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The hurt of emptiness ♦ Dillon & Yago

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Anonymous
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Mar 12 Jan - 18:02 (#)


The hurt of emptiness.

Juin 2020, motel Lucky Star.


Trois nuits.
Le silence s'étire et devient l'Eternel.
Les horloges dissonent et assourdissent l'esprit déjà parasité.
Il crée des illusions à son image, s'inquiète, s'endeuille, délire. Il n'est déjà plus tout à fait lui-même.
Où es-Tu ?
Dans la chambre vide, il tourne en rond, sans but. Il erre dans le bureau, fouille dans ses affaires, hume le moindre indice. Mais rien n'avait changé. Si ce n'est l'absence.
Il était parti sans laisser de trace.
M'as-Tu abandonné ?
Là, dehors, les voix murmurent, la Révolte gronde. Les rumeurs élaborent toutes sortes de scénarios, du plus macabre au plus improbable.
Le Maître serait-il…
Impossible. Je l'aurais senti.
Le pouvoir actuellement en place, encore trop précaire, n'attendait qu'à être renversé. Quelques nuits d'absence et déjà, les véritables intentions de certains prétendus alliés se dessinaient sur l'ombre des murs crasseux du motel.
Tu t'absentes trois nuits, et ils veulent déjà t'immoler. Et destituer la hiérarchie que Toi et moi représentons.
Malgré l'angoisse de l'attente, il tâche toutefois de n'en rien laisser paraître. Même la mort potentielle de son Sire, il ne la nie pas. Il veut entendre les langues se délier, il veut voir le vrai visage des traîtres. Il veut savoir qui abattre, lorsque son Sire reviendra.
Néanmoins, pour l'heure, il se devait d'agir seul et de composer avec l'absence inexplicable. Garder la tête froide. Ce n'était pas chose aisée. Ces derniers temps, le Chaos semblait s'être abattu sur Shreveport, ce qui n'était pas pour lui déplaire, ni à lui, ni à Salâh ad-Dîn.
Mais alors, pourquoi cette disparition inopinée ? Alors que le monde brûlait enfin, tel qu'Il l'avait toujours espéré ?

Face aux questions sans réponse, il était allé interroger Abdallah, avait rongé son frein pour se confronter à celui qu'il exécrait.
« Où est-il ? »
La voix n'avait pas tremblé, pas devant le Sbire, mais l'angoisse le rongeait.
« Je l'ignore, Yago. »
A la colère qui s'en était ensuivi chez l'Infant, nul doute que ce n'était pas la réponse escomptée.
« Il devait rencontrer ce Chef de Clan égyptien, à l'extérieur de la ville. Il était là-bas. Il n'est pas rentré depuis. Personne ne l'a vu. Mais toi, Yago ? Tu en sais forcément quelque chose. Les autres exigent des réponses. »
L'Infant siffle comme un serpent, hérissé par la confiance nouvelle dont s'éprend l'Algérien.
« Je ne te permets pas de me commander. En l'absence de Salâh ad-Dîn, c'est à moi que tu dois allégeance. »
Si le rappel à l'ordre semble impacter l'attitude du vampire sur l'instant, il sait que l'ordre établi reste précaire, et qu'il doit démêler toute cette affaire au plus vite, pour éviter une véritable révolution au sein du Clan renégat.

Aliénor.
Interroger le néophyte s'était révélé infructueux. Alors ses pas le guident vers celle qui possède peut-être les réponses à ses questions, à ses pires craintes. Celle qui avait prédit la Chute.
Aliénor doit savoir.
D'une étrange humeur, il traverse les couloirs du motel sans prêter attention aux quelques silhouettes qu'il rencontre. Il évolue dans un monde intangible, comme s'il progressait sur le plan astral lui-même, hors d'atteinte, et pourtant si vulnérable. Quelque part, dans une réalité proche et si lointaine à la fois, une lumière artificielle vacille. Un calice hurle. Un couple s'unit. Il échappe à ces perceptions trop pragmatiques, se plante devant la porte de la chambre d'Aliénor. Il toque, en vain. Plusieurs fois, malgré le silence de l'autre côté du battant. La pièce est vide. Personne. Il repart, seul, pivote ; s'éloigne, esseulé.
Aliénor…
Sourdement, il gronde d'impuissance, tout en s'évertuant de maintenir un masque impassible. Ne pas se laisser déstabiliser. Les réponses viendront. Il reviendra.
En attendant…

Il lève les yeux, comme alerté par un danger imminent.
Si les bruits et activités habituelles du motel l'avaient laissé indifférent, l'Ombre avait en revanche alerté ses sens, et il avait interrompu sa marche absurde pour la regarder, projection de lui-même, âme errante entre les cloisons de l'atypique motel.
Dillon.
Le fantôme d'un sourire machiavélique déforme son faciès, l'espace d'une seconde, très vite annihilé par une colère glaciale.
Qu'elle soit la solution à l'équation multiple paraissait trop simple. Et pourtant. Elle n'avait rejoint le Clan que depuis peu, et les murmures de la conspiration avaient pris naissance peu après son arrivée. Dillon. Voilà le patient zéro, la gangrène originelle, la mère-matrice de la Révolte. Sous son ventre plat gargouillait la traîtrise et les pulsions de destruction. Derrière ce visage de poupée perdue se formaient les pensées les plus abjectes, les retords de scénario les plus vils.
Nul doute possible : elle était la source de ses maux. Et elle possédait la réponse à ses questions.
D'autant plus qu'il avait découvert il y a peu qu'elle marchait sur ses plates-bandes d'une toute autre façon.

Lorsqu'il l'aborde, le sourire est factice et la prunelle malicieuse. Mais malgré les pulsions meurtrières qu'il ressent à son égard, il parvient à demeurer courtois.
« Dillon, mon amie, je suis ra-vi de te voir. »
Une curiosité le pousse à imaginer Eoghan assister à cet échange, à ces mensonges dégoulinants, à cette haine palpable entre les deux Infants, puis de recueillir son avis sur la question. L'arcaniste l'avait une fois questionné sur la haine qu'il vouait aux filles d'Eve. Nul doute que s'il visualisait ce qui s'ensuivrait, il serait fixé sur la question.
« Je te cherchais. » Il ment éhontément, se moquant bien d'être crédible ou non, puisqu'à vrai dire, il ne lui laisse pas vraiment le choix. « Je souhaiterais m'entretenir avec toi. Si tu veux bien m'accorder un peu de ton temps. »
D'un geste ample de la main, il l'invite à lui emboîter le pas et marche à ses côtés, sans se tenir trop proche, ni trop éloigné d'elle. L'aura de l'Irlandaise suffirait à le faire sortir de ses gonds, mais il s'efforce de n'en rien laisser paraître, tout du moins pas en public. Il ne veut aucun témoin, lorsqu'il lui ôtera à tout jamais l'envie de comploter contre lui.
D'une cadence souple, il l'entraîne à sa suite au dernier étage, prêt à risquer de l'accueillir dans son antre, si cela pouvait lui permettre d'obtenir les réponses tant espérées.
« Je suis satisfait que tu aies changé d'avis concernant notre Clan. Tu te plais, ici-bas ? »
Cela l'intéressait en réalité bien peu, mais il fallait donner le change le temps du trajet, tant que des oreilles trop indiscrètes pouvaient saisir la moindre parole, le moindre tic langagier.

« Je t'en prie, installe-toi. »
Arrivés dans la pièce attenante à la chambre qu'il partage avec son Sire, il lui désigne le bureau disproportionné – Salâh ad-Dîn avait toujours eu la folie des grandeurs – l'invitant à s'asseoir face à lui, comme pour annoncer le caractère solennel de ce qui s'ensuivra.
Il ne ferme pas la porte à clé : à quoi bon ? Elle est Immortelle, et plus âgée que lui. Si les choses tournaient mal, il aurait plus à craindre pour son existence que l'inverse.
En revanche, lorsqu'il passe derrière elle, frôle son épaule pour sentir le dégoût que le geste provoque en elle, il étudie soigneusement la distance entre son crâne et le coin le plus proche du meuble. Juste au cas où.
A son tour, il contourne le large bureau ainsi que la mappemonde démesurée (toujours les goûts grandiloquents et mégalomaniaques de son Sire), prête peu d'attention au capharnaüm de la pièce faisant office de salon, de boudoir, de salle d'entretien où son Sire recevait ses recrues ou des alliés potentiels. La décoration, à chaudes tonalités orientales, conférait une harmonie étonnante et confortable par rapport au reste du motel, décrépi en majeure partie. Au sol, tapis persans, coussins et méridiennes incitaient à la détente, si ce n'est à la luxure. Mais ce n''était certainement pas ce qu'il avait l'intention de lui proposer.

Il siège désormais derrière le bureau et fait face à Dillon, ses prunelles sévèrement ancrées dans les siennes. Si elle pivotait et regardait derrière elle, elle pourrait observer à loisir, par-delà la porte ouverte, la chambre partagée par le Sire et l'Infant, parée des mêmes couleurs chatoyantes. Les draps défaits, le lit trop vide et trop grand pour lui seul, une paire de bretelles abandonnée sur les couvertures.
Il ne lui laissera pas l'occasion de contempler cela.

