le son est presque une agression sonore qui le met dans la plus mauvaise humeur. Pour le bien de tous, et surtout de ses tympans, Nicola a insisté pour obtenir quelque chose ressemblant davantage à un tintement de carillon, qui serait plus adapté à un restaurant chinois ou un ascenseur.

Pour un visiteur ayant préféré observer la maison plutôt que le propriétaire, il sera facile de constater que la demeure grouille de références aux vies antérieures de l'Italien, créant ainsi un merveilleux capharnaüm invitant au voyage. L'homme est un bon conteur, et aime s'appuyer sur des objets tangibles pour évoquer ses souvenirs. Et il s'est très vite fait à sa vie de sédentaire, abandonnant sans mal la triste obligation de ne garder que le stricte nécessaire pour permettre une vie de nomade.

C'est donc en avant-plan sur ce décor encombré que l'Infant inattendu de Salâh, l'auto-proclamé Chaos incarné, découvre celui qui fut un temps son guide et son compagnon. Il n'aura pas eu à attendre longtemps qu'il vienne lui-même lui ouvrir la porte. Son aîné n'attendait que ce son pour agir.

Nicola, de son dérangeant regard bleu électrique, dévore des yeux son congénère, décortiquant son apparence globale en autant d'indices sur sa personnalité, ses forces, ses faiblesses, ses attentes et ses appréhensions par rapport à cette rencontre surprenante. Il était grand temps qu'ils la provoquent.

Dans l'encadrement de la porte, il empêche son benjamin de rentrer s'abriter de la tempête blanche encore un instant, accueillant ses salutations respectueuses par un sourire sobre. Il apprécie à sa juste mesure la déférence qu'il lui témoigne. En voilà un qui a été correctement éduqué concernant la hiérarchie des cainaïtes. Le timbre de sa voix est agréable, grave et calme, il parle avec un débit lent et posé. Yago Mustafaï ne donne pas l'impression d'être un homme à s'émouvoir aisément, car malgré la lueur de joie qui fait étinceler ses yeux sombres tâchés d'or, ses lèvres se gardent bien d'esquisser un sourire qui pourrait trahir ses sentiments.

Maître de lui-même, Yago s'adresse à lui sans balbutier, sans baisser le regard, et en arabe. Salâh l'a bien préparé. Et doit-il reconnaître dans le choix de couleurs une autre intervention du Sire ? L'Italien s'amuse du pantalon en flanelle, qui est teint d'une couleur qu'il a confié être une de ses favorites à son ami il y a de ça plusieurs dizaine d'années. Tient-il tant que ça à ce que son Infant lui fasse bonne impression ? Le pourpre est de qualité, et les vêtements de très bonne facture.

Finalement, après ces quelques secondes ayant des impressions d'éternité, Nicola s'écarte du chemin et invite chaleureusement l'autre vampire à entrer.

- « Moi de même, cher Yago, moi de même ! Quelle joie de pouvoir désormais associer une voix à la plume qui a rédigé tant de lettres ! - l'arabe est une de ses langues favorites, les mots roulent sur sa langue sans mal. Il referme la porte derrière son précieux invité tout en continuant d'une voix expressive et bienveillante. - C'est un réel plaisir de t'accueillir et d'avoir enfin la chance de profiter de ta présence. Assieds-toi, assieds-toi, je vais nous chercher à boire et nous pourrons échanger plus agréablement que plantés au milieu de l'entrée. »

Nicola évolue gracieusement au milieu de son décor où s'affrontent différentes époques et différentes nationalités, même si c'est bien une tendance asiatique qui domine tant par les tons que par le style au milieu de ce savant éclectisme. En bon hôte, il récupère les vêtements qui encombrent les mains de son invité, s'amusant que les flocons de neige n'aient pas fondu en entrant en contact avec le corps de l'homme. Une autre petite révélation de leur nature insensée : la neige ne fond pas aussi rapidement puisque leur épiderme ne produit plus nécessairement de chaleur.

L'entrée donne sur un grand salon ouvert au sol jonché de tapis finement ouvragés, sur lesquels se trouvent des poufs qui sont pour une fois visibles, libérés de ce que Nicola peut y abandonner d'ordinaire. La cuisine, bien fermée elle, bénéficie de tout le confort moderne et d'un petit twist, puisque ni le propriétaire ni l'invité ne se nourrissent comme les humains.

Après avoir déposé la première couche de vêtements de son benjamin sur un porte-manteau, le maître des lieux l’invite d’un geste à s’installer là où il veut. Enfin, là où il peut, vu que les traces de leur correspondance à travers les âges occupent déjà une grande partie de l’espace disponible. L’Italien semble s’en apercevoir seulement maintenant.

- « Je voulais être sûr de me remettre à la page, j’aurais peut-être du laisser tout ça dans mon bureau… Tu me posais de nombreuses questions, auxquelles je me suis aperçu ne pas avoir toutes répondu. - il penche la tête sur le côté, joueur, et taquine le jeune vampire. - Tu es venu avec une liste peut-être ? J’ai cru deviner que tu es plutôt méthodique et studieux... »


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Sam 31 Juil - 23:03 (#)


When snow falls, nature listens.

Il n'a guère souvenir d'avoir déjà été ausculté avec tant d'attention. Même lorsque Salâh ad-Dîn s'était présenté à lui pour la première fois il y avait désormais un siècle de cela, dans sa petite échoppe de Jérusalem, il ne se remémore pas avoir été scruté avec une telle insistance. S'il avait été sensible au froid et aux intempéries, nul doute qu'il aurait été transi. Les dents auraient claqué, le corps frissonné, peut-être aurait-il même fini par supplier, parce que l'attente n'aurait que trop duré. Mais leur étrange et détestable condition avait altéré leur métabolisme. Et malgré les éléments qui se déchaînaient derrière lui, il patientait, étudié plus longuement que les politesses d'usage ne l'y autorisaient. Observateur, il note que le regard de l'Italien traîne un peu plus longtemps sur le pantalon comme sur la veste. La couleur, à n'en point douter. Il se retient de justesse de lever les yeux au ciel, imaginant sans peine les paroles de Salâh ad-Dîn face à la réaction de son ancien compagnon. Je te l'avais bien dit, Yago.

Si, pour l'heure, il se garde bien de tout commentaire à l'encontre de cette observation démesurée, il enregistre toutefois l'intérêt sincère que lui porte l'Italien, en écho à sa propre curiosité à son égard. Rien de surprenant, alors que cette rencontre cristallisait enfin des années de correspondance, où il avait été contraint de se limiter aux récits et descriptions de son Sire – et il savait combien ce dernier pouvait user d'emphase et d'hyperboles dès lors qu'il s'agissait de son vieil ami. C'est ce traitement de faveur qui avait toujours fortement intrigué l'Infant, à l'encontre de cet homme qu'il découvrait enfin : son Sire nouait des amitiés, certes, mais la plupart étaient teintées de politique voire d'intérêt ; il s'agissait davantage d'alliances que de camaraderie. Mais avec Nicola, les choses étaient toutes autres. L'Israélite savait que son Sire éprouvait à son égard une profonde affection, si ce n'est un amour véritable, auréolé d'un respect étonnant pour un homme de sa trempe. Et à écouter le Perse, l'Infant avait presque parfois l'impression que Nicola possédait une réelle influence sur lui. Peut-être même, à une époque révolue, avait-il été le dominant de leur étrange relation. Car pour l'Enfant de Jérusalem, l'union entre Salâh ad-Dîn et Nicola demeurait entourée d'un mystère insaisissable.

Enfin, il est invité à pénétrer les lieux et à découvrir le sanctuaire maintes et maintes fois imaginé. La rencontre trop souvent fantasmée prenait enfin vie sous ses yeux ébahis, un moment dont il croit n'être que le spectateur lointain, tant la scène lui apparaît encore comme surréaliste. Par un geste trahissant l'habitude, il ôte ses chaussures dans l'entrée, et évolue désormais pieds nus dans le décor bigarré. Ses prunelles d'ambre percutent chaque bibelot à leur portée, étudient l'aspect de chaque meuble, chaque absence de symétrie et de cohérence. Un chaleureux sentiment de bien-être s'empare de lui tandis qu'il suit Nicola à travers le salon. En ces lieux chargés de souvenirs et d'histoires à raconter, il éprouve un réconfortant sentiment de familiarité. Comme s'il était déjà venu ici. Comme s'il avait été recueilli dans le foyer d'un ancien nomade, qui entreposerait dans sa demeure ses mémoires de voyage, avant de reprendre la route, une nuit peut-être. Le sentiment qui naît dans ses entrailles est similaire à celui qu'il éprouve lorsqu'il se trouve dans le domaine de son Sire, à Ispahan. A cette pensée, il songe aussitôt que Nicola devait être familier des lieux, lui aussi. Peut-être même avait-il connu la construction du somptueux palais oriental.

