Au Louisiana State Exhibit Museum, une exposition temporaire s’est ouverte ce mois-ci. Durant une période limitée, les visiteurs pourront découvrir et admirer l’art des civilisations de l’ère précolombienne, comme les Mayas, les Aztèques, les Moche et les Nazcas. Objets de cultes, statues de divinités, reconstitutions de bas-reliefs, masques sculptés, et bien d’autres reliques sont exposés aux curieux dans les couloirs circulaires du vaste musée. Au centre de l’exposition, une reconstitution de la pyramide de Kukulcán a été montée. D’une échelle modeste, l’attraction a surtout un objectif pédagogique : elle permet aux plus jeunes d’escalader les quelques marches pour prendre des selfies. Une pancarte explique aux curieux que l’originale était dédiée au dieu Kukulkan et se situe actuellement dans l’État du Yucatan au Mexique.
D’autres expositions sont aussi ouvertes au public. L’équipe du musée et le conservateur ont veillé à rendre les expositions plus attractives pour les enfants et les adolescents, notamment via des projections vidéos. Les images d’un cénote sont projetées sur un grand écran, et plusieurs panneaux interactifs accompagnent chaque section d’exposition. D’ailleurs, des sorties de classes ont été organisées à la fin des cours, si bien que les halls du musée sont remplis d’exclamations enfantines autour des vitrines. Au rez-de-chaussée, se trouvent majoritairement des objets inoffensifs : artisanat, ustensiles du quotidien, bijoux, un autel, et des objets religieux.
À l’écart des expositions classiques, une pancarte et un lourd rideau signale l’entrée d’une autre section de l’exposition, dédiée aux cultes sacrificiels. Pour y accéder, il faut emprunter un large escalier menant aux sous-sols du musée, où une affiche prévient les visiteurs sensibles du contenu de l’exposition. À l’intérieur, on retrouve tous les outils religieux utilisés dans ces pratiques, sous un éclairage plus tamisé : des couteaux, des vases, des masques de prêtres, des fresques montrant les sacrifices aux dieux, etc. Des urnes funéraires sont aussi présentes, à côté d’une pancarte vous expliquant que les Aztèques préféraient les crémations et que les cendres étaient conservées dans ces mêmes urnes que vous contemplez.
Alors que vous déambulez parmi ces objets séculaires, un violent bruit sec vous interpelle. Dans l’escalier qui descend dans le sous-sol, un ballon de foot rebondit bruyamment sur les marches, avant de filer à toute vitesse sur le sol. Aucun d’entre vous n’a le temps de réagir, que le jouet heurte un présentoir contenant des bijoux Aztèques, telle qu’une pince à cheveux et des bagues, ainsi qu’une de ces urnes funéraires. Le choc du ballon fait trembler le meuble en bois et, malheureusement, l’attache mal fixée qui maintenait l’urne en place cède d’un coup. Le vase funéraire se renverse, roule sur lui-même, avant d’être arrêté net par la petite barrière qui ceint le présentoir : fort heureusement, la relique n’est pas brisée.
Toutefois, tout le contenu s’est renversé. Le sale gosse coupable descend les marches à toute vitesse pour récupérer son ballon, qu’il saisit avant de s’enfuir comme un mal élevé, sans même écouter vos éventuelles récriminations. Pourtant, le mal est fait. Ce qui ressemble à des cendres vieilles de milliers d’années sont là, éparpillées tristement sous les néons, et ce spectacle a quelque chose de désolant. Alors que vous comptiez agir pour réparer ce désastre, ne serait-ce que contacter le personnel du musée, un vertige aussi bref que soudain vous traverse. L’effet est similaire à une sensation de chute, comme si vous étiez à bord d’un wagon de montagnes russes lors d’une descente : cela ne dure toutefois qu’une ou deux secondes.
Tandis que la confusion s’empare de vous, vous discernez une nouvelle présence. À côté de l’urne renversée se tient une femme âgée, qui semble à la fois perdue, malheureuse et un peu en colère. Après avoir passé un bon moment dans l’exposition, vous remarquez presque immédiatement que ces habits sont aztèques, et ressemblent à ceux des membres du clergé. Brusquement, elle s’adresse à vous, vous montre du doigt, et ces paroles sont emplies de tristesse et de ressentiment. Même si vous ne comprenez pas sa langue natale, le Nahuatl, le visage ridé de la grand-mère déclenche chez vous une profonde empathie, comme si vous aviez deviné que cette pauvre femme souffre d’être exposée ainsi, et vous supplie de l’aider.
Vous n’êtes que trois à avoir assisté au saccage de l’urne et, manifestement, vous êtes les trois seules à voir l’esprit de la vieille femme. D’ailleurs, elle vous surine à grands renforts de gestes, mais vous êtes les seules à l’entendre. C’est au bout de plusieurs minutes de gesticulations suppliantes que la femme Aztèque fait un signe codifié de la main : soudainement, vous ressentez un picotement sur la nuque. Si vous utilisez un miroir, vous remarquerez qu’un tatouage est apparu sur votre peau : c’est un glyphe Aztèque représentant l’eau et la nature sauvage. Apparemment, la vieille femme tient vraiment à ce que vous l’aidiez, quitte à vous forcer la main : le glyphe veut-il dire qu’elle désire reposer dans la nature, ou bien a-t-il un autre usage, moins inoffensif ?
