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Deux notes sur la même partition | Myrtle

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Anonymous
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Lun 6 Mar - 20:17 (#)




Décembre 2020

Un dernier regard dans le miroir, et, le menton légèrement levé, fierté et orgueil à leur paroxysme, elle délaisse ce qu’elle juge être une parfaite représentation de la beauté, ajustant les vêtements trop modernes choisis quelques minutes plus tôt qui la réduisent à une fade banalité. Dans un parfait chignon, l’Immortelle replace stratégiquement l’une des épingles qui maintiennent sa coiffe et
imbibées de poison, comme à son habitude. La nuit vient à peine de tomber, l’hiver possédant au moins cet avantage de les gratifier de quelque sursis et de retarder leur état de veille. À pas feutrés, elle glisse jusqu’à la porte attenante à celle de la chambre de son amie et l’entrouvre doucement, seulement pour constater que cette dernière n’a pas encore succombé à l’appel de la nuit. Sans la déranger, la main crispée sur le chambranle de la porte, elle la fixe silencieusement de longues secondes, soulagée de sa présence, même si encore marquée des derniers événements. L’inquiétude n’a jamais cessé, durant son absence, depuis son retour. Consciente que le processus
sera long, qu’il ne suffisait pas de vouloir oublier certaines horreurs pour les voir se volatiliser, lui souhaitant une force intérieure supérieure à la sienne, pour qui sept décennies restaient trop peu. Refermant tout aussi doucement la porte qui sépare leur antre respectif, ses pas la conduisent dans le couloir puis en haut des escaliers, et, un dernier regard apposé sur la porte de la Reine Rouge, elle rejoint le rez-de-chaussée.

Si son ambition première avait été l’évasion du motel pour l’agitation de la ville, au risque de se confronter à une tentation contre laquelle, au vu de son état, elle ne pourrait peut-être pas lutter, le bourdonnement de l’écran de télévision attire son attention. Il est rare qu’elle y prête plus qu’un rapide coup d’œil teinté de jugement, bien moins nuancée encore sur les mouches hypnotisées par ces milliers de pixels. Mais les mots de sa langue natale, désarticulée par une traduction parfois
littéralement inexacte et le visage qu’elle a appris à mépriser de ce…. Jinping la font se rapprocher de l’audimat, portant un regard sévère sur cette diatribe de lâche.
Elle avait connu l’Empire, destinée à maintenir la dernière Dynastie ayant vogué sur cet océan aujourd’hui tari. Ne restait qu’une banale République et une farce de laquelle naissait toujours une nouvelle pique de la part des Occidentaux. « Et voilà le résultat de votre brillante et pathétique révolution… » souffle-t-elle pour sa propre personne dans une langue qu’elle seule comprend ici. Ils étaient pourtant nombreux, les orientaux, ici, mais diablement plus basanés. Quelques sourcils
interrogateurs se dressent à son encontre mais ses talons ont déjà tourné et les portes du motel poussées.

Les mains dans les poches d’un long manteau noir qui la préserve inutilement d’un froid qui ne l’atteind pas, bercée par la clameur de la liesse nocturne que ce vendredi soir rend presque assoudisante, elle déambule, Mort errante que les années ont oublié. Les livres dans lesquels son nom subsiste sont à présent relégués sur l’étagère poussiéreuse d’une vieille remise, plus visités par les mites que par quelque curiosité historique. Ne reste que l’anonymat que la modernité lui offre, quand tous recherchent de façon intempestive un quart d’heure de gloire éphémère. Tout va trop vite, tout se déforme. Ils brûlent leur vie par les deux bouts sans comprendre l’essence même de leur pitoyable existence. Tout n’est que bruit, parasites. Absorbés par de piètres idoles, fascinés par des intellects en-dessous de la norme, valorisés de manière excessive pour ne pas briser leur psyché fragile. Tout est trop facile, dans ce vingt-et-unième siècle qu’elle commence à peine à maîtriser. Et celui-ci n’est définitivement pas fait pour elle.

Poussant la porte de l’un des rares endroits où son attrait la porte encore, la Chinoise prend place au bar, commandant pour se fondre dans la masse dans cette normalité salutaire qui lui gage quelque sursis. Les premières effluves attaquent son odorat et Mei n’a pas besoin de tremper ses lèvres dans le breuvage pour savoir qu’il est bas de gamme. Serait-elle un jour surprise par une quelconque innovation dans ce pays? Trop jeune, trop… prosaïque. Absent de mille années d’Histoire que les autres continents continuent de porter avec fierté. Ils n’ont rien inventé, quoi qu’ils puissent en penser. Nés de la conquête, certes, et du sang des peaux rouges éradiqués pour l’avènement de cette médiocrité qu’ils défendent avec tant de ferveur. Leur naïveté patriotique lui arracherait presque un sourire, si son humeur n’était pas si branlante. Venimeuse, à n’en pas douter.

Les premières notes de piano résonnent et elle se laisse bercer par la seule mélodie que ses sens apprécient, dans ce monde électronique et empli d’insupportables basses.

Même dans sa vie chaotique, il lui faut avouer que ces derniers mois ont été l’épreuve de trop qui met à mal une sagesse nouvellement trouvée depuis l’éveil de sa torpeur. Deux décennies dans un coma irréel pour ne se résumer qu’au manque de la junkie qu’elle n’a jamais cessé d’être.


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Anonymous
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Lun 6 Mar - 23:37 (#)

La mine recolorée par un copieux repas de sang frais, l’Immortelle se fond dans la masse surexcitée par les fêtes qui approchent. Depuis qu’elle n’est plus vraiment vivante, rien ne lui parait plus absurdes que les festivités de fin d’année. Si Dieu pouvait être contenté par la bête célébration de son fils le soir du 24 décembre, alors il n’autorisait pas les êtres telle qu’elle à arpenter la surface de la planète. Mais les humains aiment paver leur existence de mirages. Elle était de ceux-là autrefois. Stupidement limitée et naïve.

Le blouson qu’elle porte, et le noir intense de sa chevelure lâchée, luisent à la lumière des rangés de lampadaires. Les halos attirent les moustiques, même en cette période de l’année, et Myrtle se laisse brièvement hypnotiser par leur valse bourdonnante. Son ouïe capte alors quelques notes de musique. Son regard se tourne vers la porte qui vient de s’ouvrir, laissant fuiter quelques notes de la deuxième sonate de Rachmaninoff, avant de se refermer. Son intérêt est piquée.

Lorsqu’elle passe l’entrée du modeste établissement, ses sens surdéveloppés sont agressés par la vie qui s’y exprime sans retenue. Les sons, les odeurs. Telle une âme silencieuse, elle se glisse dans cette antre jusqu’à apercevoir le pianiste. Il est de dos. L’Anglaise devine un jeune homme à la fraîcheur insolente. Il déroule son talent avec une impertinente facilité, incarnant habilement ce morceau écrit plus de cent ans auparavant. Perdue dans la contemplation de la musique – l’une des rares beautés que le temps n’abime ni ne fane – Myrtle en oublie momentanément de bouger. Son corps mort est alors d’un immobilisme parfait, qu’elle sait pourtant peu recommandé en société. Il met les mortels mal à l’aise.

Lorsqu’elle reprend ses esprits, elle adresse au barman un sourire mécanique destiné à le rassurer ; il la dévisage avec insistance tout en essuyant un verre. Comme souvent, elle va devoir jouer la comédie pour feindre les apparences. S’approchant du comptoir, elle fait mine de s’intéresser à l’ardoise des boissons et commande sans hésiter un rhum coca, qu’elle sait très prisé chez les mortels.

- Je ne t’imaginais pas fréquenter ce genre d’endroit, commente-t-elle de but-en-blanc.

Myrtle n’a pas encore posé ses prunelles vert crocodile sur sa voisine qu’elle a reconnu Mei du coin de l’œil. Beauté sublimée par le trépas, tenant entre ses doigts un breuvage qu’elle n’avalera jamais. Entre fidèles d’Aliénor, les années ont eu le temps de les amener à se croiser et à coopérer, mais elle restent paradoxalement des étrangères l’une pour l’autre. Chacune murée dans son besoin de silence, chacune hantée par ses propres fantômes. Mais actuellement, plus que jamais, elles sont unies par un tourment commun. Le sort d'Aliénor... leur Aliénor.

- Merci, adresse-t-elle au barman en réglant son dû.

La boisson ne l’attire pas et les années lui ont ôter les pulsions de curiosité qu’elle avait encore au cours de son premier centenaire. Malgré tout, elle leva son verre et le tendit vers sa voisine pour trinquer. Une coutume qui a traversé les siècles, parfaite pour concrétiser leur jeu de pastiche.
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Dim 19 Mar - 13:31 (#)





Odeur familière qui interrompt sa morosité et lui fait prendre de nouveau goût au réel. Avant même que l’importune ne décide que la place à ses côtés lui est dédiée, elle identifie cette fragrance et ne s’en formalise pas. La Mort possède mille et uns visages annonciateurs de danger mais Myrtle Blackstone n’en fait pas encore partie, du moins pas dans cette menace discrète que Mei guette inconsciemment par-dessus son épaule à chaque nouveau pas. Cette dernière tait toute remarque quant au fait qu’elle n’a pas été invitée à rompre sa solitude, l’effet n’aurait, de toute façon, que peu de résultante et l’Immortelle ne semble pas avoir statué sur les bénéfices, ou non, d’une telle idée.
Chaque conversation trop animée, chaque rire qui attire son attention, chaque regard qui croise le sien sont autant de tentations avec lesquelles son masochisme est venu jouer ce soir. Sans garde-fou, sans protecteur ou bourreau, la pente devenait rapidement savonneuse… Une alliée, dans son état, n’était pas à sous-estimer, même de si piètre qualité. Non pas qu’elle remette en question l’implication de sa comparse de fortune ni son investissement dans leur entreprise, son cœur, ou ce qu’il en restait, n’était simplement pas capable de plus qu’il supportait déjà.
Les années n’avaient que peu de pouvoir sur les cicatrices, leurs multiples rencontres n’avaient jamais nourri ou suscité un quelconque intérêt ou curiosité malsaine la concernant. La gaillarde n’était qu’une pièce du décor, de celles qui devenaient floues quand on focalisait son regard sur les acteurs au premier plan d’une scène. Utile, efficace certes, suffisamment en tout cas pour avoir retenue l’attention de la Reine Rouge à une époque antérieure à la sienne, mais une pièce d’un puzzle inachevé parmi tant d’autres.