Avec difficulté, il s'arrache à sa contemplation presque enfantine et reporte son attention sur l'Européen ; les iris s'accrochent au bleu électrique dont il se nourrit, avec presque la même intensité que lorsqu'il se noie dans les prunelles céruléennes d'Eoghan Underwood.
« Studieux et méthodique ? Moi ? »
Véritablement surpris, il en rirait, s'il en était encore capable. A l'instar du sourire, il n'avait aucun souvenir de ce réflexe social trop humain. Il se contente de hausser un sourcil, cherchant à évaluer si son hôte use d'humour, ou si leur correspondance l'a réellement fait apparaître comme un homme appliqué et rigoureux.
« C'est Salâh ad-Dîn qui t'a raconté cela ? »
Après tout, face aux excès de son Sire, peut-être semblait-il doux et mesuré. Il ne s'en offusque pas, se contente de reporter son regard vers les courriers qui se sont accumulés au fur et à mesure des années, éparpillés dans le salon. Même si la pièce semble avoir été rangée pour son arrivée, il lit à travers l'absence de désordre habituel un amour rituel pour le capharnaüm. Une caractéristique qu'il apprécie, et qui amplifie son estime pour l'homme qui l'accueille cette nuit.

Trop curieux pour parvenir à s'asseoir, il se détache de son hôte et chemine jusqu'à une étagère pleine de bibelots, caressant du bout d'un doigt précautionneux la porcelaine de l'un d'entre eux. Sa voix évasive témoigne de la perdition de sa conscience, déjà égarée ailleurs, tandis qu'il circule entre les objets d'un autre temps, d'un autre continent, fasciné par la richesse des lieux.
« Je crains de ne pas avoir rédigé de liste, j'espère que cela ne te chagrine pas. Je suis bien moins méticuleux en vrai que par écrit. Il y a tant de choses que je voudrais savoir, nous n'aurons pas assez de cette nuit pour assouvir cette curiosité. Et Salâh ad-Dîn a déjà eu toutes les peines du monde à me laisser venir seul ici, alors si je rentre tard, il ne me le pardonnera pas. Je crois qu'il est jaloux, mais je ne sais pas bien déterminer à l'égard de qui. »
Un regard presque complice, pour celui avec qui il partage les précieuses faveurs de son Sire, parmi l'ensemble des mortels et immortels insignifiants qui gravitaient autour de lui.

Après l'étude d'un énième élément décoratif, l'Infant paraît enfin se diriger vers l'un des poufs précédemment désigné par le Méditerranéen, finalement décidé à s'installer pour engager une discussion posée avec Nicola, mais une nouvelle information retient alors son attention frivole. Une multitude de sons qui l'avaient pourtant accueilli dès son entrée, mais qu'il n'avait pas perçu immédiatement, trop habitué à être bercé par cette mélodie familière. Lentement, comme un chef d'orchestre au bord de la transe, ses paupières s'affaissent et ses lèvres remuent imperceptiblement, tout comme sa main amputée qui bat les innombrables mesures. Les pulsations résonnent en lui comme autant de cœurs miniatures et mécaniques. Charmé par cette discrète cacophonie, il ouvre à nouveau les yeux et s'approche de son hôte, ses pieds frôlant les tapis avec délicatesse, la démarche aérienne, presque féminine.
« Nicola… »
Ce serait probablement abuser de l'accueil de son hôte, que de présenter dès les premiers instants une telle requête, mais l'Israélite n'en avait cure. Il s'était débarrassé des convenances sociales depuis bien longtemps, et malgré le respect qu'il éprouvait à l'égard de son Aîné, il trépignait d'impatience, à présent qu'il savait. Revenu à son niveau, il lui presse doucement l'avant-bras, dans un geste familier tout naturel pour l'Oriental qu'il est, et ses doigts s'enroulent par-dessus sa chemise tout en tâchant de contrôler son impatience.
« Puis-je voir tes montres ? »
Conscient qu'il serait bien incapable de se concentrer sur autre chose tant qu'il n'aura pas admiré sa collection, il préfère formuler sa demande en toute franchise, avec cette curiosité juvénile qui le caractérise encore parfois, malgré son âge.

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Lun 25 Oct - 11:55 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti

Dans une habitude toute orientale, Yago ôte ses chaussures et évolue désormais pieds nus dans un environnement plus ou moins périlleux. Nicola ose l’espérer assez adroit pour éviter les obstacles qui pourront entraver son évolution au sein de l’espace, même si les piles de livres se repèrent assez aisément. Après une brève seconde d’hésitation, le vieux l’imite. Ce mouvement lui rappelle d’autres temps, plus doux.

Sa remarque a surpris le jeune vampire, qui s’est retourné vers lui, une expression difficile à lire sur le visage. Est-ce de l’amusement ? De l’incrédulité ? De la surprise insultée ? A-t-il déjà réussi à vexer son invité ou est-ce la politesse qui l’incite à réprimer toute expression sur son visage ? Nicola l’observe avec surprise, authentique et affichée ouvertement, décontenancé. Yago a l’air… blasé. Est-il de nature si réservée pour qu’il n’ose se départir de son masque d’impassibilité face à lui ? L’impressionne-t-il à ce point ?

L’étonnement est tel que l’Ancien se surprend à balbutier en répondant à sa question.

- « Non non, c’est… C’est une simple impression que j’ai eu. » - il dissimule son embarras en se frottant la mâchoire, un sourire poli sur ses lèvres. Ce geste ne sert à rien, puisque son cadet s’est déjà retourné vers les traces de leur longue correspondance.

Salâh a radicalement changé de genre, pense-t-il en laissant courir son regard bleu sur le jeune homme impassible. Peut-être lui procure-t-il la paix qu’il souhaitait dans ses échanges avec un compagnon. Nicola est expansif, Italien dans toute sa splendeur, flamboyant dans ses joies et ses colères. Yago semble être tout son contraire.

Il l’observe évoluer dans la pièce, s’approcher des étagères, toucher avec douceur ce qui y est exposé. Il a l’air ailleurs. Nicola en viendrait presque à douter de sa réalité : a-t-il affaire à une autre de ses visions ? Commence-t-il maintenant à inventer des personnages ? Non. Non, toute cette paperasse issue de différentes époques est bel et bien réelle, s’assure-t-il en saisissant la première lettre qui lui tombe sous la main. Il la froisse légèrement, le toucher l’ancre dans la réalité. Le papier est souple sous ses doigts, un peu humide. Il est bien réel.

Sa joie initiale est maintenant un peu douchée par l’inquiétude ténue mais bien présente qu’il ressent. Yago est bien réel, n’est-ce pas ? Il n’y a que Settimo qui… Qui n’a pas lieu d’être. Qu’il ne devrait pas voir. Son sourire est un peu crispé lorsque Yago se tourne vers lui et lui lance un regard de connivence en mentionnant Salâh. Son Sire. Salâh n’aurait pas inventé un Infant. Tout ceci est bien réel. Et son sens du détail n’est pas assez développé pour doter une hallucination de signes physiques distinctifs, comme cette balafre à la joue gauche ou l’annulaire manquant. Ce n’est pas de lui, tout ça. C’est la réalité.

Alors Nicola se force à prendre une inspiration et à chasser son trouble, affichant une expression ouverte et accueillante.

- « Salâh s’inquiète toujours beaucoup trop. - acquiesce-t-il en se laissant tomber avec une décontraction feinte dans un de ses fauteuils. - C’est à se demander parfois si ce n’est pas plutôt une mère poule qu’un grand vampire. »

C’est l’hôpital qui se moque de la charité. Cependant, et Nicola se gardera bien de l’exprimer, c’est peut-être de lui qu’a pris ce trait de caractère le Sire de son jeune invité. Les Infants sont fragiles, il l’a toujours répété à son ancien compagnon. Il est dangereux de les laisser livrés à eux-mêmes. Mieux vaut toujours garder un œil sur eux.

