J'aurais préféré des diamants | Samuel & Ciaran

14 décembre 2021

Merde. Merdemerdemerde. Je pensais déjà avoir tout eu, entre les piafs morts dans la boite aux lettres, l’argent sur la poignées et les fleurs à la fenêtre, mais visiblement, je m'étais trompée. J’aurais dû le refuser quand ça a bugué pour l’expéditeur. Ça n’aurait rien changé. Non. Ce serait même pire je crois.

Le regard fixé sur le petit colis, je me mords nerveusement la lèvre. La boite est ouverte, le petit pendentif repose sur le satin blanc. Il est très joli ce pendentif en forme de plume. Je ne l’ai – quasiment – pas touché. Si la chaine est basique, ledit pendentif lui ne l’est pas. Argent. Oui, argent. Sans y penser, je me frotte encore le bout de l’index, duquel j’ai effleuré le métal argenté.

S’il n’y avait que ça, j’aurais pu penser à une erreur sur la destinataire vivant ici ou un cadeau mignon d’un ou une prétendante. Ou à un piège maladroit pour me démasquer.

La louve a grogné quand je l’ouvrais, je comprends mieux pourquoi.
Le sang.
Il est maculé de sang. Il m’a fallu plusieurs secondes pour calmer les battements de mon cœur, pour l’entendre me dire que nous ne connaissons pas cette odeur. Je me sens un peu coupable, mais je suis soulagée de savoir que ce n’est pas le sang d’une personne que je connais. Ce qui ne change rien au problème initial malheureusement.

Mon regard quitte difficilement le coffret pour se poser sur le mot qui l’accompagne, et je ne saurais dire lequel des deux m’effraie – et m’énerve surtout – le plus.

J’envoie un sms à Samuel, parce que je n’ai pas envie d’inquiéter davantage ma mère, parce que … parce que ! et je rassemble le tout, remettant soigneusement la boite de bijoutier dans le colis de livraison. Il doit déjà y avoir mes empreintes partout, mais passons. J’appelle rapidement Joaquin, parce que je suis sage et disciplinée. Et que Sam le fera sans doute et que j’ai pas envie de me prendre une énième soufflante.

J’arrive rapidement au garage, n’accordant qu’un sourire crispé aux autres, avant qu’il ne me fasse monter dans son appartement. « Je… savais pas trop qui contacter... » Je toussote, me demandant à quel point je le fais chier. « J’ai reçu ça. » Je sors et ouvre la boite avant de la tourner vers lui. « Le pendentif est en argent, n'y touche pas. » Je déglutis. « Dans un monde parfait, faudrait que j’aille voir les flics hein ? »Je lui tends le mot. « Sauf qu'il y avait ça avec. » .

Ah ouais. Je lui souris enfin. « Et sinon, ça va ? »

Je tapote du doigt nerveusement sur le capot de la voiture, sans prêter la moindre attention à ce que me raconte Micah. Il est pourtant particulièrement enthousiaste à propos de la rénovation de cette chevrolet dont je lui ai confié le projet de A à Z. Mais depuis le SMS d’Elizabeth, je passe mon temps à regarder l’entrée, guettant son arrivée et me retenant de l’appeler en boucle jusqu’à ce qu’elle daigne répondre. Inspirer, rester aussi calme que possible et éviter de jouer au mec beaucoup trop protecteur. C’est dans mes cordes ça non ?

« Hé, tu m’écoutes patron ? » Un sursaut, alors que je bats des cils. Et que je finis par secouer la tête. « Absolument pas. » Un soupir, avant que j’ajoute, me pinçant l’arête du nez. « Je te fais confiance, tu fais du bon boulot. Et on en reparle quand t’auras fini. Ca te va ? » Il hoche la tête, sans trop savoir quoi me répondre visiblement. Et je lui tapote l’épaule, préférant faire semblant de trier mes papiers ou de vérifier les factures. Bref, rien qui m’oblige à interagir avec qui que ce soit alors que je continue de fixer ce foutu téléphone pour rien. Franchement, dix minutes en vérité, c’est vachement plus long qu’on pourrait le croire.

Ou alors c’est juste moi qui ait un problème, ce qui est pas totalement à exclure. De fait, j’ai un profond soupir quand je vois la silhouette d’Elizabeth qui se dessine dans l’entrée du garage. J’essaie de garder un semblant de … de quoi au juste ? Nonchalance ? Mouais, pas dit que ce soit vraiment le mot qui convienne le mieux mais, à défaut d’autre chose, je vais me contenter de celui-là. J’ai un sourire dans sa direction et j’ignore les sourires narquois de mes collègues alors qu’ils pensent comprendre le pourquoi de mon impatience. « Salut… » Soufflé à mi-voix, alors que je la suis dans les escaliers et que je referme derrière nous. « Tu sais que tu peux me contacter à n’importe quelle heure pour n’importe quoi. Okay ? »

Un froncement de sourcils alors qu’elle me tend une boite. Un pendentif en forme de plume, dans une jolie boite noire. Tout ce qu’il y a de plus normal en théorie. Si on exclut le fait qu’il soit en argent. Et maculé de sang frais donc. Je renifle, juste pour me confirmer que c’est bien ça, alors qu’elle m’explique rapidement ce qui se passe. « Tu l’as reçu comment ? Et quand ? » J’attrape le mot qu’elle me tend, reposant la boite sur l’ilot de la cuisine, laissant filer un silence alors que je galère comme pas permis à déchiffrer cette phrase. « Wow. C’est un langage d’informaticiens ça ou quoi ? » Ouais, ouais, choc des générations, ce genre de conneries. J’attends qu’elle me confirme le contenu du petit mot sans vraiment oser le demander à haute voix, histoire de pas trop passer pour un con. « Joaquin est au courant j’imagine ? » Question rhétorique à laquelle seul un oui est acceptable, on le sait tous les deux. « Quant à aller voir les flics… y a ptet un compromis qu’on peut envisager… » Mais avant, j’ai besoin de savoir comment elle a eu ce truc entre les mains.

Pourquoi ? Qui ? Comment ? Et putain de qui ça parle ? Et surtout à qui ça appartient et… Je grogne en me regardant dans le rétro, avant de me concentrer à nouveau sur la route. Et c’est lunettes de soleil sur le nez, même si le temps ne s’y prête pas tant que ça, que je me gare un peu trop brusquement devant le garage. En même temps, je suis déjà tellement sur les nerfs dernièrement que c’est sans doute la goutte de trop, pour la louve comme pour moi.

Et je m’en veux un peu, parce que c’est débile, mais la tension quitte un peu mes épaules quand j’aperçois Sam. C’est pas si débile que ça non, et c’est pas la question de me sentir mieux parce que homme fort va prendre le relai, loin de là, mais… J’ai confiance en lui oui, et je sais que je peux compter sur lui quoi qu’il arrive. La louve s’apaise aussi face à lui, quand bien même elle trouve son loup épuisant, même si elle l’aime bien aussi. C’est juste… ouais, comme avec ma famille. Je me sens bien avec lui. Rien de plus compliqué.

