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En apesanteur | Fadia & Heidi

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Ven 4 Juin - 23:04 (#)



En apesanteur
EEA Fondation, Novembre 2020
ft. Fadia El Mabrouk



T
u n’aimes pas les gens.


Tu n’aimes pas les gens.

On peut bien te traiter de misanthrope ou d’handicapée sociale, tu t’en fiches pas mal ; toi, tu n’aimes pas les gens. Tu ne les as jamais aimés et bien vite, ce sentiment n’a plus cessé de gagner en réciprocité. Les gens ont en eux la pire des manies : celle de ne jamais cesser d’être. A chaque détour, à chaque instant, les gens sont là, invisibles et muets et pourtant si imposants et bruyants. Les gens n’ont pas de mémoire. Rien dans la masse informe que sont les gens n’a de souvenir des cris étouffés que tu n’as de cesse de leur lancer. Des cris de colère, ou des cris de détresse ; les gens sont sourds. Les gens ne sont pas justes. Les gens ne sont pas gentils. Les gens n’ont pas de pitié. Les gens écrasent. Les gens ignorent et les gens oublient, à tel point qu’il est difficile de savoir si les gens ont un jour su que tu existes ou alors si le souvenir ton existence se noie à chaque fois que tu parviens à fuir les gens.
Toi, tu ne fais pas partie des gens. C’est peut-être même la plus grande de tes peurs. Être un visage anonyme et oubliable, noyé dans une foule d’autres visages anonymes et oubliables, c’est une pensée terrifiante. Qu’est-ce que tu veux sinon exister ? Les gens, eux, n’existent pas. Ils naissent et meurent en un battement de cil sous tes yeux que la fatigue a injectés de sang.

Ce que tu détestes le plus chez les gens, c’est peut-être quand ils ont l’air heureux. Peu importe où tu regardes, tu croiseras forcément un sourire. Tu as beau en esquiver un des yeux, un autre t’assaille presque aussitôt. Un sourire en appelle un autre, mais toi tu n’as pas envie de sourire. Pas aux gens. Les gens heureux t’accablent de ne pas l’être. Tu marches en silence, évitant les sourires autant que possible, mais il est impossible de se prémunir de cette pression si étouffante. Dites moi comment faire si c’est si facile. Tu ne te sens jamais aussi étrangère que dans la foule ; une apatride à qui on refuse d’ouvrir les portes d’un pays que tu ne souhaites pas rejoindre de toutes façons. A quoi bon les jalouser alors ? Parce qu’ils te narguent et que ça te met en colère. Parce que tu n’auras jamais ce qu’ils ont. Parce que tu as peur de faire partie des gens.

A peine arrivée à la fondation, tu regrettes déjà d’être sortie du bus. Dans le hall du bâtiment se tient un forum faisant la part belle à nombre d’associations à vocation caritative. Partout, les gens sont en effervescence, en quête d’une âme noble à émouvoir en parlant à cette organe dont tu es dépourvue et qu’ils appellent humanité. L’atmosphère de la salle te prend aux tripes tant elle est puissante ; elle te hurle que tu n’es pas comme eux alors que tu ne demandes rien d’autre que le silence. En vérité, les gens n’ont pas grand-chose à faire de toi, puisqu’ils t’auront oubliée à peine après que tu aies esquivé leur sourire ; tu le sais, et pourtant tu te maudits d’avoir si mal en traversant cette houle qui semble vouloir déformer d’angoisse le moindre muscle de ton dos.
Les yeux rivés sur le sol de marbre, tu te précipites en direction de l’ascenseur. Ce que tu es venue chercher se trouve quelques étages plus haut : une carte prépayée gracieusement offerte tous les mois par ta marraine pour que tu maintiennes tant bien que mal une alimentation saine.

Les lourds battants de métal chromé s’apprêtent à se refermer mais tu parviens à te glisser à l’intérieur de la cabine à temps. C’est un réel soulagement, au point d’en lâcher un discret soupir. Tu aurais certes préféré être seule, mais la compagnie d’une seule personne n’est jamais pire que celle de la foule. Et puis, elle n’est que temporaire. Un peu machinalement, tu tends le bras pour appuyer sur le bouton de l’étage qui t’intéresse et te retires ensuite au fond de la cabine alors que celui-ci s’illumine d’une subtile lumière tirant sur le jaune. Lentement, tu sens la machinerie se mettre en marche et vous tirer vers le haut, toi et l’autre personne à qui tu n’as même pas adressé un regard.
Tête baissée, tu tentes de te laver par l’esprit de la crispation engendrée par ta traversée du hall. La cabine essuie un léger soubresaut, inhabituel mais elle continue de monter. Puis, un deuxième ; l’ampoule trésaille en même temps cette fois ci mais les suppliques de l’acier font bien comprendre que quelque chose cloche. Tes yeux font rapidement le tour de la cabine, mais à l’intérieur tout semble normal. Le voyant lumineux indique que vous êtes bien au dessus du sol, entre deux étages, mais que vous continuez de monter.
Un troisième soubresaut, et la lumière s’absente de longues secondes. Tu ne sens plus la sensation particulière de la montée ; êtes vous à l’arrêt ? La lumière se décide enfin à revenir, mais elle ne semble pas vouloir faire reprendre votre ascension. Les secondes passent, mais toujours rien. Il semblerait que vous soyez prisonnières du ventre de ce monstre de ferraille lustrée.

