Wolf & witch

Je m’étire longuement, attrapant un torchon pour m’essuyer les mains avant de réaliser vaguement que le garage est vide. Il faut dire qu’il est plus de 18 heures et qu’on est pas sur une journée à rallonge spéciale créatures de la nuit. Alors je me suis vite retrouvé tout seul, apprentis comme employés ayant bien mieux à faire du reste de leur journée. J’hésite un instant, fixant mon portable posé sur l’établi, sans trop savoir si j’ai envie d’envoyer un SMS à Elizabeth ou pas. Alors, on va pas se mentir, j’en ai envie. Mais est-ce que je peux le faire ? Difficile à dire. Je préfère attendre un peu. Genre tout à l’heure, quand j’aurais tout fermé.

Un soupir, alors que je balance le torchon et que je referme le capot de la voiture. « Bon, on continuera demain hein… » Je sais que je pourrais y passer beaucoup trop d’heures pour mon bien, sans même m’en rendre compte. Mais au moins, ça me vide la tête, ça m’évite de penser à cette semaine complètement dingue et à tout ce qui se passe autour de nous. A cette inquiétude qui me quitte plus depuis qu’on a eu un bouquet d’aconit accroché à la porte, depuis que j’ai appris ce qui a pu arriver aux autres membres de la Meute. Même Ethan y a eu droit alors qu’il est juste humain.

« Le monde perd la boule… » Soufflé pour moi-même, alors que je me dirige vers l’entrée et que je referme le rideau métallique, songeur. J’arrête pas de me demander quand les choses vont finir par vraiment exploser et surtout, quel prix on va devoir payer pour tout ça. Mais j’essaie de garder la tête froide, de me dire qu’on fait au mieux pour protéger la Meute et que… je sais pas trop en fait J’ai du mal à me projeter, à imaginer comment les choses pourraient encore empirer. Depuis qu’on a trouvé les caméras aux limites du Caern, c’est comme si on était tous constamment sur les nerfs de toute façon.

Et je commence à éteindre les lumières, toujours plongé dans mes pensées. Avant de tilter qu’il y a toujours quelqu’un du côté des bureaux. J’ai un froncement de sourcils, finissant par réaliser, avec un temps de retard, que Tasya a demandé à bosser le soir cette semaine. Et que j’ai accepté évidemment. La brune est donc fort occupée à ranger un bordel imaginaire. A part la salle de pause, où elle doit avoir quelques trucs à faire quand même. Mais au moins, elle en fait assez pour justifier de son salaire, c’est le principal non ?

J’ai une hésitation, sans trop savoir si je vais la voir ou pas. Elle a ses propres clés et je serais même pas obligé de passer par là pour rentrer chez moi. Et il est possible que je l’ai un peu évitée les jours qui ont suivi ma mésaventure. Outre le fait que j’ai été pas mal occupé avec la Meute, je savais pas trop comment discuter de tout ça avec elle.

Elle nous a soignés. Elle a enlevé le poison qui nous tuait.

Ouais, ouais, c’est vrai. Mon loup a raison.

Me frottant la nuque, je finis par franchir les quelques mètres qui me séparent du coin administratif du garage et je toque contre le mur vitré, plus pour lui annoncer ma présence qu’autre chose. « Hé, salut Tasya. Tout va bien ? » Un temps, alors que je regarde autour de nous. « Je comptais manger un bout, ça te dit de te joindre à moi ? » Comme ça, on aura tout loisir de discuter, c’est une bonne idée non ? Ou alors, elle va croire que je la drague. Merde, ça m’avait même pas effleuré. Je dois dire un truc pour éviter qu’elle imagine ça ou pas ? Humpf. Je me fatigue.

Je suis complètement perdue dans mes pensées depuis deux bonnes heures. Je travaille en silence. Ce n'est pas bien difficile, le bureau où je m'affaire était déjà en grande partie propre. J'aurais même pu me contenter d'un simple balayage et d'un coup de serpillère mais je ne suis pas payée pour me tourner les pouces alors je m'active. J'ai rangé un peu de paperasses, trié quelques documents, donner un petit coup de chiffon sur les étagères... Mes pensées, elles, s'évadent. Je songe à cette petite semaine de vacances, après Noël où Ethan va m'amener voir la mer. Sa proposition me touche, il semble si emballé. J'espère réellement que nous pourrons y aller. Il est gentil et tellement bienveillant.

Ces temps-ci, le boulot ne désemplit pas et il devient compliqué de jongler entre tous.  Le travail à l'hôpital, celui au bar, ici au garage, mes journées et mes soirées sont bien remplies, mais je ne me plains pas. J'accumule de l'argent et pour rembourser mes dettes, c'est indispensable. Il faut juste que je trouve une ou deux heures de libre pour aller à la piscine, là où je peux me ressourcer réellement. Le risque d'épuisement est bien réel et heureusement, mon pouvoir n'est pas trop mis à contribution.