« J’aimerais autant éviter de t’appeler pour n’importe quoi. » Et c’est pas le cas. Je le laisse prendre connaissance du colis – du cadeau – et me passe nerveusement une main dans les cheveux. « Tout à l’heure, peut-être une demi-heure avant de te prévenir. C’était un livreur basique, mais y a eu un bip quand il l’a scanné, comme si le truc était pas reconnu. J’y ai pas prêté attention. » Pourquoi je l’aurais fait ? J’aurais dû le faire. Au moins, je peux décrire le livreur et je le reconnaitrais si besoin. Mes doigts tapotent sur le plan de travail et une ombre de sourire apparait sur mes traits. « Oui, si on veut. Es-tu sûre de pouvoir leur faire confiance ? Je… Je vois pas de qui… » Un soupir. « Je me souviens pas d’avoir vu quelqu’un avec ce pendentif, et je reconnais pas l’odeur du sang, c’est pas quelqu’un de la Meute, ni de celle de La Nouvelle-Orléans et… Enfin, c’est personne que je connais. Je crois. » Je soupire de nouveau et retire mes lunettes, frottant un instant mes poings sur mes yeux. Quelle merde j’vous jure !

Et c’est de mes yeux toujours ambrés que je le fixe et esquisse un sourire amusé. « Oui. Parce que je savais que tu me dirais de le faire. Et que c’est le grand chef oui, mais… Je pense pas que ça concerne la Meute. Enfin peut-être que si, j’en sais rien. Pourquoi moi ? Je suis personne ! » C’est vrai quoi, il y a des dizaines de loups, et ils sont quasiment tous plus importants que moi. Non. Je lève les yeux au ciel en l’entendant gronder de mécontentement au fond. On fouille, on cherche. Peut-être que je dérange oui. Mais… On est importantes. Je laisse la louve râler dans son coin quand Sam reprend. « Un compromis ? Quel compromis ? »

Evidemment que je suis inquiet pour Elizabeth. Tout comme il est tout aussi évident que je suis soulagé de voir que c’est moi qu’elle vient voir directement quand elle a un problème. J’essaie de pas trop m’appesantir sur le sujet, on a déjà assez de choses à gérer comme ça. Un bref haussement d’épaules quand elle me dit qu’elle préfère éviter de m’appeler pour n’importe quoi et je préfère éviter de réponse directement. Parce que ça me dérangerait pas qu’elle m’appelle sans raison. Enfin, passons.

Je me concentre sur ce qu’elle raconte. « Tu saurais me dire quelque chose sur le livreur ? De quelle boite il venait ? Et tu pourrais me le décrire ? » Ca donnera probablement rien, mais on sait jamais sur un malentendu. Et, au reste, j’arque un sourcil, passablement dubitatif. « A qui tu as pu parler de tout ce qu’on a découvert ces dernières semaines ? Tu as fouiné par rapport aux caméras ? » Ca expliquerait pas mal de choses, surtout que je vois pas à qui de la meute elle pourrait parler de ça. Donc, forcément, elle a eu des contacts en dehors. « … t’as installé des caméras devant chez toi non ? Tu crois qu’on peut jeter un œil ? »

Et je fixe de nouveau le pendentif, sourcils froncés. « Je vois. Ca élimine quelques pistes. » Même si c’est pas grand-chose. Je relève la tête vers elle pour voir son regard ambré et j’ai un bref sourire, tendant la main sans m’en rendre compte pour effleurer la joue. « Juste qu’on soit au clair sur deux ou trois trucs là. Tu fais partie de la Meute. Donc ça la concerne. Tu n’es pas personne. Et tu es importante. Surtout que j’ai cru comprendre que tu te débrouillais bien comme hackeuse. Je me trompe ? » On a discuté sur ce sujet, parmi tant d’autres. Si clairement, je pige rien à ses histoires d’ordinateur, j’ai pu voir à son museau relevé et à son petit regard fier que c’était son domaine de prédilection, qu’elle est à peu près capable de tout faire. Ce qui me dépasse totalement, qu’on soit bien d’accord. « T’as dû fouiner là où ça dérange. Parler à certaines personnes qui peuvent avoir des vraies réponses. Va probablement falloir que tu réfléchisses à tout ce que tu as pu faire, voir ou entendre ces dernières semaines. » Une vraie partie de plaisir donc.

Du reste, j’ai un temps, avant de finir par attraper mon téléphone. « Un compromis du genre… Ciàran. » Il est flic, certes, mais maintenant, il est aussi – bon gré malgré – obligé de composer avec sa nouvelle nature. Ca fait de lui un allié, plus ou moins volontairement. Il n’aurait en tout cas rien à gagner à ce que la Meute ait des emmerdes en ce moment. Tout du moins, je l’espère très fort. Parce que c’est une des seules options que j’ai en tête, le brun étant quand même quelqu’un en qui j’ai toute confiance depuis le temps. « Il aura probablement plus de moyens pour analyser l’origine de ce pendentif. Ou du sang. » Je suis même pas sûr d’avoir vraiment envie de savoir de qui ça peut être. Mais on a besoin de réponses. « Ca va aller toi ? » Je me suis même pas rendu compte que j’ai fini par serrer ses doigts entre les miens, juste pour l’assurer de ma présence. Mais je les relâche, pianotant sur le téléphone pour appeler Ciàran. Evidemment, je tombe sur le répondeur, mais je souffle, d’un ton tranquille. « C’est Samuel. Désolé du dérangement, mais j’ai comme qui dirait une petite urgence. Et j’aurais besoin de toi. Si tu peux passer au garage au plus vite, je t’en serais vraiment reconnaissant. » Je raccroche et je finis par fixer de nouveau Elizabeth. « Je parie que t’as pas mangé. » C’est effectivement pas une question, alors que je commence déjà à ouvrir le frigo pour récupérer de quoi faire un encas convenable. Au moins, ça nous occupera le temps que Ciàran arrive.

Un service ?

Je raccroche, un peu dubitatif. De quelle urgence est-ce qu'il parle exactement ? Et en quoi mon aide est-elle nécessaire. Je fixe mon téléphone, regrettant de ne pas avoir posé de questions sur le coup. Enfin, de toute façon il ne m'en a pas vraiment laissé le temps non plus en réalité, raccrochant très vite après m'avoir signifié avoir besoin de moi... Si je me suis montré méfiant envers lui en apprenant sa nature, je dois admettre que je me suis un peu raccroché à lui pour gérer ma lycanthropie toute récente. Il a les connaissances et l’expérience. Même si c'est toujours étrange de me dire qu'il a l'âge d'être mon père... Et qu'il a pris cette place par la force des choses dans cette éducation qui m'effraie. Un glissement de rôles perturbant par bien des aspects, agaçant par d'autres. Mais rassurant aussi, alors que j'ai l'impression que si je glisse, il me rattrapera aussi.

