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Until the storm's past | Jenaro

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Sam 25 Fév - 18:32 (#)





État de New York, septembre 1976.

Un râle sourd emporte avec lui la quiétude d’un profond sommeil, balayé par les premières lueurs de l’astre lunaire. Dans une grimace s’apparentant à une vive douleur, les muscles contractés comme s’ils étaient encore capables de porter les effets de banales crampes humaines, le corps s’extirpe de son coma éphémère dans une agitation devenue familière. Dans cet entre-deux dont il lui est toujours plus difficile de s’échapper, elle lutte. Usures fantomatiques, stigmates psychosomatiques, c’est une bataille constante. Encore plongée dans des limbes salutaires, à peine consciente, elle sent déjà la Soif poindre, sournoise, absolue, tempête de sable soufflant tout sur son passage et ensevelissant sous ses gerbes tout espoir d’amélioration. Son esprit divague, copie altérée de symptômes passés que sa condition pourtant devrait annihiler. Froide comme la mort qu’elle a épousée sans consentement, l’impression funeste d’être emportée par une fièvre brûlante la force à geindre plus fort et à se tourner sur le côté, dans une position foetale d’une pitoyable vulnérabilité. Dans ses veines cyanosées coule une lave ardente qui oblige son dos à s’arquer au seuil limite de ce qu’un corps peut normalement supporter. Malgré l’implacable jeunesse de ses traits, la sensation que sa peau s’écaille et se détache comme un fruit laissé trop longtemps au soleil force un sursaut et ses paupières s’ouvrent en grand telles deux soucoupes, paralysée par la douleur que son esprit abîmé façonne et par une peur viscérale que les années l’aient finalement rattrapé.

Nouvelle nuit, même supplice.

Ses jambes deviennent coton alors qu’elle se redresse et elle s’empêche une chute honteuse seulement en se raccrochant de justesse aux montants du lit. Un pas après l’autre, sa tête lui tourne et lui assène à intervalle régulier des décharges électriques. La porte de sa chambre est son prochain sauve conduit. S’étalant contre celle-ci, ses doigts tremblants cherchent la poignée et par trois reprises, échouent lamentablement à en ouvrir l’accès. Le couloir lui semble interminable et son ascension trop lente comme dans ces rêves cauchemardesques, en complète distorsion du temps. S’il était encore capable de telles prouesses, nul doute que son cœur martèlerait sa poitrine et qu’elle en percevrait les échos jusqu’à ses tempes. À de multiples reprises son épaule rencontre la surface râpeuse du mur et elle doit interrompre sa progression. Mais la Soif est la plus forte, comme toujours et chaque fois, tel un automate programmé pour une tâche précise, ils se remettent en action. Un pas après l’autre.
La cuisine est son dernier point de chute. Dans une balance fragile, un mètre est avalé, puis un second avant que son corps chute contre la table. Dans un râle rageur et un soupir de frustration, elle prend appui contre cette dernière, faible, junkie que rien n’arrête. À la volée, la porte du réfrigérateur est ouverte et sa précieuse drogue lui apparaît, empaquetée sommairement dans une poche en plastique qui souillera le goût, elle le sait, de ce nectar tant convoité. Toujours la main tremblante, elle l’attrape et sans prendre la peine de réchauffer le liquide rougeâtre qu’elle contient, ses dents en percent la surface et elle s’abreuve, enfin. Dans de longues aspirations, elle nourrit ce besoin primaire et impétueux et fait taire les mille voix qui l’ont conduite ici depuis son réveil.

Son corps chute et l’immortelle, ou ce qu’il en reste, ne cherche pas à atténuer le choc brutal contre le plancher. Un sourire aux lèvres, les yeux perdus sur une fissure au plafond qui court et se meurt dans un coin de ce dernier, elle reste là, sur le dos, loin d’être rassasiée mais soulagée jusqu’à la prochaine dose, maigre ration que ses bourreaux lui octroient quotidiennement.

***


Orlando Letelier, ancien ministre de la défense de Salvador Allende, a été assassiné à Washington lors d’un attentat à la voiture piégée. Sa collaboratrice Ronni Moffitt compte également parmi les victimes. Le mari de cette dernière ayant été, quant à lui, grièvement blessé, a été transporté à l’hôpital. Tout porte à croire que l’attentat a été perpétré par la DINA sous les ordres de Pinochet et les États-Unis ont demandé l’extradition de l’agent américain Michael Townley, membre de la DINA et soupçonné d’être impliqué dans cet assassinat. L’événement fait suite au…

La chaîne d’information est éclipsée au profit d’une chaîne musicale quelconque où une femme à la coupe de cheveux moderne soutire une grimace à l’immortelle alors que les mots “Lost in France” l’obligent à fermer les yeux quelques secondes pour ne pas se laisser happer parce que ce pays fait naître comme souvenirs tortueux en elle. Son Français l’avait abandonnée plusieurs années plus tôt et avait nourri une nouvelle frénésie le long de la côte est, précisément celle qui l’avait conduite à se retrouver surveillée par deux entités que tout opposait. La seconde s’était éclipsée la veille pour une affaire urgente, ou pour se soustraire au babysitting forcé qui devait entamer sa patience. Comment lui en vouloir quand elle-même se serait délestée depuis longtemps de ce boulet accroché à sa cheville? Car c’est ce qu’elle était, depuis deux ans déjà. Une bombe à retardement. Un sursis provisoire. Une tentative illusoire de la remettre sur le droit chemin et de préserver le secret de leur existence. Mais l’asiatique n’était pas dupe. Leurs efforts combinés n’y changeraient rien. Car aucun être sur cette terre, qu’il soit humain ou surnaturel, ne réparerait un esprit aussi torturé que le sien. Pas après tout ce qu’elle avait fait. Et surtout pas après tout ce qu’elle avait subi. Les traumatismes étaient trop nombreux et leur souvenir trop présent. Il lui arrivait encore de se réveiller en visualisant les murs décrépis de sa geôle, de lever les yeux sur cette porte à l’ouverture circulaire, les regards sadiques des japonais remplacés par l’azur d’Aliénor ou le regard de Jenaro.
Deux années que Mei était sage, qu’aucun nouveau corps n’avait laissé une traînée sanglante dans son sillon, qu’on lui imposait un contrôle strict par un régime alimentaire hautement surveillé. Si la dépendance physique semblait s’être atténuée, la dépendance mentale, elle, la mettait encore à mal. Oh, passé le réveil, la vampire donnait le change dans ce calme apparent qui donnait l’impression que tout glissait sur elle sans l’atteindre. Mais si la créature semblait s’être assagie, si sa jumelle gardait une place discrète sous ses entrailles, le volcan continuait de gronder et de rugir sous la surface. Une simple étincelle, une contrariété, et nul doute que la harpie s’éveillerait de son repos forcé.

La porte de l’appartement s’ouvre mais, dos à elle, installée sagement dans le canapé du salon, elle ne fait aucun signe pour accueillir l’invité qui n’a rien de mystérieux. Coupant le son de la télévision en laissant cette fameuse Bonnie Tyler s'époumoner sans irriter davantage ses tympans, elle continue de remplir le nouveau carnet commencé deux ans plus tôt et noirci d’arabesques chinoises qu’elle seule peut déchiffrer. Ne s’étant jamais accoutumée à la modernité, c’est encore à la plume et l’encre qu’elle travaille dans des lignes parfaitement dessinées, éducation oblige.