Lorsque quelqu'un toque à la porte, je suis surprise et relève assez brusquement la tête, venant me cogner le crâne contre le haut du placard. Ouille. La douleur me tire une petite grimace tandis que je me retourne pour voir qui vient à ma rencontre. Je fais un petit signe de la main à Samuel. « Oh, salut ! » J'hoche la tête et lui montre le bureau. « Tout va bien, j'ai trié quelques papiers par dates. » Je lui montre les deux trieurs où il pourra retrouver ses dernières factures rangées par mois. « J'allais bientôt finir. » Je remarque alors le garage plongé dans le noir, derrière lui. « Oh, tu fermes déjà ? » Un bref coup d’œil à ma montre et j'écarquille les yeux. « Ah oui, déjà presque 19h ? » Je n'ai pas vu le temps filer.

A sa proposition de repas, je me rends compte que je suis affamée, je n'ai rien mangé depuis le matin-même, juste avant de prendre le chemin du boulot, aux urgences. La journée est passée beaucoup trop vite. « Oh, et bien... pourquoi pas ! Je n'ai pas eu le temps de manger à midi. Tu avais une idée derrière la tête ? » Me rendant compte que ma phrase pouvait être mal interprétée, je renchéris vite : « Enfin, pour manger, tu avais une idée de lieux ? » Et, je suppose qu'on aura l'occasion de discuter de ce qu'il s'est passé. Depuis que je lui ai retiré la balle en argent de son épaule, nous ne sommes pas revenus dessus. Nous n'avons pas eu l'occasion et puis, Samuel est rarement seul au garage. De mon côté, il n'y a rien à dire de plus, je savais qu'il était un loup-garou depuis le début, mais de son côté, ma nature de sorcière a pu le surprendre.

J’ai l’impression qu’on marche tous sur des œufs ces derniers temps. Avec les menaces, les tensions et les risques qu’on prend juste en étant CESS – sans même le revendiquer en tant que tel – c’est comme si tout risquait d’exploser à la moindre petite étincelle. Et c’est là que je me rends compte que des alliés comme Tasya sont plus qu’importants. Pas uniquement pour ses dons, mais aussi pour la bienveillance dont elle a clairement fait preuve en apprenant qui j’étais. C’est tout aussi précieux, si c’est pas plus, qu’une mage qui peut me soigner d’un claquement de doigts. Même si ouais, fondamentalement, je vais pas m’en plaindre.

Je me masse l’épaule, plus par un réflexe sorti de nulle part qu’autre chose, alors que je rends un sourire à la brune. « Alors, pour le coup, j’aurais une tonne de papiers à te faire trier si t’es motivée. Je sais pas quoi faire de mes archives. Elizabeth me dit que je dois tout scanner et enregistrer mais… » Je roule des yeux à cette idée. « Sauf que ça relève plus du secrétariat que du ménage là… faudrait ptet qu’on revoit tes attributions. » Possible que je sois en train de lui proposer un vrai job. Je lui lance un regard curieux, attendant de voir sa réaction, alors qu’elle enchaine sur le repas.

Et je me fends d’un rire à sa question, levant les deux mains dans direction. « Je viens en tout bien tout honneur. Aucune idée derrière la tête, promis. » Enfin, pas qui pourrait être sujette à mauvaise interprétation en tout cas. D’autant que ouais, possible que mon esprit soit déjà un peu trop focalisé sur une personne. Même si ça, pour le moment, je le garde pour moi, hors de question de montrer une faille du genre. « Alors, à dire vrai, j’avais pas pensé à un resto ou un truc du genre, mais j’ai de quoi faire à l’étage. Si ça te va bien sûr. » J’ajoute, avec une ombre de sourire. « Ca évitera surtout les oreilles indiscrètes et… j’aimerais autant. » Au moins, qu’elle sache que c’est pas totalement désintéressé. Surtout que j’ai pas mal de questions qui se bousculent.

Je m’adosse à l’embrasure de la porte, croisant les bras un instant, avant de reprendre, du même ton léger. « Il parait que je suis pas mauvais cuisinier, je devrais pas t’empoisonner. Et y aura même pas de corvée de vaisselle, promis. » Je suis peut-être réfractaire à la plupart des technologies mais, clairement, j’ai eu un lave-vaisselle dès que j’en ai eu l’occasion. Faut pas déconner, surtout que je passe mon temps à faire à bouffer. « Après, si tu trouves ça bizarre, y a un resto au coin de la rue qui fait des très bonnes pizzas. » Bon, le patron a une pancarte qui sous-entend que les CESS sont pas les bienvenus, mais si on fait fi de ce petit détail, ça se passe plutôt pas mal en général. Je m’arrête plus depuis longtemps à ce genre de choses, sinon j’aurais dû bouffer la moitié du quartier. Sans exagération évidemment.

Quand Samuel parle de nouveau boulot avec le classement et rangement de ses archives, j'esquisse un petit sourire : « Tu veux dire un vrai travail ? Plutôt que d'astiquer de la poussière quasi imaginaire ? » Je lui adresse un petit clin d’œil. Je pense qu'il est aussi conscient que moi que son bureau et son garage ne sont pas assez sales pour nécessiter ma présence autant de temps par semaine. « ça me va ! » Ce ne sera pas un travail épuisant, je vais surement y passer du temps par contre. Tout dépend de quand datent ses premières archives. Pour le moment, j'arrive plutôt bien à jongler entre mon boulot à l'hôpital, celui au bar et ici. Il va peut être falloir faire un choix à un moment, mais j'ai trop besoin de cet argent et.. de ma voiture aussi. « Tu me montreras tout ça ! » Et pour le moment, vue l'heure et la promesse d'un bon repas, ça attendra !