La Meute n'est plus vraiment une vague Entité inconnue, mais quelque chose de plus concret auquel il appartient, mais que je n'ai pas encore souhaité contacté, et encore moins rejoindre. Parce qu'il y a mon frère. Et que ma loyauté va avant tout au seul membre de ma famille qu'il me reste. Même si c'est un abruti fini sur bien des aspects. Et qu'il voit d'un très mauvais œil la façon dont je gère ma lycanthropie, quand il a décidé de la gérer seul dans son coin. Avec le succès que je connais. Je gratte machinalement l'endroit de ma damnation en songeant à ce moment terrible où j'ai ouvert les yeux sur sa nature et où j'ai failli perdre la vie, ne reconnaissant plus mon reflet dans cette forme hideuse et terrifiante.

Je regarde la paperasse qu'il me reste à faire et soupire... C'est passionnant d'enquêter au sein du PASUA... Mais c'est aussi remplir des rapports interminables et circonstanciés, qui me filent des migraines d'enfer. Je n'ai jamais aimé ça. Malheureusement, je ne peux pas refiler le boulot à quelqu'un d'autre. Je finis par renvoyer un sms à Sam en lui disant que je serais là dans une paire d'heures, le temps de terminer le dossier sur lequel je travaille. Je me mets une alarme, me connaissant bien et sachant pertinemment que sans ça, je serais encore là dans 4h. Je regrette vraiment que le café ne fasse plus d'effet sur mon organisme, ni l'alcool d'ailleurs. Il faut des quantités importantes pour un effet très éphémère. Un gouffre financier, sans réel intérêt. C'est frustrant. Beaucoup trouveraient ça vraiment pratiques, mais ce n'est pas mon cas.

Quand le téléphone sonne, je claque le dossier et quitte mon bureau. Au moins, c'est une bonne excuse pour m'en aller et ne pas faire des heures supplémentaires à gogo. Je ressens le besoin de rattraper mon absence et de faire du zèle. C'est un peu stupide d'ailleurs, mais bon... Et puis, rien ne m'attend vraiment chez moi. Cependant, il m'arrive parfois de partir un peu précipitamment, quand je sens le loup trop près de la surface. Je ne souhaite vraiment pas éventer mon secret.

Finalement, je me retrouve au garage de Samuel deux bonnes heures après son appel. Je pénètre dans les lieux avec assurance, connaissant cet endroit par cœur, jusqu'à venir frapper à la porte de son appartement. Quand la porte s'ouvre, je le salue, l'air préoccupé : « Tu t'es montré très mystérieux au téléphone, qu'est-ce qui justifie une telle urgence ? » Je pénètre à l'intérieur, avant de me figer en avisant une silhouette familière. Un visage connu. « Elisabeth ? » Qu'est-ce qu'elle fait là au juste ? « J'ignorais que vous vous connaissiez... » Je fronce les sourcils, un peu perdu. Et avec un pressentiment qui s'installe...

Un hochement de tête alors que je visualise parfaitement le livreur. « Oui, je pourais le décrire. UPS, avec la tenue, le logo et tout. » Je le fixe un instant, avant de détourner les yeux, plissant le nez en grimaçant, parce que si, je vois très bien de qui ça peut parler. S’il ne s’agit pas d’eux, je vois vraiment pas par contre. « A un groupe de hackers. Avec qui je suis en régulièrement en contact, et je les imagine pas en train de… » De quoi exactement ? De ne pas être digne de confiance ? Ta stupidité te perdra ma fille. « Je leur ai demandé de l’aide pour tracer le signal des caméras du Caern. » Entre autre chose. « Y avait rien d’anormal ou de bizarre, mais oui, je peux sortir les images du livreur si besoin. »

Là, voilà, je parle normalement, tout va bien. Non ? Bon, si l’on omet mes yeux un peu trop pailletés, je gère. Je gère tellement que je ne penche pas la tête vers sa main quand il vient effleurer ma joue. Je le dévisage, ingorant la mini embardée de mon coeur quand il dit que je suis importante. Faut qu’il arrête avec ses signaux contradictoires quand même ! Je toussotte, haussant les épaules. « Je voulais dire que ça avait peut-être pas de rapport avec la Meute et… quej’ai pas un rôle important dedans. » J’ai un sourire un peu trop arrogant, aussi léger soit-il. « Je fais plus que me débrouiller. » Le sourire disparaît aussi rapidement qu’il est venu, même si l’éclat d’arrogance ne quitte pas monr regard. « Je fouille toujours là où ça dérange, c’est un principe de base. Y a les caméras trouvées au Caern, et celles que j’ai installé un peu partout. Elles ont ptet capté quelque chose. J’ai peut-être aussi un peu farfouillé dans les rapports et autres, concernant tous les incidents qui ont lieu en ville dernièrement… Mais j’ai rien trouvé de croustillant. » Un silence. « Je vais faire le point et noter point par point tout ce que j’ai pu faire dernièrement. » ça va être passionnant. Même si vu le message, je me dis qu’il y a pas cinquante solutions en vrai.

Quant à la suite, je dois dire que je m’y attendais pas trop. « Ciàran ? » C’est une blague ? C’est pas un prénom courant, mais peut y en avoir deux dans le coin, pas vrai ? Ce serait vraiment… ironique on va dire. Pas de pot ? Ouais potentiellement aussi. Éventuellement un peu amusant aussi, mais ça, c’est qu’une partie infime de moi qui le relève. Ouais, non, ce serait moche un peu, surtout alors que mon regard se pose sur sa main, main qui enserrent mes doigts. « Ça va aller oui. » Bien sur. Fronçant les sourcils quand il retire sa main, je l’écoute distraitement passer son coup de fil, retenant une grimace en pensant reconnaître la voix. Mais je peux me tromper, c’est même probable. Hum. Mangé ? Non, ça m’a un peu coupé… « J’ai faim. » Autant le dire avant que mon estomac ne se manifeste de lui-même. Je m’assoie sur un des tabourets, le regardant faire avec un sourire, le menton posé sur mes mains. « J’aime bien te regarder faire à manger. » Comme j’adorais regarder ma mère faire – comme j’adore toujours le faire – et pas uniquement parce que je peux piquer des bouts en passant. C’est rassurant et apaisant. Et puis il est sexy même quand il cuisine. Non, ça je l’ai jamais pensé de ma mère, je vous rassure.