Il se racle la gorge et se frotte à nouveau la mâchoire, agacé de se sentir toujours aussi anxieux. Cette rencontre devait être divertissante. Le voilà qui pourrait presque transpirer ! Il faut dire que le comportement lunaire de son invité ne l’aide pas à s’ancrer dans le présent. Yago évolue chez lui en silence, avec lenteur, serein et à l’aise. Comme s’il avait été en terrain connu.

Et brusquement, une illumination : Nicola a le sentiment d’avoir compris ce qui a pu retenir l’intérêt de Salâh chez lui. Son air mystique. Il l’imagine tout à fait officiant des cérémonies religieuses, garantissant l’amour d’une divinité, rassurant les ouailles perdues et inquiètes. Son air serein, son timbre tranquille, cette attitude détachée, tout ceci crée l’apparence d’un homme qui a confiance en quelque chose de plus grand que lui. Mystique.

Cela, Nicola ne l’avait pas aperçu dans leurs échanges. Il se penche en avant, les coudes sur les genoux, l’observant maintenant avec un intérêt renouvelé. Ce gamin… De quoi est-il capable ?

Il sursaute en l’entendant prononcer son prénom. Il s’est suffisamment rapproché pour le toucher. Ses doigts fins appuient délicatement sur son avant-bras pendant que ses yeux quémandent, le font ressembler à un enfant. Le vieux ne bouge pas sous le contact, presque soulagé de le sentir.

Sa requête sied à l’étrangeté du personnage.

- « Mes montres ? - répète-il sans comprendre. Dans un geste lent, il détache lentement le bracelet de celle qu’il porte sur lui, la [RE]MASTER01 de Audemars Piguet, qu’il affectionne particulièrement. Il la tend ensuite à l’Infant. - Celle-ci te satisfera-t-elle pour le moment ? »

Salâh l’avait averti de son goût immesuré pour les œuvres d’horlogerie, malgré ça, il ne s’était pas attendu à ce qu’il s’agisse de la première requête à son égard du jeune vampire. Nicola se sent perdu dans leur interaction. Il cligne plusieurs fois des yeux, comme s’il cherchait à se réveiller. Une inquiétude sourde lui étreint le coeur.

- « Yago… avant que je n’aille chercher les autres, veux-tu me dire quels sont tes dons ? »


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Dim 23 Jan - 20:55 (#)


When snow falls, nature listens.

Malgré son étrangeté habituelle, il perçoit l'inconfort de son hôte, et il n'est pas difficile pour lui de deviner qu'il en est la source. L'a-t-il mis mal à l'aise ? A-t-il prononcé des paroles malvenues, amorcé un geste incorrect ? A de multiples reprises, il avait pu s'apercevoir que la promiscuité plongeait certains Occidentaux dans une honte gluante, à laquelle il peinait à s'accoutumer. Mais Nicola ne pouvait être de ceux-là. Il avait voyagé, vécu de par le monde, s'était nourri des us et coutumes de tant de contrées différentes… Il s'agissait probablement d'autre chose.
Alors, peut-être avait-il inconsciemment manqué à l’Étiquette, à ces règles tacites qui encadrent la société vampirique. Le respect des Aînés. Les secrets indicibles. La hiérarchie inaltérable, malgré les amitiés qui se nouent. Il vacille, légèrement, et sa sérénité s'assombrit d'un voile d'inquiétude. Soudain, il craint d'avoir froissé Nicola, le plus grand des compagnons de son Sire, l'éternel et unique référentiel de Salâh ad-Dîn. Il était, à n'en point douter, l'Immortel auquel le Perse accordait le plus de respect et même d'admiration. Et lui, du haut de son ridicule siècle d'existence, enfant d'Orient à la psyché instable, menaçait de mettre en péril cet équilibre séculaire et indispensable.
Le Chaos.

Finalement, il décide que cette idée de déloger un être multicentenaire de son axe principal n'est pas pour lui déplaire. Au contraire, s'il ne le respectait pas à ce point, il s'amuserait même de ses remarques hésitantes et de son avancée bancale, dans l'établissement d'une relation encore tout à fait étonnante.
C'est avec toutes les précautions du monde qu'il recueille la montre tendue, et nul doute, elle ne serait jamais plus en sécurité qu'entre ces mains élégantes et curieuses, devenues son écrin temporaire. D'une infinie douceur, il porte l'objet à hauteur d'yeux, l'oreille tendue, tandis qu'un pouce curieux caresse lentement le bracelet de cuir.
« Elle est magnifique. C'est du très bel ouvrage. »
Et elle coûtait une petite fortune, comme le laissait suggérer la qualité du bracelet, la finesse du cadran et des finitions, la rareté des matériaux utilisés et la précision du mécanisme qu'il écoutait battre dans le creux de son poing. Auprès de Nicola, il ressentait ce qu'il vivait encore parfois avec Salâh ad-Dîn, malgré les années : cette sensation de fréquenter un homme du monde, aux richesses démesurées, et d'être lui-même en décalage avec toute cette opulence.
« Je tenais un petit commerce de mon vivant, à Jérusalem, avec ma mère. Elle confectionnait des bijoux. Je m'occupais de l'horlogerie. Oh, c'était une boutique modeste… probablement pas le genre d'endroits où tu aurais dégoté ceci. »
Toujours aussi méticuleux, il lui rend le petit cœur artificiel, bercé par les souvenirs des premières visites de Salâh ad-Dîn dans son échoppe, un siècle auparavant. Une temporalité qui devait paraître bien dérisoire pour un être tel que Nicola.

A la proposition de lui présenter le reste de sa collection, il acquiesce poliment, tâchant de ne pas trépigner à l'idée d'explorer tactilement et auditivement ces merveilles d'inventivité.
« C'est amusant, pour un Immortel, de se passionner autant pour la mesure du Temps. Si régulière… si ordonnée. Alors que tout cela n'a plus aucun sens pour lui. La finitude. L'exactitude des segments temporels. Tu ne penses pas ? »
Et tandis que ses prunelles d'ambre effleurent le bleu de celles de son Aîné, il aurait été impossible d'affirmer si l'étrange horloger parlait de lui-même, ou questionnait pleinement le rapport au Temps de son interlocuteur. Les notions d'altérité et de délimitation entre là où finit sa psyché et débute celle de l'autre, constituaient des mystères insondables pour lui.

Puis, comme s'il se souvenait soudainement de la requête de Nicola, il décroche son attention des innombrables battements d'aiguilles à l'étage et se campe de nouveau dans le réel du salon, légèrement interloqué par cette demande imprévisible.
« Mes dons ? »
S'il comprenait la question, il ne cernait pas pour autant la raison de cette nécessité impérieuse pour son Aîné de s'en approprier la réponse. Mais l'Italien semble si troublé qu'il enchaîne presque aussitôt.
« Comme Lui. »
Une information qui, dans sa relation teintée de fusions et de déchirements avec Salâh ad-Dîn, relevait d'une évidence que personne ne pouvait remettre en question. Toutefois, il réalise soudain que le multicentenaire, derrière ses airs troublés, s'affaire en réalité à le tester. Une idée qui le traverse et s'ancre quelque part, sous la brume de ses pensées délirantes et fantasques, tandis qu'il croit comprendre que l'Ancien place de grandes attentes en lui, et conditionne la suite de l'entretien à ce succès discutable. Mais la réussite de quoi, au juste ?

Ne me fais pas honte.

Un soupir illusoire se cadenasse sous sa cage thoracique, et son regard se décroche de celui de Nicola pour épouser le salon et son désordre familier. Lentement, les bibelots s'effacent, les murs disparaissent, au profit d'une illusion qu'il dessine avec la précision d'un orfèvre. Il n'hésite pas à puiser dans ses ressources, quitte à s'affaiblir et devoir se nourrir plus tard, pour prouver à l'Italien qu'il maîtrise ses capacités.

