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Goodbye || Heidi

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Anonymous
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Jeu 29 Déc - 9:47 (#)

La légère voilette noire accrochée à mon chapeau jette sur ma vision une ombre ternissant l’image verdoyante du vieux cimetière. La rosée du matin accroche encore les brins d’herbes et les délicates gouttes d’eau luisent doucement sous le soleil du début d’été. La jupe mi longue de ma robe de deuil se fait malmener par le vent de Chicago qui n’a pas su retenir son souffle le temps que l’on enterre ma tante. La famille Janowski se tient sur ce parterre, portant le noir pour rendre un dernier hommage à un membre de la famille. Des regards s’échangent, entre compassion et jugement de la valeur de la tenue. Même cet instant demeure un moyen d’estimer qui dans la famille a le mieux réussi dans la vie. La compétition impitoyable dans la course au rêve américain ne saurait connaître la moindre trêve. Fort heureusement, je suis de celles qui s’en sortent le mieux, et je n’ai pas hésité une seule seconde à accrocher à mon bras un sac de luxe au cuir luisant et noir pour faire briller ma réussite. Mon frère et son costume impeccable d’agent du NRD se trouvent à quelques mètres de moi, à côté d’Isaac et son costume bon marché payé avec son maigre salaire de journaliste. La sœur d’Isaac est avec ses propres parents, les soutenant tout en gardant un air digne et en parfaite adéquation avec ses talents de femme d’affaire. Pour ma part, j’ai pris place entre ma mère et mon oncle, le mari de la défunte. Il masque sa peine derrière de larges lunettes de soleil et les traits de son visage semblent être tirés vers le bas. Il parait plus vieux et plus las, abîmé par la perte qu’il vient de subir et par les derniers mois de vie compliqués de son épouse. A-t-il à présent des dettes médicales pour le traitement de sa femme ? Quel est donc le poids réel de son deuil et de son accablement financier ? Il n’a plus dit un mot depuis son discours qui était court et retenu. A ses côtés, il n’y a personne. Un vide qui fait retentir la solitude qui va le noyer.

Heidi n’a pas daigné venir dire adieu à sa mère. Ou alors peut-être la pauvresse n’a-t-elle même pas assez d'argent pour faire le voyage depuis Shreveport, c’est en tout cas l’hypothèse que nous avons partagé avec son père éploré. Peut-être est-ce là un soulagement pour tous les membres de la famille. Qui voudrait du vilain petit bouquetin qui viendrait piétiner de ses sabots une cérémonie aussi importante ? Déjà tous savent ce qu’elle est devenue. Je me suis fait un plaisir de raconter à chacun la triste vie d’Heidi en Louisiane au travers de quelques mots avant la cérémonie. Je leur ai dit comment j’ai héroïquement offert un poste à cette ingrate qui préféra partir pour jouer de la musique. Encore une main tendue dans laquelle elle crache. Tous ont acquiescé avec plus ou moins de convictions. Tous savent qu’elle est la fille indigne. Certains prétendent que son comportement est la cause de la maladie de sa mère, lui ayant généré trop de stress et de mauvaises choses. Peut-être ont-ils raison.

La voix de mon autre tante, la mère d’Isaac, termine ses derniers mots pour parler de son amie disparue. Techniquement, les épouses Janowski n’ont aucun lien de sang entre elles, mais elles ont su se créer comme une sororité défaillante basée sur la politesse et les faux semblants, n'échangeant que pour mieux se vanter de la réussite de leurs enfants. La voix chevrotante ne serait-elle alors que pour le paraître ou bien auraient-elles donc fini par réellement s’attacher les unes aux autres ? De mon point de vue, il ne s’agit là que de convenances. Son air accablé est aussi sincère que la tristesse habilement peinte sur mon visage. Peut-être regrette-elle d’avoir perdu son faire-valoir. En effet, à côté d’Heidi, même Isaac semble être l’image de la réussite. A qui donc pourrait-elle le faire remarquer à présent ? Elle tamponne un mouchoir blanc contre son œil humide, étalant un peu de maquillage noir sur sa paupière et elle regagne sa place. Le silence s’abat dans le cimetière. L’officiant demande d'un air solennelle si quelqu’un d’autre veut prendre la parole pour rendre hommage à la disparue. Espérons que non, je n’ai jamais apprécié les enterrement, même si le noir me sied à ravir.
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Anonymous
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Jeu 29 Déc - 17:23 (#)



Goodbye
Chicago, Eté 2021
ft. Anna



E
t vous, d’où vous connaissiez Nina ? Tu avais pris place à la dernière minute, comme une vieille habitude, au fond du rang. Il paraît que sa propre fille n’a pas daigné venir aux obsèques. Pour une fois, toute de noir vêtue, tu ne tranches pas dans le paysage. L’occasion est spéciale cependant, et tu as donc toi aussi fourni un effort vestimentaire. La robe que tu portes, sobre et particulièrement élégante, devrait être familière pour au moins une personne ici. En même temps je la comprends, alcoolique et sans emploi, moi aussi je préfèrerais me cacher. Une large paire de lunettes de soleil noires occulte tes yeux subtilement maquillés et une partie du visage de l’adulte que tu es devenue. Mais tout de même, sa propre mère. Tes cheveux sont tirés en un chignon strict, tes lèvres peintes d’une teinte de rouge sombre, et toute ta posture renvoie une image de rigueur presque dédaigneuse.
Tu ne connais pas la femme qui te parle depuis la fin du discours de ta tante, mais le regard noir que tu lui adresses à travers le verre teinté de tes lunettes lorsqu’elle achève enfin son monologue la foudroie sur place. Elle ne doit pas encore avoir compris à qui elle s’adressait, mais qui peut la blâmer ? Après tout, la fille qu’elle décrivait n’existe pas ; n’existe plus.

Une voix brise enfin le silence à la fois pesant et soulageant qui avait drapé la petite masse humaine rassemblée devant les gerbes de fleurs.

- Moi, je vais dire un mot.

La pointe de tes talons s’enfonce légèrement dans le sol terreux alors que tu te diriges vers l’avant du peloton, mais, agile, ton allure reste digne. Sur ton passage, quelques têtes se retournent et la rumeur se repend comme une trainée de poudre, de noires fumeroles propageant une désagréable odeur de soufre. Heidi. Un nom prononcé comme un mauvais sort, comme un oiseau de mauvais augure. Un tabou.
Ceux qui savent ont déjà compris ; ta voix n’a pas vraiment changé depuis toutes ces années, si ce n’est pour son ton. Ton oncle essaie de se frayer un chemin à travers la foule endeuillées pour t’arrêter, mais il s’y prend trop tard puisque tu viens d’arriver au niveau du prêtre qui te tend le micro, confus.
Lâche ça, brudny bezczelny ! Tu ne devrais pas être là. Un nouvel éclat de voix s’échappe au-dessus de la masse grouillante, rauque et courroucé. Ton aïeul, qui tente de se dresser de son siège d’appoint en s’appuyant lourdement sur sa canne.

- Silence.

