Aodh Moore

BIO


« Bon sang… c’est quoi ce bordel ? » Lâchai-je, sous le choc. Cette cave miteuse n’était pas remplie d’objets de contrebande, mais d’une toute autre sorte. Des bocaux en verre renfermaient des bouts d’animaux, des poupées aux formes dérangeantes avaient été confectionnées. Et, pour couronner le tout, je venais de butter sur un ensemble de bougies disposé en forme de cercle. « Des satanistes. » Nous aurions pu nous en douter, mais jamais je n’aurais imaginé qu’ils s’adonnent à une forme de sorcellerie en secret. « Ils essayaient vraiment de relever les morts. » Je crachais au sol, dégouté, avant de me retourner vers mon frère. « On brûle tout, non ? » Ça me paraissait être la meilleure décision à prendre. Peut-être qu’ils finiraient enfin par comprendre que les Outlaws ne voulaient pas d’eux sur leur territoire…

Casser tous ces bocaux d’un bon coup de batte avant de mettre le feu à ces poupées avait quelque chose de presque apaisant. J’avais l’impression de faire une bonne action, en chassant toute trace de leur passage. Sauf qu’un bruit incongru m’interrompit dans ma besogne. « Tu as entendu ça ? » Je me retournai soudainement vers mon frère, pour le voir parfaitement immobile. « Ciàran, il y a un problème ? » Je n’aperçus qu’avec un temps de retard la femme qui se tenait derrière lui, l’expression déformée par une haine farouche. Elle marmonnait quelque chose d’incompréhensible pour moi, qui ressemblait vaguement à des prières. « Arrête ! Arrête ça ! » Hurlai-je avec force, en levant mon arme sur elle. Pourquoi Ciàran ne réagissait plus ? Qu’est-ce qu’elle venait de lui faire ?! Je sentis une vague de froid tenter de m’engourdir peu de temps ensuite… sous le coup de la peur, je tirai à plusieurs reprises, pour ne lui laisser aucune chance.

Quand son corps inerte tomba au sol, tout sembla revenir à la normale. Que venait-il de se passer exactement ? Et qu’est-ce que je venais de faire ?


Nous en avions discuté de longues heures avec Ciàran. C’était impossible que son cercle de sorciers satanistes puisse remonter jusqu’à nous, après que nous ayons brûlé jusqu’à son corps dans cette maudite cave. Mais nous ne savions rien d’eux ni de leurs pratiques, au final. Jusqu’à hier, je ne soupçonnais même pas que la sorcellerie pouvait exister. En parler au reste du gang les ferait certainement doucement rire. Notre chef statuerait sans doute qu’on n’avait rien réussi à inventer de mieux pour justifier avoir été mort de trouille devant des traces de rituel sataniques. Je n’étais même pas certain de ce que cette sorcière avait tenté de nous faire, simplement que je ne pouvais pas la laisser continuer.

Les jours passèrent, dans une appréhension grandissante. Mais rien ne se produisit. Des menaces de mort, tout au plus. Rien d’inhabituel, car nous étions en conflit ouvert depuis déjà quelques années. Ils n’osaient pourtant pas passer à l’acte ni appeler la police pour confirmer leurs soupçons. Tout portait à croire qu’ils allaient en rester là, sans preuves, ni moyen de pression.

Sauf que le lendemain, la police était bien à nos portes. Si je crus un instant que c’était pour moi, mon père me rassura bien vite : c’était une simple tentative d’effraction. Mon stress apparent le rendit subitement méfiant. Difficile de lui cacher que j’avais des problèmes en ce moment, n’est-ce pas ? C’était bien la première fois qu’il sembla s’en soucier réellement. Ciàran et moi vivions comme des chiens rendus à l’état sauvage depuis notre plus tendre adolescence. En temps normal, il ne s’apercevait même pas que nous étions partis, presque ivre mort devant sa télévision chaque soir, jusqu’au beau milieu de la nuit.

Malheureusement, la seule vraie discussion que j’eus avec mon père fut aussi la dernière.


