Ah, le Cross Lake. 35km² d’eaux calmes, de riche faune et de flore, l’endroit est le rêve du pêcheur et du touriste. Centre de villégiature aménagé par les hommes, de nombreuses offres touristiques sont proposées par les agences et autres guides locaux. Un lieu idéal pour vous relaxer. C’est pour profiter de ces petits plaisirs simples de la vie, que vous avez décidé de vous offrir un séjour touristique à bord du "Jordan Roll".
Modeste mais charmant bateau à roues à aubes, il propose un délicieux restaurant cajun, des chaises longues confortables et un guide expérimenté pour vous conter les légendes locales, Jacob Ledoux. Comme vous l’a dit abondamment celui-ci, il est lui-même un enfant du pays tout comme son bateau avec qui il parcourt le Cross Lake depuis 30 ans. Ledit bateau étant en service depuis plus longtemps encore, avec sa fière et solide mécanique américaine d’époque.
Que ce soit parce que le prix de la traversée est abordable, ou l’excellente notation de la cuisine cajun sur Google, vous avez été charmés par ce décor romanesque, typique de la Louisiane.
Toute la journée fut idyllique. Jacob vous a abreuvé de faits croustillants et intéressants sur les environs du Cross Lake. Le cuisinier, dénommé Junior, un grand afro américain toujours de bonne humeur, vous a comblé avec un copieux menu cajun et des techniques de pêche à la crevette. Le "Jordan Roll" a fini par accoster en milieu de soirée aux abords de Buzzard Island. Jacob s’est empressé de vous narrer les racontars locaux sur la petite ile, tout en profitant de l’air pur de cet endroit coupé du monde. Vous avez enfin pu oublier vos soucis durant ce ravissant séjour sur l’eau.
Seulement, un problème est survenu. Alors que vous vous apprêtiez à remonter à bord du "Jordan Roll", Jacob vous informe que le moteur ne repart pas. Bien entendu vous rassure-t-il, ça arrive de « temps en temps », et il descend à la salle des machines pour « vite régler ça ». Une heure passe sur Buzzard Island. La lumière du soleil commence à décliner, et avec elle, les écharpes de brouillard s’accumulent lentement sur l’ile. Jacob n’est toujours pas réapparu et Junior tente de rassurer ces quelques clients avec des cocktails offerts par la maison.
Vous pouvez alors décider de vous dégourdir les jambes sur la terre ferme, ou de rester sur le bateau en attendant la réparation. Au loin, par-delà la petite ile, vous apercevez la rive et les formes de la civilisation, mais aucune autre embarcation n’est visible et une traversée à la nage serait de la folie.
Vous êtes coincés avec d’autres passagers dont : un couple de texans accompagnés de leurs 4 jeunes enfants (dont 2 en bas âges), une grand-mère angoissée de Mooringsport, et un grand homme aux longs cheveux noirs, peu bavard, au profil amérindien. En plus de Jacob et de Junior, 3 autres matelots sont présents : deux hommes du coin avec des barbes broussailleuses et un accent du bayou presque incompréhensible, ainsi qu’une jeune latino bardée de tatouages en aide de cuisine.
Certains d’entre eux commencent à avoir des comportements erratiques, que vous attribuez sans doute au stress, à l’attente et à l’isolement. Car à mesure que le jour se meurt, l’ile se revête d’un habit inhospitalier et désolé, avec sa végétation éparse et ses quelques arbres rachitiques. Le brouillard ne fait que s’épaissir, comme l’avait averti Jacob. L’eau tout autour du "Jordan Roll" est ourlée de vapeurs paresseuses, et vous avez parfois l’impression de voir des formes se mouvoir entre les bosquets de l’ile. Sans doute est-ce dû au stress croissant, ça aussi.
Jacob vous a bien raconté des légendes locales à propos d’esprits des eaux, de créatures aquatiques et d’autres racontars cajuns, mais c’est uniquement pour amuser les touristes. Ce n’est pas réel.
N’est-ce pas ?
Lucia:
@Lucia Kinnaman Pour une raison inconnue, la grand-mère de Mooringsport s’est prise d’affection pour toi. Elle s’appelle Dida, a un léger accent du bayou, et vient toujours vers toi pour calmer ses angoisses. Durant la traversée, elle essayait déjà de venir à côté de toi pour te poser des questions innocentes et des taquineries comme le ferait une adorable mamie : « Comment une jolie jeune femme comme toi se retrouve toute seule ? » « Ma petite fille a les mêmes yeux que toi, tu sais. » Pourtant, maintenant que le bateau est à l’arrêt et que les ombres s’allongent, les questions de Dida résonnent de frayeur : « Tu crois qu’il va réussir à réparer ? » « Et si on doit passer la nuit ici ? » « J’ai cru voir quelque chose bouger dans l’eau. » Elle a tendance à te suivre partout. Tu as aussi remarqué que la grand-mère possède de nombreuses boites de pilules, la plupart étant des traitements pour le cœur. Tu as aussi reconnu certains noms de médicaments, notamment des calmants puissants utilisés en psychiatrie.
Wynonna:
@Wynonna Marshall La nuit tombe, et avec elle, la lune s’approche. Tu as judicieusement choisi une période où l’astre nocturne n’est qu’à son premier croissant. Et heureusement, car tu ressens la Bête en toi plisser le museau de dégoût face à cet environnement contraire à ses habitudes. Ta Bête n’aime définitivement pas cette ile. Il t’est difficile de dire s’il s’agit d’une répulsion normale face à une nature sauvage et intouchée, ou bien si quelque chose la perturbe vraiment. Pourtant, tes sens aiguisés t’ont averti de quelques anomalies. Les cocktails que Junior continue de servir, contiennent un arrière-goût doux-amer dont tu n’as pas réussi à identifier l’origine. Qui plus est, tu sens désormais dans l’air, porté par la brise embrumée, une légère puanteur entre les œufs pourris et la charogne. Toutes ces sensations sont difficiles à définir. Pour ne rien arranger, les enfants du couple de Texans courent partout sur le bateau, en braillant de leurs voix suraiguës qui vrillent tes tympans sensibles.