Vos regards se croisent une seconde. Il entrouvre la bouche, mâchoire tremblant avec démence, mais aucun son ne parvient à sortir à nouveau de son clapier. Des dizaines – non, des centaines – de fois, tu as rêvé de répondre à ton grand-père, lui faire ravaler ses paroles pour qu’il s’étouffe avec. Avec un peu de chance, le paradoxe de la Présence sera trop important pour son vieux cœur fatigué.
Tous les yeux sont à présent rivés sur toi, et tu te délectes de leur hostilité. Que tu viennes ou que tu ne viennes pas, au final pour eux, il n’y a pas de bonne solution ; tu es fautive dans tous les cas. Tu fais tout pour t’en ficher, mais tu t’es fait une raison : rien ne pourra réduire au silence cette voix intérieure qui crie à l’injustice.
Tu t’éclaircis la voix, et scrutes l’assemblée en silence pendant de longues secondes. Toi-même tu ne sais pas ce qui parcourt ton esprit en posant les yeux sur tous ces visages que tu honnis. La seule chose sur laquelle tu te concentres, c’est le discours qui tourne en boucle dans tes pensées depuis que tu as appris la nouvelle. Et alors, tu remplaces avec tes mots le bruissement infect de la masse qui gargouille à ton propos.

- Soyez tous rassurés, moi non plus je n’ai pas envie d’être là.

Oh, ça n’est pas une blague. Ça n’est en rien fait pour détendre l’atmosphère de manière déplacée. C’est un prélude on-ne-peut-plus sincère à la tirade qui va suivre.

- Après tout, c’est ma mère que l’on enterre. Je lui dois bien un petit mot, que son voyage en Enfer soit adouci avec les mots enfin sincères de sa fille unique.

Un tressaillement d’horreur transit la petite foule, et à nouveau une voix écrase les quelques prières faussement miséricordieuses que tu avais provoquées. Comment oses-tu, traînée ! Sans t’en formaliser, tu reprends.

- La mort, c’est l’occasion de faire le point sur tout ce que l’on a accompli de son vivant. Sur ce que l’on a laissé derrière soi, et sur la manière dont notre souvenir perdurera dans les esprits de ceux que l’on a marqués. Ma mère aurait sans doute aimé mourir entourée de gens qui l’aimaient après avoir accompli de grandes choses, que sa descendance perpétuera son héritage, que l’on se souvienne d’elle avec un petit sourire au coin des lèvres en se remémorant à quel point c’était une personne bonne et importante. S’il y a bien une chose qui me rend le sourire aujourd’hui, c’est de savoir qu’elle n’aura rien eu de tout ça.

La foule est à présent entièrement silencieuse, sans doute trop choquée dans son puritanisme et sa culture des apparences pour encore s’insurger à haute voix.

- J’ai été élevée dans votre loi du Talion. Œil pour œil, dent pour dent, pas vrai ? Une vie pour une vie, c’est ce qui est écrit dans la Torah. Nina Janowski, ma… mère, m’a volé ma vie, et aujourd’hui, rien ne me rend plus heureuse que de savoir qu’à la fin, quand je vous survivrai tous, elle n’existera plus que comme le souvenir de la femme qu’elle était vraiment : vile, acerbe et incapable d’aimer.

Pas une seule fois elle ne te l’a dit. Mais passe encore, parfois les actes parlent mieux que les mots eux-mêmes. Tu n’es toi-même pas capable de le dire à cette heure. Seulement, dans chacun de ses gestes résidait un égoïsme presque palpable. Elle n’était qu’une sorcière mue uniquement par sa volonté de s’élever au-dessus des autres. Être plus riche que sa voisine. Avoir de plus belles vacances, une plus belle maison, une plus belle voiture. Une progéniture plus obéissante, plus prestigieuse.

- Mais ce bonheur est terni par le fait que j’aurais aimé qu’elle entende ce que je dis. J’aurais aimé qu’elle me voit me présenter ainsi devant vous, sobre et soignée. J’aurais aimé lui montrer l’étendue de ma réussite. Et, à l’instant où elle aurait commencé à se dire que je suis devenue une adulte tout à fait respectable, je l’aurais regardée droit dans les yeux et je lui aurais dit que je ne lui dois rien.

Tu prends une grande inspiration par le nez alors que ton expression se charge de dédain.

- J’ai passé dix-sept ans à côtoyer cette femme. Aujourd’hui, presque neuf ans après m’être enfuie de l’enfer qu’était sa maison, je regrette qu’elle soit morte si tôt, parce qu’elle n’aura plus jamais l’occasion de me dire je t’aime.

C’était un rêve illusoire de toutes manières, tu ne le sais que trop bien. Ici, personne ne t’aime, bien au contraire, et ta cousine au premier rang se fera toujours un plaisir de te le rappeler. Ca ne te fait rien, plus rien, parce qu’avec ta mère, c’est ton rêve le plus vieux et le plus naïf qui l’accompagne dans la tombe.
Le silence retombe lourdement. Personne ne sait exactement comment réagir, et toi, tu profites de ces derniers instants pour planter ton regard dans ceux de chaque oncle, chaque tante, chaque cousin, chaque cousine ; ton père. Tu souffles.

- Je ne sais pas si je prendrai la peine de me rendre à tes obsèques, Papa, alors c’est peut-être la dernière fois que vous me voyez. Si ce que je viens de dire vous pose un problème, sachez que je n’en ai strictement rien à foutre. Si ça ne vous convient pas, l’enfant chérie de l’Amérique sait où me trouver.

Et ainsi, après un dernier regard à cette marée noire et furieuse, tu reposes le micro sur son socle et te diriges vers l’entrée du cimetière où est garée ta voiture.



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Jeu 5 Jan - 8:15 (#)

Une voix s’élève, oracle sinistre d’un passé que beaucoup auraient préféré laisser dans l’oubli. Un léger rictus amusé éclot sur mes lèvres peintes avant que je masque cet élan de plaisir cruel. Ainsi donc elle est venue. Souffres-tu de cette situation petit bouquetin, ou bien es-tu venue pour satisfaire cette rancœur tenace qui te ronge l’âme depuis si longtemps ? Un murmure mauvais parcourt la foule à mesure que l'intruse remonte l’allée, laissant entendre des remarques désobligeantes. Ainsi donc elle est venue, elle va forcément faire un esclandre, au moins a-t-elle fait un effort vestimentaire, ce n’est que pour mieux cracher sur la tombe de sa pauvre mère.. Mon regard oblique un instant vers elle alors qu’elle passe à mon niveau. Elle est semblable au simulacre de femme convenable qu’elle a joué au cabinet à mes côté. Au moins cette période en ma compagnie lui aura appris quelque chose. Je ne crois pas un seul instant à sa rédemption salvatrice, ni même que le décès soudain de sa mère ait pu la remettre dans le droit chemin. Je m’attends à un carnage de mots, à une foule choquée et en souffrance, et pour cela j’ai hâte d’entendre ses paroles, au moins cela rendra ce morne évènement plus distrayant. Malgré tout, je plaque un air désapprobateur sur mon visage, prête à m’indigner de concert avec les autres membres de ma famille. Qu’y a-t-il de mieux pour resserrer les liens d’un groupe que d’avoir un ennemi commun ?

