Et l'humanité imaginative aux paupières closes peupla l'obscurité d'ombres et de créatures macabres. Croque-mitaines, ogres, striges et autres racontars prirent forme, hantant les dessous des lits et les placards obscurs. Forts d'être adultes, ils firent don de ces terreurs nocturnes à leurs enfants, ne conservant qu'une sourde angoisse quand les ténèbres se refermaient sur eux chaque nuit. Et s'ils existaient vraiment ? Eux, ces créatures grognant dans le noir, ces formes que l'on aperçoit du coin de l’œil ? Cette vermine rampante, affamée, sifflante ; peuples des cauchemars, ils vous guettent encore. Et vous vous souviendrez pourquoi vous aviez si peur du noir.
Introduction
Jamais les Enfers ne formèrent un berceau uniforme. À l’aube des âges, lorsque l’humanité naissante laissa libre court à ses excès, la matière infernale fut soudain inondée d’une telle quantité de malice qu’elle se répandit dans le plan de manière anarchique. Tandis que les vices les plus lourds et les plus forts s’agglomérèrent tantôt en Princes, tantôt en nobles courtisans Infernaux, des éclaboussures plus volatiles ruisselèrent dans les plaines stériles et les fosses reculées situées aux tréfonds des Enfers. Formant des immondices ineptes, ces créatures rampèrent à l’ombre des domaines des Princes, et se jetèrent avec voracité sur les restes qui s’en déversaient. Ainsi naquirent les démons inférieurs. Tout comme les premières cités humaines virent leurs égouts et leurs interstices infestés par une vermine grouillante, les inférieurs se mirent à proliférer dans les ordures, suçant avec voracité les souillures suintantes des Enfers, dévorant les âmes damnées, et se livrant même au cannibalisme.
Au début, ils n’eurent aucun nom. Car les inférieurs n’étaient que cela, de la vermine que les démons eux-mêmes considéraient comme des rebuts du plan infernal, de minuscules morceaux de vices tout juste conscients. Ils les utilisèrent comme des nuées avides, véritables fléaux dans les sillages des Princes, qui laissèrent leurs traces dans les écrits des humains, telles les plaies d’Égypte, ou encore les esprits maléfiques habitant les consciences ou les lieux déformés par les vices des hommes. On les nomma finalement les Légions. Car ils étaient nombreux à proliférer dans les fosses infernales et à suivre les incursions des Princes sur Terre. Hérauts des Princes et horribles oracles annonciateurs de cataclysmes à venir, les démons inférieurs sont les infestations suivant la venue des faux dieux, et les esprits mauvais cachés dans les recoins des foyers humains. Tels des parasites éternellement à la recherche de vices à dévorer, ils ne connaissent ni répit, ni conscience propre. Seulement le mal.
Les Légions terrifièrent l’humanité sous bien des noms. Pestes, fléaux, plaies, présages et épidémies, ils symbolisèrent les dévastations des Princes sous forme de nuées maléfiques. On les retrouve dans les œuvres d’Hornet et ses insectes dévoreurs de chair en Égypte, ou dans les rats infestés du Prince Malthus, qui décimèrent l’Europe lors des grandes pestes médiévales. Baal en dressa une armée des morts, décrite dans maintes légendes, entièrement composée d’âmes enchaînées et brisées jusqu’à former d’innombrables soldats serviles pour garder les remparts de son domaine princier.
Origines et caractéristiques
Innommables, abjects, indéfinissables, les démons inférieurs ont toujours été une caste mal définie que la Goétie s’est efforcée en vain de classifier à travers les siècles et les cultures. Et pour cause, il est difficile, voire impossible, de mettre en ordre un tel amas hétéroclite d’entités qui prolifèrent et rampent dans le chaos le plus complet. De tous les démons, les inférieurs sont les plus nombreux et les plus radicalement différents d’une forme de vie telle que les humains la connaissent sur Terre.
Nés de résidus de vices, d’éclaboussures de mal, de ces ordures que rejettent Enfers et démons, les Légions ne sont pas à proprement parler des entités uniques qui seraient dotées d’une personnalité propre ou d’une conscience. Certes, ils disposent bien d’une essence à part entière comme n’importe quel démon, mais celle-ci est si minuscule, si instable, qu’elle n’a ni forme, ni volonté propre. Ils sont souvent considérés comme l’équivalent difforme, souvent moins évolué, du règne animal sur Terre. Bien des âmes damnées deviennent des inférieurs. Des âmes autrefois humaines ou des Engeances, si faibles et si déchirées par les tourments vécus durant leur existence de mortel, qu’elles ont perdu tout libre arbitre, tout intellect, et sont incapables de maintenir une psyché cohérente. Elles succombent à l’attraction du plan infernal et, à leur tour, elles se mettent à ramper parmi leurs semblables, cherchant en vain une échappatoire qui n’existera jamais. Ces âmes ont perdu toute volonté, toute intelligence, si bien qu’elles ne retrouveront jamais leur personnalité de jadis.