Fait chier.

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Lun 7 Juin - 12:27 (#)

Heidi
&
Fadia
en apesanteur
T
Fondation EEA, novembre 2020
u souris à la remarque de l’étudiant avec lequel tu échanges depuis quelques minutes. Tu te rappelles, il n’y a pas si longtemps, tes propres pas dans la faculté où tu as fait tes études. Cette manière incroyablement naïve, alors, de voir le monde. Il te rappelle qui tu as été, avant de découvrir un monde plus vaste, une jeune écervelée, dirait ta tante. Il rêve de voyage, mais n’en a pas les moyens ; probablement n’en aura-t-il jamais les moyens.

Voyager ne veut pas dire partir loin. te rabâchait le vieil homme dans l’appartement au-dessus de celui de ta tante. Voyager, c’est avant tout découvrir, et tu serais surprise de tout ce que tu peux découvrir à si peu de pas de chez toi.  C’est ce que tu répètes à ce jeune homme, en quête de racines. La conversation a eu peu évolué, ce n’est pas pour ça que tu es présente au stand du forum, mais tu ne peux t’empêcher, Fadia, d’écouter ce que les autres ont à dire. Autant d’expériences et de vies vécues. Il s’appelle Jim, un diminutif de Jiminy, et il est américain, comme ses parents avant lui. Ce que beaucoup refusent de voir. Il rêve d’ailleurs, d’un monde où il n’a pas à vivre dans la peur. Un monde dans lequel tu aimerais vivre, aussi.

Tu as souris, quand il t’a demandé si tu étais libre pour discuter après le forum. Cette jeunesse insouciante, pleine d’entrain, capable de voir au-delà du prisme réducteur qui s’applique parfois.

- Ça aurait été avec plaisir, Jim, mais j’ai beaucoup à faire malheureusement. A peine partie du forum, tu iras te changer pour prendre ton poste au restaurant. Il n’en prend pas ombrage, bien que tu puisses lire la déception sur son visage. La tendresse dans tes gestes le détend un peu, lui qui était venu pour se renseigner sur des aides sociales, qui s’est arrêté au stand du dispensaire par curiosité, pour un problème dans sa famille. Jim, un futur ingénieur, qui rêve de partir loin, de devenir assez riche pour entretenir ses parents et sa fratrie dont il est l’ainé. Si nous devions nous recroiser un jour, ce serait avec plaisir.

Un peu plus léger, il prend ensuite congé. Tu t’assieds alors, derrière ton stand. Ils sont nombreux, à ne pas réussir à joindre les deux bouts, d’élèves sérieux au futur prometteur, la relève du monde.

- Tu en as encore trop fait. commente l’autre personne du stand du dispensaire. On n’est pas là pour ça. ça, entends-tu dans sa bouche, condescendante. Tu balayes la pièce du regard, te sers un verre d’eau, hydrater cette bouche sèche à force de parler.

- Je fais ce pour quoi nous sommes là. La fondation nous accueille, autant en parler également. commentes-tu, lasse de ses réflexions. Cette femme, ta collègue, une bénévole également. Tu te demandes parfois pourquoi est-elle là, elle qui passe son temps à juger les autres, à se comparer à des vies dont elle ne sait rien. Pour se donner bonne conscience, peut-être ? Elle fait partie de ses personnes que tu ne comprends pas.

- Mouais… Ils ont leur stand, laisse les se débrouiller. Ton regard se porte sur elle, les yeux rivés sur son téléphone. Elle n’a pas la même fibre que toi pour les gens, elle n’entend pas, ne voit pas, ne s’intéresse pas. Malgré tout, elle reste une excellente conseillère quand elle le veut ; elle sait gérer l’urgence. Combien de fois t’a-t-elle aidé, au milieu d’une nuit de garde, à gérer les comportements violents ou exécrables ?

- Je vais aller déposer son dossier, même si c’est trop.  Tu te lèves, emportant avec toi les papiers que Jim a laissé sur le stand. Au fil de la discussion, il t’a dit ne pas savoir comment remplir les formulaires, alors tu l’as aidé, puis il a du partir, retourner en classe. Alors, tu t’es proposée d’aller le déposer à l’étage correspondant. L’après-midi, c’est toujours un peu plus calme.

- Ok. répond ta camarade, suivi d’une bulle de chewing-gum. Elle n’a pas dû écouter.