C'est d'abord la chaleur sèche qui accueille Nicola dans le souvenir. Le sable tourbillonne calmement autour de lui, en colonnes peu accueillantes pour le voyageur de passage. Pourtant, si l'Italien ne se laisse pas intimider par ces gardiens naturels, il apercevra alors la véritable création factice de l'Enfant de Jérusalem. Là, derrière les volutes de sable, au creux du désert, se dresse le palais que ses pieds ont si souvent foulé en compagnie de son Sire. Derrière Ispahan, là où le ciel d'ambre et les dunes se confondent, un refuge. L'eau des fontaines clapote, dans une somptueuse cour intérieure, sublimée par des mosaïques d'un ouvrage ancien et bariolé. Les dunes disparaissent au profit des jardins persans, dont la fraîcheur et les odeurs florales n'atténuent pas la chaleur écrasante. A travers le patio, l'Infant guide le visiteur, sans qu'il n'ait à se déplacer. Bien campé dans son salon, Nicola n'a qu'à lever les yeux pour admirer la beauté des lieux, se délecter de la richesse de l'entrée, sentir la douceur des tapis sous ses pieds nus, deviner parmi l'encens ambré les odeurs sucrées des mets orientaux probablement entreposés dans un salon adjacent. Seul le murmure trouble le silence, et la voix du Perse s'insinue dans l'illusion, reproduite à la perfection par l'Infant dévoué.
« As-tu fait bon voyage, Nicola ? Je me languissais de toi. »

Il ne lui accorde pas le privilège d'apercevoir Salâh ad-Dîn.
L'illusion, comme un château de sable, s'affaisse soudainement et se déverse contre le parquet du salon de l'Italien. Des collines boueuses de sons d'ailleurs, de murs effondrés et de parfums prisonniers du mensonge. La voix familière s'extirpe difficilement des débris de l'illusion, un ultime écho avant que tout ne rentre dans l'ordre.
« As-tu fait bon voyage ? »
Puis, tout s'évapore, comme si rien de tout cela n'avait existé. L'étrange souvenir d'un songe cotonneux caressera peut-être l'esprit de celui qui avait réclamé de savoir.
Patient, l'Israélite s'assied finalement dans l'un des coussins, le regard de nouveau levé vers le maître des lieux. Sans un mot, il s'emplit de ses réactions spontanées. Il n'a pas oublié la promesse de découvrir l'intégralité de sa collection. Mais il voudrait remettre les pendules à l'heure avant.

« Ai-je dit ou fait quelque chose qui t'ait tracassé ? »
Il avait envisagé de multiples scénarios en venant ici, mais ne s'attendait certainement pas à ce trouble grandissant et à cette inquiétude qu'il avait perçu bien trop tôt dans leur échange. Et si les choses se passaient mal, Salâh ad-Dîn ne le lui pardonnerait jamais.
« Ou alors, n'est-ce pas simplement que tu ne t'attendais pas à cela ? »
Il m'a créé ainsi. Insondable. Insaisissable. Comme le sable du désert, tes mains ne sauraient jamais me retenir. Imprévisible. Surprendre, pour renverser. Ou s'échapper.
Et puis, sans lien avec les questions précédentes, la seule qui ait réellement de l'importance pour reconstituer l'histoire si fascinante :
« Lui as-tu déjà rendu visite à Ispahan, Nicola ? »
Avait-il partagé l'intimité de Salâh ad-Dîn entre ces murs, avant lui ? Bu dans le même calice ? Dormi dans la même alcôve ? S'était-il assis dans l'un des hammams en sa compagnie ? Avaient-ils arpenté les jardins, doigts enlacés ?
« N'oublie pas les montres. »

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Ven 18 Mar - 11:37 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti


L’attention dédiée à la montre qu’il tient précautionneusement entre ses mains, le jeune semble ignorer le trouble de son aîné. C’est sûrement pour le mieux. Nicola ne peut pas laisser courir le bruit qu’il perd la tête. Ce n’est pas un vieillard luttant contre la sénilité, merci bien. Certes, il a beau avoir le rang des « Anciens», il est encore en plein possession de ses moyens, qu’ils soit physiques ou mentaux. Quiconque osant remettre ceci en question en subira les conséquences.

Sauf peut-être ces apparitions fantomatiques qui prennent un malin plaisir à le hanter.

Un instant, au prix d’un effort de concentration de sa part, les tressautements qui agitent sa jambe gauche s’apaisent, tout comme le frottement entre son pouce et son idex. Enfin, il donne une véritable impression de calme. Le moment est hélas trop court, car dès qu’il relâche son effort, l’agitation reprend, comme si trop d’énergie le parcourait. Il n’y a bien que durant ses Torpeurs qu’il cesse de gesticuler.

En récupérant sa montre, il obtient quelques informations personnelles sur le petit jeune qui a su plaire à Salâh. Milieu simple, Jérusalem, artiste. Pour comprendre l’attraction de son ami, il aurait besoin de savoir plus, de voir plus. Les lettres lui ont permis de se peindre une image flatteuse de ce jeune homme venu du Sud, à la psyché particulière, mais il a besoin de plus. De plus sombre. Nicola s’estime bien placé pour affirmer que Salâh aime la dualité. Yago, si posé, est-il capable de sursauts de colère ? Comment équilibre-t-il le caractère explosif de son amant ?

Sa main se pose sur son genou agité, comme si ce poids allait lui permettre de rester enfin immobile.

Yago revient sur ses dons. Les yeux de son aîné se mettent à étinceler. Comme lui. Chimères et venin, illusions et mort lente… Il ferme les yeux puis les rouvre lentement, tel un chat, observant l’Infant avec une curiosité renouvelée. Le « maître du Chaos » s’est donc trouvé un disciple digne de son nom après toutes ces années. Un apprenti. L’homme ignore s’il peut le qualifier de « partenaire » car, pour lui, se compléter signifie pallier les manques de l’autre. Yago apporte-t-il un cadre à Salâh, quelque chose qui calme son esprit fiévreux et lui permette de réfléchir posément ?

Lui le faisait, dans une certaine mesure. Il avait toujours été le plus terre-à-terre des deux.

La majuscule au « lui » ne lui échappe pas. Cette vénération pour son ancien compagnon ne lui avait pas échappé dans leur correspondance. C’était intéressant à observer de visu.

Avant qu’il ne puisse s’exprimer, il sent leur environnement changer. La mutation est insidieuse, et s’il n’avait pas côtoyé un maître en la matière, nul doute qu’il aurait eu le sentiment d’avoir été téléporté en un clignement d’yeux.

L’air autour de lui se réchauffe. LA chaleur n’est pas suffocante, c’est comme s’il se trouvait dans un lieu ayant réussi à préserver sa fraîcheur de la canicule. Puis du sable commence à danser, les contours de son salon s’estompent pour laisser place à ceux d’une cour typique des palais orientaux. Les couleurs, le glougloutement de l’eau jaillissant des fontaines, les fleurs au parfum sutbil… Tout le ramène des années auparavant, à une époque inconnue de Yago. L’Orient lui manque, s’aperçoit alors le vieux. Sous ses pieds nus, la fraîcheur du carrelage puis la douceur des tapis richement décorés se succèdent. Même son odorat est mis à contribution dans cette illusion extraordinaire, car il peut sentir notamment des pâtisseries à l’amande. Cette odeur lui a toujours plu. Comme celle, plus capiteuse, des roses et des pivoines.

Une voix s’élève. Par réflexe, il tourne la tête. Cette voix est reconnaissable entre mille. Un sourire à la fois doux et amer fleurit sur ses lèvres. Oh, comme les souvenirs peuvent être pesants après huit-cent ans !

Il embrasse la pièce ouverte du regard puis ferme les yeux.

Lorsqu’il les rouvre, il est de nouveau chez lui, au XXIe siècle, dans une ville des Etats-Unis d’Amérique. Avec l’Infant, l’amant, de Salâh. Celui-ci l’observe avec de grands yeux, qui donne à son visage sévère un air enfantin. Il a été transformé à un jeune âge. Nicola souffle, amusé, et le regarde avec un brin de paternalisme.

- « Rassure-toi Yago, tu es loin de m’avoir offensé. - lui promet-il, une main levée devant lui comme pour jurer sa bonne foi. - Tu as toujours le droit de voir mes montres, surtout après cette impressionnante démonstration. »

Il se lève, invitant implicitement le jeune homme à l’imiter. C’est sciemment qu’il a ignoré les deux autres questions, car il a besoin de mettre un peu d’ordre dans ses pensées. Faut-il avouer que de temps à autre, il aperçoit des personnes d’autres époques ? Bonjour la première impression. « Salâh, tu m’avais caché que Nicola entendait des voix. » Et, dans un sursaut d’orgueil, avouer qu’il n’a jamais mis les pieds à Ispahan l’embarasse, comme si cela diminuait la puissance du lien qui les unissait autrefois.