Nul besoin de lever son nez vers le nouvel arrivant pour en connaître son identité. Son odeur vient déjà chatouiller ses sens, alertes, balançant entre crainte et fascination, comme toujours. Terminant sa phrase, elle finit par reposer le bout de la plume dans l’encrier, laissant les pages du carnet ouvertes le temps que l’encre sèche. “Mon bourreau préféré” lance-t-elle en se tournant finalement dans sa direction, les avant-bras en appui sur le dossier du canapé, le menton posé sur ces derniers. “Je t’ai manqué?” demande-t-elle sans attendre réellement de réponse, plusieurs mois s’étant écoulé depuis leur dernier entretien.

C’était leur seule règle semble-t-il. Ne jamais la laisser seule et éviter scrupuleusement de se trouver dans la même pièce.

Aliénor et Jenaro. Tout une histoire….

Deux bourreaux, deux alliés, une multitude de questions et de défiance.
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Jeu 9 Mar - 21:17 (#)



Until the storm's past
La blouse blanche de Jenaro Silva claque contre ses jambes au rythme de la frénésie qui vibre autour de lui. L’hôpital Bellevue ne connaît aucun repos malgré l’heure tardive. Les infirmières débordées passent à côté de lui sans le voir pour prendre en charge ici la victime d’une attaque à main armée, là le corps froid d’un dealer déchu. Personne ne prête attention au vampire qui s’est infiltré parmi les soignants. New-York est devenue en quelques années la capitale du crime, le taux de criminalité s’est envolé et ceux qui en pâtissent le plus courent de lit en lit avec la lourde tâche de déterminer qui vivra et qui ne verra plus. Les talons de ses santiags martèlent le linoléum vallonné d’un terrain connu, attirant ça et là quelques regards circonspects de ceux qui portent les sabots règlementaires. Rien qu’une marche pressée, les sourcils froncés ne puisse effacer. C’est la première fois qu’il porte le nom du Dr. Ortiz ce soir. Il a d’habitude une préférence pour Dr. Martinez, ils sont quatre à porter ce nom dans cet hôpital et il est toujours plus facile de voler une blouse et de se faire passer pour l’un ou l’autre, selon qui le demande.

Il n’a même pas à mimer la moue torturée du médecin qu’on a sorti du lit, les odeurs d’éther, de javel et juste en dessous celles du sang et de la mort assaillent son odorat trop sensible. Semaine après semaine, l’ex-corsaire ne s’y habitue toujours pas. « Dr. Martinez, bonsoir. » Il faut une seconde à Jenaro pour se rappeler de sa fausse identité et reconnaître l’unique infirmière qui semble, nuit après nuit, savoir où le trouver. Mierda. « Peggy… » La voix de Jenaro est un suave mélange de surprise et de désir qui fait mouche chez la trentenaire, il le voit à son sourire coquet et à la façon dont elle glisse une mèche de cheveux auburn derrière son oreille. Si seulement il avait eu quelques heures de plus devant lui, il se serait risqué à la goûter. Il a toujours eu un faible pour les rousses. « Cariña, je croyais que tu ne travaillais pas ce soir. » L’espagnol avait vérifié les plannings pour être certain qu’il ne la croiserait pas avec la blouse d’un autre médecin. « Tu viens d’éclairer ma nuit. »

Quelques tendres flatteries et la vide promesse d'un verre et d'un bon repas plus tard, Jenaro atteint enfin sa destination : la banque de sang Bellevue. L’étudiant qui monte la garde somnole sur sa chaise, le caïnite n’a qu’à se pencher par-dessus la réception pour que la raison de sa présence soit enfin satisfaite. Des milliers de poches de sang patientent, classées par date de ponction. La section qui l’intéresse est plus loin dans la salle dont la température ne dépasse pas les 5 degrés. La livraison a eu lieu plus tôt dans la journée, une centaine de poches de sang qui n’ont pas plus de vingt-quatre heures. C’est ce qu’il y a de mieux pour calmer la Bête sans risquer le massacre et par extension, la mise à risque d’un secret jalousement gardé.

+++

Les vocalises d’une jeune Bonnie Tyler parviennent aux oreilles de Jenaro depuis le couloir qu’il remonte avec prudence, alerte. Il a déployé autour de lui le Voile de la Nuit, dissimulant son corps immortel aux yeux de tous. Les sons et les bruits se mêlent, s’entremêlent rendant la tâche du vampire difficile. Il n’entend pas de respiration erratique par-dessus les murmures du couple qui se dispute à voix basse pour ne pas perturber le sommeil trop léger de leur nouveau-né. Les éclats de rire de deux barons de la drogue qui réduisent en poudre la nouvelle drogue à la mode chez les magnats de la finance ne supplantent aucun bruit de chair déchirée. Il y a plusieurs mois que Mei n’a pas cédé à l’appel de la Bête, cela ne veut pas dire qu’elle n’y répondra plus jamais, Jenaro le sait. Il se souvient encore de la douleur de la Soif, des griffes de la Bête au creux de son estomac. Il se souvient du plaisir dans l’horreur, du joug sous lequel la Bête a presque réussi à soumettre le jeune Néophyte qu’il était alors. Prudencia. Le souvenir de sa mère l’avait aidé à lui échapper. Il l’avait vue dans l’expression horrifiée d’une femme qui l’avait surpris en plein sanglant festin. Il l’avait tuée pour l’empêcher de prévenir les hommes du village dont plusieurs habitants avaient succombé à l’animal qu’avait été Jenaro. Jamais son visage n’a été effacé par le temps, c’est elle qu’il revoie à chaque fois que la faim le tenaille trop longtemps.

Une porte claque, ramène Jenaro loin des Caraïbes, au cœur de celle qu’on a commencé à appeler la Big Apple. Si certains silences ont le goût du danger, celui qu’il perçoit de la geôle de Mei Long a le goût de l’ennui. L’espagnol laisse tomber le Voile de la Nuit pour se glisser dans l’appartement. Le parfum d’Aliénor subsiste, il le reconnaitrait entre mille. S’il la sait physiquement loin d’ici au moins pour quelques semaines, sa présence n’en est pas pour autant effacée. Il ne l’a plus vue depuis des mois si ce n'est pour s'échanger les tours de garde pour leur prisonnière volontaire. La chinoise ne s’émeut pas de sa présence. Il ne voit que le port altier de sa nuque, l’obsidienne de ses cheveux raides dépasser du canapé défoncé sur lequel elle est perchée. Ce n’est que lorsque toutes les serrures ont été soigneusement refermées qu’elle s’adresse à lui. « Mon bourreau préféré. Je t’ai manqué ? » Jenaro ne retient pas le sourire qui dévoile un aperçu d’une paire de canines aiguisées.

Derrière la porcelaine parfaite d’une femme aux airs fragiles, il a découvert un esprit, certes altéré par l’innommable Bête, mais affuté, intelligent. Des traits de caractère qui ont sûrement provoqué la perte de tant d’hommes… Puta madre, le corsaire qu’il avait été aurait sûrement subi le même sort, pense-t-il avec humour. « ¿ Qué ? Pas un jour n’est passé sans que je ne pense à toi, Reinita. » Le ton est moqueur alors qu’il contourne le canapé. Il n’est pas surpris par les pages noircies du carnet de la "petite reine" ni par l’attirail traditionnel qui l’accompagne. L’ex-corsaire sort de sa besace en cuir un paquet qu’il dépose sur la table basse sans un mot. Il contient de l’encre, une plume et un carnet supplémentaires. C’est qu’il mériterait presque son titre de bourreau favori. « J’imagine que tu t’es nourrie ce soir. As-tu fait des progrès depuis la dernière fois ? » Jenaro a disparu dans la cuisine pour vider son sac et remplir le frigo des poches de sang subtilisées à l’hôpital.