Elle commence, et ses mots s’envolent vers le ciel comme pour se jeter à la gorge de l’esprit de sa mère disparue. Son discours fait tressauter la foule et j’entends même une tante étouffer un sanglot offusqué avant de se moucher bruyamment. Les pleurnicheries habituelles d’Heidi envahissent le cimetière. Bien que portées par un ton posé et digne, cela demeure pathétique. Je m’étonne qu’elle pense survivre à toutes les personnes présentes, mais après tout elle n’est plus à un délire mégalomaniaque près. Je retiens même un rire quand elle parle de l'étendue de sa réussite. La famille la regarde d’un œil un peu incrédule, tous doutant qu’elle puisse réellement avoir réussi. N’importe qui peut venir faire un discours avec une tenue à peu près décente, ce n’est en rien une preuve de succès professionnel. A chaque fois qu’elle évoque la soi-disant vilénie de sa mère ou bien l’enfer qu’elle vivait, des voix indignées s’élèvent en la traitant de menteuse et de honte de la famille. Je me délecte de ce spectacle empli de souffrances. Un drame familial qui se joue en direct pour venir pimenter une cérémonie un peu ennuyeuse. Elle termine en s’adressant à son père puis entreprend de quitter le cimetière. La foule est offusquée. Des voix s’élèvent, mêlant anglais et polonais pour lui jeter des phrases de réponses peu amènes. Mon regard parcourt un instant la foule horrifiée, je ne vois que des mines déconfites, emplies de colère ou de chagrin, des poings serrés, une colère froide et grise qui s’est abattue sur ma famille, teintant leur chagrin d’une lourdeur pire encore. Il est exclu qu’Heidi gagne à ce jeu. Alors que ma cousine à presque atteint la sortie, en bonne avocate, je fais quelques pas pour m’adresser à l’audience. A cette distance, peut être que l’importune aussi m’entendra, et saura qu’elle ne peut gagner ici, devant eux. Dans une position digne, avec une voix compatissante mais ferme, j’affirme :

« N’ayez crainte, ce ne sont pas quelques mots venimeux qui entacheront la mémoire de ma très chère tante. Même si sa fille s’est retournée contre elle, nous savons tous que Nina restera dans nos cœurs accompagnée d’une pensée chaleureuse. Heidi n’a toujours cherché qu’à faire du mal autour d’elle, vous le savez tous, et c’est ce qu’elle a fait ici également. Elle a été la cause d’innombrables souffrances pour ses parents, ne la laissons pas tout détruire ici, comme elle l’a toujours fait. Son avis ne représente rien, si ce n’est une rancune puérile d’une pauvre enfant ayant raté sa vie par ses choix et qui s’en prend aux autres pour ses propres erreurs. C’est terrible, mais ce n’est en rien la faute de Nina. » Après avoir gagné l’accord de la famille, je reprends, en entreprenant de détruire méthodiquement ce qu’a voulu créer le petit bouquetin : « Moi, je me souviens de ma tante comme d’une personne aimante et loyale. Elle n’a toujours voulu que le meilleur et la réussite pour les autres et je suis sûre que chacun d’entre nous garde un doux souvenir d’elle. Un mot, un moment, quelque chose qui réchauffera nos cœurs et qui fera qu’elle nous accompagnera toujours. C’est cette image qui perdurera à jamais, ne l’oubliez pas. »

Des voix s’élèvent peu à peu tandis que chacun commence à trouver une parole ou un souvenir de la défunte tante pour le partager avec son voisin. Un effort commun pour faire vivre la mémoire de Nina Janowski autrement que par le regard perfide de sa progéniture. Même face à une morte, tu ne gagneras pas, Heidi. Après tes mots, cette famille n’est plus la tienne. Peut-être ne l’a-t-elle jamais vraiment été.
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Mer 11 Jan - 19:28 (#)



Goodbye
Chicago, Eté 2021
ft. Anna



E
videmment, il fallait qu’elle la ramène. La vipère ne supporte pas de passer plus d’une poignée de secondes sans être le centre de l’attention. Enfant roi, tu sais qu’elle pourrait aller jusqu’à se laisser mourir pour récolter la lumière des martyres.
Presque rendue aux portes du cimetière, tu t’arrêtes lorsque son venin atteint tes oreilles. D’abord le temps de décider quoi faire, puis pour t’affirmer une dernière fois devant cette assemblée d’étrangers hostiles. Tu n’as pas envie de partir en incarnant celle qui fuit ; tu veux être celle qui leur aura tenu tête jusqu’au bout. Celle qui, jusqu’au dernier instant, aura eu le courage de se dresser face à leur haine. Et puis, lentement, tu te retournes. Tu jauges une dernière fois la foule du regard, elle qui dans les temps anciens t’aurait déjà fait crouler sous les pierres.
Il faut croire que le venin le plus efficace est celui que l’on boit avec avidité ; Anna a au moins le mérite d’avoir compris cela de nombreuses années avant toi. Un rictus amer se dessine sur ton visage pâle à mesure que l’hypocrisie, voire l’ironie mordante des mots de ta cousine te parvienne. Elle se délecte du mal, peut-être encore plus que de l’attention. Ces mots sont creux, un joli paquet plein de vide avec un ruban de vent par-dessus.

Anna plante son regard dans le tien, royale et certainement enivrée par la liesse qu’elle a provoquée en te désignant comme un bouc émissaire. Ce n’est qu’une projection de ton esprit, mais tu crois voir l’ombre d’un sourire victorieux au coin de ses lèvres.
Le vent lui-même semble s’être arrêté. Il rejoint le silence des tombes, de ceux qui gisent comme, peu à peu, ceux qui jurent. Une bande de rapaces assoiffés de sang, voilà ce qu’ils sont : ils n’attendent que ta réponse. Un mot, un geste, n’importe quel acte sur lequel ils pourront se jeter pour en arracher toute la substance et l’ériger comme un étendard à leur honneur contre le monstre que tu es. Pourtant, ça n’est pas toi le monstre ici. Tu en es persuadée, et tu sais qu’ils se trompent tous.

Une seconde passe, puis deux, bientôt dix avant que tu ne rouvres la bouche. Tu sais quoi répondre, mais ta gorge se noue une seconde de plus. Voilà peut-être ta victoire à toi, celle de pouvoir te vanter d’avoir de vraies émotions.

- Je me fiche de savoir comment vous vous souviendrez de ma mère, je ne suis pas venue là pour vous convaincre de quoi que ce soit. Pour ceux d’entre vous qui seraient trop bêtes pour comprendre, c’est un adieu.

Ton premier réel pas vers la paix. Il n’y a pas de victoire, ni pour elle, ni pour toi, ni pour personne, parce que pas de jeu. Tout s’arrête là. Pour refuser la victoire à Anna, tu as dû accepter de ne pas la faire perdre. Drôle de jeu dans lequel pour gagner, il ne faut pas jouer.

- A partir d’aujourd’hui, vous pouvez me considérer comme morte. Comme une inconnue. Comme une étrangère. Il n’y a plus entre nous aucun lien de sang ni de haine, plus la moindre tradition, plus le moindre souvenir. Oubliez moi, et je ferai l’effort de vous oublier aussi.

C’est un trait définitif que tu tires, une page que tu tournes et que tu déchires. Le vent se remet timidement à siffler entre les brins d’herbe, à agiter les branches de l’aulne qui surplombe le marbre gravé et les quelques bouquets de fleurs fanées. Il n’y a plus rien ici pour toi, alors tu n’as plus qu’à tourner les talons et t’en aller avec la dignité que tu es venue troquer.

