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Dark Romanticism | Heidi & Elinor

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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
Célébrité : Janet Montgomery
Double compte : Alexandra Zimmer & Inna Archos
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey ; Avatar: littlewildling-rpg
Jeu 12 Jan - 23:03 (#)

Dark Romanticism

London Heathrow Airport, Minuit douze.

La lune l’attendait à son retour.
Haute, pleine et froide, la vieille amie teintait l’obscurité londonienne d’une clarté soyeuse, conférant au firmament nocturne la texture bistre de l’étoffe usée. Elle flânait, flanquée de paresseux lambeaux nuageux, que le tiède vent d’été étirait et morcelait, comme les couleurs ternies d’une vieille aquarelle. Une toile de nuit. Londres la moderne avait tué les étoiles, et il ne subsistait rien de ce temps où les dockers s’attardaient sur les quais, le menton levé, scrutant l’infini nocturne, et s’abrutissant l’esprit des senteurs capiteuses des bateaux oscillant sur l’eau.

Elinor resta quelques minutes ainsi. Elle aussi adoptait cette même posture pensive : la contemplation d’un horizon au ciel éteint, dont les lumières violentes de l’aéroport d’Heathrow dévoraient les jambes. Elle huma l’air tiède. Le bitume du vaste parking desservant l’aéroport international laissait encore s’évaporer la chaleur estivale. Un vent saturé d’odeurs d’échappements et de plastiques remonta entre les rangées des taxis patientant non loin, lui apportant les échos des annonces à l’intérieur des halls, et la rumeur bruissante des touristes éphémères.

L’immortelle se tut durant ces quelques instants. Elle n’aurait su dire ce qu’elle cherchait dans ce panorama sombre ; nul n’aurait pu le dire en définitive. Elle jeta un regard circulaire sur l’aire d’arrivée, où fourmillaient les activités humaines au son de l’accent anglais. Les courants d’airs firent danser sa coquette robe d’été, simpliste et d’un noir uni, une fois n’était pas coutume, et cliqueter les quelques bagues et bracelets brillants qu’elle portait aux doigts et aux poignets. Sa chevelure noire, dénouée comme souvent, luisait sous l’impalpable caresse lunaire ; elle chassa d’un revers de main leste les mèches éparses qui lui obscurcissaient ses yeux noirs.

« Je crois comprendre ce que disait Dracula sur l’attachement à sa mère patrie. » Elle savait sa Marquée non loin d’elle, mais ne se détourna pas de sa vision, comme si ses mots n’étaient qu’à l’adresse du ciel.

Elle eut un sourire malicieux. Un klaxon résonna au loin, vers les avenues reliant l’aéroport, exactement le même son que sur les terres américaines, à près de dix heures de vol d’elles deux. La même modernité. Le même astre. Elinor scruta les rares ténèbres qu’autorisaient les réverbères impitoyables du parking, et chercha en vain ce pincement de nostalgie pour l’Angleterre de sa naissance ; en son cœur, il semblait ne pas exister.

« Cachez-vous dans la même demeure durant des siècles, détournez les yeux du monde qui avance, ou bien il vous dépouillera de tout, y compris de vos souvenirs. »

Elle se tourna vers Heidi, le même sourire aux lèvres. « Amusant, non ? Je crois que je préfère le frisson de la nouveauté, et toi ? »

L’immortelle ne mentait pas. Quelque part, elle le savait au fond d’elle-même, elle aurait été déçue de ressentir ce tiraillement sentimentale envers une terre qui serait restée éternellement la même. Elle n’aimait pas ce sentiment. N’y a-t-il rien de plus ennuyeux que quelque chose qui ne change jamais ? S’amusa-t-elle en son for intérieur, tandis qu’elle raccrochait encore une mèche d’ébène derrière son oreille. Elle aimait mieux jeter toiles et meubles par la fenêtre, et laisser la lumière de la lune rentrer à nouveau dans sa vie.

Pourtant, elles étaient encore loin de Londres. Le lieu que Elinor avait choisi pour leur séjour les attendait et, en vérité, elle était secrètement impatiente de parcourir à nouveau les rues qui l’avaient vu naître. Non pas du fait d’un spleen inutile, qu’elle savait inexistant au fond de son cœur, mais par curiosité. Cette minuscule étincelle couvant dans son âme qui la tiraillait depuis quelques années déjà, et qu’elle n’avait pas identifié pleinement. La soif de découvrir, la soif de nouveautés ; elle n’avait simplement pas encore décidé sur quelles saveurs elle jetterait son dévolu.

Elinor finit par s’arracher à ses réflexions. « Bien, nous avons une voiture à notre disposition durant tout le séjour. Il faut simplement la trouver, normalement elle est sur le parking D. »

Berline noire, luxueuse bien entendu, dont elle avait les caractéristiques et la photo sur son smartphone et transmises sur celui d’Heidi. Elinor tira sa valise à ses pieds, lesquels étaient chaussés de talons d’été ouverts, et s’avança entre les rangées de voitures endormies, en cherchant l’endroit prévu. Le vent balaya à nouveau ses mèches d’opale noire, ce qui laissa entrevoir l’air presque insouciant qui illuminait ses traits pâles, et le fin sourire, indéfectible, installé sur ses lèvres délicates. Elle y prenait plaisir, en fin de compte. Ce séjour ressemblait à des vacances, pour peu qu’une créature de la nuit comme elle puisse en avoir.

Cela, c’était nouveau. Qu’étaient des vacances dans l’éternité d’un être nocturne ? Elinor n’aurait su le dire ça aussi. Pourtant, non loin de Londres la moderne, l’air lui semblait plus piquant, la nuit plus belle encore, et la lune d’une tendre familiarité ; tout lui semblait un empreint d’un sombre romantisme. Et ce parfum lui faisait presque tourner la tête, ivresse inconnue lovée au creux de son ventre, berçant son cœur froid d’un appétit sauvage. Elle aimait cela, plus qu’elle ne l’aurait volontiers avoué.
Voilà où se situait son autrefois à elle. Dans son cœur, et non dans les pierres usées du temps.

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Lun 16 Jan - 21:03 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



L
e coude devant la bouche, tu bailles. Voilà ta première salutation à l’Angleterre alors que tu n’as même pas encore foulé l’asphalte de son sol. Encore un instant, un petit instant, tu laisses la brise londonienne te caresser les joues et s’engouffrer dans ton cou pour y laisser une marque en forme de frisson. Au loin, tu devines le bourdonnement typique de l’humain même à travers la large façade vitrée du terminal. En tournant un peu la tête, tu aperçois quelques travailleurs auxquels tu attribues les voix un peu plus distinctes et leur accent terriblement tranchant avec celui du sud étatsunien. C’est peut-être là la seule chose qui te dépayse. Le béton ici semble être le même qu’à l’embarcadère du départ, le verre et l’acier aussi. Tu ne t’attendais pas à ce que l’air change de goût pour ton premier voyage sur un autre continent, mais peut-être à quelque chose pour justifier ton excitation croissante jusqu’à ce que tu ne montes dans l’avion.
Et pourtant, à ce moment précis, rien n’aurait pu faire disparaître le fin sourire qui dévoilait subtilement tes fossettes. Si tu devais être tout à fait honnête, ce n’est pas tant la destination qui avait contribué à ronger ton impatience que la personne avec qui tu allais t’y rendre. Tu aurais très bien pu visiter Londres seule, là n’est pas l’essence de ta hâte. Ce voyage, c’est avant tout un moment privilégié avec Elinor ; en tous cas tu l’espères, le fantasmes, presque. C’est un nouveau pas de l’immortelle vers toi, et tu apprécies chacun d’entre eux un peu plus que le précédent depuis ce fameux soir, il y a plus d’un an maintenant, où elle t’a invitée à entrer dans sa vie.

Depuis le haut des quelques marches qui te séparent du sol, tu poses ton regard un moment sur l’immortelle admirant le ciel. La lumière des bâtiments n’est pas assez puissante pour éclairer jusqu’à vos pieds, mais suffisante pour occulter la plupart des étoiles de la voute, comme si elles étaient bien plus proches que ce qu’elles voulaient le laisser paraître. Par imitation et curiosité, tu jettes ensuite toi-même un regard à la lune régnant paisiblement sur son royaume. La remarque de la vampire te paraît sibylline à première vue, et tu descends précautionneusement l’escalier en attendant qu’elle précise sa pensée pour venir rejoindre son flanc.
Peut-être as-tu appris à la connaître un peu plus, parce que ce qu’elle te dit ne te surprend pas, comme un gage du fait que sa terre natale n’a pas changé la personne qu’elle était en décollant de sa patrie d’exile.

- Tu sais, j’aime bien dire que je suis une artiste. J’ai besoin de nouveauté pour vivre.

Ton corps adorant te contredire, tu bailles à nouveau. Même après avoir réussi à fermer l’œil quelques heures au-dessus de la mer de nuages, le cumul de tes vies diurne et nocturne se fait sentir sur ta capacité à combattre le manque de sommeil.
Être musicien, selon toi, tout le monde pourrait l’être avec un peu de travail. Bien sûr, il y aurait toujours les prodiges et les médiocres, personne ne nait égal en ce regard, mais tout le monde est capable de frapper une mélodie sur un piano. Être un artiste, cependant, c’est un état. Plus qu’un métier ou une vocation, c’est une forme de l’âme qui devient incapable de contenir sa substance. Elle ne devient plus qu’un vaisseau de ses propres interprétations. Elle se remplit et se vide aussi rapidement à mesure qu’elle reconnaît quelque chose. Le beau, la nature, la vie ; la douleur, la haine, la mort. C’est un cycle qui n’a pour but que sa perpétuation, et si elle peine à parvenir, l’âme se flétrit. Elle fane dans le silence, étouffe au milieu du vide jusqu’à se phagocyter elle-même dans un chant du cygne introverti et gorgé de désespoir.
D’aucuns disent que l’art est un moyen d’échapper à sa propre mortalité. Tu as longtemps pensé que c’était faux puisque tu voulais être à la fois artiste et vampire. Peu à peu, tu réalises que ce n’est pas si contradictoire que cela. En effet, tant que l’artiste crée, il vit. Par conséquent, tant qu’il crée, l’artiste peut aussi mourir.

Elinor et toi sortez de votre léthargie pensive à peu près au même moment, et celui d’après vous vous aventurez dans le champ de fer à la recherche de votre char du soir. Du pays. Une fois devant l’élégante berline noire et à la carrosserie au lustre parfait, assortie à tes sempiternelles couleurs d’apparat, tu te faufiles jusque devant la portière passager. Seulement, avant de l’ouvrir, tu croises les bras sur le toit de la voiture en cherchant le regard de ta marraine, ton sourire faisant écho au sien.

- Je sais que tu aimes les mystères, mais tu vas me dire un peu ce que tu as prévu pour ce voyage ou tu veux *vraiment* me faire languir jusqu’au dernier instant ?

Là encore, peu de chance pour que la réponse t’étonne, et tu la vois déjà t’adresser un rictus narquois dont elle a le secret en blâmant ton impatience.

- Allez, ne serait-ce qu’un indice, pour avoir été sage.

Ton sourire grandit encore un peu, la fatigue rendant bientôt trop difficile de maintenir le flegme que tu essayais de lui copier. Il te tarde vraiment de savoir ce qu’elle a derrière la tête. Parce que tu as finis par l’apprendre : elle a toujours quelque chose derrière la tête.


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Elinor V. Lanuit
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- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Ven 20 Jan - 23:35 (#)

Dark Romanticism

Un siècle.
La réalité s’imposa soudainement à son esprit, alors que l’immortelle louvoyait entre les voitures aux côtés d’Heidi, à la recherche de leur location de la nuit. Voilà un siècle et quelques décennies, qu’elle n’avait plus foulé les rues de Londres et les terres d’Europe. Les décennies avaient filé, riches de sensations et de nouveautés sans que la lassitude ne vienne en ternir la vivacité des émotions qu’elle y puisait. Elinor en conclut une expression des plus humaine ; que le temps passe vite, pensa-t-elle avec un net amusement. Et en son cœur froid, elle n’en fut pas déboussolée, non bien au contraire : elle ressentit la même impatience, la même curiosité que jadis, alors qu’elle avait bouclé ses valises sans un adieu pour l’Essaim de Londres.

