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Selected Faces — Heidi

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Anonymous
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Sam 6 Fév - 23:34 (#)


Selected Faces



Horrible servante de la nuit, décharnée dans son obscurité anémiée par la vie qui s’est défilée depuis longtemps dans l’antre des grands immeubles de bétons gris, de rouilles, quartiers anorexiques, le vent siffle comme mille esprits viendraient l’accompagner dans sa chasse infâme où il ne devrait plus que quiconque s’immisce. Quiconque la croiserait comprendrait qu’elle n’est plus de ce monde, pâle apparition vêtue de soie ou de suie, blondeur incandescente, apparition mirifique dans le trouble obscur d’une énième nuit où les apparences sont sages quand en coulisses tout se fait noir, pourpre. Les os craquent, les crocs fendent la peau, les loups émergent, les animaux grondent et s’endorment à l’ombre d’un arbre, les fous ou les plus malins se dispersent dans la masse pour trouver une proie à dévorer, de leur passion déchaînée ou de leur envie morbide, laissant à l’aube les cadavres putréfiés comme un présent meurtrissant le soleil qui adoube quelques fois Shreveport. Manteau noir trainant, elle s’est enrobée de cette camisole sombre qui ne pourrait que la laisser se confondre avec le reste, évitant les ivrognes, les fêtards, traversant les rue s emplies de la jeunesse cherchant la perdition ou des vieux habitants habitués à s’abreuver aux quatre coins des bars d’une allée où le froid n’épargne pas grand monde, bien que rien ne puisse venir embuer leurs souffles. La moiteur est là et si elle ne la sent que comme une divine caresse sur son visage marbré par l’immortalité qu’on lui abandonna un jour, elle n’en sent pas la fervente sueur qui fait perler les fronts et suer les plus agités.

Personne ne la remarque et elle ne s’en étonne plus, à croire que l’étrange peut côtoyer la banalité sans qu’on ne cille plus, que les carcasses se mêlent aux vivants sans que ceux-ci ne tiquent. Il n’y a que ceux qui savent, qui ont l’œil et comprennent, que ceux qui, comme elle, s’éveillent dans la nuit pour arrêter un instant leurs regards torves ou embués d’ivresse sur elle avant de retourner à un rire, une conversation banale, à leurs boissons. Elle ne cherche pas un congénère cette nuit mais la promise qu’elle s’est offerte il y a des années de cela, goûteuse, fruit pourfendu de ses dents d’ivoires ayant pourléché sans honte la peau de sel pour s’y abreuver du jus purpurin, framboise écrasée sous ses doigts impatients, frôlant la frénétique danse où sa Bête voudrait l’entraîner. Elle n’a pas tué cette fille dont elle suit l’ombre depuis un long instant, ses yeux vrillant du gris au bleu sans cesse, comme s’il ne demeurait ça que de vivant en elle, elle l’a vu ressortir de ces bars où l’on explose les murs de jolis sons, musique folklorique appartenant aux terres de Louisiane. Mais elle n’est pas unique à la poursuivre. Oh, elle a su voir le crevard ayant voulu la chasser, a senti d’ici sa faim, la bave aux lèvres comme un clébard poursuivrait un os où il reste de quoi ronger quelques chairs molles. Ses bottes ne craquent pas contre le bitume alors qu’elle poursuit le duo, l’une de ses mains gantées de cuir plongée dans les poches de son manteau nocturne, belle sans l’être, oscillant entre la démarche de celle qui pense que le monde n’est pas un danger et celui, plus trainant, du mort qui a décidé qu’il en ferait certainement une entrée en matière alors que minuit a sonné depuis quelques temps. Elle échappe à un groupe agité, se détournant de côté pour éviter une percussion inutile, relevant à peine la lèvre comme pour cacher son dégoût d’être ainsi touchée sans le vouloir, mouvement chimérique, digne des albâtres mouvants que sont les immortels. Ils s’ignorent tous et le groupe poursuit sa route quand elle manque de ne pas voir le duo qui ne se sait pas bifurquer vers une rue plus désertée.

Sans s’alarmer, comme certaine du coup qu’elle tirera, elle caresse de ses doigts nus le pieu savamment subtilisé, armée comme une chasseuse prête à pourfendre le premier qui pourrait la déranger, croyant peut-être que l’Oriental portant le nom de Yago pourrait se présenter à elle, trouvant là une occasion de le planter à nouveau, de griffer ses organes morts de son ignoble passage, violant les chairs de sa poitrine qui ne se soulève plus. La simple pensée de l’homme qui n’en est pas un manque de faire remonter les prémisses d’un grognement peu humain, celui d’une femme qui n’en est plus une et ne le sera plus jamais. Le regard s’éprend à nouveau de la silhouette féminine qui poursuit son chemin. Rentre-t-elle chez elle ? Poursuit-elle sa soirée ailleurs pour trouver une piètre compagnie à l’image de son espèce faible, tombant dans la haine si facilement si l’inconnu ne fascine pas ? Où cours-tu te cacher Ava ?