***

Anaïs et toi en aviez besoin, ce soir. Une nuit de sommeil à l’écart de vos mondes respectifs. A l’écart de l’inconfort du quotidien. Alors, tu as décidé de prendre une chambre dans un bon hôtel où vous n’aurez pas à vous soucier de la moindre chose si ce n’est la chaîne de télévision que vous allez laisser en fond sonore. La rouquine, en particulier, en avait besoin. Allongée sur son lit, elle peine à garder les yeux ouverts. Tu lui proposes d’aller manger, mais elle te convainc d’y aller seule. Pourquoi pas, elle n’aura pas eu à beaucoup argumenter. Autant de temps passé avec elle, même si tu l’apprécies énormément, c’est trop sans avoir une pause, un moment rien qu’à toi. Tu lui ramèneras de quoi grignoter en remontant.

Le restaurant de l’hôtel a quelque chose d’un peu chic. Peut-être est-ce les nappes rouges assorties aux banquettes qui de loin ressemblent à du velours, ou bien le bois massif et lustré des meubles et du grand bar qui trône au fond de la salle, guettant ses sujets comme un roi à la grande couronne de verre. Des bouteilles par dizaines, parfaitement rangées et arrangées, que tu zieutes avec un dégoût mu en envie.
Toi aussi tu es fatiguée. Tu t’es changée pour des habits plus confortables, le col roulé étant bien plus adapté au climat de ta ville natale, cette fois tu ne jures pas dans le paysage. Assise à une table près d’une vitre, tu regardes distraitement les lumières de la ville s’agiter et se refléter contre les façades de verre en attendant que l’on t’amène ton plat. Ça ne devrait pas vraiment tarder, le restaurant n’est pas rempli. A cette période de l’année et de la semaine, il ne doit accueillir que des badauds infidèles en voyage d’affaire et des âmes errantes depuis longtemps insensibles aux charmes de restaurants plus exotiques.
Perdue dans tes pensées, tu te faisais la réflexion : peut-être que le premier geste de cette nouvelle vie pourrait être d’aller rembourser le disque volé à l’époque et qui a bouleversé la première. Tu te demandes si dix ans plus tard, la boutique est même toujours ouverte.


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Lun 23 Jan - 8:46 (#)

Le vent de Chicago fait onduler l’herbe verte du cimetière en vagues tumultueuses et fait claquer les vêtements noirs des convives tels des coups de fouets abrupts, peignant un portrait de famille des plus dramatique. Heidi se tient face à nous tous, seule face à l’ensemble de sa famille qui la renie, exclue de nouveau. Quand bien même elle porte une tenue de deuil comme nous, il ne fait aucun doute qu’elle n’a plus sa place dans notre clan. L’enterrement est devenu un sinistre théâtre où se rejoue encore une fois la pièce intitulée ‘’Heidi vient tout ruiner’’.  Voilà même qu’elle a réussi à voler la vedette à sa mère décédée, assenant ainsi une dernière fois une honte terrible à ses parents. Les expressions faciales des personnes présentes ne laissent pas le moindre doute sur leurs pensées pleines de dégout et de dépit face au mouton noir de la famille. Est-elle donc venue ici pour se ridiculiser une dernière fois ? Elle ne semble désirer que de cracher sa bile comme une vipère malade de vivre dans un monde qui ne veut pas d’elle. Tant de temps perdu pour une attitude tout juste adolescente de vouloir crier à la face du monde un ressenti inepte dont tout le monde se fiche. Une dernière fois, Heidi prend la parole avant de fuir en simulant une dignité inexistante. Derrière ses pas résonnent les voix des Janowski qui se mélangent en un brouhaha de murmures outrés, plein de ‘Mais quelle honte !’, ‘Bon débarras…’, ‘Pauvre Rita, au moins n’aura-t-elle pas eu à voir ça’ et autres remarques dans la même veine. Je regagne ma place et croise le regard de mon oncle. Le père d’Heidi a une expression fermée ne permettant pas vraiment de savoir ce qu’il pense, mais j’imagine qu’il nage dans la honte face au comportement de sa fille. Au moins, ce sera la dernière fois qu’il aura à endurer une telle humiliation.

---

Après l’enterrement et la réception je suis retournée à l’hôtel pour me nettoyer de cette journée et changer de vêtements. Le noir me va bien, mais j’ai toujours préféré des couleurs plus lumineuses pour attirer l’attention. J’ai revêtu un tailleur pantalon blanc crème élégant avec un chemisier brillant d’une couleur fuchsia soutenue, auquel j’ai assorti mon rouge à lèvre. Il faut au moins ça pour oublier l’ignominie d’avoir dû me fondre dans la foule. J’ai relevé mes cheveux pour mettre en valeur les boucles d’oreilles pendantes en argent que j’ai ajouté pour compléter ma tenue. Un dernier coup d’œil au miroir et je quitte ma chambre pour rejoindre le restaurant de l’hôtel.

Le restaurant est peu rempli, de nombreuses tables sont vides. L’endroit est plutôt élégant et un sourire satisfait se dessine sur mes lèvres peintes. Je parcours la salle du regard, détaillant les quelques personnes déjà attablées et humant les délicieuses odeurs filtrant depuis les cuisines. Deux serveuses prennent soin des clients avec un air aimable et des gestes rapides. Dans ce décor paisible, mes prunelles rencontrent une silhouette bien familière avec ce même col roulé sombre et terne, à l’image de sa propriétaire. Mon sourire se remplit subitement de malice à l’idée d’enfoncer le clou dans le cercueil de la vie ruinée de cette terrible cousine. Mes pas me portent jusqu’à cette table à côté de la vitre laissant voir le défilé des passants et les claquement de mes talons annoncent mon arrivée. Avant même de savoir si Heidi m’a repérée, je tire une chaise de sa table pour m’assoir, la gratifiant d’un sourire ravi et malicieux.

« Heidi, ça alors, par quel miracle as-tu pu te payer un tel hôtel ? C’est incroyable. » Vu de l’extérieur, nul n’aurait pu penser que mes intentions étaient autres que sympathiques et légères. Je croise mes jambes et lui demande d’une voix enjouée tranchant avec mes propos : « Alors, dis-moi mon petit bouquetin, pourquoi donc es-tu venue? » Mon ton a pris une petite inflexion interrogative. « Enfin, ce n’étais pas juste pour dire aux gens de t’oublier. Tout le monde t’avait déjà oublié, tu sais. » J’attrape négligemment la carte des plats et commence à la parcourir des yeux. D’un ton badin, j’enchaine comme si c’était une évidence : « Et puis ils vivaient déjà bien mieux sans toi. » Je sélectionne une plat qui me fait envie et lève les yeux de la carte, les braquant dans ceux de ma cousine, reprenant : « Tu aurais dû t’abstenir de faire tout ce trajet. Vraiment. » Je fais mine de réfléchir un instant et conclu : « Enfin, ce n'est pas comme si c’était la première fois que tu te faisais humilier en public. Quoi que c’est sans doute la première fois que ça t’arrive à un enterrement. Ça a au moins le mérite d’être original. »

On peut même dire que ta vie entière ne s’est résumé qu’à être humiliée en public par mes soins ou alors par ta propre stupidité et inadéquation avec le monde réel, cousine. Il ne fait aucun doute que tu continueras à subir cette infamie continuelle et répétée jusqu’à ta mort, puisse que c’est tout ce que tu sais faire.
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Lun 23 Jan - 11:47 (#)



Goodbye
Chicago, Eté 2021
ft. Anna



T
u as déjà entendu dire que dans une même famille, à force, on devient capable de reconnaître un membre au bruit de ses pas. Ca doit quelque part être un peu vrai puisque ta mâchoire se raidit avant même que tu ne tournes la tête pour découvrir à qui appartiennent les talons qui martèlent le sol en ta direction.