« Bien. »
Si elle n'avait pas encore compris que la formalité de cet entretien n'était qu'un leurre, elle ne tarderait pas à saisir le véritable enjeu de cette entrevue.
L'Israélite, les mains jointes devant lui, se penche légèrement par-dessus le bois massif.
« Vois-tu, Dillon, j'ai récemment appris le sens d'une expression que vous autres, anglophones, connaissez bien. J'espère parvenir à l'utiliser à bon escient, comme il ne s'agit pas de ma langue natale. »
En effet, l'accent hébreu trahit exagérément son phrasé. Ici, il est le maître. Et il obtiendra des réponses, coûte que coûte.
« Si je te dis : ne mords pas la main qui te nourrit. Qu'as-tu à répondre à cela ? »
Le nuage d'une colère noire assombrit ses prunelles, même s'il s'efforce pour le moment de ne pas perdre contenance face à elle.
« Je te donne une chance, une seule, de te justifier, et de m'expliquer pourquoi tout ici périclite, depuis que tu es arrivée. Sache que si ta réponse, ou ton absence de réponse, ne me satisfait guère, alors je changerai mes techniques d'interrogatoire. »
Il la darde de son regard implacable, bien décidé à lui faire cracher le morceau, et à découvrir la vérité.
« Tu n'es pas en position de force, ici. Alors, parle. Et je serai peut-être clément à ton égard. »

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Anonymous
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Lun 3 Mai - 22:28 (#)


The hurt of emptiness


Ensevelie dans les sables mouvants d’un semi-sommeil, elle mire les feuillets qui s’entassent, des lettres sans fin, sans début, des morceaux de confidences que sa plume à la pointe bien sèche a gratté contre le papelard pendant plusieurs heures sans trouver l’inspiration. Kaleb est de sortie, peut-être ailleurs, peut-être est-ce une illusion que cette effarante solitude qui la démolie dans son antre souillée de quelques chemises enlevées à la hâte, ayant élue domicile, pour un temps, dans cette chambre où on l’a conduite sans qu’elle n’ait son mot à dire. Elle a abdiqué de l’échine sous les ordres de la nouvelle impératrice de la nuit faisant sonner le gong dissonant d’un maelström qui ne manquerait pas de soulever bien d’autres nuits encore. Qu’on les rejoigne ou qu’ils se fassent répudier, la voilà bienheureuse de ne pas être de ceux qui demeurent du mauvais côté cette fois, bien dissimulée sous le voile que rien ne percera qu’a drapé Aliénor sous le clan du Chaos. Elle s’élève en un mouvement plein de paresse, filaments de blond polaire s’étendant sur une partie de son visage qui s’ombre de cette indifférence propre aux morts marchants, ses yeux venant se déposer sur les papiers qui ne trouveront pas de fins. Ava doit bien se foutre de ce qu’il advient d’elle car c’est un moment de lucidité qui anime la psyché délicate et de porcelaine de l’Infant sans Sire, effleurant dans un bruissement à peine palpable les parchemins cornés où elle n’y reconnait que les mots qui cachent le manque et la souffrance de l’absence. Où sont passés les nuits où elles pouvaient se vanter l’une et l’autre de ne faire qu’un tout ? Il y avait tant à gagner, tout à perdre mais la perdre, elle, fut bien sa dernière idée. Impossible. Impossible qu’elle en soit ici, au travers des murs fins qui ne laissent que filtrer les bruits des habitants immortels ou fidèles alliés du clan. Elle ne perçoit pas l’agitation qui gangrène l’étage plus bas, son corps criant l’envie de traverser la crasse de Shreveport, trouver un cou auquel elle pourrait s’engorger ou partir à sa recherche. En vain. Revenir les mains vides et le cœur toujours aussi étreint par la nuit, une suie qui bouche les artères mortes.

Le fauteuil de velours craque sous son mouvement lorsqu’elle se laisse aller contre le dossier, dévoilant le déshabiller bleu pâle qui étreint son corps famélique, la ceinture de soie creusant la taille où les côtes gondolent le derme lunaire, un cadeau de Kaleb qu’elle a accepté d’enfiler lorsqu’il eut le dos détourné, dévoilant ses jambes nues, ses pieds de nymphe froide, ourlet d’une dentelle blanche qui ne jure qu’à peine sur les dunes timides de seins aux bourgeons recroquevillés en leurs nids rosés que l’on presque percevoir tant le tissus est tissé comme une toile d’araignée, provocant mais elle demeure seule et se fiche bien des yeux qui peuvent courir sur elle puisqu’il n’y en a pas. Dans un élan qui démontre toute la fatigue de l’immortelle, elle s’élève, marche, osant se laisser porter hors du cocon de ses murs, semblant à une jeune épouse des temps anciens quittant la chambre nuptiale après avoir fait son devoir de femme, elle, qui demeure d’une pureté égale et rigide, rien ne bougeant sur son visage alors qu’elle laisse sa silhouette se fondre dans les ombres des couloirs qui semblent ne jamais finir, labyrinthiques, effleurant toujours les surfaces sous ses doigts comme pour pouvoir rester ancrer, juste un peu et du bout de ses phalanges squelettiques, à la surface du réel, ne pas se fondre trop longtemps dans ses rêveries morbides. La mélancolie d’une douce chanson vient se murmurer du bout de ses lèvres, femme d’ennui, femme morte de solitude et guettant la sortie, ne connaissant pas encore par cœur les lieux, humant l’air où se mêle les saveurs diverses, les parfums qui lui font parfois pencher la tête en un mouvement presque animal, ses paupières tiquants à peine lorsqu’elle se voit perturber par une odeur ou un bruit qui attire son attention et attise ses sens. Fermant les yeux, elle se laisse prendre par une errance dans une autre allée de murs et de chemins de velours sous ses menus pieds, semblant s’être perdue et peut-être l’est-elle ne s’en rendant pas compte, se dirigeant tout droit dans les bras du danger insoluble, dans l’étreinte d’un prince mort capable de se fondre sous les traits de n’importe qui, de créer les pires ombres.

Un arrêt en pleine marche lorsqu’elle pressent l’odeur bien familière de sa Némésis, un tic agitant brutalement ses lèvres en bouton de rose, la fleur se hérissant d’épines, son aura de ronces, détournant à peine la tête lorsque son nom éclot dans les affres de ce long couloir avant que Yago n’affleure à la surface de son regard. Homme qu'elle maudit, elle le mire sans cacher sa haine mais pourtant rien ne bouge sur son visage de poupée ayant péri trop jeune, haussant à peine un sourcil face à ces salutations de convenances et bien hypocrites. L’appellation amicale la dérange et ses ongles rongeant encore un mur s’éloigne lentement, se rétractant comme une fleur n’osant plus éclore face à lui, admirant les orbes pâles qui l’observent et semblent la maudire. Voilà bien trop longtemps qu’ils se connaissent, se heurtent et bataillent l’un contre l’autre pour une raison lui échappant depuis des siècles. Elle observe sa mise, sa raideur. « Ravissement non partagé... mon ami. » déclare-t-elle avec un timbre atone, l’hiver ayant pris en otage sa gorge, insistant sur ce surnom idiot et insultant. Ils n’ont rien d’amis, ils ne sont que des connaissances car que connait-elle de lui réellement ? Finalement, n’est-il pas simplement la goule planté sur ses hauts murs qui l’observaient alors qu’elle était encore un pion de l’Essaim ? Elle n’a jamais cherché plus loin que cela. Pas plus loin que la lame qu’elle enfonça en lui cette nuit où il la chercha une fois de trop. Ce sont les mots suivant qui la poussent à élever rien qu’un peu la tête, la méfiance habillant son être entier, n’aimant pas qu’il la convoque sans oser le dire, favori de la nouvelle Reine, elle le sait, dessinant sa silhouette à nouveau du bout encré de ses iris en épingle, manquant de grogner à sa face lorsqu’il ose passer tout près d’elle. N’importe qui d’assez idiot et à l’œil peu avisé pourrait les prendre pour deux connaissances marchant côte à côte, voyant leurs mains manquer de se frôler mais ce serait le pire des blasphèmes, une étreinte impossible car ils furent condamnés, une nuit, à se haïr jusqu’à ce que l’un ou l’autre ne cède. Elle ne cherche pas à résister, sa morbide curiosité la poussant à le suivre de son pas souple, leur duo d’irréels se plongeant dans l’obscurité rassurante mais qui pourrait servir à l’un ou à l’autre pour s’assassiner.

Il lui ouvre son antre et la voilà qui s’arrête un instant sur le perron, n’osant passer cette frontière qui empeste le parfum de l’Oriental dans les moindres recoins. Terre ennemie. Elle passe pourtant la limite en déposant un premier pied nu, oubliant sa nudité presque évidente sous le voile qui la couvre, sa queue de cheval prête à lâcher le ruban noir les tenant n’ayant pas été renoué depuis longtemps. L’enfant sauvage reste un instant debout, le fixant, sans répondre à une question qui ne semble pas appeler à une réponse. Elle ne veut pas lui parler, elle ne veut rien de sa part, si ce n’est qu’il en vienne au fait. Pour unique réponse, elle bat lentement des paupières alors que l’esquisse d’un doux sourire inquiétant étire ses lèvres, comme pour le narguer. Il n’aime pas la savoir ici. Il ne l’aime pas. Ils ne s’aimeront jamais, d’une manière ou d’une autre et peu lui importe son confort en ces lieux. La voix lui parait toujours aussi rigide et soldate dénudée face au bois du bureau, elle abaisse son attention sur les papiers et bibelots qui se bousculent sur le bureau sans savoir où se déposer, sans réellement chercher avant d’abdiquer d’un soupir blase, expié exprès pour lui démontrer son ennui, son impatience aussi après s’être raidie quand il l’a frôlé, feulant presque, le venin de son regard bleu se plantant sur son profil pour le maudire d’oser l’approcher aussi intimement. Comme une lycéenne dérangée par son directeur, elle se dépose sur le siège qui gémit sous son poids mort, s’étendant nonchalamment contre le dossier, laissant les pans du décolleté dentelé s’écarter à peine pour dévoiler les monts pâles des ergs qui font d’elle une femme-enfant, découvrant presque le rose trop palot d’un mamelon sans qu’elle n’y fasse attention, croisant une jambe, sa langue ripant sur les canines qui ne sont pas sorties. Loin de la Frénésie, elle est le calme inquiétant qui fait face à son jumeau, car Yago semble être en pleine tempête sans qu’elle n’en comprenne le pourquoi du comment. Pourquoi elle ? Pourquoi ce soir ?

Dis moi, Yago, qu’est-ce qui te mine tant en cette nuit sans lune ?

