Le Deal du moment :
Cartes Pokémon EV8.5 : coffret dresseur ...
Voir le deal

Sur un air de jazz • Heidi

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Anonymous
Invité
Invité
Lun 6 Mar - 1:38 (#)

Septembre 2021 ☽☾ Downtown

19:57.
Le soleil s’est réfugié derrière l’horizon depuis une bonne demi-heure lorsque Myrtle émerge de sa torpeur quotidienne. Les paupières s’ouvrent sur le couvercle de son coffre cadenassé, dont l’odeur cuivré mêlé au discret parfum de sa brume d’oreiller a toujours quelque chose de réconfortant. Sa bouche est sèche, son corps entier frémit. Elle a faim.

Malheureusement, ce soir, elle n’aura pas le temps de s’offrir un dîner digne de s’en souvenir. Le travail l’appel, elle doit se rendre dans un piano-bar de Downton pour entamer une série de couvertures sur le sujet. Charlie va écrire sur la séculaire culture jazz de la Louisiane et comment Shreveport est aussi un creuset de musiciens talentueux. L’immortel soupçonne son rédacteur en chef de vouloir, en filigrane, mener une sorte de campagne « il n’y a pas que les surnaturels à ici ». Il est vrai que les CESS occupent beaucoup l’espace médiatique ces derniers temps, et les humains n’aiment pas quand l’actualité leur est dérobée.

Qu’importe. Les états d’âmes de celui qui signe sporadiquement ses chèques ne l’intéressent pas, Myrtle doit simplement et faire son boulot et ça lui suffit amplement. Elle se libère donc et s’extrait de son cocon, dont la vocation est principalement d’être imperméable à toute lumière – et aux amateurs qui parviendraient miraculeusement à l’atteindre jusque dans sa cave. Sa chevelure noir d’encre dégringole sur ses épaules laiteuses, elle s’étire comme un félin après une longue sieste et monte à l’étage d'un pas léger.

La télévision est allumée. Un reportage quelconque déblatère des informations que l’Anglaise ne prend pas la peine d’écouter. Ses prunelles crocodile se posent sur le jeune homme installé dans son salon épuré, emballages de take-away mexicain froissés devant lui. L’odeur des épices l’écœure.

- Réveille difficile ?
- Pas de souci aujourd’hui ? rétorque-t-elle sans prendre la peine de relever la boutade.
- Non, rien à signaler.

Myrtle hoche la tête et s’esquive souplement vers sa chambre, qu’elle n’occupe pratiquement jamais. Son fidèle Marqué continue de suivre son reportage jusqu’à ce qu’elle revienne, vêtue d’un pantalon de toile et d’un chemisier à manches courtes. Elle ferait parfaitement illusion dans la masse humaine, si elle n’était pas blafarde, le grain de peau aussi poli que le marbre d’une statue.

- Je t’ai préparé deux gourdes, là.

Charlie désigne le comptoir de la cuisine ouverte sur la pièce qu’il squatte. Aussi prévenant qu’espiègle, le Marqué est régulièrement chargé de venir occuper le pavillon en journée, pour protéger le sommeil de sa maîtresse. A l’occasion, notamment lorsqu’elle doit partir travailler tôt dans la soirée, il lui rapporte des rations de True Blood. Simple et efficace pour se nourrir sur le pouce. Myrtle grimace, raffolant peu du sang synthétique, mais elle ne fait plus la fine bouche depuis de nombreuses années. Son repas lui octroie quelques couleurs humaines, mais ne peut rien contre l’expression naturellement froide de son minois. Elle noue ensuite sa toison noire en chignon flou, lace une paire de baskets, puis s’empare de son sac ainsi que de son appareil photo.

- On y va, déclare-t-elle sans entrain.
- On y va, approuve Charlie en lui emboitant le pas.

*

20:21.
Même si la température est redescendue, l'air reste moite en cette fin d'été qui s'éternise. Ils arrivent tout juste dans le petit établissement à la devanture flanquée d’un contrebassiste, illustré tout boucles et rondeurs. Il y a foule. Myrtle prend une profonde inspiration et s’immerge dans ce bain de corps chauds, qui réveille chez elle des pulsions gourmandes. Problème du True blood : pour un humain, ce serait comme s’empiffrer d’épinards avant d’aller passer la soirée dans un steakhouse. L’estomac est rempli, mais il réclame sa dose de bouffe plaisir. En l’occurrence, chacune de ses fibres mandie un dessert sucré, mais Charlie la ramène sur terre en la prenant par le bras afin de la garder près de lui. Ils se frayent un chemin, tant bien que mal, slalomant entre les clients.