Contrairement aux Infernaux, ces âmes basculant vers le stade de démon inférieur ont essayé de se soustraire à ce destin. Ce sont très souvent des êtres ayant été victimes des démons, que ce soit par tromperie ou bien par une mort directe. Les marchandages ou les pactes ratés emportent ces âmes dans l’étrangeté des Enfers, brisant leur volonté et déchirant un esprit humain, incapable de saisir la nature de ce plan. Des âmes devenant ces créatures rampantes, uniquement gouvernées par un instinct prédateur, et qui obéiront fidèlement aux démons supérieurs comme des chiens servils. Chaque Légion est alors différente. Elles existent en une infinité de variantes, plus ou moins évoluées, plus ou moins intelligentes à différents stades. Car une essence de démon inférieur est très volatile. Leur énergie étant individuellement très faible, elles possèdent une immense flexibilité et la capacité de se gaver de vices sous bien des formes. Ainsi, les Légions ne demeurent jamais dans le même état, mais au contraire, sont en perpétuelle évolution et peuvent même s’agglomérer entre elles.
Nombre de démons inférieurs ne se matérialisent pas. Même aux Enfers, ils n’ont aucune forme, tout comme ils ne possèdent pas de personnalité. Ils grouillent sous des apparences informes, semblables à des vers ou des bactéries fluctuantes. Ce sont bien des essences de démons, mais individuellement, elles sont trop faibles pour se condenser et former un individu à part entière. Ainsi, beaucoup de Légions ne sont pas composées d’une seule entité, mais de plusieurs agglomérées. Les Légions n’auront de cesse de chercher à se nourrir. Pour ces âmes en peine ou ces embryons de démon, leur seul but, la seule issue à cette existence misérable, est de siphonner davantage de vices pour émerger de cette damnation. C’est une réaction instinctive qui les conduit à se mettre en quête de toute source d’énergie, comme le ferait un parasite ; des sangsues attirées par l’odeur du sang. Les Légions n’auront ainsi jamais d’autres motivations que de satisfaire leur appétit.
Êtres pluriels
Telles les hydres des mythes humains, les démons inférieurs sont rarement des entités individuelles, mais des existences plurielles. C’est un mécanisme qui leur est propre, et qui les rend si malaisés à cerner pour un esprit humain qui tâcherait de les comprendre selon la biologie terrestre. Plutôt que des individus formant une unique conscience, nombre de Légions sont le résultat d’un agglomérat de multiples démons inférieurs. Cela est dû à cette perpétuelle quête de nourriture, et à l’instabilité de leur essence qui cherchera à tout prix à dévorer toute source de vices qu’elle peut avaler.
Les fosses des Enfers sont ainsi remplies d’inférieurs qui s’entre-dévorent. N’ayant ni conscience, ni morale, les Légions les plus fortes absorbent les plus faibles ; celles-ci ne disparaissent pas au sein de cette nouvelle entité, au contraire : elles s’additionnent les unes aux autres. Lorsqu’un inférieur avale un autre, celui-ci n’est pas dissous, mais devient une nouvelle volonté aux côtés des autres, et leurs capacités en sont démultipliées. Ces instincts ont très souvent les mêmes buts, si bien que l’entente au sein de cette entité plurielle est rarement discordante, même si cela peut arriver. C’est aussi la raison de leur appellation de Légions. En soi, un démon inférieur n’est pas très puissant ni dangereux, mais lorsqu’ils fusionnent, la somme de leurs existences s’additionne et, s'ils arrivent à accumuler assez d’énergie, ils acquièrent une forme d’intelligence collective. Les Légions sont parfois formées d’une dizaine de démons inférieurs fluctuant au sein d’une même essence collective, ce qui leur permet ainsi d’acquérir une conscience à multiples facettes et des pouvoirs plus grands.