Qui d’autre ? Qui d’autre est capable de venir te déranger alors que tu ne demandes rien à personne ? Qui d’autre se sent assez bouffi d’orgueil et de suffisance pour se croire bienvenue et intouchable partout où elle va ? D’un certain détachement neutre et passif, presque doux, ton regard devient une barricade d’acier bleu-vert que tu ériges en un instant devant le sourire caustique de ta cousine indésirable. Toujours la même rengaine, comme une disque rayé aux bords tranchants tournant en boucle sur ta platine. « Tu n’étais pas désirée, personne ne t’aime, personne ne veut de toi, personne n’a envie d’écouter ce que tu as à dire… » Tu connais la chanson par cœur, à force. Elle te la chante depuis toute petite. Oh, tu sais qu’elle retient pléthore de couplets. Elle pourrait continuer des heures durant, mais elle préfère te laisser l’occasion de répondre pour avoir quelque chose à piétiner et chanter plus fort par-dessus. En un sens, c’est presque rassurant de l’entendre déblatérer ainsi ; comme ça tu sais que tu es la seule Janowski à être née avec le sens de la musique et de la poésie.
Depuis le temps, tu sais qu’il est inutile de l’interrompre quand elle s’écoute parler, alors tu attends la fin de son discours pour le faire. A vrai dire, tu as envisagé de simplement changer de table sans un mot pour reprendre le fil de la pensée qu’elle a grossièrement interrompu, mais tu sais pertinemment que tu ne te débarrasseras pas de ses griffes veules si simplement. Peut-être pour la première fois depuis des années, vous êtes en terrain neutre, et c’est peut-être là l’occasion de faire un geste.

Calmement, tu laisses encore quelques secondes de silence ponctuer sa tirade tout en soutenant son regard de reptile. Tu ôtes tes coudes de la table et recules sur le dossier de la banquette en croisant les jambes et les bras.

- C’est moi qui suis censée m’humilier publiquement alors que c’est toi qui portes un chemisier de cette couleur ? Je ne te savais pas daltonienne.

Pas très bien placée pour faire un commentaire vestimentaire, jeune femme à la garde-robe monochrome, mais toutes les couleurs sont plus belles que celle qu’elle porte en ce moment même. Une véritable insulte à tous ceux qui ont un jour eu des yeux. Tu souffles pour ne pas la laisser reprendre la parole avant de poursuivre sur le même ton patient et détaché.

- En effet, je suis pas venue ici grâce au salaire de merde que tu me versais pour être ton esclave. Bravo si tu as réussi à comprendre ça toute seule.

Comme une horloge bien réglée, tu vois venir son commentaire et le pares avant qu’elle n’ait le temps d’entrouvrir ses lèvres bariolées du rose le plus vulgaire qui t’ait été donné de voir.

- Et vient pas me parler d’ingratitude. C’est bon, pas là. Pour convaincre qui ?

Inconsciemment, tu avais décollé le dos de ton assise pour prendre une posture subtilement plus dominante et agressive. T’en rendant compte, tu te cales à nouveau contre le dossier molletonné du siège. L’invitation te brûle les lèvres : dis-lui qu’elle peut s’en aller si elle n’a rien d’autre à ajouter. Malheureusement, tu sais aussi que ça ne la fera que plus rester.

- Tu ne devrais pas être avec *ta* famille en ce moment ? Qu’en penseraient tes followers ? Tu sais, la famille c’est important pour les neuneus qui ne savent pas.

Elle y comprendra ce qu’elle voudra. Ce que les gens ne savent pas, c’est le sadisme qui l’habite. Cette étincelle malveillante que tu sembles la seule à voir dans son regard et qu’elle se plaît à laisser aller sur ses boucs émissaires. Depuis toujours, tu es sa préférée. Il est temps que ça change.


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Jeu 2 Fév - 8:03 (#)

Dans ce restaurant aux allures luxueuses, Heidi apparait comme une tâche noir absorbant l’élégance pour la transformer en crasse. Comme on pouvait s’y attendre, ses propos sont de piteuses attaques risibles qui ne trahissent que son mauvais goût et son esprit flasque. Je lève les yeux au ciel avec une expression moqueuse et déclare :

« Oh, Heidi, je sais que tu n’as ni bon goût ni féminité, mais tu ne devrais pas l’exhiber ainsi. Garde tes petites piques pitoyables pour toi, tu ne fais qu’étaler ton manque de goût. Et puis… » Mon regard parcourt son pull col roulé terne et informe. « … tu devrais vraiment mieux te taire dès qu’il s’agit d’apparence physique. »

Elle enchaîne sur de tristes remarques, et de nouveau ma curiosité est piquée par ses fonds financiers mystérieux qui lui ont permis de venir et d’avoir des robes de créateurs. Déjà à l’époque où elle travaillait pour moi elle portait des vêtements bien au-dessus de ses moyens. A-t-elle embobiné un quelconque vieux hère en se résignant à faire la pute pour approcher un style de vie que son inexistante force de travail n’aurait jamais pu lui offrir. J’abandonne cette idée dans un coin de ma tête et un petit rire méprisant m’échappe alors qu’elle tente de m’attaquer sur le fait que je ne suis plus au côté de la famille.

« Je suis restée avec ma famille après la cérémonie et pendant la réception. Qui plus est, je dois être à l’aéroport dans quelques heures. Tu sais, ils comprennent très bien qu’on puisse être occupé quand on a un travail, mais c’est vrai que pour ta part tu n’as jamais eu de telles occupations qui requièrent ta présence. Donc tu ne peux pas vraiment comprendre. »

Cette déclaration est faite avec un sourire condescendant, le même qu’aurait une adulte pour gourmander une enfant un peu stupide. Quelques pas se font entendre et la serveuse s’approche de notre table en silence avec un sourire des plus professionnels, tenant à la main un petit bloc-notes prêt à recevoir notre commande. D’une voix agréable et contenue comme le requiert un tel endroit, elle demande :

« Avez-vous fait votre choix ?
- Je vais prendre l’agneau. Et elle… eh bien je pense qu’elle ne va pas rester. » Avec un sourire rempli d’une douce pitié j’ajoute : « Je doute qu’elle ait les moyens pour manger ici. »

La serveuse note rapidement ma commande et se tourne vers Heidi pour savoir ce qu’elle compte faire. Vas-tu donc me donner raison mon petit bouquetin ? Je sais que rien ne te brûle plus que l’envie de te lever et de t’éloigner de moi, mais accepteras-tu sans broncher de t’en aller après cette déclaration ? Je t’imagine déjà tenter une phrase acerbe et filer la queue entre les jambes. Ou peut-être ton esprit de contradiction te poussera à rester, juste pour me contredire et pour prouver au monde entier que tu as réussi par Dieu sait quel moyen à gagner une poignée d’argent à dépenser à la face du monde. Ou alors tenteras-tu une pirouette en essayant de me faire payer ton repas, mais supporteras-tu de me devoir quoi que ce soit, même le plus petit morceau de pain ?