Aimerais-je à nouveau le supplice de tes veines sur ma langue ?
Aimerais-je encore la disgrâce qui nous enchante lorsque l’on succombe à la tentation diabolique ?
Absoudre mes vils désirs de monstre dans ton cou de cygne,
Dévorer sans laisser de toi un spectre errant.
Ce soir, je te voudrais vivante.
Ce soir, alors, le fantôme qui te poursuit, mourra de ma main.


Grisée à l’approche du meurtre qu’elle nettoiera bien elle-même, habitué du sang qu’il faut laver, des morceaux de corps qui ne sont rien et qu’on enterre là où il faut pour que personne, jamais, ne puisse les retrouver, elle esquisse presque un sourire à l’approche de l’attaque quand celui qui s’ignore proie, bien qu’il lui semble qu’il soit devenu plus nerveux, ne s’attend pas à la situation qui ne manquera pas de vriller.

Ava.

Elle ne le murmure qu’en elle, ne voit qu’elle dans les ténèbres et s’avancerait bien jusque dans le plus mortel rayon de l’astre cruel pour sauver la vie de la traîtresse. Troublée, la voilà qui ne saurait dire si elle voit l’inconnue ou l’amante qui ne fut jamais profanée que par de timides baisers que Dillon n’aurait jamais su comprendre. L’affection, la tendresse éprouvée contre la peau froide et rude, les murmures dans les draps partagés, elle ne saurait dire ce qui la poussait à rester auprès d’Ava si ce n’est cette hypnotique présence qui l’enfermait dans la cage de sentiments étranges, parfois même douloureux.

« Suis-je capable d’aimer, Ava ? »
« Non, je ne crois pas que tu saches le faire. Mais cela n’a rien de tragique. Je le ferai pour deux. »
« J’aimerais savoir ce qu’il y a dans le goût de l’amour sans être stupide. J’aimerais te rendre ce que tu me donnes. »
« Tu m’en donnes déjà beaucoup, en restant à nos côtés. »


Alors elle est restée, que pouvait-elle faire ? Par quelle faille aurait-elle pu passer pour s’échapper des griffes de la harpie aux yeux peu tendres ? C’est Ava qui s’est décidé à la trahir, à l’abandonner au linceul d’une vie de solitaire, se détournant après un regard qui en disait trop et pas assez. Elle a toujours su qu’elle ne savait déchiffrer ses regards où les gens disent « que les yeux parlent » mais que lui disait-elle alors ? "Désolée ? Je ne t’ai jamais aimé ? Je t’ai menti ?" Les questions se bousculent et la voilà qui siffle entre ses crocs serrés, frappant sa tempe d’une main violente pour cesser de penser à ce passé qui s’embrouille aux moments où son Sire vivait encore, à l’horreur de l’humanité qui fut la sienne, à sa mère qui tendait vers elle ses mains ensanglantées. Et elle s’écrase contre un mur, plissant les yeux pour chasser les cauchemars et la douleur venant auprès d’elle. Il ne faut pas. Il ne faut pas céder à la tourmente des souvenirs épineux venant planter en elle vacarmes sans sens, désillusions se mêlant aux illusions, à l’envie de voir reparaître les fruits morts d’un passé perdu. Des ruines qui ne peuvent qu’être foulées de ses pas désormais, même pas une tombe sur laquelle se poser pour pleurer, sans larmes, le Sire déchu.

En celle qui s’avance toujours sans savoir, elle a reconnu la blondeur évidente de celle qui fut plus qu’une sœur infantée. A son cou, elle a goûté le sang, c’est parfois à sa gorge, pour le simple plaisir curieux, qu’elle s’abreuvait sans être pleinement rassasiée. Relation blasphème qui l’a poussé à mordre le cou tendre de celle qui inspire et expire, dont le pouls battait comme un tambour de guerre lorsqu’il lui vola quelques gouttes de son essence. Ava est-elle revenue la hanter en cette fille qui pourrait, de loin, être confondue avec l’immortelle ? Ava pourrait avoir pris bien des formes, même celles dont elle ne se douterait pas mais peut-être la croit-elle trop idiote pour ne pas comprendre qui se cache derrière le masque dont elle s’est parée ? Dans la rue qui se déserte et dessine un immobilisme étrange outre les trois silhouettes voguant parmi les voitures, les crevasses des trottoirs trop anciens qu’on ne prendra pas la peine de réparer comme on ne réparera jamais sa mémoire atrophiée de certains souvenirs, sempiternel déni d’une vie gâchée, elle se fait terrible ombre dans la nuit, une ombre, encore une autre, slalomant près des carcasses alors qu’elle mire l’agression soudaine de la Longue-Vie, attirant de ses doigts presque féminins le corps de l’humaine à lui. Et d’un pied, l’irlandaise piétine la carrosserie d’une bagnole qui gémit à peine sous son poids quand le bois au fond de sa poche craquelle, gémit, s’allonge, le pieu se sculptant en un poignard qui ne pourra que harponner le cœur du marcheur mort, son manteau noir la suivant comme la traîne d’une reine revenue des Enfers, glissant sur un pare-brise sali, laissant l’empreinte de ses bottes et le toit se voit flétrit sous ses pas discrets tandis que le vampire qu’elle ne quitte pas des yeux se fait plus affamé, ne pensant peut-être pas qu’à la mordre de ses simples dents, pénétration métaphorique que d’autres poussent jusqu’à l’abomination de la fusion des corps. Sous le halo de ses cheveux blonds, elle grimace de haine.