Le stand du dispensaire n’est pas le plus actif. Certains autres sont bien plus occupés que vous, dispensant les bons conseils à ceux qui en ont besoin. Tu avais un petit peur, au démarrage, en voyant cette tour blanche, moderne. Tu avais peur que tout soit aseptisé, que l’on nous cantonne à vos stands et que les visiteurs ne soient que des opportunistes venus se conforter dans leur prestige relatif.

Au contraire, la présence de l’université à proximité rend cette journée intéressante, permet de réels échanges. Finalement, tu as bien fait de t’inscrire, malgré la difficulté que tu vas avoir ce soir à assurer le service.

L’ascenseur ouvre ses portes, dans un silence surprenant, comparé à la vieil breloque de ta tour. Le calme à l’intérieur est reposant. Tu appuies sur l’étage où les dossiers sociaux sont à déposer. Tandis que les portes se referment, tu vois une main se glisser, in-extremis, faisant s’ouvrir à nouveau les portes silencieuses. Elle entre dans l’ascenseur, et tu salues d’un geste discret de la tête. Son visage n’est pas inconnu, mais tu n’as pas le temps de l’examiner plus que ça que la jeune femme prend place devant toi, sans un regard, sans un salut.

Les portes se ferment sans être interrompue, et vous voilà partie dans les étages du colosse de métal et de verre. Tu passes en revue les lignes écrites par l’étudiant, aux lignes obliques, étirées. Une belle écriture, d’une main pourtant habituée à écrire vite.

Ta lecture est interrompue par un petit soubresaut, que tu remarques à peine. Il n’est rien comparé au grondement assourdissant des chaînes de celui des Kingstons, à leur grincement sinistre et aux arrêts toujours plus saccadés. Pourtant, lors du deuxième cahot, tu lèves les yeux, vers l’ampoule incertaine. Plus fort, la troisième secousse vous plonge, ta camarade et toi, dans l’obscurité.

Quelques secondes avant que la lumière ne revienne, mais l’ascenseur ne redémarre pas. L’autre femme ne semble pas réagir tout de suite. Tu t’avances alors d’un pas, appuyant sur la petite cloche, une touche que tu supposes peu utilisée par ici, à l’inverse de celui des Kingston. On y prend l’ascenseur quand on n’a pas le choix ; ou que l’on aime le goût du risque.

En t’avançant, et passant la main, tu revois le visage de l’autre prisonnière. Le visage t’es définitivement familier. Sans un salut. La mémoire te revient, et tu revois ce visage, te croiser dans les escaliers des Kingston, toujours pressée, parfois avec un étui sous le bras. Tu n’as jamais su son prénom, puisqu’elle n’a jamais daigné répondre à tes salutations.

Tu presses le bouton, qui ne semble pas réagir non plus. C’est bien votre veine, à toutes les deux. Tu le presses une seconde fois, toujours pas de réponse.

- C’est notre jour de chance, on dirait… Dis-tu, à moitié pour toi, à moitié pour l’ancienne voisine. Gardant ta place, tu passes les mains sur les poches de ton jean, pour réaliser que ton téléphone est resté au stand.

- Excusez-moi, vous auriez votre téléphone ? Le bouton d’appel ne semble pas réagir non plus. Tu gardes un sourire discret sur les lèvres. Pas de panique à avoir, ce n’est qu’un ascenseur coincé, rien de bien méchant, juste un petit peu frustrant.

>> Au moins, l’appel d’urgence fonctionne aux Kingstons, n’est-ce pas ? Tu tentes de blaguer, pour détendre l’atmosphère. Certaines personnes ne supportent pas d’être enfermée ainsi, ils paniquent rapidement. Par prévention, alors, tu montres que tu es là, calmement, et qu’il n’y a pas de raisons de s’énerver.


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Mar 8 Juin - 22:08 (#)