Vivre pour vivre. Elle s’était jurée de fouler les rues nocturnes armée de ce credo, et jamais elle n’eut besoin de se forcer à le suivre, encore moins à le regretter. Cette nuit-là, dans la Londres moderne, la même soif de frissons refit surface, aussi forte que dans les veines de la nouvelle-née de jadis. Elle avait hâte, oh oui, de parcourir ces routes, de savourer les changements et ces trésors nés durant son siècle d’absence. Elle jeta un regard discret vers l’humaine qui la flanquait alors, scrutant les véhicules à son tour, et ne put retenir un nouveau sourire, plus discret que de coutume, d’impatience contenue.

« Je sais. J’ai commencé cette vie avec un être qui ne tenait jamais en place, » fit-elle sur le ton de la banale conversation.

Elles découvrirent leur berline au bout de quelques minutes. Une Mercedes noir, dont la carrosserie luisait sous les lueurs filandreuses que projetaient les lampadaires, avec son intérieur de cuir clair qui s’apercevait derrière des vitres teintes. Elinor l’avait choisi elle-même, comme à son habitude. Comme toujours lors de ses excursions hors des murs de son manoir. Elle ouvrit le coffre avec sa clé de location pour y laisser leurs valises ; à l’intérieur comme sur les banquettes haut de gamme, la propreté était irréprochable. Elle ferma le coffre et ouvrit à son tour la portière opposée, en renvoyant à Heidi son habituel sourire narquois.

« Toi, tu as été sage ? Je dormais pendant l’essentiel du voyage, comment saurais-je si c’est la vérité, » a-t-elle répondu d’un air moqueur.

Elinor fit mine de réfléchir un instant. Ses yeux se perdirent à nouveau vers la toile nocturne, où les avions couraient après les étoiles, abandonnant derrière eux quelques rubans de lumières artificielles. L’endroit était bruyant. La rumeur polluante de la circulation leur parvenait depuis les autoroutes voisines, qui vomissaient les taxis eux-mêmes déversant leurs flots de touristes pressés devant l’aéroport. Elle avait hâte de se perdre à nouveau dans les rues de Londres, et de satisfaire l’appétit qu’elle était venu assouvir.

« Eh bien, je comptais innover. Je te proposerai quelques pistes de séjour, et tu choisiras. D’ailleurs, je vais inaugurer ton nouveau pouvoir de décision en te laissant le volant. Tu as déjà choisie le côté du conducteur, alors j’interprète ça comme un signe d’indépendance. »

Une taquinerie facile. L’immortelle s’installa sans remords dans le fauteuil du côté gauche, et déposa les clés près du volant. Le cuir couleur crème exhalait une discrète odeur boisée de désodorisant d’intérieur, subtil et bien dosé, comme on l’attendait d’une location de luxe. Elle alluma le GPS intégré au tableau de bord, pour y entrer directement les coordonnées de leur hôtel ; une adresse qu’elle connaissait par cœur.

« Mon idée est de laisser la place aux tiennes, » fit-elle en bouclant sa ceinture. « J’ai une intention derrière bien sûr, mais je me doute que t’en doutes. »

D’un mouvement délicat, elle drapa ses jambes sous les pans de sa robe, qu’elle lissa avec soin, à priori bien décidée à laisser le volant à sa Marquée, et consulta son téléphone. Des heures les séparaient du soleil. Elle aurait encore amplement du temps pour faire bouillir d’impatience Heidi, et lui dévoiler le fond de ses pensées avec sa parcimonie coutumière. Elle lui adressa son éternel sourire malicieux. Le même qui cachait encore la véritable raison de ce retour aux sources, et ses intentions vis-à-vis de son apprentie.

Des intentions, au combien nombreuses. Pour elles, pour la ville, pour la nuit. Des choses qui se vivent, des choses qui se goûtent, pensa-t-elle avec malice.

Les sensations. Apprendre à vivre. Des notions qu’elle avait commencé à lui instruire, voilà des mois de ça, mais de manière toutefois incomplète. Comment l’aurait-elle pu, avec de simples sens humain ? À présent que le sang de l’immortelle battait dans ses veines, elle pouvait presque le sentir, elle la savait désormais apte à savourer ce qu’elle-même avait savouré. Le pouvoir de la nuit, et une autre manière de la vivre.

« Oh, et n’oublie pas qu’il faut rouler du côté gauche, » termina-t-elle en s’installant lascivement dans le cuir du fauteuil, comme le ferait une simple touriste fainéante.

Naturellement, Elinor ne dit mot de ses intentions. Ces choses-là ne se disent pas, voilà tout, pensa-t-elle.

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Mar 24 Jan - 23:51 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



L
L’être qui ne tenait jamais sur place, le fameux. L’espèce de fantôme bienveillant qui nappe le récit des souvenirs d’Elinor d’un doux drap de nostalgie jalouse. Celui qui te fait pincer les lèvres à la mention de son nom et du fantasme de mentor spirituel que tu lui associes. Encore et toujours, savoir qu’il existe une autre personne dans cette espèce de famille recomposée que tu t’es créée à partir de rien te fait trembler d’impatience.
Sa question suivante fait se muer ton sourire en une grimace mutine, ta lèvre supérieure revêtant une expression presque féline. Tu ne savais pas encore quelle forme cela allait prendre mais tu savais qu’elle allait rebondir sur tes mots et s’en amuser. Tu finis par la connaître un peu, à force, et tu finis aussi par apprendre à rebondir toi aussi. Tu vois ces conversations comme une sorte de jeu, un casse-tête qui n’admet pas réellement de réponse et auquel tu t’amuses maintenant à trouver la meilleure répartie.

- Si j’avais pas été sage tu aurais justement pas passé les trois quarts du vol à dormir.

Qui sait, peut-être que ton instinct de dangereuse pyromane aurait pu te souffler un peu plus fort de faire flamber la carlingue en plein vol ? Enfin, cette pensée à moitié honteuse finit rapidement de traverser ton esprit en t’apercevant que le côté de la voiture duquel tu t’es placée, le même que d’habitude, exhibe un luxueux volant enchâssé de cuir. Trop tard, pas le temps de réparer ton erreur : l’immortelle a déjà pris place du côté passager. Tu risques de perdre cette manche de votre joute verbale. Retenant un soupir et pinçant les lèvres, tu t’assois donc devant le poste de conduite et commences à ajuster les réglages du siège et du volant. Heureusement, la boîte est automatique. Tu profites de la fin de sa phrase pour glisser quelques mots tous bas que tu sais qu’elle entendra tout de même.

- C’est pas juste, toi t’es immortelle…

Alors que toi, en cas d’accident… Enfin. Cette fois, tu lâches un véritable soupir en faisant craquer ta nuque opaline. Tu ne conduis pas si mal que ça – plutôt même pas trop mal, sans pour autant être une as du volant – mais les européens ont la fâcheuse tendance à exclure toute logique en ce qui concerne leurs routes.
Ton regard se porte ensuite sur l’écran du système de navigation, et tu tentes de parcourir ta mémoire en vitesse pour savoir si l’adresse que ta marraine y rentre te parle. Résultat négatif ; pour couronner le tout, elle t’indique avec toute la délicatesse que tu lui connais que tu peux bien t’asseoir sur ton indice. Tu roules des yeux non sans une légère exagération en réponse à son éternel sourire de porcelaine et démarres finalement la voiture.

- Je me doute que tu t’en doutes.

Frustrée ? Certainement. En colère ? Pas le moins du monde ; après tout elle n’a jamais rien fait qui t’ait un jour déçu. Seulement, elle ne t’a jamais proposé de plan comme celui-ci. Elle avait systématiquement tout prévu dans les moindres détails, et tu aimais cette manière de, pour quelques moments dans ta vie, céder le contrôle sans avoir à craindre quoi que ce soit. La connaissant, et sachant qu’elle te connaît aussi, elle est tout à fait capable d’avoir fait remplacer les vitres de tous les clubs de jazz de Londres par du verre blindé il y a deux mois de cela.
Le GPS intervient alors dans votre conversation sans avoir la moindre idée de la complicité qu’il interrompt. A moitié comme une brimade qui n’est destinée qu’à toi, et à moitié comme une pique à l’attention de ta passagère, tu répètes l’indication de la voix de synthèse avec un accent cockney caricatural, te risquant presque – presque – à un ricanement fatigué ensuite.

Et puis, dans l’intimité de la nuit, la voiture quitte le parking et s’engage sur la voie rapide. A cette heure-ci, les phares se font rares, et leurs passages éclair dans l’habitacle ne renforce que plus la sensation d’isolement que provoque leur absence. Une fois habituée à rouler à gauche, comme la vampire n’a pas manqué de le souligner, la route se dévale toute seule sous les pneus de la berline de luxe et la seule chose à laquelle tu dois faire attention est de ne pas trop te laisser bercer par le ronronnement grave du moteur. Les rangées de lampadaires défilent silencieusement en vous guident vers les lueurs plus crues de la capitale.

- Combien de temps on reste, alors ? Tu peux au moins me dire ça ?

A tes mots, une voiture particulièrement pressée vous double sur la voie de droite et tu fronces un instant les sourcils en retenant de lui adresser un doigt d’honneur sous le volant. Tu remues la tête un court instant et reportes ton attention sur Elinor. Tu te demandes si elle reconnaît la route. Après tout, depuis combien de temps n’est-elle pas venue ici ?


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Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
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- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
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- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
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Ven 27 Jan - 17:50 (#)

Dark Romanticism

La nuit lui semblait délectable ainsi. L’habitacle de leur voiture était enveloppé d’une obscurité confortable, que les illuminations urbaines coloraient de brillantes zébrures intermittentes. Le cuir des fauteuils exhalait ces senteurs chaudes et capiteuses des nuits d’été, et le bruit bas du moteur s’associait aux vibrations de la route pour créer une mélodie sourde et relaxante, comme une berceuse qui engourdissait l’esprit. Derrière les vitres défilaient les silhouettes cubiques et sèches des bâtiments modernes, que la vitesse rendait floues comme un rêve fiévreux, où les sommets des immeubles se dissolvaient dans la noirceur du ciel nocturne.

Elinor se tut un moment. Elle apprécia ce silence intime et cet abandon du contrôle automobile, savourant les nuances et les senteurs de la nuit, où ses sens erraient sans réel but, libres de ressentir et de s’étonner. Libres de savourer et de découvrir, comme pour la toute première fois. Les ruelles de la Londres d’autrefois avaient été l’écrin de ses nouveaux sens éveillés à la nuit éternelle, et quelque part, loin au fond d’elle, elle appréciait revivre cet émerveillement. Les voies de la Londres moderne pavaient ces nouveaux souvenirs de merveilleux sentiments neufs et vifs, qu’elle ne pouvait qu’apprécier, tant ils lui étaient précieux.

Sa main droite caressa ses cheveux. Elle enroula pensivement une mèche sombre, comme les questions de sa Marquée brisait le silence, au même titre que les directives du GPS, et se prêta à sourire. Non le même que d’ordinaire, le malicieux et cachottier, mais celui d’une jeune vampire ivre et fascinée par les charmes de cet univers d’obscurité qui l’emportait dans ses bras immortels. Elle se réserva un moment de réflexion. Seule avec elle-même, son regard dérivait avec la même passion dévorante au cœur de ses boulevards s’ouvrant derrière les vitres closes de la voiture, dans lesquels elle se voyait déjà se noyer et s’enivrer.

« Ton accent est à revoir, » fit-elle soudainement, sans cesser de fixer le panorama sombre, piqueté des lumières des phares qui défilaient derrière la vitre. Puis, tout aussi soudainement, elle laissa délibérément son vieil accent londonien troubler son parlé américain. « Tu dois insister sur les A. Et oublier les H. Sinon tu vas tout de suite passer pour la touriste américaine lambda, et je serai très déçue. »

Un éclat de rire délicat ponctua sa déclaration. Elle secoua machinalement la tête, chassant ses quelques mèches noires qui caressaient ses tempes, et retourna quelques secondes à sa contemplation. Au fur et à mesure de leur approche du cœur de Londres, la ville abandonna ses habits de tours de verre moderne, et se vêtit des silhouettes plus menues, mais plus élégantes, des vieux bâtiments. Cela aurait été mentir que d’affirmer qu’elle ne reconnaissait rien de tout cela. Les façades vieillies et les ruelles ici et là détenaient des géométries familières, des nuances et des indices impalpables qui captaient sans mal son attention.