Son immobilisme ne fait que le défier davantage, pleine d’insolence alors qu’elle patiente, bien sage, en apparence car tout n’est que cela ce soir, eux, qui n’ont jamais cherchés à cacher leur haine animale. Cette froideur la dérange et elle aimerait le voir hurler, se tordre de douleur comme autrefois, comme la fois où elle les sauva d’un anti-CESS, qu’ils se retrouvèrent dans un bain de sang. Un coup d’œil à son cou lui rappelle la peau arrachée par ses dents lorsqu’elle était pétrifiée par la Bête qui était remontée à la surface et où plus aucune trace d’elle ne demeure. Elle fixe le creux de ce cou halé et pâle à la fois avant de relever les yeux lorsqu’il reprend enfin la parole, ses paumes saignant les bras de son fauteuil, caressant lentement le bois luisant, haussant un sourcil blond qui pourrait passer pour un ordre. Parle plus vite. Plus vite, Yago Mustafaï. Et les voilà mis l’un en face de l’autre, démon contre démon, la paranoïa de l’autre venant toquer à la porte de l’esprit dérangé de la madone délaissée. Un long silence se tisse entre eux, un ange et un autre passe, leurs ailes battants entre eux pour laisser un vent glacé s’élever de leurs simples échanges de regards avant que son visage ne s’illumine étrangement, qu’elle délaisse un rire s’échapper de sa gorge, un rire venu du creux de sa trachée, un rire d’enfant amusée, secouant lentement la tête avant qu’elle ne se penche rien qu’un peu pour humer l’air entre eux, heureuse de savoir le bois entre eux comme frustrée de ne pouvoir l’atteindre pour oser jouer au roi en face d’elle. « Que t’arrive-t-il, Yago ? Je pensais que tu me voulais ici, tu fus bien le premier à me proposer de faire partie de ce Clan et voilà que tu me recraches ta méfiance au visage. » Sa langue tique contre son palais en un bruit qui sermonne « Est-ce ainsi que l’on t’a éduqué ? Tu me déçois. » Elle se fiche de lui, en réalité. Voilà longtemps qu’elle n’attend plus rien de celui représentant sa haine pure pour l’Homme lui-même, toute sa masculinité la dégoûtant assez pour la faire reculer lentement pour reprendre sa position initiale. « Je ne dois aucune explication à personne, pas à toi. Il n’y a qu’à Aliénor que j’accepterai de parler. Qui es-tu, toi, ici-bas ? » Son visage auréolé de ses cheveux presque blancs et trop longs, elle dégouline son fiel sans pourtant perdre son calme, cherchant à ce qu’il soit le premier à se fissurer, ses mains prête à modeler le bois sous elle pour en faire un pieu qu’elle lui plantera en plein ventre s’il le faut. « Prends garde à tes mots et surtout à ceux que tu n'as pas l'air de comprendre et de maîtriser. Je n’aime pas les mystères, pas les tiens en tout cas. Que veux-tu savoir ? » Une ombre recouvre alors son visage jusqu’ici rayonnant de blase ou d’une joie maléfique, abaissant à peine l’échine pour le regard de sous ses paupières basses « Je ne suis pas ici pour te satisfaire alors vas-y. Fonce, Yago. Tue-moi si tu me crois coupable de la moindre trahison. » Observant les lieux avec plus d’attention cette fois, elle reconnait une autre odeur, une odeur qui s’est fait plus rare autour d’elle mais qu’elle eut déjà la chance de sentir au bord de son flair. « Où est ton Sire ? Il devait se tenir auprès d’Aliénor et je ne l’ai jamais vu. Ils sont pourtant alliés. C’est étrange. » Et elle ignore qu’elle dépose un premier pied dans le piège, qu’elle le fera peut-être mordre le premier de ses simples mots, le fixant droit dans les yeux, la voix lunaire, lointaine, comme si elle venait de s’éveiller d’un rêve, que la douceur de l’enfant venait de revenir, que lentement, toute lucidité s’écoulait loin d’elle, saignant de quelque part et laissant s’égoutter à ses pieds son lien avec le réel. « Je vois que tu souffres. Moi aussi, Yago. Moi aussi, je souffre, je crois. »  


(c) corvidae
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Anonymous
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Jeu 27 Mai - 20:43 (#)


The hurt of emptiness.

Il ne s'attendait nullement à la voir obtempérer sans broncher. A vrai dire, et s'il devait être tout à fait honnête avec lui-même, une telle attitude recroquevillée et défaitiste l'aurait même déçu de la part de sa Némésis. S'il la haïssait plus que tout, il avait toutefois changé de cap concernant le destin qu'il espérait pour elle. Un destin qu'il avait essayé de provoquer lui-même, lorsqu'ils s'étaient tous deux enfui de ce bar pour échapper à un tenancier revanchard.
Lorsqu'il était la gargouille silencieuse, l'observateur anonyme de son travail de Nettoyeuse, il avait maintes et maintes fois aspiré à son anéantissement. La voir chuter de son piédestal aurait régalé son appétit vorace, et il se serait odieusement empli de cette douleur, car c'était tout ce qu'ils étaient désormais : des enveloppes vides, condamnées à absorber des fragments de vie qui ne sont pas les leurs, à se ragaillardir d'émotions toxiques pour perpétrer leur existence maudite.
Aucun des deux ne l'admettrait, mais ils avaient drastiquement besoin l'un de l'autre. Sinistres reflets inversés, ni tout à fait homme ni tout à fait femme, ils n'étaient que deux enfants sauvages, arrachés trop tôt au ventre de leur patrie originelle. Deux éternels étrangers en ces terres américaines qu'ils exécraient. S'ils avaient été humains, probablement auraient-ils été de ceux qui se retrouvent, après une journée de travail harassante, dans un bar miteux, pour noyer la fadeur de leur existence mortelle. Ils auraient ri ensemble. Craché sur le monde ensemble. Peut-être même se seraient-ils parfois risqué à s'oublier dans les bras l'un de l'autre. Peut-être auraient-ils été ce duo inséparable. Indestructible. A deux, ils auraient formé une alliance indéfectible.
Mais l'orgueil de leur condition vampirique les rejetait inlassablement loin l'un de l'autre. Sans cesse, ils se repoussaient, même lorsque les destins s'entremêlaient. Même lorsqu'ils provoquaient ces rencontres pourtant exécrées.
Dans le déni d'une évidence inavouable, pour l'un comme pour l'autre. Ils étaient deux fragments arrachés l'un à l'autre, trop similaires pour ne pas être nés de la même glaise. Et cette exécrable ressemblance les répudiait.
Parfois, il croyait ressentir cette fracture vertigineuse. Elle se logeait dans un détail, au détour d'une parole à demi-avouée, dans le fragment d'un regard dérobé. Alors, durant une infime seconde, il ressentait ce trouble profond ; nul dégoût, nulle haine, seulement cette sensation tenace et profondément vérace qu'ils étaient fondamentalement créés l'un pour l'autre.
Une idée d'une envergure telle qu'elle ne pouvait exister qu'une fraction d'instant, avant d'être étouffée et enlisée sous un déni virulent, dans un mécanisme de défense qui conduisait presque systématiquement à l'éclosion d'une violence inouïe entre eux.
Et depuis des années, le schéma se répétait sans faillir, prisonnier d'une vérité qui n'éclaterait jamais.

Alors, lorsqu'elle se présente à lui dans toute son insolence, la tenue frivole, le sourcil impatient, il peine à contenir son sang-froid, malgré toute sa bonne volonté d'apparaître face à elle comme une figure d'autorité à respecter. Dillon, comme sur presque tout, lui ressemblait bien trop sur ce point : rebelle, contestataire, apparaissant là où on ne l'attendait pas, et certainement pas de la manière dont on l'espérait. Dillon glissait entre les doigts de quiconque tentait de la saisir. Dillon était cette fumée qu'il ne parviendrait jamais à attraper. Même sous une convocation officielle, même avec une hiérarchie établie, elle le défiait sans crainte, car après tout, tirer sur la corde sensible était un jeu d'enfant pour celle qui était faite du même ébène que lui.

Si les provocations de l'impudente le hérissent, son faciès n'en exprime rien ; le seul mouvement perceptible est l'orbe d'ambre qui glisse parfois, nonchalamment, vers l'ouverture du décolleté – garce outrancière, coureuse de remparts, toi que nul homme n'a pourtant jamais effleurée – qu'il croit délibérée. Et il avait beau savoir pertinemment qu'elle mettait toujours tout en œuvre pour le faire sortir de ses gonds, chaque tentative de déstabilisation de sa part l'érodait un peu plus. Elle cherchait à provoquer la réaction inflammable, la friction de trop qui les conduirait inéluctablement vers un nouveau brasier. Mais il ne savait pas s'il était prêt à affronter une nouvelle collision avec elle. Trop d'incertitudes l'oppressaient, tandis qu'il s'efforçait de la questionner, d'effeuiller sa psyché contre laquelle il butait encore, pour l'heure. Et elle prenait un malin plaisir à le lui faire remarquer.