- Le concert a commencé on dirait, il hausse le volume de sa voix car, au fond d’une minuscule salle tamisée et pleine à craquer, une pianiste délivre ses premières envolées sous le feu d’une coursive, tu peux commencer à mitrailler, je vais m’installer.  

L’Immortel hoche la tête, sort son appareil de son étui, ôte le capuchon et allume l’engin. Elle ajuste ses réglages, cale l’œil dans l’objectif, et…

Clac. Clac.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Lun 6 Mar - 15:17 (#)



Sur un air de jazz
Dereck's Piano Bar, Downtown Shreveport, Septembre 2021
ft. Myrtle



L
e premier concert de l’After Dark Orchestra a été un succès. Tu ne t’avancerais pas jusqu’à dire qu’il était retentissant, par une sorte d’humilité ambiguë, mais amplement suffisant pour doper tes musiciens a l’adrénaline. La première répétition a été un spectacle à elle seule, une galerie de sourires qui s’assumaient plus ou moins devant ton flegme traditionnel, quelques messes basses empruntes d’une ambition qui n’avait pourtant rien d’honteuse. Penser au-delà de Shreveport : la frontière entre le rêve et le réel espoir n’a fait que se brouiller depuis qu’ils se sont rangés derrière les pupitres de ton big band.
Le succès a aussi eu un certain écho un peu plus concret. En une soirée, tu es devenue un microphénomène de la scène jazz locale, et les relations que ta cousine s’était amusée à couper en arrivant en ville ont refait vibrer ton téléphone à mesure que la nouvelle de votre performance parvenait jusqu’aux établissements qui avaient l’habitude de payer ton loyer.

- Hey Pirate, tu fais quoi mercredi soir dans deux semaines ?

Le jeune saxophoniste relevé la tête de l’étui dans lequel il était en train de ranger son instrument au cuivre encore tiède après quatre ou cinq heures de répétition intense. Le regard hagard, à moitié dissimulé derrière son cache-œil fétiche, il sonde rapidement la salle du regard avant de le poser sur toi.

- Quoi, moi ?

Tu soupires en laissant un très discret sourire de dépit orner tes lèvres.

- Tu vois un autre putain de pirate dans le bâtiment ? Bien sûr, toi, espèce d’abruti. T’as prévu quelque chose mercredi soir dans deux semaines ?

Heureusement qu’il est sensible et travailleur, à défaut d’être une lumière. Au sourire qui apparaît en retour sur son visage, tu devines presque à l’avance ce qu’il va te répondre, et tu soupires au moment même ou il reprend la parole. Son imagination a fait rosir subtilement ses joues et son air béat en dit bien plus long qu’il ne peut l’imaginer.

- T’as décidé d’accepter un rencard avec moi, sérieux ?!

Levant les yeux au ciel, tu remues la tête un court instant avant de détourner le regard vers ta sacoche et finir d’y ranger tes partitions.

- T’es en plein rêve gamin. Mais j’ai besoin d’un soufflant pour compléter un quartet, j’ai une date au Dereck’s.

Tu as envie de donner sa chance à ce gosse à peine sorti du lycée pour qui tu as fini par développer une sorte d’attachement étrange, comme si tu l’avais vu grandir toute sa vie alors que tu ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam avant qu’il ne se pointe timidement sur le perron du local il y a maintenant quelque mois. Il a prodigieusement progressé au fil des semaines et de tes menaces, et aujourd’hui il mérite une occasion de briller, et surtout de transformer son caractère exubérant et compensatoire en une véritable confiance.

- Hein ? Mais j’ai jamais…

- Je prends ça pour un oui. Je t’envoie la setlist et les détails.