A moi.
Elle est à moi.


Il ne peut la toucher. Il ne peut l’atteindre. Et sans se rendre compte, elle attend qu’Ava se défende, qu’elle cesse le jeu de l’humaine sans défense avant de perdre patience, avant qu’elle ne fonce comme un filet humain, de sombre, de blanc et d’argent jusqu’au couple qui ne se veut pas ensemble. Une main gantée saisie les cheveux longs de l’immortel à la gueule ouverte, loup prêt à dévorer sa proie, étranglant le poitrail de celle qui veut se faire passer humaine, une main pétrissant un sein sans douceur, avec la force de le broyer. Un grognement fond hors du chemin de sa poitrine bien cachée, l’ivoire de ses crocs sortant de ses lèvres purpurines. Elle le surprend à peine mais il n’a pas le temps de se débattre contre la force d’une immortelle ayant trop connu la poigne des hommes pouilleux, haïssant la vision de son Ava se laissant étreindre par l’immondice silhouette masculine. La main plongée dans les cheveux d’encre du fils de Caïn, elle lui tord violemment le cou, le dos percutant la bagnole sur laquelle elle s’est accroupie, ignorant l’Autre. Prise dans la valse pourpre d’un combat où l’autre n’a que peu de chance, elle laisse fondre au fin fond du poitrail le bois déformé par sa main nue, fondant violemment jusqu’au cœur qui ne frémit plus, se débat pourtant autour de la pointe de bois. Et la chair se meut, et l’homme hurle, écho tonitruant, orage dévastateur dans cette nuit qui ne compte plus le temps, vibrations sous ses semelles de ses cris inhumains quand elle tourne et tourne encore le pieu dans la poitrine squelettique, tournevis cherchant à délivrer l’abomination de sa non-vie et Dillon murmure sa sentence dans un gaélique égale à celui que l’on entendait dans l’ancien temps, maudissant l’homme qui osa toucher l’intouchable. Un bras encercle le cou, écrase la pomme d’Adam, tandis qu’elle semble presque être un ange vengeur voulant l’embrasser une ultime fois en se penchant vers lui, ses cheveux blonds caressant les joues presque tannées de soleil du caïnite, les orbes claires observant les pupilles qui commencent déjà à faiblir, le teint à griser. « Tu n’aurais pas dû l’approcher. » Il ne comprend pas, elle le remarque à peine, avant de l’abandonner, se relevant sans gêne pour laisser tomber la carcasse rigide sur le sol en une position digne d’un pantin dont on aurait coupé tous les fils d’un seul coup de lame.

Un instant, que le silence, lourd, gourd, suintant entre elles alors qu’elle redresse enfin la tête, se laissant tomber à terre dans un saut qui ne fait qu'un bruit sourd et sans l’approcher, mirant ses traits qui, pour sa psyché tordue, sont ceux d’une Ava tant cherchée. Sourire qui s’esquisse tandis que la mort est à ses pieds « Je t’ai trouvé. » Quelque chose se mêle à ce visage, le souvenir de la première morsure, la saveur de l’humanité sur sa langue et elle cille, peine à comprendre ce qui fut réel ou simplement liée à son imagination aussi garnie que celui d’une enfant qui n’aurait jamais grandie. « Tu n’as pas changé. Tu te souviens de moi, n’est-ce pas ? »

Qu’un pas vers elle qui ne fait aucun bruit alors que sur ses doigts s’étend le jus carmin du sang de sa victime en filaments réguliers gouttant sur l’asphalte, semblable à ce jour où elle s’ouvrit les veines une ultime fois, le sang coulait ainsi aussi, son manteau trop long cachant même l’une des jambes de sa victime rigidifiée pour un temps comme s’il ne faisait plus tout à fait partie de ce monde. Admirant sa paume souillée, elle s’imprègne de cette vision sur l’opale, sur les lignes de vie, de chance, d’amour avant de lui tendre son bras coupable « Goûte. Tu te souviendras. » Doucereuse est sa voix, un miel qui s’étend dans un instant de délicate sidération après la violence d’un ouragan, ses lèvres lui souriant encore.

Je t’ai trouvé,
Je t’ai enfin retrouvé,
Voilà Ava, je pourrais te redonner beaucoup à nouveau.



