De Wimbledon à Shreveport [Ft Nicola - Ethan]

Dimanche ! Ca y est, ce soir, c’est le grand soir ! Mon appartement est un vrai foutoir, va falloir que je m’active à fond, je peux pas recevoir quelqu’un dans un tel capharnaüm. Couché dans mon lit, je fais la liste des achats encore à faire et des tâches à effectuer. Un bref coup d’œil sur le réveil matin déposé sur la table de chevet, m’oblige à m’extraire de mon lit douillet. Traînant la savate, je passe sous la douche, m’habille et sors dans la cage d’escalier où je tombe sur un des mioches de Jacqueline. Il m’accoste me raconte une histoire de fantôme et de vampire qui se font courser par un éléphant garou… Tant qu’elle ne me parle pas de goule, tout ira bien. Il serait temps que Jacqueline veille sur sa marmaille. Délaissant le petit, je dévale les marches pour me retrouver dans la moiteur ambiante. La superette est à deux pas, ce qui est quand même sacrément pratique. Un grand pack de bière, quelques biscuits apéritifs et je me retrouve comme un imbécile au milieu de l’allée à me demander ce que je peux bien proposer à un vampire hormis du sang… J’ai bien acheté quelques poches d’hémoglobine mais du coup, il n’aura rien a grignoté, c’est triste ! Haussant les épaules, je termine mes emplettes en me disant que j’aviserai le moment venu et remonte chez moi pour m’attaquer au ménage.

Deux heures plus tard, tout est nickel, il me reste plus qu’à accrocher les immenses drapeaux, histoire de rendre l’atmosphère plus festive. L’italien à droite, l’anglais à gauche, c’est parfait ! Ca prend presque tout le mur. C’est d’un ridicule, mais je m’en fiche, ça a le mérite d’être drôle. J’ai l’impression de me retrouver dans un bistrot perdu au fin fond de l’Allemagne les soirs où la Bundesliga jouait.

Tout est prêt, il ne manque que mon invité qui ne sera là que lorsque le soleil sera couché. J’allume la télévision afin de vérifier si tout marche comme il faut. L’immeuble est pourri, les voisins à l’image du quartier, mais au moins, y’a une connexion internet qui est vraiment impeccable. J’ai même astiqué l’écran géant de la TV, seul objet qui a véritablement une valeur pécuniaire dans cet appartement miteux.

Enfin, l’astre diurne disparaît derrière l’horizon, je descends et attends Nicola assis sur les escaliers de l’immeuble. D’après ce que j’ai compris, il faut que je l’invite sinon… sinon ben je sais pas bien. Ça serait con quand même qu’il s’enflamme ou qu’il se dissolve juste parce que je ne l’ai pas prié d’enter.

La haute carrure de mon pote immortel se pointe, je me lève en essuyant mon jeans et l'accueil avec un sourire chaleureux.

- Salut Nicola ! Alors, prêt à en découdre ? Viens, je t'en prie, entre. Je te préviens, c'est... rustique.

C'est d'un sommeil sans rêves qu'émerge Nicola, silencieusement et discrètement. Le huit-centenaire prend une inspiration profonde, qui soulève sa poitrine, puis cligne une fois des yeux, paresseusement. Son esprit est déjà actif. Il fait partie des chanceux qui se réveillent en étant parés à toute éventualité et toute sollicitation. Habitude de guerrier, aime-t-il penser, alors qu'il a eu l'exemple d'Atuf, qui ronflait comme un sonneur et qui ne rallumait son cerveau qu'une demie-heure après le réveil. Il ne dut sa longue survie que grâce à ses réflexes acérés. Et à Hou-Chi, bien sûr.

Il se lève avec souplesse de son lit-double, satisfait de sentir ses muscles bouger et s'étirer sans mal. Son repas d'hier soir a été... conséquent. En y repensant, il se passe la langue sur ses dents, regrettant presque de ne pas y retrouver le goût du sang. IL a préféré se montrer prévenant pour la soirée qui l'attend. Après tout, Ethan a été très clair : il ne se voit pas comme une pochette d'hémoglobine ambulante. Tant pis. L'échantillon qui lui a été donné de goûter était pourtant très prometteur.