La mémoire émotionnelle est réellement fascinante, pensa-t-elle, comme ces aspects éveillaient en elle des anciennes sensations inconscientes, qu’elle n’aurait su exprimer habituellement. Un désir et une attirance qu’elle se souvenait avoir ressenti jadis, lors de ses premiers pas ; autant de pensées fugaces, insaisissables, qu’elle savoura de plus belle. Une sorte de torpeur délicieuse l’emporta, qui la fit oublier un court instant la présence d’Heidi à ses côtés, la route bourdonnante, le clan et ses affaires, le monde entier.

« Je peux le dire, » fit-elle en s’arrachant finalement avec effort à cette humeur mélancolique.

Comme pour étirer l’attente et l’impatience de sa Marquée, Elinor ouvrit son sac à main, pour y rechercher une clé USB, qu’elle brancha aussitôt dans les ports de l’autoradio, avant de se tourner vers la conductrice.

« On reste le temps que nous souhaitons. Cet hôtel m’appartient. C’est celui où j’ai séjourné avec Jean, lors de mes débuts dans le monde de la nuit. Je l’ai racheté avant mon départ vers les États-Unis, et même si j’ai confié son entretien et sa modernisation, mes alias ont conservé l’essentiel des droits dessus depuis. »

Elle se détourna d’Heidi, un instant. Le revers de sa main lissa pensivement les pans de sa robe couvrant ses jambes délicates, et son regard se perdit au-delà de la route, vers l’horizon nocturne qui brillait des milliers de lumières éternelles du cœur de la cité. Elinor elle, bien que sa posture lascive illustrait le contraire, était empreinte d’une impatience maîtrisée face à ce séjour et cette nouvelle étape qui s’annonçait pour Heidi.

« J’ai envie de te faire ressentir ce que j’ai ressenti alors. Ce que c’est d’être au-dessus du jeu, de détenir le pouvoir de la nuit, et d’être bien plus que simplement différente des humains. Ne plus être l’instrument de qui que ce soit, de quoi que ce soit, et apprécier, vivre, ce dont tu es passionnée. Je veux que tu oublies tes limites. C’est aussi se découvrir soi-même, tu verras. »

L’hôtel n’était plus très loin. Déjà, les avenues se resserraient à l’approche du centre-ville, et les lumières se faisaient plus proches, plus vives, tandis que les célèbres taxis et bus apparaissaient. Elle avait l’impression de le sentir déjà ; la vieille façade stylisée de cet hôtel, où elle avait appris l’art de la nuit de la bouche de ce Sire si flamboyant. Cela serait sans doute différent pour Heidi. Cela pouvait être un échec aussi, mais Elinor avait la certitude que ce séjour était un nouveau jalon essentiel dans leur relation, déjà bien enracinée.

Comme pour ponctuer son discours, Elinor brancha l’autoradio. Elle sélectionna aussitôt la clé USB ajoutée, à l’intérieur de laquelle l’immortelle avait stocké une playlist, composée de titres d’Heidi et d’elle-même à la fois. Bientôt, les enceintes de la berline résonnèrent des premières notes, tout à fait appropriées de son propre avis, de "Moondance" de Van Morrison. Leur voiture traversait alors les rues brillamment éclairées du centre de Londres, et le GPS crachait bruyamment ses instructions sur les quelques kilomètres restant.

Elinor n’ajouta rien. Elle laissa la musique dénouer les réflexions d’Heidi, auxquelles l’immortelle avait bien assez donné matière à réfléchir. Après tout, la jeune vampire d’alors avait suivi les mêmes pas à l’époque, bien lointaine, où un français lui contait les merveilles de la nuit, et l’avait initié à un monde que ses rêves passionnés lui avaient déjà ébauché. Il lui avait montré Londres à l’heure du romantisme noir.
Je le copie sans doute un peu, mais nous ferons à ma façon, pensa-t-elle en admirant les reflets des vieilles lueurs lunaires sur le métal froid de la civilisation.

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Mer 1 Fév - 0:24 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



P
eu à peu, les faux stroboscopes de la voie rapide se font plus rares au profit de napes de lumière plus diffuses. Par-delà les faubourgs, la cité se dresse, imposante et tortueuse. Les rues se font plus étroites, serpentines ; les immeubles troquent parfois le béton contre la pierre, la brique ou le bois dans un amalgame incohérent que certains appellent « charme ». Tu aimerais prendre le temps de les admirer un par un, puis bloc par bloc, rue par rue, puis à l’échelle de toute la ville pour te faire un avis sur cette beauté typiquement européenne, mais ta concentration de plus en plus intense sur la route t’empêche de le faire. Tu auras beau dire ce que tu veux sur ton Amérique natale, mais au volant de la berline de luxe, tu regrettes ses grandes lignes droites et ses intersection à l’équerre.
Tu roules des yeux lorsque l’immortelle te traite de touriste, mais tu ne les détournes pas trop longtemps du bitume londonien. Ton cockney est peut-être à revoir, mais elle n’a pas encore entendu ta caricature de britannique snobinard qui, elle, touche le réel du doigt. Tu prends vaguement note des conseils de l’autochtone en sachant pertinemment qu’elle se moque de toi.

La réponse qu’elle t’apporte ensuite, cependant, fait naître de tout autres émotions sur ton visage. A quoi bon les cacher puisqu’elle les devine presque avant même les avoir provoquées ? Et pourtant, en quelques phrases à peine, quel prodige d’arriver à en réveiller autant. Impatience, fierté, bonheur, curiosité se mélangent dans ton âme pour ne former plus qu’un éther aux lueurs sobres et chaleureuses dont tout la complexité trouve reflet dans ton sourire discret.
Rester autant que vous le souhaitez… Pourquoi pas un mois ? Un an ? Pourquoi pas deux, dix, ou même toute une vie ? Pour toi ce serait l’occasion de recommencer depuis le début dans une ville dont le cœur bat sensiblement plus fort que votre port de Louisiane. Mais tu ne peux pas non plus partir comme ça, laisser tout ce que tu as construit cette dernière année derrière toi sans apporter une véritable conclusion à cet édifice. Un court instant, l’idée de changer de continent – au moins pour un temps – devient sérieuse dans ton esprit, et tu te promets d’y accorder une véritable réflexion. En réalité, la seule chose qui te freine est de potentiellement t’y retrouver seule. Tu as besoin d’une ancre, parce que même sur une mer redevenue calme, tu as peur de dériver plus que tout au monde.
Tu passes sur le fait qu’elle possède littéralement l’hôtel, et le fait que ça n’aurait plus dû te surprendre en premier lieu après un voyage en jet privé. La seconde chose qui t’interpelle réellement est le sens de ce voyage qui se fait de plus en plus clair avant même qu’elle te donne quelques détails supplémentaires. Votre venue ici, c’est comme marcher dans les pas de l’immortelle longtemps après que les traces se sont effacées. Combien a-t-elle dit qu’elle n’a pas mis les pieds sur le vieux continent ? Sans doute assez pour redécouvrir la capitale sous un angle nouveau. L’expérience jusque là semble lui plaire, mais tu ne saurais pas dire comment tu le devines. Peu importe au final, cette sensation de légèreté enveloppe ton palpitant d’un linceul de douceur et de quiétude.

- Oh, je vois.

En réalité, tu ne voyais pas du tout. Une maigre poignée de mots comme seule réponse immédiate, mais un torrent de questions à l’intérieur de ton crâne. Tant que tu ne sais pas par laquelle commencer et qu’il serait sans doute dangereux de chercher à répondre à cette question-ci tout en manœuvrant entre les rangées d’immeubles anciens éclairés par le halo familier des lampadaires. Et puis, tu n’aurais pas pu réfléchir non plus après avoir réalisé toute la portée de l’attention musicale d’Elinor. En entendant les titres s’enchaîner, tu aurais presque pu verser un larme de joie tant la situation te semble irréelle.
Le reste du trajet se fait dans un mutisme confortablement enveloppé de mélopées acidulées, du moins jusqu’à ce que tu gares finalement la voiture dans le parking de votre résidence des prochaines nuits. Tu coupes le moteur d’une rotation du poignet et à regret avec lui la musique, mais restes un moment le regard fixé sur le tableau de bord et la main sur la clé. Quelque chose se trame dans ta tête, mais même toi ne saurait pas dire quoi. Tu as ressenti le besoin irrépressible de dire quelque chose, mais tu dois attendre de trouver quoi ; les derniers mots de l’immortelle tournent en boucle dans l’espoir qu’ils déclenchent une prise de conscience subite.
Un fin sourire, à peine teinté de bleu, transparaît sur ton visage une seconde lorsque tu songes à simplement exprimer ta joie. Tu te trouves trop sentimentale, d’un coup, honteuse à l’idée de lui imposer comme ça le sentiment en A.

- J’ai l’impression de pas penser assez grand, maintenant.

Oublier ses limites, c’est un peu comme vouloir chercher à dévorer le ciel ; s’émanciper de sa condition, bien sûr, et c’est aussi ça être une longue-vie, tu imagines. Pourtant, tu n’arrives pas à trouver la moindre envie qui dépasserait le cadre qui est le tien.

- Je veux dire, j’ai déjà eu l’impression mille fois de dépasser mes limites avec toi.

Sortir la tête de l’eau n’était-il déjà pas assez ? Maintenant, lever l’ancre et flotter au-dessus des vagues. Contempler le monde depuis un Elysée dont la plupart n’ont même pas idée. Comment se figurer un tel endroit sans jamais y avoir mis les pieds ?

- Tu veux bien me dire au moins comment tu as fait, toi ? Par où commencer pour transcender sa nature ?

Tu fais un véritable effort pour ne pas laisser l’angoisse reprendre le pas sur ce moment si particulier. Angoisse existentielle, angoisse de décevoir ta marraine. La question te taraude et te brûle les lèvres et la trachée : et si tu n’étais pas prête à ça ? Et si tu ne l’étais jamais ? Tu prends une grande inspiration et secoues légèrement la tête en adressant un regard rapide à l’immortelle. Voilà donc la première limite qui persiste : cette carence en confiance et ce doute permanent qui gangrène ton estime et t’empêche d’apprécier ta vie malgré sa nouvelle valeur.


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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Ven 3 Fév - 18:36 (#)

Dark Romanticism

La route s’effaça, mais la nuit demeura entière. Bercée de mélodies familières, l’habitacle était ce cocon de ténèbres intimes qui traversait les souvenirs, où l’ancien et le moderne se mêlaient avec une avide passion. La Londres d’aujourd’hui bordait ses routes filiformes de bâtiments chics aux hautes fenêtres, des bureaux  modernes imitant les anciens styles. Un habit de béton du siècle dernier, que la ville abandonnait volontiers près de son cœur, en faveur des vieilles pierres et des briques noircies par des siècles plus reculés encore.

Quel vertige, pensa-t-elle avec amusement. Car la nuit créait alors cette illusion, où sa mémoire superposait les couleurs fumeuses de son ère victorienne, à la réalité éclatante d’électricité du XXIe siècle. Le ciel si près de la City, était délavé par les projections commerciales des boutiques insomniaques, et la pierre des vieux bâtiments avait l’aspect d’une toile contemporaine, où l’on aurait jeté pêle-mêle les pigments criards des néons à grands coups de pinceaux rageurs. Fascinée, Elinor ne quittait pas ce spectacle des yeux.

Certaines rues lui étaient familières. Elle eut la très nette sensation, douce-amère, de scruter l’album passé de son enfance, que l’on aurait redécoré à l’aune de la modernité. La vie avait poussé sur ses souvenirs. Elle revisita en pensée ces mêmes géométries, ce même esprit britannique ayant sculpté ces rues, et elle se vit alors les parcourir à nouveau, fantôme oscillant entre passé et présent. Tout lui semblait repeint d’un plus bel éclat encore, celui de la nouveauté, un renouveau vif qui redonnait saveur à la poussière et à l’oubli.

Tout cela était fascinant, vraiment. Elle se félicita de sa venue, comme la route disparaissait sous les ordres du GPS, et que l’hôtel apparut, au milieu de son parc privé. Là aussi, la familiarité la frappa. Un souvenir se superposant à la réalité du présent, une sensation délicieuse et pétillante qui la poussait à la curiosité, et que nul regret nostalgique ne venait ternir. Elinor avait hâte de redécouvrir tout cela. Ces couloirs de jadis, son balcon surplombant la cité, son lustre et son intimité au cœur de la nuit britannique.

Tout cela avec Heidi. Tout cela avait la saveur d’autrefois, bien sûr, mais rien n’était désormais semblable, et jamais elle ne l’aurait désiré ainsi. Tout lui paraissait plus vibrant, plus passionnant. Une patine précieuse avait enveloppé sa mémoire, que sa sérénité et son expérience avait enjolivé d’une beauté merveilleuse, à la façon d’un bijou précieux dans son beau cadre de verre. Elle-même était ainsi quelque peu différente de la jeune vampire d’alors et, sans doute aussi, venait-elle retrouver maintenant une part de cette Elinor-ci.

Et qui sait, ce que l’immortelle d’aujourd’hui raconterait à l’immortelle d’hier. Une histoire, sans doute, qui n’aurait pas plus de prise sur celle qu’elle avait été, comme celle qu’elle était maintenant. Cela la fit sourire.

Ce fut ce même sourire qu’elle exprima, en tournant la tête vers Heidi. « C’est normal de ressentir ça, Heidi. Toutes les grandes choses naissent quelque part entre la méthode et la folie, n’est-ce pas ? »

L’immortelle n’aurait su trouver citation plus appropriée en ce lieux, et à cette heure. Et comme le bruit du moteur s’était tu, elle-même s’éveilla lentement de cette torpeur délicieuse qui les avait porté durant tout le trajet. Le silence était revenu occuper l’habitacle et, tout autour d’elles, les surveillait la masse éclairée de l’hôtel, avec son parc privé, aux immenses pins et chênes qui lovaient les massifs de fleurs dans un écrin d’obscurité rare. Elle admira avec curiosité ce décor mais, bien vite, elle prêta l’oreille aux doutes d’Heidi.

« Je te raconterai volontiers, nous avons tout notre séjour pour ça. Mais n’ai aucune inquiétude quant au chemin que j’ai emprunté, ce ne sera pas forcément le tien, » expliqua-t-elle avec lenteur, comme si elle choisissait avec précaution les termes de son exposé.

Elinor eut un nouveau sourire, indéchiffrable, et elle hocha la tête pour elle-même. « Tout cela s’apprend, et se vit. C’est ton âme et conscience qui doit éprouver tout cela. Est-ce que tu croirais une personne qui se dit artiste, musicienne, simplement parce qu’elle a lu un manuel sans jouer une seule note ? »

Elle laissa une seconde de silence ponctuer sa déclaration. Nul besoin de répondre à cette question d’elle-même, Elinor savait sa Marquée tout à fait capable d’appréhender ce point de vue. « Néanmoins, je suis là, avec toi, non ? Je t’apprendrai, comme moi je l’ai fait autrefois. »

Un dernier sourire complice, et Elinor se détourna. Comme pour donner raison à ses propos, elle ne voulait pas s’attarder en conjectures et en hésitations ; elle avait l’intention de vivre la nuit, et de la faire vivre à sa Marquée. L’hésitation, c’est la défaite, pensa-t-elle en ouvrant la portière, tenant avec précaution sa robe d’été pour ne pas la froisser. Non que l’immortelle refusa expressément de discuter de philosophie, elle en avait eu l’habitude autrefois, mais toutes deux avaient bien assez de temps devant elles pour y venir.

Elinor sortit de la voiture, et huma l’air nocturne. Les senteurs des aiguilles de pins enveloppaient la brise de parfums piquants et insistants, que venaient à peine couvrir la fraîcheur terreuse des petits chemins de graviers qui se perdaient entre les arbres. L’hôtel apparaissait alors, illuminé de puissants projecteurs, dont les rayons découvraient chaque menu détail de son architecture, lui donnant l’allure d’un monument ancien et endormi. Les rangées de voitures étaient autant d’observateurs silencieux, et les seuls éléments, en dehors de la rumeur lointaine des avenues, attestant de leur appartenance à ces temps modernes.

Bien sûr, Elinor avait supervisé ces travaux de modernisation. Bien sûr, l’hôtel avait conservé son charme de jadis, mais on avait instillé à l’intérieur cette alliance, chère à l’immortelle, du bon goût d’autrefois, avec le confort du XXIe siècle. Celle-ci claqua la portière derrière elle, et s’accouda momentanément sur le toit de la voiture, comme l’avait fait sa Marquée pour s’adresser à elle, imitant même son sourire d’alors.

« Oh, à ce propos. De quelles limites parlais-tu ? Des tiennes ? Des miennes ? De la société ? De la nature ? De la bonne morale ? De quelle époque ? J’ai toujours eu du mal à définir ce terme-là. »

Elle se redressa, tout sourire, et la brise joua une fois encore dans sa chevelure noire, déliée, qui retombait sur ses épaules que sa robe d’été avaient laissé nues. Faisant le tour de la voiture pour ouvrir le coffre, elle ajouta, d’un ton détaché et innocent à la fois, comme si la vampire ignorait l’importance de ses mots.

« Par ailleurs, je te fais confiance, » ajouta-t-elle en récupérant sa valise, laissant sa phrase en suspens, et se faisant refusant de définir véritablement le cadre de cette confiance.

Tout cela se vivrait, Elinor l’avait anticipé. Les limites, la nuit, la confiance. La mélodie des temps, que l’on ne pouvait résumer par un ensemble de mots, aussi intimes soient-ils. L’immortelle ramassa sa valise, et entrepris de remonter l’allée de dalles symétriques et nettes, qui conduisaient au hall d’entrée de l’hôtel, où jadis elle avait cherché à définir ses propres limites. Aujourd’hui encore, elle avait échoué à cela.

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Dim 5 Fév - 23:24 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



N
ormal est un mot ignoble. Il est un outil de torture cruel et vicieux bien trop sous-estimé. Il est à la fois le fouet et la caresse ; se voulant aussi rassurant qu’il est blessant. C’est un coup terrassant tout effort d’élévation. Tu n’as que très peu d’ambitions, mais tu nourris tout de même celle de ne pas être comme les autres. Tu ne veux pas être normale, pas une âme de plus au milieu d’un océan d’autres suivant le sens de la marée sans jamais se demander si un autre est possible. Une seule ambition, pas plus, mais peut-être la plus terrible de toutes tant elle semble à la fois si proche et si inatteignable, comme si le minuscule espace qu’il te manquait pour la toucher du doigt abritait l’infini de l’univers entier. Vertigineux. Terrifiant.
Shakespeare avait-il conscience de son génie ou passa-t-il sa vie à en douter jusqu’à son dernier souffle ? Continuerait-il en sachant que ses vers ont rendu son âme immortelle ?

Si peu rassurée par le début de sa réponse, la suite apporte plus de matière à calmer ton angoisse, même si c’est pour en nourrir une autre plus insidieuse. Tu es en mesure de choisir ton chemin, mais cela t’expose au Risque. Tu ne sais pas lequel, ni ses conséquences, mais tu sais qu’il existe. Ta vie actuelle est motivée par la peur de décevoir l’immortelle et naviguer ainsi dans le noir la fait peser encore plus sur tes épaules.
Le doute est un poison insidieux qui se nourrit des plus beaux sentiments pour les ternir et sans cesse appeler à les renouveler. Tu le hais, mais pourrais-tu vivre sans ? Sans le doute, tu ne donnerais sûrement pas le meilleur de toi-même pour t’assurer, l’espace de quelques instants gracieux, que tout va bien. C’est grâce à lui qui tu peux réellement jouir des fugaces moments de joie si pure qu’elle t’en serre le cœur. Grâce à tout le doute accumulé que tu peux réellement apprécier la sincérité de ce sourire, de cette présence, de cette main tendue.
Peut-être changeras-tu d’avis un jour, mais pour toi aujourd’hui, l’hésitation est le gage nécessaire d’un bonheur véritable.

Suivant l’exemple d’Elinor, tu ouvres toi aussi ta portière pour t’extraire de la voiture. Une légère brise d’été se faufile entre les quelques mèches d’or dépassant de ton chignon attaché à la va-vite. La fraicheur nocturne se fait un rappel subtil que vous avez quitté la chaleur moite de la Louisiane et est sans doute ce que tu trouves de plus dépaysant jusque-là. Une carte postale peut montrer la beauté imperturbable de l’architecture locale et des jardins anglais, mais elle n’arrivera jamais à transmettre le doux frisson de la bise et la fraîche odeur de conifère flottant dans l’air et le teintant de nuances délicieusement sylvestres.
Alors que tu te laissais pour la première fois envahir par ce charme nouveau et laissais ton esprit imaginer des synesthésies inédites, la vampire s’est de nouveau adressée à toi. Un fin sourire mais néanmoins sincère apparaît sur ton visage qui avait jusque-là regagné sa neutralité. Ses mots ne t’étonnent pas, et tu ne doutes pas qu’ils sont au premier degré. Tu es consciente de ne pas connaître toute la vie d’Elinor, ni même peut-être l’entièreté de sa personnalité, mais tu sais qu’elle prend un plaisir malin à donner tort à ceux qui cherchent à la brider, que ces détracteurs soient bien réels ou une simple pensée extravagante.
Or, tu ne dirais pas vraiment que tu te revendiques de cette espèce. Peut-être parce que ça lui a réussi et pas à toi. La réponse à sa question te paraît si évidente qu’il en devient difficile de mettre des mots dessus, et tu gardes le silence le temps d’y parvenir.

Sa dernière phrase te fait pincer les lèvres, et pince ton cœur. Tu es heureuse de l’entendre te déclarer sa confiance, sincèrement, mais tu ne peux t’empêcher de le percevoir comme une responsabilité. Depuis l’incident dans l’usine désaffectée, tu n’arrives pas à considérer cela comme acquis, et tu te donnes chaque jour pour mériter cette confiance.
A ton tour, tu récupères ton bagage et fermes le coffre de la voiture pour rejoindre le côté de l’immortelle.

- Tu me connais, tu sais que j’ai jamais vraiment adhéré avec la morale.

Un rictus amer ponctue ta phrase. Ca n’est pas faute d’avoir essayé de t’en inculquer une, mais tu ne fais pas la différence entre le bon et le bien. A force d’être associé au mal sans que tu ne le veuilles réellement le faire, ça a finit par vider le concept de toute sa substance.

- Mes limites, c’est plus… comment dire…

Et pourtant, tu avais pris le temps de réfléchir à tes mots.

- C’est des limites intérieures, si je peux dire ça comme ça ?

Tu ralentis le pas inconsciemment, comme si passer les portes de l’hôtel allait mettre fin à cette discussion. Tu as envie de t’exprimer, de livrer ta vérité dans sa forme la plus sincère possible, dans l’espoir qu’elle comprenne un peu plus ta psyché.

- J’ai passé quasi vingt-cinq ans à être persuadée que j’étais incapable d’être heureuse. Pour être tout à fait honnête, tant que j’ai plus à dormir dans la rue, j’ai pas grand-chose à faire du matériel. Enfin, je veux pas me plaindre de tout ce que tu m’apportes, surtout pas, j’apprécie vraiment. Mais ce que je veux dire, c’est que c’est rien devant comment tu m’as aidée à grandir, parce que toute seule j’en étais incapable.

Nerveusement, les doigts de ta main libre dansent sur ta paume. Le plus dur est encore à dire, mais tu ne franchiras pas la porte tant que ce ne sera pas sorti. Tu en as assez de te poser la question du bon moment.

- Tu m’as appris à m’aimer moi-même, et même si j’y arrive pas encore très bien tous les jours, je sais que j’en suis capable. Et maintenant, je peux me vanter de passer du temps avec des personnes que j’aime.

A ces mots, tu t’arrêtes totalement. Ton regard de jade cherchant celui de l’immortelle, tu as abaissé toutes les barricades. Tu parles d’elle. Plus aucun détour, plus aucune dérobade, seulement l’expression certes maladroite de ton sentiment le plus beau et le plus précieux. Pour la énième fois ce soir, ton cœur ce serre, mais cette fois plus qu’il ne l’a jamais été.
Les yeux sertis de perles qui se refusent à couler, la gorge serrée par la main de personne, l’impression que ta poitrine va violemment imploser à chaque nouvel instant de silence se faisant plus long. Jamais tu n’as été plus vulnérable, jamais tu n’as autant offert, et tu ne pourrais pas plus. Comment dépasser cette limite ? Comment offrir plus que sa personne toute entière ?