« D'ailleurs... Tu t'en sors pour ma voiture ? » Je sais que ça peut prendre plus de temps que prévu. Certaines pièces étaient trop usées pour être réparées. Il va falloir les changer et c'est ce qui coûtera chère, sans aucun doute. J'ai bien fait d'acheter une voiture pas trop chère, hein ? Comme je ne m'y connais pas, je me suis faite arnaquée, sans aucun doute. On m'a vendu une ruine. « Je continue à me dire que j'aurais dû la mettre à la casse... » Je soupire. C'est bien ma veine ça. « Le vélo c'est bien aussi... » ... Mais moins pratique pour les longues distances, même si ça fait des cuisses en béton.

J'ai un rire à la suite. « J'en doutais pas » Il n'a jamais été question de ça avec Samuel de toute manière. J'hoche la tête quand il parle de l'étage, loin des oreilles indiscrètes. Je suppose qu'il veut parler de l'autre jour, alors j'accepte volontiers cette alternative. Je ne suis pas très à l'aise à l'idée d'évoquer mon don entourée d'autres clients au restaurant. « Ok, va pour l'étage ! » Je finis de ranger les papiers que j'ai dans la main. « Non, non, vas-y, tu peux cuisiner ! » Je lui lance un regard complice : « Vues les odeurs qui arrivent parfois jusqu'ici, j'ai pas trop de doutes sur tes capacités de cuisinier ! » Oui, parfois, ça sent divinement bon !

Je finis par le suivre à l'étage. Je ne suis venue ici qu'une seule fois, avec Ethan, quand Samuel a été blessé. Nettoyer son appartement ne fait pas partie de mes attributions. « Tu as besoin d'aide ? » Pour nettoyer des légumes ou découper, ou je ne sais pas quoi... J'ai quelques notions en cuisine, je me débrouille. Ma mère m'a appris quelques recettes, enfin surtout des potions à vrai dire, mais le principe est le même... à peu près ! Et puis, cuisiner, ça détend pas mal !

Un sourcil arqué en direction de la brune qui esquisse un sourire. Je ne suis pas idiot, je suis parfaitement conscient que le job que je lui ai filé est un brin… surévalué.  Ou quelque chose du genre. Mais, quand je peux rendre service, je le fais. Sans compter que je lui en dois une, même si ce n’est pas forcément ça qui m’aurait poussé à lui proposer un boulot. Je sais être reconnaissant, mais pas à ce point-là. J’ai tout de même un rire avant de reprendre, non sans hausser une épaule. « Disons qu’à un moment, les gens vont se demander pourquoi je te paie, vu que le garage est impeccable de base. Et j’ai vraiment besoin de quelqu’un de motivé pour gérer tout ça. » Un temps avant de hocher la tête quand elle dit que ça lui va. « Parfait. On discutera des horaires qui t’arrangent. » Vu les plages horaires du garage, ça reste assez facile de caser quelques heures. Il faudra aussi discuter dudit nombre d’heures. Plein de trucs dont on discutera plus tard donc.

Une œillade vers elle quand elle m’interroge sur ma voiture. « Mmmh… on va dire que c’est un défi. Mais j’aime bien relever les défis. Et sincèrement, si on trouve toutes les pièces, tu pourras la revendre bien plus cher que ce que tu l’as payée. Elle est en bon état et c’est pas un modèle courant. Alors, on essaie de faire ça bien. » J’ai quand même une grimace compatissante. « Encore quelques jours de patience. Mais tu peux toujours te mettre au vélo, c’est bon pour le cardio. »

Un signe de tête pour lui faire signe de m’accompagner à l’étage, tout en soufflant, d’un ton vaguement songeur. « Personne s’est jamais plaint en tout cas. Soit c’était bon, soit ils osent pas. Dans tous les cas, ça me convient. » Après tout, tant pis pour eux s’ils ont trop peur du grand méchant loup pour me dire si le diner ne leur a pas plu. Mais dans l’immédiat, je grimpe rapidement les marches, déposant mes clés sur le plan de travail impeccable avant d’aller allumer quelques lumières. « Tu veux boire un truc ? J’ai des jus de fruits ou de la bière. » Du reste, après avoir examiné le contenu du frigo quelques instants, je finis par être inspiré et je sors du poulet, des légumes et du lait de coco que je pose sur le marbre qui nous sépare. Quelques patates douces chopées en cours de route et je tends un couteau de cuisine et une planche à découper à Tasya. « Je vais te faire bosser un peu pour gagner ton diner alors. Emince les champignons. Après faudra t’occuper des poivrons et des courgettes. » De mon côté, j’attrape les filets de poulet je commence à les couper, avant de reprendre, comme si de rien était. « Donc. Tu savais depuis le début que j’étais un lycanthrope. » C’est pas vraiment une question. Vu sa réaction quand elle m’a vu blessé, le contraire me surprendrait passablement. « C’est le moment où je t’interroge à propos de ta vision de la grande Révélation ou je garde ça pour le dessert ? » Autant y aller cash non ? Histoire de savoir à quoi m’en tenir la concernant.