Les paroles adressées lui retirent au moins le doute au futur silence qui aurait pu s’éterniser entre elles et lui évitent le poids de le briser. Les entrées en matière étaient rarement réalisées avec aisance, si non choisies. L’idée de la rabrouer et de mettre à terme à une entreprise à peine entamée est tentante mais une source d’énergie que l’Antique peine même à visualiser. Voilà donc ce à quoi elle était réduite, après ces dernières semaines, mois, depuis son nouvel éveil. Vidée. Les années perdaient certes de leur pouvoir mais leur poids lui semblait de plus en plus assommant. Quand les souvenirs s’étiolaient, quand leur image se superposait dangereusement à d’autres dans un tourbillon brumeux, quand mettre le doigt sur un sujet précis quémandait chaque jour un effort supplémentaire, ne restait que la folie. Mei n’était pourtant pas si vieille, aux yeux de cette Immortalité chérie. Mais sa psyché fragile avait constamment rendu son état comme une épreuve sans fin. Un tourment de plus auquel la créature s’accrochait pourtant désespérément.

L’asiatique se demande un instant dans quel décor la brune l’imaginait, elle qui ne connaît rien de son histoire, elle qui probablement a comblé les vides entre de maigres indices disséminés. Des hypothèses façonnées par les non-dits, les mystères qui entouraient Mei et les mensonges qu’elle s’évertuait à habiller d’aplomb pour perdre encore un peu plus ses semblables.
Tournant légèrement le visage dans sa direction, c’est un coup d’oeil en coin qui la dévisage, détaille le profil que la british se contente de lui offrir. Pâle, des traits asymétriques, chevelure de corbeau et absence de charisme certain, c’est un jugement incisif et propre à sa personne que la Chinoise porte sur elle. Non, celle-ci ne pouvait se targuer d’avoir appartenu à une dynastie.

Le verre tendu dans sa direction lui donnerait presque un mouvement de recul mais la solitude qu’un rejet provoquerait l’inquiète étrangement davantage qu’une compagnie aux premiers abords non désirée. Attrapant le sien et faisant tournoyer quelques instants ce dernier dans un mécanisme inutile, elle en inspire des arômes oubliés durant une courte seconde avant de frapper délicatement - et de façon un peu dédaigneuse - son contenant avec le sien. “Je suis d’ordinaire plus friande des ambiances bikers et odeur de houblon bon marché” commente cette dernière dans un sarcasme que le ton ne laisse que peu deviner et que l’absence d’expression faciale rend difficile à déceler. Mei Long et l’humour teinté d’ironie, tout une histoire…

Se tournant complètement vers sa compagne d’infortune, un coude sur le comptoir du bar et l’autre dans le vide, elle entrelace doucement les doigts d’une main avec l’autre, croisant ses jambes dans une nonchalance toute bourgeoise qu’elle maîtrise sans même s’en rendre compte. “J’aurais été moins surprise de t’y croiser” continue-t-elle sans lisser ses propos ou s’encombrer d’une bienséance inutile. Les préjugés faisaient partie intégrante de sa personnalité. “Si tu as la vexation facile c’est le moment de t’éclipser. Je ne fais pas dans la délicatesse.” Au moins a-t-elle la sympathie, ce soir, de prévenir plutôt que de faire subir ses humeurs à autrui. Et Myrtle ne doit cette attention que par son rôle dans les événements récents.
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Dim 19 Mar - 17:22 (#)

- Aouch, elle mord, s’amuse Myrtle non sans un demi-sourire narquois.

Miroir imparfait de la Chinoise, elle est aussi accoudée au comptoir, tenant entre ses doigts le verre qui lui a servi à perpétuer une absurde tradition de mortels. La boisson tournoie lentement, recrachant régulièrement de petites bulles à la surface, pour lesquelles l’Immortelle n’a aucun intérêt. Ses prunelles ne cillent même plus, alors qu’elle dévisage son alliée – si proche et en même temps si méconnue.

- Je laisse la vexation aux mortels et aux précieux, rétorque-t-elle avec flegme.

Certes, beaucoup les oppose, et à commencer par leur apparence respective. L’Anglaise a pris l’habitude de jouer avec les époques, usant des tenues contemporaines comme autant de déguisements. Ce serait mentir de dire qu’il n’y a dans ce comportement qu’une notion de préservation ; par son péché, elle a démembré sa propre famille. Elle n’est pas digne de son titre de duchesse, elle n’est pas digne de l’aristocratie qui l’a vu naître. Alors chaque nouvelle vie montée de toute pièce, dans l’humilité prolétaire du mortel moyen, est une façon de prendre plus de distance avec ses démons intérieurs.

- Et je sais déjà que la délicatesse n’est pas ta marque de fabrique. On a au moins ça en commun.

Un sourire espiègle, un peu provocateur, dévoile ses rangées de dents pudiquement humaines. Myrtle fait évidemment référence à l’attaque sur le Lucky Star et le bain de sang auquel elles ont contribué. Elle les a vues, les victimes de Mei et d’Aliénor, mordues, égorgées, nuques brisées. Elle les a entendues rire, aussi. Mais ça, c’était avant. Avant que l’ennemi frappe, qu’il ne torture leur « reine » jusqu’à la plongée dans une Torpeur macabre. Salvatrice. L’expression de l’Immortelle s’efface alors, remplacée par un air sombre, qui scrute en vain le fond de son verre.

- Ce qui m’amène en fait à me demander pourquoi on irait pas faire preuve d’indélicatesses auprès de personnes qui le méritent.

Des antis, capable de déchainer gratuitement leur violence sur leurs semblables, il y en a chaque nuit dans les rues. Et après ce qui est arrivé à Aliénor, ça la bouffe de devoir ranger ses crocs et ronger son frein. Oh si, Myrtle se souvient pourquoi il n’y a pas de représailles sanglantes, parce qu’elles sont censées respectéer ce stupide statu quo post-Révélation, au risque d’avoir les humains ET l’Essaim sur le dos. Mais à quoi bon jouer dans les règles, si l’autre camp refuse de les respecter ?

- Est-ce qu’il y a du nouveau au moins ?

L’état d’Aliénor s’améliore ? Les plans se montent ? L’Anglaise s’est toujours tenu à l’écart du QG, par besoin, pour le meilleur et pour le pire. Alors peut-être que Mei se distrait ainsi, comme un louve qui joue à la brebis, pour tuer le temps et attendre le bon moment. Le timing d’un plan déjà en cours. Et si elle a manqué le coche lorsqu’il était question de retrouver l’ancienne corsaire, en déplacement pour une série de concerts dans l’état voisin, Myrtle entend bien se rattraper. La vengeance est une langue qu’elle maitrise depuis lontemps, et elle a soif de sang.

Du coin de l’œil, elle étudie le barman, qui laisse trainer une oreille en faisant mine d’essuyer un verre propre depuis cinq bonnes minutes. Elles feraient mieux de se trouver une table, si elles doivent aborder un sujet délicat…
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Jeu 23 Mar - 21:46 (#)




“Oh je fais plus que mordre, je peux te l’assurer.”
Combien de cadavres dans son sillage, depuis ces temps anciens où les mythes et légendes urbaines la préservaient, quand l’absence de technologie rendait tout coupable aussi célèbre qu’invisible? Combien de corps exsangues, démembrés, décapités dans cette bestialité sanguinaire? Combien d’articles mentionnant ses tueries sans la nommer, anonyme du petit peuple qui se délecte de l’opium que les mots écrits distillent parfois pour quiconque a la curiosité malsaine de s’y intéresser? Combien de questions futiles pour se noyer un peu plus?
Un rire sifflant, un brin moqueur, force un passage entre ses lèvres à la remarque de sa comparse mais elle ne dit mot, se contente de jouer dans une habitude inconsciente avec le liquide que contient son verre. Acquiesçant sans briser le silence qu’elle s’impose, Mei fouille sa mémoire à la recherche des deux iris si particuliers dans une nuit qu’il a été tout autant, en vain. Il est probable que ses prunelles aient croisé les siennes, dans ce putsch sanglant qui lui soutire encore quelque sourire mental, mais son esprit était évadé dans des sphères trop hautes pour analyser autre chose que son propre nombril. Les flashs reviennent, dangereux tentateurs d’une époque que l’Immortelle pensait alors au beau fixe. Le commencement de quelque chose de grand auquel enfin, depuis son éveil et sa léthargie, elle avait eu envie de participer.

Les premiers mois après deux décennies de torpeur lui avaient semblé irréels, à la fois cotonneux et trop brutaux, observatrice prudente, méfiance à son paroxysme. Mei avait regardé sans se joindre au spectacle, se cachant derrière une idole qui n’existait plus. Aliénor. Détachée de son propre corps, de cette vie difficile à appréhender et à s’approprier, elle n’avait été qu’un électron libre. Se sentir enfin à sa place lui avait demandé un travail que les autres ne pouvaient que sous-estimer. Et quand enfin cette dernière avait renversé la vapeur en même temps que les idées loufoques de Salâh, on ne lui avait accordé qu’un temps bien défini de repos.

La latence portée par les derniers événements n’est pas étrangère à cette incertitude présente. Alors quand la vampire à ses côtés lui souffle presque avec indifférence ce que son esprit retient depuis le retour de leur Reine, elle ne peut empêcher ses mâchoires de se contracter, le regard durci et perdu dans le vague, mille et un scénarios s’entrechoquant dans sa caboche. “Indélicatesses…” répète-t-elle en étirant le mot et en le laissant danser parmi les démons. Le choix, prudent, ne reflète aucunement tout ce que sa folie lui hurle, là, à l’intérieur. Oui, pourquoi? Pour tout ce que la raison invoque, en cette période. Pour la différenciation illogique mais légitime entre envie et utilité. La précipitation ne saurait les soustraire aux retombées. Trop de risques, trop de conséquences. C’était un jeu d’échecs plus qu’une course de petits chevaux. Chaque pion à sa place, sacrifiable, cavaliers attaquants, tours protectrices, fous alliés. Et si l’ennemi avait eu son Queen’s gambit, il leur fallait être meilleur pour orchestrer un échec au roi.