La nuit au musée, mais de jour Louisiane State Exhibit Museum ft. Emily & January
L
’Amérique est un pays hypocrite. Terre de toutes les libertés mon cul. Si tu avais vraiment été libre, tu aurais intégré la Louisiana State University en arrivant à Shreveport. Tu aurais entamé des études d’histoire, que tu aurais brillamment menées malgré quelques soirées un peu trop arrosées. Tu aurais pu te spécialiser dans un domaine, une culture ancienne et encore mystérieuse, des traditions magiques jusqu’ici oubliées. Si tu avais été libre, tu serais peut-être sur le terrain à déterrer de puissants artéfacts érodés par le temps ou à minutieusement étudier les fragments d’arcanes ancestrales qu’ils renferment. Tu aimes ton métier, le problème n’est pas là, mais tu ne l’as pas choisi. Pas assez d’argent pour ça.
Enfin, tu pousses le battant de la porte du Louisiana State Exhibit Museum en évacuant ces pensées d’un revers de main mental. Peu importe ta situation, ta passion pour toutes les formes d’ésotérisme demeure la même ; cette exposition temporaire sur les rites aztèques s’est donc imposée comme une priorité extrême sur ton emploi du temps dès que tu en as eu connaissance. Devant les détecteurs de métaux, tu déposes ton sac et toutes tes breloques dans un bac avant de passer le portique et enfin pouvoir prendre ton billet pour l’exposition. En rentrant dans le bâtiment, outre l’effet frissonnant de la climatisation sur tes bras nus, ton sixième sens t’a donné une exquise chair de poule, le frémissement électrique de la curiosité sur le point d’être rassasiée. C’est comme un appel d’air qui t’appelle inexorablement à lui sans que tu ne puisses le voir ni l’entendre, c’est une chorale voix muettes qui n’ont ni corps ni âme et qui pourtant se font parfaites messagères de ce qui se trouve derrière quelques pans de plâtre et de béton. C’est absolument certain : certains des objets trônant sur les présentoirs sont l’œuvre de tes pairs, et sans même les écriteaux, tu sais avec certitude dans quelle aile du bâtiment te diriger, fin sourire au coin de tes lèvres félines et étincelle au fond de tes pupilles.
Les minutes commencent alors à défiler sans que tu ne les comptes, ton attention monopolisée par les quelques objets desquels émanent encore des traces de magie et les fiches explicatives qui te permettent d’infirmer ou confirmer tes hypothèses basées sur les seules propriétés extraordinaires que tu décèles à travers le verre. Leur art est proprement fascinant, et tu es en total ravissement face à la surprenante finesse de certains des enchantements. Magie rouge pour la plupart, la blanche ne semblant pas être commune dans cette tradition. Or, tu sens une essence plus sombre, quelque part. Un objet qui ne s’est pas encore révélé à ta vue mais qui ne saurait se cacher encore longtemps de ta curiosité dévorante. C’est là. Derrière ce rideau, passé les escaliers, c’est là que se trouvent les résidus de cette sombre magie. Tu veux aller voir, tu le dois, même, car c’est à travers les penchants les plus sinistres des arcanistes que l’on peut réellement connaître l’étendue de leur savoir. Ménageant ton impatience, tu descends donc une marche après l’autre en te laissant à chaque fois le temps d’essayer de tracer les contours des flux que tes dons te permettent de ressentir. Tu es presque arrivée au bout lorsque ta concentration silencieuse et quasi-mystique est troublée par le bruit sourd et chaotique d’un… ballon ? Avant même que tu n’aies le temps de te demander d’où vient le vacarme, ni même comment une telle lacune de sécurité est possible, l’instrument sphérique de chaos percute un présentoir et ton cœur manque un battement. Ahurie, tu sondes rapidement la pièce du regard à la recherche d’une quelconque forme d’autorité à laquelle renvoyer la tête à claques propriétaire du ballon, mais son aller-retour semble passer surnaturellement inaperçu. Encore hébétée par ce qu’il vient de se passer et alors que tu persistes à fixer la sortie avec ton air le plus mauvais comme si ton simple regard pouvait poignarder le dos du môme avec le poignard de la culpabilité, tu distingues une perturbation erratique du champ magique… à l’endroit percuté par le projectile ? Tu tournes alors la tête rapidement avant d’être prise d’un vertige terrible t’obligeant à t’accrocher à la rambarde pour ne pas organiser de rencontre prématurée entre le sol et ton postérieur. Origine surnaturelle ? Evidemment. Une fois ton esprit remis en ordre et en état de fonctionner normalement, tu distingues alors deux choses au niveau du présentoir : la première, presque normale, est qu’un des objets exposés, vraisemblablement une urne funéraire, a été renversé. Le seconde, cette fois-ci loin d’être ordinaire même pour une arcaniste : la silhouette évanescente qui se tient debout à côté des cendres renversées. Les questions se bousculent alors dans ta tête sans que tu ne sois en mesure d’en répondre à une seule. Qui est cette femme ? Est-elle seulement réelle ? Es-tu la seule à la voir ? Et surtout, pourquoi est-ce qu’elle semble s’adresser à toi dans cette langue dont tu ne comprends pas le moindre mot ?
Pas bien sûre de la manière dont réagir, tu regardes avec hésitation autour de toi pour seulement trouver deux autres personnes dont les attitudes indiquent avec assez de clarté qu’elles n’ont pas beaucoup plus d’information à te donner. Ca aussi, c’est étrange. L’atmosphère de la salle est presque surréaliste, et l’effervescence du hall d’entrée n’y est plus qu’un souvenir très lointain. La femme – le spectre ? – se débat, et son énervement vraisemblable à l’encontre de votre passivité ne fait que la renforcer dans une boucle vicieuse. Le temps passe, secondes ou minutes, tu ne saurais dire, mais vient le moment où votre position de simple spectatrices est remise en cause. Soudainement, tu sens un flux de magie inconnue presser contre ta nuque, et instinctivement, tu uses de ton don inné pour le figer. Sous l’effet de la surprise, tu n’as pas eu le temps ni l’occasion de déterminer si tu es la seule cible de ce sortilège. Tu décides finalement de briser le silence, et de commencer à chercher des réponses. « Ok, est-ce que je suis la seule à avoir senti… ça ? » Les chances que ces demoiselles soient elles aussi adeptes des arcanes sont faibles, rester vague est sans doute le meilleur moyen de poser les bases de la prudence, et surtout d’éviter la panique. Parce qu’il faut l’avouer : même en étant confrontée tous les jours au surnaturel, ce qui est en train de se passer rentre dans la catégorie « badantes », alors tu n’oses imaginer pour un non-éveillé.
Retrouver une vie normale. Sortir. Redécouvrir les hobbies qui avaient été les siens – et peut-être même s’en trouver de nouveaux. Elle avait encore du mal à ne pas se sentir coupable, à ne pas se dire que Zelda l’attendait à la maison et qu’elle n’avait plus qu’elle dans sa vie, pour lui apporter un peu de réconfort. Qu’elle n’avait pas le droit de se distraire, de passer un bon moment, alors que sa petite sœur en était privée. Malgré le fait que ça ne soit plus vrai, la litanie ne quittait pas la tête de January. Elle devait se rappeler, par moment, que Zelda était debout, soignée, même si elle avait dû être sacrifiée et ramenée à la vie par Myrtle pour ça. Même si aucune des deux ne qualifiaient leur état de vie, c’était quelque chose que Jane ne parvenait pas à saisir réellement, alors qu’elles se mouvaient devant elles.
Mais elle devait chasser ça de sa tête. Profiter de l’exposition, découvrir ces remarquables œuvres d’art récupérées ou reconstituées, même si elle commençait à regretter d’y être allée à cette heure-là. Non pas qu’elle n’aimait pas les enfants, mais elle peinait malgré tout à se concentrer, alors qu’ils s’amusaient avec le contenu interactif de l’exposition. Ça lui donnait malgré tout énormément d’idées de petits ateliers à mettre en place au théâtre, pour y attirer un public généralement peu intéressé. Elle secoua vivement la tête, comme si elle était seule au monde : quand elle ne pensait pas à Zelda, et à Myrtle par extension, elle ne pensait qu’à son travail, alors qu’elle était là justement pour couper de tout ça.
Désirant s’éloigner de l’agitation ambiante qui fourmillait et emplissait son esprit de mille et une pensées parasites, au lieu de l’aider à profiter de ces œuvres inestimables qu’elle pouvait observer, elle prit le chemin de la partie dédiée aux cultes sacrificiels, nourrissant le secret espoir que les gens la fuient, considérant le thème trop glauque. A raison, vraisemblablement, alors que la salle est plutôt vide et baignée dans un silence agréable, presque révérencieux. Jusqu’à ce qu’un fracas retentissant alors que, penchée allègrement sur un des présentoirs, occupée à détailler sous toutes les coutures les artefacts anciens et précieux qui se dévoilaient sous ses yeux, ne fasse sursauter January, l’enchantement qu’elle avait créé elle-même par son observation attentive disparaissant. Totalement déboussolée, elle regardait les deux femmes ayant assisté à la scène, hésitante quant à l’attitude à adopter. N’allaient-elles pas compromettre les cendres répandues, qui pouvaient peut-être être récupérées sans plus de dommage par le personnel du musée, si elles s’en approchaient ? Déjà, une multitude de questions se succèdent dans son esprit, brutalement interrompues alors qu’elle chutait de manière interminable, comme si on l’avait poussée dans un bruit sans fond, avant de recouvrer tout aussi brutalement ses esprits, non sans se sentir traversée par un spasme incompréhensible.
Plissant les yeux, elle les écarquilla plusieurs fois, pour s’assurer de ce qu’elle voyait. Une vieille femme, incroyablement ridée, comme sortie d’un livre d’histoire. Mais elle ne connaissait pas ce peuple – peut-être revêtait-il des tenues traditionnelles à certaines occasions ? Peut-être n’avait-elle par ailleurs jamais appris l’anglais, parlant sa langue natale avec ses descendants qui, eux, devaient le parler. Étaient-ils dans le coin ? Des larmes perlèrent malgré elle aux yeux de January, quand elle constata à quel point elle était troublée, probablement parce que les reliques et les cendres de ses ancêtres avaient été profanés. Ignorant toute prudence, elle s’en approcha, prête à lui prêter secours, dans la mesure de ses moyens, avant de se figer en sentant un léger picotement dans sa nuque. Une bête voletait-elle dans la pièce ? Peu importe. Elle comptait bien rejoindre la vieille dame, avant que l’une des deux autres femmes ne l’interpelle. « Sûrement un moustique… » Elles étaient en Louisiane, après tout, et certains d’entre eux étaient particulièrement agressifs. Heureusement, Jane n’y était pas allergique. Rejoignant la vieille dame, elle prit soin d’éviter de piétiner les cendres. « Votre famille est ici ? On peut vous aider ? »
Curiosité pour l’Histoire et fascination pour l’art. Deux raisons pour Emily d’apprécier les musées, les expositions et les documentaires qui passaient à des horaires indécents pour le commun des travailleurs. Comme si l’idée de s’instruire n’intéressait pas l’américain moyen, mais uniquement les insomniaques et ceux qui ne se cassaient pas le cul au boulot pour faire leurs 50 heures histoire de pouvoir avoir un repas chaud et un toit au-dessus de la tête. Faisant partie de la deuxième catégorie – travailler à son compte avait certains avantages notables – elle ne se privait jamais de regarder quelques documentaires fascinants sur les civilisations qui les avaient précédées. Passant parfois sous silence la petite information épicée de la raison de leur soudain déclin. Ça ferait mal de faire culpabiliser les chers citoyens américains, après tout. Internet s’en chargeait de toute façon déjà très bien.
Il n’avait pas fallu beaucoup de réflexion à Emily pour décider de se rendre à l’exposition sur les civilisations de l’ère précolombienne. Certes, ça ne valait pas le détour en Amérique du Sud pour voir de ses propres yeux les immenses pyramides à degré ou le Machu Picchu, mais entre batailler sous le soleil brûlant contre des moustiques et des centaines de mètres à gravir à pied au milieu de touristes, et l’agréable fraîcheur d’un musée climatisé et relativement plat et calme, elle avait fait son choix : l'option sans moustique. Et elle avait plutôt bien fait, à en juger par la collection impressionnante et les informations détaillées qui ne manquaient pas d’accompagner chaque pièce présentée. Elle évita soigneusement la pyramide à échelle réduite, pas vraiment enthousiaste à l’idée de s’approcher des cohortes de jeunes se prenant en photo comme s’ils étaient réellement en Amérique du sud. Elle se serait aussi passé des cohortes de marmots sévissant dans les environs et décida rapidement d’une retraite stratégique chaque fois qu’un de ces groupes approchaient. Elle en avait assez de grimacer en les voyant manquer de casser un objet unique et irremplaçable toutes les 15 secondes
Quid donc de cette pancarte qui semblait l’inviter personnellement à s’aventurer dans les profondeurs du musée pour profiter d’une autre partie de l’exposition, loin de l’agitation. Elle n’hésita pas une seule seconde et descendit les marches avec légèreté, s’immergeant rapidement dans sa contemplation des œuvres exposées ici-bas. En son for intérieur, elle n’avait pas encore rayé de la liste la possibilité d’un voyage sous l’équateur et ça n’était pas les objets présentés qui allait lui ôter l’idée de la tête. Des vases, des urnes, des objets en or ou en pierres précieuses et des pancartes retraçant leurs histoires à n’en plus finir. Une vraie collection qui l’occupa pendant plus longtemps qu’elle n’oserait l’admettre. Une réminiscence.
Si elle avait passé de nombreuses années à étudier les spectres et toutes les déclinaisons, Heins n’avait pas manqué de lui enseigner une certaine connaissance des folklore étrangers. Qui pouvait savoir quand elle pourrait en avoir besoin après tout. Les esprits avaient la joie d’être nommé différemment selon les pays ou région et savoir reconnaître ce qu’on avait sous les yeux était souvent la différence entre un moment angoissant mais sûre et une catastrophe assurée. Les informations sur les esprits des civilisations pré-colombiennes n’étaient pas légions, mais elle avait quand même eu son lot de nom à coucher dehors. Surtout quand le dieu Aztèque qui leur était associé s’appelait Mi.. michect... Mictlantecuhtli. Elle l’appellerait Michel pour le bien-être de sa santé mentale et se garderait bien d’en informer un quelconque historien.
C’était donc face à une fresque concernant Michel, finement gravée sur une urne, qu’Emily se trouvait lorsqu’un bruit lui fit tourner la tête. Comment, par tous les dieux du panthéon aztèque, un ballon avait d’arriver jusqu’ici, cela restait un mystère insondable, mais le responsable ne se fit pas prier pour se carapater en vitesse sans même prendre un instant pour regarder l’ampleur des dégâts causés. Car des dégâts, il y en avait. Une urne peut être millénaire, victime d’une sournoise attaque d’une boule en polyuréthane lancé par un sale môme irrespectueux.
Renouvelant intérieurement sa promesse de ne jamais s’encombrer d’un pareil fardeau qui faisait la lie de l’humanité, Emily approcha du carnage avec l’idée d’essayer de peut-être réparer quelque chose. Tout ce qu’elle put faire, se fut se tenir à un meuble proche, soudainement prise d’un vertige arrivant sans prévenir. L’impression de chuter disparut aussi vite qu’elle était apparue, mais laissa une impression étrange à la portraitiste. Mais rien de comparable à la douche froide qui s’empara d’elle en relevant la tête. Sauf erreur de sa part, il n’y avait pas de représentation déguisée d’une prêtresse aztèque au programme et sa soudaine apparition ne présagea rien de bon. Pas plus que la façon dont elle essayait soudainement de faire comprendre quelque chose, à elle et aux deux autres femmes se trouvant autour. Au vu des regards éberlués, elles aussi la voyaient. Et ça, c’était étrange.