Et si le temps passe vite, on est rapidement rattrapé par la réalité. Enfin, par le nouvel arrivant. Qui est bel et bien celui que je craignais. Samuel va ouvrir, et je me retourne, levant la main pour le saluer. Il a même le droit à un sourire. « Salut Ciàran. » Un geste large des mains. « Tout commme j’ignorais que vous vous connaissiez. Le monde est petit, c’est fou ! » Quelle merde. J’inspire profondément et relâche ma respiration dans un soupir.« Et pour répondre à la question qui te brûles les lèvres, oui, je fais partie de la Meute. Depuis ma naissance. Et non, c’est pas pour ça que je te bats à DDR à chaque fois, je suis juste meilleure que toi. » Voilà. Un coup d’oeil à Samuel. « On s’est rencontrés à la salle d’arcades. L’urgence, c’était moi… Enfin pour moi. On va se concentrer là-dessus hein ? »

Nerveuse moi ? Pas du tout. Pourquoi je le serais ? Mais je tapote la boite du collier de l’index, pour rappeler le pourquoi du comment de notre présence.

Un bref hochement de tête quand elle me confirme qu’elle pourra le décrire, avant de croiser les bras, la mine un brin renfrognée. « Un groupe de hackeurs ? Avec qui tu es en contact… tu es juste en contact avec eux ou… tu fais plus ? » Sourcil levé alors que je la regarde avec attention. Ca me surprendrait pas qu’elle fasse partie d’un tel groupe surtout vu tout ce dont elle est capable. « Et ils ont réussi à t’orienter sur quelque chose d’intéressant ? » Enfin, je suppose que si c’était le cas, Joaquin et moi en aurions été informés. Et j’ajoute, toujours aussi sérieux. « Je veux bien. Pour les images. Histoire qu’on fasse circuler ça dans la Meute et ailleurs. » Qu’on sache si on peut retrouver le type, voire le questionner sur ce fameux colis, même si j’ai un sérieux doute sur le fait que ça serve à quoi que ce soit.

Nouveau froncement de sourcils à ses paroles. « Je te le redis. Quand ça te concerne, ça nous concerne. » Elle sait comment la Meute fonctionne, encore plus quand quelqu’un pourrait être en danger, comme ça semble être le cas pour elle. Et si je note l’arrogance dans son regard, ce qu’elle me dit m’inquiète encore plus, si tant est que c’était encore possible. J’attrape un bloc-notes qui traine et je lui tends un stylo. « Tu notes tout. Absolument tout ce qui peut te venir à l’esprit. » Là encore, je suis pas sûr que ça soit utile, mais peut-être qu’avec toutes ces infos et un regard extérieur, on arrivera à quelque chose.

Un hochement de tête à sa question. « Oui, c’est un ami dans la police. » Bon, je vais pas lui dire de suite qu’il est aussi un thérianthrope, j’imagine qu’elle le saura bien assez vite. « On va te faire à manger en attendant alors. » Soufflé d’une voix plus douce, alors que je vais serrer son épaule doucement. « Tu vas m’aider un peu aussi. » Juste de quoi lui occuper les mains et l’esprit. Couper quelques champignons, histoire de dire et papoter avec elle de tout et de rien. Elle en a besoin, surtout vu sa tête en arrivant ici. « Ah ouais ? J’aime bien faire à manger pour les gens que … j’apprécie. » Hum. Bref. Passons. Repas avalé, cuisine nettoyée et Ciàran débarque, la mine préoccupée. « Je suis désolé oui, j’avais pas trop envie d’en parler par téléphone. » Vu les caméras qu’ils ont installées à l’entrée de notre territoire, je me méfie de tout, y compris de leurs capacités à nous mettre sur écoute.

Mon regard passe de l’un à l’autre alors que, à ma grande surprise, ils se connaissent tous les deux. « Ouais, le monde est petit en effet. » Une pointe de jalousie sortie de nulle part que je fais taire aussi sec. Pas comme si ça pouvait être justifié. Et j’arque un sourcil en voyant qu’elle balance sa nature en un clin d’œil, sans la moindre hésitation. Forcément, ça me crispe un peu, mais je reste silencieux, les laissant tous les deux dépêtrer les non-dits dans leur relation. En essayant de faire en sorte de pas me poser les mauvaises questions. « Okay, okay. » Quand elle me dit où ils se sont rencontrés. Un coup d’œil à Ciàran, le laissant clairement décider de ce qu’il veut dire sur ce que je peux savoir de lui. « Il sait que je suis un loup. » Lâché en direction d’Elizabeth, avant de faire glisser la petite boite en direction du policier, accompagnée du petit mot qu’il aura clairement moins de mal que moi à déchiffrer, j’ai aucun doute là-dessus. « Elle a reçu ça aujourd’hui. C’est de l’argent. Aucune idée de qui a pu envoyer ça ou pourquoi. Enfin, on a des suppositions, surtout avec tout ce qui peut se passer ces derniers temps. Pour nous ou pour la Meute. » Un bref soupir. « Je veux pas alerter officiellement la police pour le moment. Mais je pense qu’on aurait bien besoin d’un coup de main, nos moyens restent bien plus limités que les vôtres. Tu crois que tu pourrais nous aider à trouver des infos ? » Même si je peux tirer quelques ficelles, je pourrais pas vraiment trouver d’empreintes ou faire d’analyse ADN, des conneries du genre. Et, même si Ciàran est toujours agacé que je lui ai caché pendant des années ma vraie nature, je lui fais confiance. Sans même une once d’hésitation.

Une affaire qui ne peut pas être évoquée par téléphone... Cela ne me dit rien qui vaille. Mais je n'ai pas vraiment l'opportunité d'y réfléchir davantage quand j'aperçois un visage familier. Alors celle là... Je ne l'ai pas vue venir... Qu'est-ce qu'elle fait chez Samuel ? De là à la soupçonner d'être un loup-garou elle aussi, il n'y a qu'un pas, même si je me doute que Samuel ne fréquente pas que des gens de son espèce... La preuve avec moi pendant toutes ces années. Une amie ? Une petite amie ? Cela serait un peu inconfortable. Même si avec Lizzie, ça a toujours été une relation simple et sans prise de tête, avec beaucoup d'amusement et aucun engagement... Bref. Enfin, après, ce serait malaisant qu'ils soient ensemble. Vu que Samuel a l'âge d'être mon père et qu'elle est plus jeune que moi. Ah... Si tant est qu'elle soit humaine bien entendu. « Cela fait un moment oui... » Je jette un regard à Samuel qui commente lui aussi cette coïncidence.

Et... BOUM. Elizabeth lâche sa bombe. Soit je suis un livre ouvert, soit elle commence à me connaître un peu, mais effectivement, elle répond à ma question muette... Et désamorce un peu la gravité de la nouvelle en évoquant ses prouesses techniques aux jeux. Je renifle, un peu méprisant : « Bien sûr que si c'est pour ça, tu es cheatée de base... Tout s'explique. » Bon, c'est donc un loup-garou elle aussi... Bordel, mais j'en fréquente combien sans le savoir au juste ? Je hausse une épaule au regard de l'ancien sur ma personne : « On se détend comme on peut. » J'ai peu de temps libre, mais sortir pour jouer ou m'enivrer, ça, j'arrive toujours à trouver. Je ne fais aucun commentaire sur ma propre nature, même si je me demande si Samuel l'a informée...