(c) corvidae
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Dim 7 Fév - 18:38 (#)



Selected Faces
Western Hill, une nuit d'Octobre 2020
ft. Dillon Ó Shaugnessy



L
e baiser de l’air nocturne est mordant, cette nuit. Il délivre avec hargne un message bien pessimiste : la belle saison est terminée. Les jours ont d’ores et déjà commencé à s’éteindre plus tôt et la chaleur moitie des nuits d’été illuminées de lampions festifs a fini par céder sa place au profit d’une atmosphère autrement plus morne. En plein cœur du mois d’octobre, on ne sort plus pour s’amuser et embrasser le noctambulisme comme une vieille amie mais pour retrouver ses compagnons de vie dans l’accolade chaleureuse et protectrice d’un boui-boui quelconque. La population s’amenuise dans un intimisme qui te donne le spleen. Tu ne te sens jamais aussi étrangère que quand les pauvres hères comme toi se distinguent des maigres foules par une solitude érigée bien malgré vous en piédestal. Tu as l’impression que l’on te nargue lorsque, assise seule devant un comptoir au vernis usé à contempler l’aube calme d’un verre refusant de refléter ta mine triste, quelqu’un vient commander près de toi. Quatre bières pour moi et mes amis. Quatre bières pour toi toute seule, ça ira. De l’extérieur, les choses semblent si faciles. Ils parlent et rient comme s’ils pouvaient oublier juste en se retrouvant toute l’ampleur du mal-être qui les ronge. Les idiots, ils ne font que fuir leur malheur, penses-tu en tâchant de noyer ta propre amertume dans celle de l’alcool.

Qu’est-ce que tu fais là, alors, si c’est si douloureux pour toi de voir ton humanité atrophiée ainsi exposée à la lumière de l’amitié qui rayonne à chaque coin de ce bar ? Tu as voulu en choisir un dont l’ambiance avait l’air accueillante dans l’espoir d’être aussi sensible aux effluves de joie qui s’en échappaient, mais la vérité c’est qu’elle te donnent une nausée jalouse, malade des relents de joie de vivre qui émanent de chaque bouteille décapsulée. Pour ignorer tout cela, tu rumines. T’en aller si tôt après être arrivée voudrait dire que tu te laisses abattre et ça, ta fierté ne peut l’accepter. Rien ni personne n’est capable d’une telle prouesse, ou en tous cas c’est une maxime que tu aimes fanfaronner dans ton esprit dès que tu es envieuse de quoi que ce soit. Autant dire que tu fanfaronnes souvent à travers le bleu-vert de tes yeux teintés de désir. Alors, tu laisses passer le temps en portant ton attention sur les airs de swing s’enchaînant bien ironiquement pour toi sur les enceintes jusqu’à ce que tu juges l’heure acceptable pour partir, triomphant une nouvelle fois sur la solitude qui t’accable.

Pourtant, tu en fais des efforts. Surhumains, même, à ton goût. Que ce soit pour Elinor ou pour Xanthe, tu nages à contre-courant de l’essence chaotique de ton être. La preuve en est : tu n’es même pas ivre. Dans ces moments d’introspection, tu n’arrives pas à trouver la paix que tu es supposée chercher et qui te semble encore plus loin maintenant que ta vie sociale a pris son essor. Ces pensées accaparent ton esprit lorsque tu remets ta veste, glisses quelques billets sur le comptoir et t’échappes de cet antre du serrage de cœur pour faire le constat que l’extérieur te ressemble beaucoup plus. Il fait nuit noire et cette nuit, le baiser de l’air est bel et bien mordant.

Il est maintenant temps de rentrer chez toi. Retrouver tes draps encore nouveaux et l’éther si particulier de la colocation qui, tu l’espères, te permettra de fuir comme tout ces gens et leurs quatre bières. Tu aimerais qu’on te rassure, qu’on te dise que tout va bien se passer comme on le dit à tous les héros de fiction mais ta vie n’est sans doute pas assez tragique pour mériter qu’on te mente. Après tout, c’est toi qui est à l’origine du moindre de tes tracas alors pourquoi daignerait-on te plaindre une seule seconde ? Toi-même, s’il s’agissait de quelqu’un d’autre, serait la première à féliciter la Fortune de t’avoir mise à la place que tu mérites.
Après avoir brièvement mémorisé l’itinéraire qu’affiche ton téléphone, tu t’engouffres dans les rues désertes éclairées timidement par des réverbères dont tu te demandes si eux aussi ressentent la solitude. Tu ne te retournes pas. Jamais. La dernière fois que tu l’as fait, ta vie a basculé. Quelque chose s’est à la fois brisé et réparé en toi, un quelque chose d’indescriptible qui t’a pourtant fait passer de trop nombreuses nuits blanches. Peut-être que ce soir, tu aurais dû.