Un cri déchira la nuit. Je me levai d’un bond, en alerte, et me dirigeai aussitôt vers la chambre de ma sœur. Mais elle était introuvable. « Aisling ?! » Ciàran me rejoignit aussitôt, alerté également. « Où est-elle, bon sang ? » Mais c’étaient les cris de ma mère qui retentirent à nouveau. Je me ruai aussitôt vers la chambre parentale, mon jumeau sur mes talons, pour me retrouver face à une scène juste impensable. Mon père se tenait là, face à elle, un couteau entre les mains. Il venait de la jeter à terre de toutes ses forces.

« Papa ? Ça va… calme-toi. » Ciàran leva les mains en signe d’apaisement, en s’avançant lentement vers lui. Qu’est-ce qui lui prenait ? Nos parents se disputaient souvent, surtout à cause de la tendance à l’alcoolisme de mon père, mais jamais il n’en était venu aux mains avec ma mère. Jamais. « Donne-moi ce couteau, s’il te plaît. » Lui intimai-je. Son regard se tourna vers moi aussitôt, glacial et… vide, comme s’il ne me reconnaissait même pas. « Papa, c’est nous. Juste… Ciàran et moi. » Le suppliai-je presque. La suite échappa à tout contrôle.

Il se rua sur moi aussitôt, dans l’intention ferme de me tuer. Ciàran tenta bien de lui faire lâcher prise sur son couteau, mais il était comme possédé. « Papa ! » Chaque coup asséné aurait dû le faire reculer, mais c’était comme s’il ne ressentait même plus la douleur. Une entaille profonde à mon bras, suivi d’une autre, plus fine, qui manqua de m’ouvrir la carotide, me força à reculer en titubant.

Tout ce sang.
Ce regard vide et meurtrier.
Les hurlements de ma mère.

Elle s’interposa entre nous, prenant un coup de couteau qui aurait pu m’être fatal. Je restais figé par l’horreur. Je voulus m’avancer pour l’aider, mais elle s’effondra comme une marionnette à qui on avait coupé les fils. Ciàran ne tarda pas à renverser la bibliothèque sur notre père, avant de me forcer à bouger. C’était trop tard pour elle.


Les jour suivants, je les vécus dans un état second. Ma mère assassinée, mon père fut arrêté comme étant le principal coupable de cette tragédie. La Justice conclut assez rapidement à un crime conjugal, ce qui ne faisait pas sens pour moi. Notre père n’avait cessé de se répandre en excuses une fois qu’il avait retrouvé ses esprits, rongé par la culpabilité, prétendant n’avoir aucun souvenir de cette nuit fatidique. Quant à notre sœur ? Elle était introuvable. Les avis de recherche lancés par Ciàran ne donnèrent rien : elle avait disparu comme par magie, au même moment.

« Tu te souviens des paroles que ce fou-furieux avait prononcé, après qu’on ait mis le feu à cette cave ? Je provoquerais la ruine de ta famille, les Iwas m’en seront témoins. » Je relevai un regard perdu vers mon frère. « Ces poupées, ces cercles rituels… tu crois qu’ils nous ont jeté un mauvais sort ? » Ça paraissait fou, et pourtant… mais qui serait seulement prêt à nous croire ?

Personne.



Ciàran avait décidé de prendre les choses en main. Si nous n’obtenions pas gain de cause auprès de la Justice, alors mieux valait peut-être fuir l’Etat. Je n’eus même pas le cœur à protester, ni d’attendre encore que notre sœur refasse surface. Tout semblait perdu. Mon jumeau, lui, n’aspirait plus qu’à un nouveau départ. Nous partîmes pour la Nouvelle-Orléans.

Je ne vis pas passer les trois années suivantes, rongé par ce profond sentiment d’injustice qui avait condamné toute ma famille. Ciàran termina ses études dans la police, de son côté, et commença à travailler d’arrache-pied, ayant soif de justice. On se voyait peu, ce qui était sans doute pour le mieux. Si nous avions été inséparables durant notre jeunesse, à faire les quatre cents coups ensemble, ce drame familial avait creusé un fossé impossible à combler entre nous. Je lui en voulais de passer si aisément à autre chose, quand lui me reprochait de rester ancré dans le passé. Il contenait mal sa rancœur envers moi. Nos disputes étaient violentes, nos silences, glacials. Ce qu’il refusait de me dire ouvertement, c’était qu’il me tenait sûrement responsable de tous nos malheurs. Si seulement je n’avais pas levé mon arme sur cette sorcière… nous serions encore en Irlande, n’est-ce pas ? Ou peut-être l’aurait-elle tué, et il ne me resterait plus personne.