***

Et ainsi vous voilà entassés sur la petite estrade qui sert de scène au Dereck’s. La salle n’est pas grande, mais c’est l’un de ses arguments pour attirer le chaland à la recherche d’une bulle de velours ambré au milieu de la grisaille de la ville. Les appliques murales reflètent une lumière oranger, tendre et chaleureuse contre le lambris, et les arches de briques apparentes achèvent de donner à l’établissement son ambiance de huis-clos intimiste.
Assez vite, les banquettes et fauteuils matelassés se sont remplis, et un bourdon de plus en plus intense s’est trouvé enfermé entre les murs épais du bâtiment. Ce soir ne fait pas exception au reste des jours de l’année, et c’est habillée d’un fidèle col roulé noir que tu poses le pied devant le piano à queue. Un signe de tête suffit pour saluer le reste de la section rythmique, et un sourire narquois pour l’adolescent angoissé qui se retient de trépigner caché au fond de la scène. Le batteur te traite de sans-cœur, mais ça te passe bien au-dessus : tu sais que tu as fait les choses bien. Au tout premier rang, la mère du cadet lève les yeux dans votre direction ; elle n’a pas eu le droit de rentrer lors du concert de l’orchestre parce qu’elle n’avait pas de quoi payer une table dans le restaurant de luxe, mais ce soir alors que l’entée est libre, elle n’aurait manqué pour rien au monde la prestation de son fils. Elle a sur le visage le même sourire que lui, un peu simple mais si terriblement communicatif.
Finalement, tu tires le tabouret en face du clavier et t’y installes. Les doigts venant très délicatement caresser l’ivoire et l’ébène des touches, tu permets à ton esprit de te concentrer pendant une vingtaine de secondes. Enfin, tu laisses résonner les premières notes d’Infant Eye tandis que la moindre discussion est coupée aussi délicatement qu’abruptement. Seuls les clics mécaniques d’un appareil photo viennent déranger le doux bruit des balais sur la caisse claire et te font froncer légèrement les sourcils alors que tu te retiens d’en chercher l’origine.

En jouant, tu perds un peu la notion du temps. Combien de temps le concert a-t-il duré ? Une heure, peut-être une heure et demie ? Peu importe, c’était… bien. Oserais-tu même dire agréable ? Tu prends une poignée de seconde pour sortir de ton état d’esprit de jeu en douceur, et avises finalement la salle dont les lumières tamisées se rallument peu à peu. Amusée, tu lances quelques mots à Pirate qui, étonnamment, ne s’est pas encore rué voir sa mère.

- Hey, gamin, y’a un journaliste dans la salle, va essayer de te faire interviewer.

Du coin de l’œil cependant, tu repères la femme à l’appareil photo en espérant qu’elle ne parte pas immédiatement. Il faudra que tu ailles lui dire que tu ne veux pas qu’elle publie celles où tu apparais, mais en cet instant précis, tu as la flemme.

CODAGE PAR JFB / Contry.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Mar 7 Mar - 10:08 (#)

Lorsque l’on s’extrait de l’emprise du temps, il y a bien des choses qui perdent de leur superbe. Les loisirs deviennent futiles, la propriété privée accessoire, les plaisirs anecdotiques. Mais la musique, elle conserve son pouvoir. Elle est sur cette planète depuis bientôt 250 ans, et les Hommes n’ont pas fini de la surprendre par leur capacité à manipuler les sons. Contrairement aux autres personnes de cette assemblée – ou l’essentiel en tout cas – Myrtle se souvient de la naissance du jazz. Style des indignes, de la jeunesse frivole et rebelle, joué en sourdine dans des clubs cachés. Aujourd’hui, c’est devenu une esthétique de l’élite, déballée sans complexe devant une audience de passionnés.

Vient un moment où l’Immortelle cesse de mitrailler, emportée par la mélodie solitaire du saxophone. Un jeune mortel, au talent brute encore pavé de candeur. La pianiste n’est pas en reste non plus, caressant les touches avec une habile délicatesse. Les notes s’enchainent naturellement, tricotant sa ligne de perles autour des accents du cuivre. La contrebasse ponctue les temps avec chaleur, les ballets du batteur griffent peaux et cymbales avec la juste intensité. C’est un bon concert.

Lorsque les lumières se rallument, l’audience toute entière semble émerger de la même transe onirique. Les applaudissements arrivent, nourris, et Myrtle en profite pour capturer cet instant de satisfaction populaire. Elle n’aime certes pas trop la proximité de la foule et les milles fragrances mêlées dans ce repère de mortels, mais elle doit reconnaître qu’il y a pire comme sujet. Du regard, l’Anglaise avise son Marqué, qui s’est levé et attend le bon moment pour se frayer un chemin jusqu’à l’orchestre. Il a pour mission de dresser quelques portraits singuliers de la scène jazz de Shreveport, alors il doit décrocher quelques interviews. Ça, c’est son travail. L’Immortelle n’a plus qu’à attendre qu’il la sollicite pour tirer quelques portraits.

D’ici là, elle se fait oublier, comme à son habitude, et navigue tel une ombre jusqu’à se positionner à proximité de la sortie des artistes. Là, elle attend tout en examinant les clichés qu’elle a pris sur le petit écran de son appareil. Myrtle entend la pianiste avant de la voir. Elle dégage une forme de prestance naturelle, inhabituelle pour une simple mortelle.