La chaleur est trop accablante pour le vieux vampire qu’il est. Il n’est même pas foutu de supporter le climat italien, alors… Même s’il aime la chaleur et l’aimera à jamais, il l’évite désormais et s’en préserve. Il fonctionne mieux au frais, comme par ce genre de météo cruelle. Ainsi a-t-il refusé tout voyage jusqu’à Ispahan, outre le fait qu’à l’époque, les temps de trajet pouvaient se compter en mois.

C’est peut-être mieux ainsi. Il n’empiètera pas sur ce lieu, qui restera le secret de Salâh et Yago, berceau de leurs propres souvenirs.

Les voilà devant la porte de son bureau lorsque finalement, il offre ses réponses.

- « Je n’ai jamais vu Ispahan de mes propres yeux. Quelques photos, de temps en temps, et encore… Si tu pouvais m’en envoyer des récentes, par mail, je t’en serai reconnaissant. J’ai abandonné l’espoir de convaincre notre ami que la technologie n’est pas le mal absolu. »

Il lève les yeux au ciel, agacé par ce dégoût inexpliqué pour tout ce qui était nouveau. Rien que contacter Salâh par téléphone était un vrai calvaire. A croire que ces objets du quotidien étaient fait d’argent pur !

- « Franchement, il exagère avec ses caprices de vieux. Il n’y a rien de sorcier à se servir d’un ordinateur… Et puis c’est le comble, c’était un mage, si c’était magique, il serait le premier à vouloir s’en servir ! Regarde, je suis plus vieux que lui, et je m’en sors très bien. »

Tout en râlant, il se dirige vers une commode et ouvre le premier tiroir, rempli de boites contenant des montres de différentes marques, pays et années. Ça devrait divertir le petit jeune pendant qu’il répond à la dernière question.

- « Personnellement, ce n’est pas la technologie qui m’inquiète. En ce moment… Depuis plusieurs mois, quelque chose me gêne, et j’ai peine à l’oublier même en bonne compagnie. Tu m’en vois navré. J’ai un don, connu de peu… qui me pose des problèmes. Je pense que ce que je traverse en ce moment y est lié. Vois-tu… Eh bien, il n’y a pas beaucoup de façons pour le formuler sans passer pour un fou, mais… Pour tout dire, je vois des gens qui sont morts. »

Il saisit la première boite de montre qui attire son œil et la tend à Yago.

- « Tu connais la maison Piaget, j’imagine ? Une Altiplano. Extra-plate, ça tient bien au poignet et ça ne gêne pas les mouvements, c’est plutôt pratique. Après, les détails techniques… Je te les laisse à ton œil de connaisseur. »


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Jeu 24 Mar - 18:22 (#)


When snow falls, nature listens.

La voix rassurante de l'Ancien apaise les inquiétudes du jeune vampire. Salâh ad-Dîn l'avait tellement assommé de recommandations qu'il en avait développé une crainte réelle, à l'idée d'offenser ou de heurter son ami le plus précieux. Malgré le détachement apparent de Nicola, il avait tout à fait conscience que le moindre geste, la moindre parole était décortiquée, étudiée à la loupe. Même s'il se sentait bien en sa présence, comme bercé par une étonnante familiarité alors qu'ils se rencontraient pour la première fois, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une légère retenue, de devoir contrôler un minimum certaines de ses réactions spontanées. Il ignorait ce que Salâh ad-Dîn avait partagé à son ami à son propos. Avait-il raconté les déchirements, ou n'avait-il évoqué que les moments de complicité et de fusion ? Lui avait-il décrit la façon dont il lui avait arraché l'annulaire gauche, pour s'assurer de son éternelle fidélité ? Nicola lui-même avait-il, en son temps, subi les affres de la colère du Perse, tout comme les lubies de sa psyché dérangée ? L'Infant se plaisait à croire que leur différence d'âge avait protégé l'Italien de tels éclats. Contrairement à lui du haut de son unique siècle, il avait dû être une digue inébranlable face aux tempêtes orientales.

Une once de fierté l'emplit lorsque l'Ancien verbalise la forte impression laissée par sa prouesse. Au moins une chose dont Salâh ad-Dîn ne pourrait pas se plaindre à son égard. Satisfait, il ne s'offense nullement du silence de Nicola, même si ses questions demeurent en suspend. Il n'est lui-même pas toujours très à l'aise avec les longs échanges verbaux, et ne maîtrise pas tous les codes sociaux qui régissent la société humaine. Ou alors, il en avait oublié la plupart.

Animé par une curiosité sincère, il le suit, attentif aux battements artificiels dont ils s'approchent enfin tous deux. Sa poitrine en crèverait d'impatience, tant il éprouve une hâte vertigineuse à observer, voire peut-être même à tenir entre ses mains les innombrables trésors temporels. Une passion qui ne l'avait jamais quitté, peut-être un unique vestige de son existence de mortel, qui l'avait poursuivi à travers les âges. Une excentricité que Salâh ad-Dîn avait toujours supporté, contrairement à sa ferveur religieuse qu'il avait très vite tenté d'assassiner, visiblement bien plus bruyante que ces innombrables cœurs mécaniques. Mutique, il force un soupir artificiel hors de ses lèvres ; le caractère excessif de son Sire avait laissé des marques indélébiles dans la psyché du plus jeune, qui n'avait pas toujours su contenir les débordements de son Aîné. Pour cela, il aurait aimé connaître Nicola plus tôt : peut-être lui aurait-il appris à apaiser les tourments et les rages meurtrières de son Sire, même dans ses pires moments.

Face aux critiques de Nicola quant au caractère hermétique de son Maître, il demeure de marbre, et le silence s'étire encore durant quelques secondes, où il hésite sincèrement à lui mentir pour ne pas briser cette fierté plus tôt évoquée par l'Européen.
« Par… mail ? »
Il sait ce dont il s'agit, seulement, il éprouve les mêmes réticences que son Sire à l'idée d'user de ces machines du diable.
« C'est que, moi non plus, je ne sais pas… »
S'il avait finalement opté pour la vérité, il ne souhaitait pas pour autant l'assumer pleinement. Après tout, n'était-ce pas la faute de Salâh ad-Dîn, s'il peinait tant à épouser l'époque actuelle ?
« Salâh ad-Dîn me l'interdit. Je n'ai même pas le droit d'avoir de téléphone, lorsque je suis avec lui. Il dit que nos ennemis peuvent s'en servir contre nous. »
Un discours auquel il avait fini par adhérer, influençable et surtout, épuisé des joutes verbales vaines dont il sortait rarement victorieux. Mais face à l'Antique, le doute le prend, malgré les convictions de Salâh ad-Dîn.
« Est-ce vrai ? Est-ce que ces machines peuvent vraiment… être utilisées contre nous ? »
Face à l'assurance de Nicola quant aux nouvelles technologies, il ne peut s'empêcher de se sentir quelque peu idiot, alors il s'empresse d'ajouter, mal à l'aise :
« Mais je pourrais apprendre… je veux dire, Ashkan me montre, parfois. Si toi tu y parviens, cela devrait être à ma portée. Je connais déjà un peu la fenêtre bleue. Oh, et la voix dans le téléphone qui indique le chemin. »
Il ne mentionne pas les railleries du sorcier noir à l'égard des deux Immortels, éternellement réticents à l'idée de s'adapter à la modernité d'une époque qui leur échappait sans cesse.