Je comprends parfaitement où il veut en venir et ça me convient parfaitement. D'un côté, les gens vont se demander ce que je fais là vu que le garage est propre et d'un autre, il a besoin de quelqu'un pour ranger ses archives. « On a un deal alors ! » Je suis plutôt organisée en général, je ne devrais pas avoir trop de mal à classer et ordonner tous ses documents. Pour la suite, j'ai une petite hésitation. « Tu veux que je vienne à des heures précises ou je peux venir quand je suis disponible ? Tant que le garage est ouvert bien sûre... » J'avoue que la deuxième option serait préférable vu mon emploi du temps assez chargé. S'il tient à ce que je vienne à un horaire plus fixe, je devrais m'arranger, mais un peu de liberté dans mon organisation me ferait du bien.

Samuel est plutôt rassurant sur l'état de ma voiture. Je reste tout de même assez septique mais bon, c'est lui le mécano après tout. « Prends ton temps, je ne suis pas à quelques jours près ! » Je grimace pour le vélo, je n'ai pas assez de sous pour en acheter un malheureusement. « J'ai de bonnes jambes aussi et je connais la ligne des bus sur le bout des doigts... » A force de dépendre des transports en commun... « Merci encore.. Ma voiture aurait probablement fini à la casse si tu ne l'avais pas prise en charge. Je n'aurais pas pu trouver un garagiste qui soit aussi conciliant... » Et je lui en suis infiniment reconnaissante !

« Je veux bien une bière. Je ne suis pas en service, je crois... » Je lui adresse un clin d’œil, après tout, c'est lui le boss... Je me saisis du couteau et commence à couper les champignons comme il me l'a demandé. « Oui, je l'ai su dès que tu as ouvert la porte du garage le premier jour... » Je relève les yeux vers lui. « Ton aura est particulièrement puissante, difficile de passer à côté » C'est une simple constatation. « Et toi alors ? Tu n'avais rien deviné avant que je te soigne ? » Guère surprenant en réalité, si je ne dis rien, il ne peut pas savoir, et je suis plutôt discrète.

Je garde le couteau en l'air quand il m'interroge sur la grande révélation. C'est plutôt direct comme approche. « Tu peux m'interroger... » Inutile d'attendre le dessert. « ça fait peur... Tout ce qu'il se passe en ce moment. Plusieurs membres de ma famille ont été.. tués par des chasseurs ou des gens les accusant de sorcellerie alors pour ma part, je suis plus adepte du "vivons caché". » Je grimace. « Mais dans un monde idéal, il y aurait de la place pour tout le monde et personne ne se ferait la guerre. » En gros, qu'il soit lycanthrope, vampire ou autre, je m'en fiche un peu. Je crains juste pour ma propre survie, j'ai perdu trop de proches pour être sereine. Pour le moment, je ne m'étends pas davantage sur la question. « Et toi ? » Je suis également curieuse de connaitre son avis.

Un hochement de tête accompagné d’un sourire, alors que je lui tends la main pour sceller notre accord, prenant l’air vaguement sérieux. « On a un deal oui. » A sa question, j’ai un temps, laissant filer quelques instants de silence. « Mmmh… j’ai pas vraiment besoin que tu viennes à des heures précises non. Tant que le boulot est fait, ça me va. Et les horaires d’ouverture sont particulièrement étendu. J’ai besoin de laisser le garage ouvert pour certains clients plus… nocturnes. » Qu’elle sache que des vampires peuvent passer dans le coin, même si je le dis pas clairement. « J’ai potentiellement quelques années de rangement de retard. Bien rangées dans des boites en carton. » Faut dire que c’est clairement pas mon délire. Et qu’il faudrait numériser tout ça à entendre Elizabeth. « On fixera le nombre d’heures hebdo et tu feras comme tu veux. Tant que tu me donnes ton planning genre une semaine avant, ça te va ? J’ai besoin de savoir qui est là et à quelle heure. » Elle peut très bien comprendre pourquoi sans que j’ai à l’expliciter, d’autant qu’elle a vu ce qui peut arriver, même si ça reste le pire depuis un moment déjà.

Quant à sa voiture, si je fais au mieux au vu de son budget, c’est vraiment un défi. Et il est possible que la facture soit un peu baissée par rapport à ce que ça me coûte réellement. Peu importe. Elle m’a sauvé la vie ou peu s’en faut après tout. « Me remercie pas. J’espère qu’elle sera comme neuve quand tu vas la récupérer en tout cas. » Et possible aussi que ça m’amuse de bricoler dessus.

Bière décapsulée et posée à côté d’elle, je m’en sers une aussi avant d’arquer un sourcil à sa remarque. « Mon aura hein… » J’avoue que c’est une chose à laquelle je fais pas attention, pour les non-thérianthropes en tout cas. « J’ai rien deviné non. C’est pas comme si c’était vraiment… visible. » Je la fixe un instant, curieux. « C’est aussi grâce à l’aura que tu devines les natures des autres créatures ? » C’est comme ça que font mes sœurs, j’imagine que c’est la même pour elle. Et, à la réflexion, c’est vrai que, si j’étais pas au courant, je saurais pas du tout que ce sont des sorcières.