C’est une main osseuse sur ton bras qui te tire, tant hors de tes pensées que contre le corps anguleux de son propriétaire. Ton cœur manque un battement, chose que seul le tien est capable de faire dans cette rue ce soir. La question de ce qui est en train de se passer ne se pose plus lorsque tu découvres le visage de ton agresseur, déformé par une malveillance aussi saillante que les crocs qui décorent sa gueule grande ouverte. Tu pourrais presque y voir un sourire malsain se dessiner, mais trop de choses déjà se bousculent aux portes de ta conscience pour que tu les prennes en considération, en plus bien sûr du réflexe de te débattre, malheureusement vainement. Goût âcre de déjà-vu ? Non. Cette fois c’est différent. C’est brutal. C’est violent. C’est terrifiant. Est-ce la panique qui te paralyse ou bien la poigne douloureuse qu’il t’inflige en menaçant ta chasteté ?
Tu vas crier. Qu’est-ce que tu peux bien faire contre un vampire, hein ? Bien sûr, ça ne servira à rien. Des cris ne sont jamais que des cris dans cette traboule où aucune âme ne vit à cette heure-ci. Tu es impuissante face à des forces qui te dépassent et cette seule pensée fugace suffit à mêler de colère la terreur qui étreint ton cœur. A l’instant même où ses yeux se sont plongés dans les tiens pour se délecter de ton épouvante, tu t’es jurée de graver ce visage dans ta mémoire pour un jour trouver le moyen d’accomplir ta vendetta.

Et pourtant, ça ne sera pas nécessaire. A l’instant où les crocs allaient déchirer ta peau accoutumée à une noble délicatesse, quelque chose les arrête net. Tout se passe si vite. Tu n’arrives pas à réaliser, ni même voir réellement ce qui se déroule pourtant sous tes yeux ahuris. En un clignement, la silhouette d’albâtre qui s’apprêtait à commettre l’innommable se retrouve agonisant au sol, poussant à ta place ce cri de détresse qui se réverbère froidement contre les murs impassibles délimitant la rue pendant de longues secondes avant de s’éteindre définitivement. Il est cependant trop tôt pour le soulagement. Si la personne qui vient de t’offrir sur un plateau d’argent l’ultime râle d’agonie de ton agresseur a été capable de le faire avec tant d’aise, qui sait ce qu’elle serait capable de te faire. Es-tu sauvée ou es-tu destinée à un sort encore plus sordide ?
Le sang s’échappe de la plaie béante que tu as du mal à lâcher du regard, à la fois horrifiée et apaisée par le calme qui semble émaner de ce trou barbare en plein milieu de la poitrine de cette chose ayant rejeté l’humanité jusque dans la position qui l’aura vu mourir pour la seconde fois. Tu ne sais quoi penser ; c’est la première fois que tu vois la mort d’aussi près mais la haine que tu éprouve à l’égard de celui qui gît n’a que trop peu à faire de la moralité : tu es presque satisfaite par ce spectacle d’une bestialité inouïe. Tu as été témoin d’un meurtre, est-ce la réaction que tu devrais avoir ? Si l’auteure de cet acte n’allait pas t’en empêcher sous peu, tu aurais craché sur son cadavre.

Après un moment dont tu ne saurais dire combien de temps il a duré, tu relèves enfin les yeux et ce que tu vois te serre le cœur encore une fois, mais cette fois-ci, personne ne viendra à ta rescousse : ton péril est purement psychologique. C’est elle. Elle. Elle. Figée, à l’instar de la bulle qui vient de vous isoler du reste du monde au moment où tu as distingué son visage à la lueur pâle de l’éclairage public. Ce visage t’a hantée, alors pourquoi réapparaît-il maintenant ? Est-ce que quelqu’un a mis quelque chose dans ton verre ? Est-ce que tu es en train de nager en plein délire ? Tu peines à déglutir ; tes mains se placent contre ton cou, instinctivement, comme pour répondre à sa question. La cicatrice a disparu depuis bien longtemps, mais elle y a laissé une trace indélébile.
Tu perds pied, replongée dans le souvenir incessant de votre première rencontre et du vide abyssal qu’elle a provoqué. Tu avais vingt-et-un ans lorsque ça s’est passé ; c’était il y a plus de trois ans, et tu n’as toujours pas réussi à t’en remettre. Cette femme à l’allure juvénile qui se présente à toi et qui vient de te sauver.. Tu n’as jamais su mettre de mots sur les sentiments qu’elle t’a inspiré pendant ces années durant lesquelles tu as cru ne jamais la revoir. Qui est-elle, elle pour qui tu éprouves autant de gratitude que de colère pour t’avoir fait goûter pour la première fois aux affres grisants de la morsure ? Et pourquoi a-t-elle l’air de te connaître ? Est-ce que tu devrais, toi aussi ? Ton esprit s’affole, enseveli par une avalanche de questions qui ne franchiront certainement jamais le pas de tes lèvres à présent tremblantes.

Tu la laisses avancer vers toi, immobile et la vision brouillée par quelques larmes traîtresses. Sa voix t’enveloppe et te conforte dans ton impuissance crasse, chargée d’une tendresse encore inconnue qui ne peut que t’émouvoir profondément. Tu n’arrives pas à comprendre ce qu’elle veut de toi, ni même si tu lui donnerais. Tu as l’impression de la connaître, toi aussi, mais pour la seule et unique raison qu’elle a été la première a partager un moment intime avec toi ; un moment que, contre toute forme de raison, tu as apprécié à t’en damner.
Et puis, enfin, tu fais à ton tour un pas silencieux vers elle, ignorant sans gêne le défunt jonchant le sol, préférant ne pas rompre le contact avec ses yeux indéchiffrables. Murée dans un silence de marbre, tu laisses une gifle s’abattre sur sa joue glacée et parler à ta place dans un claquement aigu. Ta gorge est nouée, à tel point qu’un seul mot n’arrive à se frayer un passage jusqu’à ses oreilles. Tu bredouilles, tu as mal, tu te retiens de verser des larmes acides.