Cette forme de conscience collective est alors dépendante du nombre de démons inférieurs qu’une même entité héberge. Parfois, les Légions acquièrent suffisamment d’entités pour avoir conscience d’eux-mêmes et se définir comme une entité plurielle ; il n’est pas rare qu’ils se nomment ainsi selon des nombres, comme Sept ou Douze. Ce sont des créatures dont il serait naïf de négliger la menace, car leurs capacités de nuisances, et leurs pouvoirs par conséquent, s’additionnent également. Certains parviennent ainsi à acquérir les éléments du langage, quoique plutôt primitifs, toujours par imitation des humains. Ils peuvent parvenir à réfléchir en se consultant entre eux, à l’intérieur d’eux-mêmes, jusqu’à adopter des stratégies malignes. Les Légions n’auront jamais l’intelligence des autres démons, mais il serait inconscient de négliger la dangerosité de ces entités multiples. Certains auront ainsi de véritables talents de manipulateurs, exacerbés par leur volonté implacable de se nourrir.
En théorie, il n’existe aucune limite à l’accumulation de démons inférieurs. Des Légions se sont déjà formées à partir d’une vingtaine d’essence différentes, bien qu’au-delà de ce chiffre, il semble devenir de plus en plus difficile de subsister. À ce stade, l’une des consciences au sein des Légions se nourrira plus que les autres, parasitant leurs énergie, et finira par dévorer toutes les autres. C’est un véritable cannibalisme intérieur qui conduira l’essence victorieuse à croître, jusqu’à acquérir suffisamment de puissance pour former un tout nouveau démon, un Infernal à part entière.
Des infestations
Comme tous les démons, les inférieurs ne peuvent pas survivre sur le plan terrestre sans enveloppe ou protection, car celui-ci est nocif pour leur essence infernale. Bien plus faibles que les Princes et les Infernaux, les Légions sont incapables de franchir les barrières séparant les plans de leur propre chef. Ils sont alors réduits à emprunter des failles déjà existantes. Ces déchirures momentanées entre les plans sont souvent causées par les Princes, volontairement ou non, lors de leur venue sur Terre. C’est leur immense puissance qui tord et déchire les voiles, y laissant des blessures importantes. Une aubaine pour les démons inférieurs. Ceux-ci flairent ce véritable boulevard vers le plan terrestre, et s’y engouffrent en vastes cohortes affamées à la suite du Prince. Ces derniers ne sont toutefois pas la seule cause de l’apparition d’une faille. Plus rarement, une déchirure dans les voiles peut être le fait d’une invocation maladroite, dont le rituel a été interrompu par un incident, parce que l’arcaniste a été trompé par le démon, ou simplement car l’ouverture vers les Enfers a été mal refermée. Des failles moins vastes et moins directes que celles causées par les Princes, mais qui laissent assez de marge de manœuvre pour plusieurs démons inférieurs de s’y infiltrer. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Goétie insiste sur les protections indispensables pour encadrer les invocations, de crainte que n’importe quoi puisse s’infiltrer dans une faille. Encore plus rares, des déchirures minuscules et spontanées peuvent être causées par des drames humains, tels les lieux de sacrifices, de tueries de masse, ceux hantés par des esprits humains et qui renferment les échos de violentes souffrances. Ces dernières sont si fortes qu’elles suintent jusqu’aux Enfers, établissant ainsi une mince connexion.
Quelle que soit la taille de la déchirure, les inférieurs ne viennent jamais seuls. Ils franchissent ces failles par dizaines au minimum, souvent par centaines, voire par milliers, et se déversent sur le monde des humains avec la voracité d’une nuée d’insectes à la recherche de nourriture. Fort heureusement, la vaste majorité de ces Légions ne pourront pas se maintenir sur Terre. Les malchanceux et les faibles épuiseront bien vite leur énergie, rongée par la nocivité du plan, et seront rejetés par ce dernier. Comme tout démon échouant à se maintenir sur Terre, ils retournent aux Enfers, affaiblis, continuant ainsi ce cycle de perpétuelle recherche d’énergie à dévorer ou à se cannibaliser entre eux.