Je coupe le poulet avec une dextérité qui a pas grand-chose d’humain avant de mettre les deux pieds dans le plat. Après tout, elle connait déjà ce que je suis et réciproquement, alors autant éviter de tourner autour du pot trop longtemps non ? Et je penche la tête sur le côté, l’observant avec attention quand elle me répond, se faisant un douloureux reflet de ma propre expérience. « Je… c’est un peu pareil pour moi. J’ai perdu des proches à cause des chasseurs, des gens qui ont peur de ce qui est différent. Et la peur rend dangereux. » En même temps, je suis pas sûr que, s’ils nous connaissaient vraiment, la situation serait plus facile à vivre. J’arrive pas à me défaire de la tête que les humains normaux sont particulièrement cons, quoi qu’on m’en dise. « Sauf qu’on est pas dans un monde idéal, loin de là. Regarde, ça fait 10 ans que la Révélation a eu lieu et la plupart des gens sont toujours aussi méfiants. Sans vraie raison. » Un bref soupir, alors que j’attrape un saladier et que j’y glisse les morceaux de poulet que je commence à assaisonner. « J’aimerais que plus de monde soit adepte du vivons cachés que tu évoques. » Une grimace songeuse avant de reprendre, non sans un rire. « Mais il parait que je suis un vieux rabat-joie qui a du mal à changer d’avis tu sais. » Alors je suis pas sûr d’être vraiment une référence dans ce domaine, même si je sais que mon point de vue est partagé par d’autres. Pas par Joaquin malheureusement et ça reste un de mes rares point d’achoppement avec mon Ulfric. Si je comprends son point de vue, j’ai pas envie de voir la Meute être mise sous les projecteurs, avec toutes les conséquences que ça impliquerait. « Je pense que c’est trop dangereux de dévoiler qui on est… surtout que les gens s’imaginent encore le pire sur les garous. » Possible que le secret aide pas, je sais. Mais c’est difficile de briser ce cercle vicieux. J’ajoute, me faisant plus songeur. « J’ai cru comprendre que t’étais pas du coin. Comment t’as atterri au cœur d’une des villes les plus connues pour sa population de créatures ? » J’avoue, ça surprend.

« Oh... Ok » Je suis surprise d'apprendre que certains de ses clients sont des vampires. Le sous-entendu laisse peu de place aux doutes. Je n'en ai jamais croisé, mais il est vrai que je viens surtout le jour, très rarement de nuit. Je ne pense pas que ça pose un problème, je suppose que Samuel n'a que des clients honnêtes et fiables, ou du moins, je l'espère. « Très bien ! Le boulot sera fait ! » Je suis quelqu'un de fiable, si je m'engage à le faire, je le ferais. Le fait de pouvoir passer quand ça m'arrange, à des heures non-fixes, est une très bonne nouvelle, ce sera beaucoup plus simple à gérer dans mon planning plus que surchargé.

« Une semaine avant c'est parfait. J'ai mon planning à l'hôpital et au bar dans ces eaux-là aussi. » Et oui jongler avec trois boulots n'est pas chose simple. « Je comprends. » Et ce n'est pas moi qui me mêlerait de ce qui ne me regarde pas. Sam peut bien traiter avec qui il veut, ce ne sont pas mes oignons. On a donc un arrangement, et je ne doute pas du talent du garagiste pour faire son maximum concernant ma voiture.

J'esquisse un sourire : « Ton aura oui, et elle est particulièrement forte. Difficile de passer à côté du fin que tu es un loup... » Samuel dégage quelque chose de particulièrement puissant. « C'est grâce aux auras oui. C'est... pratique.. » Je laisse passer quelques secondes de silence, je ne sais pas ce que Samuel connait des arcanistes. « C'est quelque chose que l'on apprend. Ma tante m'a tout enseigné. » Lucia a été tellement précieuse pour moi, sans elle, je serais probablement bien ignorante encore.

Mes yeux se perdent dans son habileté à couper le poulet et je finis par les redresser pour plonger mon regard dans le sien : « La peur rend dangereux, oui. » Je me mords la lèvre, je sais pertinemment que les gens qui ont tué ma famille avaient surtout peur parce qu'ils ne les connaissaient pas. Au final, ils sont bien ignorants. Un arcaniste peut faire le bien, surtout ceux utilisant la magie blanche. Nous pouvons tous vivre ensemble. J'hoche doucement la tête quand il avoue qu'il aurait préféré que plus de monde soit adepte du "vivons caché". « Et en même temps, nous sommes là.. » Nous les créatures CESS, outres, vampires, garous, arcanistes... « nous méritons aussi notre place sur cette terre sans avoir à se cacher. » Je laisse échapper un soupir et murmure avant de plonger mes lèvres dans la bière : « C'est compliqué tout ça. » Je bois quelques gorgées. « Un jour peut-être que nous serons mieux acceptés... » Qui sait ? L'espoir fait vivre, non ?