“Le roi blanc a donné le signal des combats
Le pion de sa dame avance et fait deux pas
Le voisin aussitôt parcourt le même espace
Le pion du fou blanc de la dame se place
Audacieux gambit, près de son frère blanc
Et percé par le noir, il tombe sur le flanc
Le pion du roi blanc, qu'un noble zèle embrase
Se sépare de lui, ne franchit qu'une case
Le pion du roi noir, beaucoup plus hasardeux
Affrontant son voisin, soudain en franchit deux
Le fou du roi d'ivoire alors brisant sa chaîne,
Et faisant quatre sauts, prend le pion d'ébène
Le soldat du roi noir enlève le pion
Que la dame d'ivoire avait pour champion…”


Relevant son minois vers son aînée après cette allégorie révélant que toute urgence ne promettait qu’une fin précipitée, elle suit son regard et pose le sien sur le barman, durement. Presque animale, l’absence de clignements rend l’affront plus perturbant qu’à l’ordinaire et l’asiatique en a parfaitement conscience. Si ce dernier se détourne, elle comprend le message caché de la brune et attrapant son verre, se redresse pour traîner sa vieille carcasse au fond de ce sinistre endroit. Banquette bon marché au cuir élimé, le grincement qui accompagne son assise la fait grimacer. Maintenant hors de portée d’oreilles indiscrètes, dans une pénombre qui leur va davantage que la lumière trop vive et artificielle des néons accentuant leur teint blême, elle étudie sa camarade de longues secondes, pour une fois sans jugement. Étrangement, elle ne remet ni son implication ni ce que Myrtle serait prête à faire pour leur amie commune. Quand bien même, celle-ci avait dû prouver sa bonne foi longtemps avant son arrivée et n’avait donc rien à prouver à la Chinoise.

“Le Diable n’a pas encore de nom.” Tranche l’antique sans autre préambule, laissant de nouveau son regard couler dans le vide. “C’est ce qui nous manque présentement. Des failles à exploiter, des proches, des ennemis, une famille…” Dans ses pupilles dansent de nouveau les flammes de la folie. Des choses à perdre, des personnes à perdre. Ô tant de possibilités sadiques, tant de jeux macabres à l’horizon. Mille défauts recouvraient le vernis déjà salement écaillé. La patience ne devenait une vertu que lorsque l’attente en valait la peine. Mais ce n’était pas une partie qu’elles pouvaient s’entêter à vouloir terminer rapidement. Chaque pensée devait se coordonner sur le long terme. “Tout ce qui nous manque.” Souffle-t-elle sur un ton dont il est difficile d’associer un sentiment plus qu’un autre, tous plus vicieux, tous plus dangereux. “C’est une longue partie qui va s’initier. Qui n’autorise aucune précipitation, aucune impulsivité égoïste, aucune erreur de débutant.” Ses yeux se reposent sur l’anglaise, un sourire sadique et porteur d’une invitation qui l’est tout autant. “Mais quand le moment viendra, il te faudra révéler tous les talents que nous te connaissons, Myrtle Blackstone.”


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Ven 24 Mar - 1:29 (#)

Myrtle comprend ce que veut lui dire son acolyte du soir par sa tirade poétique. Il y a beaucoup plus dans la balance qu’une simple histoire de vengeance, et c’est d’ailleurs l’unique raison pour laquelle l’Anglaise n’a pas encore hasardeusement égorgé miliciens et autres pseudos chevaliers humanistes. Depuis 80 ans qu’elle suit l’affaire d’Aliénor, elle sait ô combien celle-ci tient à l’emporter par la stratégie. Placer ses pions, tout en douceur, pour avoir ce qu’elle veut. Renverser des régimes sans que personne ne la remarque. Scalpel plutôt que marteau.

Mais la bête gronde. Elle a besoin de sang. Les années passent, les rancunes s’accumulent. L’immortalité devient alors un vrai fardeau, car sa carcasse éternelle est une cocotte-minute qui ne peut relâcher sa pression. Myrtle étouffe. Les nuits s’enchaînent et se ressemblent, avec cette impression séculaire de n’être qu’un animal sauvage tenu en laisse. Tout ça à cause de règles étiquetées par des monstres du même acabit que ceux qui l’ont transformée. Et l’éternité passant, la Britannique a de moins en moins envie de tolérer leur jeu.

Installée dans la pénombre avec Mei, assise sur une chaise en bois qui grince autant que la banquette, elle écoute. Impénétrable, ses paupières cillent lentement à l’énonciation de tout ce qui leur manque. Un doux euphémisme pour résumer un trou béant dans leur progression. Dans ses veines coulent un poison à purger. Il la ronge, il lui coupe le souffle. Louis et François peuvent attendre encore un peu. D’ici là, elle aura contribué à laver l’affront fait à leur « reine ». Moins sadique que son homologue, mais au moins aussi létale.  

- Je veux en être maintenant, réagit-elle alors que Mei vante ses dons de mort, qui ne seraient sollicités que « le moment venu », je veux aider à démasquer le Diable, à son tour, un sourire vient ourler ses lèvres pâles, mauvais, dédaigneux, quoiqu’il ne mérite sans doute pas ce nom.

Myrtle croit toujours en Dieu, quelque part. Il a fait d’elle une créature nocturne pour la punir, elle a abandonné ses espoirs de rédemptions depuis deux siècles d’horreur. Mais si le Père existe, alors son antagoniste aussi. Et il est certainement infiniment plus puissant, que la vermine qui a cruellement mutilé leur amie. Non, il ne faut pas lui prêter un titre si important ; c’est lui octroyer un statut qu’il ne mérite pas.

- A voir les blessures d’Aliénor, je pense qu’il n’y a qu’un humain pour avoir autant eu recourt à l’argent pour l’affaiblir, ce ne serait pas la stratégie d’un thérianthrope, ni d’un mage puissant, et je ne l’imagine pas être à ce point neutralisée par une personne seule, ils devaient être plusieurs, et pas des rigolos, car la souveraine rouge n’est pas démunie de ressources combattives, il y a aussi du sadisme dans ce qu’on lui a fait…

Trop de plaies, trop de maux, pour se résumer à de l’auto-défense ou à une tentative préméditée d’assassinat. Inutile d’être experte pour ça, simplement d’avoir des centaines d’années d’observations. Elle n’en est pas à sa première situation de ce genre.            

- Ceux qui sont derrière ça savaient très bien ce qu’elle était, à minima – voire qui elle était, on a moyen de savoir quels mortels elle a fréquenté personnellement ces dernières années ?

Myrtle fixe Mei, sans ciller, étudiant ses expressions pourtant difficile à décrypter. Sa question doit forcément avoir déjà été abordée par les autres fidèles d’Aliénor et malheureusement, la réponse n’apportera pas de solution toute faite. Dans sa position, la meneuse du clan du Lucky Star a potentiellement de nombreux ennemis stratégiques, qui seraient bien ravis de la voir disparaître. Et ceux-ci peuvent avoir agi directement, ou par intermédiaires. C’est une partie d’échec à grande échelle, en effet. Mais si l’Anglaise veut prendre le train en marche et obtenir une part plus grande dans l’organisation, alors elle doit commencer par le commencement.
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Ven 24 Mar - 22:06 (#)




Il n’aura fallu que peu de temps, pour que la créature abjecte se révèle, pour que dans l’obscurité dans laquelle les deux immortelles se sont tapies, des crocs invisibles pointent et la hargne s’envole. Plus que cela, une haine viscérale transpire et vient chatouiller les sens aiguisés de l’ancienne Impératrice. Non pas que cette dernière lise si aisément l’esprit de sa comparse, mais il est difficile de ne pas trouver écho en des signes si familiers. Magma brûlant, plaie purulente, cancer au stade terminal, sous ces chairs figées a germé une ignominie que tous les bien pensants de ce monde ne sauraient nommer. Mei ne connaît ni son histoire, ni les épreuves qui jalonnent sa longue existence, ne s’y intéresse que dans une mesure calculée par ailleurs, mais elle sait, dans ce miroir imparfait que lui renvoie l’Anglaise, ce qui l’anime. C’en est presque effrayant, de se reconnaître en si banal bout de femme. D’ordinaire méprisante envers les congénères de son propre sexe, le serpent se fait plus mesuré, quand la menace s’estompe. Myrtle est semble-t-il beaucoup de choses, assurément pas une rivale. Le costume moderne derrière lequel celle-ci se fond dans la masse avec une aisance déconcertante est un atout certain, bien plus que le port altier qui n’a jamais quitté la Chinoise. Même dans ce vingt-et-unième siècle, elle ne peut se soustraire à la non appartenance certaine de cette foule. Si elles ne partageaient pas des intérêts communs, la Caïnite ne se serait pas retournée sur sa congénère. Une fille parmi tant d’autres, paumée, au physique étrange et que la haute estime sur sa propre personne ne lui permet pas de qualifier de beau.

Sa verve la tire de ses pensées et elle ne peut réprimer un sourire en coin discret. De nouveau cette impatience, peu importe ce qu’elle reflétait. Un besoin primaire de voir couler le sang, de prouver sa place, de justifier une absence. Les raisons lui importaient peu au final, le constat ne lui confirme que la nécessité de garder cette boule de haine aux nerfs à vif du bon côté de la barrière. Le sien. Le leur. Aucune morale n’était nécessaire, aucune limite mentale acceptée. Une fois la machine lancée, il leur serait impossible de reculer. Les mots coulent, se fondent dans un esprit qui analyse, prend en considération autant qu’il rejette. Toujours cette habitude presque mortelle de jouer avec le contenu de son verre de façon distraite. “Je ne suis pas en accord avec ce point” finit par lâcher l’Antique en laissant son imagination faire le reste. Jetant un regard autour d’elles, le dos se redresse et les mains se joignent sur le bois de la table. “Je suis une vampire” souffle-t-elle suffisamment bas pour les hypothétiques oreilles humaines trop indiscrètes qui décideraient de traîner par ici mais que les sens en alerte de sa vis-à-vis ne tromperont pas. “Si je devais torturer l’un des nôtres, je n’userais pas de méthodes que je me saurais encaisser. Je ciblerai précisément chaque arme qui me ferait flancher, qui, une fois les coups suffisamment répétés, éventrerait ma détermination la plus féroce, ma combativité la plus forte, mes résolutions les plus tenaces. Je n’ai pas honte à avouer que je ferai pire que ce qu’elle a subi.” Résumé sadique qui en dit long sur l'étendue de sa folie, si on l’y poussait.

Néanmoins, elle ne pouvait rejeter toutes les hypothèses. “Il a en tout cas les moyens” signale cette dernière. “Et effectivement un sadisme certain. Ce n’était pas juste une volonté de tuer. Ils auraient pu l’achever au milieu des chantiers abandonnés. Non, il a voulu la détruire. Par tous les moyens. Son ego l’a poussé à vouloir la marquer du souvenir de chaque supplice, de chaque instant partagé.” Dans une intimité sordide et légitime d’un cerveau dérangé comme les leurs. Triste ironie que celle de constater que leurs ennemis n’étaient finalement que des copies bâclées de leurs vices et qu’ils rampaient sur le même sentier, quoi qu’ils en disent. Si prompts à pointer leur infâmie et justifiant la leur par quelque valeur inventée pour les dédouaner. “Peu importe le portrait tiré, il correspondra toujours à une multitude d’hommes” souffle-t-elle sur un ton empli de dépit. “Qui demande un niveau de haine auquel je te devine familière…”

Elle se rapproche encore, les yeux rivés dans les siens. Sa mentor dans des limbes inaccessibles, il lui fallait, pour la première fois, prendre les rênes et devenir celle qui restait raisonnable. Le luxe d’être portée s’était évaporé. Il lui fallait penser différemment, prendre les devants, s’accaparer cette place qu’elle avait, jusqu’ici, toujours refusée. Alors le ton se durcit et l’intransigeance tranche dans le vif. “Tu veux en être maintenant?” De nouveau, absence totale de battements de cils. Elle redevient animal mais refoule dans les abysses ce qui a toujours menacé de la faire chuter. “Oublie tes sentiments personnels. Met de côté ce qui t’anime. Si tu entres dans ce jeu pour des besoins qui te sont propres, je t’en ferai sortir, d’une manière ou d’une autre. Je me moque de ton histoire, de ce qui te lie à Aliénor. Ne prend pas pour un jugement ce qui ne l’est pas. Je suis persuadée que l’on se ressemble plus que je ne le voudrais mais nos fantômes n’ont pas leur place ici. Nous avons tous nos démons à exorciser, mais je place les siens avant les miens. Si tu n’en es pas capable, assume-le et retire-toi.” Il n’y avait pas de place pour l’hésitation, pas davantage pour l’erreur.

“Sinon, assure-moi ici et maintenant que rien ni personne ne te limitera”

Avait-elle réellement une légitimité à ces questions? À cet ultimatum? Elle n’en avait cure. Tant que sa reine serait prisonnière de cette foutue torpeur éveillée, elle serait là, méprisante, intransigeante, à s’assurer des alliés, à surveiller les ennemis. C’était aussi sa chance de prouver sa valeur. C’était son remerciement à un demi-siècle de sacrifices la concernant.


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Sam 25 Mar - 1:51 (#)

Myrtle fait la moue. Pas faux. Un autre vampire pourrait très bien utiliser ce genre de stratagème sur l’une de ses homologues qu’il désire voir souffrir le martyr. Elle n’y a pas pensé de prime abord, car la sauvagerie brouillonne et inutile du résultat dissone avec ce qu’elle connait des manières de l’Essaim. Quand bien même l’ordre régent de leur race avait voulu éliminer Aliénor, les nettoyeurs ont mieux à faire que de s’adonner à ce genre de jeu sadique pour la laisser en vie. Mais dans tout ça, il y a un pion que l’Immortel a oublié. Elle s’adosse à sa chaise qui proteste en grinçant et croise les bras sur sa poitrine.

Salâh.

Il aurait toutes les raisons d’en vouloir à mort à la nouvelle reine du motel, et de considérer que le vrai trépas serait une sentence trop douce. Trop facile. Le massacre de l’été justifierait une telle barbarie en représailles et auquel cas, il ne fait probablement que commencer. Le nom résonne alors un instant dans son crâne, comme si elle en jugeait la saveur. Myrtle demeure impassible face à l’indifférence avec laquelle Mei confesse sa propre cruauté, ou à l’insinuation qu’elle aussi appartient à cette famille de détraqué violent. C’est la vérité, elle ne va ni en tirer fierté, ni fait montre d’hypocrisie.

Une nouvel moue froisse brièvement son visage. Ils sont en effets des monstres entourés de monstres. Indéniable. La Chinoise se rapproche encore, toute l’intensité de ses yeux noirs harponnée dans ses orbes de crocodile. L’Immortelle ne bouge plus. Les mots se déroulent, à la croisée des chemins entre conseilles et menaces. En bout de course, l’ultimatum lui arrache un étrange sourire. Rictus sans joie, à peine amusée, par cette surréaction un tantinet… téméraire. A son tour, Myrtle se penche vers son alliée, écartant son verre plein pour croiser les mains sur la table.    

- Sauf le respect que je te dois, Mei, je n’ai rien à « t’assurer », rétorque-t-elle d’un flegme qui dissimule parfaitement l’instabilité qui l’habite en permanence, j’ai connu Aliénor plus longtemps qu’une vie de mortelle. Je sais ce qu’elle veut, je sais comment elle fonctionne, j’y ai contribué depuis son entreprise parisienne.

Peut-être a-t-elle choisi de n’être qu’un soldat de l’ombre, peut-être n’a-t-elle jusque-là jamais eu besoin de réclamer une forme d’attention spéciale, quelle qu’elle soit, ou de s’interposer entre Aliénor et sa pupille asiatique. Mais ça ne change rien à sa loyauté. Et à l’échelle de leur éternité factice, son interlocutrice est encore une adolescente. Une adolescente aux émotions épidermiques, pétrie d’un attachement démesurée pour sa protectrice. Reine Bellovaque, guide des âmes fracturées et perdues… quelle ironie, quand on y pense.

- Quand je dis que je « veux » aider, je veux dire que je « vais » aider. Et tu sais que ceux qui ont fait ça à Aliénor pourraient le faire à chacun d’entre nous, d’autant que si la nouvelle se répand, le camp va alors paraître sans égide – une situation qui ressemble étrangement à celle qui leur a permis de marcher sur le motel, six mois auparavant, alors tu auras besoin de moi, que tu le veuilles ou non.

Nul besoin de monter le ton ou de montrer les crocs. Mei n’est pas son ennemie et en vérité, dans une situation pareille, sa réaction n’est pas totalement absurde. Leur amie peut très bien avoir été trahie par l’un des siens, et l’absence de Myrtle pendant les faits – pour un concert qu’aucun membre du clan n’a vu – ne joue pas en sa faveur.  

- J’ai vécu assez longtemps pour faire la part des choses, déclare-t-elle finalement, tu vas devoir me croire sur parole.

Et ce malgré les croquemitaines qui hantent ses cauchemars diurnes. Mais à ce jour, Aliénor est la seule personne qui vaille son investissement plein et entier. Elle l’a sortie de sa misérable existence de renégate, redonnant une boussole à son univers chaotique. Myrtle déteste sa condition de vampire, mais ressent ce besoin viscéral d’adhérer à un projet – fusse-t-il un projet de déconstruction. L’immortalité et la solitude ne font pas bon ménage. C’est être un prédateur galeux, traqué par ses propres proies, par ses semblables, et par des krakens comme le PASUA… c’est être perdue dans le néant, à la merci de créatures meurtrières.

- Je te laisse le commandement des opérations si tu le souhaites, le léger sourire flotte toujours sur ses lèvres, mais ses paupières ne cillent plus depuis un moment, je ne cherche pas à te disputer une quelconque légitimité en la matière.

Et surtout, l’Anglaise n’aime pas avoir d’autres personnes sous sa responsabilité. Un Marqué lui suffit amplement. Pour le reste… c’est bien pour ça qu’elle aime ses ombres. Les interactions l’incommodent souvent au bout d’un moment, et elle aime son indépendance.
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Dim 26 Mar - 19:18 (#)




Serpente entre les failles, vipère assassine. Glisse dans les méandres d’une psyché fragile. Coule le poison dans les veines cyanosées. Le marbre fait son œuvre, solide façade qui ne laisse voir que ce qu’il veut bien concéder. C’est un jeu nécessaire, que sa vis-à-vis en ait conscience ou non. Le silence pour seule réponse, chaque mouvement est étudié, chaque inflexion de voix décortiquée, chaque tic involontaire, même minime, la flamme qui brûle parfois dans ses orbes si particuliers, chaque mot choisi parmi une multitude d’autres. Retenant un rire intérieur, elle ne peut que se satisfaire de la tournure des événements.
Dieu qu’elle se moquait de son respect. Elle n’en avait pas besoin. Pas plus que sa compassion, sa sympathie ou son amitié. Certes, il était moderne de les multiplier, semblait-il, alimenté par ce qu’ils nommaient réseaux sociaux. Des liens virtuels et éphémères dénués de sens, une course à la popularité vide, des connexions à sens uniques pour quelques idoles ne dépassant pas la vingtaine. L’on respectait n’importe quel idiot muni d’une caméra et d’un clavier, aujourd’hui. Les mots, tout comme le reste, perdaient leur fonction première. Tout comme la Britannique ne lui devait rien pour la simple et bonne raison que Mei n’avait rien gagné, rien mérité. Une suiveuse, un boulet vissé à autant de chevilles que d’ancres auxquelles se raccrocher. Mais de ça, la Vampire n’en avait cure. Il n’y avait jamais eu de logique à sa pensée autre que celle qu’elle lui trouvait. Ne persistait que la légitimité qu’elle s’octroyait et la responsabilité qu’elle s’imposait d’une vieille dette pas encore soldée.

Le passé évoqué ne révèle que peu de choses sur Myrtle autre qu’un lien auquel l’asiatique ne s’est jamais intéressé. Les autres lui avaient toujours semblé être passagers. Peut-être parce qu’il était plus rassurant pour elle de les voir ainsi. Des pantins allant et venant. Sûrement, parce qu’il était plus rassurant de les voir ainsi. Jalousie piquée dès qu’elle n’était plus le joyau convoité, Mei avait toujours aimé être le centre des attentions. L’animosité entre Jenaro et Aliénor avait servi ses intérêts égoïstes et ses besoins affectifs de dépendance.
Mais il lui fallait maintenant combattre ces sentiments pour justement trouver les alliés manquants. Ceux capables du pire, ceux capables de tout.

Sa vis-à-vis frappe juste et lui offre précisément les mots qu’elle voulait entendre. Quelques semaines plus tôt, elle s’était assurée de la loyauté de Gautièr. Renouer avec son loup l’avait conforté dans l’idée qu’il serait prêt à mourir pour elle, si les circonstances l’exigeaient. Non pas qu’elle pousserait vers cette fatalité, mais il était bon de voir une idée devenir réalité.
Ce soir, elle se confortait dans l’idée que l’Anglaise serait prête à mourir pour Aliénor, si les circonstances l’exigeaient. De ceci, elle n’en était pas certaine, mais la loyauté devenait une denrée rare. De tous les vices qui l’habitaient, de tous les défauts qui cohabitaient, de toutes les vertus que la Caïnite rejetait, elle se savait fidèle. En des personnes sinon des idéaux inexistants. Ils étaient peu, ceux pour qui elle avait juré une loyauté indéfectible. Tellement peu. Ça ne rendait cette promesse que plus impactante.

Se penchant un peu plus une fois le petit laïus terminé, un coude sur la table, elle place avec une lenteur presque irréelle son menton dans la paume de sa main, un sourire étirant doucement ses lèvres. Oh, pas de ces grimaces qui rassurent, non. De ceux porteurs de promesses, de sang et de chaos. “Parfait” se contente-t-elle de répliquer à tout ce baratin ennuyeux mais nécessaire. Presque doucereuse, jonglant comme à son habitude d’une humeur à l’autre sans s’encombrer du malaise produit chez l’autre. “Tu m’as confondu avec quelqu’un d’autre si tu penses que c’est à celui qui pissera le plus loin. Je laisse le commandement à ceux qui ont l’esprit pour cela. Je ne suis ni un soldat, ni une meneuse d’hommes. Je suis l’arme nécessaire à certaines entreprises, le poison que l’on distille dans le verre de l’ennemi.” Au sens propre comme au figuré par ailleurs. “Tu te méprends sur mes désirs. Le moment venu, la prise du motel ressemblera à un quart d’heure de cours de récréation. Je n’ai juste rien à offrir à te mettre sous la dent.” Pour le moment en tout cas. “Et je ne crois pas aux paroles. Encore moins celles offertes au coin d’une table.” Se redressant, elle avise la sortie, s’arrêtant à hauteur de la femme. “Je crois aux actions. Et à ceux qui restent.” D’un mouvement de tête elle l’invite à la suivre et prend la direction de la sortie.

L’agitation de la rue ne la surprend plus comme les premiers temps, habituée à ce nouveau millénaire qui tourne à plein régime. Forçant une profonde inspiration, elle attend que sa comparse la rejoigne et sans lui adresser le moindre regard se fond dans une foule trop occupée pour les remarquer. “À défaut d’un coupable, il faut nous assurer d’en éliminer certains autres de la liste des suspects, à commencer par cette saleté de perse et son rejeton pédéraste.” Commente l’Antique en affichant ouvertement son raciste assumé et son homophobie latente - et finalement très hypocrite - . “Un avis quelconque à partager?” Même le plus pitoyable serait déjà plus constructif que le néant dans lequel Mei baignait.

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Dim 26 Mar - 23:29 (#)

Ses prunelles suivent la gestuelle de Mei, surnaturelle de lenteur, reflet de ses humeurs lunatiques. Un comportement qui aurait de quoi déstabiliser une âme humaine. L’esquisse de son sourire sardonique trouve écho dans un plissement des lèvres de Myrtle. Une risette de connivence froide, ne témoignant d’aucune joie, d’aucun enthousiasme. Elle ne tire plus rien d’autre des tueries qu’une satisfaction cathartique, fulgurante et éphémère. Deux siècles lui ont appris à tout normaliser, même les bains de sang. Pas de quoi s’exciter.

- Tant mieux, approuve-t-elle sobrement lorsque son homologue lui affirme que ce n’est pas un bras de fer, et je te rassure : je ne te demande pas de me donner la béquée.

L’Immortelle cherche simplement à se mettre à jour, pas nécessaire à se faire désigner des cibles. Quant au fait que les paroles n’ont pas grande valeur, elles ne peuvent que s’accorder là-dessus. La naïveté n’a pas de place dans le monde des caïnites. Sous l’apparence sophistiquée de leur organisation complexe, les vampires sont des déments criminels qui ont traversé les époques à coup de trahisons, de tours de force et d’assassinats.

Myrtle ne se fait pas prier pour abandonner son malheureusement rhum-cola sur la table et suivre Mei à l’extérieur. Leur duo mal assorti laisse le bar bruyant pour les rues agitées. Odeurs et sons les frappent de plein fouet, symptômes d’un monde survolté qui ne sait pas s’arrêter. Inutile de se demander pourquoi les humains d’aujourd’hui deviennent fous : ils se gavent en continue, sans arrêt. Pas de répit pour le cerveau. Mais en même temps, elle ne peut pas leur en vouloir de consommer chaque seconde. Leur existence finie les poussent à dévorer les heures jusqu’à la moindre seconde… en comparaison, son XIXè siècle était d’une lenteur absurde.

L’Anglaise marche aux côtés de Mei sans la regarder, mains dans les poches, yeux rivés dans un vide pensif. Son racisme avéré lui passe au-dessus de la tête. Toutes les créatures s’entredéchirent pour leurs différences depuis la nuit des temps. Humains et CESS, c’est dans leur nature, tout simplement. S’en offusquer est une perte inutile d’énergie ; ce qui ne l’empêche pas, peut-être hypocritement, de faire la peau à des miliciens fanatiques dès que l’occasion se présente.

- Salâh…

Il pourrait être derrière cette ignominie, c’est certain. Peut-être ne le revendique-t-il pas parce qu’il n’a pas achevé son plan, ou parce qu’il ne veut pas se faire taper sur les doigts par l’Essaim. Qu’on adhère ou non à la Mascarade, les institutions qui la régissent restent plus puissantes que les tentatives frontales de disruption. Il ne risquerait pas sa tête pour une quelle « personnelle ». Et comme dit l’expression mortelle « le linge sale se lave en famille ».

- Officiellement, Aliénor est en voyage en France, c’est ce qu’elle a cru comprendre en tout cas, quoiqu’on fasse, on doit garder cette couverture en tête.

C’est une évidence, mais c’est aussi si facile de se trahir lorsqu’on manipule les mensonges. Si le perse est innocent, mais vient à apprendre que leur clan est momentanément privé de « reine », cela pourrait ajouter un problème à leur situation actuelle. Myrtle laisse échapper un soupir, réflexe artificiel qui ne sert qu’à manifester son dépis.

- Est-ce qu’on a moyen de compiler une liste de ses contacts proches : calices, marqués, alliés divers… n’importe qui susceptible d’accéder à son cercle privé. Certains doivent être plus vulnérable que d’autres.

D’une œillade à sa complice du moment, elle communique ce qu’elle a en tête : des humains ou surnaturels de faible puissance, susceptible de succomber à ses dons hypnotiques. Ainsi, elle pourrait leur extraire des informations sans violence, sans laisser de trace.

- S’il a joué un rôle là-dedans, ce serait suffisamment gros pour que d’autres personnes de son entourage soit au courant ; au moins d’un changement dans ses habitudes pendant deux semaines.

Leurs pas les a menées devant le portail d’un parc plongé dans les ténèbres. Plus aucun mortel ordinaire n’oserait s’aventurer là-dedans, sauf peut-être quelques jeunes en mal de sensation forte. Dérisoire. Cela reste une bonne opportunité pour poursuivre leur entretien à l’écart des bruits brouillon de la rue.
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Mar 28 Mar - 20:13 (#)




Les syllabes orientales dansent dans son esprit, contraction des mâchoires à son paroxysme. Déambulant en ligne droite en laissant les badauds s’écarter sur son passage, elle ne maîtrise rien de cet environnement bruyant et électrique. Parfois, elle regrette les grands espaces de la Chine, loin des grandes villes aux aspects trop occidentaux. Les plateaux escarpés et verdoyants, les montagnes aux sommets enneigés vus à des centaines de kilomètres sans autre obstacle que quelques temples, qu’ils suivent la doctrine de Confucius ou d’un autre. Les champs d’opium à profusion, avant que les Anglais ne décident de mettre la main sur ce commerce et de s’accaparer le port de Hong Kong. Pourquoi, partout où les blancs passaient, les cultures dépérissaient? Ce besoin primaire de possession, écrasant tout sur leur passage. Ils n’avaient jamais rien appris de leur histoire et maintenant, ils pointaient précisément ces mêmes pays du doigt comme indignes en se nommant bien pensants. Hypocrites, tout autant sinon plus que ceux qu’ils condamnaient. Tout autant qu’elle, qui ne reconnaissait pas la grandeur d’antan et méprisait cette dictature déguisée sous l’égide de ce cafard.

Ne prenant pas la peine de répondre à l’évidence pointée par sa comparse, elle ouvre la marche sans réellement avoir conscience d’où ses pas la conduisent. Elle a joyeusement évité toutes les tentations que la ville avait à offrir, depuis ces longs mois. Sage, comme elle s’est promis de l’être, avant que les circonstances lui apportent sur un plateau d’argent l’exutoire tant désiré. Avant que les événements actuels la somment à la prudence et à la retenue. Mei ne peut s’octroyer le luxe d’être faible en ce moment. Ses démons se doivent de rester tapis, mis de côté. Ils sauront être patients, si cette dernière possède suffisamment de discipline. Elle s’était assurée l’appui de son Loup, découvrait le potentiel de Myrtle et conservait son garde fou en la personne de Jenaro. Les lions devenaient plus agressifs, si on les gardait en cage suffisamment longtemps.

“Ses groupies du motel ont été éliminées, comme tu le sais.” Son esprit s’évade, regrettant presque de ne pas être entrée dans la danse plus rapidement. La Vampire s’était volontairement tenue à distance pour contrôler plus aisément ses excès mais maintenant, les informations lui manquaient cruellement. “Je ne l’ai jamais côtoyé. Aliénor a assuré ma position dès mon arrivée. Je ne connais de lui que la progéniture aujourd’hui absente qu’il a laissée au monde.” Ce qui ne pouvait sous-entendre que deux choses. “Soit Yago a choisi les jupons de papa, soit il est mort.” Tranche-t-elle sans s’émouvoir de l’une ou l’autre possibilité. Ce n’est pas elle qui serait déçue, ni triste. Si elle avait fini par s’habituer à lui, aucun attachement n’était né de leurs mésaventures. Quelque part, elle ne peut croire à une telle trahison, sans doute parce qu’au-delà de leurs différences, elle partageait au moins avec lui une Reine qu’ils auraient aimé avoir pour Sire. Mais Mei ne connaissait que trop intimement le lien si particulier, parfois destructeur, que l’on entretenait avec son créateur. “Je ne peux m’empêcher de penser que la haine l’aurait poussé à vouloir la confronter bien avant que nous la retrouvions. Hors, ce n’est pas l’enfant de salaud qui l’a retenue prisonnière…” Le doute, permanent. Une hypothèse en tuait une autre dans l'œuf pour en créer une nouvelle.

Devant les grilles, l’Antique fait signe à son aînée de la précéder, jetant un coup d'œil attentif derrière son épaule. C’est que certains appréciaient un peu trop de la suivre dans les ombres, récemment. Les deux Longues Vies pénètrent dans le parc et s’y engouffrent, l’agitation de la rue s’estompant à chaque pas. Bientôt, seules quelques lucioles et chants d’insectes viennent ponctuer le silence des lieux, à cette heure tardive. “Qui aurait perdu autant de temps et bafouer autant de chances de l’éliminer? À n’importe quel moment, il aurait été aisé à son bourreau de la rayer de la surface du monde. Maintes occasions se sont présentées. Mais le jeu malsain a perduré. Encore et encore et encore….” Pensées à voix haute qui ne les avancent pas. Rien ne fait céder ce terrain énigmatique qu’elle s’est décidée à emprunter seule. Ou presque. Stoppant ses pas et reposant ses prunelles sur l’Anglaise, elle la détaille un instant. “Je ne peux cependant pas écarter une piste que tu as évoqué plus tôt. Les humains. Le fanatisme gouverne les foules depuis la nuit des temps et se passe volontiers de la race ou toute autre hérésie que ce monde a créée.”

S’avançant légèrement, elle pénètre l’espace vital de sa congénère. “J’aurais besoin de toute l’aide nécessaire pour remonter chaque piste avec le risque de se retrouver chaque fois face à un mur.” Quelques centimètres gagnés. “Mais demeure une question Myrtle Blackstone. Où étais-tu, quand le monde s’est chargé de cendres chaudes?”

Confiance.
Méfiance.
Doute.
Défiance.

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Mer 29 Mar - 11:04 (#)

Myrtle grimace. Elle sait, oui, que les « groupies » de Salâh ont été éliminées, mais elle suppose que le seigneur déchu ne s’est pas roulé en boule dans un coin pour pleurer. Il a suffisamment de ressources – et autant d’envies ou de besoins – pour s’être entouré de nouveaux fidèles, fussent-ils de simples pommes de sang. Mais qu’importe, car si elles n’ont pas cet angle d’approche, le terrain du perse devient une tentative minée. Il n’y aurait pas d’autre choix que de s’exposer pour essayer de lui faire cracher la vérité, et ont parle tout de même d’un caïnite de plus de trois-cents ans. Il a l’expérience et la puissance qui vont avec son statut, le moindre faux pas pourrait être désastreux. L’Anglaise préfère envisager d’autres options, dans un premier temps. D’autant que les réflexions de Mei amènent à affaiblir l’hypothèse qu’il soit coupable.

- Quelqu’un qui savait très bien ce qu’il ou elle faisait, répond-elle à la question rhétorique de la Chinoise, donc ce n’était pas complètement un hasard.

Myrtle a du mal, avec ce scénario, à croire qu’il s’agit simplement d’une mauvaise rencontre qui a mal tourné. Comme elle l’a supposé, maîtriser Aliénor demande de l’expertise. Les technologies humaines pour lutter contre les immortels se sont considérablement développées, mais il faut plus qu’une bombe lacrymogène à l’argent pour neutraliser celle qui fut nommée la Reine des Catacombes.

Tandis qu’elles s’enfoncent dans l’obscurité tranquille du parc, l’Anglaise réfléchit. Cette histoire est un véritable sac-de-nœud. Ce n’est pas qu’elle a « peur » d’avoir un ennemi caché – sa non-vie se résume à exister dans l’hostilité permanente – mais elle déteste tâtonner à ce point. Gérer les démons invisibles n’est pas un problème, mais les démons inconnus, c’est inconfortable.

- C’est sûr que ça ressemble à quelque chose que des fanatiques auraient pu faire.

Peut-être est-ce encore une fois une présomption basée sur des préjugés, mais cette barbarie brouillonne a des airs tristement humains. Trop peu imaginative pour venir des vampires, trop peu sophistiquée pour venir des arcanistes. Et les garous ? Ces bêtes l’auraient probablement écharpée et réduite à l’état de sac de viande. Néanmoins, demeure l’idée que les exécutants n’aient pas été les commanditaires. Et ça… cette simple perspective change la donne. Mais Mei coupe le fil de ses pensées pour une suspicion aussi légitime que grossière. Arrêtée, elle la fixe qui s’avance pour envahir son espace vital mais ne bouge pas d’un iota. On est revenu sur l’intimidation ?

- Il se trouve que j’ai un métier qui m’amène parfois à me déplacer dans le pays. J’étais à New York, pour trois semaines de concerts avec un orchestre symphonique, explique-t-elle avec une lenteur sèche, loin de se démonter, j’ai mes fiches de paie si tu le souhaites, peut-être même qu’en appelant les hôtels, ils pourront certifier avoir accueilli une pianiste bizarre qui demandait à n’être dérangée la journée sous aucun prétexte, sa tête se penche légèrement sur le côté, sa bouche ébauche un rictus narquois, mais le temps que tu perdras à enquêter sur moi, c’est du temps pendant lequel on enquête pas pour savoir qui a fait ça à Aliénor.

Et si jamais ce n’est que le début, alors c’est du temps pendant lequel elles peuvent aussi être la cible d’une organisation de sociopathes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Myrtle ne s’embarrasse pas à soupçonner Mei : elle n’a plus la naïveté de croire que les sentiments équivalent à une fidélité sans faille ; mais… dans leur situation, il faut un socle de départ solide pour ne pas perdre la tête. Traquer un rat par paranoïa, c’est jouer le jeu de l’ennemi. Il faut user de prudence intelligente, il sera toujours l’heure de démasquer un traître ensuite. Elle toise un instant sa cadette, puis la contourne pour se remettre à marcher. Si elle veut continuer à brainstormer, qu’elle la suive.

- On peut aussi se demander qui avait intérêt à faire ça. Torturer une cheffe immortelle et prendre le risque de la laisser partir ? Volontairement ou involontairement, c’est idiot, téméraire ou suicidaire, si on ne peut pas commencer par Salâh, alors commençons par toutes ses relations suffisamment puissantes ou influentes pour orchestrer ça. On finira bien par accrocher quelque part, et on remontera la piste par là.
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Jeu 30 Mar - 21:12 (#)




Des réponses qui n’apportent avec elles que de nouvelles questions, voilà tout ce que l’échange lui offre. Une goutte supplémentaire dans l’océan de frustration qui liquéfie un peu plus son cœur. Si peu d’affects en ce bas monde mais il a fallu que la cible soit de celle dont l’importance se révèle primordiale. Ses songes ne sont peuplés que de vengeance, de sang et de chaos. Son esprit l’appelle à la raison, sa jumelle à cette folie qui la consume. Paradoxe meurtrier. Mais c’est la honte qui lui retourne les tripes. De ne pas avoir été là, de ne pas avoir été plus rapide, envers son amie et la pensée qu’elle n’est qu’un légume inutile qui subit sans posséder le pouvoir encore de la revanche. Aliénor est la clé de tout mais à peine capable de survivre à une nuit supplémentaire. La rage crépite, ennemie sadique qui gratte les couches sous lesquelles elle a été enterrée. Il n’est pas sage de la laisser remonter la surface et suppurer pour faire renaître la bête. Les souvenirs de ses abandons lointains et leurs conséquences sont des alliés à ne pas sous-estimer. Certaines erreurs ne doivent pas être réitérées. Et il lui faut toute la maîtrise que Mei n’est pourtant pas certaine de posséder.
Mille coupables potentiels, aucune certitude. Les moyens lui manquaient : connaissance, modernité, politique, affiliations, pions, amis, mandataires. Elle n’avait rien, parce que la vampire ne s’était jusqu’ici pas donné les moyens de se fondre dans cette nouvelle vie. La partie de cartes était truquée. Les atouts ne se trouvaient pas dans sa manche. Et en découlait le constat fataliste que la seule coupable était sa propre personne.

Salâh. Humains.
Vengeance. Premier coup porté à une guerre imprévisible.
Organisations. Psychopathe.

Mille visages. Aucune certitude.