Flatté de découvrir une nouvelle pièce du logis de Nicola, l'Infant cesse aussitôt de songer aux lacunes qu'il partage avec son Sire, pour étudier l'agencement du bureau et tendre avec précaution les paumes vers la boîte présentée. Sa concentration est telle qu'il n'intègre que tardivement les paroles inquiétantes. Lorsque le secret confié perce sa psyché, il manque de peu de renverser le coffret et le rattrape de justesse, juste avant qu'il ne lui échappe des mains. La vision de la montre plate s'efface aussitôt de sa rétine lorsqu'il retrouve le regard de l'Ancien, saisi de stupeur.
« … Pardon ? »
L'écrin serré contre sa poitrine, il en aurait blêmi, s'il avait été encore vivant. A l'évocation des visions, ses phalanges se crispent et sa mâchoire se serre. Toute sa silhouette transpire d'un malaise évident à cette évocation, et il ne peut empêcher un regard presque dément d'analyser son environnement immédiat, de dépecer l'invisible à la recherche de ces spectres évoqués. Car c'était bien ce que Nicola avait cherché à lui dire, n'est-ce pas ?
« Des… gens morts ? »
Tout à coup, les montres deviennent le cadet de ses soucis. Terrorisées, ses prunelles tremblent dans celles de l'Italien. Il n'avait jamais supporté l'idée que des revenants puissent les hanter. Et il savait, il savait qu'ils existaient. Car de son vivant, les apparitions avaient également frappé aux portes de son esprit, sans qu'il ne parvienne jamais à les repousser.
« Si tu cherches à te jouer de moi… ce n'est pas amusant. Pas du tout. Il ne faut pas plaisanter avec ces choses-là. Je suis très sérieux. »
Un sérieux qu'arborait tant bien que mal sa figure juvénile, tandis qu'il ne lâchait pas le vieux vampire des yeux, désormais habité du doute que l'Ancien puisse chercher à le tromper. Salâh ad-Dîn lui avait-il confié les peurs primitives de sa descendance, pour que Nicola puisse le tester à loisir ? Si c'était le cas, alors il détestait être ici.

Le menton relevé, il tâche de ne pas perdre contenance lorsqu'il lui rend le coffret, sans y accorder davantage d'intérêt. Il tâche d'affermir sa voix lorsqu'il le questionne plus durement, cette fois. Il doit savoir. Il ne pourra pas se concentrer sur quoi que ce soit d'autre, tant qu'il ne connaîtra pas la vérité.
« Pourquoi dis-tu cela ? Et quel rapport cela aurait-il avec l'un de tes dons ? »
Salâh ad-Dîn ne lui avait jamais mentionné cela : ni l'existence de tels pouvoirs liés à la perception du royaume des défunts, ni le fait que Nicola possède ce genre de facultés. Il aurait préféré en être averti avant de le rencontrer. Pourquoi lui dissimulait-on toujours les informations les plus capitales ?
« Explique-moi, s'il te plaît. »

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Mer 11 Mai - 16:01 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti


Eh bien, belle manière de mettre un invité mal à l’aise et prêt à quitter les lieux. Il n’aurait pas mieux réussi s’il s’y été appliqué. Pour un peu, il serait désolé pour ce jeune Infant, qui l’observe maintenant comme un spécialiste observe les fils rouge et bleu d’une bombe prête à exploser. Les montres semblent avoir été reléguées à « de moinde importance », ce qui est bien dommage, vu que cette collection n’a pas souvent l’occasion d’être admirée.

Nicola comprend qu’il doit rapidement fournir des explications supplémentaires s’il ne veut pas que Salâh reçoive un rapport circonstancié sur sa folie latente. Le petit à l’air d’être prêt à décamper ventre à terre pour tout raconter en tremblant dans les bras protecteurs de son Sire. Ce serait fâcheux.

- « Veux-tu t’asseoir Yago ? Tu as l’air fébrile. - il joue la carte de l’aîné rassurant, espérant être convaincant dans ce rôle. User du charisme que lui confère à la fois son âge, sa position et sa nature profonde sur son cadet l’ennuierait, ce serait, d’une certaine façon, lui manquer de respect. Et ce serait un aveu de faiblesse de sa part : il s’estime tout à fait capable de garder la situation sous contrôle. - Je vois des morts, oui, mais seulement des morts que j’ai été amené à côtoyer de leur vivant. Ne crois pas que tous les esprits qui hantent Shreveport passent me payer leur respect. »

Il pince les lèvres et claque des doigts plusieurs fois, cherchant à stimuler ses réflexions pour trouver les bons mots. Finalement, il finit par poser ses mains sur ses hanches. Voilà qu’il a épouvanté son pauvre invité, qui semble terrorisé par l’Au-Delà. Un vampire superstitieux, voilà bien sa veine…

- « Et puis ces esprits sont tout à fait impuissants. Ils n’ont aucune influence sur notre réalité, ce ne sont que de simples spectateurs. Tu ne risques rien, je te le promets. - le vieux lui lance un sourire encourageant. Il est absolument certain de ce qu’il affirme. - Et je m’en voudrais de donner une raison à Salâh de m’en vouloir, s’il t’arrivait quoi que ce soit en ma présence.

Que la mention de la Mort l’intimide autant l’étonne. Certains vampires, puisqu’ils lui ont échappé une fois, craignent de se retrouver à nouveau devant Elle. La Mort, celle qui attend l’heure, qu’on ne peut berner. Nicola croit qu’elle est dans un coin de l’esprit de chaque Canaïte. Quand on la croise, elle laisse une impression assez marquante. Est-ce pour cela que Yago craint de parler du « surnaturel » ? Ou est-ce la mention des esprits qui le gêne ?

Oh… Aurait-il des choses à se reprocher par rapport à un mort en particulier ? Les yeux de Nicola s’éclairent à cette optique.

Ou peut-être est-ce tout simplement de la frayeur légitime face à la folie probable d’un vampire arpentant le monde depuis huit siècles. Ce serait plus cohérent.

Bon. Puisque la bombe a explosé, autant en assumer les conséquences.

- « Pour être franc, tu es un des rares à connaître l’existence de mon don. Bienvenue dans ce cercle très fermé – il croise les bras devant sa poitrine, gêné, évitant les yeux de son cadet. - Je n’en parle pas. Généralement. Ce n’est pas quelque chose d’utile au quotidien, et puis, faire « parler les morts » pour obtenir des infos sur ce qu’ils emportent avec eux, c’était bien suffisant. Pour moi, en tout cas. - un soupir soulève sa cage thoracique. Il n’a que peu d’explications à fournir… - Tous mes Infants ont développé cette capacité, ce qui veut dire qu’elle vient bien de moi. Ma défunte épouse en particulier, Kikue, Wassili… Les deux autres n’ont pas eu le temps nécessaire pour la voir éclore. Nous étions tous sensibles à la présence de la Mort. Mon cœur, avec les bons ingrédients, pouvaient invoquer les esprits. »

Aujourd’hui, ce serait le moment pour tirer d’un tiroir un album photo, pour donner quelque chose de concret auquel se raccrocher pour aider l’autre à se représenter ces personnes. Malheureusement, il ne reste aucune image, aucun témoignage de qui furent ses Infants ailleurs que dans l’esprit de Nicola. C’est dommage, surtout face à un maître des illusions : s’il lui fournissait des détails concrets, pourrait-il faire revivre un instant ces figures du passé ?

- « J’ai du mentionner Settimo quelques fois dans nos échanges. Il est parti trop tôt. Je le voyais… comme un fils, oserais-je dire. »

Et l’Italien s’arrête là. Le silence prend ses aises. Il se tourne vers son tiroir rempli de montres et le déloge de la commode pour mieux présenter son contenu. Et il en reste là, les mains de nouveau sur ses hanches, l’air ailleurs. Perdu dans une autre époque, entouré d’autres personnes. Yago peut-il comprendre cette étrange douleur ?

- « Je suis suivi depuis des semaines… Ou peut-être est-il là car son souvenir m’obsède ? Comment savoir, avec ces réminiscences ? - s’interroge-t-il à voix basse, les yeux dans le vague, ailleurs. Lorsque Settimo apparaît à propos près de lui, il ne sursaute pas.
- L’Infant du Perse… Ils ne vont pas ensemble. J’aurais voulu qu’il ait l’air plus… diabolique. »

L’Italien baisse la tête et tapote de la pointe de son pied le sol. Il ne peut pas répondre : aucun doute que cela provoquerait la fuite immédiate de Yago en criant au démon.

- « Tu devrais lui dire, que je suis là. Il a peut-être des questions, d’Infant à Infant. Comparer nos transformations respectives, par exemple ? »

Nicola, la tête baissée, esquisse un rictus amusé. Et comme il a toujours aimé repousser les limite, la suite est prévisible :

- « As-tu déjà trop peur, Yago, ou puis-je aller plus loin ? »


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Mer 29 Juin - 14:31 (#)


When snow falls, nature listens.