Lorsqu'il me demande ce que je fais dans cette ville, je pince mes lèvres. « J'ai eu des ennuis là où j'étais... Ma.. Ma tante s'est faite assassinée par des chasseurs, alors j'ai voulu renoncer à la magie et tout quitter. Et le premier hôpital qui a répondu positivement à ma recherche d'emploi est ironiquement celui de Shreveport... Je suis arrivée juste avant les fêtes de Samain. J'ai voulu partir mais c'est comme-ci... comme-ci quelque chose me retenait ici... » J'hausse les épaules, c'est difficile à expliquer, mais les faits sont là : presque deux ans après, je suis toujours dans le coin. « Et toi ? Depuis combien de temps es-tu là ? » J'hésite, ne voulant pas me montrer indiscrète mais la question me brûle les lèvres « Tu es... seul ? » Je me rends compte que la question peut largement porter à confusion « Enfin seul... Est-ce que tu as une meute ? Pas quelqu'un... » On se comprend, enfin.. j'espère.

J’arque un sourcil à sa réponse, la fixant quelques instants, essayant de deviner par moi-même ce que ces deux petits mots soufflés peuvent bien représenter. Je suis bien conscient que la population vampirique laisse rarement indifférent. Ca m’a toujours intrigué d’ailleurs, n’ayant moi-même pas fréquenté assez de leurs représentants pour être totalement fixé. Fondamentalement, ils me dérangent. Ou plutôt, ils dérangent mon loup. Cette absence d’odeur, de vie. Et pourtant, difficile d’ignorer à quel point le moment passé avec Myrtle a été plaisant. Une soirée pleine de nostalgie, qui m’a fait – pour une fois – replonger dans mes souvenirs sans que ça me fasse aussi mal. Depuis, j’arrive à repenser à eux avec moins de difficultés, comme si une part de moi acceptait enfin de tourner réellement la page.

De là à faire le lien avec Lizzie que je vois de plus en plus souvent, il n’y a qu’un pas que j’ai pas encore réellement osé franchir. Mais je laisse ça de côté, soufflant en direction de la jeune femme, sans chercher à cacher ma curiosité. « Il y a un souci avec les vampires ? Si c’est le cas, je préfère être au courant, ne serait-ce que pour qu’on trouve un moyen pour que ça t’affecte pas en bossant ici. » Le reste me rassure et j’ai un bref hochement de tête en réponse. Je laisse tout de même échapper un sifflement quand j’apprends qu’elle a deux autres boulots. « Et ça t’arrive de dormir des fois ? Je me demande comment c’est humainement possible de jongler avec tout ça. » Clairement, elle m’impressionne.

Un sourire plus mutin quand elle parle de mon aura. « Je confirme que oui, ça doit être super pratique. » Surtout pour éviter les mauvaises rencontres. « Ma mère l’avait aussi appris à mes sœurs, je les ai vues faire, c’était marrant à voir. » Histoire qu’elle ait une petite idée de mes propres connaissances en quelques mots. « C’était ta mentor ? »

La discussion prend un tour autrement plus sérieux. Forcément, on parle Révélation et les conséquences sur des gens comme nous. Un hochement de tête pour confirmer que oui, la peur rend terriblement dangereux. Et je me dis qu’il est plus que probable qu’elle aussi parle en connaissance de cause. Comme beaucoup trop de monde chez les CESS. « Je sais qu’on devrait pas avoir à se cacher. » Un bref soupir. « Avec la vidéo qui est sortie sur les lycanthropes, on a une réputation de monstres. Alors c’est… compliqué. D’essayer d’inverser la tendance. J’ai des proches qui sont persuadés que c’est faisable, qu’on peut leur montrer qu’on est tout à fait fréquentables. » Un sourire sans joie, avant de continuer. « Moi j’aurais eu tendance à montrer qu’on était pas forcément les pires monstres de l’histoire. Mais visiblement, c’est pas terrible comme opération marketing. » Je la fixe quelques instants, non sans songer qu’elle a l’air d’être du même bois que Lizzie. Une optimiste prête à tout affronter. Peut-être que c’est aussi une question de génération et pas seulement de vécu. Difficile à dire. « J’espère que ce sera le cas. Et que je serais toujours en vie pour voir ça. » Tant qu’à faire, ce serait bien de voir comment ça pourrait être.

Comme je l’avais supposé, elle a eu des ennuis. Et son histoire fait évidemment un peu écho à la mienne, alors que je souffle, à mi-voix. « Je suis navré de ce qui t’est arrivé. Et pour ta tante. C’est compliqué. D’arriver à faire de nouveau confiance. Et de retrouver le chemin après un truc pareil. » Je laisse filer un silence, réfléchissant à ses paroles. « Cet endroit, cette ville… il y a quelque chose de différent. Je sais que j’ai eu l’impression d’être chez moi quand je suis arrivé dans cette ville. Il y a 30 ans donc. » Une œillade malicieuse, alors que j’attrape une poêle et que je continue de préparer le repas. Et je tousse un rire quand elle enchaine. « En voilà une drôle de question. » Sa précision m’arrache un autre rire et j’ai un hochement de tête. « C’est une mauvaise chose pour un loup de vivre sans Meute. C’est même une question de survie d’en trouver une, ça permet de garder un équilibre. J’ai rapidement intégré celle de Shreveport, faut dire que j’avais déjà de la famille dans le coin, c’était plus simple pour trouver mes marques. » Inutile de m’en cacher. J’ajoute, curieux. « Et toi ? Tu pratiques ta magie toute seule depuis la… depuis que tu es là ? » Si c’est le cas, j’imagine que ça doit être compliqué pour elle mine de rien.