Il comprend que le jeu des illusions qu'il a établi entre eux ne lui permettra pas d'extorquer des réponses, lorsqu'elle le nargue jusqu'à remettre en question son rôle au sein du Clan. C'est à son tour d'arquer le sourcil, soufflé par cette impertinence qu'elle est probablement la seule à oser avec lui, sans trembler. Une attitude qu'il ne peut s'empêcher de commenter, le souffle court, encore suspendu à ses mots, presque fasciné par une telle prise de risque.
« Qui suis-je ? Qui suis-je ici-bas ? Moi ?! Ma foi, tu ne manques pas d'audace. »
Dans ces moments-là, il avait du mal à déterminer ce qui animait celle qui fut autrefois sa rivale : était-ce sa hardiesse, qui la conduisait à remettre en question son statut de Second ? ou de la stupidité ?
« J'ignore comment Aliénor t'a présenté les choses en t'amenant ici, mais même si cela me coûte, je vais tout de même prendre la peine de te les expliquer à nouveau. »
Dans sa colère, il préfère la toiser et opter pour un mépris ostentatoire, même s'il ne peut s'empêcher de répondre à la provocation, incontournable.
« Tu es ici dans un Clan de Renégats. Un Clan dirigé par Salâh ad-Dîn Amjad. Par lui, et lui seul. Je vais tâcher de m'exprimer lentement, pour permettre à tes capacités cognitives d'assimiler les informations à ton rythme. »
Il était trop outré pour remettre en question l'attitude puérile de Dillon, son ignorance feinte envers la hiérarchie du Clan qui l'avait recueillie. Quoique lui ai dit Aliénor, il était fort peu probable qu'elle ne lui ait pas clairement présenté le rôle de chacun.
Ses phalanges légèrement halées se déplacent sur le large bureau, dessinent des quadrilatères imaginaires. Proche de lui, il représente, par une figure centrée sur le bois, la place occupée par son Sire, au sommet de l'organigramme. Juste en-dessous, un autre emplacement juxtaposé. De sa main amputée, il se désigne lui-même.
« Qui suis-je ? Je suis le Second du Clan. Je suis l'Infant du Maître. Je suppose que cela ne t'enchante pas, et crois-moi, moi-même, je ne suis pas toujours ravi d'occuper cette place. Pourtant, les choses sont ainsi. »
Il se penche sur le bureau, vers elle, et d'un tracé rectiligne vers le milieu du bureau, poursuit son explication.
« Aliénor est une aspirante. Une alliée du Clan. Tout comme toi, même si j'ai parfois tendance à croire que tu es davantage un nuisible qu'une Immortelle sur laquelle nous puissions compter. Mais admettons. Comme tu le constates, Aliénor, toi, comme tous les autres membres du Clan, êtes sur un pied d'égalité. Les seules personnes envers qui tu aies des comptes à rendre, sont situées au-dessus de toi. »
Bien qu'agacé, il éprouve toutefois un plaisir certain à lui désigner de nouveau de l'index les strates hiérarchiques supérieures à la sienne. Plaisir bien vite abrégé par la simple conviction qu'elle n'hésitera pas à détruire systématiquement toute explication qu'il tente d'ériger. Il comprend, un peu tardivement, qu'elle se joue inlassablement de lui. Il clôture cependant, par la seule information réellement importante à ses yeux.
« Donc, oui, si je te considère comme une menace, je t'éradiquerai. Au mieux, je te bannirai. Et alors, tu retourneras là d'où tu viens : c'est-à-dire de nulle part. »

Toutefois, certaines paroles l'interpellent, chargées d'une prophétie dont il ne peut encore deviner la portée. S'il n'était pas aveuglé par sa haine envers l'Irlandaise, peut-être comprendrait-il au travers de ses questions une part de la vérité qu'il cherche tant. Mais dans son simulacre de réalité, Dillon ne pouvait qu'être la seule coupable.
« Malgré la haine que je te porte, je t'ai proposé de rallier le Clan. Tu as refusé. Pour, quelques mois plus tard, nous rejoindre tout de même. J'en déduis qu'Aliénor a usé de meilleurs arguments que moi. Ou alors, quelque chose a changé en toi. Pourquoi être revenue sur ta décision ? »
Malgré la précarité de sa situation, elle avait repoussé la main qu'il lui avait tendue. S'il lui avait fallu ravaler sa fierté après cet énième affront, il n'avait pas dissimulé sa surprise lorsqu'Aliénor lui avait appris cette nouvelle alliance. Certains éléments lui échappaient.
Ou alors, peut-être préférait-il ne pas admettre l'évidence.

Interdit, il cesse de la toiser et se recule à son tour dans son siège, l'observant cette fois avec une distance prudente, dévêtu de cette suffisance dont il usait précédemment avec elle. Au fond de lui, inconsciemment, il sait qu'elle vaut mieux que cela. Qu'elle n'est pas cette idiote dont elle épouse le rôle à merveille, et que malgré son impertinence, elle comprend tout à fait les enjeux de son ralliement au Clan. Alors que lui cache-t-elle ? A quoi joue-t-elle ? Elle comme lui sont capables du pire. Inconsciemment, ses phalanges se portent à son abdomen, à ce qu'elle avait poignardé sans vergogne, une nuit, lui sous elle, lui coincé contre un toboggan d'enfant, elle fouillant de ses ongles enragés la béance qu'elle avait elle-même créée. Ils savaient tous deux que s'ils en venaient aux mains, elle avait de bonnes chances de prendre le dessus. De le renverser. Qu'est-ce qui l'empêchait de le faire, en l'absence du Sire ? Le motel était calme, presque désert.
Dans l'impasse, il décide d'abandonner quelques défenses et de ne pas se montrer démesurément prétentieux avec elle. Si elle détenait des informations qu'il ignorait, alors elle était en position de force. Et ils le savaient tous les deux.
Bas les masques, il enterre sa colère et piétine ses réticences, s'engouffre dans la faille.

« Salâh ad-Dîn et Aliénor ne partagent pas la même vision du pouvoir et du renversement de l'Ordre. Pourquoi dis-tu cela ? Ils sont alliés, malgré leurs divergences. Ils se connaissent depuis longtemps, tous les deux. Depuis bien plus longtemps que toi et moi. »
Mais entre le Sire et la mère adoptive régnait un malaise palpable, un non-dit évident qu'il avait toujours refusé d'admettre. Tout comme il refusait d'accepter la vérité énoncée par Dillon. Car elle disait vrai. Ils ne se tenaient jamais côte à côte, pour faire front. Pour être une vague déferlante sur l'Essaim, la même et unique tempête.
Exactement comme…
Il s'accroche à l'angle du bureau, roc dans l'ouragan, se hisse par-dessus, rescapé du naufrage.
« Je ne sais pas… où il est. »
La douleur de la vérité.
« Je pensais que tu saurais. J'entends les murmures, Dillon. Ils attendaient son départ. Ils l'ont peut-être même volontairement évincé. Pour frapper en son absence. »
La certitude ne délogeait pas de sa poitrine : la Révolte grondait. Et il se persuadait toujours que Dillon en était l'instigatrice. Qui d'autre ?

Mais cette souffrance en écho, cette souffrance qu'elle lui confesse ou érige entre eux achève de le déstabiliser. Mutique, il l'observe malgré lui, femme prisonnière dans le corps d'un enfant – ou est-ce l'inverse ? aussi dangereuse que vulnérable, ballotée par les flots de ses propres contradictions. Elle était un paradoxe qu'il ne parvenait à résoudre, lui-même trop instable pour espérer comprendre une psyché au moins aussi fracturée que la sienne.
Alors, animé par une pulsion indomptable, il s'approche d'elle par le chemin le plus court ; son corps souple escalade le bureau et il s'avance, réduit la distance illusoire qui les séparait. Bien plus à l'aise sur le meuble que derrière, il se débarrasse des apparences, de son autorité factice comme de son orgueil. Genoux et paumes contre le bois, il se déplace souplement et ne s'arrête qu'au bord du précipice, comme perché dans le vide, au bord d'une corniche illusoire. Il ne la toise plus et lorsqu'il s'adresse à elle, c'est l'âme d'enfant qui questionne sa semblable, mue par une curiosité indescriptible qui le traverse pendant une fraction de seconde.
« De quoi souffres-tu…? »
Le haut du corps tendu vers elle, il plonge ses prunelles de sable dans les plaines irlandaises et l'espace d'un instant irréel, ils ne sont plus que deux âmes terrassées, deux enfants tremblants sous les prémisses de l'orage qui s'annonce.
« Pouvons-nous encore ressentir cela, Dillon…? »
Jusqu'à ce que la parenthèse ne se perfore, alors le corps de l'Oriental recule, et sa main amputée réajuste le réel, agrippant le tissu de l'Immortelle pour couvrir du bout des doigts la naissance d'une pointe rosée, effrontément dardée vers lui.

Désormais assis en tailleur sur le bord du bureau, il l'observe à la dérobée, visiblement sonné par cette fracture inattendue dans leurs haineuses habitudes. Sa mâchoire se crispe légèrement lorsqu'il adopte à nouveau ce ton railleur, de sa voix grave et implacable. Les sourcils se parent de leur étendard, prêts à partir au front. Contre elle.
« Si tu souffres tant, trouve-toi un Calice. Ou un Marqué. J'ai cru comprendre que tu avais un penchant pour les sorciers rouges. »
Il énonce avec calme, mais au-delà de la suggestion innocente, la colère gronde déjà.

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Dim 13 Juin - 18:10 (#)


The hurt of emptiness


Le calme qui se disloque aussi sûrement que les horloges que les mains habiles qu’elle voit fébriles d’émotions réparent dans la poussiéreuse pièce qui lui sert d’atelier où elle n’a jamais eu l’envie de pénétrer. Désintérêt. Ennui dans ses yeux où vente la cacophonie d’un morne hiver qui ne donnerait pas envie de se plonger dans la glace des prunelles trop longtemps, il se pourrait que vous y laissiez un morceau de votre bonheur mais lui, ne craint rien. Il ne l’a jamais craint, gargouille perchée sur un muret, dissimulé par les ombres de nuits putrides qui empestaient la mort, le sang qu’il fallait mêlé à l’ignoble odeur âcre de la javel qu’elle ne sentait qu’en inspirant. Rouille et oxydant.

Quand a-t-on commencée notre guerre, Yago ?
Quand a-t-on basculé l’un vers l’autre pour, toujours,
Seulement, nous combattre, à en crever encore, éternellement ?
Seras-tu celui qui alors me donnera le coup de grâce ?
Tu sais, il y a bien des jours où je me languis de m’éteindre,
Il y a des nuits comme celles-ci où l’espoir m’échappe,
Alors, peut-être, me verrais-je te mener jusqu’à l’impardonnable crime.

Oserais-tu, Yago Mustafaï, fils du sépulcrale Malin, me prendre ma non-vie ?