J’étais surpris que Ciàran me propose de le suivre à Shreveport, quand il fut muté dans une cellule spéciale de la police américaine. A faire autant de mystères, il était évident pour moi qu’il me laisserait derrière à la première occasion, mais il n’en fut rien. Peut-être que mon jumeau craignait, au fond de lui, que je ne disparaisse à mon tour s’il me perdait de vue un seul instant. Mais où aurais pu-je allait d’autres qu’à ses côtés ? Il était le seul qui arrivait encore à me garder la tête hors de l’eau. Méfiant à l’extrême, je n’étais pas parvenu à me faire des amis à la Nouvelle-Orléans, à peine des connaissances aux penchants douteux pour noyer un temps mon chagrin dans l’alcool ou la drogue. Alors, je n’avais rien à perdre à tenter le coup à Shreveport.


« C’est réel ? Ils sortent en plein jour maintenant ? » Je quittai la télévision du regard au retour de Ciàran, alors qu’un énième reportage passait, avec des témoignages à la clef, sur le monde magique et ses répercussions. Les médias ne parlaient plus que de la Révélation depuis des semaines, après que ces « arcanistes » aient fait la une au quotidien. Ils pouvaient bien utiliser les termes qui leur plaisaient le mieux, ce n'était rien de plus que des sorciers, des satanistes, voilà tout. Si apprendre l’existence des vampires m’avait seulement fait doucement rire, comme une blague de mauvais goût, que les arcanistes se révèlent ensuite avait raviver en moi un profond sentiment d’amertume. « T’étais passé où ces derniers jours ? T’as manqué tous leurs discours hypocrites pour se faire passer pour ma sorcière bien-aimée. » J’éteignis la télévision, agacé, pour me lever du canapé et lui faire face. Mon jumeau avait visiblement à peine dormi, une profonde lassitude se lisait sur son visage. « Je dois te parler de quelque chose, Aodh. » Vu le ton employé, je n’étais pas certain que ça allait me plaire.

Ciàran n’était plus autant tenu par le secret concernant ses activités de la journée. J’appris que la fameuse cellule spéciale de la police qu’il avait intégrée récemment n’était autre qu’une organisation visant à réguler le monde surnaturel. Le déménagement à Shreveport n’était pas anodin non plus, la ville étant l’épicentre de bon nombre de communautés surnaturelles. Le pasua avait recruté en masse dernièrement, pour affronter la vague médiatique qui avait eu lieu. Mais sa soif de justice ne faisait pas écho à la mienne. Nous ne vivions pas cette Révélation de la même façon. Si Ciàran voulait faire en sorte que les choses se passent au mieux, l’envie me prenait de tout brûler. J’enrageais que ces maudits sorciers puissent sortir en plein jour, qu’ils vantent les mérites de la magie alors que je savais de quoi ils étaient capables, et à quel point la justice était pourrie. Ils avaient détruit ma famille.

Mais, en plein cœur de la tempête, je puisai un soutien insoupçonné dans un mouvement qui se forma pour faire écho à la gronde générale : les Shepherds. Je me retrouvais dans leurs discours enflammés à l’égard de ces monstres, dénonçant leurs actes répréhensibles. Parmi eux, beaucoup avaient des victimes regrettables de leurs exactions, et n’avaient pas eu gain de cause auprès de la justice. Chaque histoire que j’apprenais de leur bouche me révoltait davantage, et il ne me fallut pas bien longtemps pour me joindre activement à leur cause. Grâce aux Shepherds, je renouais également avec ma foi en Dieu que j’avais perdu pendant de longues années.


« Tu serais intéressé de venir avec nous ce soir ? » Nous venions de terminer une énième marche exaltée, dans un silence religieux. Celle qui venait de me poser cette question était une nippo-américaine du nom de Tsukiko. Brune à la peau pâle, jolie et mystérieuse, elle m’avait aussitôt tapé dans l’œil… alors comment refuser ? « Bien sûr, vous avez prévu quoi ? » Son sourire énigmatique en disait long. « On fera un détour par ta boutique. » Je m’étais naturellement rapproché de tous ceux qui étaient férus d’armes à feu comme moi. Les Shepherds m’avaient même permis d’obtenir quelques fonds qui, mis bout à bout avec les quelques échanges sous le manteau que je faisais encore, m’avaient permis d’ouvrir ma propre armurerie, The Lucky Gunner.

