Les gouttes glissent sur les vitres de la boutique tandis que depuis la réserve, tu guettes nerveusement le prochain tintement annonçant un client. Il n’est pas habituel de te voir ici, tu te fais rare, fantôme dont on murmure le nom en hésitant, au risque de l’invoquer. Depuis ton arrivée en ces terres d’exil, tu as rapidement pris le parti de ne plus travailler en ville, te repliant dans ta tanière rustique au fin fond du bayou. Dans la solitude, tu travailles jour et nuit, émaillant tes labeurs de pauses où tu te perds entre les arbres, enfonçant tes pieds dans la terre et la boue, ton esprit taquinant les étoiles. Mais parfois, il te faut fréquenter tes semblables, les affronter, revenir à la civilisation et te plier à cet exercice qui te répugne de plus en plus à mesure que les années passent. Alors tu enfiles ton masque, affichant une douceur exquise et affable le temps de déposer tes créations à la boutique, ou comme aujourd’hui, lors d’un rendez-vous pour un objet personnalisé. Dire que tu hais ces moments serait faux. Tu n’es juste pas à l’aise. La ville te rend nerveuse, alerte et cette hyper-vigilance t’épuise. Tu n’es pas sur ton terrain de prédilection. Dans le bayou, malgré tous les périls qui t’environnent, tu te sens forte. Parfois même dangereuse. Mais l’idée de sonder l’énergie d’une inconnue, de trouver la ou les pierres entrant en résonance avec elle… Cela t’enchante. Et pas que pour le prix que tu fais payer. Mais tout de même.
Alors tu as abandonné tes jupons pleins de terre, tu as coiffé tes cheveux emmêlés en une tresse sage qui caresse le creux de tes reins. La chemise d’homme que tu portes est certes trop grande pour toi, mais permet de dévoiler ton cou de cygne autour duquel brille un médaillon d’or surmonté d’une opale de feu entourée de minuscules diamants. La gemme, grosse comme un œuf de caille, semble flamboyer contre ta gorge d’albâtre, comme pulsant au rythme de ton cœur. Cette pièce, tu as passé des semaines dessus, te perdant dans son scintillement hypnotique, oubliant de manger, de boire, jusqu’à t’effondrer de fatigue. Cela ne t’était pas arrivé depuis longtemps. Tu n’as pas pu te résoudre à mettre le bijou en vente, le gardant jalousement contre ton sein, te gavant à foison de son énergie, ivre de sentir la puissance brûlante de la pierre te réchauffer de l’intérieur. L’idée de porter une petite fortune autour du cou t’émeut moins que la puissance prodigieuse de la gemme que tu avais sentie avant même de la dégager de sa prison de pierre afin d’en mettre en valeur chaque lueur, chaque reflet. Plus discrète, la tourmaline noire à ton doigt t’enveloppe pourtant de sa présence rassurante et inflexible, t’apportant l’équilibre nécessaire pour ne pas céder aux sirènes de sa consœur.
L’équilibre. C’est à cela que tu penses alors que tes doigts courent sur les boîtes renfermant tes trésors, que les bracelets d’argent tintent à tes poignets. C’est la chose que tu dois garder à l’esprit à chaque instant. Au risque de créer un objet infusé de magie qui se révélerait incontrôlable entre les mains d’un novice. La clochette de la boutique. Tu tends l’oreille. Tu écoutes la vendeuse inviter l’arrivant à aller dans la réserve. Tu inspires profondément. C’est l’heure. Déjà tu te redresses sur ta chaise, et ton regard se fait acéré. « Mrs Comucci je présume ? Pardonnez-moi de ne pas me lever pour vous saluer. » D’un geste désinvolte, tu désignes ta canne et invite la cliente à s’asseoir sur la chaise en face de toi. Tu pourrais échanger des banalités, des politesses. Discuter du temps qu’il fait. Mais non. Tu préfères te taire et scruter la femme qui te fait face avec attention. Tes prunelles glacées se concentrent sur son visage, intensément, comme si tu cherchais à voir au-delà de son épiderme, à fouiller l’intérieur même de son être. Tu voudrais l’éventrer, percer les défenses de son esprit, aller au-delà de la chair pour saisir l’essence même de son être. Une mise à nu totale. Pourtant, tu sais que la tâche ne sera pas facile. La créature qui te fait face n’a pas l’air du genre à se laisser aller aux confidences, ni même au lâcher prise. D’un seul coup d’œil, tu remarques une sorte de dureté, un éclat familier dans son regard. Quelque chose que tu connais bien, sans pouvoir l’identifier pour le moment. « Je vous en prie. Installez vous et commençons. Même si vous avez formulé votre demande à ma collègue, je souhaite que vous m’expliquiez tout vous même. »
Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Le Juggler’s Bazaar, Medea l’a découvert un midi en s’aventurant hors des bureaux de la Nrd. Pas l’envie de rester enfermé toute la journée, besoin de se dégourdir les jambes et de flâner un peu dans les alentours de Downtown. Ce sont les éclats de couleur cristalline qui se reflétaient sur le trottoir et les surfaces environnantes qui ont attiré son regard en premier. Des attrapes rêves en perles de verre de teintes différentes accrochés dans une partie de la vitrine accrochaient les rayons du soleil hivernal pour en égayer le bitume et les murs au gré des mouvements. Sans surprise, la boutique a une place de choix dans le guide Evasion qu’elle avait feuilleté des mois auparavant dans l’avion depuis Chicago lors de ses entretiens préliminaires avec Siméon Barrois. Autant dire que depuis qu’elle a commencé à s’impliquer dans son travail, le tourisme avait dû attendre.