Son enquête ne la mènerait probablement à rien, mais celle-ci restait plus salutaire que l’inaction. Sa chambre au motel était devenue prison, la frustration avait supplanté le soulagement. La paranoïa s’était invitée au spectacle, vieille amie invisible. Si la Reine avait été la cible, rien ne lui assurait de ne pas être la prochaine. La place de choix forgée à ses côtés la plaçait en première ligne. À peine accoutumée à ce siècle, à ce millénaire, Mei retrouvait le frisson de la fuite, regard appuyé par-dessus son épaule, sournoise attente et anticipation de l’ennemi pouvant frapper à chaque seconde. Tellement d’ennemis au cours de son existence, maintes traques desquelles la Longue Vie avait réchappées. Coincée dans un triangle relationnel déroutant, les piliers de son existence ne lui étaient présentement d’aucune utilité. Son amie n’en avait pas la force, son ancien bourreau et Sire de substitution ne lui avait accordé son aide que par volonté d’être l’exécutant de la mort de la première et elle ne voulait pas prendre le risque de mêler son loup à un conflit qui ne le regardait pas. Tous avaient leur propre démon. Aucun ne pouvait supporter les siens.

Seule. Ou presque. Sa vis-à-vis lui apparaît toujours comme une piètre alliée, mais à défaut de mieux, il lui fallait s’en contenter.

Mimétisme calculé, sa tête se penche également sur le côté, miroir de sa comparse qui cède au moins quelques informations sans trop d’efforts. Un ange passe, presque rattrapé par un second. À peine. “Qui a dit que c’est moi qui perdrait du temps à ces basses besognes?” Répond-t-elle simplement. Assurément, elle vérifierait les propos, faisant tout juste confiance à ses propres sentiments. L’asiatique ne savait que trop bien que les ennemis les plus féroces naissaient régulièrement de liens intimes et personnels. Son expérience demeurait un fantôme trop féroce pour être oublié.

Recouvrant sa liberté de mouvement, sa compagne s’échappe mais l’Immortelle persiste dans son immobilité. Il lui fallait faire fi d’une partie de sa fierté, si elle voulait avancer. Pour leur amie commune - jusqu’à preuve du contraire - sinon pour elle. “Je sors de vingt ans de torpeur” lâche-t-elle presque avec désespoir. “Deux décennies d’absence à ce monde. Des mois d’entêtement à refuser l’implication que j’aurais dû saisir à l’époque. Je ne connais que le cocon dans lequel je me suis réfugiée. Le motel, quelques individus qui y ont établi résidence. Je me suis tenue éloignée de tout intérêt politique et stratégique et n’ai exploité le putsch que pour satisfaire des besoins primaires.” Loin de jouer une sonate de plaintes futiles, elle se contente de mettre les choses au clair, se tournant pour faire face à la brune qui déjà, s’est éloignée de quelques mètres. “Je pars de zéro.” Évalue la Caïnite sans autre forme de procès. “Nous partirons de zéro. J’espère que tu en as conscience.”

Elle ne comblerait pas les besoins de Myrtle, quels qu’ils soient. Une impasse, c’était tout ce qu’elle avait à lui offrir, si tenter que la confiance s’installe un jour, ce dont Mei doutait sincèrement.

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Ven 31 Mar - 0:26 (#)

Elles partent de zéro, en effet. Myrtle n’a pas le luxe d’avoir l’excuse d’une longue Torpeur, mais elle a fait le choix, peut-être égoïste, de ne pas mettre les pattes sur le territoire de jeu d’Aliénor. Elle l’a accompagnée, certes, mais la diplomatie et la politique, c’est son truc. L’Anglaise est là pour jaillir des ombres lorsqu’on le lui demande, et y retourner après avoir commis sont méfait. Un chat noir. Il était rarement de bonne augure de l’apercevoir. Ce compromis lui va bien. Sauf aujourd’hui. L’acte ignoble sur l’ancienne corsaire a éveillé une sorte d’instinct de préservation. Et la meilleure défense, à ses yeux, est souvent l’attaque.

- J’en ai conscience… mais c’est mieux que de ne rien faire, n’est-ce pas ?

Car elles pourraient tout simplement se retrancher dans leur motel et attendre qu’Aliénor se réveille, pour savoir si elle saurait souffler l’identité du ou des coupables. Cette stratégie serait un modèle typique de paresse immortelle – car elles ont le temps après tout – mais Myrtle ne le supporterait pas.

- On peut tenter de fouiller ses affaires ?

Celles de leur amie, il y a peut-être des lettres, des e-mails, des sms… n’importe quoi. Elles découvrirait peut-être des mots doux de menaces, un rendez-vous étrange, ce genre de chose. La caïnite n’y croit pas vraiment, ça sonne trop facile pour être crédible, mais quand on a rien… Son esprit divague dans l’intensité de la nuit, qui lui est d’une clarté limpide. Régulièrement, l’Anglaise scanne l’environnement de sa vision reptilienne, pour s’assurer que leur refuge de tranquillité ne se mue pas en get apen.

- Je peux aussi essayer de me rendre dans certains lieux qu’elle fréquentait, voir si je peux trouver quelque chose…, ajoute-t-elle pensive.

L’Immortelle a autre chose en tête. Elle se demande dans quelle mesure elle pourrait se faire passer pour Aliénor à des endroits familiers. Leur meneuse possède le don de vicissitude, ce ne serait pas absurde de croire qu’elle ait altéré son apparence. Myrtle parle impeccablement français, elle a suffisamment côtoyé leur amie pour broder sur son passé… si elle enfile ses vêtements, l’illusion pourrait faire effet. Voire même appâter leur proie. Que penserait-elle de la voir resurgir comme si de rien était ? Si elles ne peuvent pas trouver l’agresseur, il faut le forcer à sortir du bois.

Mais encore une fois, l’impasse est telle que cette spéculation devient ridicule. L’Anglaise en est contrariée. Les muscles de sa mâchoire serrée se tendent brièvement sous sa peau. Nouvelle pulsion inopinée ; elle veut cogner. Faute de pouvoir se défouler, elle chasse sa dernière phrase d’une négation de la tête et piège sa main droite dans la main gauche.

- Bref. Ça nous avancera à rien de palabrer sans agir, alors on doit passer au concret. Par quoi on commence ?

Myrtle laisse sa cadette trancher ; il faut désormais prendre le risque de sauter dans le vide. Et la caïnite n’oublie pas qu’elles ont l’option de creuser du côté des arcanistes, pour en dégoter un doté de facultés clairvoyantes qui permettraient d’élucider leur mystère. Mais pour le coup, non seulement l’Immortelle n’a pas de confiance naturelle pour les sorciers – c’est même l’inverse –, mais dans ce cas précis, elle ne peut se risquer à impliquer des gens extérieurs à leur « famille ». Ce n’est pas comme si les arcanistes ont aussi de bonnes raisons de se venger…
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Sam 1 Avr - 16:46 (#)




L’écho des paroles sur ses pensées est d’une justesse trop réelle pour ne pas lui accorder crédit. L’inaction la ronge à petit feu. Bataille intérieure constante et néanmoins familière, usée par les contradictions, frustrée par ce monde en inadéquation avec sa personnalité. L’Immortelle se refuse néanmoins à des envies égocentriques qui desserviraient des intérêts autres que les siens. Sentiment inhabituel qui la fait se questionner plus qu’elle ne le souhaiterait sur sa condition. Humaine déjà, Mei n’avait rien de bon. Prétentieuse, élevée dans une caste aujourd’hui à l’état de cendres froides, les intentions mauvaises et le caractère vicieux, le vampirisme n’avait fait qu’accentuer des traits déjà sauvagement aiguisés. Les événements liés à sa transformation expliquaient la fragilité de son être. Pour supporter les supplices, il lui avait fallu dissocier le réel et un imaginaire salutaire. Portée par la fièvre dans laquelle le typhus l’avait emportée, renaître n’avait pas effacé cette dualité. Immortelle, cette dissociation avait persisté, créant deux entités bien distinctes refusant de partager la même vie. Récemment, la Longue Vie avait pris le parti de tenter une cohabitation jusqu’ici refusée, reléguée dans les méandres tortueux de sa folie. Il ne lui était pas aisé de faire front maintenant, tout juste équilibrée. Entre la nécessité de s’adapter pour survivre et le parti pris qu’engendrait la séquestration de son amie, un énième tourbillon menaçait de la noyer.

Les yeux se lèvent au ciel quand il est question de fouiller les affaires de la Française et c’est la seule réponse qu’elle lui offre, consciente de ne pas l'aider dans ses nombreuses propositions. C’est une intrusion que la vampire ne se permettra pas, son amie en avait déjà suffisamment subi comme ça. Si les choses avaient été si simples qu’un message badin et identifiable par quelques pisteurs modernes. C’était un métier, de ce qu’elle avait compris. Retrouver des indices par le biais de messageries instantanées, d’adresses mails ou elle ne savait quoi, remonter la piste invisible de l’anonymat porté par les écrans. La Chinoise ne comprenait rien à ces histoires de flux et de données, de marques indélébiles sur des serveurs à l’autre bout du monde. Elle ne comprenait même pas comment un message qu’elle venait à peine de taper pouvait être lu quelques secondes plus tard à l’autre bout de la ville. Tout allait vite, tout se perdait. Le tournis. Ce monde lui donnait le tournis.

Une moue pensive détend un instant ses traits à la proposition de Blackstone. La Caïnite doutait que cette dernière puisse obtenir quelque chose, mais la méconnaissance de ses talents et surtout ses dons lui faisaient espérer une piste qu’elle n’osait voir jusqu’à aujourd’hui. Ça n’engageait qu’elle, après tout. Aucune conséquence qu’elle n’aurait à subir, aucune faute qu’elle n’aurait à réparer. Un pion sacrifiable, comme tant d’autres. Un mouvement de la main lui donne une autorisation muette dont la brune n’a certainement pas besoin mais l’Immortelle ne peut lui couper constamment l’herbe sous le pied.