- Vous avez un très beau jeu, glisse-t-elle pour attirer son attention.

Ses prunelles glacés par les années rencontrent celles de la musicienne. L’Immortelle tente de la décrypter, d’y lire une partie de ce que les apparences ne disent pas. Néanmoins, le compliment est sincère : nombreux sont les artistes qui confondent technique et virtuosité. Il y a les gammes, la partition, et il y a l’âme. Son homologue l’a bien compris, et assimilé.

- Le jazz n’est pas ma spécialité, je le confesse, précise Myrtle sur le ton de la conversation. Mais je sais reconnaître une bonne pianiste, elle esquisse un sourire de connivence, mon collègue doit écrire un article sur les formations de la ville. Je crois qu’il a jeté son dévolu sur votre saxophoniste, ses yeux coulent vers Charlie, qui abreuve déjà le jeune soufflant de questions à l’autre bout de la salle bondée, mais… ce serait dommage de rater votre profil. Qu’en dites-vous ?
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Jeu 16 Mar - 22:43 (#)



Sur un air de jazz
Dereck's Piano Bar, Downtown Shreveport, Septembre 2021
ft. Myrtle



U
n peu d’air, pour respirer autre chose qu’un cocktail d’haleines et de moiteur, c’est tout ce qui te fait envie à cet instant. Tu es une femme simple, qui veut des choses simples. T’éloigner des vapeurs d’alcool qui se sont faites plus pugnaces depuis la Marque, et qui agitent encore les sombres démons pourtant cachés sous le tapis. Des semaines maintenant depuis cette rechute unique l’espace d’une soirée tragique, mais elle garde toujours un parfum amer que pourtant tu meurs d’envie de goûter à nouveau.
Il y a une porte de service, à l’arrière de la salle, qui te permettrait de prendre ta bouffée d’air sans avoir à fendre la foule compacte et doucement tumultueuse des clients du bar. S’il y a quelque chose que tu fuis plus que leur odeur, c’est bel et bien leur contact. Tu descends alors de l’estrade avec agilité, discrétion peut-être même, et te diriges vers ton graal volatile. Tu aurais envie de dire transparent et inodore, mais la ville pue elle aussi. Seulement, à cette heure, c’est une puanteur plus rafraîchissante que celle de l’intérieur.

Et dire que tu avais fait semblant de ne pas la voir… Dommage. La photographe qui avait déjà attiré ton attention avec les cliquetis machinaux de son appareil garde la porte comme une sorte de cerbère aux lèvres roses et au teint poudré.
N’importe qui aurait accordé un merci et un sourire de circonstances à son compliment, mais la répression de tes instincts belliqueux ne te rend pas commune pour autant. Un regard fugace, un haussement d’épaules et une main sur la poignée de la porte. Elle continue, mais aucun mot ni potentiel sous-entendu ne pique ton intérêt, et on ne peut pas dire que ton visage respire la sympathie une fois le frisson de l’Art retombé et évacué par l’extrémité de tes membres. Tu accordes un deuxième échange de regards à la photographe avant de finalement pousser la porte.

- J’en dis que déjà, j’ai envie d’air.

Qu’elle te suive si elle veut, tu ne t’en vas pas de toutes façons. Tu as laissé quelques affaires sur scène, dont ta veste. Quelques pas en plus pour aller t’adosser au mur de briques de la ruelle faiblement éclairée, et tu prends enfin cette grande inspiration dont tu manquais tant. Ensuite, un long soupir, et finalement une réponse.

- Et non, pas de portrait. Demandez plutôt à Sam ou à Danny.

Peut-être avec un peu de désespoir, tu te penches dans l’encadrement de la porte en cherchant les deux derniers musiciens du groupe des yeux ; en vain. Jamais là quand on a besoin d’eux. Quelque part, c’est ironique de chercher d’autres êtres humains pour te sauver d’un contact social. D’un geste du coude, tu caches un bâillement, et d’une main, tu te pinces l’arrête du nez comme ce geste allait dissiper magiquement ne serait-ce qu’une once de la fatigue que tu as accumulée ces dernières semaines, sinon ces derniers mois.

- Ce qui m’intéresse, c’est que les gens m’écoutent. Rien à foutre qu’ils me regardent. Je dirais même que je préfèrerais qu’ils le fassent pas, mais je me fais pas trop d’illusion.