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- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
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Dim 12 Fév - 0:44 (#)

Dark Romanticism

L’hôtel avait conservé la majesté de ses souvenirs. Elinor s’arrêta un instant sur la seconde marche du vaste escalier de pierres, dont les balustrades massives étaient flanquées de piliers aux sculptures animales. Lions chimériques et serpents monstrueux étaient autant de silencieux gardiens, que les projecteurs cachés dans la pelouse illuminaient de lueurs vives et blanches. Leurs ombres ainsi dressées, créaient des créatures plus dantesques encore sur les murs de l’entrée sculptés de fausses colonnes, qui marquaient le passage vers le hall central. Une atmosphère chaude et chic filtrait derrière ses battants transparents, eux-mêmes situés au centre d’une longue baie vitrée moderne aux interminables rideaux de couleurs vermeils et carmins.

Autrefois, des battants en bois massif fermaient ce hall. Face à ces montants épais de pierres énormes, ces linteaux sculptés d’armoiries oubliées et de créatures rugissantes, l’Elinor d’autrefois avait poétiquement dépeint cette entrée comme celle d’un temple. Et les Cerbères surveillant les portes n’étaient alors que des statues endormies, sur lesquelles ses sens mystiques avaient parfois créé des illusions de vie : les pulsations de narines d’écailles, et les mouvements de paupières reptiliennes. Cet Asphodèle de jadis était empli de banalités toutefois, de mortels y travaillant dans un luxueux bâtiment victorien, comme il en poussait tant à son époque, tandis que le cœur cerclé de mystères trônait au dernier niveau, à son balcon secret.

Elinor en avait fait autre chose. Aujourd’hui, les murs étaient les mêmes, droits et majestueux, les Cerbères y épiaient encore les visiteurs, mais les portes étaient faites de verre. Elle le constatait désormais avec délice, sa chère modernité avait étreint les contours de son ère victorienne, comme le lierre embellissait la pierre, et lui conférait un charme unique, indéniable. L’intérieur recelait d’autres joyaux, bien entendu, dont elle avait choisi l’esthétique et le pratique, avec un soin aussi maniaque que distant. Et leurs éclats n’avaient fait que prospérer entre les mains d’êtres capables qui pouvaient se prévaloir de la rare confiance d’Elinor.

Elle resta un moment ainsi à contempler ce vieux temple, à écouter les hésitations de sa Marquée, et humer les senteurs des conifères. À ceux-ci, les parfums froids et poussiéreux de la vieille pierre s’associaient, créant une opium nocturne, hors du temps, qui invitait à la flânerie et à la philosophie. L’immortelle posa sa valise à côté de ses talons délicats, et se tourna vers Heidi pour l’écouter attentivement, plutôt que de se perdre dans ce tourbillon de sensations que lui offraient la mixture de sa mémoire, et de ses présentes perceptions nocturnes.

« Je comprends, » fit-elle simplement, comme elle préférait laisser Heidi développer ses sentiments plutôt que de l’interrompre en pleine confession.

Comment n’aurait-elle pu la comprendre ? Elle qui paraissait attentive aux moindres inflexions de voix, à la moindre ridule sur la surface d’une expression, comme de simples mortels le feraient d’un livre ouvert. Elle avait deviné ces nœuds fermant les limites de sa Marquée et, patiemment, méthodiquement, les avaient dénoué, d’eux-mêmes ou bien d’une simple pression, comme Elinor l’avait toujours fait. Marionnettiste au besoin, sentimentale à l’occasion, jamais transparente ; c’était certainement cette ambiguïté qui lui avait valu la solitude d’autrefois, tout comme celle d’aujourd’hui.

Pourtant, son esprit demeurait son sanctuaire, une devise vieille d’un siècle et demi à laquelle elle n’avait jamais dérogé. Personne ne pouvait prétendre connaître ses pensées, sinon elle-même.

L’immortelle laissa un silence s’étirer entre elle. Quelques secondes nécessaires, où la déclaration d’Heidi flotta dans l’air, s’imprégna dans les esprits pour que chacune puisse en prendre la mesure.

« Je te remercie, je suis touchée » répondit-elle, en lui offrant son éternel sourire sibyllin. « C’est tout à fait ce dont je parlais, lorsque je t’ai dit autrefois de ne pas oublier ton humanité. Cesser de grandir, cesser de s’émerveiller, cesser de créer ; c’est la perdre, et je suis contente que tu m’aies compris. »

La main d’Elinor délaissa un instant sa valise, pour s’approcher sa Marquée, lui passant son bras autour de ses épaules pour chuchoter. « Je ne t’aurais pas invité à grandir avec moi, si je n’éprouvais aucune affection pour toi. »

Comme pour appuyer sa déclaration, d’une manière qui lui semblait appropriée, l’immortelle l’attira contre elle doucement, et déposa un baiser sur la tempe de sa Marquée. Elle lui sourit, bien que les mèches noires vinrent masquer en partie son expression, et lui murmura doucement à l’oreille.

« Viens avec moi. J’ai envie de te faire découvrir encore beaucoup de choses, et nous avons tout le temps de le faire désormais, n’est-ce pas, » fit-elle sur ce même temps de confidence.

L’invitation n’appelait aucune réponse. Elle lui prit simplement la main, tandis que de l’autre elle prenait sa valise, et l’invita à gravir les derniers marches, pour franchir les imposants battants de l’ancien temple de son initiation. Elinor poussa les doubles portes de verre aux poignées dorées, l’une après l’autre, et entra enfin à l’intérieur de l’hôtel, où une atmosphère climatisée les attendait. Le hall était vide. Quelques clients discutaient sur les voluptueux divans disposés çà et là dans des alcôves, et en face d’elles, le comptoir de la réception se tenait là, généreusement illuminé, avec ses deux réceptionnistes en uniformes.

Des tintements de verres provenaient d’un bar attenant au majestueux hall, depuis lequel filtrait quelques voix et une musique d’ambiance, assez banale comme l’on trouve dans les hôtels. À l’opposé, les couloirs, les escaliers et les battants des ascenseurs attendaient, avec son lot de tableaux décoratifs aux murs, et ses plantes en pot. Elinor s’avança dans le hall, finissant par lâcher la main d’Heidi, pour lui désigner le décor.

« Qu’en penses-tu ? La vue est meilleure dans la suite que j’ai réservé, bien sûr, et l’idée n’est pas non plus de rester cloîtrées entre ces murs. »

Pourtant, l’on peut tant s’émerveiller depuis un balcon éclairé par le clair de lune, pensa-t-elle, en s’offrant un instant de flânerie pour découvrir en personne les modifications de l’hôtel de ses souvenirs. Sa valise à la main, elle déambula ainsi un instant, presque rêveuse, sous l’œil observateur d’un homme, qui se tenait non loin du comptoir. Les bras croisés derrière son dos, celui-ci était vêtu d’un costume élégant d’un bleu sombre, d’un nœud papillon de la même couleur, sur une chemise d’un blanc immaculé. Les cheveux courts et bien lissés en arrière, son air sévère, définitivement britannique, arborait une impressionnante moustache.

L’homme semblait attendre, en observant Elinor. Il avait l’air de la reconnaître. Les lumières du hall se reflétaient sur sa peau étonnamment pâle, et sa posture était d’une immobilité parfaite.

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Dim 19 Fév - 23:22 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



U
n peu en marge de l’hypercentre et de son agitation bourdonnante, l’hôtel s’élève au milieu de sa cour aux pelouses méticuleusement tondues. Une fois encore, tu éprouves le sentiment de découvrir une évidence, comme si le simple fait de savoir que le bâtiment était la propriété de l’immortelle aurait été suffisant pour le concevoir jusque dans les moindres détails. Encore une fois, c’est le mariage caractéristique du neuf et de l’ancien qui se fait le leitmotiv architectural, la une tresse intriquée du gothique et du moderne conférant à l’endroit une chaleur froide, accueillant les âmes capables de l’embrasser.
Allier les contraires, puisque c’est bien de cela qu’il est question, c’est la spécialité d’Elinor. Faire coexister les deux pôles d’un aimant, et les faire paraître aussi naturels que les deux faces d’une pièce. Tu n’as rien à voir avec elle, et c’est peut-être pour cela que tu marches aujourd’hui à ses côtés. Aussi réelles qu’oxymoriques ; tu aimes cette idée, et tout ce qu’elle implique.

Le silence qui suit ta déclaration maladroit est assourdissant. Il appelle une réponse tout en la repoussant farouchement, au moins l’espace de quelques secondes. C’est une musique parfaitement orchestrée, une partition en duo qu’elle et toi avez maintenant l’habitude de jouer : répondre trop tôt viderait les mots de leur substance, trop tard ferait imploser ton cœur dont les battements viennent d’être mis en suspens à ta propre initiative. Dans ces échanges, il y a bien plus qu’un enchaînement de phrases : c’est une perpétuelle démonstration de goût, et un moyen qui n’appartient qu’à vous de vous savoir en phase. Peut-être ne pense-t-elle pas du tout de cette façon, et peut-être n’a-t-elle-même pas conscience que tu fais attention à ce genre de détail. Ce n’est peut-être qu’un fantasme, de prétendre entendre la musique de chaque personne et d’en élire à partir de là les seules avec lesquelles tu daigneras bien t’entendre. Il n’y a si rien de naturel dans les relations sociales pour toi que tu te sens obligée de les relayer au rang d’art ; ça en dit aussi long sur ta propre personne.
Finalement, le bon moment, la bonne parole. Celle qui fait oublier toutes les tergiversations, celle qui arrache la page du carnet et redessine en un battement de cil, un clignement de cœur, la silhouette du bonheur.

Petite, en sortant de l’école, tu regardais les parents des autres enfants les serrer dans leurs bras. Les tiens ballants le long de ton corps, tu te demandais pourquoi tu n’y avais pas droit, et surtout, quelle sensation ça te ferait d’être à leur place. Aujourd’hui, tu n’as de réponse à ni l’une, ni l’autre question. Tu as beaucoup travaillé avec ton thérapeute pour accepter le fait que tous les efforts du monde ne changeront jamais le passé et que ces sensations sont placées hors de ta porté par le verrou du temps. Cependant, tu as tous les droits de découvrir l’affection aujourd’hui. Ce délicat contact sur ton épaule, ta tête penchant doucement et ce baiser sur ton front, et cet aveu merveilleusement bienvenu : c’est un souvenir gravé en lettrines d’or que tu ne cesseras jamais de chérir, même des décennies, et pourquoi pas des siècles plus tard.
Après tout, vous avez le temps désormais, n’est-ce pas ?

Un simple hochement de tête, rien de plus. Tu souris, beaucoup plus largement que tes réflexes aimeraient que tu le montres, et tu essuies tes yeux humides d’un rapide revers de main. Sans doute la fatigue, ce doit être ça. Sans un mot en réponse, tu te contentes de suivre ta marraine à l’intérieur du somptueux bâtiment. L’intérieur est en accord avec l’extérieur : une antichambre du profane dans ce qu’il a de plus impertinent, une ode à l’hédonisme dissimulée sous un drap de velours.

- Je n’en doute pas, mais je suis déjà sous le charme.

Ton sourire avait enfin regagné sa finesse, ce léger ourlet sur tes lèvres ayant subi trop de moues pincées. Ayant conscience de peut-être pousser ta chance un peu trop loin, tu continues avec un ton bien plus poli que celui auquel tu t’étais finalement habitué avec Elinor.

- Tu crois qu’on pourra aller voir les falaises de la côte, un soir ? J’ai toujours eu envie de les voir en vrai…

Toujours, peut-être pas, mais tu l’as envisagé une fois il y a quelques années en tombant sur une carte postale, et depuis l’idée ne t’a jamais vraiment quittée. Enfin, une réponse négative ne sera pas nécessairement source de frustration, tu es plus que certaine que peu importe où vous irez, tu ne seras pas déçue.

Après avoir tenté d’alpaguer une seconde le regard de la vampire, tes yeux refont le tour du hall. Ils tombent une nouvelle fois sur l’homme près du bureau d’accueil, et remarquent une nouvelle fois que celui-ci vous suit du regard. Sa stature élégante et impassible réveille un sentiment étrange de dissidence au creux de ta poitrine. Des intentions malignes, mauvaises, l’envie de le faire sortir de son image et de contempler ta victoire sur son attitude. Tu réprimes tout cela ; tu n’es plus cette gamine effrontée qui allait chercher querelle dans les bouges de Shreveport et qui aurait pu passer des heures devant un feu de poubelles.
A la place, tu t’adresses à ton hôte, certaine qu’elle comprendra de qui tu parles sans plus de précision.