« Depuis combien de temps n’as-tu plus vu les étoiles ? » L’interrogation est soudaine alors qu’il se laisse gracieusement tomber dans le canapé à côté d’elle. Les talons de ses santiags claquent contre le formica de la table quand il l’utilise pour étirer deux jambes couvertes d’un Jean évasé. Contrôler sa soif est plus aisé quand la tentation n’est pas sous le nez. Ne serait-il pas temps de tester sa résistance ? « Veux-tu aller te promener Reinita ? » L’espagnol laisse tomber sa tête en arrière contre le dossier du canapé, son regard brun brille d’un éclat qu’on ne pourrait qualifier que de tentateur, provocateur. Sa proposition est dangereuse, oui. Elle est pourtant purement égoïste. S’il doit être son bourreau, il préfère le faire avec ses propres conditions. Il n’acceptera pas de rester enfermé une partie de la nuit avec Mei, nuit après nuit, sans autre distraction que le TOP 50 de la semaine précédente. Du moins c'est ce dont il tente de se convaincre pour faire taire la voix empathique loin, très loin dans son esprit.

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Dim 12 Mar - 15:37 (#)





L’ironie qu’il ne prend même pas la peine de masquer ne fendille aucunement l’email que les années ont façonné sur le marbre lisse et froid de ses émotions. Que ses mots soient teintés de vérité ou simples serviteurs d’une humeur que l’hispanique tenterait de cacher, ses mâchoires crispées réagissent davantage au nouveau surnom que ce dernier se plaît à l’afflubler qu’à tout ce beau verbiage qui accompagne le brun et son accent si particulier. Levant les yeux au ciel pour signaler silencieusement le désaccord qu’il ne prendra évidemment pas en compte, elle le voit déjà en abuser et titiller une patience déjà mise à rude épreuve.
Jenaro.Tout un paradoxe en soi. Elle avait parfois l’impression que tout glissait sur lui comme l’eau sur une feuille. Dans ses attitudes et ses discours planait une légèreté que le monde d’aujourd’hui ne produisait pas en écho, comme si tout ce qui les avait précédé ne soufflait d’aucune conséquence. Ce sourire charmeur que Mei ne rêvait que trop souvent d’effacer, cet œil rieur qui la faisait se crisper, cette nonchalance toute masculine qui l’irritait plus qu’elle ne daignait le montrer. Portée assurément par le ressentiment et la rancoeur emmagasinés, l’Immortelle n’oubliait pas. Que derrière tout ce qu’il laissait filtrer, au-delà de la mission qu’il s’était lui-même octroyé de la remettre sur les rails et cette relation imposée qui les liait maintenant, c’était sa main qui avait failli précipité sa chute et son oubli. Qu’elle ne devait son sursis qu’à la seule amie qui avait risqué gros pour sa sauvegarde. Que sa précieuse alliée s’en était allée quérir d’autres sources de satisfaction sous le couvert d’une affaire prioritaire - c’est en tout cas ce que la jalousie la poussait à résumer ainsi - et qu’elle était de nouveau seule avec son bourreau.
Les murs fins et l’insonorisation inexistante de cet appartement ne la sauveraient pas. Chaque fois qu’il pénétrait ce lieu, son esprit ne pouvait s’empêcher d’y penser. À quel point il lui serait aisé d’achever son travail. Il était plus vieux. Plus puissant. En parfaite maîtrise de ses dons et capacités. Toute la hargne dont était capable la harpie, toute ses bassesses et son esprit vicieux ne lui seraient d’aucun secours face à lui.

Pourtant, sagement préservés derrière toute cette négativité, elle ne pouvait nier tous les autres sentiments qui semblaient naître en sa présence. L’autorité de Jenaro était tout ce dont elle avait besoin pour reprendre pied dans une réalité plus difficile à assumer d’année en année. Plus la modernité la rattrapait, plus la technologie avançait, plus elle sentait l’équilibre se faire plus précaire encore. Le fil sur lequel la Chinoise se balançait depuis trop longtemps déjà se voyait ronger par des regards toujours plus curieux et des questionnements toujours plus pointus. La Religion et les mythes d’antan derrière lesquels il était si facile de se réfugier s’estompaient aussi sûrement que de nouvelles idoles apparaissaient. Comment rester invisible dans un monde où n’importe quel groupe de rockeurs ou acteur possédant un tant soit peu de charisme rassemblaient une foule de fidèles plus conséquente que la messe du dimanche matin? Comment rester tapie dans l’ombre quand les scientifiques repoussaient tous les jours un peu plus la fine barrière qui séparait leur monde du leur? Le coup d'œil qu’elle porte sur son comparse ne lui apporte bien sûr aucune des réponses qui taraudent son esprit solitaire et esseulé. Le rejet qu’elle s’évertue à nourrir est aussi palpitant et néanmoins vain que ses veines cyanosées. Elle a besoin de lui. De sa dureté, de son inflexibilité, de la menace sous-jacente que l’ancien corsaire porte avec lui. Sans compter ce quelque chose de rassurant qu’elle refusera de nommer et pour lequel elle ne trouve aucune cohérence.

Le paquet qu’il dépose à son attention achève de la troubler. Si son regard se perd sur le précieux présent, rien sur son visage ne laisse deviner une quelconque reconnaissance, satisfaction ou enthousiasme. Elle se refuse à lui faire ce cadeau en retour, se promet de ne lui offrir aucun pouvoir sur sa personne autre que celui que la situation l’oblige à accepter. L’impatience intérieure qui la gagne pourtant alors qu’il reprend la parole n’est pas longue à céder. Profitant de sa migration en cuisine, elle se rapproche du bord du canapé et ses doigts décortiquent l’emballage sommaire alors que le mensonge point avec une déconcertante facilité. “Une poche de sang, pas une de plus, comme tu le voulais…” répond-elle dans un automatisme relatif alors que son regard se perd sur le nouveau carnet, la plume et l’encre noir. Précisément celui qu’elle use d’ordinaire et non cette copie américaine bas de gamme. Qu’il ait à ce point le sens du détail lui tord un peu plus les entrailles. Manipulation psychologique ou sincère attention? Débarrassant l’inutile, elle aligne soigneusement les trois présents sur la table, envoyant valser la culpabilité de non-dits qui lui coûteraient trop, ravalant le manque que sa condition exploite et l’enfer de son éveil, effaçant dans le trouble provoqué volontairement ou non par son aîné la déchéance de son pathétique et pitoyable périple jusqu’à son sa précieuse vitae. “Merci” souffle-t-elle simplement et de façon presque inaudible mais avec l’assurance qu’il aura perçu sa reconnaissance, heureuse de ne pas avoir à affronter son regard.

Encore dans un état impossible à retranscrire, la Caïnite ne peut empêcher un mouvement de recul quand son maître et bourreau prend place à ses côtés. Plus que la pudeur que sa psyché brisée lui impose, la crainte qu’elle ne parvient pas à annihiler. Sa question lui soutire un haussement de sourcil alors que ce dernier prend ses aises et dans un réflexe désuet de protection elle croise ses bras sous sa poitrine. Elle pourrait lui rétorquer un tas de choses pour aller dans le sens contraire de ses expectatives mais opte pour un silence prudent.
La proposition la prend de court et la Vampire repose sur lui un regard empli de méfiance et de dureté. Se confronter à ce même sourire charmeur et à l’étincelle qui persiste dans ses pupilles sombres mêlé à leur passé commun ne saurait la perturber davantage. À quel nouveau jeu dont lui seul connaissait les règles les perdaient-ils?