L’immense boutique, ses allées un peu tarabiscotées, ses diverses vitrines l’ont enchanté. Un peu perdue aussi. Les vendeurs aimables sans être collants l’ont laissé découvrir par elle même sans se trouver toutes les cinq minutes sur son chemin. Pendant près d’une heure, Medea s’est détachée de ses préoccupations plus terre à terre et de ses enquêtes sordides. Elle n’a jamais dédaigné faire du shopping et ne s’est pas privée ce midi là. Sans connaître la science des pierres, elle n’a pas cherché des associations précises, attirée simplement par la beauté des objets et des bijoux. L'italienne ne s’est pas approchée des rayonnages plus ésotériques. Non parce qu’elle moque les savoirs et les spiritualités des Mages mais parce que malgré ses années à se perdre dans les méandres du Surnaturel, la Magie et ses arcanes lui restent obscurs. Elle n’en connaît que les lignes principales portées par l’Eglise Wiccane, sans avoir la naïveté pour autant de considérer que son dogme constitue la seule voie de la magie. La plus expressive, peut-être.
Une ravissante paire de boucles d’oreille en malachite dont la finesse de la pierre et la longueur de la chaîne d’argent qui la soutient lui plaît particulièrement. Impossible de passer à côté d’un pendentif dont le croissant de lune en argent ciselé qui s’oppose à un soleil au cœur d’ambre. C’est en réglant ses achats que son regard est irrésistiblement accroché par deux présentoirs mis en valeurs par un jeu de lumière croisé. Des amulettes en divers matériaux et formes se dévoilent aux curieux. Elle entend à peine les explications de la vendeuse sur la créatrice talentueuse de ces amulettes, prête à lui démontrer les propriétés de chacune d’entre elles. Sans brusquerie mais avec une fermeté qui n’admet pas la contrariété, Medea lui signifie que si elle serait effectivement intéressée par une amulette, elle préfère en discuter directement avec l’artisan. Cela répond à un besoin de plus en plus précis depuis qu’elle est à Shreveport et qui ne cesse de la tarauder. Elle se met en danger. Sans cesse. Se heurte à des créatures contre lesquelles l’humaine ne fait pas le poids. Tout en sentant que ses failles se creusent de plus en plus. La sérénité est un mythe tout comme l’équilibre. Après plusieurs minutes de discussion, après que la vendeuse ait pris la peine de joindre l'artisane, Evangeline O’Callaghan, un rendez-vous est convenu pour le samedi suivant, avec cette dernière. Medea achève ses achats, retourne s’absorber dans les aspérités de ses dossiers.
*****
Être en retard n’est pas une option pour la profiler. Jamais. Elle referme son immense parapluie rouge. La pluie semble la poursuivre depuis qu’elle est en Louisiane. Repousse les pans de son manteau trois quart vert bouteille. Si Medea est maquillée, elle l’est toujours, elle l’est moins que lorsqu' elle est en service. Son rouge à lèvre rosé, un trait de khôl et de mascara noir suffisent. Si l’on oublie l’anti-cerne. Qui lui n’a pas été négligé. Plutôt deux fois qu’une. Un pantalon taille basse crème, une chemise à grosse rayure noire et blanche au col lavallière noué négligemment dont elle a remonté les manches sur son avant bras. Elle est armée. Ne se déplace plus sans arme dans son sac à main comme d’autres femmes ne quittent pas leur flacon de parfum de poche. Qu’elle a aussi d’ailleurs. Comme à son habitude, son bras droit est ciselé de son lien d’argent. Moins ornement que protection aussi fidèle que rapprochée. Le pendentif en ambre qui se réchauffe entre ses seins. Le son étouffé des talons de ses bottes sur le sol poli de la boutique. Elle a plié sur son bras son manteau en entrant après avoir jeté la fin de sa cigarette dans le cendrier de rue le plus proche. Est ce qu’elle est nerveuse? Étrangement, un peu oui. Peut être que la Vipère attend un peu trop de cette entrevue. Un bijou ne peut pas faire de miracle. Dio, elle est lasse. Si lasse. L’expression de son visage est neutre, courtoise, un sourire avenant à sa bouche.
Dirigée vers l’arrière boutique, Medea ne tarde pas à découvrir son interlocutrice pour l'après-midi. Une très jolie blonde dont la nervosité est visible par la manière dont ses mains se comportent. Un langage qui s’exprime en roue libre. Immédiatement, le regard de la brune est attirée par la pierre qui rayonne contre la gorge nacrée. Le bijou est de toute beauté et la pierre semble animée de nuances chatoyantes qui se modifient subtilement chaque mouvement. Elle fait un effort conscience pour s’en détourner et accorder son attention à la jeune femme qui lui fait face. Elle s’assoie en déposant son sac à main à ses pieds. -Ne vous inquiétez pas pour cela. -Son sourire devient un peu plus chaleureux lorsqu’elle avise la canne contre le bureau. - Appelez moi Medea, Mme O’Callaghan. -Certaines formalités ne lui sont pas nécessaires. Le silence qui s'installe entre elles sans être pesant à une qualité particulière. Elle a l’impression que la Strega en face d’elle cherche à voir profondément en elle. C’est rare que des inconnus croisent réellement le regard. Pourtant, elle ne s’en détourne pas. Acceptant l’examen dont elle fait l’objet et retourne l'intérêt. De ce qu’elle a lu superficiellement, pour que l’amulette soit efficace et non pas un joli bibelot, il faut qu’une certaine résonance s'établisse. Comment, pourquoi, elle l’ignore. Néanmoins, accepter de baisser ses défenses conscientes et inconscientes va lui prendre du temps. Exiger qu’elle se sente un minimum en confiance. Ce n’est pas acquis. Une chemise masculine simple, pas de maquillage, une tresse qui laisse s’échapper un halo de cheveux blonds autour de ses tempes. Elle s’occupe plus de son Art que d'elle-même.