- C’est quelqu’un que tu connais ?


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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Lun 27 Fév - 23:06 (#)

Dark Romanticism

Jeune, Elinor avait haï cet hôtel.
L’époque, tout comme elle, était alors différente, imbue d’empressement et d’avidité, où sa soif neuve et ardente creusait des sillons sanglants sur ces murs que la Bête voyait comme des chaînes. Ce séjour avait été l’idée de son mentor. Non pour resserrer les liens qui les reliaient, lui et la nouvelle-née, mais bien pour restreindre cette fièvre mauvaise, meurtrière, qui couvait dans les charmes empoisonnés de cette femme fatale que le français avait choisi comme élève. Enfermée entre ses murs et ses colonnades sculptées à la démesure gothique, l’Elinor de jadis avait ainsi acquis quelque sérénité, fut-elle simplement de façade.

La nouvelle immortelle avait joué le jeu. Et lui aussi avait joué son jeu, que l’expérience des siècles avait dépouillé de toute illusion, du moins en partie, pour assagir cette créature venimeuse qu’il avait lui-même créé. Cela avait fonctionné, croyait-il. La soif avait été recouverte d’un commode et gracieux lit de soie, le tulle avait épongé les jets de sang, et la maçonnerie victorienne avait jeté un voile pudique sur les cadavres. Mais la démesure de l’ambition de son élève était demeurée aussi solide que les chapiteaux sculptés de fantaisies soutenant les colonnades ; la Bête avait accepté ses chaînes, pour mieux en tirer profit.

Tout cela restait dans sa mémoire, aujourd’hui. Les souvenirs affleuraient sous l’étoffe neuve d’imitation ancienne, dont s’habillaient les murs restaurés du vingt-et-unième siècle, et partout où l’attention d’Elinor se portait, des détails familiers mordaient dans ses émotions. Ici, une armoirie d’antan sculptée dans la pierre. Là, le même comptoir de jadis, toujours d’usage. Le hall était ainsi piqueté de vieilles étincelles surgissantes du passé, qui réveillaient un mélange étouffé d’émotions diverses. Joie, curiosité, frénésie, impatience, et d’autres encore tournoyaient dans le creux de son cœur, sans troubler la surface égale de son expression.

« Bien sûr que nous pourrons, » fit-elle, encore sous l’emprise d’une certaine ivresse, une certaine cassure entre passé et présent. « Elles ne seront visibles que sous la lumière de la lune, seulement. »

Indéchiffrable comme à l’accoutumée, Elinor sourit une nouvelle fois à sa Marquée, elle qui ne se doutait ni de ses pensées, ni du passé commun sommeillant entre elle, cet hôtel et ses vieilles terres. Le moment est sans doute idéal, se convint-elle, en tournant les yeux vers cet homme patientant à côté de la réception. Costume aux coutures d’un bleu sombre parfait, nœud papillon assorti, sa bienséance le recouvrait comme une aura, et détonnait même dans ce hall aux tentures si droites, au mobilier si bien tenu. Comme les deux femmes l’observaient, Elinor lui adressa un sourire poli, et l’homme prit l’initiative de s’avancer vers elles d’un pas assuré, tandis qu’elle faisait de même, entraînant Heidi et leurs valises dans son sillage.

« C’est le directeur de l’hôtel, » fit-elle à Heidi sur le ton de la confidence, tout en marchant. « Il est des nôtres. »

N’oublie pas les convenances, aurait-elle pu ajouter, mais Elinor s’abstint. Il est des nôtres, quatre mots qui contenaient toute la mise en garde nécessaire, d’une sobriété et d’une subtilité toute britannique, comme il était d’usage dans ces contrés. Quant à la confiance envers Heidi, il aurait été irrespectueux de la mettre en doute désormais, à ce moment-là et en ces lieux. Ainsi, Elinor et l’homme franchirent chacun la moitié exacte de la distance les séparant, s’arrêtant sous le halo tamisé d’un lustre, qui avait vu lui aussi l’époque des navires à vapeur sur la Tamise, et les ports encombrés du cœur de l’ancienne Londres.

Elinor afficha l’un de ses sourires de circonstance, en tendant sa main. « Bonsoir, monsieur Folcey. C’est un plaisir de vous revoir enfin en personne. Cela fait sans aucun doute une éternité. »

La moustache de l’homme frémit en un sourire similaire. Par un mouvement fluide, élégant et économe, il saisit la main tendue d’Elinor sans la serrer, en s’inclinant poliment. « Bonsoir madame Lanuit. Soyez assuré que le plaisir est réciproque. Le voyage a-t-il été convenable ? »

Il avait une voix profonde, mesurée et veloutée. Tout dans la personne de Folcey démontrait une économie de mouvements et de mots à la manière britannique, une force sobrement masquée, dont l’attention était alors focalisée sur Elinor. Il n’offrit aucun regard à Heidi, qui n’avait pas encore été présentée.

« Excellent, je n’ai pas vu le temps passer à dire vrai. » Elle se tourna alors vers la jeune femme à ses côtés, qu’elle désigna d’un sobre revers de sa main. « Oh, je vous présente mademoiselle Heidi Janowski, qui m’accompagne toujours désormais. Heidi, voici monsieur Tom Folcey, qui s’occupe brillamment de cet hôtel. »

« Assurément, vous me flattez, » fit-il avant de se tourner vers Heidi à son tour, tendant la main vers elle en s’inclinant de la même façon. « Et assurément, vous êtes des nôtres, mademoiselle, enchanté de vous connaître. J’espère que la nuit dans notre vieux pays vous convient ? »

L’homme lui offrit le même sourire aimable qu’il avait adressé à sa maîtresse. Elle est des nôtres, s’amusa-t-elle, interprétant aisément que l’homme avait entendu son avertissement à l’encontre de sa Marquée. Habile, il s’était refusé d’en faire impoliment la remarque, de la même manière qu’il cachait derrière ses manières un examen attentif de la nouvelle venue. La bienséance empoisonnée des clans de Londres, ainsi que Elinor la reconnut et s’en amusa sans le montrer, comme les retrouvailles avec un ancien cousin dont on se méfiait cordialement. Ce jeu mondain lui était revenu aussitôt. Quelques manières policées, quelques paroles en apparence cordiales, qui cachaient toutes un regard acéré, auquel nul ne devait se fier.

L’œil du loup, simplement. Celui qui cherche le moindre signe de faiblesse, et qui se revêt des accords tissés comme d’une second peau d’innocence. Elinor n’ajouta rien. Elle adressa un sourire entendu à sa Marquée, celui qu’elle employait pour l’assurer de son soutien, et haussa un sourcil ; celui que Tom Folcey ne pouvait pas voir. Lui attendait patiemment la discussion. Il était directeur d’un hôtel que Elinor possédait, immortel à son tour, mais ces terres étaient vieilles, tout comme ses vampires étaient rusés. Qui aurait pu honnêtement se fier à de telles relations ? Certainement pas Elinor. Elle aussi était trop rusée pour cela.

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Mar 28 Fév - 16:29 (#)



Dark Romanticism
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ft. Elinor



E
videmment, vos excursions ne pourront se faire que de nuit, mais tu t’y attendais. Oh, tu te doutes bien que tu auras la liberté de découvrir quelque partie de la ville encore illuminée par le soleil. Toute heureuse et comblée de partager ce voyage avec Elinor, tu auras à coup sûr besoin de te retrouver seule quelques heures de temps en temps afin de canaliser ta surcharge émotionnelle. Tu auras tout le temps de planifier – ou non – tes excursions solitaires – ou non – une fois installées. Le piano à queue qui trône fièrement de l’autre côté du hall figure notamment sur la liste de tes impératifs à remplir.
La réponse à ta deuxième question suit également. Elle était à moitié rhétorique ; connaissant l’immortelle, il était inconcevable qu’elle ne connût personne de relative confiance dans un établissement qu’elle possède. La figure vous fixant avec flegme sans cligner depuis votre entrée semblait toute désignée pour jouer ce rôle. La réelle question résidait surtout dans l’identité exacte de l’homme à la moustache survivante d’un autre temps. Il est l’un des vôtres. A la fois précis et vague quant à la nature réelle du directeur, mais suffisant pour savoir que le secret de la vôtre n’est pas à protéger avec lui. Une sorte de soulagement, mais aussi la mise en garde d’une toute autre hiérarchie à respecter.

Accompagnant fidèlement les côtés de l’immortelle, tu avances toi aussi de quelques pas pour enfin initier la rencontre. Instinctivement, tu te redresses, le dos bien droit et le port du menton plus noble. Silencieuse, tu écoutes les deux britanniques se présenter leurs politesses de rigueur. Les manières sont datées, à l’instar de leurs mots et leurs formules. C’est un monde complètement différent du tien, presque comme une bulle d’une autre classe et d’un autre temps. Or, tu aurais forcément dû te douter que tu allais toi aussi devoir te prêter au jeu.
La vérité est que tu n’es pas préparée à ce genre d’interaction, et il pourrait tout à fait s’agir d’un énième test orchestré par Elinor pour une raison quelconque et sans doute à moitié pour son propre divertissement. Ou bien peut-être simplement de la paranoïa de ta part, ce qui est tout aussi, sinon plus probable que ta première hypothèse. Le fait est que tu dois réagir et ne pas simplement rester figée et muette devant ce Folcey.

Une tension imperceptible sur ton visage pendant une fraction de seconde, et tu tends ta main en retour, à l’image d’Elinor il y a quelques secondes à peine. Celle du directeur est froide, comme un indice de plus à propos d’un fait que tu soupçonnais déjà fortement. Un fin sourire poli en retour au sien, puis vient ton tour de prendre la parole. Tu t’éclaircis une seconde la gorge soudainement nouée par l’appréhension, et te lances en sentant quatre yeux braqués sur toi comme si toute ta vie allait dépendre de ta réponse.

- De même. C’est toujours un plaisir de faire connaissance avec un ami de Miss Lanuit.

Toujours, c’est tout de même un bien grand mot, puisqu’il s’agit vraiment là de la première fois, et tu n’es pas particulièrement enchantée. Tu as bien conscience que tout cela n’est que de l’étiquette et que rien n’a besoin d’être sincère. Il s’agit seulement d’une sorte de mot de pas, une manière de discriminer ceux que l’on voudrait juger indignes. Tu n’y es pas vraiment entraînée et pour dire vrai, tu t’inspires en grande partie des livres que tu as lus pour singer les manières de la haute. Tu n’es pas née dedans, et tu es presque persuade que cela peut se lire sur ton visage, alors ils devront se contenter de tes meilleurs efforts cautionnés par une aristocrate véritable. Oh, comme elle est loin ce soir, la gamine farouche qui s’est introduite sans autorisation à la soirée de gala organisée par Miss Lanuit pour y piquer vivres et champagne.
Tu poursuis, tâchant de faire fi de la violence de l’injonction à la conformation qui t’incombe. Tu soulages ta conscience d’esprit rebelle en te disant que pour casser les codes, il faut d’abord savoir les suivre, et que le rejeter d’emblée n’est qu’une preuve de défaite. C’est la même mentalité que tu as appliqué à ton art, et tu juges qu’elle t’a plutôt bien réussie, au moins sur ce plan.

- J’apprécie beaucoup le peu que j’ai pu en découvrir, mais comment pourrait-il en être autrement en telle compagnie ?

Ton sourire de façade est au bord de la rupture, et toi de l’asphyxie. C’est comme si tu étouffais ta véritable nature de l’intérieur. Finalement, tu pousses – intérieurement toujours – un long sourire de soulagement en voyant Folcey hocher doucement la tête et sourire à nouveau après un court rire de circonstance.

- J'en conviens. Vous savez assurément vous entourer, mademoiselle Janowski.

Enorgueillie du sentiment d’avoir su passer le test, tu rejettes légèrement les épaules en arrière et hausses subtilement le menton tandis que le caïnite local se tourne à nouveau vers ta marraine.

- Alors dîtes-moi madame Lanuit, êtes-vous ici pour affaire ou bien parce que vous avez enfin eu assez d’être associée à un clan de français ?

Le dédain du directeur envers le peuple de l’hexagone paraissait bien plus réel que le couvert d’humour britannique utilisé voulait bien le laisser paraître, bien à l’abri derrière sa moustache. Y aurait-il eu, il y a des décennies de cela, du grief à ce sujet ? Intéressant, pour sûr.