Ses Marquées ne sont pas là ce soir, il n'a donc personne à prévenir de son départ. Il s'éloigne avec bonne humeur de son foyer bien trop grand pour lui pour se diriger en voiture vers la ville. L'humain, étonnamment, a tenu à partager une convention sociale avec lui : un match de foot. Italie-Angleterre. Bien évidemment, par pur patriotisme, Nicola soutient l'équipe italienne. Leur avancée en finale l'a satisfait. Forza Italia ! Il aime assez ce jeu de ballon, qui a pris une ampleur incroyable aux cours des cinquante dernières années. Les règles sont simples, le suspense peut monter facilement. C'est tout à fait distrayant. Pas franchement assez sanglant à son goût, mais distrayant tout de même.

Il termine le reste du trajet à pied, craignant pour sa voiture. Lorsqu'il arrive dans l'immeuble qui abrite l'humain, il a la surprise de le trouver assis dans la cage d'escaliers, sur les marches. Dès qu'il l'aperçoit, le brun se lève et vient l'accueillir. Nicola lui serre la main avec chaleur, amusé comme toujours par la bonhommie de cet étrange personnage, qui a choisi de passer outre sa nature vampirique pour se concentrer uniquement sur sa personnalité. Personnalité qui semble s'accorder avec la sienne, puisqu'ils se retrouvent pour suivre cette finale ensemble.

- J'ai dormi sur de la terre battue, sous la neige, dans la moiteur de l'Amazonie. Ce n'est pas un logement "rustique" en Louisiane qui détrônera ces expériences. - se moque-t-il en suivant l'humain jusqu'à chez lui. Bien entendu, il ne peut passer le pas de la porte. Néanmoins, du seuil, il constate que l'intérieur est effectivement très sobre. Ethan fait dans le pratique avant l'esthétique. La règle semble s'appliquer pour tout, sauf pour l'écran de télévision sur lequel ils regarderont la retransmission.

Nicola toussote et fait un geste devant lui pour indiquer la protection invisible du foyer.

- Puis-je entrer ?

Les escaliers sont avalés sans que je me retourne, j’ai pas envie de voir son air dégoûté, de lire ses pensées de mon lieu d’habitation. J’ouvre ma porte après avoir jeté une œillade noire à Jacqueline qui évidemment lorgne mon invité à travers l’entrebâillement de son battant. Pour une fois, dans sa vie, si elle pouvait s’occuper de ses fesses, ça m’arrangerait. Ça ne la regarde pas de qui j’invite chez moi.

Les clefs sont déposés sur un petit meuble, placé juste à côté de l’entré et je fonce vers le frigo, déjà réfléchissant déjà si je me prends une bière ou si j’attaque la soirée de manière plus soft, de comment je vais servir le sang, si je le mets dans l’unique verre à pied en ma possession, dans un gobelet pour ne pas voir le liquide ou directement à la poche. Misère ! J’aurai dû me renseigner avant. Mes pensées sont interrompues par un toussotement timide. Levant les sourcils, je me retourne pour voir un Nicola planté sur le pas de la porte.

- Hein ? Ben évidemment ! Entre ! Pourquoi cette question ? Tu vas pas regarder le match depuis là ? Je t’ai déjà invité en bas… ça suffit pas ? Considère-toi ici, comme chez toi. Tu seras toujours le bienvenu ! Pousse bien le battant, le bois est capricieux avec l’humidité et j’ai pas envie que tout l’immeuble profite de notre soirée.

Remarque, vu l’épaisseur des murs, semblable à du papier à cigarette, ils vont forcément entendre si l’une des deux équipes marque.

- Installe-toi, mets-toi à l’aise, fais comme chez toi, quoi.

Revenant à mon dilemme premier, je rassemble mes cheveux en une queue de cheval, les noue en chignon et relâche le tout, toujours aussi indécis. Finalement, je me tourne vers mon invité et pose la question franchement.

- Tu prends un ptit quelque chose ? J’ai… Bordel, c’est tellement bizarre ce que je m’apprête à demander… Enfin, voilà, comme t’es mon premier non vivant que j’invite ici, je ne savais pas trop comment ou quoi tu voulais. Donc, je suis passé acheter des poches de sang, y’en a de toutes les sortes A, B, O positif, négatif… Ma main file sous ma chevelure pour frotter ma nuque, bref, y’a tout ce que tu veux. Dans un verre ? Et y’a vraiment rien que tu puisses grignoter ?