Une première question, simple. Medea s’oblige à cesser d’être sur la défensive. Il s'installe un peu plus confortablement sur le siège qui lui a été offert. -Je suis intéressée par vos créations d'amulettes. J’en ai vu certaines dans les vitrines de la boutique, mais je pense que personnalisé, ce sera plus efficace? Cela ne me dérange pas d’attendre pour une telle création. -Une pause, ses prunelles reviennent vers les océans d’Evangeline. -Plus précisément, je cherche une amulette de protection. Je travaille pour la Nrd et le Fbi. -C’est rare, très rare qu’elle annonce d’entrée de jeu ce type d’éléments la concernant. Mais la Strega doit avoir une idée de qui elle est. Sinon, Medea leur fait perdre leur temps à toutes les deux. De plus, les réactions féminines sont en général moins abruptes que celles des hommes. Elles comprennent davantage les difficultés qu’une femme a pu rencontrer dans un parcours professionnel traditionnellement masculin. -Je me suis attirée des inimitiés violentes et durables de la part de Vampires et Lycans. Un vampire s’est permis de faire irruption dans la chambre d'hôtel que j’occupais. Il est hors de question que cela se reproduise. -Est-ce qu'elle s’est sentie en danger? Oui. Est ce qu’elle s’est sentie vulnérable? Un peu trop. Au point d’avoir rapidement fait l’acquisition d’une maison bien plus protégée qu’une simple suite d'hôtel. -Pensez vous que vous soyez en mesure de m’aider? -Il y a plus profond. Mais la profiler n’a pas l’intention de sonder ses abysses sans raisons. Si Evangeline se suffit de ses éléments de réponses, cela lui convient parfaitement.
Ton regard scrute la madone aux traits de sculpture antique. Medea. Le nom d’une magicienne maintes fois répété par les auteurs d’antan. Le nom honni d’une meurtrière pour certains, celui d’une femme trahie et libre pour d’autres. Pour toi, un indice. Qu’on le veuille ou pas, les mots avaient un pouvoir oublié, celui de façonner. Les noms également. Tes yeux se font faussement inquisiteurs, alors même que ton esprit sonde l’être qui te fait face. Ta magie se déploie en de fines lianes qui s’enroulent autour de la créature élégante, tentacules prudents prêts à se rétracter à la moindre réaction un peu brusque. Mais tu dois reconnaître que ta compagne fait l’effort de baisser ses défenses, te laisse la sonder, quand bien même tu trouves cela particulièrement imprudent, tu reconnais l’effort. Tu ne pourrais pas agir de la même façon, trop consciente des risques que cela te ferait prendre. Et pourtant tu es la première à t’abandonner aux sirènes de ton élément, à te laisser hypnotiser par les pierre, à te faire posséder par le bayou. À céder au pouvoir, non, à t’y jeter sans la moindre hésitation, à te noyer dans la magie quitte à disparaître. Si tu te montres prudente aujourd’hui, c’est parce que tu es face à une cliente. Si tu étais seule et que tu avais l’occasion de te vautrer dans cette puissance qui t’enivre… tu n’hésiterais pas.
Tu te demandes comment elle te voit. Est-ce qu’elle s’arrête à cette apparence frêle et simple ? À cette canne qui te sert à marcher et à attirer les regards de sympathie et de pitié ? Ou bien son regard est-il irrésistiblement happé par l’éclat de la pierre qui orne ta gorge ? Par ce feu brûlant et curieusement chaleureux qui émane de la gemme que tu as contemplée longuement avant de la sertir en un collier outrageusement coûteux. Non. Cette femme n’est pas aussi simple que tu le voudrais. Tu le vois dans ses yeux. Tu ressens presque le contrôle rigoureux qu’elle exerce sévèrement sur sa personne. Tu as envie de rire. Les hommes qui pensent que les femmes sont faibles sont des idiots. Ils ne tiendraient même pas une semaine, n’auraient pas la discipline nécessaire pour survivre dans leur peau. Tu écoutes sa voix avec attention, analyses la moindre inflexion, tiques en entendant NRD et FBI. Flic. Il ne manquait plus que ça. Tu hésites à mettre fin à l’entretien, par réflexe. Les garants de la loi ? Tu n’as pas confiance en eux depuis… Depuis. Pourtant tu restes silencieuse, te contentant de la fixer, d’enregistrer la moindre information involontaire qu’elle pourrait te donner. « …faire irruption dans la chambre d'hôtel que j’occupais. Il est hors de question que cela se reproduise. » Tu hausses un sourcil. Est-ce qu’elle s’est sentie vulnérable alors ? En danger ? Fragile ? Ton regard se fait plus insistant, plus profond. Elle ? Cette femme a l’air si forte, si stable… et pourtant tu imagines sans peine ce qu’elle a pu ressentir.