- Mais je manque à tous mes devoirs, veuillez me pardonner. Nous allons faire monter vos bagages directement dans votre suite.

En un geste habile de la main, il invoque ainsi une paire d’employés à l’uniforme parfaitement repassé pour récupérer vos valises sous son œil sévère et disparaître aussitôt leur besogne accomplie.

- Soyez assurée que j’ai vérifié moi-même la qualité des aménagements que requiert une personne de… votre qualité.

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En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Sam 4 Mar - 22:36 (#)

Dark Romanticism

Quelques manières surannées. Quelques joutes de politesses. Une moustache incisive, une échine droite, et un costume de parfaite facture. Aussi simplement que cela, Elinor fut emportée dans ces arènes que l’on ne nommait jamais, des cercles obscurs d’aristocrates éternels, eux-mêmes sertis dans des cercles de traditions séculaires et d’inextricables bienséances de toutes les époques. Ainsi étaient les cours d’Europe. Les vieilles terres recelaient ces catacombes des bonnes mœurs, où chaque immortel déposait une chandelle, sans doute de peur de croiser le reflet de sa propre époque, sous une épitaphe indéchiffrable et oubliée de tous.

Qu’était-ce d’autre, sinon la crainte du bouleversement ? Qu’était-ce d’autre, sinon l’ennui ? Elle qui n’avait d’autre credo que de rechercher l’émerveillement de la nouveauté, ces antiquités verbales n’avaient hélas, à ses yeux, rien de merveilleux. Elinor ne s’y prêtait que de façade. Un masque de marbre, qu’elle avait enfilé depuis bien avant son étreinte, alors qu’elle évoluait encore parmi ses milieux huppés anglais, que le sieur Folcey n’aurait point dédaigné. Tom Folcey appartenait à cette espèce d’immortels conservateurs, croyant que le strict respect des coutumes et des mœurs antiques garantissait la continuité de leur race.

Son Sire aurait eu son mot à dire à ce sujet. Elle aussi, d’ailleurs. Pourtant Elinor se tut, en abandonnant sa Marquée aux affres du maniérisme empoisonné et des dagues dissimulées dans un écrin de soie. Il y avait tant à dire sur ce Folcey. Membre de l’Essaim de Londres, le vampire était vieux, et n’était pas à pleinement parler l’employé d’Elinor ; tout au plus un associé à l’écoute. En vérité, l’hôtel était d’un point de vue officiel et légal, la propriété entière d’Elinor Lanuit, tandis que les terres sur lesquelles il était construit restaient la propriété officieuse de l’Essaim de Londres. Un contrat tortueux, mais qui allait de soi pour ces éternels.

Tom Folcey assurait l’entente. Gardien des lieux, l’immortel veillait à maintenir l’ensemble de ces murs, leurs apparences et leurs prestances, aussi bien pour les autorités humaines, que pour le séjour des immortels en tourisme. Et derrière ses politesses datées, Elinor le devinait bien, se dissimulait l’œil de l’Essaim, attentif et méfiant, qui avait investi Folcey d’une double mission de surveillance. Car, somme toute, qui pouvait prédire ce que ces français avaient à l’esprit en conservant cet hôtel ? N’essayaient-ils pas d’endormir leur vigilance en allouant l’hôtel à une anglaise et membre de leur clan ? Nul ne devait se fier à ces français, disait-on ici.

Elinor sourit à toutes les intentions, qu’elle devinait filtrer à travers ces mots aussi effilés que l’esprit de cet homme, dont la moustache d’un autre temps ne gâtait en rien sa dangerosité. Un sourire qu’elle reprit alors à son compte, s’adressant à son tour à Folcey et sa saillie fielleuse sur le clan des Lanuit.

« Ma foi, et tout à fait entre nous, je dois bien avouer que fouler le sol anglais est un réel bonheur. Je n’ai eu droit qu’aux mœurs françaises ces dernières décennies, » lui répondit-elle sur le ton de la confidence.

L’Anglais n’en fut que plus ravi. Une vieille fierté britannique subsistait dans ce cœur froid depuis des siècles, comme une faiblesse sur laquelle Elinor ne s’était jamais privée d’appuyer. Folcey s’en doutait-il ? Peut-être. Mais l’un comme l’autre jouait le jeu des non-dits et, cela elle le devinait, Folcey aimait réellement ces persiflages envers la France. Un vieil héritage sans doute, avait pensé Elinor. Le vampire appela le personnel d’un claquement de doigt, et deux employés tirés à quatre épingles emportèrent chacune de leurs valises.

« Revoir des compatriotes est une bouffée d’air frais. Et vous connaissez les français... » Folcey lui rendit son sourire, comme si tout cela était une devise bien connue. « De la vanité au ridicule, il n’y a qu’un pas. »

La moustache se plissa de plus belle. « Naturellement. Vous m’en voyez tout à fait navré. Mais je discute, et vous voulez sans doute prendre congé. Il ne me reste qu’à vous souhaiter un excellent séjour. Mesdames... »

Tom Folcey s’inclina à nouveau en une révérence. « Merci monsieur Folcey. Je n’ai aucune crainte quant à la qualité de notre séjour entre vos mains, » termina-t-elle en s’inclinant légèrement.

Quelques nouvelles révérences, et le maître des lieux s’en fut. Il tourna prestement les talons, et son costume bleu sombre s’effaça dans les ombres de l’escalier menant à quelques coulisses de l’hôtel, une tâche d’ombre aussi droite que ses usages. Le sourire d’Elinor s’évapora aussitôt, laissant la place à une moue songeuse, qui se mua à nouveau en sourire malicieux en se tournant vers sa Marquée, vers laquelle elle se pencha pour lui murmurer à l’oreille, une fois Folcey hors de portée.

« Le pas de Calais, » fit-elle dans un murmure malicieux, sans aucun doute en réponse à la discussion à propos des français.

D’un hochement de tête complice, Elinor l’invita à la suivre en contournant le comptoir de l’accueil, vers les trois ascenseurs aux battants dorés, qui patientaient en attendant leurs riches clients. Elle pressa le bouton du dernier étage et, comme les portes s’ouvraient sur la cabine vide, Elinor entra en silence, appuyant une seconde fois sur le bouton du dernier étage, une fois seules à l’intérieur. La cabine était tapissée de bois d’ébène. Une couleur sombre, que la lumière moderne éclairait avec vigueur, conférant à l’espace réduit une chaleur intimiste. Elinor s’appuya contre la rambarde qui ceinturait les murs à mi-hauteur, tandis que le ronronnement de la cabine les emmenait jusqu’à la fameuse suite que Folcey leur avait préparée.

« Tu as réussi à survivre au jugement du fameux Tom Folcey, chantre de l’Essaim de Londres et gardien des bonnes mœurs. Je me dois de te féliciter. » L’immortelle ouvrit son sac à main qu’elle avait conservé avec elle, pour en tirer son téléphone. « Ton accent posh est d’ailleurs mieux que ton cockney, » compléta-t-elle sur le même ton narquois.

L’écran de son téléphone afficha plusieurs appels manqués du même correspondant. Elle fit la moue en faisant défiler les notifications sur l’écran, avant de composer rapidement un message.

« Que décide-t-on pour cette nuit ? » demanda-t-elle en écrivant. « Je suppose que tu dois avoir envie de te reposer après des heures en avion. Tu préfères que nous restions à l’hôtel ? Je te rappelle que c’est à toi de décider du programme. »

Elinor lui adressa son éternel sourire malicieux. Un appel soudain l’interrompit, fanant un court instant son air complice, qu’elle refusa sans hésiter. L’ascenseur s’ouvrit alors sur le dernier étage, un couloir luxueux aux tapis épais, dont les murs étaient sertis d’appliques murales élégantes, tamisées et dorées. Les lieux étaient enveloppés d’un silence feutré. Elinor s’avança aussitôt dans le corridor, à la recherche de cette suite, où elle avait jadis vécu accompagnée d’un français, voilà plus d’un siècle de cela.

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Mer 15 Mar - 0:05 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



L
e nombre de soupirs d’impatience que tu réprimes à la minute est affolant. Quiconque te connaissant un tant soit peu sait que tu as une horreur toute particulière des conventions sociales, et ce pour deux raisons. La première est que ce sont des conventions, et la deuxième est qu’elles sont sociales. Pour une artiste, tu es parfois d’un pragmatisme étonnant. La question « pourquoi » accompagne la plupart de tes actions, jusqu’au simple fait de dire bonjour, et très peu des réponses auxquelles tu aboutis ne te ferait bouger le petit doigt si tu n’écoutais qu’elles. Perte de temps. Inutile. Pas besoin. Bon pour les serpillères du système. Du relativisme au nihilisme, il n’y a qu’un pas dans lequel tu as une tendance prépondérante à te vautrer.
Ca n’est cependant pas une manie contre laquelle tu te bats particulièrement. Bien sûr, tu fais en sorte d’être un peu plus compliante avec les normes lorsque la situation le requiert – arrêter de faire ta petite conne, en somme – mais tu mets un point d’honneur à différencier la façade du cœur. C’est peut-être stupide, ou pas, cette question ne se pose même pas réellement pour toi, mais il y a un aspect fondamentalement identitaire à cette mauvaise foi crasse. Pas une excuse, excuse à quoi de toutes manières puisque selon toi la faute ne t’incombe pas, mais un début d’explication. Une volonté de te détacher d’un monde que tu ne reconnais pas comme le tien.
En y songeant un instant, cet attachement presque déraisonnable à l’étiquette et la tradition est difficilement compréhensible une fois appliqué à un vampire. Eux qui se revendiquent au-delà des règles humaines, souvent de leurs lois, conservent leurs conventions tacites et désuètes ? Peut-être est-ce là une dernière ancre à une humanité perdue depuis bien longtemps. Tu sais qu’Elinor est différente, et que les codes derrière lesquels elle fait ses affaires n’ont rien d’idéologiques. Si c’était le cas, tu ne serais pas ici à t’en faire la réflexion.

La conversation finit par arriver à son terme, et votre hôte se détourne de vous pour retourner s’occuper de ses affaires, sans doutes rangées avec un soin qui témoigne plus de la névrose que d’une réelle qualité ; mais qui es-tu pour juger après tout ? Tu te forces à garder la pose jusqu’au moment où les portes de l’ascenseur se referment, isolant Marraine et toi du reste du monde l’espace d’une minute.

- Kurwa kurwa kurwa kurwa kurwa. Chuj ci w dupę kurwa.

A peine la cabine fermée, tu laisses siffler entre tes dents un flot de grossièretés dont l’absolue nécessité était née de toute la difficulté du maintien de ton imposture. Comme un fixe d’une substance euphorisante, tu sens ton corps tout entier se détendre sous l’effet de cette vulgarité si douce à ton cœur. L’instant suivant, Elinor t’adresse ses félicitations, et tu acceptes volontiers la reconnaissance de ton effort, même si celle-ci est encore est toujours enrobée de son ton si caractéristiquement mutin. Tu lèves doucement les yeux au ciel, ou plutôt vers le faux plafond, et souris doucement en coin tout en remarquant l’exaspération momentanée de la vampire à la vue de son téléphone.
Remarquant également l’appel rapidement refusé, tu suspens une seconde ta réponse avant d’être sûre qu’elle est prête à être reçue.

- Je te cache pas que oui, cette nuit j’aimerais avant tout rattraper le sommeil que j’ai en retard. Avec l’accélération de mes projets, disons que j’ai un peu rogné là-dessus.

Et par là, tu entends que tu as passé trop de nuits à travailler dans le silence moelleux pour ensuite être réveillée trop tôt par la volonté d’aller courir tant que la ville dort encore. Forcée à gratter quelques heures de sommeil en journée, tu as juste veillé à détruire méthodiquement pour ton corps toute notion de cycle circadien. Mauvaise idée.

- J’irai sans doute faire un tour dans le quartier demain quand il fera jour, aller chercher une babiole à ramener à Anaïs, et puis prendre le temps de réfléchir à un truc intéressant à faire le soir. Je te ferai la surprise, et puis ça te laissera le temps de… gérer tes trucs.

A ton tour, tu lui adresses un sourire narquois en dirigeant ton regard vers le téléphone toujours entre ses mains. Les battants couleur d’or s’ouvrent finalement sur le couloir richement décoré dans un bâillement que tu caches d’un mouvement leste du coude. Bientôt, la suite luxueuse plongée dans l’obscurité se dessine sous tes yeux, et sans même daigner allumer la lumière, tu t’avances jusqu’à l’un des lits, défais tes chaussures, et t’y glisses en retenant un empressement juvénile. L’instant d’après, la réalité finit de glisser entre tes doigts et tu rejoins le royaume molletonné de Morphée.