Toutefois, certains subsistent. En comparaison de leur multitude, les démons inférieurs parvenant à s’ancrer sur Terre sont extrêmement rares, car ils doivent très rapidement, souvent dans les heures qui suivent leur arrivée, trouver une source d’énergie à parasiter. Ils ont alors deux choix. Ils peuvent trouver un humain assez vulnérable pour s’y attacher, et espérer le posséder partiellement. Ou bien, il leur faut trouver un lieu suffisamment gorgé de mauvaises énergies pour les sustenter pauvrement. Bien des Princes profitent de leur insatiable appétit pour les utiliser comme armes de destruction ou de terreur. Certains attirent et dressent d’immenses armées de Légions, des âmes damnées qu’ils emportent avec eux lors de leur incursion sur Terre pour causer des ravages. Pour d’autres Princes, ce sillage de Légions qui les suivent n’est, somme toute, qu’un effet secondaire de leur puissance sur lequel ils n’ont en réalité aucun contrôle. Car les Légions ne sont, en finalité, que des pestilences qui s’abattent sur les humains, des fléaux parasitaires infestant la Terre à la manière d’un virus.
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.
Extrêmement faibles au sein des Enfers, les démons inférieurs ont des choix limités pour survivre sur le plan terrestre, et se contentent d’ailleurs de peu. Habitués des miettes que leur laissent les Princes ou les Infernaux, ils adoptent volontiers ce même comportement de charognards, voire de parasites, y compris parmi les humains. Une fois lâchées sur Terre, les Légions se mettent en quête des sources d’énergies les plus proches. Ils causent souvent des hallucinations, délires, et autres cauchemars en s’attaquant sans succès à des hôtes humains dont ils essayent de posséder les corps.
L’attachement, chemin vers la possession
Car, tout comme les Infernaux, les inférieurs cherchent à posséder un corps vivant. Pourtant, ils en sont rarement capables. Cela est dû à une essence faible qui n’a pas la force nécessaire pour écraser une âme et prendre possession de son corps ; les Légions ne peuvent jamais posséder entièrement un être humain. Ainsi, un démon inférieur adoptera un comportement de parasite en s’attachant à une victime qu’il harcèlera en permanence pour l’affaiblir, et absorber ses émotions négatives.
L’attachement à un humain est la marque d’un démon inférieur. Celui-ci cherchera ainsi à s’infiltrer dans l’esprit de sa victime, causant des souffrances mentales dont il se nourrira. Ils cultivent ainsi les failles psychologiques de leurs victimes, en instillant désespoir, doutes, culpabilité, idées suicidaires, colère, cruauté, luxure, et bien d’autres sentiments nocifs. Car tous les démons inférieurs ont cette même capacité d’exalter les sentiments négatifs, dont ils sucent l’énergie comme des sangsues. Plus les souffrances de sa victime augmentent, plus l’emprise du démon se renforcera. C’est un processus plus ou moins lent, selon la volonté ou la réceptivité de la victime. Il est rare que les humains infestés parviennent à se débarrasser des Légions sans un secours extérieur, d’autant plus qu’elles se concentrent uniquement sur les humains mentalement vulnérables. Il est toutefois possible, avec suffisamment de Foi ou d’aide psychologique, de surmonter les injonctions du démon sans nécessiter une intervention magique. Bien sûr, un exorcisme est encore la meilleure solution, car les Légions sont parmi les plus faibles et donc dont il est le plus facile de se débarrasser.
Les sous-estimer serait pourtant bien naïf. Et pour cause, un démon inférieur n’a ni sommeil, ni répit dans sa quête de nourriture, et ne souffre ni de lassitude, ni de scrupules. L’oppression de sa victime agit en permanence, sans pitié, ne lui laissant aucun moment de paix ; bien souvent les malchanceux perdent le sommeil, car ils n’ont même plus un moment de silence. Car les Légions ont développé un talent notoire pour pénétrer les recoins des esprits humains, de manière à les pousser au bord de la folie. Ils aiment imiter les voix, manipuler les émotions, pousser à la colère ou fausser les sensations. Ce sont souvent des capacités d’illusions qui les caractérisent. Ils trompent en permanence, utilisant l’imagination humaine comme une arme. Ils raffolent tout particulièrement des esprits humains les plus vulnérables, comme les victimes d’addictions, les malades mentaux, tous ceux ayant une faible volonté qu’ils peuvent atteindre, ou qui sont déjà à l’écoute de leurs mauvais penchants. À l’inverse, ils ne peuvent pas s’attaquer aux vertueux, qui sont des cibles beaucoup trop résistantes pour eux.
Les Légions sont d’autant plus dangereuses que ces entités sont plurielles. Plus un démon inférieur est composé d’autres démons, plus ses pouvoirs sont décuplés, pires seront ses capacités de nuisance. Ainsi, on ne peut jamais savoir avec certitude combien de démons renferment une même Légion, et quel est son stade d’évolution ; certains sont si proches d’être des Infernaux qu’ils sont capables de s’attaquer de manière extrêmement forte aux humains, voire de les posséder partiellement.