Bref, on n'est sans doute pas là pour parler de ma relation avec Elizabeth. Même si... « Attends, t'as l'âge d'être ma mère toi aussi ? » Oui, je ne retiens que ça pour le moment. Vu que les lycans trichent allègrement sur leur âge qui ne correspond pas u tout à leur apparence, je suis en droit de me poser la question si j'ai couché avec une cougar. Mais on se recentre un peu. C'est elle l'urgence. J'avise la boite que Samuel me tend, n'y touchant pas pour ne pas compromettre des preuves... et surtout parce que le pendentif est en argent. Merveilleux. Une attaque bien ciblée donc. « Beaucoup de monde est au courant de ta nature ? » Je demande à Elizabeth, tout en réfléchissant. Il se passe beaucoup trop d'attaques ciblées en ce moment pour que ce ne soient que des coïncidences. En ayant moi-même fait les frais, je n'ai pas l'esprit tranquille. Surtout quand un inconnu est au courant de ma nature toute nouvelle, avant même mon entourage, ou presque. « Qu'est-ce qu'il se passe pour la Meute. Il me faut tous les détails, même ce qu'il vous semble insignifiant. Je suppose qu'il y a des choses qui n'ont pas été rapportées au PASUA... » La preuve en est que Samuel avoue ne pas en avoir parlé à la police... Je me doute que les affaires touchant à la Meute sont plutôt traitées en interne et étouffées. Maintenant, est-ce que je suis près à me mouiller pour eux... « Liz, tu as déjà vu ce pendentif avant ? Et tu as une idée de la personne dont on te fait douter ? Le choix du pendentif ne peut pas être un hasard, il y a forcément un lien que tu peux faire... » Je soupire et me masse l'arête du nez. « T'es pas la première à recevoir un colis et un petit mot de menace... » Je lève les yeux vers Samuel. « Je vais essayer d'enquêter là dessus. Pour ce que j'en sais, cela pourrait bien être en lien avec d'autres affaires. » Dont celle dont j'ai été victime au passage. Un regard à Liz : « Tu n'as touché qu'à la boîte ? Et toi Sam ? » Moins il y aura d'empreintes, mieux ce sera... Même si je suis quasiment sûr qu'on ne trouvera rien en l'analysant...

 C’est important ? Dans le cas présent, j’ai presque rien fait de répréhensible. On a cherché la source et on peut-être essayé de croiser les données de mes caméras à celles de la ville. » Hum. J’ai dit presque. « Je les sortirais, mais on devrait chercher parmi les vrais livreurs aussi, qu’il soit de mèche ou qu’il ait juste fait son boulot, on le trouvera peut-être facilement. » Même si, à mon avis, il n’y est pour rien. Enfin, vu que je fais visiblement confiance à des gens à qui il faut pas, pas sûre que mon avis soit très probant.

Il a le droit à un soupir, assorti malgré tout d’un hochement de tête. Ça me concerne, ça concerne la Meute. Sauf que si je me suis foutue toute seule dans la merde comme une grande et que la Meute est en danger à cause de moi, ça craindrait un max. J’ai une moue, sans doute accompagné d’un léger grognement mécontent, mais je m’empare du stylo malgré tout, commençant à noircir les pages de tout ce dont je me souviens concernant mes activités annexes.

« Un ami à qui tu fais confiance ? Assez pour ça ? » Je désigne le collier du bout du nez. Que ce soit le même ou pas, si Samuel a confiance en lui, ça me va. Ouais, je suis naïve, je sais, mais lui l’est beaucoup moins, alors je vais clairement pas hésiter à suivre ses impressions ou sentiments concernant quelqu’un. « Et depuis quand t’as des amis toi ? » Je lui souris, lui tirant même la langue, avant de soupirer en échangeant le stylo contre un couteau. Je crois que je préférais le stylo en fin de compte, mais je suis encore capable de couper des champignons, ça va. D’autant que c’est pour m’occuper et que le temps, et le repas, passe super vite. Mais je note qu’il… m’apprécie.

Evidemment. Ça aurait été trop beau que ce soit quelqu’un d’autre. Putain de karma. Mais on ne change pas les bonnes habitudes, ni mon incapacité à ne pas mettre les pieds dans le plat. J’ignore royalement le haussement de sourcils de Samuel, c’est de sa faute après tout si je suis aussi directe, il avait qu’à pas me dire qu’il lui faisait confiance. Je lève néanmoins une main pour rétablir la vérité. « Non, il y a des lycanthropes qui sont nuls, la coordination va pas forcément de pair avec l’endurance. C’est donc un talent inné mêlé à un entraînement très strict. » A la danse oui. Comme au reste. Je tourne la tête vers Samuel qui m’informe que Ciàran est au courant de sa nature. « Alors pourquoi t’as fait cette tête quand je lui ai dit pour moi ? » Oui, je me dédouane totalement, sans la moindre honte.

Je fronce les sourcils à la question de Ciàran, avant qu’un sourire amusé n’éclaire mon visage. « Non, je suis aussi fraîche que la rosée du matin. Mais ma mère doit avoir l’âge d’être ton arrière-grand-mère. » Ce qui n’a pas plus d’importance que le reste au final. L’âge c’est dans la tête. « Quelques rares personnes en dehors de la Meute, en qui j’ai entièrement confiance. » Je jette un coup d’oeil à Samuel, le laissant parler en premier. Je fronce rapidement les sourcils quand Ciàran parle du PASUA. C’est pas juste la police ça… Un nouveau regard à Samuel, le laissant décider s’il veut parler ou non de la Meute et des caméras trouvées, avant de dévisager Ciàran. « Je ne l’ai jamais vu non. Et… l’odeur du sang m’est inconnue. Ce qui exclue les personnes que je connais. Normalement. Et la plume… Je vois pas ce que ça pourrait représenter. Ni qui.  » Mes doigts tapotent nerveusement le plan de travail. « Des informaticiens avec qui je travaille de temps en temps, à qui j’ai potentiellement demandé un service il y a peu. » Je penche la tête sur le côté, la louve effleurant de nouveau la surface. « Pas la première ? Y a eu d’autres petits mots ? » Je le dévisage un instant. « Je veux dire, humains, lycanthropes, même vampires, ont reçu des ‘cadeaux’ empoisonnés. Il y a eu des dizaines de signalement. Mais ça… c’est différent. C’est pas de l’argent sur la poignée de la porte, ou un piaf mort déposé dans la boite aux lettres ou toutes les autres surprises du genre qui semblent apparaître comme par magie. » Mon regard passe de l’un à l’autre. « Il y avait un livreur. C’était une remise en main propre. Je suis pas sûre que ça... » Le pendentif. « … soit une menace. » Le pendentif ensanglanté pourrait en avoir l’air, mais le mot ? Je sais pas. Si sans doute. C’est bizarre.