Le majeur glisse, l’insolent, contre l’arrondi du bras de bois, en entendant presque les craquements si elle voulait le transformer en l’arme mortelle qu’elle imagine et dessine, créant la mort sous cet échange inopportun dont elle ne saisit le sens, même les mots qui glissent entre eux lui paraissent bien étranges et sous le voile opalin de ses cheveux, elle voit le visage de l’ennemi se froisser d’une rage mal contenue. Elle pourrait en sourire si la curiosité ne la mordait pas tant, les arabesques du bout de son doigt continuant en une languide danse sur le bois qui gémit alors que lentement, sa tête s’abaisse, à peine, rien qu’un peu, dans ce mouvement étrange qui souligne que la vie l’a quitté depuis trop de temps, fantôme plus que soluble, de cendres et de poussières d’os. Il y a ce silence étrange, cet ange qui trépasse entre eux dans la pièce aux effluves de stupre, d’ailleurs, d’un ailleurs qui pourrait l’intriguer si tout n’était pas concentré sur l’homme et ses paroles qui atteignent l’ectoplasme de son esprit. Ainsi, son regard retombe comme deux billes de plombs sur ses cuisses dévoilées sous le déshabillé, la tête se détourne, s’élève, bruissement de tissus, de ses cheveux, craquement de la chaise qui gémit sous son faible poids, alors qu’elle observe ce qui se dépose aux murs, comme si elle n’avait rien entenduL. Joue-t-elle avec ses nerfs qui semblent mis à nus ce soir ou prend-t-elle seulement le temps de comprendre ? Elle-même l’ignore, vêtue de ce mystère, son esprit morcelé, voguant comme une barque de l’ombre à la lumière. « Quelque chose te perturbe, mon ami. Je le sens jusqu'ici. » Sibyllin murmure, presque piteux mais moqueur tout à la fois, comme une enfant demandant à un adulte pourquoi la colère l’anime ainsi, déposant à nouveau son attention sur lui.

Le majeur cesse de bouger, elle plante ses yeux dans les siens, deux morts-marchants se faisant face alors qu’elle semble plus paisible encore quand lui suinte de cette fièvre qu’elle pourrait faire augmenter. Et puis c’est comme un rayon de soleil étrange qui passe au travers des stores d’une vieille pièce pleine d’électrons libres de poussières, comme un soupçon de cette juvénilité qui fut la sienne lorsqu’elle était humaine quand un sourire s’esquisse, amusée, un rire ricochant dans la poitrine « Yago, sais-tu au moins pourquoi nous nous détestons tant ? Sais-tu ce que je hais le plus chez toi ? Sais-tu que peu importe quelle est ta place ici bas, rien n’entachera jamais, ô grand jamais, ma haine envers toi ? Et pourtant… » Là, se fige cette esquisse inattendue, un affront au Second de ce clan rejoint pour Ava, pour une protection, pour une femme lui ayant donné l’illusion de pouvoir lui offrir la chaleur de son giron, pour des chimères, toujours. Là, le sourire fond comme pour laisser place à la vive mélancolie, à l’orageuse furie « … Pourtant, j’ignore ce qui a fait de nous ce que nous sommes. Explique moi. » Mouvement d’une femme qui n’en fut jamais vraiment une, à part entre les mains des hommes sous lesquels elle passe mais Dieu l’épargne, pauvre enfant, de ces souvenirs immondes où on lui ouvrit les cuisses de forces pour faire d’elle ce qu’elle pense ne pas être. Pure. Incapable d’aimer ou de comprendre le sens même de ce pauvre terme qui veut tout et rien dire à la fois. Aimer. Haïr. Son index pris entre de des doigts de son autre main famélique, les coudes vers le bas, la voilà dans une posture presque princière, sillonnant la pièce avec l’audace, une cuisse trop fine et blanche se révélant à chaque pas au travers des volutes bleues, effleurant ce qui n’est pas à elle. Peut-être alors voudra-t-il la chasser ? Peut-être alors voudra-t-il la tuer ?

Poursuis moi.
Poursuis moi.


Il y a l’art de la provocation dans cette lente marche de ses pieds nus foulant le sombre sol. « Nous avons tous notre quête personnelle, tu le sais. J’ai rencontré Aliénor… Elle m’a éveillé, je crois. » Oh comme le ton est rêveur, comme il laisse soupçonner l’admiration et la crainte d’une gosse tremblante face à la puissance de l’Aînée. L’ourlet de dentelle d’un bleu pâle frôle ses pas, la suite comme une rivière de soie, ruisselante cascade pour une naïade au cœur ayant cessé de fonctionner, mécanique désaccordée. « Moi aussi, j’ai quelque chose à accomplir et ton Clan, Yago, Salâh ad-Dîn Amjad, Aliénor Bellovaque, vous tous, vous pourriez m’aider à m’élever pour retrouver ce que j’ai un jour perdu. A trouver un sens à mon existence… qui n’a plus beaucoup d’allure jusqu’alors. » Un bouquin saisi, les pages jaunies craquelant sous ses doigts qui ne sont qu’en effleurer les tranches, silhouette longiligne aux formes discrètes sous le halo bleuté, le profil un instant caché sous la chevelure de sable blanc dont les pointes se déposent sur un sein insolent. Bruit sourd quand elle le referme, le repose se détournant vers celui qui a conjuré son sort depuis bien longtemps, pour mieux se rasseoir, plus lentement que la première fois, comme si toute la vieillesse de son siècle passé l’éreintait quelques fois. Le masque de l’impassibilité lui est revenu et elle hausse un sourcil, soulignant une évidence de sa voix chantante « J’entends l’étrange silence ici-même. Tu le sais, quelque chose se prépare. » La posture de l’adversaire change, se métamorphose en statue de marbre souffrante, cillant sous l’éclat de quelque chose qui perturbe son masque, la barrière relevée pour ne pas laisser paraître davantage de ses maux mais tout cela fond dans la mélancolie de l’aveu, la voyant elle-même saisir trop fortement les bras de la chaise de condamnée sur laquelle elle se tient, relevant la tête dans un frémissement qui laisse voir qu’alors, elle n’est plus tout à fait là, se revoyant Infant perdue, cherchant son Sire qui a finit par se laisser prendre par les filets de l’Essaim.

« Où est-il ? » Ava qui ne lui disait rien, la mine défaite.
« Où ?! » Ce long hurlement de souffrance, d'enfant qui refusait l'évidence.
Et Ava, pleine de son mutisme, qui ne pouvait rien dire.
Elle avait senti cet instant, ce bref instant où son Sire s’était éteint.


L’interdit se fixe dans ses prunelles qui le jaugent avec une humanité troublante, celle d’une enfant ayant perdu son parent, l’allégorie du seul homme qu’elle ait pu un jour aimer de tout son être. « Quoi ? » Froncement de sourcils alors qu’elle essaie, en vain, de reprendre le regard de Yago, d’y déceler la détresse qui a pu être la sienne il y a une poignée d’années. « Comment ça tu ne sais pas où il est ? Tu… Tu ne le sens plus dans les alentours ? » Son dos se renfonce brutalement contre le dossier qui craque comme pour se moquer des deux âmes perdues qu’ils sont. Salâh ne lui inspire que peu de choses, peut-être un brin de mépris, une envie de le voir s’écraser davantage, trop arrogant mais le savoir loin de son nid n’est pas pour la rassurer. « Si tel était le cas, tu sentirais. Tu saurais bien qu’il n’est plus. Tu ne perdrais pas ton temps à me soupçonner d’avoir quoi que ce soit à voir avec son absence. » Lèvres closes, elle hausse le menton, les traits de son visage en porcelaine laissant voir les fissures qui offrent là la vue de toute sa détresse, de cette souffrance jumelle qu’elle ne peut réprimer, la plaie encore si fraîche. Quelque part, elle saigne toujours, sans discontinuer et quand la chaleur de l’Orient rencontre la froideur de son Irlande, elle pourrait peut-être même pleurer le vermeille de la monstruosité qui illumine ses jours où elle s’allonge pour sombrer dans la folie de ses chimères noirâtres où son Sire meurt, encore et encore, où Ava hurle mais où elle ne la voit jamais. Sa question la voit ciller sans répondre, le laissant s’élever, prince d’un ailleurs où la chaleur l’aurait vu mourir depuis longtemps, la méfiance dardant sa pointe dans ses orbes clairsemés de désespoir, de hargne, d’un rien d’avarié qui ne donne pas tant envie de la regarder, arquant l’échine pour ne rien rater de ses mouvements, sous sa paume, le bois est prêt à devenir arme mortelle alors qu’elle se fige sous la question qui rejoint la première. « Je… » Voilà qu’elle ne sait rien répondre dans l’absolu, le fixant comme s’il pouvait être la réponse la plus évidente « Oui. Oui, nous le pouvons encore. N’est-ce pas là le plus grand malheur de notre éternité promise ? Souffrir, souffrir toujours alors même que nous sommes immortels. » Sourire qui revient mais celui-ci promet toutes les larmes qu’elle ne pourrait verser, lui avoue toute sa douleur « Nous nous sommes offerts à une bien longue errance. Et nous sommes si loin d’être imperméables à ce que ressentent les mortels. Moi qui pensait que j’en serais libérée une fois que j’aurais épousée la mort. »

Elle n’a pas le temps de s’éloigner, de fuir dans un mouvement vampirique que la main qui se tend vers elle, saisit délicatement la soie pour cacher le sein qui ne devrait être vu, écarquillant les yeux, se redressant pour s’éloigner d’un pas, sa cuisse percutant l’un des bras de la chaise, se déposant sur la tranche du bureau, loin de lui sans vraiment l’être. « Ne souffres-tu pas, toi ? Ne mens pas. » Un ordre bien morne et sans saveur, une supplique glacée.