Des possessions incomplètes
Ainsi, certains démons inférieurs affaiblissent tant leurs victimes que ces attachements deviennent des possessions partielles. Pour atteindre ce but, les démons doivent être fortement attachés à leur victime, connaître les points faibles de sa psyché, ronger sa volonté jusqu’à l’affaiblir suffisamment pour leur permettre de supplanter la résistance de leur âme. Cela arrive lorsque la victime est brisée, à la fois de corps et d’esprit. Son mental est vulnérable ; déprimée, abattue, toutes ses émotions ou même son comportement sont dictés par le démon, parfois sans qu’elle ne s’en rende compte. La vie de la victime ne lui appartient plus. Influencée par l’attachement, elle est à l’écoute des ordres du démon, si bien que son libre arbitre se réduit de jour en jour. La personne ne peut plus se reposer, ne parvient plus à penser librement, harcelée sans trêve par ses démons. Certaines finissent par ne plus faire la part du réel et des mensonges tissés par ces parasites de l’esprit. Parmi les cas les plus connus, on peut citer celui d’une jeune catholique allemande dans les années 70, infestée par plusieurs entités démoniaques qui se disputaient la possession de son corps jusqu’à l’issue fatale.
La possession intervient alors durant les phases où la victime abaisse ses défenses mentales. Cela peut intervenir durant les moments de désespoir, d’abandon, où l’humain est si las qu’il est prêt à tout accepter pour se débarrasser de ses souffrances. Cela arrive également durant le sommeil, ou encore durant les périodes de manque pour les victimes d’addictions. Les Légions profitent ainsi du manque de résistance, du désespoir, pour s’approprier temporairement le corps du possédé. Toutefois, ces possessions ne seront jamais totales. Les démons inférieurs ne peuvent pas maintenir éternellement leur emprise sur une âme humaine ; trop faibles, trop instables, ils ont toujours besoin de générer des émotions négatives pour s’alimenter. L’âme humaine étant recroquevillée au fond d’elle-même, ces possessions partielles s’illustrent par des troubles du comportements importants, tandis que les diverses entités formant la Légion s’essayent à l’usage de ce corps d’emprunt. Dans la médecine moderne, on associe souvent ces symptômes à des personnalités multiples.
En fonction du stade d’évolution du démon inférieur, les possédés ne démontrent pas toujours un comportement des plus logiques. Les Légions peuvent être un amas d’intellects primaires, galvanisés par les sentiments odieux dont ils se seront nourris, et n’ont ainsi qu’une idée très fragmentaire des comportements normaux humains. Le possédé est secoué de mouvements anormaux, bestiaux ou complètement chaotiques, laissant libre court aux pulsions les plus primaires des démons. D’autres sont plus malins. En vertu de leur intelligence collective, des Légions peuvent ainsi singer les comportements humains, donnant l’illusion temporaire d’une personne à peu près normale. Celle-ci est débordante d’énergie, tenaillée par des sauts d’humeur et des soudaines pulsions, tandis que son caractère normal apparaît déformé. Tant bien que mal, les Légions imitent le comportement de leur hôte. Ce n’est toutefois jamais une réussite totale. Les Légions ne sont jamais assez intelligentes pour feindre une parfaite humanité, et même les plus retors ne peuvent réfréner leur nature profonde. Contrairement aux Infernaux, les démons inférieurs ne sont pas capables de détourner les pouvoirs des Éveillés, car leur emprise sur l’âme est trop faible pour en siphonner l’énergie magique.
Ces phases de possession partielle ne durent jamais. Bien vite, l’âme reprend le contrôle du corps, ou bien les démons se retirent pour pouvoir reprendre le cycle de torture psychologique. L’âme est ainsi constamment tiraillée, souillée par les injonctions du démon qui rongent lentement son libre arbitre. Sans intervention extérieure, l’âme humaine finira par succomber face à ces phases épuisantes de harcèlement et de possession. Vidée de sa volonté, l’âme sera finalement absorbée par la Légion à son tour, rejoignant les démons inférieurs dans leur voyage sans retour aux Enfers.