Finalement, il aurait peut-être préféré que Salâh ad-Dîn soit présent.
Éternellement lâche, habitué à se retrancher derrière la digue et à observer les événements plutôt que d'y participer, l'Infant observe, médusé, le vieux caïnite déblatérer l'impensable. Même pour un aliéné tel que lui, l'enfant de Jérusalem avait toujours été persuadé qu'il ne fallait pas vivre trop longtemps. Déjà, dépasser la durée d'existence moyenne d'un homme fracturait l'esprit de façon définitive. Mais vivre huit ou neuf siècles ? En lui germe peu à peu l'idée que Salâh ad-Dîn n'avait peut-être pas toujours été aussi extrême, aussi imprévisible. Non, peut-être qu'il était devenu fou à cause de Nicola. A trop côtoyer sa psyché malade, son Sire s'était lui-même assombri, noyé dans la déraison. Il aurait aimé le connaître à une autre époque. L'idée qu'il ait vécu tant d'événements avant même sa naissance avait toujours été vertigineuse. Et le Perse n'aimait pas se confier sur tous les aspects de son passé. Certaines parcelles en demeuraient mystérieuses, même pour lui. Mais peut-être que Nicola connaissait ces secrets. Peut-être qu'il en partageait même certains avec lui. Peut-être…

« Ils ne sont pas impuissants. »
Inconscient, pense-t-il sans oser le formuler, même si l'espace d'un instant ses prunelles vrillent de l'avertissement silencieux. Cet orgueil tout à fait vampirique l'excédait, parfois. Ses semblables avaient tendance à se croire invulnérables, hors de portée des autres races ou des autres formes d'existence qu'ils méconnaissaient. Nicola ne fréquentait visiblement pas assez les arcanistes, sinon il se méfierait davantage des apparitions dont il était victime. Mais avait-il seulement l'air de s'en plaindre ? Paraissait-il craintif, en évoquant les manifestations surnaturelles ? Pas assez au goût de l'Infant. Mais cette absence de prudence s'apparentait davantage à une habitude crasseuse qu'à une fierté démesurée.

Il avait fini par s'asseoir, non pas pour empêcher ses genoux de cogner l'un contre l'autre, mais pour démontrer à l'Aîné qu'il était disposé à l'écouter malgré ses réticences premières. Et peut-être aussi car il craignait la réaction de son Sire, s'il rentrait si tôt et exposait les raisons d'un si prompt changement d'avis. Il avait attendu et espéré cette rencontre, et même si elle prenait une tournure inattendue, il ne délogerait pas d'ici.
Et puis, Nicola avait choisi de se confier à lui. S'il disait vrai, ils étaient peu nombreux à avoir connaissance de la portée de son don. Salâh ad-Dîn lui-même l'ignorait-il ? Etait-ce pour cela qu'il ne lui avait nullement mentionné cette excentricité chez l'Italien ? Cette fois, il peine à contenir un rictus satisfait.
« Nicola ? Même Lui, il l'ignore, n'est-ce pas ? »
Qui avait parlé d'orgueil vampirique ?

Il écoute l'énumération, les yeux baissés sur le tiroir contenant les cœurs artificiels. Leurs pulsations monotones l'aident à canaliser ses angoisses, bien que la détection d'une anomalie agite soudainement sa paupière d'un tic nerveux.
« Celle-ci. Elle retarde. »
D'un geste de la main, il désigne l'immobile coupable. Une faute imperceptible pour toute oreille humaine, même pour un tympan surnaturel. Il fallait avoir étudié les rouages et s'en être entouré depuis des décennies, pour remarquer cet infime décalage.
« Tu devrais me la confier. Je m'en occuperai. »
A-t-il oublié l'essence de leur conversation ? Se réfugie-t-il dans ce qu'il maîtrise pour se redonner contenance ? Espère-t-il impressionner son Aîné ? Le visage imperturbable n'offrira aucune réponse à l'Italien.

Il hoche la tête à l'évocation du disparu, et ses pensées dérivent vers tous ceux qu'avait côtoyé l'Européen durant son existence. Tous ceux qui n'étaient plus. Sa mémoire devait être jonchée de fantômes et de souvenirs intangibles. Songer à cette triste réalité l'emplissait de désarroi. Non pas pour Nicola – même s'il croyait éprouver un minimum d'empathie à son égard – mais pour lui-même, à la pensée qu'il en serait de même pour lui au fil des siècles. Salâh ad-Dîn lui avait toujours recommandé de ne pas s'attacher aux humains, créatures éphémères. Mais qu'en était-il des Immortels ? Nicola souffrait-il de l'absence de ses nombreux Infants, de son épouse ?

Finalement, la curiosité déborde sur la crainte. L'envie de prouver sa valeur également, mais de cela, il en avait bien moins conscience. Alors il se redresse, dépose le coffret de montres sur le fauteuil qu'il occupait jusqu'alors, pour défier du regard celui qui fréquentait les trépassés.
« J'ai peur, oui. Et il devrait en être de même pour toi. Il existe des choses que nous ne maîtrisons pas. Tu n'es pas assez méfiant. Beaucoup périssent par orgueil. Et je crois que la plupart de nos semblables le méritent. »
Répète-le donc à Salâh ad-Dîn, si tu l'oses.
« Mais je ne partirai pas. Je t'écoute. Me prends-tu pour un couard ? Est-ce le portrait qu'Il a dressé de moi ? Je croyais que nos lettres avaient plus d'importance que Ses discours. »
Impertinent, il se tient devant lui, ne craignant nul courroux, nulle remontrance.
« Seulement, ne me promets pas que je ne risque rien. Car tu ignores toi-même l'emprise qu'ils ont sur toi. Tu devrais t'entourer d'arcanistes. Ils sont bien plus connectés au monde spectral que tu ne le seras jamais. »
Il ne s'inquiète pas de savoir si cette affirmation effrontée sera bien accueillie ou non. Il énonce une vérité, un avertissement. C'était le moment de découvrir si Nicola était aussi orgueilleux et assuré qu'il ne le laissait paraître.

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Dim 21 Aoû - 19:26 (#)



È bello vederti dal vivo.

« Vedi di non chiamare intelligenti solo quelli che la pensano come te. » - Ugo Ojetti

Il faut bien l’avouer, Nicola n’est pas habitué à n’être écouté qu’à moitié. Ou est-ce une manière de se protéger ? Se boucherait-il les oreilles en chantonnant s’il ne craignait pas de l’offenser ? Yago semble plus intéressé par l’harmonie de ses montres que par ce qu’il lui confie.

Le vieux vampire sent sa paupière gauche s’agiter, tic désagréable lorsque quelque chose se dérobe à son contrôle. L’Infant est difficile à cerner. Lui qui pensait s’être fait une image à peu près complète de celui sur qui Salâh avait jeté son dévolu est mis face à son erreur : il ne comprend pas le jeune homme. Trop mesuré dans ses réactions, Yago a l’air constamment un peu ailleurs, comme si seul l’invisible comptait à ses yeux. Pas étonnant qu’il ait développé le don d’illusions de son créateur… N’est-ce pas parfait pour un individu perdu dans son propre monde ?

Nicola l’observe à nouveau, pendant qu’il étudie ses montres. Il a des mains d’artiste, avec de longs doigts habiles. Il n’a probablement jamais manié d’armes de sa vie. L’homme a dû mal à le concevoir, et pourtant… Il existe des individus que la violence n’a pas façonné. Une envie de lui jeter le premier objet qui lui tombe sous les mains le saisit. Il veut son attention, là, maintenant, tout de suite ! Il voudrait le secouer, n’importe quoi pour tirer une réaction de cet étrange bonhomme trop calme.

Salâh a vraiment fait un virage à 180° en jetant son dévolu sur cet horloger du fond des sables.

Settimo sent son agacement. Les fantômes sont étrangement sensibles à ses émotions, et perméables à celles-ci. Il doit veiller à garder le contrôle sur ce qu’il peut être amené à ressentir, il ne voudrait pas assister à la colère d’un fantôme. Ou en tout cas, pas en présence de Yago, victime potentielle.

Alors il fourre ses mains dans les poches de son pantalon et serre les poings, obligeant un sourire à poindre sur ses lèvres quand Yago se lève, pose le tiroir et s’approche de lui. « Il ne faut pas l’effrayer davantage, se répète-t-il. Je ne voudrais pas le voir courir dans les jupes de Salâh en affirmant que j’ai perdu l’esprit. »

Sans mal, il soutient ses yeux sombres, aux cils étonnamment longs et noirs. Ne manquerait plus qu’un peu de khôl. Nicola incline légèrement la tête sur le côté, l’invitant à parler. Et il n’est pas déçu par ses paroles. Un rire incrédule lui échappe.