En apesanteur
EEA Fondation, Novembre 2020
ft. Fadia El Mabrouk



G
érer la colère et la frustration n’a jamais fait partie de ton maigre arsenal de compétences, et pourtant il ne serait pas très audacieux de dire que tu en aurais eu besoin tout au cours de ta vie. Que tu en as toujours besoin, aussi. Pas faute d’avoir fait montre de tes problèmes depuis toute petite, mais jamais tes parents n’ont daigné les prendre en considération. Enfant capricieuse et ingrate, tu aurais tout de même pu être un peu reconnaissante envers cette famille qui a toujours vu tes manifestations de rage chagrinée comme un fléau abattant un voile de honte sur votre nom. Encore toute jeune, quelques personnes à ton école se sont inquiétées de ton état psychologique ; il semblait tout à fait évident que tu n’arrivais pas à trouver tes marques dans le monde.
Heidi n’a pas besoin d’un psychiatre, elle a besoin de discipline !
Heidi n’a pas besoin d’aide, elle a seulement besoin qu’on lui rappelle tous les jours de sa vie qu’elle a un problème et qu’elle n’aura jamais droit à autre chose que l’humiliation et le mépris. Alors soit, tu n’as pas besoin d’aide ; si tes parents le disent, c’est que ça doit être vrai. Si seulement c’était ta mère qui avait été infidèle.
En ce moment, tu es frustrée et en colère. Tu aimerais savoir le gérer.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi toi ? Pourquoi elle ? Pourquoi vous deux ? Tu fermes les yeux et serres les poings en hurlant intérieurement à l’ascenseur de redémarrer. En vain, évidemment. Et comme si ta seule voix intérieure fulminant déjà n’était pas suffisante, l’autre fille se décide à briser le silence. Tu reconnais sa voix. Tu lèves la tête après avoir rouvert les yeux en serrant la mâchoire ; tu reconnais aussi son visage. Une tête familière pour une voix familière à laquelle tu n’a jamais daigné répondre et à qui tu n’aurais toujours pas plus répondu si vous n’étiez pas coincées dans un ascenseur.
Dans un premier temps, tu te retiens de lui renvoyer son ironie à la figure dans une courte diatribe chargée de toute la haine que tu commences à accumuler depuis que les lumières se sont rallumées.
Respire. Tu ne veux pas te donner en spectacle, pas ici, pas dans un endroit où c’est Elinor que tu embarrasserais par la même occasion. Alors respire un grand coup et garde tes mots pour toi, qu’ils ne résonnent qu’à l’intérieur de ton crâne. Tu te voyais pourtant déjà tambouriner furieusement contre les parois de votre cage d’acier. Respire. Ça va aller, tu aurais seulement aimé être seule pour ne pas avoir à le feindre.

Les Kingstons. Voilà d’où tu la connais. Autant dire que le souvenir de ces années passées dans ce trou à rat ne remontent jamais avec plaisir. Si tu les as quittés, c’est pour une raison, et elle devrait en faire de même. Mais en attendant, tu n’as jamais supporté ses sourires dissonant avec la crasse incrustée si profondément dans les murs qui lui faisaient dos dans votre cage d’escaliers à l’époque où tu pouvais encore l’ignorer. Comment sourire là-bas ?

Respire.

« J’habite plus aux Kingstons, et c’est beaucoup mieux comme ça. »

Le ton de ta voix est sec, voire cinglant. Il ne suffit pas à dissimuler toute l’amertume des sentiments que tu tentes de cacher. Rien de si personnel que ça, en tous cas elle sera peut-être contente que tu sois restée muette à chacune de vos rencontres précédentes si ça avait été pour lui parler de cette manière.
Après un nouveau long moment de silence, tu finis par arriver à sortir ton téléphone comme elle te le demande. Tu ne vois pas d’autre moyen de sortir de là rapidement, alors tu vas devoir coopérer malgré tous les efforts que ça risque de te demander. Un bref regard pour vérifier l’heure et tu le déverrouilles puis l’envoies sans préavis à l’autre prisonnière.

« Tiens. »

Tu ne crains pas vraiment pour ton téléphone. Des années que tu ne l’as pas changé, il a la vitre brisée et a déjà vu bien assez de chutes pour qu’une de plus ou une de moins soit significative. Il est un peu à ton image, c’est peut-être pour ça que tu ne le changes pas. Et aussi un peu parce que tu n’en as pas les moyens.
Sur l’écran fissuré s’affiche ton répertoire. Pas vraiment fourni.

===
Casey
Elinor
La barjo
Maman
Xanthe
===


« Tu vas appeler qui ? »

Il y a peut-être le numéro de la société de maintenance quelque part sur le panneau. Au moins, tu es bien contente de ne pas avoir à passer le coup de fil toi-même. Tu anticipes tout de même déjà ton énervement grimper d’un cran lorsque tu l’entendras être toute tendre au téléphone. Tu es au moins aussi crispée qu’en entrant de la cabine, et ça ne te plaît que très peu.

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Mer 9 Juin - 7:13 (#)

Heidi
&
Fadia
en apesanteur
L’expression de ton interlocutrice passe par un panel complet d’émotion, du désarroi à la colère, avec un soupçon de surprise. Tu n’imputes pas spécialement ça à ta présence ; le simple fait d’être coincée dans l’ascenseur est un rien désagréable. Tu supposes, malgré tout, qu’elle n’est pas le genre de personne à aimer bavarder avec la première venue, mais plutôt du style à vivre constamment dans sa bulle.

Tu découvres enfin sa voix, pleine d’amertume, de colère. Il en faudrait plus pour te mettre mal à l’aise, que quelques remarques acérées sur le quartier où tu résides. Le sourire ne quitte pas la commissure de tes lèvres ; plus que les mots qui se veulent tranchants, tu t’enchantes d’obtenir une réponse. Si j’avais su, j’aurais bloqué un ascenseur plus tôt, penses-tu, dans cette expression si chère à un de tes anciens professeurs.