Dans tous les cas, je gagne.
Pars, et ainsi je t’aurais chassée de ta table. Reste et subis cette torture qu’est ma simple présence pour toi. Je ne t’épargnerai rien. Tu aurais mieux fait de ne pas venir, ni dans cette ville, ni à l’enterrement. Tu devrais savoir à présent que tu n’as plus ta place ici, comme tu n’as jamais eu ta place où que ce soit dans ce monde.
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Jeu 2 Fév - 10:37 (#)



Goodbye
Chicago, Eté 2021
ft. Anna



L
’apparence, il n’y a que cela qui compte pour ton aînée. Le fait même qu’elle se sente obligée de répondre à ton invective sur son chemisier plus qu’au reste de tes remarques en est une preuve presque terrifiante. Il y a eu une époque où son commentaire sur tes vêtements aurait pu te blesser, ne serait-ce qu’un peu ; ce temps est révolu, de même que celui où tu te serais vexée qu’elle insulte ta profession. Si elle croit t’insulter en te traitant d’artiste à demi-mots, elle ne fait que démontrer qu’elle a la même sensibilité qu’une moule marinière. Ce doit être triste, une vie sans art. Tu es heureuse que ce soit le cas de la sienne.
Et puis, vivre une vie d’impératifs, d’heures supplémentaires et faux-semblants… c’est certain, tu l’envies ⸮

Tu finis par soupirer. Si la serveuse n’était pas arrivée quelques secondes plus tard, qu’aurait-elle fait ? Serait-elle restée ainsi assise en face de toi à attendre une réponse comme une buse affamée attend pendant des heures qu’un rongeur sorte de son terrier ? Qu’aurait-elle pu dire de plus pour espérer te blesser qu’elle n’aurait pas déjà dit avant ? Tu es prête à tout entendre, tout encaisser sans sourciller ; tu saurais presque lire la nature de sa prochaine insulte sur son visage avant même qu’elle ne la prononce. Quelle âge a-t-elle déjà ? Presque trente ans, ce n’est pas un peu vieux pour jouer à la terreur des cours de récréation ? Son discours a si peu changé en presque vingt ans que tu ne peux lui détacher cette image emprunte de souvenir.
Elle croit vraiment que tu vas t’en aller alors que tu étais là la première ? Peut-être même pire : elle croit vraiment que tu n’as pas les moyens de manger ici ? Bien que tu prétendes connaître Anna mieux que quiconque, elle arrive parfois à te faire douter de certains aspects de sa personnalité : est-elle suffisamment égocentrée pour penser que tu as posé le pied dans ce restaurant dans le seul but de croiser son chemin sans prendre la peine d’y commander ?
Naturellement, la serveuse se tourne vers toi pour attendre ta réponse. Silencieusement, tu lui adresses un regard, puis à l’avocate, avant de feuilleter rapidement la carte. Un instant, tu fais mine d’hésiter avant de la tendre calmement vers l’employée du restaurant.

- Toujours le mot pour rire, Anna. C’est moi qui t’invite ce soir, tu as oublié ? J’ai déjà dû t’aider à payer ton loyer le mois dernier, et tu m’avais promis d’arrêter les casinos…

Un fin sourire faussement désolé faisant ressortir tes fossettes sur le visage, tu secoues délicatement la tête, cette fois en t’adressant à la serveuse.

- Excusez ma sœur, ça a été dur pour elle de perdre son emploi, elle a encore du mal à s’y faire… Renvoyée pour incompétence… ils auraient quand même pu te laisser une autre chance ! Enfin… Je vais prendre la salade césar, merci.

Toi aussi, tu peux jouer à ce jeu. Oh, tu as appris d’une des plus grande, c’est certain, mais il est à présent temps pour elle de goûter à l’humiliation et l’infantilisation. Oui, rien de ce que tu as raconté n’est vrai, mais après tout le mensonge est son fond de commerce, elle devrait comprendre. Ce n’est pas comme si elle rechignait à l’employer de toutes manières. Peu importe si tu règles la totalité de l’addition à la fin du repas, ce sera un maigre prix pour une victoire qui, elle, n’en a pas. Et puis, grandir commence aussi par là ; ton psy serait sans doute fier que tu offres un repas à ta cousine.

Finalement, la serveuse finit de griffonner son calepin et vous laisse à nouveau seules. Sans laisser transparaître le fierté que tu exultes de cette tare faite sur la réputation de la polonaise d’en face, tu replonges ton regard calmement dans le sien.

- Quelque chose à rajouter, sœurette ?


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Mar 7 Fév - 8:20 (#)

La serveuse braque son regard sur Heidi, le crayon levé au-dessus de son carnet, prête à prendre la commande. Cette fois, le petit bouquetin d’habitude si cavaleur ne fuit pas. Elle décide de rester et propose même de m’inviter. Cette réplique inattendue me fait arquer un sourcil de surprise, curieuse de voir quel est son plan. Il me semble impossible qu’elle s’arrête là. La suite de ses paroles me donne raison. Quelques phrases appuyant sur une supposée addiction aux jeux et un renvoi d’un travail quelconque. Je n’ajoute rien tandis que la serveuse écarquille les yeux, comme mal à l’aise d’entendre des choses si personnelles, prend vite quelques notes et disparait en sinuant entre les tables. Un sourire condescendant se peint sur mes lèvres et avec une voix remplie d’une pitié intense et dégoulinante comme du miel, je commence :

« Oh Heidi. Tu es toujours aussi pitoyable. » Mon regard se fait presque compatissant face à cette stupidité indécrottable qui semble s’accrocher à son esprit. Je secoue la tête d’un dédain las, et reprends : «  Penses-tu vraiment que je puisse souffrir de quelques mensonges stupides ? Je sais ce que je vaux et ton petit avis ne m’est déjà rien, alors tes mensonges… » Je lève les yeux au ciel. « …n’en parlons même pas. Tu sais, la différence fondamentale entre toi et moi est que tu te sens obligée d’inventer des choses pour essayer de me rabaisser, alors que moi je n’ai qu’à dire la vérité à ton sujet. Voilà bien toute la différence entre nous deux. »  

Peut-être bien que dans notre enfance j’ai avancé bon nombre de mensonges pour la décrédibiliser et la faire souffrir, pour faire apparaitre sur son petit visage cette expression si peinée et si blessée qu’elle trahissait un cœur à vif, mais je n’ai plus besoin de tels subterfuges aujourd’hui. Maintenant que nous sommes adultes, je n’ai qu’à voir les épaves de sa vie et les mettre en lumière. Rien n’est plus efficace que la plus pure des vérité pour blesser quelqu’un. Méthodiquement, je reprends, relevant un de ses mensonges en particulier :