« Pourquoi ? »

Ta voix est douce et enrouée, emprunte d’une tendresse désespérée. Tu ne cherches que des réponses à toutes les questions que tu te refuses à poser.


CODAGE PAR JFB / Contry.
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Dim 14 Mar - 20:04 (#)


Selected Faces



La haine se palpe dans les moindres semonces du silence, dans ce regard qui s’échange, dans l’étrangeté de ce moment où l’une retrouve l’autre, celle qui l’a maudite par l’addiction des crocs, celle qui l’a soumise à la maladie fatale de la jouissance qu’offre la morsure. Elle en a entendu des geignements de plaisirs étranges lorsque venait ses poignards dans la gorge tendue d’une femme trahie par la manipulation dont sont signes les morts comme elle. Elle espère, dans son esprit fracturé, que les retrouvailles seront douces et qu’elle lui tendra son cou, la remerciera comme il se doit de l’avoir sauvée de cette mort certaine. Elle sait bien que celui qui traînasse à leurs pieds ne l’aurait pas seulement mordu, il voulait la tuer, l’entendre crier, peut-être voulait-il se glisser entre ses cuisses pour y trouver l’absolution que donne le sang mais qui n’éveille pas grand chose en elle qui est bien incapable de comprendre ce que cherchent ses semblables. Ils veulent l’amour, l’érotisme, ils cherchent l’humanité, encore, quelque chose de pourtant bien bestial et souillé. Elle déteste ce qu’Ava voulait en elle parfois, égarant ses lèvres sur les siennes pour que leur sang se mêle, elle n’aimait rien en elle que ses quelques caresses tendres qu’elle ne voulait pas offrir et ne savait pas rendre. Elle était de porcelaine sous la chaleur glauque de l’immortelle. Lui donnera-t-elle de nouveau ses lèvres ? Ces quelques caresses tendres qui rappelaient celles de la mère et de l’amante ? Ce rêve brodé de souvenirs qui peuvent se mêler à ses fantasmes de jeune adolescente pourtant centenaire. Son regard pâle, presque aveugle, erre sur la silhouette, ne comprenant pas qu’elle ne réplique pas à ses mots. Ava aurait sourit, Ava aurait été rigide face à elle, comme elle le fut quand elle se détourna le jour où leur Sire fut condamné. Mais Ava ne demeure pas dans le silence. Ava est la roche contre laquelle elle se laissait aller pour ne pas sombrer dans la fange immonde de la folie pure et dure, dans les bras que la Bête lui tendait. Elle murmurait dans une langue étrange, aimant à imaginer que cela était des incantations dignes de celle que lui beuglait sa mère dans les nuits pourpres. Sourcillant, le sourire manque de fondre, de se délasser alors qu’il vient à peine d’être étiré, souillant l’humaine sans le savoir de sa simple présence, la rappelant à la nuit qui l’a détruite. Morcelée.

« Ava … » murmure-t-elle dans sa langue natale, dans un gaélique bien joli, bien tendre et doucereux, s’avançant d’un pas encore comme pour effacer la douleur, la faiblesse, méprisant l’humanité. « Je n’aime pas les larmes. » Avertissement délicat se déposant entre elles car elle en sent l’iode traîner non loin, menaçant le visage doux et clair, pâle, aussi pâle que celui de celle qu’elle tenta d’aimer, un jour. Non, elle n’aime pas les larmes, elle n’aime que la rigidité de la mort, que la noirceur qui habite les êtres qu’elle peut croiser, comme elle tomba un jour sur la noirceur des sorciers maniant pourtant le Rouge, ce pourpre qui les lient tant. Ava les haïssait pour ce qu’ils représentaient, les conspuaient pour l’ignominie qu’ils étaient selon ses mots, la rappelant peut-être à ses propres souvenances qu’elle n’osait interroger. Sa main, opaline, se tend vers elle et l’espoir nait dans la morne carcasse habillée d’ombres quand elle s’avance mais elle ne voit pas la gifle venir, son visage se détournant sous l’impact, le choc écarquillant ses iris bleuâtres, prête à perdre le peu de souffle qui aurait pu encore pénétrer sa poitrine immobile. L’impact est violent mais la peau ne rougie pas, quelques mèches s’emmêlant sous la vivacité du geste, un éclair fendillant le calme qui l’enrobe.