J’en suis ravi pour vous. Réponds-tu de la même voix calme, sans fioriture quelconque, tout en saisissant le téléphone qu’elle te tend après quelques secondes de réflexions silencieuses. Le téléphone semble sortir d’une zone de guerre, avec son écran fêlé et les coins abimés. Le répertoire est maigre, mais tu ne t’y intéresses pas. A force de partager, tu as appris à ne pas regarder, à l’instar du dossier de Jim, dont tu as déjà oublié certains détails qui n’intéressent que lui et sa famille.

Il y a le numéro de la société à côté de l’appel d’urgence. Tu réponds tout en t’agenouillant pour mieux voir, l’information se trouvant à mi-hauteur. Il ne devrait pas y avoir de problème. Tout en pianotant les chiffres sur l’écran fêlé, tu ne peux t’empêcher de penser à la jeune femme. S’est-il passe quelque chose aux Kingston pour qu’elle souhaite en partir à toute allure ? Ce n’est certes pas un coin très chic de la ville, mais les appartements sont suffisants. Les idées s’envolent tandis que l’appareil rejoint ton oreille et que tu te redresses, prenant position dans un coin de la petite pièce, laissant de l’espace à ta camarade d’infortune.

Bonjour madame, je suis actuellement dans un ascenseur à l’EEA Fondation, mais celui-ci s’est malheureusement bloqué, nous sommes deux à l’intérieur. T’appuyant contre la rambarde, tu ramènes ta main sous ton coude, pour supporter celui qui tiens le téléphone, le dossier calé sous le bras. Quelques minutes à peine, j’ai tenté le bouton d’appel d’urgence plusieurs fois, en le laissant bien appuyer, mais il ne répond pas. Ton regard vagabonde dans la pièce, cherchant quelque chose à ajouter qui pourrait aider.

D’accord. Par contre, ce n’est pas mon téléphone. Tu as un mouvement de tête en direction de la jeune femme. Hum... D'accord. C’est Fadia El Mabrouk. E-L, un espace, Mabrouk, oui. Non, pas Faida, Fadia. Oui, c'est ça; Parfait, je vous remercie. Passez une bonne journée.  Tu raccroches. Un instant, tu hésites, puis ton attention se porte à nouveau sur l’autre passagère.

Ils seront là d’ici une vingtaine de minutes. Comme je ne connais pas ton prénom, j’ai donné le mien. Tu lui tends à nouveau son téléphone. Si un numéro que tu ne connais pas t’appelle d’ici peu, je décrocherai. Tu souris simplement puis reprend ta place contre la barrière.

Ton inlassable envie d’aider qui reprend le pas. Tes mains se joignent dans ton dos, et tu as une prière pour le Tout-Miséricordieux, lui porter un mot pour Jiminy et ses problèmes, pour l’ascenseur en panne. Fervente, tu ne demandes rien de particulier dans ta prière, simplement tu parles. Tes yeux se ferment un instant, tandis que tu psalmodies ces mots que tu connais par cœur. L’arabe glisse sur tes lèvres avec félicité, véritable soie pour ta langue. Tu retiens pourtant les mots dans ta bouche, laissant l’air s’échapper sans les syllabes et consonnes. Tu as appris à dissimuler ce trait, afin d’éviter l’agression. Tu te moques des remarques et des regards obligés, chargés de haine envers les mots d’amour. Quelques fois, si la chance n’avait été de ton côté, tu sais que cela aurait pu mal finir pour toi. Soupirant longuement une fois fini, tu reviens dans le monde réel.

Tu te plais plus où tu es maintenant, alors ? C'est important d'être à l'aise là où on habite. Tu as hésité un instant, à reprendre la conversation. Elle n’est pas du style à discuter pour ne rien dire visiblement, mais tu sais par expérience que certaines personnes ont juste besoin d’exprimer ce qui tourne à l’intérieur de leur tête. Parfois, cela arrive quand la coupe est pleine, qu’il n’y a plus de place pour rien emmagasiner. Des moments qui virent parfois au drame, quand la fureur et la rage ont pris toute la place. Parfois, il suffit d’en laisser s’échapper un peu pour aller mieux. Peut-être est-ce le cas de cette personne.