Et si je m’étais simplement attendu à aller boire un verre entre amis ce soir, à partager encore nos histoires, nos doutes et nos espoirs… ils avaient visiblement plutôt envie d’action, et pas seulement une petite partie d’airsoft en forêt. L’un des nôtres avaient eu des démêlées avec un sorcier et, la veille, nous nous étions déjà dit qu’il nous fallait agir et ne plus attendre que la justice prenne les choses en main. Alors on s’était tous équipés à la boutique. Je me sentais excité à l’idée de partir en chasse, de pouvoir enfin concrètement agir contre ces monstres qui hantaient nos rues et s’en prenaient aux nôtres. J’étais d’accord avec eux. Ça ne pouvait plus durer. J’aurais tellement aimé que quelqu’un soit là pour venger ma famille, six ans en arrière. Alors je ne comptais pas rester sagement les bras croisés quand les miens avaient besoin de moi.

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Tsukiko et moi avions décidé de nous marier deux ans plus tard. Et il ne lui fallut que quelques mois de plus pour tomber enceinte de notre fille, Shanna. Je nageais en plein bonheur. J’avais l’impression d’avoir retrouvé une famille, des amis, un point d’ancrage. Je pouvais enfin avancer. J’avais quitté notre collocation avec Ciàran pour m’établir au-dessus de The Lucky Gunner l’an passé avec Tsukiko. Je m’investissais toujours plus dans le mouvement, et surtout dans la création de cette milice secrète visant à combattre les injustices causées par ces monstres à la nuit tombée. Ce que mon frère n’arrivait pas à démêler avec le pasua, j’arrivais à trouver une conclusion bien plus radicale à ce type de questions. J’avais le sentiment d’être enfin à ma place.

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« Vous êtes sûrs de ce que vous avancez ? Ce ne sont pas des photos truquées ? » J’étais choqué d’apprendre que les arcanistes avaient réussi à créer une amnésie collective, au sein de Shreveport. Peu d’entre nous, parmi les Shepherds, n’avaient pas perdu la mémoire. Mais nous étions un mouvement solide et uni, alors quand les plus anciens avaient rapporté des témoignages, puis peu de temps ensuite, des preuves formelles de ce qu’il s’était passé cette fameuse nuit… l’horreur me figea. Je n’avais pas encore conscience du potentiel des arcanistes qui pouvaient agir à une échelle bien plus grande que je le craignais. Au final, je n’en savais pas assez encore sur leurs pratiques, même en les combattant régulièrement. On avait bien fini par développer dans l’arrière-boutique de l’armurerie des armes anti-CESS, mais tout ceci demandait du temps et des ajustements, en plus de moyens conséquents. Et il allait nous falloir plus qu’une nouvelle vague médiatique pour se faire entendre cette fois. C’était trop gros pour que nous nous taisions.




« Vous le voyez ?! » L’éclat de la lune et des étoiles peinait à percer la cime des arbres, projetant des ombres inquiétantes. Je me figeai en voyant l’une d’elle bouger à toute vitesse. Ma lampe-torche capta un regard doré, avant qu’un puissant grognement retentisse. Je tirai à plusieurs reprises. J’étais persuadé d’avoir blessé ce monstre, mais ça ne l’empêcha pas de se jeter sur moi avec la rage du désespoir. Un cri déchira l’air. Le mien, suivi peu de temps après par celui de Tsukiko. Tout s’était passé si vite. Tout ce sang… J’entraperçus Tsukiko se ruer vers moi. J’aurais voulu lui dire à quel point je l’aimais, mais je me sentis partir avant d’en avoir l’occasion. C’était fini.

Après toutes ces nuits de chasse punitive, je devais bien me douter que la conclusion finirait par être sanglante. Pourtant, je n’avais que des regrets. J’espérais au moins qu’ils avaient pu tuer ce monstre avant qu’il ne fasse davantage de ravage. Je ne pouvais pas m’empêcher de songer à ma fille que je laissais subitement sans père, à mon frère qui perdait le dernier membre de sa famille, avant de sombrer dans l'inconscience.