Je me passe les mains sur les yeux et soupire, me frottant instinctivement le bout de l’index. « J’ai ouvert et manipulé la boite. J’ai attrapé le collier et touché le pendentif. Y a que le pendentif qui est en argent. Samuel n’a touché à rien. » Une hésitation. « Tu pourrais faire examiner le sang et comparer avec ce que vous avez dans vos bases ?… Le colis a bippé quand le livreur l’a scanné, comme si y avait une erreur. J’ai gardé l’emballage aussi. »

Bon, j’essaie de faire autant que possible la part des choses. Le fait que Lizzie et Ciàran se connaissent n’est, au final, qu’un élément d’information parmi d’autres. D’une certaine façon, ça rend aussi la conversation plus simple et ça évite peut-être de trop marcher sur des œufs. Et peu importe comment ils se connaissent, c’est clairement pas mon affaire.

Je les laisse échanger rapidement, gardant le silence alors que je relis les notes que la jeune femme a pu prendre avant qu’on mange. Mais, quand elle m’interroge directement, je lève les yeux au ciel. « Parce qu’il y avait tout un contexte qui a fait que j’ai révélé ma vraie nature à Ciàran. Tu l’as balancé comme si tu balançais … je sais pas moi. C’était… » Un soupir, alors que je me pince l’arête du nez, préférant largement éviter d’entrer dans cette discussion en réalité. Je sais bien que pour Lizzie, ça devrait être une information normale et pas un secret. Sauf que je sais aussi que Ciàran a encore beaucoup de mal avec la population lycanthrope, lui en tête de liste.

Et, quand le brun me demande ce qui se passe pour la Meute, j’ai un bref haussement d’épaules. « Les menaces habituelles, rien qui sort de l’ordinaire. Si ce n’est que… » Un froncement de sourcils, alors que j’hésite. « Des gens nous surveillent. Enfin, ils surveillent notre territoire. On a découvert des caméras dissimulées dans notre forêt. Dans la mesure où personne n’avait été directement impacté jusque-là, notre Ulfric a jugé bon de garder l’information pour nous pour l’instant. » J’ai un temps, avant de reprendre, croisant les bras, la mine pensive. « J’ai reçu un bouquet d’aconit devant le garage il y a quelques semaines. Mais je crois que tu es déjà au courant de ça. » Lizzie peut-être pas par contre.

Lizzie qui reprend d’ailleurs la parole, expliquant que ce cadeau diffère en effet de ceux qu’on a pu recevoir ces derniers mois. « Tu n’es pas sûre que ce soit une menace ? On t’envoie un collier en argent ensanglanté et ça pourrait… être quoi alors ? » Je la fixe, un brin incrédule, retenant un soupir. « J’ai pas touché la boite en effet. Et de toute façon, le PASUA a probablement déjà mes empreintes depuis près de 30 ans. » Rien de surprenant avec ce qui a pu se passer. Et Medea a trouvé mon identité bien trop facilement lors de notre rencontre pour que j’imagine pas avoir un dossier chez eux.

J’ai tout de même un temps, avant de reprendre, plus hésitant. « Je suis sûr que tu pourrais faire plein de trucs qui nous avanceraient. » Je me frotte la nuque et je reprends, à mi-voix. « Je t’ai appelé parce que je sais quelles sont tes compétences et parce que je sais que je peux te faire confiance. Mais rien t’oblige à le faire. » Au pire, même quelques conseils, je pense qu’on est preneurs. J’ai eu à régler beaucoup de problèmes depuis que je suis dans cette Meute, surtout depuis que je suis Bolverk. Mais j’ai comme un sérieux doute sur le fait que mes compétences seront vraiment utiles dans cette situation. Parce que pister quelqu’un, quand on sait pas vraiment où chercher, autant dire que c’est pas vraiment concluant.

Donc Liz est aussi une lycanthrope. Bien bien bien. Combien encore de personnes de mon entourage ont ce genre de petit secret ? Y a-t-il seulement encore un humain dans mes proches ? Enfin... je suppose que ce serait hypocrite de râler là dessus, alors que je me retrouve à dissimuler le même genre de secret. Je n'ai pas voulu devenir ainsi. Samuel est né avec cette particularité, quant à Lizzie... j'avoue n'en avoir aucune idée. « Je vois. » je glisse un regard vers Samuel. « Je suis sûr que Sam est nul par exemple. » Le pauvre, il n'a rien demandé, mais l'humour est aussi une façon d'avaler l'information. Parce que mine de rien, c'est un certain choc. Et Sam qui ronchonne qu'elle se soit vendue aussi rapidement... Certes, Sam me l'a dit quand je suis venu chercher des réponses et une aide possible, après avoir été mordu. Liz a du simplement se dire que puisque j'étais comme eux maintenant et que Sam me faisait confiance, elle n'avait plus aucune raison de prendre des précautions. C'est même certain. Totalement son type. Je me demande ce qu'est leur relation en fait. Liz est une petite boule d'énergie et de joie. Sam... Bon, ben c'est pas ça quoi.

Et du coup, j'apprends qu'elle est née ainsi elle aussi. Puisque sa mère est très âgée. Mais qu'elle n'est pas... vieille. Contrairement à Samuel. Je crois que je commence à avoir mal à la tête avec tout ça. Enfin, je n'ai pas été convié ici pour discuter de révélations de ce genre, mais bien parce qu'ils ont un problème et ont besoin de mes ressources au sein du PASUA pour essayer de le résoudre. Un présent. D'un inconnu. Les circonstances sont étranges, je le reconnais. Le message à faire passer aussi. J'ignore si je découvrirais quelque chose en faisant analyser tout ça, mais j'ai intérêt à le faire discrètement. C'est bon que c'est parce que c'est Liz qui est visée. Devoir aider la Meute... Cela m'implique davantage que je ne le voudrais, alors que je me sens quelque peu tiraillé entre mon travail et cette nouvelle nature que je n'ai pas souhaité.