Tu sais ce que ça fait après tout. « Pensez vous que vous soyez en mesure de m’aider ? » Tu ne réponds pas tout de suite. Ton esprit agence les différentes informations que tu as pu recueillir. FBI. NRD. Vampire. Lycan. Protection. Vulnérabilité. Insupportable. Un soupir s’échappe de tes lèvres. Tu ne devrais pas faire ça. Tu devrais la renvoyer, t’en tenir aux simples amulettes pour attirer l’amour ou la confiance en soi. Pas que tu n’es pas capable de répondre à sa requête. Au contraire. Tu en es définitivement capable. Et c’est bien ça le problème. Si cela devait se savoir… Tu aurais de gros problèmes. Et tu les attires déjà bien assez comme cela. « Cela va vous coûter cher. Démesurément cher. Mais je suppose que ce n’est pas un problème n’est ce pas ? » Tu te lèves et attrapes ce qui ressemble à une caisse à outils que tu poses délicatement sur la table avant de l’ouvrir. Sans plus regarder ta cliente, tu commences à fouiller dedans, sortant pierres et plantes, parfois morceaux de bois avant d’en ranger certains, d’en sortir d’autres, de les comparer. « Ne pensez pas qu’une amulette peut empêcher un vampire de vous faire du mal. Surtout s’il est vieux. Je n’en sais pas énormément sur eux, mais je suppose que pour survivre longtemps, il faut être dangereux et suffisamment intelligent. »
Tu déposes soigneusement sur la table une obsidienne d’un noir profond et hypnotique. En la regardant longtemps, tu as l’impression de te faire absorber, de disparaître. Comme un trou noir. À côté, tu déposes un œil de tigre aux reflets chatoyants. Magnifique mais dangereux, tu ne le sais que trop. Une tourmaline noire vient bientôt les rejoindre, sous ton regard devenu presque doux. Enfin, tu sors d’un écrin un spinelle noire d’une taille peu commune. Tes lèvres murmurent des mots sans bruit, tandis que tu réfléchis, compare, associe les différents composants dans ton esprit. Évidemment il faudra renforcer son pouvoir. Tu songes à ces quelques diamants que tu as taillés il y a une semaine. Peut-être devrais-tu prendre soin de renforcer l’esprit de cette femme, ou du moins sa confiance en elle. Ton pendentif semble palpiter sur ta gorge. Oh fort bien. Tu imagines sans peine une gemme à l’éclat solaire à associer au bijou de protection. Il te faudra une essence de bois adaptée. Et des plantes dont tu tairas le nom. Angélique pour la confiance en soi, marrube pour la protéger contre l’hypnose vampirique. C’est pourquoi tu ne les sors pas devant elle. Les arcanistes protègent jalousement leurs secrets et tu n’en es pas exempte. Les pierres que tu as sorties, elle pourrait facilement en trouver les noms en allant faire une bête recherche sur internet, tu le sais. La litothérapie a le vent en poupe ces derniers temps et n’importe qui peut savoir quelle pierre est sensée être protectrice. Là où tu fais la différence, c’est que tu le sens. L’énergie qu’elles dégagent, le pouvoir potentiel qui ne demande qu’à être révélé, tu en es consciente.
Tu t’assieds enfin, légèrement essoufflée. « Ce que je peux faire pour vous, c’est faire pencher la balance de votre côté. Néanmoins je préfère vous prévenir, je ne fais pas de miracle. Je laisse ça à d’autres qui y croient. » S’il était possible de changer l’eau en vin, ou plutôt en whisky, tu serais sans doute imbibée du matin au soir. « N’importe qui peut vous vendre des pierres de ce genre. Leurs propriétés sont relativement bien connues du grand public. J’aurais tendance à préconiser l’obsidienne. Voyez ça comme un trou noir à énergie négative. Bien utilisée, elle pourrait vous protéger du contrôle mental d’un vampire. » Tu agites la main d’un air décontracté. Tu ne l’es pas. Tu es mortellement sérieuse bien que tu affectes un ton badin. Tu n’es même pas sûre de jouer suffisamment bien la comédie pour être crédible. « Mais à vrai dire, vous balader avec cette pierre au cou ne fera pas grand-chose. C’est là où j’interviens, outre le fait que j’ai bon goût en matière de bijou et les compétences nécessaires pour en faire quelque chose de joli. Néanmoins... » Néanmoins si Medea devait se retrouver face à un vampire et effectivement résister au contrôle mental, on pourrait remonter jusqu’à toi. « Comprenez que je dois prendre quelques précautions. Êtes-vous prête à former un pacte avec moi ? À me garantir que vous ne révélerez à personne qui je suis ? »
Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Les prunelles de la créatrice ne relâchent pas leur attention sur Medea. Il y a dans cette attention, une nuance particulière qu’elle n’est pas tout à fait capable d’identifier. Elle ne saisit pas les notes subtiles des partitions magiques, juste assez de finesse pour déceler que cela ne signifie pas leur absence. Elle s’impose à ne pas réagir. A ne pas se raidir. A accepter de faire confiance, dans une certaine mesure, que la Magicienne n’est pas malveillante à son égard. Passe-t-elle l’examen? La gemme à son cou est magnificiente et une démonstration, sinon de son talent dans les arcanes, définitivement dans la joaillerie. Au pire, elle aura un nouveau beau bijou! Nier la force tranquille qui émane de l’autre femme serait une imbécilité crasse. Une insulte aux épreuves traversées dont témoigne la cane et la démarche claudiquante, qu’ils soient de naissance ou accident de parcours. Le léger silence de ces deux inconnues s’étire pour quelques minutes, renversé parfois par les claquements des gouttes de pluie sur la vitre, renforçant le caractère agréable et chaleureux du salon privé. Pas de gène pour Medea, habituée à ces hiatus en salle d'interrogatoire. Le silence est toujours source d’information pour qui a appris à le lire.