Elian:
@Elian Reed Depuis que tu as embarqué sur ce bateau, ton don n’a cessé de t’avertir que le grand homme aux cheveux noirs, l’amérindien, ment régulièrement. C’est difficile pour toi de l’ignorer. À chaque fois qu’on lui pose une question un peu trop personnelle, l’inconnu répond par un mensonge. Il dit s’appeler Joe, être là en vacances, travailler pour la Greyhound Line, et être passionné par les oiseaux de Louisiane. Tout cela est faux ; il ment systématiquement et avec un bel aplomb. Une autre personne a attiré ton attention. C’est la jeune femme de type sud-américaine, qui aide Junior en cuisine. Lorsqu’elle t’a servi le déjeuner aujourd’hui, tu as remarqué le collier qu’elle porte autour du cou et qu’elle s’efforce de dissimuler aux regards. Toi si cultivée et versée dans les cultures anciennes, tu as immédiatement reconnu des figures de divinités Incas sur son bijou. Tu n’as pas eu beaucoup de temps pour les identifier, car la jeune fille sort peu de la cuisine, mais tu es presque certaine que ce n’est pas une breloque de supermarché. Le collier avait l’air ancien et les quipu accrochés autour avaient l’air authentiques. Quant aux tatouages de la jeune femme, tu n’as pas eu le temps de les examiner de près, même s’ils avaient l’air simplement décoratifs. À première vue, en tout cas.
Emily:
@Emily Morrisson En dehors de tes camarades d’infortune, Elian et Wynonna, l’équipage du bateau et tous les autres passagers sont des humains. Ils ont tous des auras tout à fait normales, presque ennuyeuses, sans la moindre surprise. Enfin, presque tous. Quand l’aide de cuisine est venue servir le déjeuner, tu n’as pas pu t’empêcher de l’observer. Non pour la reluquer, quoique, mais parce que tu n’avais encore jamais vu une aura aussi brouillée. Tu as eu l’impression qu’elle était perpétuellement couverte de parasites, comme une télévision cassée, ce qui t’a empêché d’identifier sa nature. Alors que la nuit tombe sur l’ile, un autre phénomène attire ton attention. Par deux fois, tu as eu l’impression de voir une silhouette errer dans la brume qui s’installe entre les rares buissons. C’est furtif comme une ombre au coin de l’œil, et trop lointain pour être certaine d’avoir bien vu. Est-ce ton sixième sens t’avertissant d’une présence, ou bien simplement ton imagination ? Peut-être est-ce même les cocktails alcoolisés de Junior… Quoiqu’il en soit, tu as quand même l’impression que quelque chose t’observe depuis cette ile apparemment vide, même s’il est difficile se concentrer avec ces maudits gamins qui braillent sans arrêt.
Got the evil eye. You watch every move, every step, every fantasy. I turn away but still I see that evil stare. Trapped inside my dreams I know you're there. First inside my head, then inside my soul.
Elle trépignait presque d’impatience au moment d’embarquer. Elle qui l’observait, depuis les fenêtres de son salon ou de sa chambre, avec une forme de fascination propre à ceux qui n’était pas de la région, allait enfin naviguer sur le Cross Lake. Elle n’avait pourtant jamais eu l’occasion d’embarquer sur l’un des bateaux qui, paresseusement, traversaient l’étendue d’eau chaque jour. Par manque de temps, toujours trop occupée avec ses réceptions, Armand, puis son travail et l’Irae, il était rare qu’elle s’offre une journée de repos suffisamment longue pour pouvoir envisager une croisière. Pourtant, aujourd’hui, elle avait craqué. Le voyage avait été réservé deux semaines avant et la journée soigneusement organisée.
Tout s’était passé merveilleusement bien, ou presque, jusqu’à maintenant. Les enfants avaient été des enfants, légèrement bruyants, mais rien d’ouvertement gênant. Elle avait échangé un sourire et un signe de la main avec l’une des petites qui semblait fascinée par le diamant qui pendait à son cou et réfléchissait la lumière. Alors, elle s’était accroupie dans son pantalon de toile crème, pour la laisser l’observer de plus près, après avoir échangé un regard rassurant avec la mère de la petite. Elle avait dévoré les informations offertes par le guide, découvrant des anecdotes qu’elle n’avait jamais entendue. Le seul petit nuage de cette délicieuse journée avait été l’homme dont la voix avait crissé contre les parois de son esprit, à chaque question qui lui avait été posé. Son nom, la raison de sa présence, son emploi. Rien n’avait été vrai et chacune de ses interventions avait fait grincer les dents de l’arcaniste.
Alors que tous commencent à perdre patience, en attendant que M. Ledoux termine les réparations nécessaires au redémarrage de son embarcation, elle s’éloigne légèrement, s’accoude à la rambarde du pont et perd son regard dans l’étendue d’eau qui s’étire autour d’eux. L’île, plongée dans le brouillard, lui colle la chair de poule, mais pas plus que les nappes qui ondulent sur la surface du lac. D’un geste las, elle repousse une mèche derrière son oreille en observant, une fois de plus, l’aide de cuisine qui sort à la suite du cuisinier. Junior lui tend un cocktail, qu’elle accepte de bon cœur avec un sourire, portant le verre à ses lèvres pour en boire une gorgée en suivant des yeux la silhouette de la jeune femme couverte de tatouage. À son cou, à nouveau, le collier attire son regard comme un aimant. Il est clair qu’elle ne souhaite pas qu’il soit observé, mais Elian n’arrive pas à faire autrement. La pièce semble authentique, d’une valeur largement supérieure à tout ce que pourrait s’offrir, à priori, la jeune femme. Une seconde gorgée du délicieux cocktail se glisse entre ses lèvres et elle fait claquer sa langue contre son palais en observant le verre avec appréciation. D’une légère poussée, elle s’éloigne de son poste près de la rambarde en jetant un regard à l’amérindien qui semble s’être ouvertement renfrogné depuis l’arrêt de leur embarcation. Elle hausse les épaules, refusant de le questionner si c’est pour entendre un mensonge supplémentaire. Elle déambule sur le pont, passant près d’une jeune femme rousse, qui jette un regard passablement énervé aux enfants bruyants, avant d’entamer la descente jusqu’au sol. Les enfants sont adorables, mais beaucoup trop excités pour elle et elle souhaite profiter de son cocktail dans ce qu’elle espère être un calme relatif. Arrivée sur la berge, elle s’étire légèrement et s’éloigne de quelques pas pour observer plus attentivement l’île qui s’étend devant elle. Un frisson remonte le long de son échine quand ses yeux ne rencontrent qu’un brouillard presque impénétrable et les légendes contés par le guide reviennent tourbillonner dans ses pensées.
Regrettant soudain sa décision, elle remonte aussi sec, se pressant tant et si bien qu’elle finit par se cogner dans un des participants de la croisière. « Oh mon dieu, navrée ! » Elle se tourne en direction de la jeune femme qui lui fait face et sur laquelle elle vient de renverser la moitié de son cocktail. « Je suis désolée, laissez-moi vous aider ! » Avec précipitation, elle descend la fin du verre qu’elle dépose sur la rambarde avant de fouiller dans son sac pour en extirper un paquet de mouchoirs. Elle en tend un à la jeune femme, avec un sourire contrit. « Pour vous essuyer. J’espère que vous n’êtes pas tâchée ? C’est vraiment pas dans mes habitudes de rentrer dans des inconnues. » Elle se frotte le bras avant de demander, d’un ton poli, essayant de son mieux de se faire pardonner. « Je m’appelle Elian, si jamais il y a une tâche, je vous laisserai mon numéro de téléphone et je vous rembourserai le pressing, je vous le promets.» Son regard quitte le visage de son acolyte quand une fois de plus l’aide de cuisine apparaît dans son champ de vision, ses yeux se faisant à nouveau happés par le bijou. Elle penche légèrement la tête sur le côté pour mieux l’observer, mais détourne brusquement le regard quand elle sent peser sur elle celui de la latino. « C’est long quand même, non ? M. Ledoux est descendu il y a longtemps, non ? » L’angoisse latente qu’elle perçoit chez la quasi-totalité des gens commence à lui peser et à déteindre sur elle et sa voix s’en ressent. Elle tente de cacher le tremblement qui fait vibrer ses cordes vocales, mais échoue lamentablement. « C’est pas que je m’inquiète, mais j’aimerais bien ne pas avoir à passer la nuit ici… » Un frisson l’agite légèrement quand elle offre un sourire qu’elle espère de connivence avec la jeune femme qui se tient près d’elle.
Tu as les mêmes yeux que ma petite fille… Dommage que je n'ai pas une photo d'elle sur moi. À moins que…
Et la voilà qui fouille dans son sac à main rempli à craquer de bonbons, de vieilleries et surtout de médicaments de toutes sortes dont certains noms ne me sont pas inconnus. Je lui adresse un petit sourire avant de me replonger dans la contemplation du paysage. Je ne regrette absolument pas cette folie, cette envie soudaine de prendre le "large" avec le cœur de la ville et ses bars, de m'échapper pour un temps du foyer pour prendre un peu de bon temps ailleurs. Je ne me suis pas ruinée et c'est pourtant dépaysant. Les odeurs des plats cajuns, celle du bateau qui semble d'une autre époque et les parfums du lac me font un bien fou. Je suis partie seule,d'être tout simplement cette fille qui se paye une croisière, un besoin de me retrouver un peu. De m'oublier plutôt. Profiter du lieu, du côté hyper touristique de la chose avec les histoires, les mythes et légendes merveilleusement contés par Jacob. Je me suis laissée totalement emportée par ce dépaysement, cette impression de luxe avec les cocktails et les plats succulents du chef Junior. Tout était parfait sur ce bateau tout droit sorti d'une série télé ou d'un parc d'attractions. Cette halte sur Buzzard Island à permis à Dida de s'accrocher un peu plus à moi en prenant mon bras pour l'aider à descendre du bateau. Pas un instant je n'ai cherché à me défaire d'elle, bien au contraire, je la trouve attendrissante et touchante. Et puis, je lui rappelle sa petite fille, je profite un peu de son amour pour elle pour gonfler mon coeur en ondes positives pour changer.
La nuit commence à tomber, mon angoisse elle grimpe légèrement. Faut dire que depuis qu'on a mis le pied sur le bateau, on a dans les oreilles que des histoires qui hérissent le poil à base de disparitions et autres créatures étranges. Heureusement, ces aventures sont ponctuées par le rire sonore et franc de Junior qui nous ravit les papilles de ses mets divins et de ses cocktails qui le sont tout autant. Dida en prend sans alcool et demande à ce que ses plats ne soient pas trop salés. Son coeur et sa tension ne lui permettent plus de s'amuser autant que nous les petits jeunes. Junior se plie à ses volontés avec grand plaisir, il la bichonne comme une reine en lui apportant en personne les assiettes, il y met même moins d'épices pour qu'elle ne soit pas incommodée. Nous par contre, on a eu sa commis de cuisine bien moins sympathique et causante que lui. C'est dommage, vu le cadre, je me serais bien vue prendre sa place et bosser avec son super chef. Je suis tirée de mes pensée par notre conteur d'histoires qui nous informe avant de monter à bord que le moteur fait des siennes mais, qu'il est comme une vieille dame, il faut lui laisser un peu de temps pour reprendre son souffle. Dida ronchonne près de moi, prenant cette remarque au premier degré, elle rouspète en expliquant que dès qu'elle doit se rendre quelque part, elle ne fait pas faux bond et elle se déplace. Je ris en posant ma main sur la sienne tout en l'aidant à monter sur le bateau, elle a besoin de reposer ses jambes après la petite excursion. On prend place sur les transats, elle s'y assoit en rouspétant sur les horaires à respecter et qu'elle voit moins bien la nuit. Elle fouille encore dans son sac, en sort quelques cachets qu'elle cavale avec son cocktail fruité.
Je la laisse là pour aller regarder le paysage qui se fait peu à peu happer par la nuit, par la brume qui glisse lentement sur l'eau tel un drap léger. Des frissons. Mon regard se fait à cette obscurité naissante, les formes se dessinent, fantomatiques. Nouveaux frissons, les racontars de Jacob sur cette île remontent à la surface. Il sait y faire pour narrer ces histoires. L'espace d'un battement de paupières, je crois discerner une masse plus sombre qui se détache de la brume. Quand j'ouvre de nouveau les yeux, plus rien. Rire nerveux. Je secoue la tête et me détourne de cette contemplation qui me fiche de plus en plus la trouille. Junior tombe à point nommé avec une nouvelle tournée de cocktails, au choix; sangria ou punch avec pailles et petites ombrelles en prime. Derrière ce nouveau breuvage, j'y vois la non présence de notre hôte qui tarde à nous donner plus d'informations sur l'état du moteur. Dida me fait de grands signes, je la rejoins et elle me fait part de ses angoisses qui font écho aux miennes. " Ne vous inquiétez pas. Il doit bien avoir une solution pour le faire démarrer. Puis s'il n'y arrive pas, il contactera bien quelqu'un qui viendra nous récupérer. Ça vous fera une anecdote sympa à raconter à vos copines de bridge." J'essaye de me faire rassurante, de ne pas lui transmettre mes appréhensions qui ne seraient pas bonnes pour son coeur. Un peu plus loin une des participantes à la croisière renverse son cocktail sur une autre jeune femme ce qui a pour effet de détendre Dida un bref instant. Elle se met à pouffer en se masquant la bouche derrière son mouchoir. Un sourire ourle mes lèvres, malgré son âge avancé, elle se moque comme une gamine. Je jette un regard aux autres personnes présentent et toutes semblent de plus en plus inquiets face au silence du si loquace Jacob.
(c) mars.
Wynonna Marshall
Ratatouille l’authentique, spécialité cuisine option lancer de cupcakes
ASHES YOU WERE
En un mot : Jeune Rate-Garou en apprentissage de sa nature
Facultés : Me retrouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Je découvre ce qu'être une Théri veut dire. Dans la douleur et la résistance
Le plaisir que prend Wynonna à cette journée doit probablement être un motif pour rôtir en enfer comme lui aurait fait remarquer avec un malicieux contentement la sorcière qui lui sert de grand-mère maternelle. Pourquoi, sur les quatre, est ce que c’est elle qui a survécu, mystère, sinon pour renforcer l’idée que la méchanceté, ça conserve. A l’inverse totale de la grand-mère venue profiter de la croisière avec sa petite-fille. Elles ont l’air vraiment complices, ces deux-là. La rousse ne se laisse pas freiner par cette pensée parasite. Pas après une journée aussi géniale. Réveillée trop tôt pour un jour de congé, elle a savouré la perspective de ne pas avoir à se rendre au restaurant avant le lendemain 9h pour commencer à s’organiser avec son équipe. Nuage plus lourd en songeant à la longue nuit qui l’attend. La Nouvelle-Lune est devenue sa nuit préférée, son passager clandestin à peine perceptible.
Aucun plan, rien de prévu, parfait. Jusqu’à ce qu’elle tombe sur une publicité issue de l’un de ces algorithmes qui cible les contenus par utilisateurs. Généralement, elle n' y prête aucune attention, mais cette fois, il y a une réduction pour une croisière restaurant sur le Cross-Lake, qu’elle n’aurait jamais considéré sans cela. Le restaurant du bateau à aubes a une réputation solidement établie et fait partie des tables qu’elle a envie de goûter depuis des lustres. Plus… une journée sur le lac, avec un temps prévu magnifique. Est ce qu’elle devrait prévenir Tyler de son projet? Elle hésite au moment de valider sa réservation puis décide de ne rien en faire. Le bateau doit retrouver ses amarres autour de dix-neuf heures, presque une heure avant le coucher du soleil. Elle a un peu de marge.
Les heures à naviguer sur le lac et l’approche de la petite ile sont passée à une vitesse folle. Une petite pointe d'appréhension en constatant que le bateau se rapprochait du rivage quand les rayons du soleil couchant frôlent l’onde et les parent d’un chatoiement de couleurs dont elle perçoit toutes les nuances. Les fumerolles de brumes qui naissent sur la terre ferme se colorent aussi et elle s’imagine que c’est presque à cela que doit ressembler une aurore boréale qu’elle n’a vu qu’en photo. Un jour peut-être... Et le repas de ce midi! La cuisine de Junior est largement à la hauteur des critiques dithyrambiques qu’il reçoit! Elle a adoré déguster chacun des plats préparés avec un brio impressionnant. Wynonna découvre que l’Animal en elle offre à ses sens une profondeur qu’elle n’aurait jamais pu deviner avant. Elle apprend encore à les discipliner à ne pas trop se perdre dans ses nouveaux stimuli, mais en ce qui concerne la cuisine, c’est un don incroyable. Le revers de la médaille est brutal, mais cet aspect là le rendrait presque, pas tout à fait, mais presque supportable. Elle s’est présentée rapidement à Junior qui a été ravi de développer un peu plus son approche et sa philosophie de cuisine. La seule fausse note, à son avis, ce sont les cocktails qu’elle trouve mal équilibrés. L’espèce de sangria lui laisse sur la langue un arrière goût aussi déplaisant qu’ indéfinissable et après en avoir bu un ou deux a cessé complètement. Froncement du nez. Ca aussi, ça vient dans la catégorie Contre. Depuis sa première pleine Lune, les effets de l’alcool ont pratiquement complètement disparu tout comme ceux de la weed. shame. Au moins, elle économise de l’argent : Pour.
Les autres passagers se sont révélés discrets, courtois et presque tous souriants, à une exception près, le grand échalas aux cheveux sombres.. Le seul point noir pour elle sont les enfants qui n’ont cessé de courir et crier sur le pont du bateau, coupant Jacob dans ses histoires tour à tour drôles ou effrayantes. Bien qu’elle ne pense pas que la moitié soit vraie, il régnait une ambiance Contes de la Crypte dont elle s’est régalée une partie de son adolescence. Avant, elle avait rien contre les gamins, après plusieurs heures à devoir les supporter, elle en vient à se demander quel pourcentage de perte serait acceptable pour les parents. Ils en ont quatre, si l’un d'eux passe par dessus bord, ce ne serait pas si grave, si? Plus d’une fois elle a croisé le regard d’une autre nana qui semblait être aussi agacée qu’elle par le bruit incessant des minis-monstres. De guerre lasse, cédant le terrain devant l’ennemi, elle finit par choisir l’option écouteur-bluegrass. La bande son idéale pour finir la croisière.
Ils ont pris un peu de retard et cela commence à l’angoisser. Un retard qui se transforme en panne dont les origines sont floues et les explications tout autant. Wynonna hésite à rester sur l'île. Peut être que marcher un peu lui permettra de se dégourdir les jambes et de réduire son sentiment de malaise. Elle s’oblige à respirer profondément, sa bestiole devrait dormir ce soir, c’est juste un petit contre-temps. Rien de bien grave. Sinon que cela fait une heure que les moteurs sont endormis. Que l'île elle-même commence à lui être désagréable. Une brise a poussé dans sa direction un ruban de brume et les odeurs dont il était chargé étaient acre et lourde de souffre en plus de quelque chose de douceâtre vraiment écœurant. Non. Retour au bateau en rejoignant le charmant petit ponton sur lequel ils ont accosté. En montant, elle se retourne pour jeter un coup d'œil dans son dos. Son ouïe plus affutée aurait dû la prévenir de la présence d’une autre personne, assez pour l’éviter, mais elle a encore du mal à évaluer les distances réelles entre ce que ses sens perçoivent et la position concrète des gens ou des objets. Elle se heurte avec l’une des passagères qui asperge son haut d’un demi-cocktail. Fraîcheur immédiate qui lui arrache un petit cri de surprise.
La femme qui l’a percuté est d’une élégance qui lui fait prendre conscience à quel point ses sandales à semelles compensées, son short en jean à imprimé à fleur et son débardeur ample rose poudré le sont nettement moins. Par réflexe, la rousse rattrape les larges lunettes de soleil juchées en haut de son crâne, qui allaient basculer sur le bois et esquisse un léger pas en arrière qui la mène sur le pont. -Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas très grave. Ca va sécher rapidement, il fait encore chaud. -Un petit éclat de rire étouffé sur la droite attire son attention sur la grand-mère et sa petite fille, cutness alert. Elle n’a jamais connu ce genre de complicité avec sa mère et ça devient compliqué avec sa sœur depuis… .depuis la Ratocalypse. Un bref regard d’envie, peut-être avant qu’elle ne récupère le mouchoir offert. Un sourire plus large et sa langue lui échappe, une nouvelle fois. -Pourquoi, d’habitude vous préférez vous cogner dans les gens que vous connaissez déjà? -cringe. Un jour, elle arrêtera de dire tout ce qui lui vient en tête. Pas celui-ci, visiblement. Pendant quelques secondes, elle éponge comme elle peut l’alcool coloré, sans trop y mettre d’efforts. -Je ne pense pas que cela va tacher, et puis ca lui donnera un style unique comme ca.
La latino tatouée passe à coté d’elles et Wynonna suit le regard de son interlocutrice, s’attardant sur les nombreuse œuvres d’art qui ornent ses bras et ses mains. Il y a peu de chance pour qu’elle puisse avoir de nouveaux tatouages, maintenant que sa peau se régénère. Heureusement qu’elle adore les deus qu’elle a déjà. Définitivement colonne des contres. Contre aussi l’absence de ses nombreux bracelets bangles en argent qu’elle a remisé au fond de sa boîte à bijoux. Elle acquiesce à la remarque, un signe de menton plus affirmatif. -Oui, cela fait plus d’une heure qu’on est arrêté. Heureusement que la cuisine de Junior a de quoi tenir un siège! -La nuit, sur l’eau, entourée d’étrangers, à côté d’une île qui lui paraît moins enchanteresse maintenant que le soleil se couche. Perspective peu engageante. -Non, non, au pire, peut être qu’il peut appeler quelqu’un à Pinecrest pour envoyer un autre bateau nous remorquer, si cela dure trop? -Tente t’elle de se rassurer autant que l’autre femme, tenant à distance ses propres inquiétudes de cette manière. Elle appuie ses paroles d’un nouveau sourire, répondant à celui qui était offert. -Est ce que vous voulez que je demande à Junior un autre verre? Vu que la moitié du votre a été perdu? Il peut peut-être nous préparer autre chose que ce cocktail? Je le trouve un peu trop sucré pour moi. -Avisant pas loin l’autre jeune femme qui semblait partager son désamour de la jeune génération elle la hèle en haussant un peu la vois. -Je vais voir Junior pour savoir s' il a quelque chose à nous proposer à grignoter en plus de ces cocktails, est ce que vous avez envie de manger ou d’un verre? -Pas son mélange d’étrange sangria. De cela, la petite rate en est certaine, elle va tenter de convaincre le cuisinier de leur proposer une autre boisson. -Vous avez croisé Jacob, récemment? Nous cela fait un moment maintenant. Vous croyez qu’on devrait voir dans la salle des machines? -Elle n’aime pas trop cette idée, la coursive menant au pont inférieur est barrée d’un avertissement interdisant l'accès à toutes personnes non autorisées.
Certains jours, la patience était une vertu qu’Emily possédait en quantité suffisante pour passer au travers de tout ce que l’américain moyen pouvait bien avoir comme connerie à lui envoyer. Elle pouvait supporter les regards de certains qui se pensaient discrets, ou les remarques d’autres sur un sujet qui la touchait, ou même sur le comportement général d’humains qui relevaient plus de la stupidité que d’une intention maligne. Et puis il y avait cette fois où des gamins lui donnaient sincèrement envie de passer du côté obscur et de leur arracher jambes et cordes vocales pour jeter le tout dans l’eau en leur disant de sauter pour les récupérer. Elle ne savait pas ce qui était le pire. El fait que les gamins soient aussi bruyants et turbulents ou le fait que les parents avaient décidé de faire comme si tout était normal. Elle ne cherchait plus qu’une excuse pour leur tomber sur le dos et leur faire comprendre avec toute la finesse dont elle disposait une fois énervée qu’il était temps qu’ils fassent quelque chose ou elle s’en chargerait.
La croisière aurait pourtant dû être un moment idyllique et rafraichissant en plein cœur de la fournaise louisianaise. Elle avait remarqué la publicité au hasard en sortant de ses achats pour remplir ses stocks indispensables à son travail et avait décidé d’essayer après avoir consulté les critiques parlant de la cuisine, de l’accueil et des fameux cocktails. Elle ne regrettait pas ce dernier point. Ni aucun des autres, d’ailleurs. Elle découvrait les lieux, s’imprégnait de l’Histoire et des histoires qui lui parurent parfois extravagantes, même pour elle. Elle dégustait les plats avec un plaisir non-feint qui semblait ravir le cuisinier, qui n’avait pas hésité à lui faire goûter quelques mets supplémentaires, augmentant sans le savoir le pourboire qu’elle avait glissé à son intention et celle de son aide-cuisinier. Et les cocktails s’étaient enchaînés tout le long de la croisière. Légers, ils lui laissaient une saveur dans la bouche et une légèreté dans l’esprit dont elle avait presque oublié les effets, trop habituée aux extrêmes habituels. Voilà qui était agréable, sans conteste.
Un nouveau cri lui fit pousser un soupir et darder un regard exaspéré sur l’un des gamins qui ignoraient purement et simplement les autres passagers, faisant leurs singeries sans se demander s’ils étaient respectueux. Il y avait des baffes à donner et elle était prête à payer pour en avoir la possibilité. Son regard s’attarda un instant sur la silhouette de l’aide-cuisinier et, une fois de plus, elle plissa les yeux, avec le même résultat qu’auparavant. Brouillée, c’était ce qui qualifiait le mieux la vision qu’elle avait de son aura, là où elle percevait parfaitement celles des autres. Notamment celle d’une rouquine qui lui rappelait une autre aura, sans mettre le doigt sur laquelle, bien qu’elle restât convaincue de sa nature thérianthropique. Toujours cette espèce d’essence plus musquée que celles des humains ou des arcanistes comme la jeune femme qui avait eu la patience de papoter avec une des gosses. Encore que cette gosse-ci était calme, contrairement aux autres. Elle cessa de mater la jeune aide-cuisinière et s’accouda au bastingage, son verre dans une main, observant l’île près de laquelle ils s‘étaient arrêté voilà maintenant un moment. Un problème de moteur, apparemment. Tout le monde semblait impatient de repartir, mais ce n’était pas spécialement son cas. Rien ne la pressait une fois la croisière terminée et elle s’imaginait mal qu’ils allaient rester la nuit-là. Ce n’était pas le seul bateau à voguer ici, il suffisait d’en appeler un autre et le problème serait réglé.
Le seul bémol, exception faite des chiards insupportables, était l’île en elle-même. Quelque chose à son propos la gênait profondément. Un sentiment de malaise et des apparitions furtives loin d’être bienvenues. Ne manquait plus qu’un fond de musique angoissante et, avec la brume qui apparaissait çà et là, on se serait cru dans un décor de film d’horreur. Non, décidément, mettre le pied sur l’île ne lui faisait tout simplement pas envie, même si cela signifiait partager le pont avec des brailleurs. Elle porta son verre à ses lèvres et soupira en savourant le doux nectar. Ça, au moins c’était réconfortant et cela suffit à résister à l’envie de faire un croche-pied à l’un des gosses passant en courant un peu trop près d’elle. Mais cela n’empêcha pas les deux passagères aux auras particulières de décider de se rentrer dedans, attirant son regard et un sourire amusée face à la nonchalance de l’une et l’extrême amabilité de l’autre, l’apparente fautive de ce début de concours de t-shirt mouillés. A nouveau, un mouvement capta son attention. Une silhouette à travers la brume, fugace, mais bien visible pendant un clignement. Un frisson parcourut l’échine de la medium et elle se redressa, de plus en plus certaine que quelque chose clochait, sans savoir quoi.
Elle sursauta presque en entendant la voix de la rouquine trempée d’alcool qui la héla, s’arrangeant déjà un bon point en proposant d’aller chercher le cuisinier pour avoir de quoi boire et manger en attendant que les potentielles réparations soient faites. Lorgnant sur son propre verre à moitié vide, elle approcha des deux femmes, un sourire aux lèvres. Elle n’avait pas hésité à reluquer les passagers et particulièrement ces deux-là et l’aide-cuisinière. Leurs auras respectives attiraient son regard, elle n'y pouvait rien et il n’y avait pas d’autres raisons, évidemment.
- Je ne dirais pas non à une de ces spécialités. L’odeur seule suffit à me donner faim.
Elle ne put s’en empêcher, mais elle fixa un peu plus l’aura de la rouquine, certaine de reconnaître quelque chose en son sein. Une sorte de familiarité qui la perturbait et l’intriguait à la fois et cela la rendait sympathique, comme une vieille connaissance perdue de vue alors qu’elle était certaine de ne jamais avoir croisé son chemin. Elle allait enquêter, pour sûr. Plus tard. Ils avaient visiblement le temps.
- Je pense qu’on devrait les laisser travailler à leurs réparations, mais je suis d’accord avec vous, appeler la terre ferme serait une bonne idée, ne serait-ce que pour informer du problème.
Elle ajouta, non sans une pointe d’humour, à l’intention de celle cherchant à noyer les passagers dans son verre.
- N’hésitez pas à renverser votre verre à nouveau, c’est une excuse comme une autre pour profiter un peu plus de leurs cocktails. Oh, je me présente, Emily. Cette croisière tombait à pic en cette saison, même si certains ajouts sont quelque peu superflus.
Elle jeta un regard inquisiteur en direction des marmots toujours excités et se demanda brièvement ce qu’ils avaient pu prendre pour être encore turbulent après tout ce temps. Elle n’avait jamais été emmerdante à leur âge. Si ?
- Pour en revenir à Jacob, à moins que vous ne vous y connaissiez en moteur de bateau, je doute qu’aller le voir vous aidera beaucoup, il ne va sans doute pas vous alarmer et dira que tout est sous contrôle. Qu’est-ce qui vous a amené ici, toutes les deux ? l’amour des vieux bateaux ou la cuisine Cajun peut-être ?
La réponse de la jeune femme lui tire un rire léger, soulevant une part de la chape d’anxiété qui pèse sur ses épaules. Elle inspire profondément en faisant doucement tourner le pied de son verre, désormais vide, entre ses doigts. La sensation pesante ne lui est pas étrangère, après tout, elle la traîne à ses basques depuis des années désormais, mais elle n’est qu’exacerbée par celles des autres passagers, et elle glisse une mèche derrière son oreille en souriant, cherchant à trier ses émotions de celles des autres, fouillant dans la vaste toile émotionnelle du navire pour démêler ses émotions hors de l’écheveau. Elle écoute distraitement la rouquine en hochant la tête, effectivement, si la situation s’avère irréversible pour leur bateau, ils pourront toujours tenter de contacter la marina pour envoyer quelqu’un les sortir du pétrin. Elle observe son verre vide en haussant un sourcil avant d’acquiescer. « Si vous proposez, il serait impoli de dire non. » Un léger rire lui échappe tandis qu’elle attrape du bout de la langue les dernières traces de la saveur du cocktail sur ses lèvres. « J’avoue le trouver délicieux personnellement, mais s’il est prêt à proposer autre chose, je ne dirais pas non ! Et j’admets qu’un petit quelque chose à grignoter ne serait pas de trop, non plus en effet… » Son regard se perd de nouveau sur la jeune aide de cuisine, s’arrêtant sur ses tatouages dont elle essaie une fois de plus de définir la situation, une moue concentrée et légèrement dépitée se dessine sur ses traits et elle sait qu’elle doit être au moins aussi discrète que les gamins sur le pont, mais c’est plus fort qu’elle : quelque chose l’intrigue profondément. Elle aimerait s’enquérir de toutes ses encres, de leurs significations, des potentiels enchantements qui ornent la peau mate de la jeune femme. Elle aurait tant de questions sur ce collier d’une valeur probablement inestimable, qu’elle tente de cacher aux yeux de tous, mais qui ne cesse d’attirer l’attention de l’arcaniste. La sorcière, passionnée d’enchantement, d’objets anciens, ne peut que vouloir attester de la véracité de l’objet, en découvrir les secrets et percer le code de ces quipu qui ondule à chacun des pas de celle qui les portent.