L’attachement aux lieux
Grâce à leurs modestes besoins en mauvaises énergies, les démons inférieurs ont la particularité de pouvoir survivre sur le plan terrestre en s’attachant à des lieux chargés d’énergie. Avides d’émotions négatives, ces endroits, résonnant encore de violents évènements ou abritant des esprits humains en peine, sont une véritable aubaine pour les Légions. Celles-ci se contentant de peu, elles sont attirées par ces échos d’émotions affleurant dans l’air, et les absorbent comme le feraient des éponges.
Ce sont souvent des endroits ayant été le théâtre de violences extrêmes, de souffrances effroyables, où s’attardent les esprits des défunts. Bien souvent les médiums confondent les démons inférieurs avec des esprits, car les Légions ont également tendance à se faire passer pour des défunts en les imitant. Ces esprits errants sont aussi une source d’alimentation, car leurs peines et leurs émotions sont un met de choix pour les Légions. Si les démons inférieurs auraient tout intérêt à préserver cette source d’alimentation, ils ne sont pas toujours assez malins pour le faire. Parfois, les Légions les plus fortes et les plus affamées vont jusqu’à dévorer les esprits eux-mêmes, s’ils sont trop faibles pour leur résister. Certains démons inférieurs absorbent tant d’esprits qu’ils sont capables de mimer de manière quasi parfaite leurs voix ou leurs comportements.
Ces émotions ou esprits défunts qu’ils dévorent ne sont que de la nourriture pour eux, leur permettant de survivre à l’intérieur d’objets inanimés. Ces derniers n’étant pas scellés par la magie, cette protection reste imparfaite face à la nocivité du plan terrestre. Les Légions sont donc forcées de se nourrir de manière continuelle afin de maintenir leur essence intacte. Ces objets hantés par les démons inférieurs peuvent être n’importe lesquels ; meubles, jouets, miroirs, etc.
Ces attachements sont bien souvent temporaires. Les Légions y résident, dévorant les émotions des défunts qu’elles y trouvent, en attendant de pouvoir s’attacher à des humains passant par là. Bien des médiums ont été victimes de ces pièges ; il ne faut jamais croire sur parole les murmures que l’on estime être ceux des défunts. On ne sait jamais qui ou quoi prononce ces mots. Toutefois, cette façon de sustenter ne dure pas, car les émotions ou les esprits finissent fatalement par se dissiper. Dans certains cas rares, les démons inférieurs cultivent ces endroits. S’ils sont suffisamment malins et évolués pour élaborer une stratégie, ils apprécient tourmenter les défunts déjà présents sur place afin de créer une ignoble source de nourriture. D’autres attirent des humains naïfs dans ces endroits, les piégeant à l’intérieur, parfois jusqu’à leur mort pour renouveler leur cheptel d’esprits tourmentés. De tels lieux sont rares, car les forces de la Foi ont été très vigilantes vis à vis des démons, et beaucoup de ces attachements ont été exorcisés.
Des symptômes attestent néanmoins de ces attachements. Outre une histoire tourmentée et pleine de souffrances, il émane de ces lieux une aura sombre, oppressante pour les éveillés sensibles. Des signes peuvent également apparaître, comme des relents de charognes sortis de nulle part, ou bien encore des infestations ; mouches collées aux vitres, rats en nombre : la vermine répond à la vermine. Enfin, les murmures et les disputes intérieures des entités composant les Légions s’entendent dans le bruit blanc des appareils électroniques, créant des voix multiples et déformées.
Les possessions animales
Une troisième manière de subsister existe pour les démons inférieurs. La possession des animaux, un processus que les Infernaux estiment dégradant et indigne de leur statut, est assez répandu chez les Légions qui ne rechignent pas à cette facilité. Il est en effet bien plus aisé d’infester l’esprit, puis le corps d’un animal, qui ne possède pas les moyens de défense d’une âme humaine. C’est pourtant un processus étrange, car la nature des animaux et des démons est radicalement opposée. En effet, les animaux sont fortement ancrés au plan terrestre. Lorsqu’un démon inférieur pénètre à l’intérieur d’un animal, il est rapidement assailli d’instincts et de mécanismes qui lui sont totalement étrangers. Ce n’est toutefois pas quelque chose qui répugne les Légions. Étant plus malléables et plus primitifs que les Infernaux, les démons inférieurs peuvent s’accommoder d’un esprit animal, et se fondre à l’intérieur de celui-ci, d’une manière assez similaire au processus de fusion entre Légions.