Je pris une respiration difficile, saccadée, en me redressant tant bien que mal sur les coudes, sans bien savoir combien de temps j'étais resté à terre. Qu’est-ce qu’il venait de se passer exactement ? Des voix étouffées me parvenaient. Je plissai le regard sous l’intensité des lumières d’autres lampe-torches, avant d’entendre quelques chiens. J’aurais voulu leur demander de l’aide, mais je réalisais bien vite que ce n’était pas les miens. C’était la police qui arrivait sur les lieux du crime. « Merde, merde, merde… » Il me fallait me faire violence pour me relever à temps, avant qu'ils ne me voient. Mon état préoccupant ne me permit pas de faire plus que quelques dizaines de mètres au pas de course avant de m'écrouler plus loin, perdu dans les bois. Je me traînais tant bien que mal, blessé et désorienté, jusqu'à une vieille cabane de chasse où je réussis miraculeusement à trouver de quoi me confectionner un bandage de fortune. Le lendemain, ce fut heureusement le chasseur qui l'occupait habituellement qui me trouva, et non pas la police. Il voulait appeler aussitôt l'hôpital, mais je l'en dissuadai. Je craignais plus que tout de me transformer en une bête sanguinaire, et la prochaine pleine lune ne tarderait pas à arriver. L'idée même de prévenir qui que ce soit était exclu pour moi. Je ne pouvais pas mettre en danger ma famille, il fallait que je les préserve du danger que je pourrais représenter.


J’errai sans but dans les rues mal famées de Shreveport. La première transformation avait été bien plus horrible que je n’aurais pu encore l’imaginer, scellant mon sort. Tapis dans le fond de mon esprit, l’esprit de l’animal me hantait en permanence et ne me laissait aucun instant de répit. Je m’étais retrouvé nu et couvert de sang le matin même, réfugié sous un vieux pont. J’étais persuadé qu’un SDF avait dû passer sous mes crocs mais mes souvenirs restaient flous. J’eus aussitôt envie de vomir le peu que j’avais encore dans le ventre.

Comme il était impensable de rentrer chez moi, je m’étais trouvé une petite planque provisoire à Mansfield, au milieu des drogués et des laissés pour compte. Mon cuir des Outlaw, qui avait miraculeusement survécu, était généralement assez dissuasif pour que personne ne vienne me chercher des noises. J’avais planqué mes armes de la milice à l’abri des regards, pour ne pas y retoucher dans l’immédiat. J’avais même fini par troquer un de mes bijoux en argent contre une guitare, étant incapable de le toucher de nouveau. Heureusement, il ne me servait qu’à détecter les créatures surnaturelles et n’avait aucune valeur affective, à l’inverse de ma croix et de ma bague de mariage, qui étaient en or. Jouer de la guitare, comme dans mon enfance, me permettait de joindre les deux bouts et d’avoir de quoi manger le soir. Je pouvais être mobile et changer souvent d’emplacement sans attirer l’attention. Et, curieusement, la musique semblait apaiser momentanément le monstre qui se débattait avec ma conscience.

Je le détestais. Je me dégoûtais. Et plus ce sentiment était puissant et ancré, plus la Bête me donnait de la peine pour la garder museler. C’était une lutte de chaque instant que j’étais incapable de remporter. A chaque fois que je baissais ma garde, elle s’engouffrait dans la brèche. A force, il m’était devenu impossible de faire une nuit complète, et l’alcool n’arrivait pas à l’abrutir. J’avais songé, l’espace d’un instant, à me tirer une de mes balles d’argent en pleine tête pour tuer ce monstre en moi comme bien d’autres auparavant… mais j’avais été incapable de me résoudre à presser la détente. Au fond, je n’étais qu’un lâche.


« Ciàran… ? » Je devais rêver, non ? Ça ne pouvait pas être lui. Comment il m'aurait retrouvé ? Il avait l’air de revenir de loin, tout comme moi. On aurait dit qu’il n’avait pas dormi depuis des mois non plus. Je restais sous le choc, quand il m’étreignit subitement sans me laisser le choix, avant qu’un sentiment d’empressement me force à le repousser. « Tu ne devrais pas être là. » Lui reprochai-je aussitôt, la peur prenant le pas sur le soulagement.