La conversation se dénoue naturellement, par des questions précises de la part de l'artiste. C’est avec franchise que l’Italienne décide de se dévoiler. D’accepter d’extraire au grand jour les faiblesses qui enferment ses pensées dans des cercles infernaux. Avec l’age vient l’acre réalité : elle est loin d’être intouchable et sa langue acide ne suffit pas pour la tenir hors de danger. Une nouvelle tension envahit subtilement la petite pièce quand Medea dévoile quelques pièces de son propre puzzle. Notamment son appartenance à l’une des agences du Gouvernement les plus controversées de ces dernières décennies et dont l’attitude entre le mépris, la crainte et l’oppression des Cess doit trouver un sale écho chez cette femme qui en a peut être été la victime, directe ou indirecte. Medea croise les poignets lâchement devant elle et n’entends pas s'excuser pour une carrière choisie des années en arrière et qui sur certains plans a été parfaitement épanouissante et si totalement cruelle sur d’autres aspects. Un fin sourire. Elle attend le verdict. Est ce qu’elle va la jeter dehors et refuser son aide?
Une femme d’affaire. Parfait. Une teinte peut être un peu carnassière dans la manière dont elle hoche la tête pour souligner les propos de l’orfèvre. -Je n’ai jamais eu de retenue à payer pour la valeur des choses quand elles peuvent être monétarisées. Je ne vous ferai pas l'insulte de déprécier votre travail et le temps que vous y consacrerez. -Il y a un intérêt puissant dans le regard de Medea pour les gestes qu’elle effectue. Une curiosité presque enfantine étrange pour cette femme quinquagénaire. Elle n’a jamais su se départir de sa fascination pour le surnaturel. Responsable de bien des abus, qu’elle a infligés et qu’elle a subis. Elles sont sur la même longueur d’onde et l’intelligence brille dans les yeux de la blonde, renforçant sa présence et son charisme. -Je vous rassure sur ce point. Je ne cherche pas les fausses assurances d’un marabout quelconque. Je n’imagine pas une seconde être hors de danger grâce à un bijou. Vous avez parfaitement cerné ce dont j’ai besoin. D’un avantage discret et dont je pourrais me servir pour agir ou fuir.
Une légère grimace confirme que oui, ses oppositions vampiriques ne sont pas des nouveaux nés. Pas besoin d’aide pour les gérer en général. La brune se penche sur la table, l'intérêt brillant dans le regard opaque. Elle n’est pas qualifiée pour évaluer la pureté des pierres, néanmoins, la brillance ténébreuse des facettes de l’obsidienne, l'œil de tigre chatoyant, les autres gemmes noires, Medea ne les reconnaît pas. Ce n’est pas le moment de poser des questions ou de sortir son téléphone pour les prendre en photo. Elle se contente de les commettre à sa mémoire. Les gestes de la bijoutière sont concentrés, presque tendres et emplis d’une révérence qui ne manque pas de la surprendre. Quand Evangeline relève la tête vers elle, c’est comme si elle sortait d’une légère transe. Les sirènes de son don? Elle est d’une beauté un peu sauvage, à cet instant. Confirmant qu’elle a parfaitement saisi le cahier des charges de sa cliente. -J’ai cessé de croire aux miracles il y a bien longtemps, madame -Assure t’elle, une pointe de lassitude perceptible pour qui veut l’entendre. -J’aurai besoin que vous me guidiez dans l’utilisation des pierres, ce n’est pas mon domaine de compétence. -La tenir à l’abri pendant quelques secondes des manipulations mentales. Cela lui aurait été indispensable quelques années plus tôt.
La suite de la conversation n’effraie pas Medea. Ha. Elles en sont au stade des négociations et des reconnaissances du savoir-faire de l’enchanteresse. Aucun problème. -Je ne serais pas présente aujourd’hui si je n’étais pas certaine de la qualité unique de vos dons et du soin que vous apportez à vos créations. -Protections. Elle demande confidentialité et protection. De la part de possibles questions des autorités mais surtout des actions sauvages des vampires qui n'apprécieraient pas qu’un tel talent se diffuse. -soyez certaine que je ne révélerai rien vous concernant de manière consciente et volontaire. -Medea se lève et s’adosse à la fenêtre, luttant contre l’envie soudaine de la nicotine et poursuit son raisonnement. -Ce n’est pas tant de ma volonté dont vous doutez, je suppose. -Une légère inspiration. Elles ne pourraient pas être plus différentes et pourtant…À quel point ont-elles vécu des expériences similaires? - Mais des informations qui pourraient m’être extraites sans mon consentement. -Les mains d’Alaric Lanuit entravant sa gorge, par deux fois. sa volonté affichée de lui nuire. son comportement trouble et vindicatif. Un sérieux problème avec le Consentement en général. -Ma parole ne suffira pas n’est ce pas?