Le détaillant plus que de raison, elle laisse le silence reprendre ses droits, attendant un rire moqueur qui ne vient pas. Du sérieux de sa requête naît mille autres questions auxquelles l’Immortelle refuse pourtant de se soumettre. Pas ce soir, pas dans cette fatigue chronique qui habite son être. Pas dans cette fragilité qu’elle exècre et la fait se sentir autre. Elle acceptera tout, sans doute trop, mais pas cette énième pique. Combien d’idiotes à la cuisse légère étaient tombées pour quelque faveur de ce maître imposé? Elle devait l’avouer, Jenaro avait ce charisme que les hommes modernes avaient perdu en même temps que leur classe d’antan, pour quiconque aimait le type méditerranéen. Mais elle était plus digne que ça. Assurément.

Rompant le contact visuel, elle resserre un peu plus ses bras autour de son propre corps et se rembrunit un peu plus. “Si tu cherches une excuse pour achever ton œuvre, il t’en faudra trouver de plus subtile.” Réplique cette dernière, maussade et peut-être même déçue. Pourquoi ce besoin de l’envoyer au casse-pipe? “Je fais du mieux que je peux. Mais je refuse de foncer tête baissée droit dans le mur que tu auras érigé pour moi. Si je perdais pied cette nuit, il ne t’en faudrait pas plus pour me réduire à néant sous prétexte de préserver le secret.” Pessimiste, en proie aux doutes et à cette parano que seuls ceux qui ont frôlé la mort véritable peuvent comprendre. “Tu peux m’imposer toutes les règles que tu veux et je les suivrais. Tu sais très bien que je ne rêve que d’un échappatoire à cette prison pas si dorée que ça. Mais je refuse de danser avec ce Diable si je ne suis portée que par la crainte des conséquences.” Osant de nouveau affronter son regard, à la fois quémandeuse et réfractaire, elle conclut. “Si tu veux prendre ce risque, il te faudra oublier ton costume de bourreau et adopter celui de guide.” Celui qu’elle n'avait jamais eu. Celui qui lui avait si cruellement manqué. Celui qu’elle espérait parfois voir en Jenaro mais aquel sa voix intérieure lui soufflait de ne pas croire.
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Sam 6 Mai - 19:38 (#)



Until the storm's past


L’agitation dans les yeux de Mei amuse follement Jenaro qui ne prononce pas un mot alors que les siens font leur petit chemin dans la tête de la petite reine. Elle est de ces femmes qui ne laissent rien paraître sinon leur doux mépris et, ce soir, sa proposition semble avoir ébranlé la petite reine. Il ne connaît de son histoire personnelle que les grandes lignes, il n’a jamais trouvé utile d’en savoir plus. Eût-il été curieux et posé la question, il est certain qu’elle n’y aurait répondu que par le regard glaçant qu’il lui connaît si bien. Les femmes… si complexes que, malgré des centaines d’années à les aimer, l’ancien corsaire ne peut toujours pas se targuer de les comprendre. La seule chose dont il peut être sûr à cent pourcent est que sa question l’a visiblement affectée. Il le voit dans la façon dont son dos se raidit, dont son visage s’assombrit. Il n’a aucune idée d’à quel point cependant. Si elle avait eu le pouvoir de tuer d’un regard, il aurait péri sur ce canapé tâché aux ressorts défoncés à quelques mètres d’un laboratoire de drogue dure dans les bas-fonds du quartier le plus sordide de New-York. Pathétique mort pour un Caïnite.

La flamme d’un Zippo éclaire son visage d’une lueur orangée, lui donnant l’air, l’espace d’un instant, du monstre qu’il semble être aux yeux de la chinoise. Le feu brille dans ses yeux, aperçu des Enfers et de ses sombres abîmes, et s’y reflètent tout ce qu’il a subi et fait subir au fil des siècles. La fumée d’une cigarette s’écoule d’entre ses lèvres, torrent montant vers le ciel. Fumer ne lui procure aucun plaisir sinon celui de satisfaire une habitude née des dizaines d’années auparavant pour se fondre parmi les humains. Depuis la fin de la Grande Guerre et particulièrement depuis les années 30, un homme qui ne fume pas n’est pas un homme. Et un homme qui n’en est pas un n’est que plus remarquable, plus repérable, ce que Jenaro veut évidemment éviter à tout prix. Il en tire une seconde longue bouffée qu’il exhale avec plus de passion cette fois, si bien que les exhalaisons effleurent Mei qui termine une tirade désabusée.

Bourreau. Ce n’est pas la première fois ce soir qu’elle utilise ce terme pour le désigner. Ni la première fois tout court. La première fois lui avait fait un tel choc, il en avait presque perdu son habituel flegme. Sans la main salvatrice d’Aliénor pour arrêter la sienne, il aurait pu montrer à la jeune vampire la vraie signification du mot bourreau, voire pire, achever ce que l’ancienne capitaine de l’Espérance l’avait empêché de faire quelques années plus tôt. Des bourreaux il en avait eu des dizaines. Des hommes sadiques qui s’étaient ris de lui à chaque fois que le misérable humain qu’il avait été avait grossièrement imploré grâce. Qui l’avaient fait coucher dans sa propre merde, des plaies plein le corps jusqu’à ce que la fièvre lui ravisse presque ce qu’il avait eu de plus précieux alors à l’époque : sa vie mortelle. Une autre bouffée de sa cigarette fait crépiter les braises au bout de ses lèvres alors qu’il étouffe soigneusement celles qui brûlent en son sein.

« Crois-tu que je me donnerais la peine de te cacher et de te nourrir depuis toutes ces années pour mettre fin à ta vie immortelle de cette façon ? » Il hausse les épaules, comme si tout cela ne le concernait pas. Et jusqu’à une certaine mesure, c’était vrai. Quelques années auparavant, il avait été sur le point de mettre fin à son existence. Il pourrait tout aussi bien le faire maintenant. Mais quelque chose l’en empêche toujours, comme ce quelque chose l’en a empêché en 1971. Le défi qu’elle représente, peut-être. Sa loyauté envers une promesse faite à son pendant féminin, sûrement. « Si je souhaitais réellement te tuer, je n’aurais besoin d’aucune excuse Reinita. » Jenaro ne mâche pas ses mots, il n’a jamais su manier le tact avec autant de grâce que feu son Sire. Et pour démontrer à Mei à quel point il est sérieux, à quel point il lui serait aisé de tout arrêter ici et maintenant, Jenaro laisse échapper un aperçu de son pouvoir. Il déploie dans le salon son Voile de la Nuit comme s’il voulait les y noyer. D’épaisses volutes noires caressent les délicates chevilles de la chinoise, remontent le long de ses mollets. Bientôt le bout des santiags de Jenaro, posées sur la table, disparaissent aussi. Le liquide, sombre et intangible, remplit la pièce jusqu’à ce qu’ils soient plongés dans les ténèbres où n’existe plus aucune lumière. Il n’a suffi que d’une poignée de secondes pour annihiler la vue et une partie de l’ouïe de Mei. Lorsque le Voile disparaît, un battement de cœur humain plus tard, la pointe d’une lame en acier est pointée sur le cœur de la petite reine.