Et tous ces sentiments entremêlés étaient dangereux, je le savais. La Bête voyait là autant d’opportunités de briser ses chaînes pour crever la surface. Notre dispute, violente, fut un terreau fertile pour elle. Quand Ciàran voulut me forcer à le suivre et repartir avec lui, le coup partit sans attendre, d’une main subitement pourvue de griffes. Je restais figé par l’horreur à voir mon reflet s’effondrer, sonné sur le coup, peut-être même mort pour ce que j’en savais. Tout le reste fut incroyablement flou, alors que la transformation s’opérait sans crier gare, révélant le loup tapis au fond de mon esprit. Lui ne voulait qu’en découdre.

Quand je repris mes esprits, le mal était déjà fait. Je revins sur mes pas le plus rapidement possible pour retrouver mon frère, griffé et mordu, à l’agonie. Si je songeais aussitôt à appeler un hôpital, en tentant d’éponger tout ce sang, les minutes qui suivirent furent déterminantes. Le soulagement se disputait à la culpabilité, à le voir peu à peu se regénérer de lui-même. Le mal était fait. Je l’avais entraîné dans cet enfer.

Alors ça, c'est pile notre came. Déjà, je suis ravi de voir un personnage anti-CESS qui soit motivé par de réelles et crédibles sentiments d'animosité envers les surnats'. Aodh n'est pas un extrémiste gratuitement, et j'ai vraiment particulièrement apprécié sa haine bien ancrée des arcanistes, qui est tellement compréhensible au vu de ce qu'il a vécu. J'ai aimé le côté vengeance des vaudouisants, j'ai aussi apprécié la mise en lumière du chemin différent qu'il a adopté, à l'inverse de son frère jumeau. Ce qui me plaît aussi, c'est le côté tangible de sa vie de famille à fond impliquée au sein des Shepherds (c'est une chose qu'on a tendance à mettre de côté, mais l'engagement pour ce genre de "cause" engage très souvent la famille de ces mecs-là. Les Shepherds et la Milice sont loin de brasser uniquement du G.I. Joe en puissance, et la manière dont tu as souligné ça est agréable et ça donne du poids au réalisme de l'histoire). Perso, j'suis aussi content qu'on ait une famille de personnages qui reprennent en main l'armurerie (vivement l'arrivée des scénarios... ). Et forcément, le côté serpent qui se mord la queue et transformation en ce qu'il abhorre : c'est du grand classique, mais y'a rien à faire. Avec moi, ça marche toujours, surtout quand la plume est aussi fluide et que la fiche se lit toute seule. J'ai hâte d'en savoir plus sur Aodh et sur ce que l'avenir lui réserve. A très vite en RP en tout cas, et bienvenue officiellement parmi nous !

Voilà, tu es officiellement dans la famille et ça implique de grandes responsabilités mais aussi beaucoup de fun. (Mais pas trop, Eoghan risque de le tuer.) Bref, tu as maintenant accès à tout le forum, ce qui veut dire que tu peux créer ta fiche de liens pour te faire plein d'amis ! Tu peux aussi nous tenir au courant des avancées de ton personnage dans un carnet d'évolution, mais c'est facultatif. Si tu es pressé d'écrire et que tu n'as pas encore de partenaires, n'hésite pas à poster dans les demandes de RP ou à te lancer dans l'aventure du fil rp ! Et si tu te sens seul, tu peux lancer ton propre scénario ou créer des pré-liens. Tu as sûrement constaté que nous avons un système de points sur AA, nous t'invitons à découvrir comment en gagner et surtout, comment les dépenser.
D'ailleurs, si tu as pris un prédéfini ou un scénario comme personnage, tu peux d'ores et déjà réclamer tes premiers points dans Collecter vos points.

Si tu as des questions, le staff est toujours à ta disposition pour y répondre. Et si tu veux un aperçu de la bonne humeur (pour ne pas dire folie) de nos membres, n'hésite pas à venir voir sur la CB ou à participer au flood ! Mais si on te fait un peu peur, n'hésite pas à demander l'aide d'un parrain ou d'une marraine pour t'intégrer. Ce sont des membres dévoués aux nouveaux !

Tout le staff d'Ashes Arise te souhaite donc la bienvenue dans ses rangs et à très vite pour les prochaines aventures !