«  Et puis pourquoi avoir prétendu que je suis ta sœur ? Oh, peut-être est-ce pour essayer de m’humilier un peu plus encore en m’associant à toi. Il est vrai que d’avoir une ratée pour sœur n’a rien de vraiment très appréciable. » Mon regard se fait plus rapace, comme celui d’un prédateur ayant repéré une proie juteuse. «  Ou bien alors tu ne fais là que manifester ton désir le plus profond ? C’est ça mon petit bouquetin ? Tu regrettes donc de n’être que ma cousine et pas plus ? » Cette idée même me fait rire, tant par son caractère pitoyable qu’improbable. Je me doute bien qu’elle ne le souhaite pas, qu’elle ne veut que me voir disparaitre de sa vie. Après un léger rire cristallin et enjoué, j’enchaine : «  Ou alors es-tu tellement incapable de reconnaitre la vérité qu’il te faut mentir sur le moindre détail ? Non, vraiment, si ton problème est la mythomanie, cela expliquerait pourquoi tu t’obstines à ne pas reconnaitre que tu n’es qu’un échec total. »

A dire vrai, cela aurait même du sens. Ses tribulations sur sa vie ‘’d’artiste’’ libre et épanouie et autres bêtises ne seraient alors que des mensonges qu’elle raconte aux autres et à elle-même pour couvrir d’un verni brillant une réalité misérable et putride. Un moyen de se prémunir contre la terrible vérité qui l’accable, le fait qu’elle n’est qu’un petit jouet brisé qui ne saurait être réparé. Je me réinstalle correctement dans mon siège tandis que le restaurant se rempli peu à peu. Je maintiens un sourire enjoué, à la fois pour conserver les apparences de repas lambda, mais aussi parce que cette situation m’amuse beaucoup. Pour une fois qu’elle n’essaie pas de prendre la fuite face à moi, je découvre ses frêles défenses et piteuses tentatives de riposte. On dirait un oiseau malade à qui on aurait troué les ailes et qui se débat pour repousser les assauts d’un chat vif et joueur. Au moins je ne m’ennuierai pas pour mon dernier repas à Chicago. Avec une pointe de curiosité, je reprends :

«  Tiens d’ailleurs, comptes-tu vraiment m’inviter, ou bien n’était-ce là qu’un autre mensonge pathétique que tu as dis dans l’espoir d’obtenir quelques secondes de grâce aux yeux d’une inconnue ? » Mon ton est redevenu badin, même si je continue à appuyer sur ses égarements. «  Et si tu comptes vraiment payer, peux-tu au moins me dire d’où vient l’argent ? Est-ce qu’un vieux monsieur triste et seul s’est acheté tes services de… hum… d’artiste, disons ? Autrement je vois mal comment tes maigres compétences te permettrait de gagner ne serait-ce qu’un dollar. »

Le pire dans cette question est qu’il ne me semble pas impossible qu’elle tire effectivement ses finances d’une activité de ce type. Après tout, que pourrait-elle bien faire d’autre ? Elle n’a rien à offrir, si ce n’est sa personne. Et même ça, ça ne vaut pas grand-chose.
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Mer 8 Fév - 13:51 (#)



Goodbye
Chicago, Eté 2021
ft. Anna



D
eux poids, deux mesures. Voilà pourquoi aucun de tes mots ne peut l’atteindre. Tu l’as battue à son propre jeu, c’est sans appel, mais si elle décide d’en changer les règles pour renverser artificiellement la victoire cela change la donne entière. Elle t’énerve, et dès que tu vois son sourire autosuffisant, tu devines ses premiers mots. Elle t’énerve, mais plus comme un être humain. Plus comme un boxeur devant faire face à un adversaire prompt aux coups bas mais que l’on peut battre à force de résilience et de persévérance. Elle t’énerve comme un gravier coincé au fond d’une chaussure. L’image te surgit soudainement à l’esprit comme une évidence alors que tu roules déjà des yeux sans même plus faire mine de l’écouter cracher son venin stérile. On ne peut pas discuter avec un gravier, c’est stupide. On ne peut pas non plus le combattre, il ne ressent rien et n’est capable que de blesser en retour d’offensives de toutes manières inutiles. Tout ce que l’on peut faire pour se soulager de ce fardeau, c’est enlever sa chaussure et se débarrasser de ce petit caillou si insignifiant et pourtant si douloureux.
Tu viens d’avoir une idée pour te débarrasser de ton gravier peint en rose bonbon, mais pour ça tu vas avoir besoin d’un verre.

L’impression d’avoir déjà entendu des centaines de fois le discours qu’elle te sert est désagréable. Ce n’est qu’un paquet de question rhétoriques mises bout à bout pour former un semblant de cohérence, mais ça en dit long sur leur auteure. Elle n’a besoin de personne puisqu’elle est capable de s’écouter parler et de produire à la fois les questions et les réponses. Un moment, tu l’imagines seule au monde sur une île déserte en train d’insulter un arbre pendant des heures sans jamais se rendre compte de l’absurdité de son acte, et encore moins de son existence. Tu te mets alors à sourire, amusée à cette pensée, alors qu’elle te traite d’échec total. A ce stade, tu ne fais même plus attention à ce qu’elle raconte, et tu regardes même ailleurs, ennuyée, en attendant qu’elle finisse de s’étaler.
Finalement, tu soupires et reporte ton regard lassé sur elle en levant les yeux aux ciel.

- Tu ne saurais même pas reconnaître la valeur d’un Renoir si on te le mettait juste sous le nez, arrête de vouloir parler des artistes tu ne fais que te ridiculiser.

Elle trouvera sans doute une combine rhétorique pour esquiver ton attaque, mais ça n’est pas le cœur de ton propos. Celle-ci est juste pour te soulager et l’atteindre tout aussi gratuitement qu’elle le fait. En utilisant la réalité, comme elle le dit si bien. C’est d’ailleurs assez drôle de l’entendre critiquer ta soi-disant vie de misérable comme si elle la connaissait de fond en comble alors qu’elle est incapable de savoir comment tu es capable de tirer une quarantaine de dollars de ta poche pour un restaurant.
Heureusement, avant qu’elle n’ait le temps de répondre, la serveuse qui a pris votre commande passe à côté de vous et tu l’interpelles.

- Excusez-moi, je vais prendre un verre de vin pour attendre mon plat. Le pinot noir. Elle ne prendra rien.

Et alors qu’elle s’empresse d’aller chercher ta boisson, tu te retournes vers ta cousine.

- Je veux bien t’inviter, mais seulement si tu fermes ta grande gueule. Tu t’en rends peut-être pas compte, mais pour des oreilles éduquée ta voix grinçante est vraiment super désagréable. Surtout si c’est pour parler dans le vide. Et sinon t’auras qu’à te trouver une autre table, quelqu’un d’autre à emmerder. Va même m’insulter dans mon dos, je m’en fiche, c’est pas comme si ce serait la première fois.

Tu te pinces l’arrête du nez pour appuyer ton discours et ta fatigue à force d’entendre son ton de connasse prétentieuse et suffisante.

- Mais juste, ferme ta gueule. Et je te dirai peut-être comment ça se fait que je peux manger autre chose que des pattes au sel, puisque ça a l’air de tant te surprendre.