Si elle te répond, tant mieux, c’est que tu as peut-être vu juste, et tu seras ravie d’être cette inconnue qui lui permet de vider la coupe de ses pensées qui papillonnent. Sinon, dommage, et vous passerez les dix-huit minutes suivantes à vous ignorer superbement, réduites à être deux statues vivantes avec pour seul public l’œil de verre qui surveille depuis le panneau de sélection des étages.
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Ven 11 Juin - 16:24 (#)



En apesanteur
EEA Fondation, Novembre 2020
ft. Fadia El Mabrouk



D
éjà fatiguée par une journée à peine entamée, tu te laisses glisser sans conviction contre la faux bois qui tapisse les parois de l’ascenseur. Tu t’assois nonchalamment dans ton coin de la cabine, les genoux rabattus contre la poitrine et la tête plongée dans cette petite bulle sombre dont tu connais les moindres recoins. On pourrait croire que c’est l’angoisse qui te fait te recroqueviller de la sorte, et ça aurait été vrai il y a de ça encore quelques années, mais aujourd’hui il s’agit plus d’une tentative de calmer les éruptions de susceptibilité qui font rage en ton sein. Ton désir le plus profond à cet instant précis est d’être seule ; dans ces cas là, le moindre rappel que ça n’est pas le cas ne fait que déchaîner plus les ardeurs que tu t’efforces tant bien que mal de garder intérieures.
Les méchants ne s’offusquent pas qu’on les envoie balader et que l’on rejette leur présence, ils acceptent de ne pas être désirés ni tolérés ; les gentils, eux, ne sont pas capables de comprendre que l’on ne puisse pas vouloir d’eux. Ils sont incapables de comprendre en quoi on peut préférer le vide à leurs intentions malhabiles et c’est bien trop souvent ceux de ton espèce que l’on blâmera pour ne pas avoir su accepter leur chaleur étouffante.

« Mh. »

Le seul son capable de s’échapper de tes cordes vocales enserrées par une situation qui ne veut pas se régler d’elle-même. Pourquoi est-ce que l’ascenseur ne bouge plus ? Pourquoi ? Cette question inonde ton esprit et se réverbère au point d’en devenir un bourdon assourdissant. Du sommeil, tu veux dormir. Tu ne veux plus avoir à supporter les hordes de désagréments mineurs du monde réel qui s’agglomèrent en un fardeau impossible à délester de tes épaules.
Tu te concentres sur ta respiration pendant toute la durée du coup de fil. Comme tu l’avais anticipé, sa voix t’irrite ainsi que toute la bienveillance qui l’enrobe. Ces gens là ne se mettent-ils jamais en colère ? Ne serait-ce qu’un peu ? Vingt minutes à attendre, coincée entre six panneaux d’acier avec cette Fadia. Pourquoi leur souhaiter une bonne journée si la votre est entachée par des tracas imprévus ? Autant vous souhaiter à vous une bonne journée. Ferme les yeux et respire.

Tu relèves finalement la tête lorsque Fadia raccroche et s’adresse de nouveau à toi en te tendant ton téléphone.Tes yeux reflètent la lassitude douloureuse des sentiments que tu essaies de canaliser et de lui épargner, mais tu les détournes rapidement des siens après lui avoir répondu.

« Garde le, personne va m’appeler. Tu me le rendras en sortant. »

En disant qu’elle ne connaît pas ton nom, tu devines qu’il s’agit d’une manière détournée de te le demander. Peu importe, tu n’aimes toujours pas le donner et tu ne vois pas à quoi ça l’avancerait de le connaître. Avec ou sans prénom, tu restes la garce avec qui elle est coincée pour les vingt prochaines minutes et ça ne fera pas changer ton comportement.

Un nouveau silence s’abat avec délicatesse dans la cabine ; un silence salvateur puisqu’il te permet de prendre le temps de repousser un peu plus les assauts de ta mauvaise humeur qui eux ne cessent de progresser même lorsque tu parles. Un discret soupir t’échappe en même temps que l’autre prisonnière brise à nouveau le calme si fragile qui régnait ici, à quelques mètres au dessus du sol. Tu mets de longues secondes à décider si tu vas lui répondre ou pas, et encore d’autres à choisir les mots que tu délivreras sans même lui adresser un regard.

« Tu te plais aux Kingstons, toi ? »

Tu laisses tes mots peser quelques instants dans l’air, ceux que tu as troqués à la dernière minute contre d’autres qui auraient mis fin derechef à cet embryon de discussion. Personne ne peut vivre là-bas de son plein gré. Les Kingstons, c’est la maison de ceux qui n’ont pas le choix. C’est l’endroit dans lequel on atterri après avoir dévalé toutes les autres marches de l’escalier et qui sape toute envie de remonter en réalisant l’effort titanesque que cela demanderait. Après quelques instants, tu reprends.

« Je sais pas si je suis à l’aise là où je suis maintenant, c’est pas déménager qui va résoudre tous mes problèmes, mais au moins j’ai plus à supporter l’atmosphère fétide de cet endroit. »

Que rajouter de plus ? Te croirait-elle au moins si tu avouais ne pas habiter seule ? Déménager n’a en effet pas résolu tous tes problèmes comme tu l’avais pourtant si naïvement espéré.

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Mar 17 Aoû - 15:05 (#)

Heidi
&
Fadia
en apesanteur
De sa réponse, tu gardes le téléphone en main, le serre contre le dossier administratif. C’est une réponse un petit peu triste, mais il n’y a pas grand-chose à faire sur le sujet. Tu ne réponds pas plus à la jeune femme qui se laisse glisser au sol. A sa manière de parler, tu comprends qu’il n’y a pas grand-chose que tu puisses faire pour communiquer plus. Certaines personnes préfèrent ne pas parler, car ils n’ont rien à dire ; d’autres encore, préfèrent le silence, malgré tout ce qu’ils pourraient avoir à échanger.