Oh, tu ne nies pas qu’on puisse faire des photos d’Art, mais si c’est là son intention, elle va devoir se montrer persuasive. Mais au moins, elle aurait une chance ; si ses photos n’ont vocation qu’à illustrer un article sans doute médiocre et inintéressant, à ce moment là elle n’en aurait aucune. Mais elle semble différente, d’une certaine manière que tu ne saurais pas décrire même si ta vie en dépendait. C’est sans doute ça qui te laisse imaginer, entrevoir, qu’elle pourrait être capable de te laisser changer d’avis le temps d’une paire de clichés.

CODAGE PAR JFB / Contry.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
Dim 19 Mar - 15:39 (#)

Dans l’immédiat, Myrtle ne répond pas. La pianiste a besoin de son « air » post-scène, et ça peut se comprendre. Elle est bien placée pour savoir que chacun à ses habitudes et ses rituels après un concert, les musiciens sont pointilleux et… capricieux. Mutique, l’Immortelle détaille donc la femme qui l’envoie tout bonnement sur les roses – et pas avec la manière. Au moins, elle ne déroge pas à la réputation des instrumentistes de jazz, qui les décrit comme particulièrement prétentieux. Et s’il y a bien quelque chose qui agace l’Anglaise, ce sont les mortels qui prennent la grosse tête. Quand on connait si peu de la vie, on devrait avoir l’humilité comme compas, en toute circonstance, mais… l’humain était déjà bête à son époque. Aucune raison que ça change.

- Je comprends, réponds poliment Myrtle – elle travaille après-tout, elle ne peut pas juste la renvoyer dans les cordes, je ne vous survendrai pas nos articles – mon patron adorerait que je le fasse – mais je peux vous assurer que nous sommes « sérieux ».

Et là-dessus, elle peut témoigner : la presse, elle l’a vue évoluer en 200 ans. Des bons journaux, des torchons, des clandestins, des superficiels, elle a lu de tout. Le numérique, c’est une nouvelle étape. Elle aurait probablement fait fantasmer les scribouillards du siècle passé, écrasés par des deadlines impossibles à tenir à la machine à écrire, mais cet outil aurait aussi horrifié plus d’un puriste qui vivaient d’encre et de papier. Bref, le support n’est rien, seul le contenu compte.

- Et si je puis me permettre, nous sommes en Louisiane : nous avons un lectorat pour le jazz. Voyez ça comme… une opportunité qu’encore plus de monde vienne vous écouter.

Un sourire de connivence, sans joie, fend son visage. Myrtle n’en fera pas plus : son job ne consiste pas à forcer, et encore moins à mendier les interviews ; pas pour ce genre de sujet en tout cas, et surtout alors qu’elle n’est que photographe. D’un coup d’œil, elle embrasse la nuit qui les surplombe, puis adresse un signe de tête aimable à la pianiste.

- Je vous laisse respirer, vous pouvez venir me trouver si vous changer d’avis.

Là-dessus, elle s’éclipse pour retrouver l’intérieur de l’établissement, moite de la chaleur de tous ses occupants. Peut-être devrait-elle se cantonner à son rôle et envoyer Charlie à la pêche ? Après tout, il a plus d’expérience en la matière, et c’est un homme. Un bel homme, qui plus est. Il aura sans doute les mots pour dérider une jeune femme talentueuse mais revêche…

Pendant quelques temps, l’Immortelle tente de se faire oublier pour mitrailler. Les clichés d’ambiance s’enchainent, plus par occupation que par besoin ; elle final, elle n’en gardera qu’une ou deux. Mais son acolyte semble en plein échange fleuve avec le reste des musiciens et elle s’est déjà fait proposé trois verres. Sachant que terrifier les prétendants ne fait pas partie des options possibles, et qu’elle doit rester pour Charlie, travailler est son meilleur alibi pour décliner les invitations audacieuses.

Au final, Myrtle demande au propriétaire la permission de monter sur scène pour photographier les instruments – sans rien toucher, bien sûr. Il y a toujours du beau dans les plans de scène au repos, comme une épopée qui n’attend que le bon moment pour se dérouler. L’imagination fait alors le reste, et elle le fait bien. Sa star, c’est évidemment le piano. Difficile de résister à la tentation d’y laisser glisser les doigts…
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
(#)

Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» MORE OF THAT JAZZ - Anna, Heidi & Anaïs
» Hello, stranger • Heidi
» Toi non plus | Connor & Heidi
» OUT OF OUR OWN - Heidi & Anaïs
» Goodbye || Heidi

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-
Sauter vers: