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Between Monsters | Emma & Alexandra

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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
Alexandra Zimmer
NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
Célébrité : Rooney Mara
Double compte : Elinor V. Lanuit & Inna Archos
Messages : 1554
Date d'inscription : 28/03/2019
Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Lun 25 Juil - 14:04 (#)



Nuit sordide. Étoiles moches. La cambrousse à la mi-saison.
J’avais une heure d’avance. Assise dans le creux d’un pneu suspendu à la branche d’un vieil arbre, j’ai eu tout le loisir d’admirer les richesses nocturnes de cet endroit laid comme un fond de poubelle. Toute la moisissure humaine était là. Les lumières vacillantes des maisons banales et des bungalows bancals s’étalaient contre les troncs des arbres qui oscillaient sous le vent terreux, telles des cordes de pendus. La brise elle-même puait. Elle râclait le bitume abimé et les allées sales, emportant dans son chemin cette même odeur décrépite et âcre des quartiers de bouseux, miséreux, mal entretenus.
Le terroir version chiottes. Tout cela ressemblait à un furoncle à mon avis. Une verrue humaine que des décennies de copulation débridée avait fait éclater au beau milieu d’une nature autrefois vierge, belle et éclatante de vie. Aujourd’hui, c’était un cloaque. Du moins, à mes yeux. La cloque humaine avait percée, et tout son pus avait suinté sans entraves, en ruisselant sur la terre avec sa rouille, son plastique et ses nombreux vices, toutes des vomissures modernes de la civilisation.

Même les arbres étaient contaminés. Même la terre suintait la faute. Même le temps ne s’écoulait plus correctement ici. J’étais certaine que l’endroit était resté le même depuis des décennies.

Des maisons d’une banalité affreuse. Des préfabriqués bon marché à l’américaine. Des bungalows à l’aspect repoussant et sale. Le tout alternait avec des carcasses de voitures, avachies dans les allées ou les arrière-cours, tous des cadavres pourrissant à ciel ouvert. Les routes serpentaient entre ces taudis minés de trous, et sous les lueurs mortes de la lune, elles avaient l’allure molle de rubans de mercure. Des pick-up rafistolés stationnaient çà et là, au milieu des fatras de saloperies humaines ; des machines hors d’usage, des outils abandonnés, des jouets inutilisés et d’autres saletés.
Moi, je me sentais philosophe. Pleine de mépris. Pleine de conjectures. Ma vision du monde s’était sans aucun doute assombrie avec cette nouvelle vie. Chaque tâche humaine me semblait aussi noire qu’une nappe de pétrole, chaque vice résonnait en moi avec force, chaque lumière était mourante. L’humaine d’autrefois, l’Alexandra chouinarde, n’aurait sans doute pas eu la même vision aussi crue, aussi dure envers ses semblables. Je le supposais. J’avais peu à peu du mal à me souvenir d’elle.

Ah, peu importe.

Je commençais à avoir mal au cul. La corde usée soutenant la balançoire de fortune couinait sous la brise malodorante, et les bords de ce vieux pneu me cisaillaient lentement la viande. Derrière moi, un bungalow, identique aux dizaines d’autres, se tenait de guingois contre un appentis constitué de planches décrépites, follement envahies d’herbes et de vrilles urticantes. Cet endroit m’avait attiré sans raison apparente. Une intuition soudaine. Cela m’arrivait plus souvent ces temps-ci ; comme des coups de pinceaux qui redécoraient certains endroits de couleurs plus sombres, plus oppressantes.

J’avais la sensation que quelque chose l’avait souillé. Un mal sans nom. J’en étais certaine sans la moindre raison. Nuit noire, intuitions à vif. L’Alexandra qui se cherche encore. Elle ou autre chose.

Ça aussi, ça me travaille, ai-je réfléchi en me balançant machinalement, d’avant en arrière, les yeux rivés sur l’autre côté de la ruelle sordide. Par-delà ce ruisselet de bitume poussiéreux, la maison de ma mère, elle aussi identiques aux dizaines d’autres, se tenait droite, austère, avec son jardinet bien propre et son garage strictement fermé. Pourtant, j’avais eu peine à croire qu’elle ait choisi de vivre ici pour la beauté de la campagne. Sa personnalité froide et hautaine me paraissait bien plus adaptée aux beaux quartiers, aux milieux intellectuels imbus de leur argent du centre-ville.

Contre toute attente, ma mère était une bouseuse. Qui l’aurait cru. Pas moi. Pas du tout. Je devinais une bonne raison de venir ici, dans ce trou du cul de Shreveport complètement décrépi.

L’isolement était une évidence. Les maisons abandonnées se succédaient avec la fuite économique vers les emplois précaires de la ville, et ici, personne ne se préoccupait plus de personne. Elle encore moins. Elle n’avait jamais été sociale dans mes souvenirs ; c’était un trait de famille. Alors, qu’est-ce que tu fous dans les parages, m’interrogeai-je, et à chaque fois mes réflexions revenaient à sa nature surnaturelle qu’elle avait refusé de m’expliquer. Les réponses étaient limitées et faciles à éplucher.
Je m’étais arrêtée sur les Bêtes. Parce que Vampire était facile à exclure, que j’avais déjà un point de comparaison pour les Outres, et ma mère n’avait pas cillé en m’entendant évoquer les Arcanistes. Et aussi parce que cette possibilité était éminemment séduisante, amusante, et que je n’en connaissais aucune autre. Ma vieille mère. Ce totem de froideur, de dédain, pédante, se déchirer sous la lumière de la lune. Courir nue dans la forêt. Pisser sur les coins de mur. C’était à mourir de rire, littéralement.

J’ai consulté l’heure sur mon téléphone. Dix minutes avant le rendez-vous. La lueur de l’écran a peint ma veste de cuir de moto d’un halo blafard, de la même manière que la clarté lunaire délavait tous les toits de tôle des environs. J’ai jeté un coup d’œil vers ma moto, debout contre l’arbre ; elle était presque invisible dans cette obscurité campagnarde, si bien que je l’ai laissé là. J’ai quitté l’inconfort du pneu qui a émis un couinement sinistre en se balançant, solitaire tel le balancier d’une horloge.
La rue était vide. Le silence, total. Au loin, entre les bennes à ordures renversées et les Jeep avachies sur les trottoirs, la route s’évanouissait dans une obscurité insondable que les abords maladifs de la forêt voisine rendaient plus sombre encore. J’ai scruté les successions de troncs dans le lointain. Le vent les faisait bruire subtilement comme un appel lugubre ; on n’aurait eu aucune peine à imaginer quelque animal gigantesque surgir d’entre ces taillis désolés. J’ai haussé les épaules. On verra bien.

J’ai traversé la rue. Ma main droite s’est enfoncée machinalement dans ma poche, où le contact de l’objet a renvoyé un cliquetis familier. Un cadeau, éventuellement. Si elle me mettait d’humeur. Je me suis faufilée dans l’allée propre, entre une haie impeccable et des pots de fleurs déprimant.

J’espère que j’me suis pas tapée le cul sur ces routes de merde pour rien. Le bois séché au soleil du perron a émis un écho plaintif quand je me suis avancée devant la porte du monstre, alors que des lueurs ténues filtraient de l’intérieur. La Bête devait m’attendre. J’en ai souri. Pourtant, je n’ai rien vu d’anormal dans ce décor champêtre de Mooringsport ; aucune victime sacrificielle, aucune touffe de poils abandonnés, aucun os à moitié dévoré. Aucune trace de la tarée dans sa tanière.

J’étais presque déçue. Le casque de moto sous mon bras droit, j’ai tiré sur les pans de ma veste, et frappé assez fort contre le battant de bois épais. À cet instant, je n’étais pas encore sûre de l’attitude à adopter ; entre ma haine viscérale pour ma mère et mon envie d’incendier sa baraque, ma curiosité avait du mal à se faire entendre. Le silence lunaire ne m’a apporté aucune réponse.

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Jeu 28 Juil - 10:53 (#)

D’un geste dénué de passion, je referme le livre de ma fille indésirée. Mes yeux me semblent lourds à porter, comme si les cernes dessinées par les longues nuits de lecture les tiraient vers le bas, cherchant à les faire quitter leurs orbites. La masse grouillante noire qui m’encercle semble pulser tel un cœur calme et patient. La multitude frémissante s’approche, puis s’éloigne, encore et encore, faisant claquer leurs petites pattes sur le bois de tous meubles présents dans cette pièce, rendant presque les ténèbres sonores d’un crépitement arachnéen. Leur nombre a éteint la lumière, ne me laissant plus que ce livre qui, en comparaison, semble dévoré d’une aura pâle et sale. Les araignées s’agitent, elles si souvent immobiles. Trépignent. Elles m’ont accompagnées à la lecture, provenant du livre même. Les traces noires et courbées des écritures souillant les pages blanches se sont extirpées de leur cage de papier pour former des corps sombres et luisants aux pattes fines et abdomens proéminents. Telle une colonie partie à la conquête d’un nouveau territoire, elles se sont déversées sur la table de bois usé et m’ont cernées, comme autant d’enfants macabres attendant uniquement que je leur conte l’histoire tracée dans ces pages. Sont-elles réalité ou illusion ? Aucune importance. Mes visions sont elles-mêmes porteuses des vérités de ce monde, bien plus que n’importe quel chose tangible. Ces mirages ont été accentués par ce livre qui se prétend porteur de fiction mais dans lequel je décèle quelque chose de plus profond, de plus lourd. A mesure où mes songes s’extirpent des réminiscences du roman, la pièce semble redevenir plus claire, plus égale à elle-même. Les toiles qui s’étirent dans tous les coins sont bien présentes, tout comme leurs occupantes, mais la masse informe prête à dévorer le monde a refluée dans les ténèbres. Seul leur crépitement impatient s’attarde encore.
La fin du livre laisse comme un sentiment de vide au creux de mon ventre. Il a réveillé une faim dévorante et impérieuse. Un trépignement affamé. Les implications de ces écrits rugissent dans mon esprit glacial, venant même dessiner un sourire que d’autres jugeraient dément là où d’habitude ne trône qu’une expression vide. Plus mon esprit se perd dans la portée de ce récit, plus le monde autour de moi redevient mouvant, empli de bruits vides et inaudibles pour le commun des mortels, un royaume d’arachnides couvertes de chitine sombre et luisante qui se dessine, s’impose, se déploie. Le temps dissous ne me permet pas de dire combien de temps je suis restée perdue dans ces rêves horrifiques empli de pattes grinçantes et de mandibules acérées avant que de grands coups sonores viennent faire trembler ma porte et éparpiller les multitudes ombrageuses ayant colonisées mon âme et mon champs de vision. J’abandonne un regard irrité au panneau de bois me séparant de l’extérieur, me souvenant que c’est cette nuit que j’ai donné rendez-vous à Alexandra. La chaise racle le sol en un bruit sourd tandis que je me lève sans hâte pour rejoindre la porte d’un pas mécanique. La fatigue tend à me rendre irritable, perçant la douce froideur qui me noie habituellement dans l’indifférence. C’est avec un regard peu avenant que j’ouvre le battant de la porte pour poser mes yeux sur le fruit de mes entrailles maudites. Je la toise de haut en bas. Quel étrange vaisseau a-t-il choisi pour rédiger son œuvre. Sans plus d’intérêt pour sa personne, je verrouille la porte et passe devant Alexandra en ne lui adressant pas même un regard de plus. A quelques pas, je lui lâche tout juste deux mots. Un ordre froid, avec un sous-ton laissant entendre que les choses auraient été mieux si elle n’avait pas été là :

« Suis-moi. »

Dans l’ombre sale et terne de ce bout du monde, je me dirige à l’opposée des autres maisons, rejoignant les arbres épars qui commencent doucement à former un début de forêt. D’un pas rapide et rythmé, je m’éloigne du voisinage dévasté aux maisons tellement décrépites que même le plus déments des squatteurs n’oserait y mettre les pieds. Et si jamais par un hasard mystique quelqu’un se mettait en tête de venir troubler la quiétude de mon lieu de vie, il y a fort à parier que les amoncellements d’araignées noires et grouillantes qui se déversent dans ce coin-là de Mooringsport entraineraient la fuite de n’importe quelle malheureuse âme. Ces maisons bâclées dressées comme des pierres tombales bon marchés ne sont plus que des cadavres éclatés. Alors que nos pas nous portent vers la partie la plus sauvage de la zone, un souffle de vent s’engouffre dans ce cimetière de préfabriqués, glissant sans mal dans les multiples fissures de ces bâtisses bancales, sifflant tel un serpent qui attaque quand la bourrasque se fait vive, hurlant tel un fantôme dévasté quand le souffle se fait profond avant de s’éteindre. Une ruine inepte, récente et faite de panneaux de bois mal isolés, piètre temple qui voit pourtant la renaissance de créatures horrifiques des temps anciens. A mesure où nous abandonnons ces terriers tout humains, les arbres deviennent plus denses, dissimulant encore plus la lumière déjà faible de la lune ascendante. Même dans les ombres je peux me passer de lumière ici. Je connais cet endroit par cœur, il est devenu mon jardin et ma pouponnière.  
Dans les feuillages noirs des arbres, de multiples toiles fines accrochent les rayons de la lune. Le silence terrible de la forêt ne laisse en rien présager de la terrible multitude qui l’habite et que nos pas étouffé par la terre battue dérangent. Parmi les feuilles tombées au sol et entamant leur décomposition, des rondeurs suspectes se détachent, sortant de terre telles des champignons laiteux et macabres. Leur coquille molle et visqueuse ne peut en rien laisser deviner qu’il s’agit d’œufs dont l’existence même est une abomination. Certains sont éclatés, éventrés de l’intérieur, gisant comme des cadavres putrides restés trop longtemps au soleil. Les trésors qu’ils renfermaient se sont déjà répandus dans la forêt. Hélas, beaucoup sont restés inertes, comme si la terre meuble de la Louisiane n’était pas le meilleur terreau qu’il soit pour leur permettre de s’épanouir. Après un certain temps de marche nous ayant porté bien loin de toutes activités humaines,  je m’arrête dans une clairière exiguë, cernée par des arbres si hauts qu’ils semblent dévorer le ciel nocturne. Nul ne vient jamais ici, nous y serons tranquilles. Mon laboratoire à ciel ouvert, assez grand pour accueillir la plus terrible de mes formes, assez à l’écart pour que nul n’en sache jamais rien. Dissimulées dans les ombres et dans l’humidité de la forêt, a-t-elle remarqué qu’ici plus qu’ailleurs les toiles se font denses et mouvantes ? Les œuf aussi sont plus nombreux, ainsi que les marques de ces araignées grosses et difformes qui s’en sont extirpées. Plus loin se découpe la silhouette absurde d’un cadavre de biche cerné par les mouches. Son abdomen est déformé par des masses, comme des enflures ridicules ayant parasitées sa chair. Partiellement éventrée, certains des œufs qu’elle portait ont éclos, comme si un corps même mort valait mieux qu’une terre froide. Un beau vestige de premières expérimentations encourageantes qui ne réclament qu’à être poursuivies.

Je me tourne vers cette fille trop curieuse dont la silhouette se découpe dans les ténèbres. Je la toise un instant, cherchant à déceler ce qu’elle ressent en ce lieu. De la peur ? De l’excitation ? De la curiosité ? En un sens, ce que j’ai prévu de lui montrer ce soir sera le plus grand partage que nous ayons eu tout au long de nos vie.

« Tu es sûre que tes questions en valent la peine ? »

Pourquoi donc lui donner une échappatoire unique ? Toujours cette volonté de la laisser plonger dans les méandres de l’ignorance crasse et de la frustration. Sera-t-elle horrifiée de voir ce que je suis devenue par sa faute ?
Veux-tu donc des réponses à ce point, petite ? Sais-tu que tu en payeras le prix fort ?
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
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- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

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Mer 3 Aoû - 13:44 (#)



Je l’ai suivie.
Haute silhouette muette et froide entre les troncs des arbres. Ceux-là se courbent dans la nuit, des écorchures noires sur la peau tendre du ciel étoilé, qui susurrent une mélodie contenant les secrets d’un monde nocturne. Aucun ne m’était destiné. Je ne les ai pas écoutés. Je n’étais pas celle apte à les comprendre. Nous marchions dans ce couloir aux parois tavelées de nuances obscures, dont les branches formaient des mains noueuses, tendues vers nous, malades et alourdies de toiles. Celles-ci faisaient briller la nuit de leurs lueurs vacillantes, lorsque la clarté lunaire se reflétait dessus comme une rosée froide. Des larmes d’une nature qui se meurt sous une vérole silencieuse et monstrueuse.
Je me suis sentie détachée de tout cela. Ma mère avançait devant moi, sans un mot, et je venais dans son sillage, muette aussi, les mains dans les poches et la mauvaise humeur s’amoncelant telle une trainée de poudre. Nos chaussures éveillaient les supplications de la mousse et, de temps à autre, un bruit spongieux, lorsqu’une semelle venait écraser ces verrues blanchâtres sortant de terre. J’ai jeté un coup d’œil indifférent à ces espèces d’œufs collants qui couvraient par endroit le sol comme une maladie de peau. Mes spéculations ont commencé à prendre corps. Ça n’a pas aidé mon humeur.

Tout ça pour ça, ai-je pensé en évitant une branche basse où était collée une énorme toile. Elles ont commencé à apparaitre. Des fils d’argents tressés çà et là. Des confections délicates devenant de plus en plus nombreuses à mesure que nous avancions ; je les sentais caresser mes joues, s’attarder sur mes lèvres et mes sourcils. Je les ai chassés sans faire attention. Rien de plus qu’un peu de décor. Une odeur de pourriture a bien vite empuanté l’air autour de nous, lourde et terreuse comme celle d’une vieille charogne noyée dans l’humus souillé, où les vers devaient déjà ramper et se multiplier.

Pourtant, la terreur était absente. Mon âme était calme et attentive.

À mesure que le chemin s’élargissait, que la silhouette de ma mère, toujours murée dans le silence, s’avançait dans une clairière clôturée par des hauts arbres, la curiosité m’a déserté. La mise en scène m’a semblé trop évidente. Trop puérile. Comment pourrais-je encore avoir peur après ça. Je me suis arrêtée à mon tour au milieu de cette tanière, avec son reste d’animal crevé dans un coin, ces boules de je ne sais quoi dispersées partout, et j’ai presque été déçue. Lassée. Je m’étais donc tapée le cul sur ces routes de bouseux pour voir un coin de verdure moisie, puante, où ma mère rongeait ses os.

J’ai soupiré pour toute réponse à sa question.

Puis-je encore ressentir de la terreur après ce que j’ai vu ? C’était une foutue bonne question. Je ne me sentais pas apte à y répondre. Je me suis contentée de m’asseoir sur une souche dévorée de mousse et j’ai inspiré longtemps l’air vicié de cet endroit, où l’obscurité même avait l’air malade.

« Tu m’prends vraiment pour une conne en fait. »

J’ai remué quelques feuilles mortes, molles et humides, de la pointe de ma chaussure. Dessous, des œufs blafards se sont révélés ; ils avaient la texture souple, collante et poisseuse du chewing-gum déjà mâché. J’ai prélevé l’un d’entre eux entre le pouce et l’index.

L’œuf a palpité. Une intuition insaisissable a fait de même au fond de moi. J’ai cherché à la saisir, en vain. À la place, j’ai pressé pensivement l’œuf, sans chercher à l’écraser toutefois.

« Tu m’fais venir dans le trou du cul du monde, tu n’lâches pas un mot, tu m’emmènes dans ton bout de forêt dégueulasse en pleine nuit, et tu crois que j’ai rien deviné ? »

J’ai marmonné un juron. « Tu cherches à faire quoi ? Te transformer en j’sais pas quelle bestiole, et me faire peur ? M’humilier comme avant ? Tu vas être déçue. »

J’ai senti un frôlement soyeux sur mon tibia. J’ai baissé les yeux pour remarquer une petite araignée noire escalader péniblement le tissu de mon jean. D’autres mouvements fébriles se discernaient dans la pénombre des lieux, comme leurs centaines de minuscules pattes grouillantes crissaient sur le sol jonché de feuilles mortes. Je les ai laissé faire. Le sol semblait se mouvoir, tandis que la multitude de leurs corps duveteux soulevait le lichen, montait sur les branches et déplaçait du petit gravier.

Mon intuition s’est faite plus forte, enflée, comme ce cadavre. Je les sentais toutes venir vers moi, sans bien les voir dans cette obscurité lunaire.

« On n’a rien à gagner à s’engueuler, » ai-je continué d’un ton égal. « J’essaye d’te faire comprendre que ta fille détestée n’existe plus, mais j’me demande si c’est clair pour toi. Pas l’impression. »

Même moi, j’essaye de m’en débarrasser d’Alexandra, ai-je songé. Ironie. Nonchalamment, j’ai gratté du bout de mon ongle ce petit œuf d’insecte, que je tenais dans la main. La chose ressemblait à une cloque prête à percer. J’ai appuyé doucement dessus. La matière molle et moite s’est plissée, et j’ai pressé le renflement ainsi créé, lequel s’est déchiré lentement telle une membrane de chair fragile. De l’intérieur, des dizaines de minuscules pattes ont tâté les rebords flétris, desquels se déversaient un liquide grumeleux et purulent. Les nouveau-nés arachnides ont commencé à escalader mes doigts et mon poignet ; d’incertaines petites créatures encore humides des fluides de leur cocon.
Je n’ai fait aucun mouvement. J’ai fini par saisir mon intuition. D’accord, alors c’est comme ça, ai-je réalisé, tandis que d’autres araignées rampaient vers moi dans l’obscurité, sur la souche où j’étais assise, et sur le sol entre mes jambes. Innombrables mouvements silencieux. Beauté visqueuse. Ça m’a rappelé d’étonnants souvenirs. J’ai senti leurs déambulations dans mes cheveux, sur ma veste, alors que l’une d’elle se laissait tomber sur ma joue droite, d’où elle sonda ma peau de ses petites mandibules duveteuses. Une frêle et froide caresse qui a éveillé chez moi une sensation familière.

Alors, j’ai compris. Je savais d’où venait cette intuition. J’ai esquissé l’ombre d’un sourire.

« Tu devrais faire plus attention à ton élevage là, elles meurent de faim. » ai-je déclaré, les yeux fixés sur les arachnides chétives qui se pressaient autour de moi et sur moi.

Celles-ci ont dû sentir la même chose. Ces tremblantes créatures difformes venant me toucher, me sentir, et à travers moi, caresser indirectement un foyer dont elles étaient orphelines. Je les ai laissé faire. Je les comprenais. J’étais déjà passée par là. Nous étions véritablement en famille ce soir-là.

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Anonymous
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Sam 3 Sep - 9:39 (#)

Les hautes silhouettes sombres des arbres nous encerclent, imposants et menaçants. Les feuillages agités par le vent émettent un bruissement aigue et strident, comme le souffle retenu d’un millier de fantômes qui enfin reprennent leur souffle funeste. Dans cette clairière à l’allure macabre devenue pouponnière démoniaque, la première née du démon prend ses aises, s’installant sur une vieille souche, l’air peu troublé de tout cela. La petite fille hargneuse et effrayée que j’ai connue semble avoir disparue, dévorée par cette femme aux airs blasés. Peut être qu’un peu de peur lui aurait permis de fuir à temps. Les proies intrépides meurent les premières. Ses quelques mots tranchent le silence. Ceux-ci suggèrent qu’elle connait ma vraie nature. Quels secrets ton père t’a-t-il donc révélé ? Pourquoi donc cette insistance à réclamer des réponses si tu prétends déjà tout savoir ?

Dans un rayon de lune, les ombres s’agitent. De minuscules êtres aux corps sombres, curieux ou voraces, vont à sa rencontre. La vague sombre se fondant dans la nuit s’approche d’elle. Cette cour macabre qui envahie tous les espaces où je me trouve semble s’intéresser à cette progéniture honnie. Aurait-elle donc hérité de cette malédiction-là ? Elle reprend et ses paroles me font plisser les yeux de manière suspicieuse. Cette manière de présenter les choses résonne tel un écho de ce qui m’est arrivé peu après sa naissance, le jour où j’ai été tuée par des milliers d’araignées pour renaitre autre. Sans un mot pour briser le silence froid de la nuit, je l’observe faire éclore un œuf sans que la moindre émotion ne la traverse. Ce qui serait une vision d’horreur pour bien des humains ne semble en rien l’émouvoir. Son regard dissimulé dans les ténèbres ne m’apprend rien de plus sur ses pensées. Intriguée et fascinée telle une médecin légiste devant un cadavre particulièrement intéressant, je l’observe se fait envahir par un myriade d’ombres minuscules qui l’escaladent sans que cela n’émeuve cette nouvelle fille qui parait si différente de l’ancienne. Ses quelques mots me révèlent une vérité que j’aurais du savoir, mais qui ne m’avait que peu intéressée jusque-là. Mon objectif pour le moment est de trouver comment faire pour que plus d’œufs éclosent, avec en leur sein des araignées monstrueuses plus grosses, plus développées. Je ne m’intéressais qu’à les faire naitre, jamais à les faire vivre. A les considérer comme des araignées abominables capable de se nourrir par elle-même j’en ai presque oublié un autre aspect de leur être. Ce sont des enfants.
Mes enfants.

J’abandonne un regard à la ronde, englobant cette multitude naissante, pour l’heure composée d’individus petits et chétifs, à peine distinguables des araignées naturelles. Dans cette masse se trouve beaucoup d’araignées des plus banales qui se sont agglutinées autour de nous dans l’instinct d’une colonie naissante. Sans comprendre comment, je parviens à les distinguer les unes des autres, les araignées issues de la nature et celles issues des enfer, alors que dans l’ombre elles sont toutes si semblables. D’une manière plus aigüe que les autres arachnides, je les ressens, comme des petites énergies tranchantes, comme si l’araignée à l’intérieur de mon être les percevaient. Est-ce donc là une armée qu’il m’offre ? Mon attention se reporte sur Alexandra, si calme parmi ses sœurs. Comment a-t-elle su ? A quel point sa rencontre avec son père l’a-t-elle changée ? Jusqu’ici, je comptais lui montrer ce que je suis et peut être même profiter de cette forme puissante et monstrueuse pour régler un problème vieux de presque trente ans, mais une autre voie semble se dessiner. De lourds nuages opaques envahissent le ciel et viennent dissimuler la lune qui faisait doucement luire les toiles poisseuses ayant colonisées cette forêt. Sa lumière est dévorée et nous plonge dans des ombres plus intenses encore. D’une voix égale rendue sonore par le silence environnant, je déclare :

« Alors allons les nourrir. »

Comme si je les avais invoquées de ces quelques mots, la multitude trépigne. L’obscurité ondule, les feuillages sont agités alors qu’aucun vent ne souffle pour l’heure. L’ombre des troncs d’arbres tressaute, signe que certains de mes enfants quittent leur refuge pour l’heure du diner. Déjà, un amas noir s’agglutine sur le cadavre de la biche, se repaissant de sa viande froide là où les araignées naturelles se seraient contentaient de quelques insectes. En quelques instants, la multitude a fait disparaitre les yeux de la bête, ne laissant plus que des orbites vides et béantes. Le reste de la tête finira par subir le même sort, mais les chairs sont bien moins tendres que le globes oculaires. Même dans les ombres mouvantes, je constate que nul ne s’attaque à la panse de l’animal, laissant ainsi intact ce cocon mort pour les œufs pondus à l’intérieur. En quelques pas je rejoins Alexandra et la toise une seconde. Des milliers de pensées anarchiques tressautent dans mon esprit, comparant celle qu’elle fut à celle que je vois aujourd’hui. D’un ton analytique, je lui concède :

« Tu as changée. »

Jamais je n’oublierai l’enfer que j’ai vécu par ta faute.
Jamais je ne pardonnerai le fait que ma vie ait été anéantie pour que la tienne puisse exister.

Je ne regrette pas le moindre geste, pas la moindre brusquerie, pas la moindre violence. Mais je peux reconnaitre qu’ici et aujourd’hui, elle est plus ma fille qu’elle ne l’a jamais été jusque-là. Je lui fais signe de me suivre. Cette clairière n’est qu’un nid sans garde-manger, il faudra s’enfoncer dans la foret pour que notre famille trouve de quoi se sustenter. Même si je ne les vois pas dans les ombres nocturnes, je ressens cette présence qui nous accompagne, oscillant entre les arbres, impatiente, insatiable. D’un pas tranquille, permettant à notre sombre cour de nous suivre, je me mets au niveau de mon ainée pour lui demander avec une pointe de curiosité académique perçant dans ma voix d’habitude si dénuée d’inflexions :

« Comment as-tu su ? »

Les vagues noires nous accompagnent sans un bruit, sinuant entre les arbres, recouvrant le moindre petit animal ayant l’indécence de croiser leur route pour dévorer leur chair. Nulle araignée ne ferait une chose pareille, pas même une large colonie, mais celles-ci sont différentes. Leur nombre écrase un petit rongeur dont les cris perçants nous parviennent quelques instants avant de disparaitre dans le néant. Mes enfants repus laissent la place à leurs frères et sœurs et l’armée poursuit sa route. Cette impression d’immensité ne peut être qu’exagérée par mes sens, je ne suis pas sure qu’autant d’œufs aient éclos jusque-là. Trop d’entre eux restent inertes dans la terre, et mes premiers testent dans des cadavres sont trop récents pour connaitre l’exact efficacité de la méthode. Peut être que cette sensation englobante est simplement celle que l’on a quand on a enfin trouvé sa vraie famille. Peut être est-ce cette activité si particulière ou cette envie d’unir une colonie forte et soudée, mais dans les bruissement de la forêt, j’abandonne à cette nouvelle Alexandra quelques mots que je ne pensais pas prononcer un jour :

« Dis-moi ce que tu veux savoir. »

Les mots n’ont jamais été mon fort, mais peut être que certaines choses valent la peine que l’on fasse un effort. Et puis la nuit est encore jeune. L’arachnide pourra toujours décider plus tard de dévorer cette petite si elle se montre aussi décevante que l’ancienne version d’elle-même.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
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You're one microscopic cog
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Pseudo : Achab
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Dim 11 Sep - 22:53 (#)



La lune a fondu. Les ombres se sont ajustées. Mes visions aussi.
Je les ai senti m’escalader. Elles et mes souvenirs. Tous ces millions de millions de similitudes, toutes éveillant le cauchemar d’un mois de Février et sa nuit sans étoiles, où le désert était une mer muette et le sable noir, une cour attentive. Grains de ténèbres et arachnides fébriles ; le déjà-vu a persisté un moment. Les arbres n’existaient qu’ici, les murailles n’existaient qu’ailleurs, mais tous les courtisans étaient venus en nombre ce soir, tous vêtus de leurs beaux atours ; toute une confusion de membres duveteux, de membranes molles et des yeux si nombreux, si brillants dans la noirceur étoilée.

Je n’ai rien dit durant un moment. La lune s’est détournée plus encore, nous subtilisant cette lumière moirée et blafarde, si similaire à un ciel mort que j’avais aperçu autrefois.

Festival. Courtisans et applaudissements. Bienvenue à l’ainée des lieux. Merci, merci. J’crois que j’ai déliré juste une seconde, me suis-je rendue compte, mais ça ne m’a pas tout à fait éveillée. Un truc a remué en moi. Ni une nouvelle sensation, ni tout fait la mélancolie, mais un tiraillement délicat qui explorait l’absence d’une texture et d’une chaleur que l’on m’avait retirée trop vite. Une ombre vite avalée. J’ai chassé machinalement une araignée cherchant à s’immiscer dans ma bouche, sans m’en émouvoir, et j’ai jeté un regard circulaire sur ces ténèbres forestiers opaques. Seuls les mouvements feutrés des feuilles et des insectes étaient encore décelables dans cette noirceur presque totale.

« J’ai changé, » ai-je répété à mon tour. Par automatisme. Les mots sont tombés de ma bouche tels les insectes cascadant de mes vêtements, avant même de les avoir formulés dans mon crâne.

J’ai levé les yeux. Elle était encore là. Ombre parmi les ombres mouvantes, ma mère était encore en face de moi, au-dessus de moi. Haute silhouette intimidante dont l’attention prédatrice s’était toute entière rivée à ma présence, presque suspendue à mes paroles. Hé, les temps changent, pas vrai ?

J’ai éludé sa première affirmation. Affamées sans estomac, ai-je réfléchi en étirant, en étudiant dans ma tête cette intuition éclose quelques instants auparavant.

Les insectes se sont finalement déversés sur le sol en faisant crisser doucement les amas de feuilles mortes, et leurs mouvements ont semblé converger vers ma mère. Elle et sa voix les attiraient dans ces ténèbres au milieu desquels, hélas, je ne distinguais presque rien. La silhouette d’Emma Zimmer est apparue en liserés argentés au détour d’un rayon de lune ; elle conservait à mes yeux cette même prestance d’idole macabre qui, aujourd’hui, avait perdu tout l’éclat brutal de ma terreur d’enfance.

« J’ai toujours plus ou moins su, » ai-je finalement lâché en soupirant, et cette banale confirmation a fait naitre un sourire au fond de moi qui est cependant mort avant d’atteindre mon expression.

J’ai vu sa main brasser la nuit. Le tranchant de ses ongles a dessiné des motifs filiformes dans cet air frais et sec de la forêt, et comme elle a semblé m’inviter à la suivre, je me suis exécutée. Je me suis levée sans voir grand-chose ; je n’avais pas ce pouvoir-ci. Dans cette obscurité crépitante et dense, les toiles étaient invisibles, seulement des caresses sur les joues, et les arbres, à peine des zébrures sur le fond de clarté lunaire. Ma chaussure a buté contre une pierre. Je me suis redressée en ravalant une nouvelle flambée de mauvaise humeur et je lui ai encore emboité le pas dans l’obscurité.

« J’ai toujours eu ces intuitions. » J’ai haussé les épaules par habitude, en expliquant sommairement. « Difficile à décrire mieux que ça. Mais elles sont devenues plus fortes maintenant. »

Maintenant. À ma mort. À ma naissance. Amen. J’ai continué à avancer dans le noir, en soufflant de temps en temps les toiles se collant à mes narines. J’ai perçu, avec une certaine surprise, sa présence à mes côtés, au même titre que les milliers de minuscules pattes soyeuses crissant sur la terre.

« Ensuite, plutôt banal. J’devine par déduction. » Je me suis arrêtée un instant, à la recherche de son visage, quasiment invisible dans cette obscurité. Je n’ai rien vu, sinon la brillance de deux yeux fixes.

L’ombre d’une face. Des contours dessinés par des rayons lunaires épars. J’ai remué mes sentiments colmatés au fond de mon âme, mais je n’y ai décelé aucune crainte, aucune haine, toutes ces petites choses qui avaient animé l’ancienne Alexandra. Seulement un intérêt malin, louvoyant dans le noir, à la manière d’une allumette prête à faire flamber un tonneau de poudre déjà fendu.

J’ai fourré mes mains dans mes poches, l’air absente. « Donc, c’est ça que tu es devenue ? Elles sont à toi toutes ces bestioles ? Tu sais ce qu’elles sont ? »

J’ai continué à la suivre. Des questions se sont rassemblées dans ma tête, toutes de véritables petites courtisanes avides de l’attention accordée, mais elles sont mortes les unes après les autres. Quelque chose d’autre les a remplacés. Un vide. Un je ne sais quoi de malin. Suivons les intuitions et la vieille sorcière de la forêt, ai-je songé avec ironie en continuant à suivre ma mère. Un truc a craqué avec un bruit sec sous ma botte, et l’air s’est soudainement épaissi à l’intérieur de ces bois devenus touffus.

« En vrai, j’me demande ce que tu as l’intention de faire. De tout ça. De ce que j’te raconte. Je te file des miettes, mais t’as vraiment l’intention de faire un grand gâteau ? »

Une nouvelle toile s’est fourrée dans ma tronche. Je l’ai balayé d’un revers de main agacé. L’air était devenu poisseux et humide, comme si nous étions rentrées dans la gueule fétide d’une monstrueuse créature. Je me suis arrêtée un instant. Ma vision s’accoutumait peu à peu à cette obscurité dense, et je parvenais péniblement à déceler la silhouette maternelle à travers un filtre de dégradés de gris.
Déclic. Quelque chose s’est tortillé au fond de moi. Ma voix a fait de même. Une sensation grisante a escaladé mon échine soudainement, comme une injection de stupéfiants. J’ai frissonné. Les mots me sont venus aussitôt, d’un seul tenant, une réplique bien sentie remontée depuis les tréfonds de cette nouvelle Alexandra, alors en pleine représentation devant la cour des arachnides difformes.

« Y’a tellement de belles choses que tu sais pas encore. » ai-je marmonné dans un souffle, tandis que les arbres se resserraient autour de nous, comme une assemblée attentive.

Levez la toile de la scène. Faites entrer les courtisans. Applaudissements.

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Mer 21 Sep - 8:29 (#)

Dans le cœur froid et inerte de cette forêt noire où tout bruit est étouffé par la nuit et la mort, le cadavre d’une relation avortée s’anime comme le zombie le plus incongru qui soit. Dans les mots de cette enfant longtemps honnie, j’entends la possibilité qu’elle puisse connaitre les mêmes visions que moi, ou du moins des sensations qui s’en approchent. Qui aurait un jour pu penser que j’échangerais de tels mots avec cette enfant que j’ai tant haïs ? Par quels maléfices as-tu donc était atteinte pour enfin devenir ma fille ?
A ses questions sur l’origine des araignées qui nous entourent, j’abandonne un regard aveugle à cette cour sombre qui se serre à nos côtés, comme si nous étions le feu qui les réchauffe dans cette nuit froide et humide. Au milieu de ces hauts arbres et de l’odeur de la terre, je ne perçois que l’obscurité rendue mouvante par la multitude de corps cherchant à se repaitre. Je cherche parmi les ombres, guettant l’agitation des êtres qui nous entourent plutôt que leur formes et leurs détails. Cette vie grouillante devenue masse informe qui semble parfois mue d’une seule et même volonté. D’une voix troublant à peine la nuit, je réponds :

« Certaines sont à moi. D’autres nous ont trouvé. »

Derrière ces mots creux et plats se cache une réalité viciée qui hanterait n’importe quel cauchemar. Comment ai-je pu me mettre à pondre si subitement ? La science et la logique n’ont rien à faire dans cette recherche de réponse. Seule une magie ancienne et terrible, imprévisible et impérieuse, pourrait expliquer ce phénomène. Sans les voir, je les sens. Celles qui sont à moi. Celles qui sont de moi. Un sentiment inexplicable, une perception si subtile qu’elle pourrait n’être qu’un rêve ou un mirage, pourtant je la sais bien réelle. Ces enfants incongrus et inattendus. Est-ce eux qui ont attiré les autres araignées ? Ou bien est-ce moi ? Je balaie ces questions qui n’ont finalement que peu d’importance. Après tout, ces arachnides sombres et étranges sont moi, d’une certaine façon. Le prolongement de mon être, le début d’une colonie dont je me sens le cœur. La force pulsante qui nous fera grandir et s’étendre. Mon esprit se penche une seconde sur la question d’Alexandra. Que sont-elles ? Comment pourrais-je le savoir. Des déductions et inférences dans un océan d’incertitudes. Un stigmate de l’entropie de ce monde, ou bien une armée qui se constitue dans un dessein précis, selon la volonté de quelqu’un ayant un vaste plan insondable. Le regard toujours perdu dans la masse grouillante et mes pensées toujours en prises avec ces questions, j’hasarde à demi-mots :

« Un cadeau de ton père, peut-être. »

De nouveaux pions pour son jeu d’échec ineffable. Ou bien n’est-ce là qu’une des caractéristiques de ce que je suis devenue. Si j’avais d’autres spécimens auxquels me comparer, peut-être que mes réponses seraient plus précises. Les questions de la petite n’en finissent plus, chercherait-elle à rattraper ces dizaine d’année ou la moindre interrogation était sévèrement réprimée ? Malgré tout, ces questions-ci ne manquent pas d’intérêt. Tout en réfléchissant un instant, je répète :

« Ce que je veux faire ? »

Que pourrais-je bien vouloir faire ? Jusqu’ici toute mon attention était portée sur ces légendes si semblables à mes rêves éveillés, à ces visions macabres et brutales. Aujourd’hui je sais avec une certitude tranchante que tout est vrai. Tout est possible. Ce déferlement noir et frémissant de chitine que je vois dans mes songes peut devenir réel. Et doit devenir réel. Je n’ai pas de plan. Seulement une pulsion irrépressible. Une certitude. Une conviction. Grandir. Se réunir. S’étendre. Tout dans le besoin viscérale de l’arachnide qui vit dans mon corps me pousse à trouver mes semblables. Mes visions ont redoublé d’intensité, ne cessant de me promettre ce monde recouvert de toiles blanches dans lesquelles des humains se perdraient, reprenant leur place dans la chaine alimentaire qu’ils n’ont jamais dominé. Des présages qui me paraissaient terrifiants dans le passé, qui ont fini par devenir mes rêves et mes espoirs, mon réconfort face à ce monde vide, creux et bétonné. Et puis mes enfants. Je n’ai pas choisi de les mettre au monde. Aucun d’entre eux. Tout cela ne relève en rien d’un grand dessein. D’une voix ferme, je lui affirme :

« Je n’ai pas de plan, Alexandra, juste une certitude. » Mon regard rencontre le sien un instant. Mes prunelles sont remplies d’une telle conviction que des simples d’esprits pourraient en avoir peur. « On va se réunir et s’étendre. » Les images prophétiques d’une vaste colonie se déversant dans la ville me reviennent et emplissent mon esprit. Ces images si nettes qui se sont superposées à mes sens dès mes premiers pas ici étaient sans aucun doute annonciatrices d’un futur immuable. Et si tout cela relève d’un grand dessein, alors il est certainement celui de la personne qui m’offre ces clairvoyances. « Si tout cela suit un plan, alors c’est très probablement celui de ton père. » Ce terrible dieu impitoyable qui semble avoir régné sur ma vie, de mes premières visions à ma chute, de ma transformation à ma progéniture. « Tout s’est accéléré quand je suis arrivé ici. »

Tous ces phénomènes dont je pensais être la conséquence d’une vie en ville plutôt que dans de vastes étendues silencieuses semblent prendre une teinte nouvelle depuis les révélations d’Alexandra à l’université. Sa présence, sa nouvelle nature, ses quelques mots abandonnés, autant de pièces d’un puzzle qui semble vaste et encore bien incomplet.
A mesure où nous arpentons la forêt, les araignées qui nous encadrent se repaissent et accompagnent notre voyage mortifère sans but précis. Le vent d’hiver pousse les nuages et la lune éclaire cette sombre scène par intermittence, nous permettant de temps à autre de découvrir les vestiges des repas de notre cour sombre. L’odeur de la mort semble accompagner nos pas. Dans cette ambiance reposante et vide, les quelques mots d’Alexandra sonnent comme une promesse. Une pointe de curiosité perce l’océan de calme de mon être. D’une placidité impérieuse, j’exige :

« Alors, dis-moi quelles sont ces choses. »
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En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
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Sam 1 Oct - 23:00 (#)



Marcher dans le noir. Plus loin. Descendre, descendre, descendre…
J’aurais voulu voir dans l’obscurité dense. Dans cet endroit détaché du commun des hommes, la lune constituait la seule lampe, aussi lointaine que faible, noyée dans les mailles d’une étouffante nappe de feuilles sombres. Le sol était marbré de leurs ombres. Leurs tâches indistinctes jonchaient la terre telle une maladie de peau, où les veines saillantes étaient ces colonnes d’arachnides mouvantes. J’ai réalisé alors combien je détestais la forêt. Ces odeurs de sève, de bois mort, de mousses humides et de boue collante ; une combinaison de relents naturels qui m’écœuraient soudainement.

Et ma mère continuait d’avancer. Plus loin. Nous nous enfoncions dans cette mélasse végétale, pleine d’ombres mouvantes. Nous descendions les cercles de la nuit : celui des feuilles, des écorces filasses, des cadavres éventrés, des toiles collantes… Descendre encore et encore.

Pourtant, je me savais ailleurs. Déplacée. Car, à rebours de tout cela, une force inverse croissait dans les tréfonds de mes entrailles. Une poussée inverse. Non de colère ou de répulsion. Non, juste autre chose. J’ai écouté distraitement ma mère en la talonnant, essuyant de temps à autre ces toiles de plus en plus denses dans cette section de forêt. Les branches invisibles me sifflaient contre les joues dans le noir. Je les sentais à peine. Quant aux confessions de ma mère, elles ne m’ont rien appris de plus. Seulement sa vision d’un jeu d’échec qui nous dépassait tous, et la fatalité de nos existences.