***

Défoncer la porte d’un coup de pied aurait été une entrée dramatique et théâtrale, et Dieu sait que tu aimes ce genre de mise en scène loin de toute idée de subtilité et de sobriété, mais tu sens peser dans ton dos le regard et la moustache de Folcey, et c’est étonnamment très dissuasif. A la place, donc, tu ouvres la porte de la suite avec délicatesse, espérant trouver Elinor réveillée et apprêtée, parce que tu sais ce que vous faites ce soir. Entrant alors dans la pièce un sourire satisfait trônant au coin de tes lèvres, tu attrapes rapidement le regard de l’immortelle.

- Cette nuit, on va au zoo.

Oui, il est fermé, et c’est bien là tout l’intérêt de la chose. Comment rentrer ? C’est un menu détail dont vous vous accommoderez une fois sur place. Le taxi est en route et devrait arriver devant l’hôtel d’une minute à l’autre.

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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Mer 5 Avr - 18:39 (#)

Dark Romanticism

Loin dans la nuit londonienne, une cloche sonna. L’écho s’atténua fortement en franchissant les artères de la ville en contrebas de l’hôtel, où les moteurs des voitures mordaient la quiétude nocturne. Du haut de son balcon, Elinor entendit ces dernières notes mourantes qui montaient depuis l’avenue encombrée, avec une foule de bruits discordants, que l’espace vide de l’appartement derrière elle transformait en une sinistre plainte. Accrochée au ciel comme un œil larmoyant, la clarté de la lune se heurtait aux nuages sombres, que la nuit d’été accumulait devant sa face, à la manière d’un pansement d’ouate. Une compresse pour cet astre dont la lumière rêveuse et le romantisme noir, s’étiolaient au fil des siècles et des raisonnements modernes.

L’immortelle, elle, l’observait encore. Assise confortablement dans l’un de ces fauteuils coquet et moelleux, dont leur suite était bien dotée, elle s’autorisait quelques instants d’un divertissement rare dans son emploi du temps : elle ne faisait rien. En vérité, Elinor perdait son temps. La tombée de la nuit l’avait éveillé dans la seconde moitié de leur suite, celle cloisonnée et verrouillable de l’intérieur, comme Folcey lui avait spécifié. Des précautions, dont elle-même et le vampire avaient convenu, voilà des années de cela, à destination des invités immortels tels que les membres du clan Lanuit. Le reste de leur suite correspondait à ses attentes.

Toute une section était consacrée aux occupations humaines, avec sa chambre et sa pièce à vivre, sa cuisine et sa salle de bain, dont les balcons privés offraient une vue imprenable sur les vieux immeubles du centre-ville. La vampire elle, s’était allouée le reste de la suite, plus petit mais sécurisé, où l’on pouvait totalement fermer les fenêtres, où sa chambre de jour était verrouillée de l’intérieur par un code personnel. La sécurité des siens faisait partie des critères indispensables qu’elle avait tenu à faire respecter dans l’hôtel, pour ses propres besoins, comme pour conserver la bienveillance des visiteurs immortels à l’intérieur de Londres.

Leurs immenses fenêtres donnaient sur ces balcons suspendus au-dessus des artères, où les fines draperies des rideaux bleu pâle voletaient dans la brise urbaine, et caressaient les rambardes de pierre sculptée. Elle s’était installée là-bas, entre ciel d’aujourd’hui et nuit de jadis, en se remémorant ce temps lointain, où une jeune immortelle s’était tenue au même endroit, après avoir joué d’un clavecin désormais emporté aux États-Unis. Un temps où cette cloche sonnait avec plus de netteté, où les humains mouraient plus souvent, où la nuit n’était pas irradiée par toutes ces lumières urbaines. Un temps de découverte et de chair à vif.

« Donc, tu n’as rien à me dire ? » fit une voix féminine, forte avec un accent cockney, qui sortait du haut-parleur du smartphone posé sur la table à côté du fauteuil d’Elinor.

Cette dernière parut sortir d’un rêve mélancolique. Lascive et immobile, sa silhouette s’anima quand, enfin, elle tourna la tête vers l’appareil moderne sur cette table en bois ouvragé, dont elle sembla soudainement se rappeler de la présence. La même brise londonienne s’insinua entre les pans de sa fine chemise blanche, laissée entrouverte et déliée sur son buste, par-dessus une jupe courte et satinée de la même couleur.

« Qui puisse être banalement raconté par téléphone ? Ce serait mal raconter un siècle d’absence, non ? » lui répondit-elle sur un ton las, apparemment peu inclinée à la conversation.

La réponse fut brève. « Très bien. » Et la tonalité de la communication coupée ponctua le silence, tandis que le bruit de la porte de leur suite se faisait entendre. Elinor en sourit. Elle resta là, accoudée, le menton posé dans sa main, et sa posture lascive ne s’émietta en rien quand sa Marquée vint la rejoindre d’un pas pressé. L’immortelle l’écouta sans mot dire, du haut de sa superbe, dans ce fauteuil qui la poussait à une paresse qu’elle commençait justement à apprécier. Le vent malin revint découvrir un coin de son ventre, laissant sa chemise évanescente, comme si Elinor ne se souciait que peu de la perfection de sa tenue ce jour-là.

Un silence s’étira entre elles. La vampire attendit la suite de l’imprécation de sa Marquée, mais comme nul explication ne venait, elle poursuivit seule.

« Au zoo ? Vraiment ? Qu’est-ce qui suscite chez toi cette soudaine passion pour les animaux autrefois libres, et désormais coincés derrière des barreaux pour que des humains voyeuristes viennent leur jeter des cacahuètes ? »


Détestait-elle les zoo, à l’entendre ainsi ? À vrai dire non, mais, comme son éternel sourire malin en était la preuve, Elinor raffolait de ces joutes verbales avec sa Marquée. Manifestement peu décidée à délaisser son fauteuil de paresse, la vampire poursuivit sur ce même ton, de celle qu’on allait devoir convaincre.

« J’imagine que tu as trouvé un moyen pour outrepasser les très probables caméra de sécurité, et autres alarmes qui doivent certainement scruter tous les recoins d’un zoo aussi vieux et cher ? Par ailleurs, tu sais que je commence à apprécier la fainéantise ? »

Un rire discret ponctua sa déclaration. Elle se redressa pour saisir son téléphone d’un mouvement lent, peu décidée à se presser à cette heure, et fit nonchalamment défiler ses derniers messages.

« Je sais que tu as déjà vu l’intérieur d’une cellule de police, mais je ne suis pas certaine de vouloir partager cette expérience, même avec toi, » fit-elle, moqueuse. « Pourquoi cette idée soudaine ? »

Elle-même couvait ses propres idées. Des escapades dans les rues de la Londres moderne, pour chercher les traces d’une jeune vampire de jadis, et faire mieux que cette dernière ; mieux que ses escapades impulsives, mieux que ses découvertes voluptueuses. Elinor avait mûri, somme toute. Et elle n’avait en rien perdu de ce tranchant d’autrefois, ni sa sensualité venimeuse, ni sa liberté de conscience ; quoiqu’en dise son interlocutrice téléphonique.

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Mer 26 Avr - 1:34 (#)



Dark Romanticism
Londres, été 2021
ft. Elinor



A
lors que le silence s’étire malicieusement entre vous comme un terrain de jeu, tu lèves d’ores et déjà les yeux vers le plafond orné de riches moulures sans doute typiques d’un style architectural précis que tu ne saurais nommer. La pose, le regard, le sourire d’Elinor indiquent sans même le moindre mot que le taxi devra sans doute attendre. Depuis le temps que vous vous connaissez maintenant, tu aurais raisonnablement pu t’y attendre, mais ce doit être l’air britannique qui exacerbe ta naïveté. Pendant un court instant, tu tentes intérieurement de deviner ses prochains mots ; exploit que tu es déjà parvenue à accomplir à de rare mais ô combien satisfaisantes occasions. Malheureusement, sa réponse dépasse la vitesse de tes pensées, et tu balaies tes hypothèses d’un revers de main mental pour l’écouter à la place. Des animaux auxquels des humains voyeuristes jettent des cacahuètes ? Tu es musicienne, tu sais ce que c’est, ce serait l’occasion de te trouver de l’autre côté, pour une fois. Ironie mise à part, elle marque un point en faisant remarquer la nécessité de trouver un subterfuge pour pénétrer la citadelle animalière que doit être le zoo de Londres. C’était un point que tu aurais aimé aborder un peu plus tard dans la chronologie des événements. Sobrement, tu soupires tandis qu’elle te rappelle ton passé de délinquante juvénile et que tu lui réponds par un regard au message terriblement explicite.
Rapidement, tu comprends qu’il ne sert à rien de presser les choses, alors tu te laisses agilement tomber dans le fauteuil chesterfield en face du sien. La position que tu y prends es délibérément provocatrice elle aussi, très loin des standards imposés par l’endroit et une certaine partie du personnel.

- Toi ? La fainéantise ? A d’autres, je parie que tu passerais pas une heure loin de ton téléphone pour envoyer un message d’affaire ce soir.

Provocation éhontée et même pas dissimulée ? Tout à fait. Mais qu’as-tu à y perde ? Si elle y parvient, cela veut dire que tout son temps te sera consacré et c’est un très bonne nouvelle ; sinon, eh bien c’est Elinor, elle fait ce qu’elle veut, tu ne vas pas lui en tenir rigueur. Cependant, reste maintenant à répondre sur le sujet principal de la discussion.
Prenant tout ton temps par un mimétisme dont tu ne te rends même plus compte, tu jettes un regard à travers la fenêtre. Les saules semblent attendre aussi ta réponse tels les juges impartiaux de votre joute.

- Je voulais aller au zoo parce que j’y suis jamais allée. C’est des trucs qu’on fait en famille, il paraît. J’aurais pu y aller toute seule aujourd’hui mais ça aurait pas été pareil.

Tu as appris à te montrer sincère avec l’immortelle, avec le temps, sans qu’elle ait à te jeter un de ces regards qui te signale avec accablement qu’elle sait que tu mens. Ca te coûte, sur le moment, mais tu ne te souviens pas d’une seule fois où tu as regretté par la suite. Un nouveau soupir t’échappe, et tu tentes de regagner un peu de constitution en te redressant sur ton siège.

- Pour rentrer… je pensais que je pouvais te montrer que j’avais bien progressé avec le don que tu m’as transmis et demander simplement au gardien de nous laisser passer. Je veux dire, d’expérience si on agit comme si on était bel et bien censées être là, peu de chance qu’on nous emmerde.

Ressentir ce que cela fait d’être au-delà du jeu, n’est-ce pas là l’objectif de votre voyage ? Pour un moment, tu te tais et tente de décrypter son avis sur ta proposition dans son langage corporel. Forcément, tu n’en tires pas l’ombre d’une certitude. Tu poursuis alors avec un autre argument.

- Et puis, ne va pas me faire croire que dans le répertoire de Madame Elinor Lanuit il n’y a aucun numéro qui nous permettrait de rentrer comme deux reines dans leur château.

Ton sourire s’agrandit un peu et se teinte d’espièglerie. Tu exagères sans doute un peu, même si tu ne serais pas étonnée le moins du monde. Or, une étincelle autrement plus narquoise s’est mise à briller au fond de tes yeux de jade. Tu te demandes si ce ne serait pas le moment de sortir un atout de ta manche, une carte que tu brûles de révéler avec impertinence depuis le moment où tu l’as gagnée. Avoir eu la maitrise et la patience de ne pas l’avoir sortie plus tôt relève d’ailleurs du miracle. C’est trop tard, tu es décidée maintenant ; ton sourire trahit une jubilation anticipée.

- Enfin, peut-être pas celui d’Elinor, mais peut-être celui de… Victoria ?

Le regard littéralement braqué sur les pupilles sombres de l’immortelle, tu te refuses à laisser passer la moindre miette de sa réaction.
Des mois que tu es en possession de cette information. Ca remonte à l’époque à laquelle tu décortiquais avec avidité les partitions manuscrites de Jean. Sur l’une d’entre elles, dans la marge, une note délicieusement impertinente : « amuse toi bien Victoria ».

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