« Je n’ai aucune envie de passer le reste de mon existence à jouer au baby-sitter, même pour una niña tan bonita. » Quelques cendres tombent de la cigarette qui n’a pas quitté ses lèvres aux cuisses étendues devant lui. Rien dans sa position avachie n’a changé si ce n’est le bras au bout duquel sa main tient le poignard qui menace à peine l’existence de la vampire. « Mon père était marin. Un homme fort, courageux comme il n’en existe plus depuis bien trop longtemps. Je ne me rappelle plus de grand chose après tant de décennies à part d’une phrase qu’il me répétait souvent. Lo que no te mata te engorda. Ce qui ne te tue pas, te nourrit, te rend plus fort. » Aussi vite qu’il a été dégainé, le poignard disparaît dans les replis de sa veste. Le bâtiment dans son intégralité et l’ensemble de ses habitants semblent retenir leur souffle. Comme si d’instinct, ils savaient qu’un prédateur rôde, sentait sa présence et la froideur glaciale de sa colère, les yeux rivés dans ceux en amande qui lui font face. « Je ne t’ai pas tué, Reinita. » Les dernières braises de sa cigarette sont écrasées sous la semelle d’une santiag vingtenaire qu’il repose sur le sol, suivie d’une seconde. Cette fois c’est le destin qui retient son souffle. À cet endroit, à cet instant, Clotho, Lachesis, Atropos et Jenaro attendent la réponse à la question muette qui flottent entre eux pour définitivement changer le cours de leur histoire. Me feras-tu confiance ?


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Sam 13 Mai - 22:46 (#)




Une odeur de nicotine vient lui piquer désagréablement les sens et la belle ne se gêne pas pour grimacer son dégoût. Elle n’a jamais apprécié les effluves de tabac chaud, quand celui-ci n’est pas mélangé aux savoureuses volutes bleutées de son précieux opium. Un coup d'œil en coin, mauvais, reste néanmoins la seule réaction qu’elle partage avec l’hispanique, qui se moque de considérer son lieu de vie autrement que comme un dépotoir et un autel à sa non gêne. L’appartement n’a rien de luxueux, cage sommaire dans un immeuble aux nombreuses malfaçons, les sirènes de police offrent une symphonie régulière sitôt la nuit tombée. Au-dessus d’elle, une pauvre junkie, l’intérieur des coudes piquée de preuves cyanosées que cette poule ne prend même pas la peine de masquer. Le cheveu d’un blond terne et filasse, la peau jaunit, les dents en lambeaux et le regard vitreux. En-dessous, un couple d’une trentaine d’années alternant entre violentes disputes et réconciliations sauvages sur l’oreiller. Quelques nègres disséminés ci et là et qui semblent extraordinairement plus sains que certains autres, bien blancs. Comme le quadragénaire partageant son étage, stéréotype du vieux garçon à la bedaine emplit de bières bon marché et de cette nourriture infâme qu’aime tant les américains. Souvent, bien trop souvent, Mei se prend à les visualiser exsangues, la langue pendante et le regard mort, avec pour dernière empreinte dans leur mémoire rétinienne son visage de porcelaine. Oh, elle avait vécu pire, ne se formalisait plus d’un mobilier new age aux teintes criardes et au papier peint délavé dont certains bords se décollaient à cause de l’humidité. Mais c’était son chez elle, au moins pour un temps. Que Jenaro s’en approprie ainsi l’espace et s’en rende maître l’insupportait au plus haut point. Il n’était qu’un invité ici, tout comme il resterait un invité dans sa vie. Elle irait mieux, avec le temps. Il disparaîtrait, avec le temps. Ils s’oublieraient, avec le temps.

Oui, elle irait mieux.

Les paroles fusent mais demeurent creuses, alimentant un peu plus sa mauvaise foi. Il trace un sillon dangereux entre haine et reconnaissance que la Chinoise n’est pas en mesure de comprendre ni même d’analyser. Lui, se pliant aux règles établies, en était l’un des instruments les plus redoutables. Prêt à sacrifier ses congénères quand l’ordre tombait pour une morale que lui seul comprenait. Jamais elle ne pourrait marcher dans ses ridicules santiags, même avec la meilleure volonté du monde, de toute façon absente. Que savait-elle, de son caractère véritable, celui qui grouillait sous ce masque d’indolence, attisait les cicatrices les plus anciennes, éveillait une vie qui, déjà, avait trop duré? Que connaissait-elle de sa propension au sadisme? Du frisson de la chasse, du plaisir malsain mais néanmoins impérieux à ôter une vie d’immortel? Peut-être que ça le faisait bander… de regarder le frêle petit oiseau qu’elle était devenue pour mieux l’achever par la suite, au moment même où elle commencerait à penser qu’elle est sauve.
La solitude n’avait jamais donné rien de bon, pour une Antique comme elle. Elle nourrissait une paranoïa latente, aiguisait un pessimisme acerbe, accentuait une dépression contre laquelle, depuis peu, il lui devenait difficile de lutter. L’assurance orale qu’il peut effectivement l’éliminer quand bon lui semblera n’aide en rien ses sentiments à retrouver un chemin moins taciturne.

Murée dans un silence que la vampire ne prolonge pas volontairement, toute pensée cohérente déserte son esprit quand, dans ce besoin qu’ont les hommes à prouver leur dominance, il use de ses capacités pour corroborer ses dires, asseoir son autorité. Là, devant elle, un démon immatériel prend forme, s’enroule autour de ses chevilles, sans sensation particulière, s’autorise une remontée qui rend ses mains tremblantes de par les souvenirs qu’une telle intrusion fait remonter en elle. Mei sait, au fond, qu’elle ne peut les sentir, les ressentir, que son esprit lui joue des tours, et pourtant, les volutes noires s’allongent, ombres protéiformes qui se muent en des doigts envieux, en des caresses irrespectueuses, ils s’agitent, s’invitent, prennent sans autorisation. Non. Les sons deviennent diffus, ne sont bientôt qu’un bourdonnement dans ses tympans. Elle implore silencieusement de les entendre à nouveau. La junkie, le couple, le quadragénaire. L’écho de leur pathétique petite vie lui manque, ainsi privée d’un énième sens. Sa vue est la dernière à disparaître, épaisses ténèbres qui la font se recroqueviller un peu plus sur le canapé. Non. Pas le noir. Pas l’obscurité. Pas le froid. Pas ça. Non non non. Pas les souvenirs. Elle lutte, lutte comme une Diable pour les faire reculer, mais dans ce néant abyssal, ils reviennent. Le mur de béton, le trou circulaire en haut de la porte de sa cellule, le visage d’un garde, l’odeur de nicotine, celle de sa propre pisse. Le régime imposé ne l’aide en rien à maintenir ce pouvoir récemment retrouvé. Les murailles tremblent, là, à l’intérieur. Des griffes acérées se fraient une sortie vers la surface et la harpie menace. Qu’il est beau, Jenaro, dans sa dignité moralisatrice. Mais il ne sait pas, ce qu’il risque à jouer ainsi pour lui prouver elle ne savait quoi. Parce qu’elle le sent, ce désir vibrant dans ses entrailles, celui de cette Autre... Il y a la peur, le dégoût, la certitude de bientôt rendre son dernier souffle. Ces sentiments-là sont les siens. Le sont-ils? Il y a la colère, la rage, le besoin de justice, le désir de vengeance et de meurtre. Ces sentiments-là sont les siens. Ou bien…? Perdue, dans ce tourbillon infernal, dans ce tourbillon de rien.