La tête qui se détourne offre son profil de femme qui n’a pas la beauté pour elle mais seulement la grâce infâme et effrayante de l’immortalité, observant ce qui est de l’ordre de l’intime avant qu’elle ne puisse que grimacer « Qu’ai-je à faire d’un Calice pour ne plus souffrir ? Ce n’est pas de cela dont j’ai… » La fin de la sentence la laisse sans voix et elle détourne lentement les yeux vers ceux de Yago. Silence de mort affrontant sa colère évidente. Elle comprend. Elle comprend qu’il sait. « Ton sorcier rouge est charmant. Mais il n’est pas celui qui me rendra heureuse, calme tes ardeurs dont je n’ai que faire. » Il ne fallait pourtant pas faire l’erreur de tendre ainsi le manche d’un long poignard qu’elle veut lui planter en plein cœur, glissant le long de la tranche du bureau pour écœurer celui qui est tant rebuté par ce qu’elle est de corps et d’âme en s’approchant trop, en figeant leurs deux visages l’un en face de l’autre, s’élève alors ses mains, délicates et glacées pour prendre avec l’audace des fous, le visage en coupe. Le geste plus intime qu’elle n’ait pu lui offrir, lui offrant là l’occasion de la mordre, la tordre, la démonter en tant de morceaux. Sous ses paumes et ses doigts les angles et les pleins sont étranges. En tant d’années de poursuite, elle ne l’a jamais touché mais elle refuse qu’il puisse échapper à ses yeux qui ont tant à dire cette fois, penchant à peine la tête, apparition qui pourrait bien s’échapper aussi vite qu’elle est apparu « Voilà ce qui te fait souffrir, Yago ? Que j’ai trouvé celui qui a l’air de plus que te fasciner… » Souffle qui échoue sur les lèvres en un baiser qui n’en sera jamais un, son propre dégoût grimpant les allées de son ventre pour frapper le charbon qui lui sert de myocarde, s’enrouler autour de la gorge et ses ongles manquent de se planter dans le visage de celui qu’elle pourrait foudroyer de sa haine. Vriller sans même le prévoir elle-même. « J’ai goûté son sang. Quelques gouttes seulement. Je comprends ce que tu lui trouves. Je comprends pourquoi alors tu es devenu comme une ombre planant sur lui depuis tant de temps. » Sourcil haussé, l’arrogante veut achever son Némésis, le voir furieux. C’est ainsi que l’on étale sa souffrance, Yago. C’est ainsi que l’on expie un peu de sa douleur ; dans la haine, la Frénésie elle-même. « Me le laisserais-tu ? Que serais-tu prêt à sacrifier en échange d’Eoghan Underwood, Yago ? »  


(c) corvidae
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Ven 2 Juil - 21:18 (#)


The hurt of emptiness.

Elle n'en avait strictement rien à faire.
Il la connaissait depuis des années déjà et pourtant, son insolence ne cessait de l'ébahir. Mais il avait peut-être été naïf de croire qu'elle se plierait si facilement à une autorité qu'elle n'avait de cesse de refouler du bout du pied, avec ce dédain qui la caractérisait si bien. Éternelle enfant, aussi sauvage qu'imprévisible, il avait oublié une fois de trop que Dillon était à son image : foncièrement insaisissable, se riant de l'ordre établi. Plus il la forcerait à entrer dans le moule, plus elle lui échapperait. Mais il avait malgré tout insisté, élaboré une énième tentative vouée à l'échec. Peut-être, au fond de lui, prenait-il plaisir à la voir s'échapper sans cesse. Peut-être que ce reflet délicieux de leurs psychés-miroirs le rassurait, lui murmurait que lui aussi, il pouvait se défier de tout. Insolents, insouciants, deux jumeaux en perpétuelle crise d'adolescence. Ils n'étaient rien que cela. Et parfois, il ne voulait rien être de plus. Seulement lui prendre la main et fuir, fuir à l'autre bout du monde et plus loin encore, loin de tout ce qu'ils ne comprenaient pas. Leur haine en faisait partie. Et pourtant, elle constituait un facteur indispensable de cette inexplicable équation qu'était leur relation. Il n'avait rien à lui apprendre, rien à lui dire, car tout lui échappait de la même façon. Cette rancœur partagée n'était rien d'autre qu'une vieille habitude dont ils avaient du mal à se défaire. Une donnée stable dans cet univers trop tangible, même pour eux qui prônaient le chaos. Trop jeunes, encore, pour comprendre toute la portée d'une telle notion ; et à la fois, si indispensablement primitifs.

Alors le soupir lui échappe, car le cœur s'alourdit sous le masque d'étain. Elle sent la Révolte, comme lui. Il est éreinté, comme elle. Tous deux prisonniers de ce creux de leur existence maudite, privés de leur principale figure d'autorité. Était-ce pour cela qu'elle avait rallié Aliénor ? Car elle incarnait pour elle ce sens, cette stabilité qui faisait tant défaut à l'Irlandaise ? Elle m'a éveillé, je crois. Il s'étonne du choix de vocabulaire, à l'égard de celle qu'il avait tour à tour considéré comme un Djinn, puis comme une mère, et enfin comme la femme qu'il avait ardemment désiré épouser. Par réflexe, il baisse la tête vers sa main amputée, vers la béance qui lui rappelle sans cesse que cette union impie n'aurait jamais due être envisagée – l'égarement de trop, dont la Rivale profite aussitôt. Déjà, les mains de glace emprisonnent le visage égaré pour le redresser et il ne peut contenir un tremblement, une seconde à peine – instant fugace mais suffisant à témoigner de son trouble, alors qu'elle se tient si proche de lui. L'odeur des livres anciens encore accrochée aux dextres étranges frappe son odorat surpuissant. Mêlée à cet étrange parfum de femme, presque enfant, et presque homme à la fois, la sensation le déstabilise plus qu'il ne l'admettrait jamais, tandis qu'il se force à soutenir le regard de celle qu'il déteste tant, perturbé par ce rapprochement importun. N'est-ce pas là le plus grand malheur de notre éternité promise ? Il n'a pas souvenir qu'on lui ai promis quoi que ce soit, et il n'a pas besoin de questionner sa Némésis pour savoir qu'il en serait de même pour elle, une fois encore. Longue errance, immortelle souffrance. Les mots tournent et tournent dans sa caboche alors que Dillon est déjà passée à toute autre chose. Peut-être refuse-t-il encore d'y croire, toujours enlisé dans ce déni protecteur. Eoghan.

Il a un mouvement de recul, pour s'extraire de la poigne de celle qui demeurera son Aînée jusqu'à ce que l'un des deux périsse – non, pas Eoghan – et il croit alors comprendre qu'elle se rit de lui depuis le début, qu'elle attendait ce moment, cette lucidité chez lui. Elle n'a que faire du vent de la révolte dont il s'acharne à lui parler, se moque des incohérences qu'il a perçues ces derniers jours au sein des murs du motel. Toute l'ébauche de cette discussion n'était construite que dans le but d'aborder cette souffrance dont elle lui parle alors, et elle ne l'avait amadoué qu'avec ce dessein, pour qu'il approche et approche encore, sans se méfier – et alors elle t'attrapera, te maintiendra et placera ta tête sur l’échafaud. Est-ce le sens qui manquait tant à son existence ? Eoghan Underwood était-il la clé de l'énigme de Dillon Ó Shaugnessy ? Il ne pouvait se résoudre à y croire. Eoghan avait aidé plusieurs Immortels par le passé, Jürgen en était un illustre exemple. Mais il doutait sincèrement qu'il soit la solution aux problèmes de l'Irlandaise. Et surtout, il le refusait sciemment.

A nouveau, il tente de se dégager ; cette fois le mouvement s'affirme davantage, plus sec, mais la tête demeure rivée aux paumes de glace. Alors puisqu'il ne peut s'échapper vers l'arrière, il attaquera de front. La révélation de la morsure provoque l'effet escompté sur l'Oriental, et dans une pulsion impossible à réfréner, il cède au mouvement contraire à la fuite : il se jette sur elle. Et tandis que son élan les propulse tous deux contre le sol, ses crocs s'enfoncent dans le premier obstacle de chair qu'ils rencontrent : les lippes blêmes et impies, qu'il pourfend de ses canines enragées. Les dents tirent violemment sur l'ourlet rose et en arrachent une partie ; le contact entre sa langue et le morceau dérobé le dégoûte, et il recule alors et la relâche, pour recracher la parcelle de lèvre à côté du visage de Dillon. Toujours au-dessus d'elle, les deux paumes plantées autour de la figure ennemie, il gronde, fauve indomptable.
« Te le laisser ?! Encore faudrait-il que je le possède. Eoghan n'appartient à personne. Ni à toi, ni à moi, ni à quiconque. Il serait temps que tu comprennes certaines choses, Dillon, si tu veux creuser ta place en ce monde, plutôt qu'une tombe prématurée. »

L'ire ne cesse de danser dans ses prunelles agitées, mais il se recule néanmoins, plus que conscient des excès vers lesquels une telle colère pourrait les mener tous deux. Et il sait qu'il n'en a pas la force. Ils sont tous deux éreintés par tant d'années de heurts et de collisions aussi violents qu'inutiles. Car inlassablement, ils en reviennent au point de départ.
« Cela t'amuse ? Ton existence doit être d'une vacuité triste à en pleurer. Tu essaies de me pousser dans mes retranchements, mais je crois qu'en vérité je te plains, Dillon. »
Il se redresse et la quitte pour ne pas céder à la tentation de laisser parler les corps, plutôt que la raison. Lorsqu'il passe à côté d'elle, il écrase sous sa chaussure le lambeau de chair arraché, qui se disloque alors dans un petit bruit spongieux. Il la contourne, et veille à ne lui tourner le dos qu'un bref instant, désormais sur le qui-vive. Car il sait qu'elle cherchera à répliquer pour l'affront commis.
« Combien de sorciers rouges existent sur cette Terre ? Des milliers, des dizaines de milliers ? Plus encore ? Mais non, il faut que tu t'acharnes sur le seul qui ait de la valeur à mes yeux. »
Si l'agacement persiste dans sa voix, nulle colère ne déforme la musique de ses paroles. Un énième affrontement serait vain.
« Je ne me battrai pas pour lui, Dillon. Car si tu as décidé de le poursuivre dans le seul but de me nuire, rien que je ne puisse te dire, ou te faire, ne t'en fera démordre. Alors à quoi bon ? »
S'il le désirait réellement, il y avait des méthodes plus radicales. Il savait qu'Eoghan possédait de quoi vicier son sang, et en rendre la consommation toxique voire mortelle. Il suffisait de le prévenir. Le baiser de la mort. Et il n'aurait même pas à remuer le petit doigt pour voir Dillon tomber. Mais il se garde bien de tout commentaire à ce sujet. Il est las.