- « Un homme sans peur n’est pas courageux, il est inconscient. - déclare-t-il avec sérénité, les mains toujours dans les poches. - Salâh m’a parlé d’un homme intelligent et prudent. Il n’a pas enjolivé ton portrait. »

C’est un beau compliment qu’il offre à l’Infant. Son indolence l’agace toujours, mais il s’est racheté par ces affirmations tranquilles. D’un signe de tête, il lui fait signe de le suivre vers une armoire au style oriental. Il ouvre un pan et en tire un livre à la couverture bien abîmée par les outrages du temps. Des feuilles manquent de s’en enfuir, et le papier est jauni. Nicola le tient sans beaucoup de précaution par rapport à la valeur probable de l’ouvrage.

- « Je lis la plupart des langues très mal. - avoue-t-il sur un ton badin, comme si cela justifiait sa manière de traiter le livre. Il l’ouvre en rattrapant au passage des feuillets volants, et fait défiler les pages rapidement, soulevant une odeur de vieux papier. - Mais suffisamment bien le russe pour savoir ce que contient ce bouquin sur l’ésotérisme. J’ai de la chance : les fantômes et l’au-delà sont deux sujets qui déchaînent les passions humaines depuis la nuit des temps et, dans ce vieux livre, j’ai beaucoup d’informations sur les deux. Assez pour me passer d’un arcaniste qui essayera d’utiliser mon don pour ses fins personnelles. »

Il lui offrit un sourire hypocrite, fixant ses yeux bleus dans les siens pour bien faire passer le message. Hors de question qu’un humain vienne prétendre lui enseigner quelque chose sur l’au-delà. Qu’il commence déjà par franchir lui-même les portes du domaine de la Mort.

Puis, gaillardement, il referma le livre dans un bruit mat et le remit à sa place.

- « Je progresserais à tâtons, comme pour mes autres dons. Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez, vous les Infants avec vos tuteurs encore en vie, pour vous guider ! Mon Sire, il m’a guidé sur le chemin de la Métamorphose, mais entre mes trois frères, ses concubines et ses affaires, il avait fort à faire. J’espère que Salâh se comporte en bon professeur. »

Settimo est près de Yago. Presque épaule contre épaule. Nicola se demande s’il est capable de « sentir » sa présence. Il croise le regard de son Infant, qui lui sourit, et son cœur se sert douloureusement.

Il refuse de croire que sa présence spectrale pourrait comporter des risques pour son entourage ou pour lui.


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Dim 4 Déc - 18:06 (#)


When snow falls, nature listens.

Le compliment colorerait ses joues d'une teinte rosée, si le moindre souffle de vie traversait encore cette carcasse centenaire. A la place, c'est une réaction toute vampirique qui anime le corps trop statique : un rictus, qui accroche une virgule de fierté à ce visage dérangeant, sous la cicatrice de sa joue. Une fierté qui pourrait presque le réchauffer, en entendant que son Sire l'a présenté par des adjectifs mélioratifs, à l'homme qui avait probablement compté le plus au monde pour lui. Ainsi, ils se situaient sur un pied d'égalité. Une pensée qui le renforce dans son orgueil, tant et si bien qu'il ne discerne pas l'agacement de son Aîné. En miroir inversé, les comportements du vieux vampire lui demeurent encore bien impénétrables. Et Salâh avait toujours été si secret, comme pour toute chose qui touchait à son passé, concernant sa relation avec l'Européen. Etait-ce pour préserver l'Infant possessif ? A présent qu'il côtoyait le personnage, il ne sentait nullement un rival en la personne de Nicola. Non, plutôt un homme qui avait été une colonne pour l'édification de la personnalité de son Sire, un tuteur nécessaire à ce que Salâh ad-Dîn ne s'écroule pas, ou ne sombre dans la folie. Probablement l'avait-il protégé de ses propres démons. Ou en avait-il généré ? Les relations entre les Immortels pouvaient parfois être si toxiques, tissées de sentiments ambivalents. Lui-même ne savait jamais totalement s'il adorait ou s'il haïssait le Perse. Mais, paradoxalement, la violence de certains de leurs échanges semblaient aussi les rapprocher et cimenter leur binôme.

Les mains dans le dos, il suit docilement l'Italien jusqu'à l'armoire dont il admire la facture, soufflé par la beauté de l'objet. Il avait toujours été sensible à l'histoire que contait les meubles, à ce que l'on pouvait lire à travers un bois sculpté, une peinture écaillée, une porte grinçante. C'est donc tout à fait religieusement qu'il observe Nicola ouvrir un vieil ouvrage, aussitôt saisi par l'odeur ancienne du papier dont il se repaît presque amoureusement. Cela l'empêche de railler à nouveau l'Ancien sur la prétention de ses propos. Il se contente de discrètement lever les yeux au ciel, lorsque Nicola lui affirme pouvoir se passer d'un arcaniste. Pauvre de toi. Une conviction visiblement ancrée en cet homme qui avait traversé les siècles, et que l'Immortalité avait affublé d'un orgueil démesuré. Tu n'es pas le seul. Probablement fallait-il un minimum d'assurance narcissique pour perdurer ainsi à travers les âges. Quand bien même, l'ancêtre commettait une grave erreur en s'acharnant à évoluer seul parmi les arcanes. Mais qui était l'enfant de Jérusalem pour tâcher de l'en dissuader ? Autant essayer de raisonner un aliéné ou de faire courir un amputé.

Une mimique légèrement courroucée trahit ses pensées les plus profondes. Il grince des dents lorsque l'ancêtre se tourne à nouveau vers lui pour comparer leur situation respective. Sourire, ou plutôt, grimace de fierté. Il se campe solidement sur ses deux jambes pour lui rétorquer, une petite moue satisfaite sur le visage.
« Salâh ad-Dîn m'a choisi, il n'a pas de temps à consacrer à d'autres Infants ou à des concubines. » La manière dont il crache le dernier mot témoigne d'une hostilité tangible à l'égard de la gente féminine. « Professeur, amant, conquérant, évidemment qu'il excelle. » Il est à la tête d'un Empire.

L'Infant ne se départit de son air suffisant que lorsqu'il surprend le regard de l'Européen s'échapper par-dessus son épaule. Une sensation de fraîcheur, probablement illusoire, souffle contre sa nuque. La pensée d'une proximité dangereuse et malveillante s'implante dans son esprit malade. Non. Les réactions de l'Aîné ne l'aident pas à se départir de cette sensation gluante, renforcée par les souvenirs de son propre vécu, lorsqu'il vivait encore à Jérusalem. Pas encore. Et alors qu'il n'est plus en mesure de percevoir les présences spectrales depuis bien longtemps, il croit ressentir le froid traversant du fantôme qui s'engouffre au travers du corps, qui répand son fluide glacial en-dedans, qui piétine les organes et empiète sur l'espace vital. Il se fige, terrifié, lorsque son imagination se délie et s'affole. Il est là. Proche, trop proche. C'est déjà trop tard. Il délire, s'imagine violé par la présence intangible, envahi par l'invisible silhouette. Ses yeux gonflent de stupeur, se révulsent, et sa cage thoracique éclaterait si elle pouvait encore s'animer d'un quelconque souffle.

C'est finalement l'angoisse qui l'anime à nouveau et le précipite au chevet de l'Italien. Ses phalanges trouvent l'avant-bras de Nicola et les ongles s'enfoncent telles des serres dans la peau diaphane, percent les vêtements.
« CHASSE-LE. »
Il perd le contrôle, se noie dans ses peurs les plus primitives, dans les réminiscences de sa vie d'antan. De lorsque les spectres le hantaient et frappaient à la porte de son esprit. Mais aucun discours cohérent ne s'échappe de ses lèvres pâles tandis qu'il se presse contre la silhouette de l'Européen, l'implorant avec démence, écrasé par l'urgence de la situation.
« Qui que ce soit, chasse-le ! Il ne peut pas, il ne DOIT pas me franchir ! »
Les phalanges tremblent tandis qu'elles s'ancrent plus profondément dans le derme de Nicola, et tout son être tétanisé s'accroche à la seule silhouette réelle de la pièce, pour ne pas sombrer.
« Fais-le retourner d'où il vient, il ne DOIT PAS PASSER. »

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