La Meute est sous surveillance. Je hausse un sourcil, surpris. « Pourtant, le territoire est plutôt bien dissimulé, peu de gens en connaissent l'emplacement et encore moins peuvent y pénétrer sans se faire repérer, non ? » C'est plutôt étrange et inquiétant. Je hoche la tête quand il me dit avoir reçu un bouquet d'aconit. Oui, je suis au courant. Je tourne la tête vers Lizzie quand elle reprend la parole. « Il y a des gens dérangés tu sais... Qui peuvent te menacer tout en te glissant des mots doux. Le choix de l'argent ne peut pas être un hasard. Ni le sang dessus. C'est rarement un message positif...» Et Samuel est plutôt d'accord avec moi là dessus. « Certaines informations ne sont pas accessibles si facilement. » Comme les empreintes des membres de la Meute ou autres. Tous les employés n'y ont pas forcément accès librement. « Il y a des attaques ciblées... troublantes. Je ne sais pas ce qu'il se passe réellement, mais au delà des menaces sur certains, alors que la nature doit être cachée, il y a effectivement des messages difficiles à déchiffrer, mais qui semblent indiquer que ce ne sont pas des actes malveillants isolés... Ma voiture a été vandalisée. Il y avait des symboles vaudous. Des têtes d'animaux morts, et des photos de mes collègues épinglées sur ces crânes. Ma collègue a subi une intrusion chez elle, un chien loup, et un message parlant de loup laissé sur son mur... Je suis persuadé que ces personnes savent que je suis devenu lycan, alors qu'à ce moment là, seul Samuel était au courant... » Et ça, c'est vraiment inquiétant. « Alors si les analyses sur ce collier peuvent m'apporter des réponses... Rien ne m'oblige à le faire, mais je pense que tout est lié. »

J’esquisse un sourire au petit tacle de Ciàran, concernant la danse. « Pour le savoir, faudra l’y traîner. » Une seconde d’hésitation. « Je te souhaite bien du courage. » Même si je suis grandement tentée aussi de voir comment le vieux ronchon se débrouillerait, je crois que j’ai plus trop le droit de lui demander ce genre de sortie. Si tant est que je l’ai jamais eu. Je fronce rapidement les sourcils avant de hausser les épaules en fixant Samuel. « Comme si c’était évident ? Important ? Normal ? » Je lance un regard à Ciàran et revient vers Sam. « Tu l’as appelé, pour ça, donc tu lui fais confiance. Et c’est un détail important je pense pour le reste de l’histoire. » Même si c’est un peu compliqué avec lui, compliqué dans le sens bizarre, j’ai zéro doute concernant le fait de pouvoir lui confier ma vie, j’ai une confiance absolue en lui à ce sujet. Donc s’il lui fait confiance, je peux aussi. J’ai une moue, enchaînant juste pour le principe. « Si c’était pas aussi secret et caché, d’être un thérianthrope, ça attirerait moins d’interrogations et de problèmes. Ça pourrait même résoudre vachement de trucs, d’en parler. » Il sait très bien ce que j’en pense de toute façon.

Si Samuel hésite concernant les caméras, il finit par le confier à Ciàran, à qui je réponds en complètant la réponse du Bolverk. « Le Caern est dissimulé, protégé. Les étrangers ne peuvent pas le trouver, ni savoir qu’il est là. Mais si tu sais dans quelle zone chercher, tu peux tenter ta chance. Ce que ces enfoirés ont fait. Il y avait des pièges à loup aussi, recouverts d’aconit et d’argent. C’est pas juste, nous surveiller ça. Ils veulent nous blesser, nous tuer, ou nous attraper. Je sais pas ce qui est le pire. » Si, je sais, je préférerais encore mourir empoisonnée que finir entre leurs mains. « Tu m’avais pas dit pour le bouquet, mais c’est pas étonnant. On a eu le droit au piaf mort, à l’argent et j’en passe nous. »

Nouveau haussement d’épaules de ma part. « J’en sais rien. Peut-être que c’est une menace, peut-être que c’est pour m’incriminer de quelque chose, peut-être que c’est pour me prévenir que je serais la prochaine dont le sang tachera un pendentif… Mais… Contrairement au reste, le but n’était pas de me blesser, ce n’est pas agressif même si le pendentif est en argent, tu comprends ? Et comme dit, ça a été livré, pas déposé. C’est pas forcément important, mais... » Je soupire. « Peut-être qu’on veut me faire peur et me faire douter. » De ce que je fais ou des gens que je cotoie. « Et ça marche bien. » J’en sais rien donc.

Et si je peux chercher de mon côté, ce sera certainement plus rapide, et plus efficace, pour un agent du PASUA. J’acquiesce par réflexe quand il dit que ce ne sont pas des actes malveillants isolés. Evidemment que c’en est pas ! C’est trop gros, c’est trop…. Attends quoi ? Je lève la main et le dévisage. « Une seconde. » Mon regard passe de l’un à l’autre et j’écarte les bras en levant ostensiblement les yeux au ciel. « Vous êtes sérieux ? » Je regarde Ciàran. « T’es DEVENU lycan ? Mais genre depuis quand ? Genre t’as été mordu et … Et c’est pas le sujet du jour, mais ça vous semble pas important de me le dire ? » Je reviens vers Sam, les yeux écarquillés et interrogatifs. « Voilà pourquoi je dis que c’est important d’en parler et que ça ne devrait pas être secret. » Je me rassoies sur le tabouret, l’air exagérément abasourdie. « T’as intégré la Meute ? Pourquoi je t’ai pas vu ? Pourquoi je suis jamais au courant de rien ? » Je soupire et me passe les mains sur le visage, avant de relever le visage vers Ciàran. « T’as eu des symboles vaudou ? Pourquoi ? Pourquoi menacer et prévenir tes collègues ? » Je fais un geste de la main. « Laisse tomber, gardez vos secrets… Du coup, tu vas faire des recherches ? Et tu me tiens au courant ? » Un coup d’oeil à Samuel. « Nous tiens au courant. Mais je veux savoir ! » Y a intérêt, étant donné que c’est mon cadeau. Ou menace ouais. Je suis toujours pas décidée.

Je me contente de lever un sourcil à leur échange, surtout quand Elizabeth parle de tenter de me trainer je ne sais où pour me voir danser. « Même pas en rêve. » Non pas que je sois un mauvais danseur, je pense que je me débrouille plutôt bien. Mais on dirait surtout un traquenard et je me sens un peu – mais alors juste un peu – en décalage avec cette activité. Enfin, peu importe,

Un soupir au reste des paroles de la brune. « On débattra plus tard de la pertinence de révéler au grand jour l’ensemble de la population thérianthrope si tu veux bien. On a d’autres urgences sur le feu là, de suite. » Surtout que je la connais assez pour savoir qu’elle ne lâchera pas le morceau et ne changera pas d’avis. Sauf que moi non plus et ça va partir encore en discussion sans fin. Et là, je veux surtout m’assurer qu’elle ne risque rien.