« Salâh ad-Dîn n'est pas mort. Mais Il est loin. Et en Son absence, c'est à moi que tu t'adresses. Ainsi qu'à Aliénor, si le cœur t'en dit. Je peux comprendre qu'elle te soit précieuse. Elle l'est pour moi aussi. Mais si tu veux que le Clan t'aide, qu'il participe à cette quête dont tu me parlais tout à l'heure, il faut que tu aies quelque chose à offrir en échange. »
Elle prenait ses grands airs, à vouloir troquer un sorcier qu'elle ne connaissait qu'à peine contre il ne savait quelle monnaie d'échange, mais ici, elle n'avait aucun pouvoir. Puisque c'est elle qui était en demande.
Lentement, sa silhouette spectrale se déplace jusqu'à la fenêtre, le visage de biais par rapport à la position de l'Irlandaise. Il se poste près de la vitre, la prunelle songeuse, la posture accablée par ce lendemain sans promesse. Dos au mur, bras mollement croisés, son regard tombe près de Dillon sans réellement se fixer sur elle. Comme si elle n'était qu'un fantôme, elle aussi.
« Je ne sais pas si je souffre, Dillon. Ce mot ne me semble pas approprié à ce que je ressens. C'est plutôt… un creux. »
Il tapote sa poitrine, là où se situe le myocarde encrassé de poussière.
« Oui, je crois que je me sens vide. Surtout quand Il n'est pas là. Et c'est insupportable. Est-ce cela, avoir mal ? Est-ce cela dont tu me parlais ? »
La voix devient presque un appel, troublant, à l'encontre de celle qu'il n'a pas hésité à défigurer, quelques instants auparavant.
« Si tu me fais oublier le vide… je t'aiderai… à accomplir ce que tu appelles ta quête personnelle. »
Donnant donnant. Cela s'apparentait presque à leur Loi du Talion si souvent appliquée arbitrairement entre eux. C'était à s'en demander qui avait infligé le premier coup. Depuis, le ballet s'éternisait. Il était peut-être temps de renverser la tendance.
« Marche avec moi, Dillon. »
Hais-moi si tu le souhaites, mais marche à mes côtés.

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Dim 31 Oct - 23:42 (#)


The hurt of emptiness


Dans la coupole de ses mains le visage se débat, tentant d’échapper aux griffes de la gorgone soufflant ses plus infâmes secrets contre les lèvres conspuées. Jamais jusqu’alors elle n’avait osé le mirer d’aussi près et le défier avec un tel aplomb. Qu’il la mette face à son statut au sein même du clan a su la faire bouillir de l’intérieur, elle, qui demeure une enveloppe charnelle faite de vide, de rage, d’un froid arctique. L’hiver souffle comme un blizzard dans le cimetière qu’est ce corps qu’on lui a offert,  là où errant toutes les pertes, la folie de sa mère, la furie de son père, l’orgueil de son Sire. Elle est l’entité brisée sculptée à la serpe d’aliénés ne voyant en elle qu’une brèche où se faufiler, faire d’elle un être capable des pires cataclysmes et incapable d’aimer quiconque. La destruction elle-même s’est entichée de son esprit. Un souffle de compréhension semble le saisir alors qu’elle demeure indifférente à ses tentatives de lui échapper. Pieuvre opaline, elle l’enferme entre ses bras comme un insecte refuserait de voir s’échapper son met du soir. Mais promis, Yago, je ne te mordrai pas ce soir. Ce n’est que lui que j’ai voulu goûter. Qu’une simple goutte. Et j’ai compris… Haussant un sourcil, elle ne s’attend pas à la brutale attaque, laissant ses mains vides des traits qu’elle enfermait alors. Les yeux s’élargissent à peine avant l’impact qui les propulsent sur le sol. Comme un lys étalant ses pétales blancs, elle percute le sol dans un bruit sourd, grognant comme un animal surpris en pleine chasse. Elle éructe dans un cri venu de la poitrine, un cri de douleur avant même que les crocs ne lui arrache la peau, un cri de ce désespoir dont elle est empli, un cri de rejet de la silhouette masculine osant profaner les terres de son corps saint. Les hommes attaquent ainsi, frottant leurs corps d’impies contre la pureté des femmes. L’effroi se peint sur ses traits blêmes lorsque les lèvres approchent des siennes et sans fondre en un baiser violent, c’est l’allégorie de quelque chose s’en approchant qu’il lui offre, l’émail perforant la peau. Hurlement saugrenu s’épanchant dans ce silence sordide, le corps s’agitant pour échapper à la torture infligée. Les ongles mordent bras, visage et cou, faisant tout pour se démêler de l’étreinte. Sauvageonne à l’allure débraillée, les cheveux crissant sur le sol pour s’emmêler entre eux, serpents de couleur lunaire, elle est l’astre écrasé sous la puissante de la nuit enragé. L’orage poignardant un ciel gris et le teintant d’un rouge, le même qui s’écoule sur le menton volontaire et ses joues pleines comme des larmes trouvant enfin le velours de sa peau. Atrophiée d’un bout de ses lèvres, elle demeure figée en position de défense, les mains aux serres tordues piégées entre leurs deux corps ensevelis dans un duel qui ne prendra, semble-t-il, jamais vraiment fin. Il laisse apparaître son immonde visage à sa vue, ses iris céruléennes trahissant la douleur et le besoin de vengeance.

Figée, elle le demeure sous la puissance du cri qu’il lui recrache au visage, à ces palabres qui semblent bien lointaines. L’ivoire des dents suinte de son sang tandis qu’elle demeure souffrante, lèvres entrouvertes, l’une d’elle semblant à une plaie grumeleuses sous les monceaux de chairs pris entre les dents de l’entité qui lui semble parfois plus vieille qu’il ne l’est vraiment. Elle détourne lentement son visage pour se dérober à sa vue, fixant le vide en murmurant un piteux « Je ne veux pas de ta pitié. » Oui, son existence lui semble souvent aussi vide que fut son existence de mortelle. Elle qui pensait avoir triomphé de l’ennui et de cette blase qui coloraient sa vie de gris et de noir, la voilà parfois mise devant ses croyances détruites. Rien ne semble vouloir la sauver et lui offrir un peu de félicité. Oui, elle est vide et sa non-vie l’est tout autant mais Yago n’a point besoin de le savoir.

Enfin, il la libère, s’éloignant d’elle et aussitôt elle se redresse, une épaule dévoilée, un sein prêt à laisser éclore son bourgeon rose qu’elle s’empresse de dissimuler d’un mouvement de la main, le fixant avec hargne et suspicion, comme prête à se voir de nouveau prise d’assaut par lui et son immonde odeur. Il empeste ce qu’elle hait, il demeure le pire et elle ne saurait vous dire ce qui crée en elle ce rejet profond. Eux-mêmes ne savent même plus ce qui les lie dans ce sempiternel combat, une bataille dont il ne signe jamais l’armistice. Le mirant au travers des mèches tombant sur un œil à l’attention aiguisée, elle le laisse déblatérer, refusant de répondre à ce qu’il soupçonne de son attrait pour Eoghan Underwood. Bien sûr, elle savait que cela provoquerait en lui quelque chose de violent. Bien sûr, cela l’amusait de l’imaginer. Mais il n’y a pas que cela et il n’a pas à le savoir. Se relevant, elle demeure à bonne distance, sentant déjà les chairs de ses lèvres se refermer pour laisser cicatriser la plaie mais elle ne fait rien pour essuyer les méfaits du sang qui s’écoule sur sa pâleur, louve au pelage blanc prête à mordre à son tour. Car le sien viendra bien ce soir.

Étrangement, elle l’écoute. Ses paroles résonnent d’une justesse qui parvient à attirer son attention qui s’égare si souvent, çà et là, entre un passé désuet et un futur incertain, sans parler de ce présent plein de lassitude, comme une histoire qu’on aurait peu l’envie d’achever de quelques derniers mots pour dire enfin adieu. Piétinant le sol de ses pieds dénudés, elle se détourne de profil pour n’offrir qu’un pan de son visage, l’oreille pourtant tendue, méditant ses mots. Offrir quelque chose. Offrir… Elle ne sait pas faire. Au fil des mots tissés, elle en suit la longueur jusqu’à le regarder à nouveau, cillant face à ce mal dont il semble souffrir, haïssant l’écho de ses maux qui semblent être aussi puissant que les siens. Un instant, elle ne dit rien, laissant un silence mourir entre eux car tout meurt lorsqu’ils sont dans la même pièce. D’une union entre eux ne pourraient sortir que le chaos le plus terrible, putréfiant le monde de leur folie. « Oui, Yago, c’est cela avoir mal… Je crois. Je n’ai jamais ressenti autre chose que cela depuis ma création. Peut-être même bien avant. » Ses doigts se délassent doucement pour retomber sur les mêmes livres cueillit auparavant, les effleurer sans les prendre, buter contre leurs reliures et n’en lire aucun titre. Simplement admirer. Se contenter de peu. « Tu n’as jamais pensé que nous étions finalement nés pour ça ? Pour souffrir. Que notre existence même était faite pour ne connaître que les pires fléaux de l’immortalité. » Un regard vers lui comme pour guetter une réponse avant qu’elle ne revienne à sa contemplation, sa lèvre guérissant à vue d’œil. « Moi, oui. On a trop de temps pour penser et remâcher les mêmes ruminations, encore et encore, lorsqu’on est seuls. Quand Il est parti, je me suis demandais ce que j’allais devenir. Et je crois qu’il ne serait pas fier de celle que je suis désormais. »

Elle se tait.
Elle en a trop dit.