Aussi rapidement qu’il est apparu, le nuage disparaît, remplacé par une menace non moins réelle mais tangible, cette fois-ci. La pointe de la lame fait perler une goutte de sang. Et toujours les souvenirs qui affluent, refusent de la laisser en paix. Juste une once de paix dans cette immortalité de douleur. Ils l’avaient tranché, ces salopards de japonais. Tranchée comme un filet de viande, imprégnée pour l’éternité de leur marque. Mais ce n’est plus vraiment elle dont le regard se pose sur l’arme, plus vraiment elle qui juge des mots qui ne lui font ni chaud ni froid, dans cette langue exotique qu’elle ne comprend pas. Vivante donc plus forte… Ne se rend-il compte, que les yeux qui se relèvent sur lui au moment où la lame disparaît ne sont plus ce puits sans fond? Ne comprend-il pas, qu’il vient d’éveiller cette même Bête contre laquelle il aide Mei à lutter? Que cherche-t-il à compenser, avec son gros jouet? Un sourire torve étire ses lèvres, qu’il ne lui a jamais vu. “Mais papacito est mort….” rit-elle à sa barbe alors que le revers de sa main s’abat lourdement sur le bas de sa mâchoire. Protégée encore pendant au moins une seconde par la surprise, elle se rue sur lui, le faisant s’échouer sur le côté et le domine de son poids, même si elle ne pèse pas grand chose face à lui. Là, dans les yeux sombres qui s’ancrent dans les siens, il n’existe plus rien de l’inexpression. Des flammes incendiaires y dansent, premières étoiles de sa folie. “Je t’interdis de la toucher” crache-t-elle dans un sifflement et avec tout le venin dont elle est capable. Mystérieuse formulation dans une dissociation dont Mei n’a même pas conscience. “Tu ne serais pas le premier guapo mais je m’assurerai que tu seras le dernier…” Se retirant, elle recule, la tête entre les mots, répétant une négation orale dans une supplique adressée à elle seule. Combien de temps pour que sa jumelle se retire, pour reprendre possession de son corps, de sa tête, de son existence? Une seconde? Une minute? Il n’y a plus de notion de temps, en face à face avec elle-même. Son dos rencontre le mur et quand elle rouvre les yeux, le masque est fissuré. Sous le coup de trop d’émotions, elle lui lance un regard auquel il n’a jamais eu à faire face. “Tu n’avais pas le droit….” souffle-t-elle avec peine, désabusée, peinée, trahie. “Tu n’avais pas le droit.” Répète-t-elle de façon presque inaudible, troublée, salie, impuissante. “Pas le droit…”

Dans une vitesse propre à leur race, elle ouvre le battant de la fenêtre et retombant souplement sur la cage d’escalier de secours, dégringole les marches pour disparaître dans la nuit. Au loin, l’écho des sirènes de police, la musique du bar le plus proche, les rires de quelques badauds, et dans ce capharnaüm, la vampire la moins adaptée qui soit, qui se perd dans le dédale des ruelles.

Ironie macabre, que celle du bourreau venue terrasser la Bête et qui avait été l’instrument pour la sortir de sa torpeur.

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Mer 5 Juil - 14:41 (#)



Until the storm's past
La colère froide de Jenaro n’a pas apaisé la petite reine qui lui fait face, immobile sur son royal coin de canapé. Son instinct – affuté par les premières bribes de son pouvoir Auspex – lui hurle que quelque chose cloche. Comme s’il n’était plus le seul prédateur dans la pièce. Une caresse glacée dévale sa nuque puis enserre son cou. Immobile, il s’attend presque à ce qu’un nuage se forme devant ses lèvres dès qu’un semblant d’air en sortira. Quand il croise le regard de Mei, il n’a plus besoin de son instinct pour comprendre. Ce n’est plus sa petite reine qui le regarde. Il n’y voit plus la lassitude causée par des années de combat contre la faim accompagnée quelques fois de cette discrète lueur d’agacement qu’il semble être le seul à allumer chez elle et qui lui indique qu’elle a encore envie de vivre plutôt que de survivre. L’espace d’une seconde, l’espagnol se laisse envahir par la surprise et c’est tout ce qu’il faut à l’autre pour le désarçonner.

Le dos de la main de l’autre frappe sa mâchoire dans un geste humiliant qui enflamme l’ego malmené de Jenaro. Fut un temps où il avait tué pour moins que ça. Pour un sourire adressé à la femme à ses côtés, pour un coup d’épaules dans un quartier malfamé. Il pourrait la tuer pour ça. Il aurait dû la tuer quand il en avait reçu l’ordre il y a cinq ans. Il savait qu’un jour ou l’autre ce jour viendra. Qu’il n’avait alors que repousser l’échéance de quelques années, quelques décennies s’ils avaient de la chance. Aliénor croyait dur comme fer qu’ils y arriveraient, qu’en bonne compagnie Mei Long serait capable de contrôler sa Bête comme tous les deux avaient su le faire au début de leur vie immortelle. Ce qu’elle avait omis, consciemment ou non, mais que Jenaro n’avait jamais oublié était son âge. Ils avaient été nouveau-né quand ils avaient appris à contrôler leur Bête. Mei avait depuis longtemps dépassé ce stade et les vampires, bien plus que les humains, s’empêtrent rapidement dans les mauvaises comme dans les bonnes habitudes. Changer Mei nécessite un temps que Jenaro n’est plus très sûr de vouloir investir.

Ses yeux bruns fixent ceux de l’autre dans lesquels brillent le violent brasier de sa folie et il distingue, l’espace d’un instant, ce que plusieurs années plus tard, il identifiera comme l’aura, pas de Mei, mais de l’autre, la Bête, vibrer autour de son corps physique. Plus sombre, plus tangible qu’il n’en avait jamais vue jusqu’à présent. La vampire possédée saisit l’occasion pour lui sauter au cou. Il n’a le temps que d’attraper ses mains pour éviter d’autres dégâts – à sa plastique ou à son ego. « Reinita. Reinita ! Mei ! » Elle ne reconnaît pas son nom, ne s’émeut pas de ce surnom qu’elle méprise. « Je t’interdis de la toucher. Tu ne serais pas le premier guapo mais je m’assurerai que tu seras le dernier… » Ce n’est plus la chinoise qui est au contrôle de son corps immortel. Même sa voix a quelque chose de nouveau et d’ancien à la fois, menaçant. « Tu trouves que je suis beau ? » L’intonation faussement flattée est mise à mal par l’effort qu’il met à tenter de repousser Mei sans la blesser. « Mei, reprends-toi. Ne gâche pas tous les efforts qu’Aliénor a fait pour te garder en vie. » L’ancien corsaire ne veut pas la bousculer pour l’instant, d’autant plus qu’il est la cause de sa crise, mais sa patience atteindra bientôt sa limite. Puta madre, qu’est-ce qu’il m’a pris d’accepter de ne pas la tuer ? La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît, mêlée d’émotions – culpabilité, compréhension, haine, amour – pour certaines vieilles de plusieurs siècles. À cet instant pourtant, Jenaro n’arrive pas à y faire sens. N’arrive pas à se souvenir des raisons pour lesquelles il ne devrait pas mettre fin à sa vie immortelle, ici et maintenant. La vampire s’éloigne, la tête entre les mains et quand il croise à nouveau son regard, le regard de Mei… tout fait à nouveau sens. Ce pourquoi ils sont là. En dehors de la volonté de fer d’Aliénor, c’est parce qu’il a été Mei, une éternité plus tôt. Contrôlé par la soif, incapable d’y donner sens. Désabusé, peiné, trahi lui aussi. Troublé, sali et impuissant. « Mei… » Celui qui ne l’a jamais appelé que Reinita tend une main qu’il veut paisible vers la chinoise. Une milliseconde passe comme une minute au terme de laquelle elle fuit. Elle le fuit.