Au loin, les bruits de fête, d’amusement, les rires et les cris, s’estompent pour qu’il ne demeure que le bruit sourd, que le picotement d’une claque qu’Ava n’aurait pas osé lui donner. Lèvres entrouvertes, elle cille, fixant l’autre rive de la route sans savoir quoi faire, sa main en suspend entre elle et lentement, ses phalanges se replient mais ne se referment pas en poing, elles abandonnent une seconde et quelques avant qu’elle ne détourne la tête vers elle, la haine se heurtant à la douleur de se voir encore punie pour elle ne sait quelle raison. Et elle éclate dans un crissement qui ne s’entend pas. Sa main inerte reprend sa poigne et se glisse contre la joue qu’elle ne griffera pas de ses ongles ni ne heurtera d’un coup, les rangeant lentement dans la blondeur sacrée pour brutalement tirer, contrôlant sa force mais pas sa brutale vitesse pour les renvoyer toutes les deux, corps et âmes liées, contre le mur d’une maison abandonnée. Les crocs serrées, son visage affronte celui d’Ava, de son mirage, de son spectre « Pourquoi quoi ? » La Bête ronge ses cordes vocales et se mêlent à la douceur de la langue anglaise, éructant sa haine en crispant son poing dans la chevelure innocente, inspirant l’odeur étrange. « Tu n’as plus la même odeur. Tu empestes l’humanité. Reprends ton visage ! » hurle-t-elle et on y entend tout le désespoir crasseux qui la tourmente depuis leurs adieux, soufflant sur elle un soupir de glace, de mort, ses yeux cherchant à trouver celle qui fut près d’elle et promit, en vain, de ne jamais l’abandonner. Tout le monde finit par se détourner d’elle, par la laisser sur le bas-côté d’une route où personne ne passe jamais. Si ce n’est lui. Si ce n’est lui qui peut se cacher dans les ombres pour surveiller ses gestes mais elle ne le sent pas, forçant la faiblarde dont elle a revêtu l’apparence pour sentir le cou où elle voit s’amonceler l’odeur d’une Autre. La rage la fait davantage se crisper sa poigne dans les mèches blondes, remontant ses iris de bête fielleuse jusqu’aux siennes « A qui t’es tu donné ? » Ses lèvres se retroussent pour dévoiler les lames de ses crocs comme une vieille menace. « Tu avais dit que tu ne partirais pas … que tu n’étais qu’à moi comme je fus à toi. » Elle s’avoue à elle, sans comprendre que le réel se mêle à ses jolis rêves, sans voir que ce soir signe sa fin, qu’il n’y aura rien pour la sauver d’elle-même et de cette solitude dont elle s’est lassée, qui la hante et la rend malade, la tuera bien davantage que son suicide ne le fit des siècles auparavant. « Reviens. » Elle se brise dans son cou que le bouton de rose de ses lèvres caresse avec une douceur qui jure avec la haine qui anime son poing dans les cheveux de l’amante dont elle ne consomma jamais le corps pourtant mais qui se laisse longuement consommé. Peu importait. Elle voulait sa joie et son bonheur, qu’il soit dans la nuit et dans la mort, entre leurs corps morts, deux feuilles fanées par l’hiver se retrouvant au pied d’un arbre de vie. Et désormais, il ne reste que peu de choses de ce que le commun des mortels appellerait amour. L’amour n’est rien pour elle. L’amour est un bien faible mot pour épeler ce qu’elles furent l’une pour l’autre et elle espère, fiévreusement, le corps animé, cachant le sien de sa grandeur sombre, presque masculine, la retrouver ici contre ce mur qui se craquelle, allégorie de leurs vies à deux qui se fripent et se lézardent.

Bientôt, tout implosera.
Bientôt, je saurais que tu n’es pas elle;
Bientôt, peut-être, cesserai-je de t’espérer là où tu n’es plus.
 


(c) corvidae
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Anonymous
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Lun 5 Avr - 9:54 (#)



Selected Faces
Western Hill, une nuit d'Octobre 2020
ft. Dillon Ó Shaugnessy



S
ans même que tu t’en rendes compte, le monde a rétréci jusqu’à ne former qu’une bulle noire, opaque et impénétrable, seulement assez large pour vos deux âmes égarées. A tes yeux, il n’existe rien d’autre au monde à cet instant que l’azur insondable des siens. Qu’y vois-tu ? Que vois-tu tout au fond de ces pupilles ?
Fait un effort, Ava. Tu sais de quoi il s’agit. Combien de fois as-tu déjà observé ces yeux dans le miroir ? Ce n’est pas un reflet, mais tu reconnais pourtant parfaitement la lueur matte qui danse dans ses iris. Ce que tu vois est sombre. C’est épais, c’est mauvais, c’est dense et surtout, c’est contagieux.