Pourtant, je n’y croyais pas. Quelque chose en moi refusait d’y croire. Et je descendais vers lui. Dans les cercles de moi-même, descendre, descendre, descendre…

Je n’ai rien dit durant ces aveux. Murée dans un mutisme total, renfermée en moi, je chuchotais avec cette facette naissante, hideuse sans doute, de mon âme. Celle tout au fond. Un craquement osseux a retenti à notre droite, comme le bruit mou de la pourriture faisant s’effondrer la chair sous le poids d’un million de pattes. Un vent bas a couru sur le sol, soulevant les relents âcres et nauséabonds des cadavres saillant sous une couche de lichen fragile, que nos chaussures heurtaient parfois.
Je me suis arrêtée un moment. J’ai tenté de discerner les contours de ce charnier anonyme, mais je n’ai vu que les échardes des arbres, les croûtes de leurs feuilles, et les os de la terre déchirant le tapis de mousse. La fraîcheur était tombée. La nuit et l’obscurité, aussi. J’ai senti ce froid forestier envahir ma peau, une sensation lointaine comme étouffée à travers une épaisseur de coton. J’ai inspiré sans le vouloir et, mécaniquement, je me suis assise au milieu de cette clairière, sur une rocaille presque invisible au cœur des ombres. Le contact était irréel pour moi. Je me suis sentie dériver loin d’ici.

Descendre. Plus loin. J’ai fixé ma mère sans la voir tout à fait.

« Et pourtant, c’est souvent les p’tits rouages qui font capoter les plans, » ai-je commencé sans saisir où me menait cette énonciation. Comme une manière de réfléchir à voix haute.

« Tout comme les certitudes peuvent se casser. » J’ai froncé les sourcils. J’sais toujours pas qui j’suis en vrai finalement, ai-je pensé non sans une ironie amère. Du moins, pas encore.

« Tu vois, j’aurais pu t’tuer en arrivant ici. J’aurais pu l’faire il y a trois jours aussi. Il m’en a donné les moyens et a fait le pari que j’le ferai pas. »

J’ai laissé le silence s’installer. La masse d’insectes m’a semblé crépiter de plus belle tout autour de moi, mais je ne distinguais qu’une multitude de mouvements indistincts, comme l’herbe d’une plaine ondoyant sous la caresse du vent, ou une chevelure rampant sur le sol. Je n’y ai pas prêté beaucoup d’attention. J’ai simplement fixé ma mère, l’ombre de sa silhouette, sans baisser les yeux, placide.

« T’aurais pu l’faire aussi. Faire capoter son joli plan. Pourtant, nous sommes encore là, à discuter et rien de c’qui aurait dû naturellement arriver entre nous, n’est finalement arrivé. »

J’ai échappé un reniflement de mépris. « Et à cause de quoi ? D’un père omniscient ? Ou bien parce que chacune d’entre nous a fait pencher une foutue balance de son côté ? »

J’ai senti une arachnide revenir à l’assaut de ma botte. Je l’ai laissé faire, indifférente, perdue dans des divagations qui escaladaient mon âme. La brise a tourbillonné plus fort autour de moi, comme des remous invisibles, obscurs et froids. Un rictus perplexe s’est dessiné sur mes lèvres.

« Des tas de choses, ouais. Un monde derrière la vision. C’est difficile à décrire comme expérience, et j’suis qu’un p’tit rouage. Enfin non, j’suis surtout le p’tit œil d’une lorgnette. »

J’ai tapoté ma tempe droite de l’index. « Et il est là, à nous écouter. À t’observer, j’imagine. Comment ses petits rouages se mettent en place, comment sa fille adorée grandit.  J’suis sûre qu’il est déjà ravi de tes certitudes. »

Le froid a semblé assaillir brutalement la clairière. Peut-être était-ce aussi le fait de mon imagination. J’ai eu la vive sensation d’une présence accrochée à mes épaules, une force qui tenait la laisse de la chose au fond de moi ; à droite, à gauche, descendre, descendre… Ça m’réussit pas tout ça, me suis-je dit, avec un brin de fierté et de familiarité, comme si je retrouvais un bout de mon ancienne moi. J’ai jeté un regard vers l’œil de la lune, haute et froide, qui dominait et transperçait temporairement le rideau des arbres d’une lame claire et blafarde. J’ai soupiré, soudainement lasse.

« Qu’est-ce que tu veux savoir d’autre ? Je t’écoute, vas-y. J’ai pas envie de rester longtemps ici, c’est crade et ça pue la nature. »

J’suis juste une balle avec des ailes de papillon, ai-je songé. Ça aurait dû me faire sourire, mais je ne l’ai pas fait. Quelque chose d’autre l’a fait à ma place.

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Ven 21 Oct - 8:16 (#)

Le vent froid de la nuit fait bruisser les feuilles dans le noir. L’énorme organisme forestier qui nous accueil et nous dissimule à ce côté familier des terrains de fouille sur lesquels j’avais travaillé, bien que la végétation soit différente. La terre spongieuse du sol étouffe nos pas et le silence de mort nous enlace. Notre macabre cortège a sans aucun doute fait fuir tous les oiseaux nocturnes, et nos dernières proies se sont terrées dans un silence terrorisé. Dans le mouvement frémissant de l’ombre, je les perçois, patientes, repues, calmes et vides. Des toiles se tissent comme autant de liens qui enserrent les arbres qui nous entourent, accrochant les faibles rayons de lune qui traversent les nuages, transformant cette forêt en notre forêt. Dans ce calme blanc où la vie s’est étiolée, seules les paroles rebelles d’Alexandra sonnent dans l’air comme une prophétie avortée. Les petits rouages sont remplaçables et n’empêcheront en rien l’Histoire de se répéter encore, plus vicieuse et plus terrible qu’elle ne l’a jamais été. Il n’y a que les faibles certitudes qui se brisent. Une pointe d’étonnement parvient à peine à remuer mon esprit à ses paroles suivantes. Penses-tu vraiment pouvoir me tuer, petite ? Cette tentative là aurait connue bien des débâcles, mais aurait au moins eu le mérite d’être intéressante. D’autres auraient été horrifié d’une telle révélation si froide et placide. Une fille avouant sans trouble qu’elle pourrait tuer sa mère, quel effroi pour les petits primates geignards attachés à leurs traditions éculés. Mais telle est notre relation depuis toujours, une détestation farouche qui se cristallise dans la plus pure des envies de meurtre. En un sens, elle aurait ainsi honoré l’instinct arachnéen qui poussent les petits à dévorer leur mère sans aucun scrupule. Combien de fois ai-je moi-même envisagé de passer à l’acte et de faire taire définitivement cette irascible voix qu’elle produisait sans cesse ? Cette nuit là aurait tout aussi bien pu voir la disparition de cette enfant, mais les évènements ont pris une tournure inattendu. Elle aussi en est consciente. Dans ses paroles où l’on entend la mort, on y comprend finalement bien l’inverse. Et pourquoi ne l’as-tu pas fait Alexandra ? Pourquoi ne pas avoir tenté de me tuer ? Je n’abandonne pas un son pouvant briser ce moment, la laissant délier le fil de ses pensées, analysant ses mots comme un tueur en série analyserait les morceaux de sa victime après l’avoir démembré. Es-tu donc si fière d’être ainsi l’instrument de ton père ? La petite a changé encore plus que ce que j’avais imaginé. Balayant cette question, j’essaie d’entrevoir les implications de ses mots. Ai-je été manipulée pour accomplir son dessein ? En d’autres temps, avant que mon âme ne se vide pour être remplacée par un océan de glace, j’aurais sans doute été outrée d’être ainsi utilisée. Mais l’araignée s’en moque. Seul le froid placide demeure dans mon être, insouciant de cette manipulation. L’objectif de l’arachnide demeure le même, indifférente à l’idée qu’un autre puisse en tirer profit. Indifférente au fait d’avoir été créée pour un but que n’est pas le sien. La placidité de son esprit est une arme contre elle-même pour la garder sous un contrôle supérieur. Est manipulable celle qui se fiche d’être manipulée tant qu’elle y trouve son propre intérêt. Cela ne relève-t-il pas d’un marché tacite finalement ? Son plan contre un royaume grouillant de chitine. Une colonie monstrueuse quittant cette forêt pour rejoindre la foret de béton froid et mettre à mal cette humanité envahissante. Pourquoi trouverais-je quoi que ce soit à en redire ?