Je balaye l'air d'un mouvement de la main. « Non, non, je n'ai aucun problème avec eux. » Pas plus qu'avec une autre créature CESS ou un humain lambda. « C'est seulement que j'en ai peu côtoyé alors, ils m'intriguent. » Pour dire vrai, j'en ai même côtoyé aucun. Au final, la présence de vampires ici ne devrait pas me surprendre : Samuel tient un garage et comme tout le monde, ils doivent avoir besoin de voitures pour se déplacer... « ça ne m'affectera pas. » J'ai un bref hochement de tête pour confirmer mes paroles.

Un sourire soulève mes lèvres. « Oui, oui j'arrive à dormir... C'est un rythme à prendre... » Et puis, ce n'est pas comme si j'avais le choix, pas vrai ? J'ai des dettes à payer et plus vite je les parierais, mieux ce sera, cela me permettra de redémarrer ma vie de manière plus sereine. « Et tu auras le droit de diminuer mon salaire si tu me retrouves en train de dormir sur tes dossiers » Je lui glisse un clin d’œil. Normalement, ça ne risque pas d'arriver, j'ai une conscience professionnelle bien marquée, mais qui sait ? Parfois, je sens que je tire un peu trop, que mon corps réclame une pause...

J'écoute avec un intérêt tout particulier quand il me parle de sa mère. Visiblement, elle était une sorcière. Ce n'est pas habituel, alors comment Samuel est-il devenu un loup-garou ? Ou plutôt quand ? « Je sais très peu de choses sur toi » Je constate à voix haute « Quand t'es-tu transformé pour la première fois ? » Cette question en sous-entend beaucoup d'autres, notamment si sa mère et ses sœurs sont encore en vie, ou non... « Ma mère a été mon mentor, puis à sa mort, ma tante a pris le relais, et maintenant... » J'hausse les épaules. J'espère en savoir assez pour ne plus avoir besoin d'un mentor, même si je suis persuadée qu'on ne doit jamais cesser les apprentissages et se former continuellement toute sa vie.

Quand Samuel parle de la révélation, je réfléchis quelques secondes. Effectivement, c'est une situation difficile. « Le soucis oui, c'est que si vous ne vous manifestez pas, on entendra parler de vous que pour les côtés négatifs.. » Je grimace à nouveau. Il y aura toujours des loups-garous qui se manifesteront par accident, un cas de morsure, d'attaques... Alors peut-être qu'ils devraient se montrer un peu plus au grand jour mais le danger est réel. Leur situation n'est pas des plus enviables, mais la mienne ne l'est pas forcément aussi.. Je serais probablement dans la même situation un jour ou l'autre. Au final, on est tous dans le même panier, nous, les CESS. Je souffle finalement : « C'est compliqué... » C'est un bon résumé de tout ça.

Samuel est donc arrivé ici, il y a 30 ans. Il n'est pas tout jeune. Il me comprend lorsque j'évoque l'attrait de cette ville. Je laisse échapper un nouveau soupir : « Je me demande parfois ce qu'il me serait arrivé si j'étais partie ailleurs... » La question ne se pose pas, évidemment mais, elle me trotte parfois dans l'esprit. J'hoche la tête lorsqu'il évoque la meute. Cela fait écho avec des enseignements que ma mère a pu m'apprendre il y a de ça, des années. « Vous êtes comme... Une famille ? » Ce doit être bien d'avoir toujours des gens sur qui compter en cas de soucis. « Vous êtes.. nombreux ? » Je n'ai aucune idée du nombre de loups que peut avoir la meute d'ici. J'espère que mes questions ne sont pas indiscrètes, en tout cas, ses réponses ne sortiront pas d'ici. Mes yeux se baissent lorsqu'il me demande si je pratique la magie seule. « Oui. » J'ai toujours quelques réticences à faire partie d'un groupe ou pour me lier avec d'autres personnes. Je croise parfois d'autres arcanistes, que je reconnais grâce à leur aura, mais les aborder n'est pas simple. « Je pratique beaucoup moins la magie » En réalité, à part quelques potions ou rituels ou soins pratiqués à l'hôpital, je suis plutôt discrète. Une part de moi a toujours peur d'être repérée par des chasseurs. Je préfère revenir sur Samuel et sa meute. « Et si tu voudrais déménager pour, je ne sais pas, voir du pays ? Tu ne pourrais pas.. à cause de la meute ? » Le sujet m'intéresse, forcément. Mes pensées reviennent alors vers Aodh. « Et ton loup, est-ce que tu as déjà eu des difficultés à le calmer ? » Est-ce que l'homme que j'ai sauvé s'en est sorti ? Est-ce qu'il s'est transformé et a réussi à se contrôler ?

Un bref hochement de tête en réponse quand elle me confirme qu’elle a aucun problème avec les vampires. « Ca m’arrange. Je vais pas te cacher qu’ils paient rubis sur l’ongle et que bosser sur les modèles qu’ils veulent reste quand même un plaisir. » Et c’est un problème pour personne au garage, pour autant que je le sache. Autant que ça continue comme ça, j’aimerais autant éviter de créer des difficultés là où on en a pas. C’est déjà assez compliqué de gérer tout le reste après tout.