Tu te demandes combien de temps mettras la seconde du stand à réagir à ton absence prolongée. Déposer un dossier ne prend que quelques minutes, et tu en as déjà pour vingt à attendre l’arrivée du réparateur. Si elle devait tomber en panne de batterie, peut-être s’inquiétera-t-elle de ta désertion involontaire.

En y pensant, il y a peu de monde pour t’appeler également. La majorité de tes contacts vivent dans une région différente du monde. Le silence se répand dans la pièce, tandis que tu penses à ta tante, à Jim. Il y a pire qu’attendre que l’on vienne vous délivrer d’une prison de métal dans un bâtiment flambant neuf.

Finalement, ce n’est pas toi qui brises le silence, même si les odes étaient en ta faveur. Tu baisses le regard vers l’inconnue, la délivrée des Kingstons. Sa question reste quelques secondes sans réponse, le temps que tu y réfléchisses.

« J’ai un toit, l’eau courante et l’électricité. Un endroit à appeler chez moi, c’est déjà pas mal. » Tu repenses à l’hôtel dans lequel tu as vécu avant d’emménager, à la présence de ses sœurs, qui t’ont permis de ne pas complétement désespérer. Les visites, ensuite, à travers la ville. Les Kingstons ne sont pas le pire endroit de la ville au pont. Tu te rappelles les regards, les bruits, sur Dalzell Street. L’odeur, omniprésente, te faisant presque envier les pires endroits du monde. Un lieu où tout ce qui t’a semblé bon un jour a détourné le regard. Un frisson ne te parcourt rien que d’y repenser. Non, les Kingstons ne sont pas le pire lieu de Shreveport. Tu n’as pas réellement répondu à la question, comme sur la défensive.

« Oui, je m’y plais bien. » Les mains jointent dans le dos, tu repenses à ton voisin du premier étage, M. Rodrigues. Tu repenses aux coups de mains que l’on t’a donné pour monter les meubles, à l’entraide qu’il existe parfois parmi ceux qui n’ont pas grand-chose. « Il y a des choses à faire pour que ça s’améliore plus. » Toute ta vie, tu as vécu dans ce que d’autres appellent la zone, les quartiers défavorisés. Tu n’aimes pas ce mot, défavorisé. Tu pourrais en parler à qui le veut. Oui, la criminalité existe, oui, il y a des défauts, mais quel lieu peut prétendre à la perfection ? Même Dalzell Street doit comporter son lot d’espoir, tu n’y es simplement pas resté assez longtemps. Les Kingstons te rappellent ton propre quartier, là où tu as appris à vivre, à partager. Tu te souviens du regard de ceux qui n'y connaissaient pas la vie, qui te regardait avec pitié, ne connaissant de la vie de quartier ce que la télévision voulait bien leur apprendre : la délinquance et la mort. Jamais l'amour, ni le partage. Tu retrouves de ça dans les propos de l'inconnue ; mais depuis longtemps, tu as appris à ne pas en vouloir à ceux qui peuvent être blessant car ils ignorent.

Lasse de rester debout, tu glisses à ton tour le long de la paroi de l’ascenseur. D’un geste, tu déposes entre toi et elle le dossier ainsi que le téléphone, jusqu’alors muet.

« Même sans rien résoudre, ça permet parfois de prendre un nouveau départ. » Tu accompagnes ta remarque d’un sourire. « Déjà ne plus avoir à se supporter l’atmosphère d’un endroit, ça doit avoir du bon, non ? » Ton accent roule les mots dans ta bouche, tandis que tu cherches à conduire la conversation de manière passive. Tu n’es pas psychologue, et n’a aucune prétention d’aider à mieux se sentir l’autre prisonnière ; mais parfois, se confier, discuter, permet de voir certaines choses jusqu’alors dissimuler, de prendre conscience. Remontant les genoux vers ton buste, tu les enserres de tes coudes et joint tes mains. Dans le creux des deux genoux, tu y déposes ta tête.  

Tu tournes la tête en sa direction, détaillant son visage de ton regard, tandis qu’elle esquive toujours le contact. Elle reste un mystère pour moi, dissimulée derrière cette colère qui l’enivre. Tu as déjà connu ce genre de colère, mais elle reste éphémère en ton sein. Tu plains l’âme qui se perds dans la cacophonie de l’aigreur, l’espère de guérir un jour.

« Déménager, c’est rarement moins de problème, mais ça peut en résoudre un ou deux. Comme arrêter de croiser cette voisine insupportable qui sourit tout le temps. » A nouveau, un sourire vient s’ancrer sur tes lèvres.