Personne n’a jamais caressé ta joue de cette manière. Tu n’aurais jamais laissé faire. Personne n’a jamais passé sa main dans tes cheveux de cette manière. Tu n’aurais jamais laissé faire non plus. Cette douceur froide et dérisoire, presque caustique, elle te trouble. Elle apaise tes larmes un court instant et tu as envie que jamais elle ne s’arrête ; tu brûles du désir de t’abandonner à des gestes délicats et à cette attention particulière qui ne durera que bien trop peu. Cette femme dont tu ne connais même pas le nom n’a aucun devoir envers toi, après tout. Elle t’a fait plonger pendant des années dans un abyme de manque et d’addiction mais tu t’es vengée, ça y est. Tu as concentré dans cette gifle tous les sentiments que tes mots sont incapables de transcrire. Alors pourquoi est-ce qu’elle ne disparaît pas comme elle l’a fait la première fois ? Pourquoi est-ce que cette fois-ci elle te parle ? Sa voix a la beauté et les épines des fleurs de l’amour ; tu aimerais pouvoir t’allonger dans le jardin de ses mots mais tu ne les comprends pas. Tu aimerais pouvoir pénétrer dans l’éden qu’elle livre à ton imagination, mais tu n’y es pas la bienvenue. Pas toi. Et ça te blesse profondément.

Embarquée dans un cercle vicieux de violence duquel tu ne peux pas sortir gagnante, tu grognes lorsqu’elle te tire les cheveux. Tu mugis lorsque ton dos rencontre les briques qui te ramènent à la réalité du monde un court moment. Sa voix n’est plus que ronces et te griffe en te renvoyant ta question pourtant légitime. Son étreinte s’accentue mais tu ne la combats pas, du moins pas encore. Tu te contentes de l’écouter démolir mot après mot les fantasmes que tu n’as eu de cesse de bâtir en secret depuis que les crocs qu’elle ne tardera pas à te montrer ont écorché ta chair. Chacune des épines qu’elle te crie se loge en plein cœur ; tu ne pleures plus, mais ta mâchoire tremble toujours sous le poids de la colère qu’elle fait résonner. Ton regard soutient le sien coûte que coûte, peu importe la poigne avec laquelle elle décidera de te tenir car tu veux à tout prix qu’elle te voie comme tu la vois. Tu veux qu’elle te voie toi, Heidi. Toi et personne d’autre, avec tous les sentiments mêlés de colère qui t’habitent. Tu veux que tout cela devienne à propos de toi et de personne d’autre. Tu veux réclamer, de ce simple regard chargé d’amertume, toute l’attention que tu penses mériter.
Tu aimerais montrer les crocs tout comme elle, grimacer et afficher une paire de canines fatales pour les confronter aux siennes, mais comme elle le dit si justement, tu empestes l’humanité. Ta condition de mortelle dénuée de la moindre étincelle de pouvoir te colle à la peau comme une poisse corrosive dont il t’est toujours impossible de te défaire malgré tes efforts acharnés. Deux mots suffisent à te renvoyer dans cette cellule de banalité sur les murs de laquelle tu observes encore douloureusement les traces de ta lutte pour ton évasion légitime.

Un nouveau mur de ton cachot se dresse sous tes yeux alors que la pulpe de ses lèvres provoque un frisson inconnu dans ton cou. Est-ce que tu apprécies la douceur de cette intimité encore inouïe pour toi ? Non. C’est la réponse que tu aimerais donner, en tous cas. La réalité que tu ne peux ignorer est plutôt à l’inverse de cela : tu es prise d’une envie  furieuse de passer tes mains le long de son dos pour ne jamais lâcher prise. Quel abominable vertige, alors. Tu t’étais jurée de ne céder à cela qu’avec la personne qui t’aurait fait découvrir l’amour ; tu veux que la réponse soit non parce que tu es terrorisée. Terrorisée que l’amour que tu as tant fantasmé ne soit en fait qu’une teinte particulière de ta colère.
Ton cœur bat pour deux le rythme d’une passion déplacée. Tes lèvres se meuvent vainement, incapables de décider des mots justes, des mots qui pour une fois ne doivent pas blesser. Les secondes passent, témoins de ton impuissance face à une ennemi qui n’en est pas une.

« Tu.. Pourquoi.. »

Toi qui a toujours du venin à cracher, pourquoi parler devient si pénible ?

« Ça fait plus de trois ans que je pense à toi toutes les nuits, et on ne se connaît même pas. »

Tu marques un pause, comme pour te remettre de tes propres mots. Ta voix est cassée par la rage qui t’enserre la gorge et qui pourtant ne sort pas. Tes mains se crispent le long de ton corps alors que tu les retiens de faire ce dont elles ont envie. Tu te mords la lèvre à nouveau un moment, bien plus fort que précédemment : les prochains mots à vouloir s’échapper constituent un aveux accablant.

« Pourquoi tu n’es pas revenue plus tôt ? J’avais besoin de quelqu’un. »

D’elle.
La première à t’avoir fait goûter à l’ivresse absolue. La première main tendue au travers des barreaux de tes geôles.
Tu avais besoin d’elle.

C’est un dialogue sans queue ni tête, dans lequel chacune attends de l’autre d’être celle qu’elle n’est pas : une amante. Ironique comme l’Amour se présente comme solution inatteignable d’une terreur qu’il a lui-même enfanté.


CODAGE PAR JFB / Contry.
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