Nervosité qui envahit les traits parfaitement maquillés et dont elle garde la majorité invisible. Peut être trahie par un plissement des yeux, le cliquetis de ses ongles sur l’appui de fenêtre? La perspective de permettre à une inconnue de fouiller dans son crâne ne la réjouit pas. -Dans l'hypothèse où j’accepterais un tel pacte, j’aurai besoin d’en savoir davantage avant d’accepter. Notamment les limites de celui-ci.
La brune se redresse sous le coup d’une idée nouvelle. Probablement irréalisable mais… Un sourire aux commissures cruelles, dévoilant la sauvagerie qui se dissimule sous le vernis civilisé de Medea. Il ne fait pas bon de l’avoir pour adversaire. Cependant, Evangeline n’est pas la cible. Et elle ne tolérera pas de la mettre en danger. -Je me demandais à quel point vous seriez capable de déceler les traces d’une manipulation mentale datant de quelques années? Je suis presque certaine que le gentleman -oh, l’ironie de son ton - vampire a assorti celui ci d’une suggestion provoquant des cauchemars flous et récurrents. Plus un sentiment de peur exacerbé en sa présence. Il a arraché à ma mémoire plusieurs heures que nous avons passées ensemble et dont j’ignore la nature. Je tairai son identité, votre ignorance vous protégera, soyez en certaine.
Parfait. La donzelle est loin d'être bête ou de voir le monde en noir et blanc. Elle comprend que tu dois te protéger et pourtant ne fonce pas dans le tas, acquiesçant naïvement à la moindre de tes paroles. Un pacte n'est pas à prendre à la légère, loin de de là. Toi-même tu serais d'une prudence maladive, d'une paranoïa excessive à sa place. Pourtant tu ne cherches qu'à limiter les dégâts, à te protéger si ton amulette venait à servir et à fonctionner. Ce qu'elle fera assurément, tu en es certaine. Tu es une pointure dans ton domaine, tu le sais. Et tu préfères que les gens ne soient pas trop au courant, surtout ceux qui pourraient t'en vouloir. "C'est très simple. Il vous sera tout bonnement impossible de prononcer mon nom si on vous demande de qui vient l'amulette. Vous ne pourrez pas non plus l'écrire, le transmettre de quelque manière. que ce soit. Bien sûr je ne présume pas de la force de ce pacte si une créature particulièrement ancienne et puissante venait à vouloir fouiller dans votre charmante tête." Ton regard s'accroche aux prunelles de ta cliente. A elle de voir. Elle devait être consciente des risques. On pouvait lui faire du mal pour lui arracher un nom, avant de penser à chercher dans ses pensées. C'était un risque à prendre. En bonne commerçante, tu t'abstiens de lui décrire tous les scénarios-catastrophes susceptibles d'arriver. Elle est assez grande pour les imaginer.
Machinalement, tu attrapes un carnet et un stylo. Griffonnant sans avoir l'air de lui accorder davantage d'attention, tu esquisses un médaillon sombre aux délicates volutes sculptées, entouré de pierres minuscules et scintillantes (vue la tête de ta cliente, tu peux te permettre d'utiliser des diamants pour renforcer les propriétés de l'obsidienne et d'alourdir la facture de façon assez substantielle). A l'intérieur tu glisseras un mélange de plantes dont tu as le secret. Tu infuseras le bijou de ta force et de ton Pouvoir, à chaque étape de sa fabrication. Sans un mot, tu lui tends soudainement le carnet pour avoir son avis, calculant mentalement le prix d'un tel objet. Oh tes dieux. C'était indécent. Mais tout travail mérite salaire non ? Ton visage se crispe pourtant lorsqu'une nouvelle demande vient chatouiller tes oreilles. Damn. Elle avait morflé. Salement même. "Je n'ai pas ce pouvoir mais..." Mais d'autres l'avaient. Tes liens avec tes semblables ne sont pas suffisamment forts pour que tu puisses adresser cette femme à l'un d'eux. Tu peux néanmoins faire passer le mot et voir ce qu'il se passera. Un peu brusquement, tu poses une pierre sur la table. Un galet gris bleuté d'environ dix centimètres de long, aux reflets parfois azurés, parfois dorés. "Prenez le dans vos mains et repensez à ce... gentleman, à votre rencontre, à ce sentiment de flou." Le ton impérieux que tu utilises ne cache pas grand chose de ta nervosité. Si tes soupçons sont fondés, si elle a été victime d'une manipulation mentale il y a des années et que cela fait encore effet aujourd'hui... travailler pour elle sera bien plus dangereux que tu ne le pensais au début de votre entretien.
Tu fixes les mains de Medea sans plus rien dire, tendue comme la corde d'un arc. Pendant plusieurs minutes, rien. Peut être que ta paranonaïa habituelle a encore fait des siennes après tout. Qu'il n'y a pas de manipulation mentale, juste une amnésie traumatique et son inconscient qui traduit cela par des cauchemars. Un bon syndrome post traumatique qu'une thérapie et un accompagnement adaptés pourraient régl... Un craquement. Sur la labradorite que tient la jeune femme, une fissure. "Et merde."