En réalité, tu ne vas évidemment rien lui dire. Mais il faut bien combler le vide en attendant que l’on revienne avec le verre que tu as l’intention de vider tout d’un coup, et autant que ce soit ta voix plutôt que la sienne.
Et enfin, ton vin arrive. L’employée le dépose avec délicatesse de ton côté de la table, et tu la remercies brièvement. Alors, tu te penches un peu au-dessus de la table. Tu saisis le verre par le pied, inspectes l’éclat de sa couleur, les nuances de son odeur. C’est vraiment dommage que tu aies décidé d’arrêter l’alcool.
Enfin, il est temps de se débarrasser du gravier. D’un geste rapide et complètement calculé, tu déverses alors le contenu entier de ton verre sur Anna et son tailleur blanc, maintenant rouge, et tu l’espères comme la couleur qui arrivera bientôt sur son visage. Un fin sourire narquois sur le bout des lèvres – celui-ci piqué à Elinor – tu reposes calmement le verre sur la table et fixes l’avocate droit dans les yeux.

- Oups.


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Dim 12 Fév - 15:27 (#)

Un léger sourire vient danser sur mes lèvres et j’ai déjà dans la bouche un délicieux gout de victoire. Heidi se défend piteusement, marmonnant dans sa barbe dans un ton bovin, mettant de nouveau en avant sa soi-disante connaissance de l’art qui la rendrait si spéciale et mieux que les autres. Je lève les yeux au ciel alors qu’elle tente de faire passer une quelconque connaissance de quelques gribouillages pour un trait de caractère noble et favorable. Je devine que dans le terme valeur qu’elle emploie il n’y a rien de monétaire. Elle a encore cette vision naïve de l’art, enfantine, où l’on regarde les œuvres pour ce qu’elles sont, alors que tout ce marché n’est rien de plus qu’une vaste entreprise de placements financiers. Pauvre petite Heidi à l’esprit trop limité pour le comprendre. Elle ne mérite même pas que je la corrige.  Avec le ton d’une adulte répondant à la stupidité d’une enfant, je lui dis d’un ton gluant de sarcasme sirupeux :

« Mais oui. Bien sûr. C’est ça. »

Mon ton laisse clairement comprendre que son avis ne m’est rien, qu’il n’est pas plus important que le serait une vilaine tâche graisseuse sur un tapis abandonné au coin d’une rue sale. Le court silence qui s’installe entre nous est rempli du doux brouhaha des clients commençant à discuter en attendant leurs plats. Un rayon de soleil perce les nuage pour venir se poser sur le parquet sombre et sur une banquette vide non loin, rendant sa couleur rouge d’autant plus vivace. En quelques pas rapides la serveuse traverse le raie de lumière perdu pour se diriger vers une autre table mais déjà le petit bouquetin à la mine renfrognée l’interpelle pour lui réclamer un verre de vin, tentant au passage une vilénie pitoyable. Bien évidemment que je ne veux rien, je ne suis pas stupide au point d’oublier de commander la boisson au moment du plat. La serveuse repart et la petite débile tente de s’exprimer. Un long discours pour une femme si petite d’esprit. Ses paroles m’arrachent un ricanement railleur tandis que j’ajoute sans honte par-dessus ses mots quelques commentaires avec un ton moqueur : « Des oreilles éduquées, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! », « Arrête un peu tes enfantillages. » Le tout se mue en un mélange de voix étranges rendant son discours peu intelligible. De cette manière, je lui refuse même jusqu’à la possibilité de s’exprimer en paix. Mais quelle importance ? Ce n'est pas comme si elle avait quoi que ce soit d’intéressant à dire. Sa grossièreté crache au visage du monde le magma infame qui se trouve en elle, incapable de s’exprimer sans vulgarité.

« Inutile d’être vulgaire. Ta mère doit se retourner dans sa tombe avec un tel langage. »

A dire vrai, je crois bien me ficher de comment elle parvient à trouver son argent. Je me doute bien qu’il s’agit de quelques basses besognes pouvant être remplies par quelqu’un sans la moindre qualification ou le moindre de talent, le reste n’est que du détail. Avec une honnêteté désarmante, j’enchaine :

« Ta petite vie ne m’importe que très peu. Je ne demandais ça que pour faire la conversation. Tu sais, cette chose que font les gens civilisés. »

Des bruits de pas rapides précèdent l’arrivée de la serveuse qui porte sur son plateau un verre de vin rouge qu’elle dépose devant ma cousine. Alors que le petit bouquetin commence à approcher ses sabot du verre avec un air docte, je m’apprête à lui demander si elle se prend subitement pour une sommelière, mais aucun mot n’a le temps de quitter mes lèvres que déjà la vile renverse le verre sur mon somptueux tailleur. Une exclamation offusquée et scandalisée m’échappe tandis que tout le liquide vient imbiber le devant de ma tenue et me couler sur les genoux, créant une flaque sombre s’étendant sous la chaise. Brutalement, je me lève en repoussant la chaise en arrière dans un raclement âpre et désagréable. Le vin imprègne petit à petit toutes les fibres de ma tenue, se diffusant en des tâches rougeâtres sur la toile vierge. Une envie irrépressibles de hurler un torrent d’insultes à la face satisfaite de cette petite erreur de la nature me prend subitement. Pendant l’espace d’une ou deux secondes la fureur se lit sur mes traits et dans mes poings serrés aux jointures blanchies sous l’effort. Au prix d’une lutte interne terrible, j’arrive à reprendre contenance, refusant de faire une scène en public et de donner la satisfaction à cette débile de me voir exploser. Mon expression est devenue fermée et indéchiffrable et je prends une longue inspiration que je retiens une seconde avant de la relâcher pour me calmer. Toujours debout, je tourne mon regard assassin vers le stupide animal qui me sert de cousine. Le silence s’est fait autour de nous, les gens observant le désastre en chuchotant. La serveuse s’est précipitée vers moi avec des serviettes afin que je puisse éponger le vin, mais il est déjà trop tard pour sauver ma tenue. Je ne peux que sauver la face. Dissimulant la rage bouillonnant dans mon ventre, je dis à la serveuse avec un sourire crispé :

« Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude. » Avec un regard en coin vers Heidi je poursuis : « Elle gâche toujours tout. Même les enterrements. » Je recule, tenant toujours les serviettes qui ont servies à éponger une petite partie du liquide et je termine en ne m’adressant toujours qu’à la serveuse : « Annulez ma commande je vous prie. Je dois aller me changer et avec tout ça je n’ai plus le temps de manger ici. Je prendrai mon repas à l’aéroport. »

En essayant de garder une certaine dignité, je tourne les talons et arpente la salle jusqu’à la sortie. Heureusement, je n’ai pas encore rendu ma chambre. Je traverse l’hôtel sous les regards surpris et rieurs des autres clients que je croise dans les couloirs et dans l’ascenseur. Ma colère s’intensifie à chaque pas et me noie peu à peu alors que j’essaie de ne rien en laisser paraitre. Enfin j’atteins ma chambre après avoir croisé bien trop de personnes à mon gout. Je glisse rapidement la carte dans le lecteur magnétique et me dépêche de rentrer, claquant sourdement la porte derrière moi.

Sale petite conne.
Tu me le paieras.
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