Il y avait quelque chose de tragique dans la façon qu’avait la vieille aztèque de quémander une aide qu’elle allait difficilement pouvoir lui apporter. Elle avait bien quelques notions de langue étrangères, comme l’allemand, mais alors parler l’aztèque c’était bien au-delà de ses compétences. Elle aurait sincèrement voulu l’aider, mais sentir soudainement quelque chose de magique la toucher et lui picoter la nuque ne lui fit pas du tout plaisir. Elle fronça les sourcils et se frotta l’arrière de la tête et, essayant de déceler quelque chose, sans trop de succès. Et apparemment les deux autres jeunes femmes avaient aussi eu droit au même cadeau. Saisissant son téléphone d’une main, elle leva ses cheveux de l’autres et chercha à prendre une photo, découvrant un joli tatouage qui n’était pas là cinq minutes auparavant. Et ça ne lui plut pas beaucoup non plus.
Elle fixa la grand-mère avec un peu moins de sympathie qu’auparavant. Elle voulait bien aider, mais fallait quand même pas abuser au point de se croire tout permis non plus.
- Oh la vieille, t’as fait quoi là ? C’est quoi ces conneries ?
Elle ne risquait pas de piger un mot de ce qu’elle pouvait lui dire, mais peut-être que ses intentions allaient l’atteindre. Elle secoua la tête et s’approcha des deux autres. Une humaine et une arcaniste, voilà qui simplifiait et compliquait les choses en même temps.
- Ouais j’ai senti, y’a un genre de tatouage sur ma nuque, sans doute pareil pour vous. Si je trouve ce sale gosse, ça va mal finir pour lui… On fait quoi ? on prévient le personnel du musée ?
La nuit au musée, mais de jour Louisiane State Exhibit Museum ft. Emily & January
D
eux collègues dans la pièce, deux réactions diamétralement opposées. Deux visions du monde qui s’affrontent, aussi. L’une a compris, l’autre sans doute pas ; voilà qui confirme tes soupçons, et surtout fait se lever un dangereux vent de curiosité dans ton esprit. Si Maman était là, elle verrait tout de suite cet éclat briller au fond de tes pupilles et s’en inquiéterait tant elle sait qu’il est capable de complètement renverser tout instinct de conservation chez toi. En gros, tu viens d’être embarquée dans la galère avec une éveillée et vraisemblablement une humaine insensible à la magie. Au moins elle n’a pas l’air de trop s’inquiéter de la situation, c’est toujours mieux que de devoir tenter de gérer une panique comme ça avait pu être le cas il y a maintenant presque deux ans. Forcément, les événements te reviennent en tête comme des flashs, mais tu les balaies très vite. Courageuse mais pas téméraire, un bref instant de réflexion s’impose puisque les problèmes, eux aussi, s’empilent rapidement.
Intérieurement, tu finis par pousser un large soupir, pouvant presque entendre ta propre voix en écho faire la leçon à Jim. C’est pour ça qu’on scelle les objets, très exactement pour ça. Oh, tu aurais aimé qu’il soit là, juste pour pouvoir le sermonner en face même s’il n’y est pour rien. Et aussi parce qu’au-delà de son manque de professionnalisme, c’est un sorcier talentueux et aurait sans doute été un atout pour gérer cette situation. « C’est pas un problème que le personnel du musée va pouvoir régler, » finis-tu par répondre en approchant – mais pas trop non plus – de la scène. « Si ceux qui ont monté l’exposition avaient la moindre conscience des… propriétés des objets qu’ils ont exposés, on en serait pas là. » Là où ? Là à se demander quoi faire alors qu’un spectre aux intentions indéterminées vient de vous jeter un sort. Tu finis par cracher le morceau sur le ton de la confidence. « C’est des objets magiques, quoi. Désolée ma belle mais ce qu’on a sur le cou c’est pas une piqûre de moustique. » A quoi bon tenter de préserver le secret ? L’autre blondinette est dans les mêmes emmerdes que vous, et elle mérite bien au moins qu’on lui explique la situation. En espérant que le calme étonnant dont tu sembles faire preuve lui donne également envie de ne pas faire une scène, et surtout de tomber d’accord avec toi. « Moi c’est Lucy, au fait, » ponctues-tu avec une légèreté surprenante en considérant l’accent texan prononcé qui enveloppe chacun de tes mots.
En face de vous, la mégère s’agace encore en agitant les bras et déblatérant dans une langue que tu ne comprends toujours pas. C’est d’ailleurs une perception étrange que de ne pas entendre la réverbération de la salle dans sa voix. T’écartant d’un ou deux pas, tu guettes l’arrivée potentielle d’autres personnes, mais l’aile est étonnamment calme. Tu n’arrives pas à savoir si c’est simplement parce que cette partie de la visite est réservée aux adultes ou s’il y a une autre raison. Enfin, la question n’est pas la plus urgente, et ton regard bifurque sur le cou marqué de la rouquine véhémente. « En tous cas, on dirait un symbole aztèque. Est-ce qu’on a toutes le même ? » Une observation brillante, n’est-ce pas ? Pas du tout aidée par le fait que cet alphabet est omniprésent dans une centaine de mètres carrés du bâtiment. Tu ne peux pas voir ton nouveau tatouage, et c’est peut-être tant mieux pour l’heure ? Avoir fait agir ton don en sentant la magie dans ton cou a fait qu’il n’a été gravé qu’à moitié, et tu connais les dangers d’un sort inachevé. Comment la vieille a-t-elle pu jeter un sort, d’ailleurs ? Les spectres sont capables de faire ce genre de choses ? Si tu n’étais pas une actrice directe de la situation, tu aurais été ravie de l’étudier. C’est forcément un peu plus embêtant d’être impliquée.
Un tatouage ? Jane avait l’impression d’être propulsée dans un monde parallèle, un monde auquel elle n’appartenait pas, comme si elle était retombée dans un de ses rêves absurdes ou qu’elle avait été propulsée dans une réalité alternative. Même si elle savait bien que ça n’était pas possible : même si les créatures surnaturelles avaient révélé leur existence, ils ne pouvaient pas créer des portails vers d’autres mondes ou d’autres réalités, n’est-ce pas ? Si January avait accueilli la nouvelle de la révélation avec enthousiasme et sérénité, voyait toujours ça comme une excellente chose et comme tout un pan de l’univers en lequel elle avait toujours cru, ce serait trop pour ses limites humaines que de s’imaginer pouvoir voyager entre les mondes.
Secouant légèrement la tête, elle serra ses bras contre elle, dévisageant tour à tour la blonde puis la rousse, qui avaient des réactions diamétralement différentes de la sienne – ou même l’une de l’autre. « C’est… C’était hanté ? Les fantômes existent ? » Est-ce que… Est-ce qu’elle pourrait parler à ses parents, dans l’au-delà ? Elle avait toujours cru au vaudou, et depuis la révélation encore plus, après tout, alors pourquoi pas ? Même si elle avait toujours eu peur de ce qu’elle pourrait découvrir, ou de troubler le repos de ses parents. Ou pire, de découvrir qu’il ne subsistait plus rien d’eux, finalement. Mais elle perdait encore le fil de ses pensées, dans une situation qui exigeait toute sa concentration, et le peu de compréhension qu’elle en avait.
« Moi aussi j’ai un tatouage ? Comment… Comment un objet peut faire ça ? Ou c’est elle ? » La femme qui gesticule et baragouine devant elles, parlant un dialecte qu’elle ne comprend définitivement pas. Reculant soudainement alors qu’elle essayait de lui parler pour réussir à déchiffrer ce qu’elle leur disait, à comprendre ce qu’elle voulait, Jane la regarda effrayée, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait. Est-ce qu’elle était maudite par elle ?
« Ça veut dire quoi ? Qu’est-ce que ça fait, des marques magiques comme ça ? » Parce qu’elle comprenait bien qu’elles soient énervées, perturbées, remontées, mais toute cette situation leur semblait réelle, à elles. Alors que pour January… C’était improbable et anormal. « Le gamin doit être parti, et si ça se trouve, le personnel va nous accuser. » Surtout alors qu’elle se trouvait bien trop près des cendres. « N’importe qui peut voir les fantômes ? Ou c’est parce qu’elle m’a marquée ? » Ou alors elle avait des dons insoupçonnés et latents ? Elle aurait réellement aimé être dans la seconde situation, mais elle n’y croyait pas. Ils se seraient déjà développés, n’est-ce pas ? Ou peut-être que les vampires les auraient sentis. Même si une petite part d’elle avait toujours espéré être une sorcière – déjà enfant, et encore plus depuis la révélation. « Vous savez comment nous enlever ça ? Ou la renvoyer dans le royaume des esprits ? » Est-ce que ça existait pour de vrai ? « Je… Je peux vous aider à le faire ? » Même en tant que pauvre humaine ?
Faut toujours que ce soit un abruti de gosse qui viennent foutre la merde. A croire que c’est une malédiction qui la suivait, peu importe où elle va. Et après on venait l’emmerder en lui disant que, quand même, à son âge, elle devrait avoir des enfants. Quelle connerie. La voilà à devoir gérer une mégère aztèque, une humaine paumée et une arcaniste qui avait l’air un peu trop intéressée par la situation pour leur bien à toutes. Merveilleux.
Elle s’accroupit, examinant les restes brisés de l’urne, mais rien de ce qu’elle voit ne lui donne la moindre indication. Ses cours sur la mythologie pré-colombienne se font loin et elle n’a jamais été très attentive à tout ça, persuadée de ne jamais en avoir besoin, comme les logarithmes ou l’explication de la loi de Tate. Elle avait eu raison jusque-là, mais voilà que ça lui venait en pleine tronche. Heins se serait bien moqué d’elle en cet instant pour sûr. Avec son air goguenard satisfait quand elle admettait une erreur. Aucune chance de ce côté-là, pour sûr. Peut-être que le tatouage en lui-même pourrait leur être utile… ou bien sir la grand-mère se mettait à parler leur langue au lieu de déblatérer ce qui ressemblait à des insultes crachées par un cafard écrasé.
- Emily.
Au moins aucune des deux autres ne paniquait. Ce qui était un sacré exploit. Surtout concernant la jeune humaine. A sa place, elle aurait piqué une crise et aurait couru hors de la salle en hurlant, les bras au-dessus de la tête. D’accord, peut-être pas, mais c’était quand même courageux de sa part de pas simplement paniquer. Peut-être une aficionado des CESS, ils étaient de plus en plus nombreux au fil des ans, pour le meilleur et pour le pire. Au moins elle posait des questions censées, sans la moindre hystérie. Elle l’aimait bien. L’autre aussi avait l’air d’avoir la tête sur les épaules, mais comme la plupart des arcanistes. On reste pas en vie longtemps en étant une tête brûlée quand la magie peut vous péter à la gueule. Ça écrème assez bien.
- Ouais, les fantômes existent, mais t’en fais pas, va, t’en verras pas d’autres que celle-là. C’est un cas particulier.