Je lui rends son sourire, secouant la tête au reste de ses propos. « Un drôle de rythme en tout cas. Mais tant que les dossiers sont traités, t’as le droit de piquer un somme va. » Peu m’importe au fond, si le boulot est fait dans les temps. Encore que, c’est pas comme si je lui avais réellement donné un délai en réalité. Mon sourire se fait plus large quand elle commence à me questionner, laissant filer un silence alors que je l’observe avec curiosité. « L’été de mes 11 ans. Ca va faire… 60 ans donc. » Une œillade alors que je guette sa réaction, avant de reprendre, d’un ton tranquille. « Ma mère est morte il y a quelques années. J’ai eu de la chance, elle a vécu longtemps. » A ses paroles, j’ai un temps et je continue, toujours sur le même ton. « Tu n’as plus besoin de mentor alors ? Je me suis toujours demandé à quel âge vous pouviez voler de vos propres ailes. Et autant te dire que mes sœurs se sont bien gardées de me donner les détails. » Parce que je voulais pas leur donner d’informations sur ma vie de loup, c’était donnant-donnant. Et un jeu auquel on continue de jouer, même après toutes ces années.

Un bref soupir au reste. Elle partage évidemment la vision de Lizzie sur le fait que rester cachés va nous desservir. Et je peux comprendre leur raisonnement. « Sauf que dans tous les cas, on subit déjà tout ça. Parce que les vampires ont décidé unilatéralement que c’était le moment. Et même si ça fait dix ans, c’est toujours pas quelque chose de vraiment ancré dans la société. » C’est mon opinion en tout cas. Et je connais assez les humains pour savoir qu’ils mettent toujours beaucoup de temps avant d’accepter quelque chose de nouveau, si tant qu’ils finissent par le faire. « Ils ne pourront pas nous contrôler. Alors forcément, ils auront peur de nous. J’ai du mal à imaginer une façon de faire entendre parler de nous qui pourrait inverser la tendance. » Surtout vu les quelques dérapages qui ont déjà montré une facette peu reluisante des lycanthropes. « C’est compliqué en effet. Et je suis pas sûr qu’il y ait une solution meilleure qu’une autre. » Alors oui, nous cacher pour nous protéger me parait encore celle qui fera le moins de dégâts. Pour les gens que j’aime en tout cas.

« Tu avais d’autres options ? A part Shreveport s’entend. » Même si c’était la première offre, c’était pas forcément la seule. Surtout vu son profil, m’est avis qu’elle a dû en avoir un paquet. Un nouveau hochement de tête à sa question. « On est comme une famille oui. Il y a un lien unique qui se tisse entre les membres d’une même meute. Et qui aide chacun de ses membres à garder l’équilibre entre sa part humaine et sa Bête. » Sans elle, ça peut vite mal tourner. Trop vite même. Un clin d’œil à son autre question. « On est… un certain nombre. » Même si j’ai confiance en elle, je peux pas me permettre de lui divulguer ce genre d’informations. Surtout que c’est pas vraiment une nécessité et que je sais qu’elle est simplement curieuse. Je l’espère en tout cas. De toute façon, à part ma propre nature de garou, il y a rien qui puisse vraiment trahir la meute. Ce n’est pas un scoop qu’il y en ait une dans la ville après tout. « Ca te manque ? De pas pratiquer la magie autant que tu voudrais ? Et… tu dois pas faire des exercices ou autre pour pas perdre ? » J’ai dû mal à imaginer mes sœurs ne pas la pratiquer, mais elles vivent dans un endroit sûr, mon père s’en est bien assuré.

« Mmmh… c’est assez rare en effet. De déménager et de quitter la meute qui nous a vu naitre ou qui nous a accueilli. C’est presque une trahison en réalité, sauf à ce qu’il y ait des circonstances très particulières. » Ca a été mon cas. Tout le monde a compris, les Ulfrics en tête de liste. Alors, même s’il a fallu plusieurs années avant qu’on m’intègre vraiment, j’ai eu de la chance à ce niveau-là. « Mais on peut toujours partir en vacances. Ou partir étudier ailleurs et passer un peu de temps dans une autre Meute comme invité. » Ca reste quand même assez rare. « Et je t’avoue que j’ai pas envie d’aller ailleurs de toute façon. » Cet attachement viscéral à cette terre, au Caern, à ses habitants… j’imagine difficilement quelque chose d’aussi fort ailleurs aujourd’hui.

La viande dans la poêle commence à prendre une belle coloration et j’ajoute les légumes qu’elle a découpés, non sans pencher la tête, curieux, à sa question. « Cette question est pas anodine… je me trompe ? » Je laisser filer un silence, attendant de voir ce qu’elle me répond, avant de reprendre, d’un ton plus doux. « L’équilibre est parfois compliqué à trouver avec le loup. Si on essaie de le brider, si on le frustre, si on l’écoute pas… le calmer devient presque impossible. Ou si on vit un moment traumatisant. Quand l’humain perd pied. Là aussi c’est difficile. » Forcément, je pense à ma propre situation. « Mais il y a des gens qui peuvent aider. L’Ulfric d’une meute, sa chamane… les alphas… » Forcément, je guette là encore sa réaction, pas vraiment sûr qu’elle connaisse tout ça.