L’impétuosité d’Alexandra recommence à pointer à travers cette nouvelle version d’elle-même, mais avant de tourner les talons dans un élan d’agacement, elle m’offre encore de répondre à mes questions. La petite qui avait auparavant tant de questions est à présent celle qui y répond. Intéressant. Il ne me faut que peu de temps pour savoir que demander. L’esprit encore empli de ses écrits, les cernes marquées par les nuits sans sommeil pour dévorer son ouvrage, je ne peux que désirer d’en savoir plus. D’une voix calme mais qui parait tonnante dans le silence de la forêt, je demande :

« Parle-moi de ton livre. » Mon regard se fait perçant dans la nuit, intransigeant. « Qu’en comprennent les humains ? » Y voient-ils la même chose que moi ? Ces visions plus intenses que les autres, dévorant mes sens pour me montrer ce monde, ont-elles été présentes chez d’autres ? « Quel est son but ? »

Une prophétie ? Une promesse ? Une menace ?
Pour que ce que j’en ai compris, bon nombre d’humains n’y voient qu’une fiction, alors à quoi bon ? Va-t-il permettre d’unir les gens comme nous derrière un idéal ? Réunir tous ces êtres maudits et leur offrir le royaume qu’ils méritent ? Délaissant une seconde ce maelström d’interrogations qui me hante comme une tempête capricieuse depuis que j’ai refermé le livre, je termine :

« Et dis-moi ce que tu peux faire pour moi. »

Me seras-tu utile ou bien ne resteras-tu que l’instrument de ton père ?
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
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His red right hand

Pseudo : Achab
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Date d'inscription : 28/03/2019
Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Dim 23 Oct - 18:23 (#)



Dans le noir, j’ai réfléchi. Dans le silence, j’ai réanimé mes souvenirs de Lui.
Ils n’avaient rien perdu de leur acuité. Les textures dans ma bouche étaient les mêmes. La saveur élastique de l’étouffement sous une masse d’élytres, les sons saturant mes oreilles ; les mêmes eux aussi. Les formes et les mots. Les murs et les sables. Une lune invisible au-dessus d’une immensité immobile, morbide, avec sa chorale lancinante qui résonnait à travers la lande déserte. Tout mon être s’en rappelait. Tout cela avait été buriné dans la matière de mon esprit, entaillé sous ma chair, imprimé à l’intérieur de mes sens. Jamais je n’aurais pu oublier tout ça, même avec toute ma volonté de rébellion. Un sacré cadeau du paternel.

Je me suis arrachée au cauchemar, et suis revenue à la réalité. À ce présent incertain, où ma mère, cet être fait de muscles et de nerfs chauds me contemplait dans la quiétude sinistre d’un clair de lune indifférent. Des questions inévitables m’ont traversé le crâne. Devait-elle en apprendre davantage ? Devais-je lever le voile devant elle ? Jusqu’où peut-elle vraiment aller ? Jusqu’où aurais-je vraiment envie de la laisser aller ?

Es-tu venu pour moi, enfant ?

Non. Mais j’étais repartie à cause de Lui. J’étais ici, dans cette forêt miteuse, puante et froide, à cause de Lui. J’ai alors levé les yeux vers les branches entrelacées, entre lesquelles filtraient une lumière blanchâtre, des lueurs mortes comme dans ce désert d’ailleurs ; la nostalgie était absente, mais non sa voix à Lui.

Trouve-la, enfant.

Je t’emmerde. Quelle introspection à la con. Je suis retournée fixer mes bottes, pensive, quand le silence se frayait une place entre ma mère et moi, ponctué par les chuintements des milliers de milliers de pattes. Le vent m’a paru être un blasphème. Un élément déplacé à l’intérieur de mes souvenirs qui reprenaient vie, là sous le halo glacial d’un astre mort, dans la puanteur fétide d’un charnier animal. J’ai eu envie de partir, de nouveau. J’ai fait un effort pour inspirer l’air vicié et je me suis accoudée sur mes genoux, immobile, lasse.

« Très bien. »

Les mots m’ont coûté. Je n’avais aucune envie de lui raconter. Je la détestais de tout mon cœur, et voilà que, par la volonté d’un père absent, je me devais désormais de l’aider. J’aurais voulu la guider vers une abîme plutôt, où elle aurait chuté en hurlant, et brisé tous ses os en un petit concert satisfaisant. Je me serai alors détournée de son petit tas de poussière livide, je serai allée boire un coup, sans y penser plus que ça, et j’aurais expérimenté cette existence, débarrassée de la dernière trace de mon ancienne vie.

Pourtant, je n’en ai rien fait. Peut-être parce que ma haine n’était que ça, un résidu d’une ancienne vie, et qui n’avait aujourd’hui pas plus d’importance que le reste de mes sentiments. Peut-être parce que c’était cela, ma nouvelle vie, la nouvelle femme, dont le nom d’Alexandra n’était plus que de l’encre sur un papier d’identité sans importance. J’ai commencé à chercher les mots. Puis, j’ai tout lâché. Sans nuances.

« C’est un calice et un morceau d’autre chose. C’est en sommeil. On y boit en le lisant et ça dort en nous. Jusqu’à ce qu’il décide de le réveiller. Il aime bien laisser dormir les choses, t’as peut-être remarqué ça. »

L’écrire m’avait vidé. Durant un court instant, je me suis souvenue de ces journées d’épuisement continu, où le simple fait de coucher ces mots sur le papier semblait me presser comme un citron. Ce livre m’avait pelé l’âme. Couche après couche, il m’avait extorqué mon art, et avait parachevé cette métamorphose en me condamnant à saigner dans l’encre de son verbe. Tout s’était achevé là. Tout avait terminé de mourir dans ces dernières pages. Je n’écrirai probablement plus jamais autre chose. Je suppose.

« J’sais pas tout pour le reste. J’sais pas tout d’ailleurs, d’un point de vue général. J’sais que tu as ressenti davantage que les humains, parce que tu as déjà un pied dedans. Ailleurs. »

J’ai laissé apparaître un rictus plein d’ironie sournoise. « Tu sais, là-bas, où il siège. J’y suis allée. Je suis sûre que tu t’y plairas parfaitement, maintenant que t’as décidé de t’engager sur cette voie. »

Putain, c’est bien tout ce que j’te souhaite, ai-je pensé, comme la clarté lunaire s’effaçait derrière de lourds nuages couleur de nuit. À cette heure, la forêt était recouverte d’un calme souverain, fait de craquements minuscules et de murmures inquiétants qui favorisaient les réflexions. Les miennes surtout. J’ai contemplé ces chétifs morceaux d’insectes évoluant en désordre sur la mousse et le gravier, avec leurs fragiles pattes déformées et leurs apparences hideuses ; rien de plus que des pions infructueux, comme je l’ai été, moi.

Quelle foutue ironie. J’ai relevé les yeux vers ma mère, haute silhouette attentive désormais suspendue à mes mots, comme jamais elle ne l’avait été. Ça arrivait souvent, ces temps-ci. J’ai essayé de réajuster mon assise, de trouver une position confortable sur ce rocher aux angles durs et suintant la terre. En vain.

« J’peux t’apprendre ce que j’ai appris. Je prétends pas savoir beaucoup, mais carrément plus que toi. Je peux t’apprendre à les faire grandir, » ai-je patiemment articulé, en désignant les araignées envahissant le sous-bois.

« J’peux t’apprendre ce qu’il y a derrière le voile. Je peux tuer pour toi. Je peux ouvrir tes perceptions. Je peux aussi inverser les choses, et abréger tes souffrances, si c’est ça que tu souhaites. Je peux faire plein de choses que Alexandra ne faisait pas, parce que je ne suis plus elle, et que je n’ai pas le même nom. »

J’ai fixé ma mère, impassible. « C’est ça que tu veux ? Tu dois accepter de ton plein gré cette fois-ci. »

Comme moi je l’ai fait. Comme moi je le fais encore. Parce que tu n’as jamais été aussi peu ma mère, et lui n’a jamais été aussi bien mon père. Mais ça, je n’allais évidemment pas le lui avouer.

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Mar 8 Nov - 8:31 (#)

L’humidité harassante et poisseuse saturant la foret et tordant nos os ne parvient pas à m’arracher aux rouages de mon esprit. Mon attention tout entière est portée sur l’attente des réponses de l’enfant maudite. J’en oublies le reste, oblitère l’odeur de la terre gonflée d’eau et de sang, condamne cette sensation tenace et réconfortante d’être encerclée par cette masse grouillante qui nous a accompagnée telle une aura macabre, vibrante et vivante. Mes sens s’émoussent à mesure où mon esprit avide attend des réponses. L’obscurité masque mon expression trop affamée de savoir. La faim. Une des rares sensations que l’arachnide comprend, qu’elle nourrit, qu’elle amplifie pour me permettre de dévorer le monde et ses mystères.
Obéissante et docile comme jamais elle ne l’avait été auparavant, elle accepte de répondre. A ses explications sur la nature réelle de son livre, ma tête s’incline comme pour mieux réfléchir. Implanter des œufs jusque dans l’esprit des gens pour attendre de les voir ou de les faire éclore, voilà bien une idée que je comprends. Es-tu donc toi aussi en train de te créer une armée ou bien est-ce là les prémisses d’un apocalypse terrible et grouillante ? Se feront-ils dévorer de l’intérieur, tes pauvres lecteurs, laissant jaillir de leur cerveaux avilis par tes mots des asticots leur rongeant les neurones et synapses ? Seront-ils eux aussi transformés en pantins dociles et soumis à Ses volontés ? Pour la première fois depuis bien longtemps je ressens presque de la hâte qui consume ma patience, curieuse de découvrir les maléfices qu’Il fera s’abattre sur ce monde. Quittant ces images remplies de vers grouillants s’agitant mollement dans le cortex de quelques humains ayant eu l’audace de lire le terrible livre, mon attention se reporte sur la silhouette malingre de la petite, assise sur ses rochers, dont les lignes se découpent tout juste parmi les ombres des bois. Le poison que tu leur as injecté par tes mots me semble des plus enviable. Elle reprend, mais sans d’avantage d’information pertinente, si ce n’est qu’il existe cet endroit autre. Elle ne m’abandonne que peu de choses à ce sujet, laissant tout juste sous-entendre que notre coin de la réalité est loin d’être tout ce qui existe. Mais j’ai déjà bien à faire ici pour me soucier d’un ailleurs incertain.