Un bref hochement de tête au reste, quand Elizabeth indique les protections dont bénéficie le Caern. « Personne ne peut y entrer dans tous les cas. Sauf quelques exceptions. » Alors oui, les alentours sont de plus en plus piégés mais je me dis que, tant que les défenses de Daphné tiennent, ce n’est qu’un sujet d’inquiétude mineur. Surtout face à des attaques directes comme celle-là. « C’est pas le premier bouquet du genre que je trouve devant ma porte. Les gens ne sont pas stupides. Je suis là depuis 30 ans, j’ai pas pris une ride. C’est pas compliqué de faire le lien. » Sans offense pour Ciàran qui lui n’avait rien vu venir. « Personne n’a jamais osé m’attaque de front à ce sujet. » Jusqu’à présent. Le reste ? Je m’en accommode très bien. Et si j’étais au courant pour les mésaventures d’Elizabeth, les informations du brun m’arrachent une grimace. « Je peux essayer de me renseigner sur les symboles vaudous si tu veux. J’y connais que dalle, mais j’ai quelques contacts. »

Evidemment, Elizabeth tilte sur les échanges. « Pourquoi on serait pas sérieux ? Et Ciàran n’a pas intégré la Meute. Je l’ai accompagné pour ses premières transformations, c’est pour ça que j’étais pas là aux dernières pleines lunes. » Des fois qu’elle se soit imaginé tout et n’importe quoi. Elle n’a posé aucune question, mais j’ai bien vu qu’elle était un brin agacée les jours qui ont suivi. « Et n’exagère pas. T’es pas jamais au courant de rien. » Une ombre de sourire à voir son attitude exagérée, que je ravale rapidement, laissant filer un soupir et me pinçant l’arête du nez. « Elizabeth, si on voulait garder nos secrets comme tu dis si bien, est-ce qu’on serait en train d’avoir cette conversation juste sous ton nez ? Ce serait particulièrement débile, tu crois pas ? »

Du reste, je sens mes mâchoires qui se contractent. « Essaie de faire au mieux. » Nouvelle œillade en direction d’Elizabeth. « Tiens nous au courant oui. S’il te plait. » Autant dire que je suis reconnaissant du fait qu’il ne nous ait pas rabroués directement. J’ai aucune idée de ce que ça pourra donner, si tant est que ça pourrait donner quelque chose mais, au moins, je sais que Ciàran est un allié, aussi agacé qu’il puisse être par le comportement de notre Ulfric. « Je vais devoir aller discuter de tout ça avec Joaquin. » Je sais, aucun des deux ne va apprécier. « J’éviterais de lui dire que je t’ai mêlé à cette histoire, t’en fais pas. » Je sais que le flic n’apprécierait pas vraiment et je pourrais tout à fait le comprendre. Et j’ajoute, en direction d’Elizabeth. « Tu veux venir ? Ou tu préfères râler parce qu’on te met pas dans la confidence ? » Est-ce que je vais l’agacer ? C’est fort possible.  Mais on est plus à ça près non ?

Je glisse un regard vers Samuel... Je ne le vois pas vraiment faire ce genre de choses, mais allez, cela pourrait être drôle de le traîner là bas. « Je suis coriace. » Naturellement, Samuel refuse et je hausse une épaule : « C'est qu'il n'a plus 20 ans, je comprends. » De la provocation ? Complètement. Même si je doute que Samuel se laisse ainsi prendre au piège. Il est normalement assez sage (ou vieux) pour ne pas répondre ainsi aux défis puérils. Normalement. Mais ce n'est pas vraiment le sujet de cette petite réunion. Même si Samuel s'offusque qu'elle lâche le morceau si facilement. Je les observe se chamailler tous les deux et ne retiens même pas un sourire narquois. On dirait un couple qui se dispute en fait. Même si il a l'âge d'être son père. Je sens tout de même un sujet de dissension entre eux sur la Révélation. Elizabeth semble prôner de se montrer au grand jour, quand Samuel est beaucoup plus prudent.

Mais la raison de ma présence ici est enfin abordée sérieusement, alors qu'ils me confient les problèmes rencontrés récemment et mettant en danger la Meute. Ce qui fait naturellement naître quelques interrogations de mon côté. Je ne suis pas sur une fausse route quand la jeune femme me précise que le Caern est en effet protégé. Mais cela tombe quand on sait où chercher... Ah... C'est un système faillible et des étrangers semblent avoir des intentions loin d'être pacifistes. « Des exceptions ? » Samuel révèle alors avoir aussi eu le droit à un bouquet d'aconit sur sa porte. Oui, ça, je m'en souviens, j'étais là, et je n'avais pas encore pris conscience du poison que c'était devenu pour moi, en le retirant en présence de sa charmante nièce. Je me masse l'arête du nez alors que les menaces réelles se sont multipliées sur les lycans de la ville...

En revanche, le coup du médaillon pour Liz reste un mystère. Cela ressemble à une menace, mais elle est persuadée qu'il y a autre chose. « Douter de quoi... Ou de qui ? » De ses proches ? Installer un climat de méfiance pour mieux attaquer ? Diviser, semer la discorde, pour frapper... La force d'une meute est dans son unité après tout. « Je peux mener une enquête sur ton entourage si tu veux. » Histoire de savoir si ce ne sont que des allégations, ou si la personne sait des choses... Ce qui serait bien plus dangereux. Je leur apprends que j'ai moi aussi été victime d'actes malveillants et ils me proposent leur aide. « Je ne perds rien à accepter ton aide là dessus... J'ai un passé douloureux avec le vaudou... Ce ne peut pas être un hasard. » Et soudain, Elizabeth semble comprendre que je suis devenu un des leurs. Ah... Elle ne le savait pas ? Enfin, elle n'avait pas compris avant ? « Désolé, je pensais que tu savais. Enfin, je n'y ai pas réfléchis et ce n'est pas le sujet du jour... Mais tu comprends mieux pourquoi Sam fait appel à moi... Maintenant que je suis embarqué dans cette galère. » Je soupire tandis que Samuel essaie de calmer ses esprits. « Il n'est pas question pour moi de rejoindre la Meute. Et c'est très bien que ce soit un secret, je risque de perdre mon boulot si on l'apprend. J'ai encore l'illusion de mener une vie normale malgré... les pleines lunes. » Ma voix se tend en les évoquant.

Mais le moulin à questions qu'est Elizabeth ne s'interrompt pas, alors qu'elle change de sujet. « Oh doucement. Je sais pas Liz, si je savais, je n'aurais pas besoin d'enquêter dessus. » Je hoche la tête à sa demande de les tenir au courant. « Oui. » Je me tends quand il évoque l'Ulfric. « Ouais, merci. » Je réponds en serrant les dents quand il me promet d'éviter de parler de mon implication. « Désolé Liz si tu t'es sentie mise à l'écart, ce n'était pas mon intention... Notre intention... Ma morsure est récente et je ne sais pas encore comment composer avec ça... Je préfère que ça ne s'ébruite pas. Et ne pas me faire remarquer par la Meute. » Une façon tacite de lui demander aussi la plus grande discrétion sur ce sujet. « Si ça te dit de discuter de ça plus tard, tu as mon numéro. Qui sait, je vais peut-être te mettre une raclée à notre prochaine partie maintenant que nous sommes à armes égales. » Une façon de détendre un peu l'atmosphère et la faire sourire de nouveau. « Je vous tiens au courant dés que j'appends quelque chose. Promis. »