Le démon est influencé par l’animal, autant que ce dernier est influencé par lui. Pour les Légions, cela s’illustre par l’adoption d’un comportement animal qui va bien au-delà d’une imitation : ils sont ainsi une partie de l’animal. Une cohabitation qui n’est absolument pas naturelle. L’animal quant à lui, est fortement perturbé par cette intrusion, tel un virus qui se répand en lui pour déformer ses instincts naturels. Bien des animaux possédés sont très instables et violents, parfois physiquement difformes. Malthus saisit ainsi l’aubaine du virus de la rage, pour le répandre en dressant des lignées entières d’animaux possédés. Cette maladie est une bonne illustration des ravages que peuvent causer une telle cohabitation impossible entre deux êtres radicalement différents. Tellement opposés, que ces possessions sont temporaires. Les démons ont du mal à se nourrir des émotions des animaux, et doivent se contenter des maigres souffrances que leurs attaques physiques causent autour d’eux. Bien souvent, le corps de l’animal s’effondre sur lui-même, incapable de supporter cette infâme dualité que lui impose les démons en lui.
Ces créatures hybrides ont alimenté les mythes de bien des cultures. Des animaux difformes, soudain pris de rages incontrôlables, sont parfois nés des expérimentations des Princes, ou des possessions causées par les Légions. Ils sont des êtres voués à l’autodestruction, tourmentés jusqu’à l’issue fatale.
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Dans l’immense majorité des cas, l’attachement d’une Légion à un hôte se solde par un affrontement intérieur, à l’issue duquel l’âme humaine est souvent perdante. Pour d’autres mortels plus chanceux, c’est le démon qui sera exorcisé à temps et renvoyé aux Enfers. Toutefois, dans certains cas plus rares, l’humain peut s’accommoder du démon, formant les prémices d’une symbiose ; deux êtres coopérant dans un même corps, avec ses hauts et ses bas, pour un bénéfice mutuel.
Ce mécanisme n’est toutefois jamais automatique. Tout d’abord parce que les démons inférieurs ne font aucune distinction entre les hôtes volontaires ou non, sur lesquels ils se jettent avec la même avidité. Aussi coopératif un humain souhaite-t-il être, il y aura toujours une part de souffrances ressentie en hébergeant une Légion, et cela ne disparaîtra jamais. Être le réceptacle d’une entité aussi abjecte et différente de l’humanité tâchera l’âme, et causera souvent des troubles de la personnalité. C’est la raison pour laquelle, lors d’une coopération avec un démon inférieur, l’âme humaine sera toujours perdante. Il n’existe aucune demi-mesure. En acceptant l’existence d’un démon à l’intérieur de soi, l’humain fait le choix de souiller son âme et d’abandonner lentement son libre arbitre. À la fin de sa vie, son âme corrompue sera entraînée par les Légions qu’il a hébergé. C’est néanmoins un choix possible, dont les hôtes peuvent retirer quelques bénéfices durant leur vie de mortel.
L’entreprise est pourtant loin d’être aisée. L’hôte doit d’abord parvenir à comprendre la raison de son mal-être, car tout possédé n’est pas forcément au courant de son état. Certains refuseront de croire à une cause surnaturelle, et se croient simplement victimes d’une maladie mentale, d’autant que la médecine moderne a fait reculer les croyances mystiques. Même ainsi, la communication avec son parasite intérieur n’est pas garantie. Certaines Légions sont trop peu évoluées et incapables d’établir une discussion autrement qu’en s’attaquant à leur propre hôte, rendant un marchandage impossible. Pour les Légions évoluées, l’hôte peut tenter de marchander un accord. C’est bien sûr une relation extrêmement malsaine qui en naîtra, une alliance avec une entité parasitaire dont l’existence est vouée à salir l’âme humaine pour se nourrir. L’hôte a donc tout intérêt à leur trouver un moyen de les sustenter, tout en essayant de préserver sa propre santé mentale. C’est un équilibre risqué qui consiste essentiellement à s’abîmer dans les vices pour satisfaire suffisamment l’appétit du démon.
Une telle entente est bien souvent le fait d’humains déjà vautrés dans leurs mauvais penchants et qui n’ont aucun scrupules à alimenter un être abjecte. En acceptant d’écouter les lubies maléfiques du démon, en lui donnant accès à ses pensées et en l’entraînant dans ses actes mauvais, l’hôte peut ainsi satisfaire la voracité des Légions. C’est une forme de Pacte silencieux, qui ressemble davantage à un syndrome de Stockholm qu’à une véritable amitié, où chacun en retire quelques bénéfices. Le démon, lui, est bien entendu satisfait de se nourrir des vices et des éclats d’émotions nocives que lui fournit volontairement son humain. Il n’a plus besoin de s’épuiser à torturer un esprit ou à essayer de prendre le contrôle du corps pour commettre ses méfaits ; l’humain les lui donne volontairement. Ainsi, dans ce Pacte tordu, le possédé volontaire lègue de temps en temps le contrôle de son corps au démon, afin d’apprécier à son compte quelques-unes de ses capacités surnaturelles.