Et il valait mieux pour elle que ce soit vraiment le cas, ce n’était pas une bénédiction de voir ces trucs en permanence. Mais tout ça ennuyait Emily. Parce que les fantômes n’étaient pas censés être capable de faire de la magie, justement. Le coup de la marque sur leurs nuques, ce n’est absolument pas normal. Enfin comparé à sa normalité habituelle. Un fantôme ça va. Un fantôme de grand-mère aztèque, c’est déjà plus étonnant. Mais ajouter la magie en plus et ça devient quelque chose qui n’aurait pas dû être possible Même si en théorie…
- Possible que ce soit une ancienne mage ou chamane. Ils ont généralement des esprits plus forts que les autres, mais qu’elle soit capable d’utiliser la magie me laisse perplexe, d’où est-ce qu’elle sort l’énergie nécessaire ..?
Tout en réfléchissant, elle sort son carnet à dessin, sa petite exposition des horreurs, trouve une feuille blanche et griffonne à la hâte la marque qu’elle a prise en photo avec son téléphone. Elle présente le croquis aux deux autres tout en essayant de se rappeler où elle a pu voir un truc comme ça… Elle est sûre de l’avoir déjà vu, mais où ?
- Ça ressemble à ça, ce que j’ai, les vôtres doivent être similaires, mais faudrait que je les vois pour être certaine. J’ai aucune idée de ses effets, mes cours sur la mythologie et les magies pré-colombienne sont sacrément vieux.
Elle jette un regard à l’humain et sourit. Elle apprécie qu’elle se propose pour un truc qui la dépasse. Elle aime les gens qui ont du cran.
- Petit cours rapide sur les esprits. Normalement ils restent sur Terre à cause de regret, d’une tâche à accomplir ou d’une vengeance à exercer. Le problème avec... elle, c’est que ça va faire des siècles qu’elle est là-dedans. Non seulement on parle pas sa langue, mais en plus si elle veut se venger de quelqu’un, on est mal barré parce qu’il doit être dans le même état que l’urne. Le plus efficace serait de l’exorciser, mais si elle est capable de magie, ça complique vraiment les choses.
Elle se tourne vers l’arcaniste. Elle doit avoir une idée de ce que la marque signifie. Ou peut-être qu’elle a une idée du genre de magie qui peut être liée. Emily est consciente d’avoir e sacrées lacune dans ce contexte. Sa spécialité, c’est les esprits et tout ce qui les touche, mais la magie ça n’a jamais été son domaine. Tout au plus elle arrive à percevoir un peu les traditions si elle se concentre suffisamment et pendant assez longtemps, mais elle ne l’utilise jamais, appréciant de vivre sans la migraine qui viendra inexorablement si elle s’essaie à ce genre d’exercice.
- Faudrait lui faire comprendre de faire un truc pour qu’elle parle notre langue. Vous avez une idée ? Mon aztèque est un peu rouillé.
La nuit au musée, mais de jour Louisiane State Exhibit Museum ft. Emily & January
E
st-ce que les fantômes existent ? La Révélation ne t’a pas apporté de connaissances que tu n’avais pas déjà, mais si tu avais été complètement extérieure a ce qu’on appelle communément et de manière un peu réductrice le « monde du surnaturel », tu serais partie du principe que tout ce que tu croyais ne relever que du folklore est en réalité vrai. Vampires, magiciens, hommes-bêtes… Enfin, ce que tu veux dire est que la nouvelle ne devrait pas être fondamentalement surprenante, même pour une profane. D’ailleurs, tu éprouves soudainement une forme intense de reconnaissance envers ta camarade d’infortune qui prend a sa charge de faire le cours de rattrapage sur les spectres a votre seconde camarade d’infortune. Malgré la légèreté d’humeur qui te caractérise, tu as compris assez rapidement la potentielle gravité de la situation et surtout le fait que tu es potentiellement la seule ici a être en mesure d’apporter une solution. Il te faut donc réfléchir. La protection contre les esprits est censée être ton rayon, mais surtout avant que ceux-ci ne… se matérialisent a cause de la rupture d’un sceau millénaire. La rouquine a raison : c’est d’un exorciste dont vous avez besoin, pas d’une enchanteresse.
Si tu te retrouves plus ou moins dans tout ce qu’Emily a raconté, il y a cependant une information qui sonne faux a tes oreilles d’érudite. « Un spectre qui pratique la magie c’est impossible, » finis-tu par lancer une bonne minute après que la question ait été soulevée. Tu t’étais un peu mise a l’écart pour réfléchir, et cette conclusion est la seule que tu es capable d’envisager : « Le sort a l’origine de la marque était contenu dans le sceau de l’urne, tout comme celui qui nous rend capables de voir la madame. » Plus les secondes passent, plus l’intuition que quelque chose de mauvais va arriver se précise et fait s’hérisser les poils de ta nuque. Soudain tendue, quasi paranoïaque, tu te mets a jeter un coup d’œil inquiet autour de vous pour constater que vous êtes toujours incompréhensiblement seules dans cette pièce. « Je vais être sincère avec vous : j’aime de moins en moins ce qui se passe ici. Que la vieille nous comprenne ou pas, ça n’a pas une grande importance pour elle j’ai l’impression. » Une chose est sure : tu ne veux pas t’approcher de la scène de crime sans protection. La salle regorge d’artefacts de magie noire, et il n’y a pas de raison pour que la nature de celle qui a causé tout cela ne soit pas aussi sombre. De la a dire que cette urne et son habitante vous veulent du mal, il n’y a qu’un pas que tu ne franchiras pas. En revanche, tu peux facilement dire qu’ils n’auront que très peu de considération pour votre bien votre intérêt doit diverger du dessein de la chamane.