Medea Comucci
Sugar Mommy, la randonnée c'est ma vie (et mes collines ne demandent qu'à être explorées)
I will stop at Nothing
En un mot : Humaine. Profiler pour le FBI et consultante pour la NRD
Qui es-tu ? : A cinquante ans, je rassemble les bris de ma carrière explosée dix ans plus tot. Travailleuse acharnée, animée par un désir de vengeance qui me couple le souffle. Je ne m'arrêterais que lorsque ma Némésis sera morte ou sous les verrous. En parallèle, à la tête d'une cellule spéciale, je suis chargée d'incarcérer les CESS qui s'imaginent au dessus des Lois.
Facultés : J'attire les ennuis. Très facilement. Et souvent, je vais à leur rencontre.
Elle apprecie la femme en face d’elle. Son énergie, ce qu’elle dégage et l’intelligence qui se dessine à travers leur échange. A quel point est ce totalement naturel et à quel point est ce du à un talisman ou un charme que la créatrice porte sur elle? Medea ne posera pas la question, certaine de ne pas obtenir de réponse satisfaisante. Cependant avoir des précisions sur un pacte entre elles n’est pas une option. Elle a besoin de savoir exactement quels sont les termes et qu’elles en sont les conséquences si jamais il est rompu. La magie n’est pas un domaine qu’elle connait, elle est même complètement ignorante et cela la place dans un grave désavantage. Cela implique de faire confiance à une femme qu’elle rencontre pour la première fois. Pour une nature aussi méfiante que celle de l’italienne, ce n’est pas une évidence.
Les explications offertes sont limpides, faciles à saisir pour une profane. Il s'agit avant de protection pour la femme en face d'elle et Medea n'a aucune objection à cela. Elle réfléchit encore quelques minutes, pesant le pour et le contre avant de prendre la moindre décision hâtive. Cela permet à l’artiste de continuer à créer au fusain la pièce de joaillerie qui nait sous ses doigts talentueux. Il y a des limites. Notamment en terme de puissance. Elle devra éviter de provoquer la curiosité ou l’ire d’un ancien. Ce n’est pas ce qui manque dans son entourage et ils sont loin d’être bienveillant. Le visage de poupée impériale revient dans ses pensées. Elle ignore l’age de la vampire qui avait attiré l’oeil de son frère, mais elle n’était pas une enfant. Pas certain cependant qu’elle soit une ennemie. Une adversaire, certainement. Une ennemie? Leur entrevue n’a pas permis de le décider.
-J’accepte ces conditions, assure t’elle avec peut être un empressement trop hatif. Mais l’idée de rester sans protection quand son conflit avec Alaric Lanuit promet de s’intensifier est une erreur qui lui parait plus dangereuse que de ne pas pouvoir diffuser l’identité de l’Artisan. L’absence de souvenir, cette impression de peur, de danger et de reconnaissance n’est jamais loin quand le fils de la Nuit danse à l’orée de ses pensées. Elle ne tarde pas à formuler une seconde demande. A nouveau, la franchise prévale. Tout en se gardant de dévoiler des détails trop précis qui pourraient mettre son interlocutrice directement en danger. Pendant qu’Evangeline réfléchit à sa question particulière, elle lui tend le carnet de croquis.
Les prunelles sombres de Medea s’attardent sur chaque ligne, chaque courbe du futur bijou. Il y a un manque de retenu certain lorsque l’ongle manucuré de son index vient suivre les contours du pendentif. Sur le visage de l’italienne, habituellement composé, une expression avide, d’envie presque, se lit sans difficulté. C’est un chef d’oeuvre et il lui appartient. Une fois qu’il sera finalisé bien sur. La question du prix n’est pas oubliée. Elle devine que la somme ne sera pas modeste. Probablement le prix d’une petite voiture, comme l’en averti Evangeline dès le début de leur entretien. L’Amazone allait l’aborder quand la créatrice place une pierre sur la table entre elles. Bien qu’elle précise qu’elle n’est pas capable de déceler ce genre de pillage mental, elle a d’autres ressources.
Avec un brin de regret, elle met sur le coté le cahier à spirale pour observer le caillou devant elle. Lisse, ovale, il a une taille parfaite pour tenir au creux d’une paume. Loin d’être géologue, Medea sait qu’elle n’a jamais vu ce genre de pierre dans la nature. Elle est plongée dans un univers qui n’est pas le sien et sa curiosité naturelle se découvre enchantée de tous ces détails secrets d’un pan du Surnaturel. Le ton de voix un peu âpre la conduit à poser un regard interrogateur sur la jeune femme. Il s’agit moins d’agacement que de nervosité. Medea peut le comprendre, ce qu’elle dessine à demi-mots n’a rien de réjouissant comme traitement. Tout comme elle se demande si tous les cainites en sont capables ou seulement une partie? Après quelques courtes secondes, elle referme ses mains sur la pierre. Retraçant dans sa mémoire le visage séduisant d’Alaric, le peu dont elle se souvient de leur première rencontre, la soirée du Nouvel An où ils se sont croisés dans son domaine. Toutes les émotions mélées qu’il provque en elle. La profiler allait relâcher la pierre après plusieurs minutes où rien ne se passe quand la pierre se fend entre ses mains. La simple interjection confirme ses pensées. Alaric a réellement porté atteinte à son intégrité mentale. Elle repose le caillou abimé et repousse sa chaise. ressentant le besoin de dégourdir ses jambes dans l’étroit petit bureau. A l’extérieur, la pluie semble avoir cessé bien que la buée recouvre les vitres. Un maigre sourire. -Vous venez de confirmer que ce n’était pas qu’une impression de ma part, n’est ce pas? -elle devrait se retenir mais… -Pourquoi est ce que la pierre a réagi comme ca? Qu’est ce qui s’est passé exactement? Connaitriez vous quelqu’un capable d’inverser les effets sur ma psychée?