Une autre jeune femme les rejoints, Emily et Elian ne peut retenir le rire qui lui échappe devant la boutade qu’elle lance. « Mon Dieu, est-ce que je vais garder la réputation d’être celle qui renverse son verre jusqu’à ce qu’on vienne nous récupérer ? » Elle hoche la tête en mordillant l’intérieur de sa joue avec un soupir. « Oui, j’admets que je me serais bien passé de cette panne… » Elle n’ajoute rien quant à l’ambiance étrange qui règne sur les environs, sur ces volutes étranges qui couvrent l’eau et ce brouillard perturbant qui les englobe silencieusement depuis tout à l’heure. Elle ne sait pas si c’est sa nature qui la pousse à la paranoïa, ou si tout le monde perçoit l’étrangeté de la situation. Elle reporte son attention sur Emily, répondant à sa question avec un sourire. « Pour ma part, je n’habite pas très loin du lac et j’ai toujours eu envie d’aller tester une des croisières, mais je n’ai jamais trouvé le temps avant aujourd’hui ! Cela dit, je ne regrette pas à l’exception de la dernière heure tout a été parfait. Les légendes de Jacob sont extrêmement intéressantes ! Et vous ? » Elle hoche la tête avec véhémence, intriguée par la potentielle véracité de propos du capitaine. Un petit soupir et Elian tente à nouveau de rejeter l’anxiété générale hors d’elle, de s’extraire du carcan étouffant qui pèse sur sa poitrine, pour ne pas se laisser engloutir. Elle se secoue intérieurement et pousse un petit soupir en sortant son téléphone de sa poche, demandant à ses deux compagnes d’infortune. « L’une d’entre vous a-t ’elle le numéro de la marina ? » Du pouce, elle tente de déverrouiller son téléphone pour se rendre compte qu’il est désormais éteint. Ses sourcils se froncent en tentant de le rallumer persuadée de l’avoir rechargé avant de partir. « Rah… Apparemment, ma batterie est à plat, je vous laisse tenter un appel ! » Elle hausse une épaule d’excuse avant de tourner légèrement sur elle-même pour observer les alentours, les sens en alerte, l’anxiété revenant en force malgré ses efforts.
L'ambiance est vraiment pesante sur ce bateau à présent, rien à voir avec les éclats de rires et de voix qui emplissaient l'air. Les enfants qui étaient déjà pas mal agités au départ de la croisière le sont bien plus encore maintenant que le paysage ne défile plus sous leurs yeux. Ils avaient de quoi s'occuper à regarder par dessus bord, à essayer de trouver des crocodiles pour leur balancer leurs bonbons sur le coin de la gueule. Sauf que là, ils tournent en rond, bousculent et tapent sur le système de tout le monde. Dida râle de son côté à chaque fois qu'un cris strident se fait entendre ou que leurs pas d'éléphanteaux se font entendre sur le bois élimé du pont. Trop long. Trop peu d'informations. Trop de brume. Trop d'angoisses palpables. Je soupire, cherche dans le regard des autres un peu d'apaisement mais, rien tous semblent en proie aux mêmes sentiments, tous se questionnent plus ou moins silencieusement sur la situation. La brume semble s'épaissir au fil des minutes, des secondes même, englobant la totalité de l'île telle une vague silencieuse, une marée montante avalant tout sur son passage. Cette image est plus parlante que le drap que j'avais en tête un peu plus tôt.
La main de Dida sur la mienne me sort de mes pensées, elle esquisse un maigre sourire et me demande si je ne pourrais pas aller voir les jeunes femmes qui discutent entre elles. Peut-être qu'elles auraient des informations que je n'ai pas. L'adorable grand-mère veut en savoir plus, la nuit n'est pas son élément et elle a très envie de se retrouver chez, en sécurité. Dida ne veut pas être dérangeante et aller quérir des détails quant à la suite auprès de Junior qu'elle embête suffisamment à son goût. Elle a peur, presque terrorisée même. Je prends alors mon courage à deux mains pour elle et mon punch aussi. Je m'approche du groupe de demoiselles où il y a celle qui a eu le droit à une douche alcoolisée. Elles parlent d'appeler la marina, d'aller à la recherche de Jacob pour qu'il ouvre bien grand le bec comme lors de ses histoires si habilement contées il y a quelques heures seulement. Pour ce qui est du moteur, les détails ont été brefs et le son de sa voix bien moins teintées d'envolées romanesques. Aucune d'elles n'en sait plus, me voilà bien avancée. Machinalement, je regarde mon portable moi aussi; déchargé. Je hausse un sourcil, pour le peu que je l'utilise, il est passé de 88% à rien du tout? Mon angoisse augmente d'un bond, rien n'est plaisant dans cette croisière finalement.
"Mon portable est à plat aussi… J'espère qu'ils ont bien une radio à bord pour appeler des renforts." J'ai parlé comme si j'étais dans la conversation l'instant d'avant, sans prendre la peine de signaler ma présence de manière plus conventionnelle. Un brin embarrassée d'avoir mis les pieds dans le plat, je sirote mon punch comme s'il n'y avait pas d'alcool à l'intérieur. J'suis pas hyper douée avec les interactions sociales, plus à l'aise avec la drague et le monde de la nuit dans les lieux clos, bondés. "Heu… pardon, je me suis un peu incrustée dans votre conversation… La vieille dame là-bas, Dida, pensait que vous en sauriez plus… Mais, je crois qu'on est tous dans le même bateau… dans le flou total donc. Moi c'est Annie." Un trait d'humour qui ne fera certainement rire personne vu la situation et un mensonge glissé l'air de rien, je vais me faire des amies avec ça. Après tout, je peux bien être qui je veux, c'est pas comme si j'allais revoir ces personnes et quand bien même, j'ai une bonne excuse pour ne pas dire la vérité. J'esquisse un léger sourire pour paraître moins stressée, c'est plutôt pas terrible, mon regard se fait irrémédiablement happer par la brume qui me m'angoisse toujours un peu plus.