Salâh.
Yago.
Toute organisation ayant des intérêts politiques, religieux, ou les deux.
Et puis…

“Serguey Diatlov.” Énonce-t-elle subitement. Rien que ces quelques syllabes lui donnent une nouvelle fois l’envie de lever les yeux au ciel, se retenant néanmoins. “C’est son ancien toyboy…” résume l’asiatique de manière on ne peut plus personnelle, réduisant les sentiments partagés à néant. Un petit arcaniste insignifiant et privé de pouvoirs, qui avait, elle ne comprenait toujours comment, réussit à faire flancher le coeur de la Reine Rouge. “Lui aussi, est étonnamment absent malgré les événements.” Certes, la croisière avait connu quelques houles, mais chaque question se devait d’être étudiée, à défaut de pistes solides. Secrètement, Mei espérait pouvoir l’éliminer de cette liste sordide. Non pas par intérêt pour ce blond bodybuildé qu’elle n’avait jamais apprécié, mais pour éviter la désillusion de trop à son amie. Comment aurait-elle réagi, si Gautièr l’avait trahi de la sorte? Elle ne connaissait que trop le sentiment d’abandon, en revanche.

“Il nous faut le trouver. Certainement pas pour le ramener. Assurément pour le dédouaner. Et Yago. Et Salâh. Tisser une toile pour tous, au besoin, les emprisonner.” Métaphoriquement parlant. Ou non. “Un endroit également. Je ne fais pas confiance à la nuit pour nous protéger, elle a ses oreilles partout, ces derniers temps.” Petite pensée pour Jenaro et ses talents d’espion. “Le motel est hors-limite, pour d’évidentes raisons. Je peux louer une chambre dans un bouge quelconque, certains ne sont pas très regardants quant à l’identité de leur locataire passager.” Certains louaient à l’heure, après tout…
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Sam 1 Avr - 23:41 (#)

- « Ancien », répète-t-elle ?

Myrtle a certainement dû entendre parler de ce « toyboy », mais il a visiblement fait défaut à sa mémoire. Se pourrait-il au final qu’il s’agisse d’une simple agression passionnelle ? Lui pourrait approcher Aliénor sans éveiller ses soupçons. Il pourrait la prendre en traitre, lorsque sa garde est baissée, pour la séquestrer, puis la torturer. L’Anglaise ne défait aucun nœud et en attache de nouveaux. Peut-être cherchent-elles trop compliqué, peut-être l’évidence est-elle juste là.

Serguei.

Mei développe leur objectif immédiat et si ce n’est rien de bien encourageant, c’est toujours quelque chose. Elles ont leurs cibles. L’Immortelle hoche la tête pour signifier qu’elle approuve l’idée de louer un endroit différent du motel en cas d’urgence. Pour l’instant, elles ne peuvent pas prendre ce risque.

- Je m’occupe de Salâh. Je trouverai bien comment attirer son attention…

Il s’est effacé suite à l’affaire de l’été, mais qui refuserait de rencontrer la complice d’une de ses rivales ? Le vieux vampire cherche forcément une manière de rendre la pareille, il y a peut-être une faille à exploiter. Myrtle l’a connu par le passé, elle saura comment titiller sa curiosité, au moins pour décrocher l’entrevue. Ensuite, elle espère que le Perse se trahira tout seul, ou que son discours criera son innocence.

- Tu penses pouvoir retrouver Sergueï ?

Si elle ne parle pas de Yago, c’est parce qu’elle s’imagine qu’il est indissociable de son Sire. Au mieux a-t-il été un intermédiaire, un outil. Mais coupable ? La caïnite peine à y croire. Rah, cette nuit est frustrante. Chargée en questions, plombée en hypothèses mais vide de réponses. En vérité, elle met en exergue quelque chose de terrifiant : privé d’Aliénor, leur clan est hors-jeu. En tout cas, elles le sont. A trop se tenir éloignées de la couronne, elles se retrouvent dans le noir quand s’éteint l’éclat des joyaux.

Ses yeux verts se lèvent sur le ciel. La réponse ne s’y trouve pas, mais Myrtle médite brièvement. Vivent-elles une simple péripétie ou est-ce la fin de quelque chose ? Y a-t-il une version de l’histoire dans laquelle la reine Rouge ne se réveille jamais ? Dans tout ça, il reste une manière de procéder dont elles n’ont pas encore parlé. Jusqu’à maintenant, elles imaginent des recours très « humains », faute d’élément clef. Mais…

- Tu t’y connais en artefact occulte ?

En existe-t-il seulement un qui ne soit pas une arnaque et qui leur serait utile ? Myrtle n’a aucune notion en objet d’arcaniste. Elle a fréquenté une sorcière blanche, il y a une centaine d’année de cela, c’est tout. Elles s’entraidaient et se partageaient une maison dans les contrés reculées d’une France très hostiles aux « différents » : l’une veillait le jour, l’autre la nuit. La Caïnite a alors eu très peu l’occasion de regarder par-dessus l’épaule de sa colocataire – et ça n’était pas une envie. Si les pistes classiques sont muettes, peut-être peuvent-elles tenter une sortie de route. L’Immortelle voue une défiance profonde envers les arcanistes, mais… sa cadette a parlé de mettre de côtés ses ressentis, c’est ça ?
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Jeu 6 Avr - 21:02 (#)





D’un simple mouvement lascif de la main elle rejette toute explication quant au Serbe et son éviction. Ne pas comprendre l’attachement que son amie lui portait ne représentait rien en comparaison à ce qu’il serait malheureusement susceptible de lui apporter en de pareilles circonstances. Si elle le jugeait volontiers lui, elle n’était pas en position d’apposer la même sévérité sur le choix du cœur. Non, assurément, elle ne le voyait pas s'adonner à de telles monstruosités quand il lui aurait probablement suffit de ramper. Mais, comme souvent dans la justice très personnelle de Mei Long, coupable jusqu’à preuve d’innocence. Radical, certes, mais une philosophie qui lui avait permis de durer malgré les aléas de sa folie.
La volonté de Myrtle et le ton employé qui ne souffle guère d’opposition la laisse l’inviter d’un geste de la main à poursuivre ses engagements. La Chinoise ne connaissait pas suffisamment l’oriental pour se targuer de savoir ce qui pourrait faire sortir le lapin de son terrier. Encore moins des retombées qu’un tel plan pourrait avoir sur sa comparse. L’empêche-t-elle pour autant par une ruse quelconque ou par une sagesse oubliée à sauter dans la gueule du loup? Évidemment non. Dispensable. Voilà l’opinion qu’elle s’en fait. Sévère, dure et probablement injuste. Mais la fin justifiait les moyens.

Haussant une épaule, l’Immortelle entreprend quelques pas, plus pour se donner contenance et peser le pour et le contre que par réelle volonté de s’échapper des lieux. “Possible…” se contente-t-elle de répondre. S’ils avaient quelques relations communes, la liste ne s’étirait pas sur la longueur. Suffisamment pour percevoir ne serait-ce que l’écho du blond? Et quand bien même, que lui dirait-elle? L’asiatique était douée pour mille choses, certainement pas pour faire dans la dentelle et préserver la sensibilité de ceux qui ne lui inspiraient qu’une profonde indifférence. Serait-il, d’ailleurs, un cataplasme sur des plaies purulentes ou le rappel constant de ce que les hommes, dans leur ignominie la plus sordide, produisaient de pire? Tant de questions, si peu de réponses. “Je te laisse volontiers l’arabe.” Elle avait tendance à mettre tous les métèques dans le même panier. “Je m’occupe du Serbe.” Volontairement, elle les réduit à leur origine géographique, ne les considérant à peine pour autre chose que ce simple état. Ils n’étaient personne, à ses yeux. Elle l’apprenait encore aujourd’hui, son cœur était capable d’attachement, de liens sincères que son caractère rendait parfois absolus. Pour le reste, des visages, des voix perdues dans le capharnaüm de ce nouveau monde, des personnalités fades qui ne l’intéressaient guère et l’émouvaient encore moins.
Pour le moment, Myrtle s’ancrait dans la seconde catégorie. L’histoire et leurs possibles aventures communes lui laissaient tout le loisir de se faire une opinion plus tranchée ou plus ouverte.  

Sa voix brisant justement le cours de ses pensées, elle lui offre de nouveau son attention, fronçant légèrement les sourcils sur une question qu’elle n’avait clairement pas anticipé. “Non!” Cède-t-elle tout en méfiance. S’il y a bien une chose qui attisait des peurs anciennes portées par des croyances qui l’étaient encore plus, c’était bien les esprits, l’autre monde, et tous les charlatans qui prétendaient pouvoir jouer avec ce dernier. L’occulte n’était pas un élément à prendre à la légère, de son strict point de vue. Raisonnable ou pensée déraisonnée, elle tique, mais doit bien admettre que pour faire écho à ses précédentes paroles, chaque piste se devait d’être exploitée. “Mais je connais quelqu’un…” concède cette dernière dans un souffle. Pas assez naïve pour céder un nom tant que la confiance est minimale, peu désireuse d’attirer des ennuis à celui qui avait été d’une aide si précieuse, elle se flanque devant la vampire. Fouillant dans une poche pour lui tendre l’objet de malheur qu’elle ne maîtrise pas encore, son téléphone atterrit dans la main de sa vis-à-vis. “Enregistre ton numéro là-dedans.” Si elle savait retrouver un nom, Mei n’avait aucune idée de comment procéder pour s’inscrire ainsi dans son intimité technologique. “Je t’enverrai une missive pour te donner rendez-vous dans quelques jours, dans un endroit sûr.” Comprendre un texto.

Récupérant le précieux écran, elle se détourne déjà, sans autre forme de procès. Quelques pas et elle stoppe sa fuite, sans pour autant faire de nouveau face à la brune. Le visage légèrement tourné sans chercher le contact visuel, elle ajoute. “Ne te mets pas inutilement en danger Myrtle Blackstone, nous avons encore besoin de toi.” Et sur ces quelques paroles, elle use de ses capacités pour se fondre dans les ténèbres et disparaître dans la nuit.

Encore une nuit sans massacre.
Encore une victoire sur ses vices.
Encore une nuit de questions.

Mais, pour une fois, l’espoir d’y trouver quelques réponses futures.
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