« Tu veux bien venir ici ma chérie ? » finis-tu par demander en te tournant vers l’humaine. « Je ne sais pas encore a quoi sert la marque sur nos cous mais je préfère m’assurer qu’elle ne fera pas de mal. » En d’autres termes, tu aimerais appliquer autour une protection rudimentaire. Tu n’as que ton stylo bille pour marquer sa peau a ton tour mais ce sera toujours bien mieux que rien. Avec sa connaissance des esprits, la dernière camarade doit avoir sur elle un moyen de s’en protéger, ou quelque chose dans le genre. En tous cas, tu espères pour elle, puisque ta priorité est la plus innocente de votre trio. Et qu’elles ne se fassent pas de souci pour toi non plus, une de tes bagues fantaisie a été enchantée pour cela. Or, lorsque le spectre de l’aztèque comprend ton but lorsque tu tentes de tatouer la grande blonde au bic, tu ressens soudain les flux de magie autour de vous tourbillonner et virer en une turbulence chaotique. Ce que tu fais ne plaît visiblement pas, et pour une fois, tu aurais aimé avoir tort. Maintenant, la question est de savoir si tu arriveras a achever ton sceau a temps.
January laissa un instant la déception déformer son visage, alors que la femme… qu’Emily lui annonçait qu’elle ne verrait jamais d’autres fantômes. Elle voulait en voir ! Plus que tout. Et elle ne renoncerait pas : si ce fantôme-là avait pu rester, alors qu’il était évident qu’elle avait plusieurs siècles, elle pourrait revoir ses parents ! D’une manière ou d’une autre. Mais elle n’avait pas vraiment le temps de creuser alors que, déjà, ses deux acolytes forcées réfléchissaient à ce qu’elles pouvaient faire. « Tu peux regarder, si tu peux. » La marque sur son cou. Elle leva ses longs cheveux, dévoilant ainsi son cou, leur laissant tout le loisir de regarder. Ce n’est pas vraiment comme si elle pouvait faire quelque chose d’autre, de toute façon. « Vous êtes magiciennes, toutes les deux ? » Vu leurs connaissances, January n’avait pas d’autres explications. Mais allaient-elles seulement lui confier de but en blanc ce qu’il en était ? Surtout alors qu’elle évoquait les choses avec une certaine naïveté. Était-ce seulement la bonne façon de les nommer ? Peut-être étaient-elles des sorcières ou… Ou quoi ? Jane ne le savait pas.
« Les exorcismes existent vraiment ?! Qui peut faire ça ? Les… les prêtres ? De n’importe quelle religion ? Ou alors c’est quelque chose de spécial ? Il faut être magicien aussi ? » Sa curiosité inarrêtable prenait le pas sur tout ce que cette situation avait d’étrange. « Mais si elle a été piégée ici, on peut sûrement l’aider ! Elle cherche à attirer notre attention, pas à nous agresser ! » Elle l’aurait déjà fait, sinon, non ? « Il y a peut-être quelque chose, dans cette pièce, qui peut nous aider à comprendre… Savoir qui est cette femme, ce qu’elle faisait. » Elle s’approcha de la vitrine à proximité de l’urne, qui contenait des explications et des illustrations, qu’elle n’avait pas encore observée. « On peut peut-être trouver ce qu’elle veut comme ça. »
Elle s’apprêtait d’ailleurs à s’en approcher, quand Lucy l’interpella. « Oh. Moi c’est January. » Est-ce qu’elle avait oublié de le leur dire ? C’était possible, ça ne serait absolument pas surprenant de sa part, alors qu’elle était obnubilée par tout ce qui se déroulait, et tout ce qu’elles lui apprenaient, plus ou moins malgré elles. « Tu… Tu veux faire quoi ? J’ai un pinceau et de la peinture, sin.. » Elle s’apprêtait à les prendre dans son sac, où elle les conservait toujours par superstition, se sentant mal quand elle ne les y avait pas, même si Lucy commençait à tracer quelque chose sur son cou- probablement à l’endroit où la marque avait été apposée - quand elle sentait soudain un froid glacial la traverser, subitement, remplacé presque aussitôt par une chaleur intense. Elle sentait la colère l’envahir, subitement, alors que ses yeux se voilaient temporairement, et qu’elle poussait un hurlement. Elle sentait qu’elle pouvait voir la scène, mais alors qu’elle essayait de déplacer sa main sur son cou, elle ne lui répondait pas. Elle aurait pu, voulu peut-être, paniquer, mais même ça, elle n’en était pas capable.
« Arrêtez-vous. » Les mots qui sortaient de sa bouche semblaient ne pas être les siens, la voix était rauque, impérieuse, bien qu’elle donne l’impression d’être lasse. Elle n’était même pas sûre qu’elle parlait sa langue. Que pouvaient faire les esprits ? « Je ne vous veux pas de mal. » Pas tant qu’elles ne chercheraient pas à la neutraliser. L’esprit aurait préféré quelqu’un doté de magie, qui aurait pu l’aider à réparer les torts qu’elle avait causés par orgueil, à récupérer l’amulette familiale qui les protégeait, mais elle n’aurait jamais pu posséder les deux autres femmes.