Les mots d’Alexandra semblent régner sur le calme de la forêt avant de se faire dévorer par les environs obscurs. Parmi ses paroles, une proposition fait tressaillir l’arachnide qui est en moi tant elle répond à un besoin vif et dévorant. Les faire grandir. Que mes enfants maigres et rachitiques se fortifient, croissent, et se répandent. Jusqu’à quel niveau peut-on espérer les voir se développer ? Voilà une question qui pourrait retenir tout mon intérêt. Et même cette brutale et irascible envie ne parvient pas à avorter entièrement l’étonnement que j’ai pour l’ardeur de l’entièreté de sa déclaration. Désintéressée par ce qu’elle est devenue ou même pourquoi, je me contente de cette satisfaction glaciale à découvrir en elle une arme qui m’a l’air fort utile. L’océan gelé des tréfonds de mon âme en frissonne d’une excitation aliénée qui se repend dans mon être. Tout semble enfin se mettre en place, comme si les choses étaient écrites. Mes yeux trop écarquillés, perdus dans des idées délirantes, demeurent dissimulés dans les ombres de la nuit, mais cette noirceur ne masque en rien l’avidité férale qui me dévore les tripes quand je lui réponds d’un ton oscillant entre affamement, désir ardent et folie :

« Dis-moi tout ce que j’ai à savoir. Dis-moi comment les faire grandir et proliférer. » Laissons cette masse noire qui ne vit que dans mes songes enfin déferler sur ce monde sale et malodorant. « Tue pour moi. » Cela serait si drôle de te voir faire. Soit un gentil pantin pour compenser la misère que ton existence a généré. « Sois enfin utile. »


Ces derniers mots meurent dans le noir comme ce fut le cas de mon esprit le jour de sa conception et de sa mise au monde. Comme un mauvais rêve qui disparait avec l’aurore, cet instant brulant qui a dévoré mon esprit s’évapore et se noie dans la placidité de l’insecte que j’ai dans le cœur, comme si cette excès sauvage n’avait jamais existé. Ces déraisons inattendues, débordement de cet esprit qualifié de malade quand j’étais plus jeune, semblent se faire de plus en plus fréquent à mesure où je me concentre sur ma progéniture rampante et sur les espoirs qu’elle porte. Peut-être est-ce là le signe que les choses dont je rêve depuis toujours vont enfin prendre consistance dans ce monde qui les a toujours niées.
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- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
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Dim 13 Nov - 17:45 (#)



La voilà extasiée. La voilà transie. La voilà ivre de révélations.
Cette chose encore vivante. Cet instrument d’une volonté écrasante. Cette femme qui, autrefois, répondait au titre de mère, d’Emma Zimmer. Mère qui frappe, mère qui hait, mère qui n’éprouvait aucun amour, mais nous étions mère et fille, aussi déformée soit notre relation d’alors. Que reste-t-il aujourd’hui de tout ça ? Je la suivais des yeux, sa face extatique sous la clarté nocturne, sa folle expression et ses gestes erratiques ; je sus alors que mon but était atteint. J’ai compris la raison de ma venue. Elle était crochetée, comme un papillon traversé par une tête d’épingle sur un tableau de collectionneur, derrière sa vitre de verre.

Que restait-il de nous aujourd’hui, alors ? Rien. Trois fois rien. Seulement des souvenirs inutiles subsistant dans les mémoires que nous partagions pour quelques temps encore.

Qu’est-ce que cela m’apportait ? Rien, rien non plus. Ces souvenirs n’avaient qu’un aspect pratique, tels des vieux papiers froissés dans le dernier tiroir du fond, celui que je n’aimais pas ouvrir.

Qu’est-ce que cela représentait pour elle ? Certainement rien. Elle ne m’importait plus. Tout comme cette terreur qu’elle m’inspirait, ses sentiments n’étaient que des résidus d’un autre temps, inutiles et désuets.

« Sois enfin utile, » ai-je répété, comme un rictus se dessinait sur mes lèvres. Ben voyons.

J’ai réfléchi à ces mots. Je les ai soupesé en silence, sans ressentir la moindre colère, le moindre sursaut de fierté, comme je l’aurais fait autrefois. Cela n’éveillait qu’un lointain ricanement. Une intention sournoise qui couvait au fond de mon âme et qui se déguisait d’une fausse paix intérieure, d’un détachement qui n’en était pas un. Lassitude fausse, et placidité surjouée. Je n’étais pas certaine moi-même de saisir pleinement les motivations qui se tapissaient au fond de moi, seulement un potentiel à venir, discret, patient.

Je me sentais croître. D’une manière dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence, que je n’aurais pas été capable d’expliquer encore aujourd’hui. Je faisais mes premiers pas. Horrible nouveau-née apprenant à suivre l’interminable chemin de ronces qu’on lui avait dessiné et qui, avec plaisir, entraînait là-dedans celle qui fut un jour sa mère. J’étais prête à lui tenir la main. L’envoyer sur le trône d’ossements qu’elle voyait poindre à l’horizon, devant une aurore couleur du sang et de la pourriture, et la clouer sur l’autel construit à côté. Un peu que je vais obéir, tout le plaisir est pour moi, ai-je pensé en hochant la tête pour moi-même.

J’ai baissé les yeux au sol. La lune y dessinait un halo pâle et froid, troublé par le flot des arachnides qui cheminaient sous les feuilles mortes, comme de minuscules parasites sur un écran mort. Mes pensées ont chuté en moi-même, là où se tapissait l’inspiration dictant mes mots, cette source maléfique dont je ne connaissais que trop bien l’origine. Ma voix a perdu sa chaleur, et toute intonation vivante.

« Ce ne sont pas des insectes. Ce n’est pas la chair qui les nourrira, mais la souffrance, la mort. Ils ne sont pas nés de la terre, ils naissent du conduit que tu es. »

La lune s’était éteinte au-dessus de nous. Je me suis retrouvée dans le noir. Je ne voyais rien, mais j’ai senti le sol crépiter autour de nous ; les mouvements de milliers de pattes créant des chuchotements secrets, à mesure de mon exposé. J’ai fixé un point dans l’obscurité, comme si la réponse se trouvait encore là, parmi ces feuilles mortes, ces branches et ces herbes, au sein de cette matière terrestre qui me rebutait.

En réalité, tout venait de moi. De cette antre bien au fond, depuis laquelle une conscience à l’affût nous surveillait. J’ai continué. Parce que pourquoi pas, putain.

« Elles ont besoin de cocons vivants, voilà tout. Tu as peut-être eu l'idée instinctivement, sans savoir pourquoi. Le pourquoi, tu le sais maintenant, » ai-je terminé.

J’ai senti l’air abandonner mes poumons. Ce fut cette même sensation de vide, d’épuisement, qu’écrire une page de ce maudit livre. Parce que je savais qu’autre chose dictait mes mots. Parce que je savais qu’il était toujours là, et que son œuvre vivait à travers moi. Les nuages ont à nouveau dévoilé la lune, et j’ai levé la tête une seconde fois, posant mon regard sur cette silhouette immobile qui m’écoutait, avide, attentive.

« J’crois que j’ai pas besoin de te dire ce qu’il y a à faire. T’as très bien compris. » Je me suis redressée de ce rocher inconfortable, brossant mon jean d’un revers de main. « Et les animaux, ça marchera pas. »

Tout cela, était-ce vraiment de son fait à Lui ? Je n’en étais pas sûre. Je percevais ces mots remonter depuis les tréfonds de mon âme, à travers cette petite porte qu’il avait laissé ouverte. Du moins, le croyais-je.

J’ai fait quelques pas dans ce sous-bois mouvant. Le bruit des insectes s’écartant à mon passage s’est fait presque assourdissant, au milieu des murmures étouffés du vent nocturne. J’ai fourré les mains dans mes poches. J’en avais marre de ce coin de nature. La nuit avait été instructive, mais je ressentais désormais le besoin intense de replonger en moi-même, et de discuter avec la voix maline qui avait dicté ses mots.

Je voulais connaître son nom. Je voulais savoir si c’était le même que le mien. Pas celui d’Alexandra en tout cas, ai-je pensé, en me tournant une dernière fois vers ma mère.

« Je rentre. J’crois que t’as déjà de quoi réfléchir et à faire avec tout ça. Appelle-moi quand tu auras décidé de la suite à donner, mais t’attends pas à trouver Alexandra la prochaine fois. »

J’ai tourné les talons. Derrière moi avaient été abandonnés les derniers résidus de mon passé humain, ma mère, mon ancien nom ; des coquilles vides. À leur place, quelque chose d’autre se manifestait lentement, avec une patience calculatrice, en escaladant les parois du puits qu’était mon âme. Une chose rampante, affamée, qui attendait son heure depuis ma naissance. Quoique ce fut, cela portait un nom que cette forêt, cette femme encore à moitié humaine, et toute cette vie grouillante, n’étaient pas prêts à entendre.

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