Elle revient vers la table de travail, le regard irrésistiblement attiré par la future amulette. -Elle promet d’être absolument divine. J’aurais une exigence. Que vous ne reproduisez pas cette pièce pour quelqu’un d’autre. Vu le prix à venir, que ce soit un bijou unique ne devrait pas être une trop grosse contrainte? -Il y a certainement de la vanité dans sa demande, à vouloir être la seule à posséder un pendentif aussi exceptionnel.
Bon. Au moins elle a accepté le pacte. Ce qui signifie que tu n’es pas totalement dans la merde, que tu as une porte de sortie et… qu’elle risque de se refermer à n’importe quel moment si tu ne fais pas attention. Et puis le bijou va lui coûter une fortune. Si tu n’étais pas capable de gagner de l’argent autrement, tu mettrais sans doute un mouchoir sur tes questionnements et tes craintes. Sauf que. Sauf que tu ne manques pas d’argent. Sauf que tu es capable de tailler des pierres réputées difficiles, ou mieux encore, de les repérer dans une gangue minérale qui tromperait n’importe qui d’autre. Que tu es capable de trouver un gisement précieux sans creuser. Que ton compte en banque est suffisamment rempli et que ton mode de vie spartiate fait que l’argent est beaucoup moins attractif que pour une personne lambda. Pourtant, tu ne mets pas la cliente dehors alors même qu’un instinct de survie basique te crierait de le faire pour ta sécurité. Quand bien même cela veut dire que tu risques d’avoir tôt ou tard à faire avec des vampires eh bien… tu es incapable de laisser une sœur dans le besoin. A la merci d’un homme, mortel ou non, vivant ou non, cela t’es insupportable. Elle ne s’en doute pas mais tu serais capable de lui offrir cette amulette si elle n’était pas en mesure de te payer. Même si tout a un prix.
« Non en effet. Ce n’était pas une impression. Cette pierre n’aurait pas réagi aussi violemment si votre psyché n’avait pas été autant malmenée. » Tu tais le fait que tu as infusé la pierre de ton pouvoir il y a quelques temps, que tu as fait en sorte d’exacerber ses propriétés afin de détecter toute manipulation mentale. Comme si tu savais que ça te servirait un jour. Foutu instinct. Enroulant une mèche de cheveux autour de ton index, tu te mordilles pensivement la lèvre inférieure. Tu vas devoir en toucher deux mots aux rares arcanistes du coin que tu connais. Tu n’es pas capable de gérer ça seule, tu n’en as pas les capacités. Peut être qu’Eoghan saura t’orienter vers quelqu’un de plus compétent pour aider cette femme. Toi, tu ne peux que faire cette amulette en espérant qu’elle soit assez puissante pour lui offrir de précieuses secondes pour se mettre en sécurité. « La pierre a subi un trop plein de… comment dire… je n’aime pas cette expression mais, un trop plein d’énergie négative dirons-nous. C’est une pierre utilisée normalement pour absorber ce genre de force et pour protéger, mais là c’était beaucoup trop. Elle est foutue. Je ne connais personne qui saurait réparer votre psyché mais je peux me renseigner. Si jamais je trouve un nom, je vous le ferais savoir. » Précautionneusement, tu reprends la labradorite et tu l’enveloppes dans un linge sombre avant de la ranger. Plus tard, tu iras l’enterrer au fin fond du bayou pour qu’elle retourne à la terre.
Machinalement, tu reprends ton dessin, ajoutant des détails, gribouillant des variantes sur le côté, jetant parfois un coup d’oeil à ta cliente et notant alors des mesures dans un coin afin que l’ensemble soit harmonieux. Un ricanement t’échappe soudain alors que Medea exige l’exclusivité de la pièce. « Je ne fais jamais la même pièce. De toutes façons il n’y a pas une pierre semblable à une autre. Et vu le travail que ça va me demander j’en ai environ pour deux mois à travailler exclusivement dessus. Le délai vous va ? » Tu arraches une feuille de papier, griffonnes un prix indécent dessus et la tends à ta cliente. « Est ce que ça vous convient ? Outre le fait que les matières premières ne sont pas données, vous payez aussi le fait que je suis douée. Si vous pouvez repasser à la boutique, vous aurez un devis détaillé dans trois jours. » Non tu n’es pas seulement douée. Tu es la meilleure dans les parages. Peut être même des états alentours. Et sans doute la seule assez dingue pour se lancer là-dedans. Mais pas sans précautions. « Nous signerons le pacte à ce moment-là. Marché conclu ? » Sans hésiter tu tends la main. Elle peut encore reculer. Toi, tu es décidée. Peu importe les risques.