Cette fois-ci, Jenaro ne perd pas une seconde à rester ébahi. Il se lance à sa poursuite, bolo tie au vent, la douleur de Mei comme un poids au creux de son estomac. Il ressent avec une acuité inquiétante le maelstrom d’émotions qu’elle a envoyé avec les derniers mots qu’elle lui a adressé. Auspex… Encore une nouvelle manifestation de ce pouvoir qu’il comprend si peu. À l’odeur et au bruit de ses pieds nus sur le bitume, il retrouve sa prisonnière en quelques minutes. Ils passent à toute vitesse l’un après l’autre devant des humains à l’esprit attaqué par la drogue et l’alcool auxquels Jenaro prête à peine attention. Ils ne sont que deux éclairs colorés dans les rues ternes de New-York, rien à distinguer ni à identifier. Il la rattrape dans une ruelle derrière un restaurant chinois dont l’arrière-salle sert de casino aux petits malfrats de la ville. Deux d’entre eux fument une cigarette à la feinte odeur d’opium quand apparaissent Mei, tenue par la taille quelques centimètres au-dessus du sol par Jenaro. Les deux humains les observent curieusement une seconde, leur temps de réaction ralenti par la vitesse des deux vampires et l’alcool que Jenaro sent dans leur haleine. Un geste à peine esquissé en direction de leurs armes suffit pour que le Voile de la nuit leur tombe dessus pour protéger leur secret autant que les protéger de l’autre. Leurs hurlements de peur sont étouffés par les ombres : s’ils en meurent, Jenaro n’en a cure. Le destin de deux pauvres humains pèse bien maigre dans la balance face à la Mascarade.  « Mei… Mei ! » Il sait très bien quels mots devraient suivre mais les excuses n’ont jamais été son fort. « Mei, tu dois garder le contrôle sur ta Bête, sur ta soif. Reinita, tu n’es pas en danger avec moi, je te le promets. Si tu ne me fais pas confiance, fais au moins confiance au jugement d’Aliénor. » Il parle à son oreille, bien conscient qu’une torsion suffisamment bien exécutée le met à portée des crocs de la chinoise. « Reprends-toi et je t’emmènerai chasser loin de cette prison pas si dorée. » Il veut lui faire confiance pour reprendre le dessus et dans le cas contraire… « Je ne veux pas te tuer Reinita, je ne veux plus. » confesse-t-il à mi-voix.

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Dim 8 Oct - 13:25 (#)




L’opium distille dans ses narines le souvenir terni d’une autre vie, le luxe d’un palais dont jamais plus elle ne foulera le sol, les ruines d’un Empire soufflé par une révolte populaire, les cendres d’un pouvoir que sa lignée s’est laissée prendre. Le virage disgracieux que sa fuite avait causé, fendant la tête de ce même opium fumé dans la soie et l’or. Paysanne vulgaire, Impératrice déchue, survivante d’un Caliçat avorté. Elle ne l’avait retrouvé que bien plus tard, dans ce vingtième siècle décadent, se jouant d’un humain lambda, accusant le statut de trophée exposé. Ce même opium, éternel ami, fruit de sa rencontre avec la Dame que jamais plus elle n’a quittée. Les deux humains qui s’enivrent de ses vapeurs hautement parfumées éveillent ce volcan que la belle pensait sagement endormi. Le sommeil du juste ne l’aura guère préservé plus de quelques mois. Force sournoise qui veut tout emporter, de sa conscience à sa vie. Mei n’a pas le temps de s'appesantir sur leur sort, sur cette folie du sang qui l’a poussée à errer tel un fantôme dans cette ruelle sordide. Deux bras puissants la ceinturent et empêchent toute attaque malheureuse. La harpie feule, se débat, l’arrière de la tête cherchant à percuter le nez, l’arcade, la pommette, n’importe quel impact qui fera perdre la prise à son bourreau. Il ne lui pardonnera pas cette énième incartade, elle le sait, là, au fond de ses tripes, dans la brume de son esprit. Elle est un danger pour eux tous, pour cette Mascarade qu’ils tentent de préserver contre la menace du modernisme. Mais il résiste, force de la nature. Plus vieux, plus fort, plus mesuré. L’hispanique est le poing d’une justice en laquelle elle ne croit pas, l’arme efficace d’une autorité qu’elle ne respecte pas. Électron libre qui ne trouve pas sa place, désespère de la trouver un jour.

Perdue dans sa rage teintée de grognements presque animal, elle perçoit à peine les enchantements et la mise à mort des deux hommes, indifférente au possible. Seule l’odeur ferrique la ramène à cette réalité trop brutale qu’elle se refuse à affronter. Elle rêve de s’abreuver, de se laisser submerger par l’extase qu’apporte une trop grande quantité d’hémoglobine. S’abandonner à l’absence de sentiments, céder la place à sa jumelle qui se moque des attaches, du jugement, de la mort et de la vie. Tout est plus facile, quand elle est aux commandes. Elle oublierait un Sire sadique dont la mort pourtant la hante encore, l’abandon d’un loup parvenue à dompter sa folie sans plus se retrouver en la sienne. La déception qu’elle fait poindre chez sa seule amie et le poids imposé sur ses épaules ayant déjà trop vécues.

Son nom résonne dans le chaos de sa caboche, le souffle de son bourreau à son oreille la force à se contorsionner telle une anguille pour échapper à sa prise. À quoi bon lutter? Il ne la laissera pas libre. Il ne lui cédera rien, elle ne le mérite pas. Aliénor… son nom se fraie un chemin dans les dangereuses limbes qui agrippent sa conscience. Aliénor… pourquoi s’encombre-t-elle du boulet qu’elle incarne? Pourquoi lui accorder une chance qu’elle ne tardera pas à briser de sa folie? Si lasse, si fatiguée par des années de lutte, pour un résultat nul. Combien de temps encore? Combien d’espoirs feints? Un pas en avant, deux en arrière. Mei était une cause perdue, ne pas le voir était au mieux de la naïveté, au pire le tranchant de la lame qui les condamnerait tous. Et lui? Pourquoi ne l’a-t-il pas tué?

La dernière phrase l’achève. Non. Pas lui. Jenaro capitule, lui aussi.
Le seul un tant soit peu doué de raison, celui qui avait eu, une nuit, le pouvoir de les terminer. Sa souffrance, ses regrets, sa culpabilité. La Vampire l’avait pensé fort, il était aussi faible que les autres, à se raccrocher à un sentimentalisme banalement humain. Qu’avait-elle fait, pour tirer sur une corde dont elle ignorait tout de la sensibilité? Qu’avait-elle dit, qui fasse possiblement écho à ses propres démons pour qu’il ne veuille plus accomplir une tâche pourtant maintes fois exécutée. Faible, comme tous les autres, comme elle.

Épuisée, son corps cesse de s’agiter, l’arrière de son crâne, après multitudes d’attaques infructueuses, vient finalement trouver repos contre sa clavicule. L’entrave que représentaient ses bras se muent en deux piliers indestructibles et elle s’abandonne à l’étreinte, les yeux fermés, une larme roulant sur l’une de ses joues qu’elle ne cherche pas à masquer. Elle n’en peut plus. Cette vie, cette éternité sont de trop, dans ces circonstances. À quoi bon aimer, quand seule la mort et l’abandon en sont la réponse. Lutter? Pour quoi? Pour qui? “Tu aurais dû…” souffle-t-elle enfin en retrouvant le contact du sol quand Jenaro relâche légèrement la pression exercée sur son corps.
Lentement, elle tourne à l’intérieur de cette prise sécuritaire, le nez dans son cou, une main agrippant sa nuque, ses griffes se perdant dans la bordure de sa chevelure. Elle inspire son odeur, rêvant d’y trouver autre chose que la peur que cette dernière lui inspire, n’importe quel lien autre que celui qui les unit depuis leur rencontre. Elle se laisse bercer par l’illusion que s’il avait été son Sire, elle aurait pu être spectaculaire… Elle aurait pu. Mais elle ne le sera jamais. “Fais-le maintenant.” Tranche-t-elle dans ce qui s’apparente plus à une supplique.