Pour les individus mal intentionnés, c’est une occasion rare d’utiliser des pouvoirs surnaturels, tout comme des capacités physiques augmentées. L’emprise du démon sur le corps est total. Il est capable de repousser les limites du corps humain, lui instaure une force et une énergie débordantes, mais tout comme les Infernaux, cette surenchère physique se fait au prix de sa santé. Qui plus est, les pouvoirs des Légions, quoique modestes, peuvent être utilisés lorsque celui-ci contrôle le corps : ce sont ces mêmes capacités d’illusions, de manipulations des émotions et des imitations. Le possédé, lui, en abandonnant volontairement le contrôle au démon, n’est plus repoussé au rôle de spectateur, mais peut devenir acteur. C’est une forme de dédoublement de la personnalité, durant laquelle humain et démon associent leurs lubies et leurs pulsions à l’intérieur d’un même corps. Cela peut donner des actions complètement hystériques, délirantes, souvent excessives, où l’humain est rendu follement euphorique de cette soudaine injection de puissance, à la manière d’une drogue.
Beaucoup d’hôtes volontaires développent ainsi une addiction. La présence d’une Légion entraîne le besoin de recommencer, de retrouver ces instants de pure frénésie où les démons auront mis tous leurs pouvoirs à la disposition de l’humain. Celui-ci a l’impression d’être capable de tout, de briser ses chaînes, d’être invincible. Pour beaucoup, c’est une sensation irrésistible qu’ils voudront renouveler, et plus ils multiplieront ces phases de possessions volontaires, plus ils seront accros à leurs démons. C’est une addiction, synonyme de déchéance. Pour le démon, c’est tout bénéfice : il se repaît des émotions ressenties par son hôte, acquiert plus de puissance, plus d’intelligence. Il devient plus fort, et entraîne avec lui une âme de plus en plus acquise aux Enfers. L’âme deviendra irrécupérable sur le long terme, trop dépendante de la présence de son démon, au point de vouloir le défendre comme s'il était une partie de lui. Au final, l’âme sera absorbée au sein même de la Légion qui l’aura piégé.
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.
Faibles vermines des Enfers, les Légions sont loin d’avoir les terrifiants pouvoirs des autres castes infernales. Ils excellent cependant dans la manipulation des esprits humains, créant des illusions, tissant des mensonges pour retourner l’imagination des mortels contre eux. Plus un démon inférieur absorbera d’autres entités, âmes, esprits ou autres démons, plus ses pouvoirs seront puissants. Tous ces pouvoirs font partie du démon. Ils n’obéissent qu’à lui. Un humain possédé partiellement ne sera pas capable d’usurper les pouvoirs de son tortionnaire. Si l’hôte et le parasite ont conclu une alliance, alors l’humain pourra utiliser les pouvoirs du démon, tant que celui-ci les lui accordera.
Mimic Le démon inférieur est capable d’imiter à la perfection la manière de parler d’une personne : intonations, tics de langages, etc. Il a besoin d’avoir entendu au moins une fois la cible à imiter avant de pouvoir copier sa voix.
Dolor Le démon fait croire à une cible à la fois qu’elle est blessée. La douleur est proportionnelle à la puissance du démon, mais elle est toujours incroyablement réaliste. L’illusion a beaucoup moins d’emprise sur les CESS.
Motus En se concentrant sur une cible, le démon exalte ses sentiments négatifs. La victime ressent tantôt de la colère, de la peine, de la terreur, etc., sans comprendre d’où cela provient. Pour les êtres maîtrisant mal leurs émotions, les effets peuvent être décuplés.
Veritas Le démon dévoile sa véritable apparence à une cible à la fois. Celle-ci ne voit plus le corps du possédé, mais quelque chose d’informe, comme une vision directe sur la matière des Enfers. L’effet est au minimum déstabilisant pour les CESS, tandis que les humains peuvent devenir fous de terreur.
The Mother who reigns over the bounty of nature and the rhythms of the Earth. The Crone that brings us death and the end of the cycle. She is now the Winter-time of our life.