Lentement, elle se décide à avancer vers lui, rejoignant la fenêtre où il n’y a que le décor enrobant le motel à contempler. Ils sont pris dans le cocon de ces murs comme dans une prison bien chaude offrant l’illusion d’une libération. « Comment puis-je te faire oublier le vide ? Je suis aussi creuse que tu l’es. On ne remplit pas un vase fissuré avec de l’air, d'autant plus quand il est vicié. » Elle lui fait face, la lune les habillant de ses lueurs timides s’emmêlant sans mal à la lueur de la pièce qui les confonds en ombres et couleurs ternes, comme deux spectres que tout le monde ignorerait. Deux enfants oubliés à qui on ne se donne plus la peine d’offrir de l’attention. Son ultime demande la laisse muette et elle détourne à peine la tête, sur ses gardes. L’offre est trop simple à saisir. « Ne demande pas des choses que tu pourrais regretter. Pas à moi. » Froissant l’une de ses manches entre ses doigts comme une enfant boudeuse, elle s’en sert pour effacer les derniers stigmates du sang ayant coulé, comme pour gommer l’ultime attaque avant un semblant de paix qu’il semble vouloir. Après tout ce temps, elle peine à y croire.

« Nous ne sommes pas amis. » lâche-t-elle sans davantage de précision, passant tout près de lui dans les volutes de bleu pâle et de blanc sépulcrale, effleurant son épaule de la sienne pour se remettre à arpenter la pièce. « Mais soit. Qu’attends-tu de moi ? Je le ferai Yago. Si cela peut me permettre d’atteindre mon but, je le ferai. Je ferai beaucoup. » Je ferai tout. Tendant sa main, elle le somme de venir jusqu’à elle, qu’il ose la toucher pour signer leur traité. « Il reviendra, Yago. Il est toujours revenu. » Un sourire s’esquisse alors, presque dérangeant tant il est teinté d’une tendresse dont elle ignore être capable. « Tu as au moins la chance de l’avoir à tes côtés. J’envie votre lien comme je t’envie ce qui te lie au sorcier. Voilà longtemps que personne ne m’a désiré ainsi. » Abaissant un instant les yeux, elle se reprend, reprenant son sérieux, affirmant sa posture alors que sa lèvre finit enfin de guérir. « Je marcherai à tes côtés si tu en fais de même. Et n’ose pas me trahir. La paix est plus fragile que toutes les guerres que l’on pourra s’offrir. »  


(c) corvidae
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Sam 19 Mar - 13:38 (#)


The hurt of emptiness.

Trop de Temps.
Elle nommait le châtiment sans ciller, en pleine conscience de ce qui les accablait. Ils avaient beau se déchirer depuis des années, ils partageaient les mêmes maux. Cette éternité qui coulait sur eux, les cimentait dans une réalité à laquelle ils n'appartenaient pourtant pas. Trop évanescents pour ce monde, et pourtant condamnés à y errer. Des spectres. Rien de plus que des spectres. Comme en témoignait la figure diaphane de Dillon, comme le trahissait sa propre démarche lorsqu'il longeait les murs sans but, sans bruit. Inconsistants. Oui, peut-être avaient-ils été créés dans cet unique dessein. Pour réparer l'erreur fondamentale, une anomalie de la nature. Peut-être existaient-ils pour purger la peine de l'humanité. Quelque part, il y avait forcément un sens à tout cela. Et le Très-Haut ne laisse jamais rien au hasard.
Il la regarde à la dérobée. Il croit lui connaître des origines pieuses, à elle aussi. Le lui avait-elle dit ? Ou l'avait-il simplement deviné, avait-il finalement reconnu en elle ce qui est propre à tous les croyants, peu importe la religion à laquelle ils s'adonnaient ? Il ne s'en souvient plus. Mais, malgré sa répugnance à l'admettre, il s'est toujours senti lié à elle par un mysticisme difficile à verbaliser.

La fierté.
Il comprend. Même en la présence du Sire, il a encore du mal à se persuader qu'il fait sa fierté. Et, pire que cela encore, il sait que chaque acte posé, chaque parole prononcée, risquerait de fissurer la réputation que se bâtit son Créateur, de créer une brèche dans l'Empire qu'il façonne. Peut-être est-ce encore plus douloureux que la solitude. Cette conscience clapotante qu'il sera celui qui fera, une nuit, mettre le genou à terre au Chef de Clan. Sa plus grande faiblesse. La fin d'une ère. Il redoute cet instant. Mais la fatalité l'accable : il sait qu'il arrivera. Son seul pouvoir était de le retarder.

Il redresse la tête.
Elle passe, comme une brise presque agréable, juste à côté de lui. Frôlement d'épaules. Le geste n'éveille aucune animosité en lui. Elle pourrait le traverser qu'il ne broncherait pas, immobile, attentif. Elle diffuse en lui une sensation étrange et, pour la première fois, presque réconfortante. Peut-être sont-ce ces mots, écho dérangeant qui trouvent le repos en lui. Peut-être est-ce l'absence de vengeance, suite à cette lèvre arrachée qui cicatrise déjà. Inconsciemment, il se fait miroir d'elle : reflet apaisant, les pulsions se canalisent et s'endorment. Il redevient cette ombre fugace, qui existe sans déranger. Celui qui observe sans être vu. Un œil tranquille suit les mouvements de Dillon dans la pièce, sans plus craindre un soulèvement de sa part. La confrontation lui suffit pour acquérir la certitude qu'il s'était trompé : elle n'était nullement responsable de la Révolte qui grondait en sourdine. Peut-être savait-elle. Peut-être avait-elle participé aux murmures. Mais elle n'avait pas initié les hostilités. Car cela ne l'aurait pas aidé à remplacer le vide.
Peut-être que rien ne le pourrait jamais.

Ils ne s'oublieraient pas l'un dans l'autre.
Mais peut-être que, flanc contre flanc, ils trouveraient une solution pour colmater la brèche.

Calmement, il obéit à l'injonction silencieuse de la rejoindre et glisse de son pas aérien jusqu'à elle. La main hésite à se tendre, frôle finalement le poignet féminin, avant de retomber le long de son corps. La toucher n'éveille ni dégoût, ni plaisir. Mais le contact paraît le connecter un peu plus à elle lorsqu'il reprend la parole.
« Je ne serai pas celui qui te trahira. »
Une promesse, aussi étrange soit-elle, tout du moins susurrée avec sincérité. Car il n'a aucune énergie à gaspiller dans un tel revirement. Si elle devait craindre un coup de poignard dans le dos, il ne proviendrait certainement pas de lui. Ils s'étaient déjà trop détestés, et se connaissaient trop bien pour s'adonner à de telles bassesses.
Et puis, l'entendre confesser sa jalousie cristallise une certitude en lui. Ils ne seront jamais amis, mais il ne désire pas en faire son ennemie.
Après tout, malgré leurs nombreux coups d'éclat, ne lui avait-il pas proposé de les rejoindre ? Bien avant Aliénor ?

Il la regarde placidement, sans la toiser, sans la juger, simplement figé dans le creux du silence. Juste devant elle. Cette fois, pas de figure présentée de profil. Pas d'hésitation. Aucune méfiance dans la prunelle d'ambre.
« Oui, il reviendra. »
Au fond, qu'importe qu'elle Lui prête allégeance ou non. Cela ne changerait probablement rien à ce qui se tissait entre deux, là, maintenant.
Peut-être préférait-il cela.

Pouvait-il lui faire confiance ?
Il avait décidé qu'il n'avait rien à perdre à tenter l'expérience.
« Toi et moi, nous gagnerions à œuvrer ensemble, plutôt qu'à nous entre-tuer. Nous ne sommes pas des Grands de ce monde. Laissons les guerres à ceux qui possèdent les moyens de les mener. Nous n'en sommes que des instruments. »
Il en avait pleinement conscience, sans en ressentir de réelle tristesse. Il avait simplement accepté cette fatalité, lié à son jeune âge, sa psyché défragmentée et son caractère passif et contemplatif.
« Nous devrions chasser ensemble. Des recrues. Des artefacts. Des informations. Nous sommes bons là-dedans. Et les quêtes mènent parfois à des réponses. Parfois, elles remplissent le vide, au moins un temps. Même si je ne comprends pas toujours pourquoi. »
L'univers comportait trop de mystères, inaccessibles à leur nature maudite. Peut-être était-ce pour cela qu'elle s'intéressait, elle aussi, à Eoghan Underwood. Peut-être avait-elle compris que les sorciers comprenaient et frôlaient du doigt ce qui leur demeurait interdit. Pour cela, il la pardonnerait presque d'avoir cherché à l'atteindre.
« Explorer des sanctuaires abandonnés. »
Y trouver le repos et s'oublier. Peut-être y mourir encore une fois. Chercher des réponses. Évincer la solitude par leur simple présence. L'un à côté de l'autre. Pas l'un contre l'autre. Il suppose qu'il pouvait essayer. Il en éprouvait l'envie. C'était déjà mieux que le vide.

Un regard soutenu pour sa lèvre encore fendue. Il ne s'excusera pas : ils n'en sont plus là depuis longtemps, tous les deux. Il se contente d'observer quelques instants la cicatrisation surnaturelle opérer, avant de se décrocher de cette contemplation morbide pour se diriger de nouveau vers la porte, l'ouvrir. Tacitement, la congédier. Simplement pour lui faire comprendre que les doutes s'étaient apaisés et qu'il ne lui tenait pas rigueur de son attitude parfois trop effrontée. Sans attendre à côté, il se contente de l'entrebâiller et de s'en écarter, pour revenir près du bureau et s'asseoir sur un coin, une cuisse surélevée.
« Lorsque ce sera le moment pour toi, tu viendras me retrouver. »
Et nous marcherons ensemble, dans le silence, contre le reste du monde.

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