Son nez remonte la courbe de sa mâchoire, se laisse chatouiller par la barbe qui parsème ses joues, vient caresser son semblable alors que ses orbes noirs se plantent dans les siens. Si semblables, la chevelure de jais, le regard sombre, la dureté d’une vie de misères. Mei en sait si peu sur lui, ne sait pas vraiment si elle aimerait percer les secrets de cet être, n’en aura sans doute jamais l’occasion, si intimes et si distants, à cet instant. “Je n’irai jamais bien Jenaro.” Cherchant l’une de ses mains ceinturant encore ses reins, elle l’appose sur son cœur mort dont l’absence de battements n’empêche pas l’impression tenace de l’entendre marteler jusqu’à ses tempes. Il lui suffit de le lui arracher, là, maintenant, pour que tous leurs problèmes soient résolus. Il en a la force, elle le sait et l’Immortelle ne se débattra pas. Si fatiguée, si lasse. “Tue-moi…”

Qu’elle trouve la paix, si c’était possible.
Que le monde l’oublie.

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Mar 9 Jan - 16:08 (#)



Until the storm's past
La mention d’Aliénor semble ramener un peu de Mei à la surface de son esprit malade. La Bête reflue, quelques instants – mais pour combien de temps ? – pour laisser place à une créature lasse, brisée par l’absence d’une éducation vampirique que Jenaro et Aliénor peinent à lui inculquer. Elle est forte, sa petite reine, il le sait. Si bien des choses lui font défaut, sa force de volonté, elle, ne l’a jamais abandonnée. Il aurait été si simple de se laisser tomber dans les affres de la violence, du plaisir cupide et immédiat et ne jamais vouloir s’extirper de leurs griffes possessives, l’ancien corsaire ne le sait que trop bien. Ceux qui parviennent à dépasser l’euphorie de leur puissance de nouveau-né sont moins nombreux qu’on le croirait et méritent le respect. Mei, d’autant plus. Dans sa poigne immuable, le corps de la vampire cesse de se contorsionner, non sans avoir fait couler le sang. Le nez tordu de Jenaro, cassé à des dizaines de reprises de son vivant et plus encore après sa mort, a été touché dans la lutte pour sa liberté que l’autre leur a infligée. Il ne s’y attarde pas, tous ses sens concentrés sur la Reinita.

À chaque crépuscule, à chaque visite à l’hôpital puis dans cet appartement miteux qui sert de prison à Mei, la même petite voix chahute l’esprit de l’espagnol, moqueuse et condescendante. Elle se joue de lui, le traite de pleutre en écho aux pensées de Mei dont il n’a pas conscience. Si ça n’avait pas été lui cette odieuse nuit à Paris, la maudite existence de la petite reine se serait-elle arrêtée ? Si ce n’avait pas été Aliénor aux côtés de Mei, lui aurait-il infligé le coup de grâce ? Il s’était glissé dans les couloirs sombres des catacombes avec, enfin, l’intime conviction qu’il allait la retrouver. Sa moitié féminine, son reflet dans les mers caraïbéennes. Qu’il allait la retrouver et qu’il allait la tuer, mettre fin à cette traque qui a duré des siècles, à cette obsession qui ne lui a laissé aucun répit. Il en était ressorti lourd d’une promesse que la reine rouge avait réussi à lui arracher. Cette promesse s’affaisse entre ses bras, harassée, murmurant des mots jumeaux à ceux que Jenaro avait maintes fois répétés à sa Tormenta. « Tu aurais dû… » Et les mots le choquent, comme s’il les entendait pour la première fois, comme si l’idée n’avait pas déjà fait son chemin dans sa tête et entre deux conversations toutes ces années. C’est le désespoir dans sa voix qui lui fait desserrer légèrement son étreinte pour qu’elle touche le sol. Jamais il ne lui a entendu cette intonation. Sa petite reine au dos droit, au regard altier, méprisante dans la distance qu’elle impose à tous sauf Aliénor, l’étreint. « Fais-le maintenant. » Jenaro n’a toujours pas prononcé un seul mot, aucun ne lui vient dans aucune langue connue ou disparue.

La vampire a glissé son nez dans son cou, mettant sa jugulaire à portée des crocs de l’autre qui flirte encore à la surface de la conscience de sa pupille. L’ancien corsaire l’admet mais ne recule pas. En s’extirpant de la douce étreinte de Mei, il brisera leur relation, il en est persuadé. En admettant la présence de l’autre, il ne laisse plus le bénéfice du doute à sa petite reine. Celui d’un avenir meilleur, d’une faim contrôlée, d’une Bête mise sous clé. « Je n'irai jamais bien Jenaro. » Ses pensées font encore une fois écho aux siennes, aux milliers de disputes qu’elles ont provoquées et qu’elles provoqueront dans le futur. C’est un risque qu’Aliénor a accepté de prendre et jamais la capitaine de L’Espérance n’a pris de risques inutiles. À l’exception d’une fois qui leur a coûté leur vie humaine. Cette fois-ci leur coûtera-t-elle leur existence immortelle ? « Tue-moi… » La main d’un marin qui a cessé d’exister des siècles auparavant est posée sur le palpitant mort de celle qu’il considérera plus tard presque comme son Infante de cœur. Il a littéralement à portée de main la solution à tous leurs problèmes. La reine rouge lui en voudra mais le remerciera certainement dans quelques décennies s’ils ne se sont pas entretués avant.

« Reinita » Dans ce seul petit mot, dans ce surnom moquant la grandeur d’une dame déchue, la décision qu’il a prise semble être évidente. La douce mélodie d’un guzheng s’échappe du casino clandestin, comme pour guider la chinoise vers sa fin et entre deux notes pincées, les doigts du Caïnite se referment autour de la délicate gorge d’une vampire qui souhaite trouver la paix, que le monde l’oublie. La violence du choc contre le mur de briques couvre la couronne de leur tête de poussière. Les pieds de la poupée ne touchent plus le sol, son corps est soutenu par la seule poigne de Jenaro. Contre leur peau, la caresse de Vicissitude annonce l’innommable. Les doigts libres du corsaire sont ceux d’une bête sauvage, pointés vers le cœur de Mei. Deux paires d’yeux sombres, coulent l’un dans l’autre. Cinq ans. Cinq années de combat, cinq années d’instruction pour en revenir au point zéro. Le regard et les mots brûlent l’égo de l’espagnol, y laissant la trace indélébile de son échec – de leur échec. Tout allait s’arrêter dans une ruelle sordide de Brooklyn, New-York. Une seconde avant qu’il ne frappe, l’arrière-porte du restaurant s’ouvre, mettant un terme à un dilemme. Jenaro a entendu et laissé arriver. Il ne peut pas accéder aux vœux de Mei, pas comme ça. Joder. Vicissitude et obténébration prennent fin, les deux malfrats s’écroulent dans la ruelle, inconscients. « Chassons. » dit-il en relâchant son étreinte sur l’apparente jeune femme. Il détourne le regard, incapable d’admettre sa déroute et encore moins sa cause – l’affection qu’il commence à lui porter. « Tu dois apprendre à chasser sans laisser la Bête prendre le contrôle. »

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