Quelques mois plus tard.
La moto trace sa route, la lumière du phare me précède, ouvrant la voie. Devant la grande bâtisse, j’arrête ma machine qui a dû réveiller la moitié du quartier. J’abandonne Lady dans l’enceinte de la propriété de Nicola et appuie sur la sonnette. Je suis surpris de voir Aaron ouvrir la porte. Un vague sourire affecte sa mine.
- Entre, il t’attend, il est dans son bureau, au premier. Ca fait un sacré bout de temps qu’on t’a pas vu dans le coin.
- On va dire que j’ai été un peu occupé.
Après une brève tape sur l’épaule, je pénètre dans la demeure du vampire et rejoint l’antre de mon ami. Je frappe à la porte entre-ouverte annonçant ma présence, bien que cela soit totalement inutile. Nicola m’a entendu depuis bien longtemps.
- Ca fait plaisir de te voir. C’est profondément sincère. Nous n’avons pas perdu contact, ayant communiquer par téléphone et messages. Mais le voir, en chair et en os, me fait du bien. J’ai un million de trucs à de raconter comme je te l’ai dit dans un de mes textos.
Sans être invité, je prends place dans un des deux fauteuils, me déleste de mon sac à dos et farfouille dedans pour en tirer une bouteille en plastique emplie par mes soins.
- J’ai cru comprendre que t’aimais bien les saveurs de la bière. Alors, je partage. Je lui adresse un clin d’œil de connivence. Maintenant, s’il préfère prélever à la source, je ne serais plus aussi opposé que par le passé. Ne dit-on pas qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ? Si tu le préfère chaud… ben… je suis là…
Le présent est déposé sur un coin de bureau exempt de babioles, de papier ou de livres.
- C’est un sacré bazar, jamais tu ranges ?
Une chaîne à gros maillons attire mon attention, une pierre violette en guise de médaillon. Ca ressemble vaguement à un bijou, bien que la manufacture soit un peu grossière. Emily me dirait certainement de ne pas y toucher mais ma curiosité est trop forte. Avec précaution, je passe mon index sur la pierre qui semble luire à mon contact. Surpris je sursaute et m’éloigne en jetant un regard interrogatoire à mon Ami.
- C’est normal ça ?
Je recule et m’installe confortablement dans le fauteuil, un peu trop guindé, pour moi et inspire profondément. Si les vampires restent encore une énigme, les talismans et autres artéfacts sont carrément des mystères.
- Comment tu vas ? As-tu terrorisé plein de monde ? Le ton est à la plaisanterie, autant commencé par du plus léger. J’ai tellement de choses à te raconter que je ne sais pas vraiment par où commencer. Et tu vas encore dire que je parle trop. Je passe ma main dans mes cheveux et me lance. Tu te souviens du coup de fil quand je te disais être avec Yago ? Ben ce type… c’est une véritable ordure. Je me suis rendu compte, un peu trop tard, que c’est un immortel. Mais pas un comme toi. Je te jure, il doit être dérangé de la cafetière, ça ne doit pas tourner rond dans sa caboche. A l’aide de mon index, je dessine des petits cercles sur ma tempe. Ce crétin m’a obligé à déménager pour me poser au Lucky Star Motel.
Je laisse passer quelques secondes pour permettre à Nicola d’intégrer ces informations. Mon débit est ralenti, sachant que l’anglais n’est de loin, pas la langue préférée du caïnite.
- Il voulait que j’épie une femme. Bon, je ne l’ai jamais vue et avec le recul, je sais pourquoi. Mais le Yago là, il pouvait pas trouver pire espion que moi. Je bosse toute la journée et le soir, je joue, je matte la tv ou je pionce. Bref. Il est venu à plusieurs reprises au garage, pas content parce que j’avais rien à lui dire. Il m’a un peu bousculé et surtout il m’a foutu les j’tons. Et pis, du jour au lendemain ben plus rien. Il a disparu de la circulation. En tout cas, si tu le recroises un jour, tu pourras lui dire tout le mal que je pense de lui.
Retirant une basket, je ramène ma jambe contre mon torse, déposant mon pied sur l’assise, afin de m’asseoir plus confortablement.
- T’as pas un truc à boire ? Enfin autre chose que… Tu manques à tous tes devoirs d’hôte, incroyable quand même ! Affichant une mine faussement scandalisée qui se perd rapidement au profit d’un large sourire. Au Motel, j’ai fait la connaissance d’une gonzesse au doux patronyme de Myrtle Blackstone, encore une immortelle. Tu connais ? Par contre, elle m’a expliqué bien des choses. Nid de vampires, tout ça, tout ça. Tu penses bien qu’à partir de ce moment-là, ben, j’avais qu’une idée en tête, c’était de dégager de là. D’ailleurs Mymy… sacrée Nénette, dommage qu’elle ne soit pas allée au bout de ce qu’on avait commencé. Bref…
Un soupire de frustration s’échappe de mes lèvres. Je suis certain qu’il a compris mon sous-entendu, sinon, il pourra toujours demander à Blackstone et à sa sublime croupe.
- Par contre, je ne remettrai plus jamais les pieds dans ce foutu Motel. Il paraît qu’il est hanté du cul ! C’est Emily qui me l’a dit. C’est la fille chez qui je crèche en ce moment. Une Miss trop adorable. Ce qui m’amène au truc le plus incroyable qui soit. Garance ne m’a jamais quittée. Elle est là, accrochée à moi. J’ai pas encore eu le courage de lui parler, de savoir pourquoi elle n’est pas allée là où vont les morts.
Je me lève et effectue quelques pas dans la pièce, une mine rayonnante. Depuis cette révélation, la mélancolie m’a quitté et je suis heureux de vivre chaque jour qui passe.
- Je me doute que dit comme ça, ça paraît improbable, mais c’est la vérité. Tu me crois ? Voilà, tu vois, ça fait quand même pas mal de choses qui se sont passées depuis notre dernière rencontre. J’avais besoin de te raconter tout ça, sans détour, sachant que tu ne me jugerais pas.
Lentement, en secouant la tête, je reviens vers le siège pour m’asseoir.
- Et toi ? Le garage t’intéresse toujours ? Tu vas devenir officiellement mon patron ? Parle-moi de ce qui occupe tes nuits.