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Mer 18 Aoû - 1:25 (#)



En apesanteur
EEA Fondation, Novembre 2020
ft. Fadia El Mabrouk



S
oit elle ment, soit elle vient d’un autre monde. Comment se complaire dans la crasse et l’insalubrité ? Absurde. Tu ne doutais pas qu’il existait des gens capables de se satisfaire de si peu. Toi, tu n’as pas spécialement la folie des grandeurs, tu n’aspires pas spécialement à vivre dans un grand appartement au sommet d’un building avec de grandes baies vitrées et des fauteuils hors de prix comme celui d’Elinor, mais tu revendiques tout du même le droit à un certain confort ; un droit pour lequel tu te bats désespérément depuis des années, faute d’une meilleure raison d’arpenter avec hargne les sillons épineux de la vie.
Cette fille te fait penser à une sorte de machine, programmée pour répondre à chaque phrase qu’on pourrait lui dire la réponse la plus chargée d’optimisme qu’il serait possible d’inventer. Tu y trouves quelque chose de malsain, de faux, d’illusoire. Un mécanisme emprunt de déni, en quelque sorte. Un mécanisme qu’en réalité tu es incapable de comprendre. Ça t’effraie presque un peu, même, de te sentir aussi éloignée d’un autre être humain. Chez toutes les personnes qui ont cherché à te faire du mal pendant ta vie et qui t’on poussée à détester ton propre genre, tu trouvais tout de même en eux quelques sentiments auxquels te raccrocher pour te dire qu’en effet, vous appartenez bien à la même race humaine. De la peine, de la colère, du sadisme ou encore de la tristesse, ce sont des émotions que tu es capable de reconnaitre, à défaut d’en comprendre les causes chez les autres. Chez elle, cependant, tu ne reconnais rien. Vous semblez ne rien avoir en commun, si ce n’est cette prison d’acier. C’est effrayant. Terrifiant, de se sentir à tel point étrangère à ta propre race. C’est énervant, à tel point ça semble naturel pour elle.

C’est vrai que quitter l’atmosphère fétide de ton ancien appartement t’a fait du bien, mais tu n’es pas beaucoup plus à l’aise avec la nouvelle vie en colocation. Elle s’accompagne de nouvelles angoisses, différentes, mais qui démangent toujours autant lorsqu’elles surgissent dans tes pensées.

Elle tente un trait d’humour qui, malheureusement pour elle, ne t’arrache même pas un sourire un coin. Tu tournes un instant la tête vers elle et lui adresse un bref regard en coin avant de rabattre tes yeux sur le sol de l’ascenseur.

« J’aime pas voir les gens sourire. »

Et encore moins dans le miroir, pourrait-on te dire. On l’on aurait raison. Tu es jalouse, c’est vrai, mais le savoir ne résout en rien ce problème, peut-être le plus handicapant de tous ceux que tu traines. Tu jalouses la moindre personne que tu croises tout en les pensant idiotes et méchantes ; tu les jalouses parce qu’elles, contrairement à toi, ont sûrement une famille, des amis, ces choses dont tu as toujours rêvé et auxquelles on t’a toujours refusé le droit. Ce qui tu rend encore plus furieuse, c’est de te dire qu’eux, en retour, ne t’envient pas le moins du monde. Qu’auraient-ils à t’envier ? Tu n’as à offrir au monde qu’un talent discutable pour la musique auquel tu t’es accrochée de toutes tes forces depuis que tu l’as découvert. Et pourtant, même ça, tu trouves le moyen de le déprécier. Tu ne seras jamais aussi douée que tous ces artistes que tu admires, jamais aussi créative, aussi virtuose, aussi instruite et clairvoyante, aussi reconnue. Tu rêves que le monde t’envie comme toi tu envies le monde, mais tu te trouves parfaitement incapable de provoquer ce sentiment par aucun moyen.

« Je sais pas comment vous faites pour avoir envie de sourire autant, merde. Ton regard s’assombrit. Y’a que moi qui ait une vie merdique au point de pas en être capable ? Ou juste je suis pas faite comme les autres ? »

Qu’est-ce qu’elle en sait ? Elle ne te connait pas. Et pourquoi est-ce que tu commences à t’énerver d’ailleurs ? Parce qu’elle t’énerve, avec son sourire. Ce truc à la con qui te pourrit la vie alors qu’il n’y a rien de plus naturel. Tu ne lèves pas la voix, mais on sent glisser entre tes dents un vent de rage sombre. Tu souffles pour toi-même, presque sûre qu’elle ne pourra pas l’entendre.

« C’est quoi mon putain de problème à la fin ? »

Tu fermes les yeux avant que ceux-ci ne rougissent trop, et tu prends une grande inspiration pour te calmer et faire semblant que tu es seule. De toutes les personnes avec qui tu aurais pu te retrouver coincée dans un ascenseur, il a fallu que tu tombes sur une optimiste.


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